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LES PHILISTINS

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Message  Arlitto Mer 02 Mar 2016, 16:03

LES PHILISTINS 


La « Palestine »Questions à propos d'un nom


La création récente d'un État palestinien nous invite à nous interroger sur l'origine de cette dénomination : d'où vient ce nom de Palestine?


Le fruit d'une transformation
     La forme actuelle du nom résulte de transformations, à travers les siècles, du mot hébreu Pelishtîm, que nous transcrivons Philistins. C'est ainsi que les Israélites nommaient une bande de guerriers que les Égyptiens appelaient Pereset, et les Assyriens, Palastu. L'ancien historien grec, Hérodote (Ve siècle av. J.-C.), nous parle de Palaistinè (Palestine), contrée située entre la Phénicie (Liban) et l'Égypte. L'empereur Hadrien, au début du IIe siècle ap. J.-C., à la suite de sa conquête du Proche-Orient, crée en cette région la Provincia Palestina,désignée du seul nom de Palestina à partir du IVe siècle de notre ère jusqu'à nos jours. Nul ne peut douter de l'origine exacte de ce nom: il fait directement référence aux Philistins, mais sous la forme assyrienne répandue par les Grecs.


     Au début, la seule région visée par ce vocable, soit le « Pays des Philistins », ne dépassait guère la bande de terre très fertile qui s'étend de la région de Gaza jusqu'à la hauteur de Yafo (Tel Aviv); cinq villes figurent comme des centres de grande importance politique: Gaza, Ascalon, Ashdod, Gath et Eqrôn, aussi connues comme la « Pentapole (cinq villes) philistine ». À compter de l'époque grecque, c'est toute la région comprise entre la mer Méditerranée (Grande Mer), à l'ouest, et le Jourdain, à l'est, puis le Liban, au nord, et l'Égypte, au sud, qu'on désigne sous le nom de Palestine.


Qui sont donc ces Philistins?
     Comme c'est le cas pour plusieurs peuples de l'Antiquité orientale, nous ne connaissons les Philistins que par les textes bibliques, qui nous les présentent comme de méprisables ennemis (incirconcis), pouvant compromettre sérieusement la présence israélite en Terre Promise. Tout au long de la période des Juges (XIIe et XIe siècles av. J.-C.), ils attaquent les nouveaux habitants du pays, les empêchant même de s'implanter dans cette riche bande côtière. C'est la tribu de Dan qui avait hérité de cette région, mais elle la perdit précisément à cause de la domination philistine, ce qui la força à se trouver un autre territoire. C'est tout à fait à la frontière nord du pays qu'elle finit par s'installer, ce que le livre des Juges nous raconte longuement (Juges 17-18). C'est de ce récit qu'émerge la belle figure de Samson dont la bravoure même entraîne sa mort à Gaza. À partir de l'an 1050 environ, la pression philistine atteint le coeur du pays. Les Philistins n'ont-ils pas défait les troupes israélites allant jusqu'à prendre comme butin l'objet le plus précieux pour la foi d'Israël, l'arche d'alliance? Ils traverseront même le pays en son entier pour y tuer le premier roi d'Israël, Saül, sacré roi pour unifier les forces militaires des tribus israélites et se porter à l'assaut de cet ennemi devenu invincible. Au cours des guerres de Saül contre les Philistins, un jeune héros commence à se manifester: le futur roi David. Sa victoire sur le géant Goliath illustre bien le péril que représentent les Philistins et annonce leur prochaine défaite, épisode final de deux siècles de terreur. Dans la suite de l'histoire d'Israël, ces Philistins, survivant à Gaza, à Ascalon et à Ashdod, et que les conquérants assyriens rencontrèrent lors de leur expédition en Égypte ne connurent que de rares et brefs moments d'influence militaire et politique.


Pour en savoir davantage...
     Mais qui sont-ils donc, ces Philistins? Une moisson de découvertes archéologiques nous permet de répondre à cette question. Et d'abord, en Égypte, à la fin du siècle dernier, des textes assez nombreux et précis et de longs bas-reliefs qui les illustrent avec force détails. Puis les très riches fouilles archéologiques, plus récentes et toujours en pleine expansion, effectuées dans le territoire philistin lui-même, apportent d'autres informations. On peut maintenant écrire une histoire, à la fois politique, culturelle et religieuse des Philistins. D'autres chroniques suivront donc celle-ci, qui n'est au fond que leur introduction.


     Pour le moment, rappelons-nous que le nom Palestine vient de ce groupe d'étrangers, ennemis mortels d'Israël naissant. Voilà un bel exemple d'un caprice inattendu de l'histoire : la Terre Promise porte sans aucun doute possible le nom le moins approprié de toute son histoire!
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Message  Arlitto Mer 02 Mar 2016, 16:03

Des peuples qui ont du style
La plupart d'entre nous ont fait, dès l'enfance, la connaissance des Philistins, ce peuple étranger installé en Terre Promise à peu près en même temps qu'Israël. Curieusement, ce sont ces redoutables guerriers qui ont donné leur nom à l'ancien pays d'Israël, la Palestine. Pour en savoir davantage sur eux, il suffit de consulter les archéologues, qui ne demandent qu'à nous transmettre les informations abondantes dont ils disposent.


