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PARADEISOS, paradis

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Message  Arlitto Mar 16 Aoû 2016 - 16:31

Rappel du premier message :

PARADEISOS, paradis

Aussi surprenant que cela puisse paraître, ‘paradis’ est un mot rare dans la Bible. Il n'apparaît que trois fois dans le Nouveau Testament. Et, dans la version grecque de la Bible Hébraïque, l'Ancien Testament des chrétiens, le mot paradeisos traduit seulement une dixaine de fois l'expression “jardin d'Eden”, ou “jardin en Eden”.
Ci-dessous, Le jardin des délices, selon Jérome Bosch (vers 1485/1505)

PARADEISOS, paradis - Page 2 Medium_jardin_des_delices_centre_
A l'inverse, dans le langage courant le mot ‘paradis’ est mis à toutes les sauces !
Un mot de la Bible, le mot ‘paradis’ ...
par Patrice Rolin

Dans le langage profane, le mot ‘paradis’ apparaît partout : 

- Du célèbre cabaret parisien “Le Paradis Latin”, 

au “Paradis-Séduction” (une boutique de lingerie fine), 

en passant par les “paradis artificielles”, et jusqu'aux “îles paradisiaques” des agences de voyage, avec leurs “oiseaux du paradis” ... 

Bref le paradis est un endroit qui fait rêver ! 

- Le paradis, c'est aussi l'autre nom du poulailler, le balcon le plus haut d'un théâtre à l'italienne. Une expression qui a inspiré le film de Marcel Carné et Jacques Prévert, “Les enfants du paradis”.

- Plus prosaïque, il y a les “paradis fiscaux” où certains mettent leur fortune à l'abri de la solidarité ; et puis il y a les nombreux paradis commerciaux “paradis des bricoleurs”, “paradis des chineurs”, ... et enfin les campings et hôtels qui veulent attirer le client par une enseigne séduisante. 

- Pour terminer ce tour d'horizon sur une note plus poétique, évoquons le p'tit coin d'paradis, que Georges Brassens est prêt à échanger contre un coin d'parapluie ... parce qu'elle avait quelque chose d'un ange ... 

Dans une acception plus religieuse, ce mot ‘paradis’ évoque couramment soit une “terre-jardin” où les humains vivent dans l'harmonie naturelle d'une luxuriance végétale, soit un ciel vaporeux peuplé d'esprits angéliques bienheureux et résonnant de mélodies divines. 

Tout le monde semble donc avoir son paradis, lieu fantasmé et inaccessible, ou lieu proche, secret et précieux, en tout cas un lieu agréable et beau.

Dans le Nouveau Testament, ce mot ‘paradis’, paradeisos en grec, est donc employé seulement trois fois. Mais il apparaît comme un lieu dont l'évidence ne pose pas problème pour le lecteur, si bien qu'il ne nous en est dit que peu de chose.
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Message  Arlitto Sam 20 Aoû 2016 - 16:33

Paradis Catholique



Le paradis

Les chrétiens du XXIe  siècle ont souvent du mal à comprendre ce terme. Il s’agit pourtant d’un concept théologique très important puisqu’il désigne la promesse de salut. Explication.
Qu’appelle-t-on le paradis dans la Bible ?

Le mot paradis (du grec paradeisos, provenant du persan pardèz qui signifie « jardin clos ») n’apparaît que trois fois dans la Bible. Dans l’évangile de Luc : sur la croix, Jésus promet au bon larron d’entrer aujourd’hui avec lui « dans le Paradis » (Lc 23,43). Dans la lettre aux Corinthiens : saint Paul se décrit comme ayant été enlevé « jusqu’au paradis » où il entendit des paroles ineffables (2 Co 12,4). Dans l’Apocalypse : il est promis, à celui qui combat pour le Christ, qu’il mangera de l’arbre de vie placé « dans le Paradis de Dieu » (Ap 2,7). 


Contrairement à ce que l’on pense, la Genèse n’emploie pas le mot de paradis pour décrire le « jardin en Éden, planté à l’orient » (Gn 2,8) dans lequel vivaient Adam et Ève avant d’en être chassé par Dieu (Gn 3,24). De même, c’est une « terre qui ruisselle de lait et de miel » (Ex 3,8) que Moïse promet aux Hébreux quittant l’Égypte, expression qui sera reprise par les prophètes de l’exil à Babylone pour faire espérer le retour en terre promise. Quant au Christ, pour désigner la vie auprès de Dieu il parle du « royaume des cieux ».

En fait, ce sont les Pères de l’Église (IIe -VIIIe  siècles) qui, reprenant la symétrie paulinienne entre Adam et Jésus, ont identifié le jardin d’Éden au paradis terrestre : de même que le premier homme a fait sortir l’humanité du paradis, le Christ l’y fera revenir. Mais à propos de l’attente des âmes avant la résurrection de toute l’humanité, à la fin des temps, les Pères de l’Église parlaient du Shéol ou de l’Hadès

Si toutes les mythologies et religions païennes considèrent le temps comme un cycle, en vue d’un retour vers le paradis perdu, le christianisme – à la suite du judaïsme – envisage, lui, un temps linéaire. « Dans l’eschatologie chrétienne, la fin des temps ne consiste pas à revenir à l’Éden des origines mais à se réconcilier avec Dieu », explique Guilhen Antier, pasteur de l’Église réformée à Dijon. D’ailleurs, se détournant de l’imaginaire du jardin pour évoquer la fin des temps, l’Apocalypse opte pour celui de la ville, avec la « Jérusalem céleste ». 
Au fil des siècles, comment les chrétiens l’ont-ils compris ?

Comme l’a montré l’historien Jean Delumeau, les représentations du paradis ont évolué avec l’imaginaire social. Dans La Divine Comédie, Dante le décrit selon neuf sphères concentriques, chacune logeant des hommes sans péchés selon leur mérite ; la fin du parcours, débouchant au dixième ciel. 

Au Moyen Âge, on cultive aussi la nostalgie du paradis que l’on imagine telle une terre inaccessible en Orient, suscitant d’autant plus les convoitises qu’une légende rapporte que le« royaume du prêtre Jean », riche en pierres précieuses, jouxte le paradis ! Après les découvertes astronomiques et géographiques du XVIe  siècle ayant obligé à constater que le paradis ne se trouve ni dans le ciel ni sur la terre, on se tourne vers l’avenir, à l’instar du philosophe anglais Thomas More qui invente l’« Utopie ». 

C’est désormais le progrès qui doit permettre l’avènement du paradis, décrit comme un temps de bonheur éternel sur terre. Cette espérance d’un bonheur proche va nourrir les idéologies socialistes (Karl Marx…) du XIXe  siècle… et les critiques (Friedrich Nietzsche…) contre ceux qui promettent le paradis dans l’au-delà.

Aujourd’hui, après les désenchantements du XXe siècle, il semble difficile de parler du paradis, si ce n’est pour se persuader qu’il n’est pas pour demain… Toutefois, Fabrice Hadjadj invite à concevoir le paradis « non comme une plate éternité sans drames ni passions, mais comme une joie, exigeante et douloureuse, d’être présent à tous et de se savoir étreint par un Amour infini ». Pour ce philosophe d’origine juive converti au catholicisme, n’accède au Paradis que celui qui se laisse « déranger » par la joie : « Il s’agit de passer de la nuit de la foi à la vision de la gloire ! » 

Pourquoi affirmer son existence ?
La notion de paradis reste essentielle en théologie, même si on préfère souvent parler du ciel. « Vivre au ciel, c’est être avec le Christ », rappelle le Catéchisme de l’Église catholique (n° 1027) en s’appuyant sur l’évangile : « la vie éternelle c’est de connaître Jésus-Christ » (Jn 17, 3). « Le paradis, ou vision béatifique, est une participation intime à la vue que le Fils a du Père au sein de la Trinité », disait le cardinal Henri de Lubac. Et le théologien suisse Hans Urs von Balthasar n’écrivait pas autre chose en considérant que « Dieu est la réalité eschatologique de la créature : quand il est trouvé il est le Ciel ; quand il est perdu, il est l’enfer ; quand il met à l’épreuve, il est le jugement ; quand il purifie, il est le purgatoire ». 