La « mode » des Philistins
     La plus ancienne découverte remonte à la fin du siècle dernier; elle a lieu en Haute-Égypte, à Medinet-Habu. Son importance exige qu'on lui accorde une attention particulière. Vers 1190 av. J.-C., un groupe d'envahisseurs, que les inscriptions désignent du nom collectif de « Peuples-de-la-Mer », frappe de nouveau à la porte de l'Égypte. Le pharaon Ramsès III leur livre, sur terre et sur mer, un combat gigantesque qui tourne à son avantage. Pour souligner une telle victoire, il fixe les détails de la rencontre marine sur un énorme bas-relief qui servira d'ornement à un des murs extérieurs de son grand temple funéraire de Medinet-Habu (voir le fragment reproduit plus bas). Des inscriptions identifient les différents éléments associés à ces « Peuples-de-la-Mer », ce qui facilite l'interprétation. D'autant plus que les artistes respectent scrupuleusement les caractéristiques des costumes, des armes et des armures de chacun de ces groupes.
LES PHILISTINS P_combats
Scène de combats maritimes entre les Égyptiens et les Peuples-de-la-Mer
(bas-relief, temple funéraire de Medinet-Habu, Égypte)

     Dans leurs jupes coupées à la hauteur des genoux, les Philistins impressionnent par leur taille et leur allure quelque peu « sportive ». Le vêtement semble fait d'une large pièce de tissu enroulée autour du bassin et retenue à la taille par une ceinture; le dernier pan se termine par une pointe ornée d'un triple gland. Chez certains, on soupçonne une cuirasse qui reproduit la courbure des côtes: il s'agirait d'une matière rigide, du cuir peut-être, recouverte de lames de métal. Leurs boucliers de forme ronde ou un peu allongée, à base rectiligne, sont assez petits.


     Attirent aussi notre attention, les visages bien rasés et la ligne droite reliant nez et front, ce qui correspond tout à fait au célèbre profil caractéristique des anciens habitants de la Grèce. Examinons maintenant les coiffures que les artistes présentent avec minutie. Nous en distinguons trois types précis, et chacun, comme l'indiquent les inscriptions, est donné comme le signe distinctif d'un « peuple » en particulier. Les « Sheklesh » et les « Teresh » portent une sorte de bonnet en filet, qui descend sur la nuque. Les « Sherden » portent un casque assez haut, de forme un peu conique et muni de deux cornes. Le troisième type de coiffure est nettement celui qui domine dans l'ensemble du tableau; il s'agit d'une sorte de touffe de « plumes » dressées, retenues à la tête par un bandeau, le tout fixé à un bonnet qui s'adapte bien au crâne. Cette coiffure est portée par trois peuples différents: les « Denyen » les « Tjekker » et les « Pereset » (Peleset), dont le nom survit dans notre nom Palestine. Nous verrons que certains détails de cette même coiffure veulent identifier chacun de ces trois peuples! Cela doit nous intéresser, car ce sont ces trois groupes qui s'établirent sur la côte d'Israël et qui furent dès lors désignés sous le nom de Philistins.


Sur une bonne piste?
     Depuis le début du XIIIe siècle, les prototypes de ces coiffures, des boucliers et des vêtements sont indubitablement localisés à Chypre, en Crète et en Grèce même. C'est donc du côté de la Mer Égée et de la Grèce proprement dite qu'il nous faut chercher l'origine de ces Philistins, ce qui correspond bien à la donnée biblique, qui les fait venir de Caphtor (Crète : voir Amos 9,7; Jérémie 47,4; Deutéronome 2,23).


     Est-ce que l'archéologie en Palestine même nous révèle des objets marqués de telles caractéristiques? D'autres chroniques nous le diront peut-être!
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Message  Arlitto Mer 02 Mar 2016, 16:03

À l'assaut de la Palestine
Nous savons déjà que le nom de « Palestine » vient du mot « Philistins » (voir le [ltr]premier article[/ltr] de cette série). Nous avons identifié ces Philistins sur un monument égyptien par la mention de leur nom et le dessin précis de leur coiffure (voir le [ltr]second article[/ltr]). Il nous reste à vérifier leur présence en Palestine même.
 
LES PHILISTINS P_sarcophage
Figure 1 : sarcophage phénicien

     Voilà bien des années, on fit la découverte de plusieurs exemplaires d'un type de sarcophage comportant tous les mêmes caractérisques (fig. 1). D'abord, malgré ses grandes dimensions, car un cadavre doit y tenir en position allongée, il est fait en terre cuite et modelé à la main. Il prend la forme d'un cylindre, à base plate et à tête arrondie. Voilà pourquoi ses découvreurs l'ont appelé sarcophage « pantoufle ». Il mesure en moyenne de 1,60 m à 2 m de longueur; sa circonférence varie de 1,70 m à 2,20 m. On y introduit le défunt par une ouverture pratiquée dans le bout arrondi, puis fermée par un couvercle (fig. 2).
LES PHILISTINS P_couvercle
Figure 2 : couvercle de forme anthropoïde
représentant un visage grossièrement façonné

Attention aux coiffures
     Ce couvercle est riche en informations. Il représente toujours une figure humaine. Il n'en retient cependant qu'une sorte de masque: bouche, nez, yeux et oreilles. S'y ajoutent parfois les bras et les mains. Dans la plupart des cas, on esquisse encore la coiffure pour confirmer l'identité du défunt. Un premier style de coiffure consiste en un double rang de « clous », surmonté d'une série de lignes verticales (fig. 3A) ; ces détails nous ramènent au monument égyptien (fig. 3a) où apparaît, pour certains Philistins, la coiffure à plumes retenues par un bandeau en cuir muni de « clous ». Le deuxième style comporte encore le rang de « clous », mais surmonté cette fois d'un bandeau zigzagant (fig. 3B), caractéristique de plusieurs coiffures philistines du même monument égyptien (fig. 3b). Malgré le caractère grossier de ces figures, nous sommes bien en mesure d'attribuer ces sarcophages aux Philistins.
LES PHILISTINS P_coiffures
Figure 3 : coiffures philistines

     De tels sarcophages se retrouvent sur la côte sud de la Palestine, surtout autour de Gaza, grande ville philistine. Leur présence à Lakish, au sud de Juda, et, en plus grand nombre à Beth-Shean, au sud du lac de Tibériade, montre que les envahisseurs ont gagné l'intérieur même du pays, au sud comme au nord. Voilà une belle confirmation archéologique de la pression de ces guerriers en Juda et en Israël, au cours des XIIe et XIe siècles, au temps des juges jusqu'à l'avènement de David (Juges 13-16 et 1-2 Samuel).
Une signature
     Ces sarcophages datent des XIIe et XIe siècles, comme en témoigne le matériel qui les accompagne. Les Philistins, croyait-on, avaient hérité ce mode d'ensevelissement des îles grecques, d'où ils venaient. Cependant, la mise à jour de nombreux sarcophages « pantoufles », tout près de Gaza, détruit cette hypothèse. Ces sarcophages conformes, dans leurs lignes générales, à ceux que nous venons de décrire, datent du XIIIe siècle. Ils sont donc antérieurs aux tombes philistines. Or la « tête », sur le couvercle, est bien celle d'un Égyptien: une lourde perruque tombant sur les épaules la coiffe et une barbe postiche dissimule le menton.
     Les Philistins ont donc emprunté aux Égyptiens ce mode de sépulture, mais ils ont tenu à « signer », en quelque sorte, leurs sarcophages en y schématisant la coiffure qui les identifie si bien.
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Message  Arlitto Mer 02 Mar 2016, 16:03

La céramique philistine
Sans doute à cause du matériau (peau ou papyrus) utilisé pour l'écriture, très peu d'inscriptions ont survécu aux différents niveaux d'occupation de la Palestine. Une étude minutieuse de la céramique serait -- on l'a vite compris -- utile et même déterminante pour dater les couches archéologiques et identifier les diverses cultures. Cette étude a donc occupé une place de choix dès les débuts de la recherche dans le domaine.


      Casser de la vaisselle, ce n'est pas d'hier! En Palestine, la céramique est omniprésente et en quantité étonnante. Les techniques de sa fabrication, les formes variées des vases produits et surtout la grande diversité des décorations incisées ou peintes sont autant de témoins non équivoques de la culture qui les a créées et perpétuées. Ces remarques sont toujours d'actualité: pensons seulement à la porcelaine produite en Angleterre, en Allemagne ou en Chine!


Un héritage grec
     Vers 1200 av. J.-C., et pour une période d'un siècle et demi environ, une céramique très particulière apparaît soudain en Palestine. Actuellement plus de 60 sites en ont conservé des vestiges, lesquels se trouvent surtout dans l'ancien territoire philistin, la côte sud du pays. Les techniques de fabrication, les formes des vases et, bien sûr, la décoration riche et très développée révèlent clairement son lieu d'origine: c'est en Grèce (Mycènes), en Crète, et même à Chypre que cette culture a pris naissance et s'est développée. Des influences locales égyptiennes et surtout cananéennes ont parfois modifié tel ou tel détail, mais le noyau dur de cette industrie vient d'ailleurs, soit de l'ancienne Grèce.
Un bestiaire



LES PHILISTINS P1_ceramique
Figure 1


LES PHILISTINS P2_ceramique
Figure 2

 

     Or, dans ce monde culturel, la céramique peinte est beaucoup plus utilisée qu'en Syrie-Palestine. Sur un fond blanc, on trace en rouge et en noir deux types fondamentaux de motifs décoratifs. Le premier type s'inspire du règne animal, l'image humaine en étant à peu près absente. Un animal domine nettement: le canard, presque toujours représenté accroupi, la tête tournée vers l'arrière, dans sa constante préoccupation de bien lisser les plumes de son dos (fig. 1). On trouve aussi, dans le premier type, le poisson arqué, qui pourrait être un dauphin en plein saut hors de l'onde (fig. 2). Ce sont là deux motifs bien connus, dans des formes presque identiques, de la céramique mycénienne (Grèce) du XIIIe siècle av. J.-C.
Des formes
LES PHILISTINS P3_ceramique
Figure 3

     Le deuxième type de décoration est de nature géométrique: torsades, volutes, damiers, triangles, cercles, etc. (fig. 3). Les nombreuses figures représentées ont toutes leurs correspondantes sur cette même céramique mycénienne.