Or cette vie éternelle dans la gloire du Christ n’est pas assurée à tous. Contrairement à ce que chantait Michel Polnareff, il n’y a aucune certitude qu’« on ira tous au paradis » ! Il faut donc tenir à la fois que Dieu veut que tout le monde aille au ciel, mais qu’on ne peut être sûr que tout le monde y aille. Pour un chrétien, affirmer l’existence du paradis, c’est donc rappeler le sérieux des choix qu’il pose au cours de sa vie terrestre, sans pour autant se sentir écrasé par sa responsabilité puisqu’il sait que la grâce de Dieu peut tout. « Celui qui vit dans la foi, résume Guilhen Antier, n’est plus déterminé par le passé ni angoissé par l’avenir. » 
 
(1) Une histoire du Paradis en 3 tomes (Fayard) : Le Jardin des délices (1992) ; Mille ans de bonheur (1995) ; Que reste-t-il du Paradis ? (2000).
(2) Le paradis à la porte, essai sur une joie qui dérange, Seuil, 498 p.
(3) L’origine qui vient. Une eschatologie chrétienne pour le XXIe  siècle, Labor et Fides, 361 p..
CLAIRE LESEGRETAIN
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Message  Arlitto Sam 20 Aoû 2016 - 16:36

L'enfer et le paradis vus par les religions


Comment nos ancêtres paléolithiques voyaient-ils l'enfer et le paradis ? Les dessins admirables qu'ils ont laissés dans certaines grottes ne nous le disent pas vraiment. Ces notions avaient-elles le moindre sens pour eux ? Une lecture anthropologique nous dirait sans doute que tout humain a forcément la nostalgie d'un « âge d'or » utérin et qu'en même temps, une naissance difficile a pu engrammer en lui au fer rouge des souvenirs infernaux. Ce que nous savons de façon certaine en tout cas, c'est qu'avec le Néolithique et la naissance des grands systèmes religieux organisés, l'enfer et le paradis prennent une importance universelle, en doubles allégoriques de ce que nous vivons sur terre et de ce qui pourraient nous attendre hors de là. Nous vous proposons ici un très rapide tour d'horizon.

Ce qu'en dit l'hindouisme Dans l'hindouisme, l'âme éternelle ou âtman est soumise à son destin (karma) par une loi de cause à effet qui la fait vivre dans un corps animal, humain ou végétal en fonction de ses actes antérieurs. Elle ne fait donc qu'un bref passage dans l'au-delà, entre deux vies. Suivant sa nature, elle ira aux enfers ou aux paradis... au pluriel. Au nombre de 8 400 000, "les Sans-Soleils" sont d'aveugles ténèbres où se déclinent tous les supplices. Rôties, grillées, déchirées, broyées, les âmes des pêcheurs ne rêvent plus que de retourner sur la Terre. L'âme d'un défunt peut aussi faire un tour dans l'un des multiples paradis, tous plus sublimes les uns que les autres, que proposent les dieux du panthéon hindouiste. Mais ce ne sera qu'une halte avant de se réincarner car l'idéal du bonheur n'est pas d'accéder au paradis ni de devenir un dieu, mais de sortir de la roue des manifestations pour accéder au réel absolu. Il faudra donc retourner sur Terre, dans un corps d'humain pour les plus méritants, d'animal pour les plus nuls ou encore de plantes pour les criminels. C'est la métempsycose. Un aller retour de l'âme qui peut se faire deux millions de fois sous forme végétale, six millions de fois sous forme animale et deux cent mille fois sous forme humaine. Pour sortir de ce circuit infernal, il n'y a qu'une issue : accéder de son vivant à l'immortalité. Pour ce faire, on aura recours au yoga transcendantal et autre techniques d'éveil qui permettent de sortir de la dualité vie mort.

Ce qu'en dit le taoïsme Pour les philosophes chinois, tout est matière mais matière de plus en plus subtile. Ainsi, les taoïstes n'ont pas besoin de mourir vraiment pour aller se promener au paradis. Il leur suffit de développer de leur vivant un nouveau corps plus léger, plus parfait, grâce à une ascèse spéciale et une vie vertueuse. A la mort, ce qui reste du vieux corps se dissoudra comme par magie dans le tombeau, et le nouveau corps immortel prendra le relais. Cette opération alchimique qui nécessite connaissances et sagesse est évidemment réservée à certains. Le commun des mortels devra se contenter de mourir classiquement et de traîner son âme sans corps devant un tribunal de dix rois divins pour être jugée. La plupart des humains qui ne sont ni bons ni mauvais sont vite renvoyés dans le cycle des renaissances. Pour les grands criminels ou les suicidés, un passage par une série de lieux infernaux est cependant nécessaire. Des enfers toujours aussi terribles - dépeçage, feu, glace, bête sauvage - mais qui ne durent jamais longtemps : pas plus de deux ans et quatre mois avant de se réincarner. L'âme en enfer peut aussi rencontrer Dizang, un sage bodhisattva qui parcourt sans arrêt les lieux pour favoriser l'entrée au paradis des taoïstes. Qui le suit découvrira un univers très raffiné où, parmi les pierres précieuses et les lotus, les bienheureux écoutent de la musique en recevant des pluies de fleurs.

Ce qu'en dit le bouddhisme Les bouddhistes tibétains ont de la chance : ils ont le Livre des morts ou Bardo Thodol, qui décrit avec précision le mode d'emploi de l'au-delà et le moyen d'accéder au Nirvana, le paradis des bouddhistes. Un lieu ou plutôt un état que même Bouddha a refusé de décrire, car Nirva veut dire éteindre. Le Nirvana est donc l'extinction des désirs porteurs de souffrance, la délivrance des illusions du monde, et la contemplation de la Claire Lumière qui assure la félicité éternelle dans un état entre l'être et le non être. Ce paradis, on peut le retrouver dès son dernier souffle : il suffit d'apercevoir la claire lumière en mourant. Mais cette belle mort n'est pas donnée à tout le monde. La plupart des défunts ne réussissent pas le grand saut et leur âme erre dans le "bardo", "entre deux" entre la mort et la nouvelle naissance. Dans ce lieu, plein de visions, leurs âmes sont toujours à la recherche de l'illumination. Faute de la trouver dans les 49 jours qui suivent le décès, elles devront obligatoirement se réincarner dans un humain. L'idéal étant de renaître moine, traditionnellement expert en claire lumière pour ne pas rater le grand départ au prochain tour.