     Ainsi se trouve confirmée, depuis fort longtemps, la présence de cette industrie de la céramique. On la considère comme la signature même d'un groupe issu du monde de la Mer Égée et répandu dans le sud de la Palestine. Ce groupe imposera sa domination pendant toute la période de l'installation des Israélites, dans les régions montagneuses de Canaan (XIIe-XIe siècles). La céramique des premiers « colons » israélites est totalement différente de celle des Philistins; la céramique locale, celle des Cananéens, en est l'unique source d'inspiration.
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Message  Arlitto Mer 02 Mar 2016, 16:04

Les Philistins et leurs dieux
L'archéologie est une des grandes révélatrices de la vie religieuse des peuples de l'Antiquité. A-t-elle bien joué son rôle dans le cas des Philistins? Avouons d'entrée de jeu que l'Ancien Testament et lui seul nous transmet les noms propres de leurs deux grands dieux: Dagôn et Baal-Zeboub. La Bible demeure donc une source de grande valeur à ce sujet comme pour plusieurs faits de leur histoire culturelle.


Sirène mâle?
     Dagôn semble avoir été le chef du panthéon : c'est dans son temple, à Gaza ou à Ashdod, que les Philistins déposent les armes et la tête de Saül, après leur victoire sur les Israélites (1 Ch 10,10). Jusqu'à une date récente, l'étymologie de son nom avait justifié de se le représenter comme une sorte de sirène mâle : un homme à queue de poisson; dâg, en hébreu, signifie en effet « poisson »! Mais jamais on n'avait pu produire une preuve archéologique d'un tel personnage!


     Le mystère est maintenant levé: ce nom correspond de toute évidence à celui de Dâgân, le dieu du blé, très souvent mentionné dans les textes de Mari, grande ville située à la frontière de la Syrie au XVIIIe siècle av. J.-C. Bien connu à Ugarit, sur la côte syrienne, il a son temple tout près de celui de Baal (XIVe-XIIIe s. av. J.-C.). Sa présence en Palestine même est aussi assurée par le nom de Bet-Dagôn donné à des lieux au sud du pays (Jos 15,41) comme au nord (Jos 19,27).


     Les Philistins ont donc adopté un dieu local, protecteur du blé, une denrée si importante pour la survivance humaine et animale; seule la prononciation de son nom subit une légère modification.


     Comment Dagôn était-il représenté? Deux textes pourraient apporter une réponse: le récit de la mort de Samson écrasé sous les débris du temple du dieu à Gaza (Juges 16), mais le texte ne dit mot de la statue! Par contre, en 1 Samuel 5,2-4, quand les Philistins introduisent l'arche de Yahweh dans le temple de Dagôn, à Ashod, ils la placent à côté de la statue. « Le lendemain [...] voici que Dagôn était tombé à terre devant elle, devant l'arche du Seigneur. [...] La tête de Dagôn et ses deux mains, coupées, se trouvaient sur le seuil. » Cette fois, la statue est présente, mais on est encore loin d'une description précise. L'archéologie de Syrie ne nous renseigne pas davantage. On suppose qu'il s'agissait d'une image d'homme, tenant peut-être un épi ou une gerbe de blé dans la main.


Dieu et diable?
     Baal-Zeboub, mieux connu, étonne par la fantaisie de son nom : « Baal (maître)-des-mouches »! Les Israélites avaient bien du mal à ne pas honorer, en même temps que leur propre dieu, Yahweh, (voir Osée 2) ce grand dieu cananéen de la fertilité. Quant aux Philistins, ils le vénèrent à Eqrôn, une de leurs villes, sous cette épithète de « mouche ». L'historien israélite (l'auteur du Livre des Rois) lui attribue une réputation de guérisseur. Après une chute du balcon de son palais (2 R 1,2-16), le roi d'Israël, Ochozias, (vers 853 av. J.-C.) alla le consulter sur ses chances de guérison.


     Grâce aux nombreux textes d'Ugarit (XIIIe s. av. J.-C), on comprend bien l'origine curieuse de son nom: en réalité, il s'appelait Baal Zeboul, « Baal-Prince ». C'est l'historien israélite qui tourna son véritable nom en dérision! D'ailleurs, chose étrange, on se souvient encore de lui au temps de Jésus, mais sous son nom « noble »: Baal-Zeboul, devenu le prince des démons (Mt 10,25; 12,24; Mc 3,22; Lc 11,15-19).


LES PHILISTINS P_baal
Baal au foudre de Ras Shamra
(Musée du Louvre)

     Si les fouilles en Philistie n'ont encore révélé aucune représentation de ce dieu, nous en avons des centaines, par contre, dans tout le territoire de la Syrie-Palestine : il se tient presque toujours debout, brandissant une massue de la main droite (le tonnerre), et tenant un javelot enflammé (l'éclair) de la main gauche, comme le montre le bas-relief d'Ugarit reproduit ici.