Ce qu'en dit le judaïsme
Dès les temps anciens, les Hébreux ont cru à une vie après la mort, mais influencés par leurs voisins mésopotamiens, ils l'ont considérée comme une existence dépourvue de joie. Au moment du trépas, le souffle divin (le "rouah" qui anime corps et âme) retourne à Dieu. Poussière, le corps redeviendra poussière. L'âme (un corps peut en contenir quatre) subsiste dans un lieu, "shéol", qui n'est ni enfer ni paradis et où il n'est pas question de jugement. Pour les âmes croyantes, ce lieu est souffrance car elles y sont privées de Dieu. Cette notion d'âme désaffectée a évolué par la suite au sein de la Kabbale, sous l'influence des idées platoniciennes : puisque l'âme est une création de Dieu elle doit retourner à Dieu. Elle le fera donc après un (ou plusieurs) séjour-épreuve dans un corps. La transmigration s'arrêtera le jour du jugement dernier, sur une Terre enfin restaurée par la venue du Messie. Les hommes vivants et morts seront alors jugés et recevront la "rétribution" qu'ils méritent. Les justes iront dans le jardin d'Eden (le paradis terrestre de la Bible) pour savourer la splendeur de la présence divine, et les méchants seront condamnés à la Géhenne, lieu souterrain infernal où les attendent feu, chaînes, eau bouillante et autres tortures.

Ce qu'en dit le christianisme Pour les catholiques, les âmes qui ont quitté leur enveloppe charnelle sont accueillies par saint Pierre et jugées rapidement. Selon l'Eglise, l'accomplissement des rites chrétiens est aussi important que les vertus morales pour monter en grade. Ainsi pour mériter le paradis du premier coup, il faut vraiment mourir en état de grâce (avoir reçu les derniers sacrements) et n'avoir commis aucun péché. Autant dire être un saint ! Beaucoup plus d'humains se retrouvent au purgatoire. Morts en état de grâce mais encore chargés de péchés véniels, ils attendent le dernier acte en souffrant d'être privés de Dieu. Il faut être un petit enfant mort sans être baptisé ou un Patriarche de l'église pour avoir droit aux limbes, lieu nébuleux où l'on attend sans souffrance le jugement dernier. Ce jour-là, tous les corps ressusciteront et les âmes seront alors à nouveau jugées. Les irrécupérables iront retrouver Satan en enfer et subiront sans espoir de rachat le supplice du feu, symbole de la perte irrémédiable de Dieu. Les autres iront au Paradis, où ils auront la chance de contempler le divin pour l'éternité et de chanter ses louanges. Car dans le paradis des chrétiens, il n'est pas question de se laisser aller aux plaisirs de la bonne chair ni de la chair tout court. Ni le purgatoire ni les limbes n'existent chez les protestants. Pour les mormons, les adventistes du septième jour et les témoins de Jéhovah, l'établissement du royaume de Dieu, le seul paradis, se fera sur la Terre et c'est uniquement à ce moment-là, quand les armées du Christ auront terrassé l'Antéchrist, que les âmes pourront revivre, avec ou sans corps d'origine suivant les sectes. C'est aussi à ce moment qu'aura lieu le jugement dernier et le partage entre les bons qui resteront sur Terre et les mauvais qui s'en iront au Diable.

Ce qu'en dit l'islam L'islam offre une vision de l'au-delà proche du christianisme. Chez les musulmans, après la mort, l'âme se sépare du corps et se retrouve, en fonction de sa nature, soit en enfer où elle subit un terrible châtiment, soit dans une sorte de purgatoire : al Berzahk, "l'intervalle". Les martyrs et les prophètes ont seuls accès direct au Paradis. Il faudra attendre le jugement dernier pour que les pensionnaires de l'intervalle soient affectés à une destination définitive, sur laquelle le Coran offre volontiers des détails. Les délices du Paradis d'Allah sont assez païens. Pas d'anges froufroutants jouant de la harpe sur des petits nuages comme dans le paradis chrétien, mais des "houris", de belles jeunes filles vierges et dociles, et des éphèbes superbes, tous à notre service. L'eau fraîche jaillit des fontaines, le vin coule en rivières et le parfum des fleurs enivre, et l'on s'allonge sur des couches molles pour d'éternels banquets. L'enfer musulman est également plus imaginatif. On ne se contente pas de brûler les méchants comme dans l'enfer chrétien. Les damnés ont droit aussi à des douches d'eau bouillante, de sauvages coups de bâtons et des arrachages d'entrailles. 
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Message  Arlitto Sam 20 Aoû 2016 - 16:44

Une description mirifique du Paradis chrétien

PARADEISOS, paradis - Page 2 Jesus-christ-0202

Dans le ciel tout vit : l’esprit vit, le cœur vit, le corps vit, chaque sens vit, l’homme tout entier vit ; les créatures vivent.

L’esprit vit. Comme l’œil est fait pour voir, l’esprit est fait pour connaître : connaître est sa vie. Pour satisfaire cet impérissable besoin de son esprit, vois-tu l’homme passer les plus belles années de son enfance et de sa jeunesse à apprendre un art, un métier, une science ? Plus tard, le vois-tu se creusant le cerveau, pour se perfectionner dans sa profession ? D’autres fois, entreprenant de longs voyages, traversant les mers, gravissant les montagnes, descendant jusque dans les entrailles de la terre, s’usant avant le temps, dans des fatigues ou des veilles prolongées ?
Pourquoi tout cela ? Afin d’augmenter la vie de son esprit par la possession de quelque vérité nouvelle ; puis, s’estimant heureux lorsqu’il a entrevu, à travers un voile épais, certain secret du monde physique ou du monde moral.

Cependant, que sont toutes les vérités que nous pouvons découvrir ici-bas ? Des vestiges du Créateur, dit le prince de la théologie, vestigia Creatoris. Dans la terre des Vivants [ie : le Paradis], l’esprit, devenu déiforme, verra, sans travail, par un simple regard, non quelques rayons de la vérité, mais la vérité tout entière : dans le passé, dans le présent et dans l’avenir, dans le monde physique et dans le monde moral, autant qu’il sera nécessaire à son bonheur ; il la verra, non pas comme dans un miroir et à travers un voile, mais réellement et face à face. Il verra non les vestiges du Créateur, mais le Créateur Lui-même, Dieu en personne; et en Dieu toutes les œuvres de Dieu.

Dans l’ordre matériel, nous verrons les raisons intimes pour lesquelles le monde a été créé ; nous connaîtrons la cause de toutes ces révolutions du globe, qui étonnent la science et la défient ; pourquoi ont disparu les espèces gigantesques du règne animal et du règne végétal, dont les débris prodigieux attestent la magnificence du monde primitif.

Nous connaîtrons non seulement la nature intime des êtres matériels, depuis l’infusoire jusqu’à l’éléphant, depuis l’aigle qui plane dans les hauteurs du ciel, jusqu’aux monstres marins cachés dans les profondeurs des mers ; mais encore l’harmonie merveilleuse qui les unit dans la chaîne des êtres, la place que chacun occupe dans le plan de la création, et la fonction providentielle qui lui est assignée.

Sans télescope, nous jouirons de la vue intuitive du firmament et de ses innombrables merveilles. Mille fois plus savant que tous les astronomes, le plus humble des saints connaîtra, sans étude, le nombre des astres, leur nature, leur volume, les lois qui président à leurs mouvements et leur raison d’être. Tels sont et mille autres encore, les secrets du monde matériel, dont la parfaite intelligence jettera l’esprit dans une délicieuse extase.

Non moins complète, mais plus ravissante sera la connaissance du monde moral. Telle est l’éblouissante beauté de l’ange, que nos yeux ne pourraient pas plus en soutenir l’éclat qu’ils ne peuvent fixer le disque du soleil. Or, des yeux de l’esprit, bien autrement perçants que ceux du corps, nous verrons non pas un ange, mais tous les anges et toutes les perfections de leur nature : immense et splendide armée, dont la magnificence et le bel ordre ne peuvent être comparés à rien de ce qui existe ici-bas.

Après l’ange, la plus belle créature c’est l’âme humaine. Elle est la plus belle, parce que, comme l’ange, elle a été faite à l’image de Dieu. Si la beauté du corps, ombre grossière de la vraie beauté, attire le cœur le plus froid, le passionne et l’enivre : quel sera l’empire de la beauté de l’âme ? Or, dans la terre des Vivants se verront toutes les âmes qui, depuis le commencement du monde, se seront rendues semblables à Dieu, en réalisant en elles Ses admirables perfections.

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Elles seront vues, non seulement à la surface, mais devenues transparentes; notre esprit les pénétrera, comme le rayon solaire pénètre le cristal.Quelles ineffables délices de voir intérieurement l’âme de Notre-Seigneur, l’âme de la sainte Vierge, l’âme d’Abraham et des Patriarches, l’âme des Apôtres et des Martyrs, l’âme des grands Solitaires et des Vierges, tant d’âmes dont les vertus héroïques brilleront comme autant de diamants à la couronne d’une reine !

Que te dirai-je, mon cher ami, des vicissitudes des temps, que l’esprit déifié aura toujours présentes et dont il connaîtra les causes et les effets ? Dans quel ravissement continuel le tiendra la vue intime de tant de mystères dont la profondeur fait ici-bas tourner les têtes les plus fortes. Il verra la chute de Lucifer, et il en connaîtra les raisons ; la chute d’Adam, et il en connaîtra les raisons ; le triomphe momentané des méchants, et il en connaîtra les raisons ; les humiliations et les souffrances du juste, et il en connaîtra les raisons.

Il saura pourquoi, parmi tant de nations, Dieu choisit pour Son peuple les descendants d’Abraham, bien qu’Il prévît leur révoltes incessantes, leurs persécutions contre les prophètes et leur haine homicide contre Son propre Fils, descendu du ciel pour les sauver. Initié à tous les secrets divins, il admirera les moyens, inconnus aujourd’hui, par lesquels le Père de tous les hommes a procuré, dans tous les temps et dans tous les lieux, au païen, au barbare, au sauvage même, les lumières suffisantes pour connaître la vérité, les forces pour l’embrasser et arriver à la vie de l’éternité. Ravi de connaître les mystérieux conseils de la Providence, il dira : Seigneur, Vous avez bien fait toutes choses.

Qu’ajouterai-je encore ? Tranquille spectateur, l’esprit verra couler devant lui le fleuve impétueux qui réjouit la cité du Très-Haut (Ps. 45). Par ce fleuve dont la source est au Paradis terrestre, le lit large comme le monde, le cours rapide comme le torrent tombant des montagnes et l’embouchure dans la grande mer de l’éternité, il faut entendre la vie des nations et les nations elles-mêmes.

D’un coup d’œil, l’habitant bienheureux de la terre des Vivants embrassera toute l’histoire du genre humain, dans son ensemble et dans ses détails. Il assistera à l’élévation et à la chute des empires; il en connaîtra les causes. Il verra comment toutes les monarchies de l’ancien et du nouveau monde auront contribué, le sachant ou ne le sachant pas, le voulant ou ne le voulant pas, à l’établissement et au maintien du règne immortel du Rédempteur. Telle sera son extase en face de tant de vérités, qu’il en mourrait d’admiration, s’il n’était revêtu d’une force surhumaine.

Un seul mot t’exprimera toute ma pensée : Dans la terre des Vivants tout sera lumière : lumière intellectuelle et lumière physique, lumière immense, lumière sans ombre, lumière sans intermittence, lumière mille fois plus éclatante que celle du soleil et de tous les astres réunis. Le foyer de cette lumière sera Dieu Lui-même, et Notre-Seigneur, le puissant réflecteur qui la projettera à flots dans toute l’étendue de la cité bienheureuse.

Ainsi, dans la terre des Vivants, plénitude de vie pour l’esprit : plénitude instantanée et toujours nouvelle ; car, dans cet océan sans limites et sans fond de lumières et de vérités, l’esprit découvrira toujours, sans pouvoir jamais arriver à la dernière, des lumières nouvelles et des vérités nouvelles : De claritate in claritate (II Cor., III, 18). Et nous qui, depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse, luttons avec tant de peine et si peu de succès contre les ténèbres de l’ignorance et de l’erreur, nous ne désirerions pas d’aller dans le pays de la lumière, et nous plaindrions ceux qui nous y précèdent !
Mgr Gaume – La vie n’est pas la vie (1868)
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Message  Arlitto Sam 20 Aoû 2016 - 16:50

Le paradis, du judaïsme au christianisme
Par Benoit de Sagazan dans 
actualité-histoire
 
PARADEISOS, paradis - Page 2 Edouard-Cothnet-683x1024
Le paradis, du judaïsme au christianisme
par Edouard Cothenet

Bibliste, professeur honoraire de l’Institut catholique de Paris
Par rapport aux nombreux mythes sur l’âge d’or le récit biblique se caractérise par sa sobriété. Le jardin d’Eden, – appelé paradeisos dans la Septante,- se présente comme une oasis, bien arrosée. Selon la notice savante qui a été ajoutée, il se trouve à la naissance des grands fleuves qui irriguent la Mésopotamie. Au milieu du jardin pousse l’arbre de vie, bien connu en Orient; par contre l’arbre de la connaissance du bien et du mal ne se trouve que dans la Bible. Il est au centre du drame.

En désignant Dieu Dieu comme YHWH Elohîm, le narrateur des chapitres 2 et 3 désigne le Dieu d’Israël comme le Dieu de l’univers. Loin d’être ethnocentrique, le récit concerne toute l’humanité. La vie en Eden se caractérise par la paix qui y règne. Rien à redouter des animaux, comme le dira Isaïe dans un poème messianique (Is 11,6-9). L’homme et la femme vivent dans la transparence de l’amour, sans craindre la mort. Quant à Dieu, il vient s’entretenir familièrement avec le premier couple, à la brise du soir (Gn 3, 8).

Suggérée par la ruse du serpent, la volonté de devenir comme des élohîm détruit cette belle harmonie. L’homme désormais est condamné à gagner sa vie à la sueur de son front. Attirée par l’homme ,la femme en subira le joug et enfantera dans la douleur. Si les coupables sont chassés du paradis, gardé par les Chérubins à l’épée foudroyante, Dieu ne les abandonne pas pour autant. Il les revêt de peaux de bête (3, 21) et laisse entrevoir la victoire future de la race de la femme sur le Serpent (3,15).

Par anticipation, relevons l’interprétation du Targum palestinien, précieux témoin des explications données dans les synagogues au début de notre ère. Dieu installa Adam « dans le jardin d’Eden pour rendre un culte selon la Loi et pour garder les commandements. » Selon un autre manuscrit, Dieu avait créé Adam à l’emplacement du Temple futur et de là l’avait conduit en Eden. Chassé du paradis, l’homme peut cependant trouver son salut par la pratique de la Loi qui est bonne comme l’arbre de vie.

Le récit de l’Eden ne semble pas avoir retenu l’attention des anciens auteurs bibliques Certes, le rouleau d’Amos se termine par la vision d’une fertilité prodigieuse (Am 9, 13-15). Pour Osée (2, 16s. 23s.) la fertilité du sol sera la conséquence d’un retour d’Israël vers son Dieu. Les conditions de vie ne seront pas changées pour autant.

Dans sa diatribe contre Tyr, Ezéchiel se souvient du mythe d’Adam et accuse le roi de se considérer comme un dieu (Ez 28, 2). Des Pères de l’Eglise y verront la figure de Lucifer ! La célèbre vision du filet d’eau sourdant du seuil du Temple, et devenant un fleuve capable d’assainir la mer Morte, évoque le retour du Paradis sur terre (Ez 47).