     Les Philistins ont donc encore adopté un dieu local, celui de la fertilité, puisqu'il est le maître de l'orage et de la pluie. Voilà pour les dieux. Qu'en est-il des déesses? Un prochain numéro de Parabole nous le dira peut-être.
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Message  Arlitto Mer 02 Mar 2016, 16:04

La grande déesse philistine
Notre dernière chronique présentait les deux grands dieux des Philistins; elle se terminait par une question: qu'en est-il des déesses? Dans le contexte du polythéisme, qui peut éviter une telle interrogation? Il est normal en effet d'y rencontrer des « couples » divins!
La femme au pendentif
LES PHILISTINS P_ashdoda
Figure 1 : Ashdoda

     Sur le sol d'un bâtiment du XIIe siècle av. J.-C. (lieu de culte?) à Ashdod, une des principales villes de Philistie, on découvre une figurine de grande importance, intacte (fig. 1). Bien qu'elle ne mesure que 17 cm de hauteur, les détails en sont bien nets. Cette figurine représente, assise sur une chaise, une femme que le fouilleur baptisa du nom d'Ashdoda! Elle combine deux techniques: modelage de certaines parties et peinture des autres. La tête et le long cou sont modelés; on fait ressortir les oreilles, les yeux et les seins par simple application de « pastilles » de glaise. Le nez, un peu pincé, en forme de bec d'oiseau, ne manque pas d'étonner! Des lignes parallèles et des triangles suggèrent le corps, en peinture, à même la chaise. On reconnaît bien un collier retenant un pendentif entre les seins. Tous ces motifs sont en rouge et noir sur fond blanc.
Déesse-mère






 LES PHILISTINS P_deesse1
Figure 2

LES PHILISTINS P_deesse2 
Figure 3


     Les archéologues n'ont pu éviter de comparer cette figurine aux nombreuses statuettes rencontrées partout à l'époque mycénienne (XIVe-XIIIe siècles av. J.-C.), en Grèce et à Chypre qui semblent bien les lieux d'origine des Philistins, comme nous l'avons montré à plusieurs reprises. Ici, la chaise et la femme peuvent être en pièces détachées (fig. 2) ou, comme à Ashdod, partie modelées, partie peintes (fig. 3). Il y a certainement une grande parenté de techniques. Cette parenté est encore plus évidente si on compare les lignes parallèles, le cou allongé, le nez en bec d'oiseau, les yeux et les seins suggérés par l'application de pastilles de glaise. Or, cette femme, dans le monde mycénien, n'est nulle autre que la déesse-mère, grande maîtresse de la fertilité, car elle est souvent représentée tenant un enfant, ou pourvue de seins abondants. Mais nous ignorons toujours son nom...!

Qui est-ce?

     La figurine d'Ashdod représente donc, assise sur son trône divin, une déesse garante de la fertilité. Les Philistins l'honorèrent durant toute leur histoire en Palestine, puisque notre figurine date du XIIe siècle, et que nous avons de nombreux fragments de figurines semblables jusqu'au VIIIe siècle. L'historien biblique nous informe que les Philistins victorieux de Saül firent porter la tête et les armes du roi dans leur temple d'Astarté (1 S 31,8-10). Or, cette Astarté, c'est la déesse-mère des Cananéens, l'épouse du dieu Baal, que les Philistins avaient adoptée. Si les Philistins ont emprunté les dieux mâles (Baal et Dagôn) aux habitants du pays, ils ont par contre inculturé leur déesse-mère, bien caractérisée, à la déesse cananéenne de la fertilité. Vu la forme de la figurine d'Ashdod, on peut supposer qu'elle servait aussi de table d'offrandes cultuelle.
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Message  Arlitto Mer 02 Mar 2016, 16:04

La langue des Philistins


La langue des Philistins est certainement apparentée à celles qu'on parlait en Grèce et à l'ouest de l'Asie Mineure, et qui ont fini par se fondre dans la très belle langue grecque. Des noms propres et quelques termes étrangers, c'est tout ce que nous avions comme témoins possibles de cette langue, cela grâce à l'Ancien Testament jusqu'à une date plutôt récente. Les Philistins font partie des Peuples de la Mer. Les noms de ces peuples se rapprochent de ceux des tribus du monde égéen formé de la Grèce, des îles et de la côte ouest de l'Asie Mineure (Turquie...). L'observation s'applique à deux noms propres de Philistins: Akish et Goliat.


Des mots 


     David, poursuivi par Saül, se réfugie dans une ville philistine, chez un certain Akish (1 S 27,2), un roi dont le nom est étranger aux langues sémitiques parlées en Syrie-Palestine. Depuis longtemps déjà la majorité des savants croient qu'il correspond au nom grec Aychisès (Anchise), un prince troyen, père d'Énée, et figure marginale de l'Iliade d'Homère (II,819). Le père d'Akish s'appelle Maok, un nom lydien, la Lydie étant une province située au sud de Troie.