Le mythe du paradis revient en force dans le judaïsme des derniers siècles avant notre ère. Selon le livre des Proverbes, la Sagesse est l’arbre de vie assurant le bonheur de ses fidèles (Pr 3, 18). Plantée en Israël, la Sagesse divine officie dans le Temple de Jérusalem et y répand ses parfums (Si 24) La comparaison avec les plus beaux arbres évoque le jardin d’Eden (vv. 13-17) En s’attachant à la Sagesse, on entre dans le paradis de Dieu. On peut évoquer à ce sujet la comparaison de la bien-aimée avec le paradis « Tu es un jardin verrouillé, ma sœur, ma fiancée…Tes surgeons sont un paradis de grenades, avec des fruits de choix. » (Ct 4, 12s).
Une remarque grinçante trahit la misogynie du sage « La femme est à l’origine du péché et c’est à cause d’elle que tous nous mourons. » (Si 25, 24) Ecrit en grec, le livre de la Sagesse décrypte le sens du drame de l’Eden ; « Dieu a créé l’homme pour qu’il soit incorruptible, et il l’a fait image de ce qu’il est en propre. Mais par la jalousie du diable la mort est entrée dans le monde : ils la subissent ceux qui se rangent à son parti. » (Sg 2, 33s)

Le questionnement sur le sort de l’homme après la mort amène l’abandon de la vieille représentation du shéol, antre obscur où, pêle mêle, les âmes des défunts croupissent dans l’obscurité. Le livre d’Hénoch, rédigé à partir du 3e s. avant notre ère, rapporte l’exploration des cieux et des abîmes par le héros d’avant le déluge qui fut enlevé au ciel, en raison de sa droiture (Gn 5, 24) . Selon leurs fautes ou leurs mérites, les défunts sont répartis entre quatre grottes. Une seule est pourvue d’une source lumineuse : elle est destinée aux justes qui y attendent paisiblement la résurrection à l’heure du Jugement (22). Poursuivant son voyage, Hénoch atteint le paradis où il voit l’arbre de la vie, répandant un parfum délicieux et ressemblant à un palmier (24, 2) Plus loin, il aperçoit l’arbre de la connaissance, élevé comme un pin, dont les fruits sont la nourriture des saints (32). Hénoch est installé dans ce paradis céleste (60, 8), ainsi qu’Elie (89, 52).
Après la ruine de Jérusalem en 70, deux apocalypses s’efforcent de rendre compte du drame et de relever l’espérance des survivants. Selon Baruch syriaque, lors de la venue du Messie, les justes règneront sur terre pendant mille ans. Ensuite viendra le Jugement général : les justes seront transportés au ciel (51,11) La même représentation se retrouve dans le IVe livre d’Esdras pour qui le paradis sera rouvert pour les justes au jour du Jugement (8, 52).

Dans le Nouveau Testament.
Le mot Paradis ne se trouve qu’une fois dans les Evangiles, lors du dialogue entre le bon larron et Jésus. Luc a voulu illustrer la force de la prière du Christ implorant son Père pour ses bourreaux. (Lc 23, 34). Touché, l’un des larrons confesse sa faute, puis s’adresse à Jésus ; « Souviens-toi de moi quand tu viendras comme roi. »(23, 41). L’espérance juive dans le royaume du fils de David se trouve transformée ; c’est par-delà la mort que s’établira le règne du Messie. La réponse de Jésus est décisive: « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis.» Au-delà des images traditionnelles sur le paradis il faut mettre l’accent sur le « avec moi ». Le rapport interpersonnel est essentiel. Dans la même ligne Paul, après l’évocation du scénario de la parousie, pourra dire: « nous serons pour toujours avec le Seigneur. »(I Th 4, 17) Pour sa part Paul ne parle du paradis que dans un contexte polémique (2 Co 12, 1-4).

Provoqué par les prétentions des pseudo-apôtres, il relate un voyage céleste, à la manière d’Hénoch. Etait-il dans son corps ou non ? Cette curieuse indétermination montre le détachement par rapport aux spéculations de l’époque. Toujours est-il que Paul est transporté au 3e ciel où se trouve le paradis. Là, il entend des paroles qui ne peuvent être divulguées. Par contre l’apôtre s’étend sur sa demande d’être délivré de l’écharde qui meurtrit sa chair. La réponse divine est décisive : « Ma grâce te suffit: ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. »(2 Co 12, 9) On peut parler d’une démythologisation de l’apocalyptique. La porte d’accès au paradis, c’est la participation à la croix du Christ.

Dans l’Apocalypse Jean reprend des images paradisiaques. C’est ainsi que, dans la lettre à l’église d’Ephèse, le vainqueur reçoit la promesse d’avoir accès à l’arbre de vie (Ap 2, 7), dont le fruit n’est autre que la manne, mise en réserve dans les cieux, jusqu’aux jours où elle sera donnée aux élus (Ap 2, 17). La finale de l’Apocalypse célèbre les noces de l’Agneau avec l’Epouse, dont la robe de lin est tissée avec les œuvres des saints (Ap 19, 8). Les images se bousculent : l’Epouse devient la Jérusalem nouvelle, reposant sur les assises des douze apôtres de l’Agneau, toute resplendissante de lumière, car « la gloire de Dieu l’illumine et son flambeau, c’est l’agneau. » (21, 23).

A cette vision étincelante succède celle du jardin paradisiaque. Le fleuve d’eau vive jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau (22, 1). L’arbre de vie se dresse au milieu de la place, donnant son fruit chaque mois et son feuillage pour la guérison des nations. Derrière l’évocation du jardin de la Genèse se discerne la vision d’Ezéchiel sur le filet d’eau, jailli du Temple (47).
Alors que chez le prophète la vision ne concerne que l’Israël des temps eschatologiques, l’Apocalypse se distingue par son ouverture universelle, comme le montre la vision du ch.7 où, après les élus des 12 tribus d’Israël, viennent ceux « de toutes nations, tribus, peuples et langues (7, 9).

A l’époque des Pères de l’Eglise
Les interprétations des Pères de l’Eglise se partagent entre réalisme et symbolisme. Réalisme : où se situe le paradis ? Sur terre dans le lointain Orient ou au ciel ? Symbolisme : les applications sont multiples, à l’Eglise, à Marie, au monastère…Bornons-nous à quelques flashes.

Voulant sauvegarder la tradition de l’Ancien Testament sur le règne du Mesie, les millénaristes enseignent qu’après son retour sur terre (parousie) le Christ règnera mille ans sur une terre paradisiaque (d’après Ap 20, 1-6). Viendra ensuite le Jugement général, admettant les uns au ciel, condamnant les autres à la géhenne de feu. Irénée, évêque de Lyon, partage les croyances millénaristes, en réaction contre les Gnostiques qui dépréciaient le corps et rejetaient la réalité de la résurrection. S’appuyant sur les dires de Papias, évêque de Hiérapolis, il évoque les jours « où des vignes croîtront, qui auront chacune dix mille ceps et sur chaque cep dix mille branches….. Et lorsque l’un des saints cueillera une grappe, une autre grappe lui criera : je suis meilleure, cueille-moi et, par moi, bénis le Seigneur. » (Adv. Haer. V, 33, 5). Il est facile de comprendre l’apposition des Alexandrins à de telles élucubrations.

Dans la Passion de Perpétue et de Félicité, écrite à Carthage vers l’an 200, est racontée la vision de Saturus, transporté au paradis après son martyre. Quatre anges l’enlèvent jusqu’à un parc, ombragé de grands arbres, où poussaient des roses et toutes sortes de fleurs. Accueilis, lui et Perpétue, par d’autres anges, ils peuvent s’avancer jusqu’au trône où siégeait un homme à tête blanche, avec une chevelure de neige et le visage d’un jeune homme. Soulevés par les anges, Saturus et Perpétue peuvent embrasser l’homme et « de sa main il nous effleura le visage. » Après leur avoir donné la paix, les vieillards entourant le trône nous dirent : « Allez et amusez-vous. »(12, 6) Emouvante vision qui nous montre comment les futurs martyrs s’encourageaient mutuellement avant d’être livrés à la dent des fauves.

Dans son Commentaire sur Daniel, dirigé contre ceux qui annonçaient la Parousie du Seigneur comme imminente (vers 202), Hippolyte de Rome applique le thème paradisiaque à l’Eglise : « Il coule dans ce jardin une eau intarissable ; quatre fleuves en découlent arrosant toute la terre. Il en est de même dans l’Eglise : le Christ, qui est le fleuve, est annoncé dans le monde entier par le quadruple évangile. » (I, 17)
Pour certains le paradis céleste est le lieu de séjour des justes avant la résurrection générale et la vision de Dieu face à face. Ainsi pensa-t-on que le corps de Marie fut enterré sous l’arbre de vie pour qu’il reste incorruptible jusqu’au jour de la résurrection. En Occident, le récit attribué à Méliton de Sardes enseignera l’assomption de Marie dans son corps et son âme le 3e jour après son décès à Jérusalem.
Saint Ephrem au 4e siècle, le grand docteur du monde syriaque, est un bon témoin des anciennes représentations dans ses Hymnes sur le Paradis. Toutes ruisselantes d’images, elles évoquent la destinée de l’homme depuis la chute d’Adam jusqu’au retour au paradis grâce au Christ médecin. L’apport spécifique d’Ephrem porte sur l’ Avant-Paradis où les justes doivent attendre l’heure de la résurrection finale et dont la rosée peut soulager des pécheurs qui ne sont pas condamnés à la Géhenne.

PARADEISOS, paradis - Page 2 Mosa%C3%AFque-du-latran
Terminons en évoquant l’admirable mosaïque de Saint Clément à Rome, où l’on voit les quatre fleuves du paradis jaillir du trône du Christ, tandis que des agneaux paissent dans un pré émaillé de fleurs.
E.Cothenet

Biblio 

  • Art. Paradis , Catholicisme , t.X , I Etude scripturaire, c.622-628 (E.Cothenet)

  • 2 Iconographie c. 628-632 (M.-L. David Danel)

  • Art. Paradis, Dictionnaire de Spiritualité t.I Dans la tradition chrétienne ; c.187- 197, (P. Miquel)

  • Ephrem de Nisibe, Hymnes sur le Paradis (Sources Chrétiennes n°137), Cerf, 1968

  • (R. Lavenant et Fr. Graffin)

  • A.Wénin, Pas seulement de pain...(Lectio divina 171),Cerf, 2002 ,ch.2 L’arbre et le serpent, p.39-74

  • L.Ginsberg, Les légendes des Juifs. T.I (Cerf, 1997) Ch. 2 Adam, p.39-78.


Lire aussi

PARADEISOS, paradis - Page 2 Monde_de_la_Bible_213_Paradis
Le numéro 213 (juin-juillet-août 2015) du Monde de la Bible Paradis perdus, promis est disponible dès aujourd’hui en kiosques et en librairies
Dans ce numéro 213 vous trouverez : des réponses aux questions que pose le conflit en Syrie et en Irak ; les clés de lecture pour comprendre le Lévitique ; un dossier sur les paradis perdus et promis, dans les civilisations anciennes, le judaïsme, le christianisme et l’islam ; des découvertes archéologiques en Israël, l’ouverture du musée de Bagdad et l’histoire de la célèbre stèle des Gentils à Jérusalem ; un portrait de Marguerite Yon, archéologue ; l’actualité des expositions qui évoquent Velázquez, Giotto et le Caravage à Paris, les lieux saints partagés à Marseille et le millénaire de la cathédrale de Strasbourg ; la Bible des peintres qui passe au scanner la création d’Adam de la chapelle Sixtine à Rome par Michel-Ange ; un portfolio révélant dix chefs-d’œuvre de la Renaissance au château de Fontainebleau ; sans oublier les recensions de nombreux livres… Bonne lecture !
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Message  Arlitto Sam 20 Aoû 2016 - 16:57

LE PARADIS DANS LES RELIGIONS DU MONDE
LE PARADIS
DANS LES RELIGIONS DU MONDE

Yannick IMBERT*

Avant de parler de paradis, il faut parler de mort, et parler de mort, c’est parler de ce qui demeure la réalité la plus certaine que nous puissions tous connaître. Pour certains, « la vie nous parle de mort, et même elle ne parle que de cela ». Comme le rappelle un autre grand observateur de la société humaine, la vie humaine est toujours vécue dans la perspective d’une fin inéluctable. Il faut que l’être humain vive, et qu’il vive, « avant que la poussière retourne à la terre, comme elle y était, et que l’esprit retourne à Dieu qui l’a donné » (Ecclésiaste 12.9). Dans un  ouvrage présentant les croyances religieuses sur l’« au-delà », les auteurs soulignent que

le mot seul [la mort] évoque la peur. Chaque personne, chaque être humain, expérimente quotidiennement la vie dans des myriades d’aspects. La mort se tient à l’orée de cette expérience, mais demeure malgré tout toujours présente. Concevoir une fin de la vie et de soi défie l’imagination, bien que la réalité de la mort soit certaine pour tout le monde.


Mais cette idée, qui défie l’imagination, l’éthique et même la métaphysique humaine depuis des siècles, est cependant l’une des plus obsédantes pour l’humanité, quoique nous fuyions sa réalité quotidienne, en essayant soit de la maîtriser, soit de l’ignorer.
Et pourtant, si vous faites une recherche Google pour le mot « paradis », on a plus de chances de trouver un article sur les paradis fiscaux ou sur les dernières affaires privées de Vanessa Paradis que sur un sondage indiquant ce que croient les Français sur ce sujet oublié du « paradis ». Comme souvent, pour de tels sondages, il faut se tourner vers les grands journaux catholiques. La Vie a publié, par exemple, en 2010, les résultats d’un sondage conduit par l’Institut CSA auprès d’un échantillon de la population française. Qu’indique ce sondage ? Tout d’abord, les Français n’ont aucune hésitation concernant la nature d’un possible paradis sur terre :

Un bonheur qui passerait par « un moment de sérénité » (38%), paradis qui s’ouvrirait sur « un jardin extraordinaire » (20%). Ces deux images arrivées en tête expriment surtout une aspiration à une certaine qualité de vie et relèguent en troisième position la « maison de vos rêves », choix plus prosaïque qui n’inspire que 18% des sondés.


Tout cela n’est certainement pas une surprise. Si on parle de paradis sur terre, qu’est-ce que cela pourrait bien être d’autre ? Mais la vraie question est celle du paradis, c’est-à-dire de l’existence après la mort. Qu’en disent les Français, cette population qui semble être matérialiste à l’extrême ? « Dans un monde toujours plus séculier et matérialiste, où l’idéologie religieuse et la discussion du surnaturel sont généralement considérées avec mépris », on devrait s’attendre à des résultats sans surprise. Or, quelque 36% des sondés répondent qu’ils croient en l’existence d’un paradis quel qu’il soit et, à l’inverse, 59% n’y croient absolument pas. La vraie conclusion, indique le philosophe Paul Clavier, qui a été consulté pour l’interprétation de ce sondage, c’est que « deux tiers des Français estiment donc que leur vie se limite à sa durée biologique, ce qui implique que tout ce qu’on a accompli sur terre est irréparable et que nous ne sommes guère dans l’espérance ».
Seulement 31% des croyants (catholiques) interrogés retiennent l’idée d’une « rencontre avec Dieu » comme expression décrivant de manière adéquate la nature de ce paradis. Pour la majorité des Français, revoir sa famille, ses amis, trouver le « bien-être » final est l’essence même du paradis. Ainsi une perspective relativement matérialiste serait combinable avec l’existence du paradis. Ce paradis français, c’est simplement l’aboutissement de toutes les attentes matérialistes : vivre bien avec ceux que nous aimons. Quant aux spéculations sur les modalités précises de ce « paradis », les Français semblent ne pas s’y intéresser, les spéculations sur l’état de l’être humain après la mort étant légion, comme le sont les descriptions possibles du lieu de rassemblement des « décédés ». Cela explique peut-être aussi qu’un cinquième des Français déclarent croire à la réincarnation.
Dans ce contexte, quelles sont les positions des quelques religions représentatives du paysage religieux français et quelles réponses apportent-elles aux attentes de nos contemporains ?