     Quant à Goliat, il est le Philistin le plus connu de notre « histoire sainte », pour avoir été abattu d'une pierre au front par le jeune pâtre David (1 S 17). Son nom est aussi étranger au monde des langues sémitiques, ce qui a piqué la curiosité des linguistes. Parmi les hypothèses proposées, nous retenons la possibilité que « Goliat » corresponde à Alyattès, nom bien attesté en Lydie, comme celui de Maok. Chose certaine, l'Asie Mineure reste le foyer principal de ces noms propres. La description de l'armure de Goliat - casque, cuirasse, jambières, javelot, lance - (1 S 17,5-7) vient renforcer cette hypothèse. Le vocabulaire comme les pièces se rattachent à la même zone géographique étendue à la Grèce ancienne.


     Autre sujet d'étonnement: on donne aux chefs des villes philistines le titre de sérèn (sing.) ou seranim (plur., voir 1 S 5,8; 6,4.16) alors que roi se dit mélèk en hébreu. Cette fois, aucun doute possible: il s'agit ici de la transcription en hébreu du mot tyrannos (tyran), - terme grec bien connu pour désigner un chef qui exerce le pouvoir d'une manière absolue,- dont l'origine est aussi d'Asie Mineure!
Quatre tablettes


LES PHILISTINS P_tablette
Figure 1 : Tablette de Tell Deir'Alla

     Ces quelques indices d'ordre linguistique ne manquent certes pas d'intérêt; mais n'aurions-nous pas aussi des textes philistins qui seraient beaucoup plus éloquents dans ce genre d'étude? Hélas, nous attendons toujours une telle découverte, à moins qu'elle n'ait été déjà faite en 1964, sur un site dans la vallée du Jourdain, à Tell Deir'Alla. En effet, dans un niveau de destruction aux environs de 1200 av. J.-C., on trouva quatre tablettes en terre cuite inscrites d'une écriture inconnue en Syrie-Palestine (fig. 1).


LES PHILISTINS P_ecriture
Figure 2 : Écriture minoenne

     Peut-on les lire? On le voudrait bien! L'écriture la plus proche de celle de nos tablettes reste l'écriture minoenne (Crète, 1XVe-XIIIe siècles av. J.-C.), qui présente deux formes assez semblables (fig. 2: « linéaire A » et « linéaire B »). Même un oeil non exercé peut reconnaître leur similitude. Cependant une grande déception attend le lecteur: on n'a pas encore déchiffré le linéaire A, et on hésite encore sur certaines lectures du linéaire B! Futurs savants, à vos tables de travail!


     Certains objectent que ces tablettes sont dans un niveau archéologique antérieur (vers 1200) à la présence philistine sur la côte de Palestine. Nous ne sommes pas impressionné par un tel argument, puisque les Philistins ont connu une migration avant le XIIIe siècle, et que l'une des routes suivies passait précisément par la vallée du Jourdain!
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Message  Arlitto Mer 02 Mar 2016, 16:05

Le temple de la « grande dame »
 

En 1996, des archéologues israéliens sont ravis de découvrir, à Eqrôn, un grand bâtiment qui ne saurait être qu'un temple philistin, le premier retrouvé à ce jour (fig. 1). Les Philistins sont originaires de régions de la Grèce. Après leur échec à conquérir l'Égypte, vers 1175 av. J.-C., certains d'entre eux s'établissent dans cinq villes bien connues du sud de la Palestine : Gaza, Ascalon, Ashdod, sur la côte même de la mer Méditerranée, puis Gath et Eqrôn, à une dizaine de kilomètres de cette côte.


Une mosaïque de pièces
LES PHILISTINS Arc_050211a

     Le temple occupe une surface de 57 x 38 m. Une porte d'entrée imposante (A) donne sur une cour entourée d'une colonnade (B). Sur la gauche, on observe une salle centrale (C) dont le plafond repose sur deux rangées de quatre colonnes. La porte de cette salle est flanquée de grands bassins en pierre sans doute destinés à des rites de purification. Au fond, le sol, surélevé, constitue une sorte de podium. Dans le coin droit, indiquée par une flèche, git une pierre taillée, couverte d'une inscription (fig. 2).
LES PHILISTINS Arc_050211b

     Sur trois des côtés de cette salle (C), de minuscules pièces renfermaient de magnifiques objets en ivoire, en or, en bronze, dont des statuettes de divinités. Juste à gauche de l'entrée, une autre salle, exiguë, est occupée presque en entier par un podium (D) précédé d'un escalier.
     Que nous soyons en présence d'un temple, l'inscription le prouve à l'évidence avec cette bénédiction parfaitement lisible : « Le temple qu'a bâti Akish, fils de Padi, fils de Yesed, fils d'Ada, fils de Yair, prince d'Eqrôn, pour Potnia sa dame. Puisse-t-elle le bénir et le protéger, prolonger ses jours et bénir son pays. » L'écriture ressemble à celle de Juda, au VIIe siècle av. J.-C. De telles formules de bénédictions sont bien connues dans l'Ancien Testament.


 S'agirait-il donc d'un texte judéen?


En langue « philistine »
     Rappelons que nous sommes sur le site d'Eqrôn, bien identifié aujourd'hui. Un certain Akisha a bâti cette ville. Le roi de Gath, ville philistine voisine d'Eqrôn au temps de David, portait aussi ce nom (1 S 21,11-16). Nul doute que le nom originel était Akaïos, soit Achéen, donc grec! Les Philistins étaient en effet des Grecs.