I. L’islam
Le mot grec parádeisos a été utilisé par les traducteurs de la Septante (LXX) pour rendre compte du terme hébreu pardes (plus tard associé à gan) ; c’est de la composition de ces deux termes que vient le mot « paradis », image qui se réfère plus directement à un « jardin », au jardin originel, au jardin d’Eden. Un phénomène similaire en arabe apparaît dans le Coran avec l’utilisation du terme firdaws, qui désigne le plus haut niveau du paradis (jannah), lieu par excellence de félicité et de béatitude.
Si on cherche dans le Coran la nature de l’existence éternelle, on est rapidement confrontés à la nécessité d’examiner une diversité de termes associés à cette réalité. En effet, dans le Coran, l’utilisation des noms est l’un des principaux vecteurs de la connaissance indispensable pour décrire la nature des choses, comme c’est le cas pour la nature d’Allah qui l’est plus par ses noms que par ses attributs. Plusieurs épithètes sont donc attribuées au jardin paradisiaque :

Firdaws : le plus haut Jardin du paradis (sourate Al-Mu’minoon, 23:11).
Dār al-maqāmah : la Demeure de stabilité (sourate Fātir, 35:22).
Dār as-salām : la Demeure de la paix (sourate Yūnus, 10:25).
Dār al-’Āhirah : la Demeure dernière (sourate al-’Ankabūt, 29:64).
Al-Jannah : le Paradis, terme le plus utilisé dans le Coran et les Hadith (sourates al-Baqarah, 2:35 ; Al-i-Imran, 3:133, 3:142 ; al-Ma’idah, 5:72).
Jannat al-’adn : les Jardins d’Eden (sourate ar-Ra’d, 13:23).
Jannat al-Huld : les Paradis d’éternité (sourate al-Furqān, 25:15).
Jannat al-Ma’wā : Paradis de refuge (sourate an-Nagm, 53:15).
Jannat an-Naīm : les Jardins de délice (sourate al-Mā’idahYūnus, 10:9).
Maq’ad as-Sidq : le Siège de vérité (sourate al-Qamar, 54:55).
Al-Maqām al-’Amīn : le Séjour de sécurité (sourate ad-Duhhān, 44:51)


Il y a plus de 120 références pour le mot « jardin » dans le Coran, et l’expression la plus couramment utilisée est  jannat al-firdaws, littéralement le « jardin (jannat) du paradis (firdaws) ». La gamme des épithètes utilisées pour qualifier le jannat indique régulièrement un lieu, non seulement de bonheur éternel, mais aussi un refuge, une retraite abritée et sécurisée (khalwa). Quant au terme « Jardin d’Eden », il suggère la paix spirituelle et l’harmonie de l’état primitif de l’homme retrouvées dans la vie de l’au-delà.
Ces épithètes qualifient et décrivent aussi, très souvent, un jardin dans lequel l’humanité retrouvera une parfaite communion avec les biens matériels et le plaisir qu’ils procurent. Cela a donné lieu à nombre de clichés concernant ce paradis. Dans la conception populaire, c’est le plaisir matériel qui est souvent souligné, le paradis dans le Coran étant conçu comme un jardin sensuel, un paradis « terrestre » dans lequel des biens charnels attendent les bienheureux. Mais ce serait oublier de nombreux autres textes comme la sourate 35:34-35 :

Et ils [les croyants] diront : « Merci à Dieu qui a extirpé de nous l’affliction ! Oui, notre Seigneur est pardonneur, certes, reconnaissant, qui nous a installés de par Sa grâce dans la Demeure de stabilité où nulle lassitude ne nous touche. »

Nous croyons et affirmons bien souvent, et la conception musulmane populaire le  laisse effectivement souvent penser, qu’il n’y a rien de spirituel dans ce paradis musulman. Cette critique de la vision coranique du « paradis » a souvent été formulée par la théologie chrétienne, souvent sans porter une attention exégétique suffisante aux textes considérés.
Il n’en demeure pas moins que les plaisirs sensuels sont présents à chaque étape de la description paradisiaque, comme l’explicite, en quelques mots, ce verset de la trente-septième sourate : « Et ils auront auprès d’eux des belles aux grands yeux, le regard chaste, des belles comme le blanc caché de l’œuf. » Des richesses attendent les « esclaves choisis » (sourates 43:70-71 ; 55:70-71 ; 44:51-53), ainsi que des fruits et de l’honneur (sourate 37:40-43 ; 43:72-73 ; 44:55), ainsi que des garçons éternellement jeunes (sourate 76:19). En sourate 56:22-38, on peut lire une description plus étendue :

Et des houris aux grand yeux, semblables à la perle bien gardée, pour paiement de ce qu’ils œuvraient. Ils n’entendront là ni vanité, ni incrimination ; que le mot « Paix ! Paix ! ». Et les gens de la droite… ils sont parmi les jujubiers aux fruits abondants mais sans épines, et aussi parmi les acacias en lignes, parmi l’ombre étendue et l’eau qui se déverse, et les fruits abondants ni cueillis ni interdits, avec de hauts lits et des belles qu’en vérité nous avons ouvragées d’ouvrage, puis faites vierges, amoureuses, toutes du même âge – pour les gens de la droite !


Dans ce jardin de délices, les « esclaves choisis d’Allah » trouvent tout le plaisir qu’ils désiraient, plaisir premièrement sensuel, mais aussi spirituel de la communion divine :

Aux croyants et aux croyantes, Dieu a promis des Jardins sous quoi coulent les ruisseaux, pour qu’ils y demeurent éternellement, et des demeures excellentes, aux jardins d’Eden. Or, de Dieu l’agrément est plus grand encore. C’est là l’énorme succès.


En ajout à ce verset du Coran, certains hadiths soulignent fortement la nature spirituelle du paradis, lieu de présence d’Allah. Sahih Muslim, livre 40, Hadith 7056 dit, par exemple : « Abu Huraira a rapporté que le Messager d’Allah (que la paix soit sur Lui) a dit : La terre consommera tous les fils d’Adam, sauf sa moelle épinière à partir de laquelle son corps sera reconstitué (le Jour de la Résurrection). »
On pourrait donc comparer, compter les différentes sourates et conclure que le Coran parle plus souvent du plaisir sensuel dans le paradis que de communion avec Allah. C’est effectivement, dans le langage employé, bien le cas. En conclure que le paradis musulman est un paradis sensuel conçu principalement pour les « mâles » en quête de jeunes vierges, il n’y a qu’un pas que l’apologétique chrétienne a volontiers franchi. Mais, au-delà de la seule caricature, ce serait sous-estimer la manière dont certains courants musulmans ont interprété le paradis « matériel » par une description analogique d’un état spirituel. Un commentateur indique : « Il est bienséant que les ‹houris›, les palais, les jardins, fontaines [mentionnés dans le Coran] consistent en des états de la vision de Dieu. A chaque vision correspond un goût (plaisir) différent. » On peut lire, dans cette perspective, des passages comme celui-ci :

De la même manière, l’inclinaison des houris du paradis vers ses habitants est l’amour de Dieu. C’est comme si Dieu lui-même embrassait (les habitants du paradis), comme lorsque deux formes s’embrassent, c’est l’amour de deux esprits. Mais au niveau de la réalité de l’esprit et le sens de la forme, il ne peut y avoir aucune étreinte.