     Cet Akish, et son père Padi, nous est connu dans des inscriptions de rois assyriens du VIIe siècle av. J.-C. Ils étaient rois de la ville d'Eqrôn dont la région est encore reconnue comme « pays des Philistins »! Les noms des autres ancêtres d'Akish, étrangers à la culture judéenne, doivent donc être aussi Philistins.


     Le temple est dédié à une déesse au nom évocateur : Potnia. Dans le monde de Syrie-Palestine, aucune déesse ne porte ce nom absent des langues de la région. Par ailleurs, dans le monde d'origine des Philistins, la Grèce, le vocable Potnia constitue un surnom donné à plusieurs déesses vénérées avec une attention particulière. Il signifie tout simplement « maîtresse divine », « grande dame ».


     Ces quelques observations permettent de conclure que les Philistins, arrivés à Eqrôn au XIIe siècle av. J.-C., y sont encore au VIIe. On le savait par des textes; l'archéologie le confirme. Cependant la langue philistine est à peu près disparue dans l'hébreu ici utilisé, sauf que cet hébreu est quelque peu fautif. De plus, cette région philistine s'était libérée depuis deux siècles au moins du joug des rois de Jérusalem. Les noms de la dynastie d'Akish l'attestent.


     Le local D (fig. 1) est-il une salle de trône comme le prétendent les archéologues? J'en doute fort. Elle est trop petite, et jamais on n'en a trouvé dans des temples. Pour moi, c'est peut-être le trône d'un autre dieu, pourquoi pas le mari de la « grande dame »?
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Message  Arlitto Mer 02 Mar 2016, 17:15

Les baptistères en Palestine

Au cours des dernières années, plusieurs églises furent découvertes dans la partie Nord du Sinaï, qui presque toutes étaient munies d’un baptistère. Cette région quasi désertique avait toujours été le théâtre des déplacements de nomades, comme le témoin des caravanes transportant épices et aromates de l’Orient vers l’Occident.


     Si plusieurs événements de l’histoire biblique se sont déroulés dans cette partie du sud de la Palestine, les chrétiens de l’époque byzantine (IVe au VIe siècle ap. J.-C.) ont semblé vouloir commémorer le souvenir de l’Exode, en réoccupant les villes caravanières des arabes et des romains, prenant bien soin d’y ajouter des églises-monastères, magnifiques dans leur simplicité. À la même époque, plusieurs moines fondent aussi des monastères dans le désert de Juda, afin de revivre le séjour de Jésus en ce lieu. La présente chronique ne portera toutefois que sur les baptistères du Nord du Sinaï.
     Nous connaissons maintenant assez bien l’évolution des lieux du baptême, depuis le temps de Jésus jusqu’à la conquête arabe, au début du VIIe siècle. Puisque Jésus s’était fait baptiser par Jean dans le Jourdain (Mc 1,9-11), c’est d’abord dans les cours d’eau qu’on administra le baptême aux nouveaux chrétiens; c’est là que Philippe baptisa l’eunuque éthiopien (Ac 8,36-38), et Paul la pieuse Lydie de Philippes (Ac 16,13-15). Au IIIe siècle, on baptisait encore au puits de Jacob, à Sichem; Eusèbe de Césarée raconte que Constantin voulut recevoir le baptême dans le Jourdain, puisque c’en était encore la coutume. À partir du IIe siècle, on aménage une petite salle à cette fin dans les maisons où se réunissent les communautés pour la célébration de l’eucharistie; on n’y trouve qu’une petite vasque, bien plâtrée, mais sans signes distinctifs.

LES PHILISTINS Arc_100514a

illustration :copyright: Issa Eid


     Avec la conversion de l’empereur Constantin, au début du IVe siècle, le christianisme est proclamé religion d’État; nous assistons aussitôt à l’éclosion d’un grand nombre d’édifices religieux à travers tout l’Empire, où le culte chrétien devra être célébré. Deux bâtiments essentiels sont construits : la basilique ou « salle royale », qui sert aux réunions eucharistiques, et le baptistère, pour célébrer les rites d’entrée dans l’Église. Deux traditions différentes ont présidé l’érection de ces baptistères. En Occident, ce bâtiment aux dimensions modestes est tout à fait indépendant de la basilique, mais situé dans son voisinage; il prend aussi presque toujours la forme octogonale, dont le symbolisme est aussitôt évident : cette forme évoque le huitième jour, jour de la résurrection de Jésus.


     En Orient, la tradition est quelque peu différente; la trentaine de baptistères connus aujourd’hui nous donne une idée bien précise sur leur caractère physique et sur les rites qui s’y déroulaient. Ce sont les exemples du Nord du Sinaï qui sont les mieux conservés.

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Baptistère cruciforme de Shivta 
photo LES PHILISTINS Cclogo 


[ltr]zeevveez[/ltr]



     Tout d’abord, cette salle du baptême est étroitement liée à la basilique elle-même; elle est tantôt adossée à son vaisseau (nef), tantôt jointe au narthex (porche), ou à l’atrium, sorte de cour ouverte placée devant le narthex. Ainsi la basilique et le baptistère, tout en étant encore distincts, forment un tout intimement uni. La forme de ce baptistère correspond à celle de la basilique, soit une petite salle rectangulaire, dont l’un des petits côtés est transformé en abside, et toutes deux sont toujours orientées vers le soleil levant. Un des baptistères de Subeita [aujourd'hui Shivta] est le type classique d’un tel monument (A). Il mesure 10 m par 6,5 m, et son abside donne un diamètre de 3,5 m; comparé à la basilique, il présente 1/5 de la superficie de cette dernière. De même qu’un cancel séparait l’autel et le clergé de la communauté des fidèles, dans la basilique, ainsi un petit cancel isole ici les fonts et les ministres du baptême. Le sol était recouvert de mosaïques, mais beaucoup moins soignées que celles de l’église.

LES PHILISTINS Arc_100514c

illustration :copyright: Issa Eid


     L’objet essentiel du baptistère est évidemment les fonts baptismaux, dont le nom lui-même évoque le lieu originel du baptême (fons : source). Dès que l’initiation chrétienne fut célébrée dans un bâtiment, il a donc fallu reconstituer une source où on pouvait faire descendre le catéchumène. Au cours des trois premiers siècles, cette source prit la forme d’un simple bassin, tantôt rectangulaire, tantôt rond; il faut aussi mentionner de très rares cas de cuves hexagonales, dont on ignore la provenance et le symbolisme. Mais à partir du IVe siècle, les fonts baptismaux ont été taillés dans un seul bloc de pierre, en suivant une double tradition, pour sa forme. Il était assez fréquent de tailler en octogone la partie extérieure du bassin qui était, lui, rond (B.1); on se souvient que l’octogone évoque la résurrection. L’autre tradition, la mieux attestée, est centrée sur la forme de la cuve intérieure des fonts; on lui donne la forme d’une croix, aux quatre bras égaux et présentant des extrémités arrondies (B.2) ou carrées (B.3). Dans le cas d’une croix aux bouts arrondis, la partie extérieure de la cuve peut être carrée, ronde et même octogonale. La grandeur de ces fonts varie, en général de 60 cm à 1,50 m, pour leur diamètre, et de 33 cm à 1,10 m, pour leur profondeur; il faut noter qu’un petit bassin est ajouté, lorsque les fonts sont d’assez grandes dimensions, pour permettre de baptiser les enfants.


     L’intérieur de la cuve comporte toujours au moins un degré, pour faciliter la descente du catéchumène. Dans les baptistères du Nord du Sinaï, les fonts cruciformes se sont imposés, et on a pris soin de bâtir deux escaliers, dans les bras est et ouest de la cuve. Le symbolisme de ce double escalier est fondé sur ce texte de S. Paul : « Ignorez-vous que, baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que tous nous avons été baptisés? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle. » (Rm 6,3-4) Saint Cyrille de Jérusalem (315-386) ne laisse aucun doute à ce sujet : par un escalier, le catéchumène descend dans la mort et le tombeau, pour remonter ensuite, par le deuxième escalier, dans la vie du ressuscité. On va même jusqu’à parler dans ce contexte d’un double baptême : le baptême d’eau a lieu dans la descente dans la cuve, symbolisant la mort, et le baptême dans l’Esprit survient lors de la remontée de la cuve, puisque c’est en sortant du Jourdain que Jésus a vu les cieux s’ouvrir au-dessus de lui, pour permettre à l’Esprit de venir prendre possession de toute son existence (Mc 1,10).


     La disposition générale des lieux du baptême, à partir du IVe siècle, et telle que nous la connaissons maintenant, correspond parfaitement aux rites de cette initiation chrétienne, d’après le témoignage de S. Cyrille de Jérusalem et de la pèlerine Ethérie, vers la fin du IVe siècle. Tout d’abord on conduit le catéchumène dans la cour ouverte devant l’église; tourné vers l’Occident, il renonce à Satan et à toutes ses puissances maléfiques, puis, tourné vers l’Orient, il fait sa profession de foi au Christ. Introduit ensuite dans le baptistère, comme Jésus au pied de la croix, il se dépouille de ses vêtements devant les fonts baptismaux.


     Empruntant l’escalier ouest de la piscine, il descend dans l’eau, où il se plonge trois fois, évoquant les trois jours de Jésus au tombeau. Puis il remonte par l’escalier est, en tenant à la main une petite lampe allumée; elle est presque toujours décorée de palmes, symbole de la victoire, ou de piscines baptismales même, reproduisant schématiquement la cuve et les escaliers; une inscription y est aussi ajoutée, parfois, mentionnant la « lumière du Christ ». Devenu, donc, un être nouveau dans le Christ ressuscité, le nouveau baptisé est alors oint du chrême, huile sainte qui le sacre membre d’un peuple royal. Et c’est alors seulement qu’il peut faire son entrée dans la basilique, salle « royale », pour participer à la célébration eucharistique.
     En résumé, l’archéologie nous a permis de mieux comprendre le symbolisme profond du baptême chrétien, puisque les lieux eux-mêmes de son administration étaient une traduction vivante de ce symbolisme.
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