Dans cette mystique du jardin, le plaisir charnel est le plus puissant symbole de communion divine ; il ne faut donc pas nécessairement prendre littéralement les descriptions coraniques. Cependant, la plupart des courants théologiques musulmans souligneront que l’aspect « formel » de la béatitude éternelle n’est pas Allah lui-même mais la qualité de la vie des « choisis » dans ce paradis retrouvé. A cette vie, seule la vision béatifique de Dieu reste à ajouter ; c’est précisément ce qui a séparé l’école mu’tazilite de la plupart des autres écoles de pensée. Al-Ash’arī (théologien proche des mu’tazilites et dont les disciples fonderont l’école concurrente – l’asharisme) comparera la vision d’Allah au plus élevé des plaisirs. Malgré les débats sur la nature précise de la « vision d’Allah », Al-Ash’arī laissera ouverte la possibilité que cette « vue » soit similaire à la vue naturelle dont le Créateur a pourvu les hommes tandis que l’écolemu’tazilite maintenait l’exclusivité de la vision béatifique.
Cette vision béatifique n’était toutefois pas identique à celle qui est promue dans la théologie chrétienne, particulièrement dans la théologie médiévale de la visio beatifica. Dans la théologie chrétienne, la vision béatifique est essentielle à la communion des saints dans le royaume éternel. Dans la conception musulmane, la vision béatifique n’est que ponctuelle et intermittente. Louis Gardet conclut bien à propos :

Pour la tradition musulmane, le bonheur de l’élu se définit d’abord par la jouissance de biens créés. Tor Andrae a pu montrer que les descriptions paradisiaques du Coran sont en consonance avec des hymnes du diacre Ephrem et diverses sources syriaques.

Dans la vision coranique, le plaisir matériel paradisiaque est un signe de plaisir divin. L’image du jardin est symboliquement aussi celle d’un lieu de retraite, de paix, reflétant harmonie et calme. En effet, les théologiens musulmans soulignent souvent que, si la création est bonne, il ne faut pas s’étonner de retrouver le plaisir de cette création dans l’état paradisiaque. En fait, les falāsifa seuls ainsi que les mystiques sūfīs verront dans les délices sensibles une pure métaphore. Cependant, la plupart des théologiens, qui admettent le principe des plaisirs sensibles, se garderont bien de rationaliser ou de commenter sur leur mode précis. Ceci dit, ils souligneront, néanmoins, que si la description des biens matériels est similaire à ceux que nous connaissons ici-bas, leur nature sera essentiellement différente ; mais cette distinction n’est que pure sémantique. Dans un ouvrage d’exégèse coranique datant de la fin du XVe siècle, il est rapporté qu’Al-Suyuti parle, dans son commentaire, d’un vin

qui ne suscite pas de folies, rien qui ne pervertit leurs esprits, ils ne seront pas épuisés suite à sa consommation (lire yunzafûna ou yunzifûna, de nazafa ou anzafa, se dit d’une boisson, en d’autres termes, ils ne sont pas sujets à l’ébriété [par ce vin], ce qui diffère du vin de ce bas monde).


Nous voyons bien là un effort pour minimiser la critique de la vision paradisiaque coranique dans laquelle les plaisirs sensuels interdits sur terre sont pourtant bien valorisés. Dans tous les cas, une différence essentielle (essentia) est soulignée entre les plaisirs terrestres et « paradisiaques ». Cela ne signifie pourtant pas que certains théologiens musulmans n’aient pas utilisé l’attrait de ces images de plaisirs à venir afin de « motiver » les fidèles pour suivre les voies d’Allah. Un autre auteur remarque que
 
pour les théologiens chrétiens, le paradis islamique était l’exemple ultime que l’islam était une religion qui manquait de spiritualité. Par contraste, l’islam offrait une matérialité : la promesse d’un monde physique dans lequel il serait possible de vivre une vie faite de sensations et entourée de biens.


Les apologètes chrétiens ont aussi voulu montrer la contradiction qui existe entre une vie musulmane légalisée et une promesse de paradis décomplexé, y compris au niveau de la sexualité. C’est la fameuse « image » populaire des soixante-douze vierges, les houris, qui attendent « là-haut » le croyant. Mais souligner l’acceptation d’une immoralité dans le paradis musulman est une erreur qui néglige de prendre en compte d’autres textes coraniques comme  la sourate 4:57 : « Et quant à ceux qui ont cru et fait de bonnes œuvres, bientôt Nous les ferons entrer aux Jardins sous lesquels coulent des ruisseaux. Ils y demeureront éternellement. Il y aura là pour eux des épouses purifiées. Et Nous les ferons entrer sous un ombrage épais. » Soulignons ici, en passant, la différence d’usage entre les termes houris et épouses purifiées, cette dernière expression renvoyant clairement à la dimension conjugale. Cette différence est importante pour l’exégèse coranique ; aussi ne pas prêter attention à la manière dont les théologiens musulmans interprétèrent la description coranique du paradis n’est certainement pas une manière honnête de promouvoir le dialogue interreligieux.
Dans le Coran, le symbolique et l’éternel sont ainsi profondément mêlés, rendant difficile de distinguer derrière les termes exprimant une réalité matérielle, terrestre, la réalité céleste. Par exemple, la notion de « miséricorde » est particulièrement symbolisée par l’eau, en particulier la pluie. En effet, dans le Coran, l’idée de révélation, qui signifie littéralement « envoyer vers le bas », est symbolisée par la pluie « envoyée » par le Très Miséricordieux ; elle est une « miséricorde » qui « donne la vie ».
En fin de compte, au travers de toutes les descriptions matérielles du paradis coranique, c’est, le plus souvent, le motif de l’ascension vers le ciel qui est mis en avant. La vision coranique du paradis est ainsi superficiellement assez claire, mais pleine de clichés populaires : promesse d’un paradis dans lequel les plaisirs interdits seront désormais librement accessibles. Il y a plusieurs manières de considérer la nature spirituelle et matérielle de ce paradis auquel le croyant accède par la validité et la perfection de ses œuvres. A cela nous devons porter attention : la théologie musulmane est profondément diverse et la manière dont le paradis a été interprété et vécu l’est également. L’espérance qui y est attachée s’incarne donc de bien des manières. C’est à cette espérance de la vie dans le « paradis » que les apologètes, que nous sommes tous, devront s’attacher. Notre tâche sera d’accueillir et de comprendre la nature de ce « paradis » et l’espérance qui y est attachée pour en discerner l’impossibilité.
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Message  Arlitto Sam 20 Aoû 2016 - 17:01

II. Le bouddhisme


Comment le bouddhisme, pratique religieuse et spirituelle en plein essor en France, traite-t-il le sujet du paradis ? Il peut sembler, a priori, bien étrange de parler de « paradis » dans le bouddhisme. Ne prône-t-il pas, en effet, une dissolution de tout dans le Tout ? Dans ce cas, la seule chose dont il serait possible de parler est de cette extinction lors de la mort, la manière dont l’individu rejoint le nirvana, lieu de l’au-delà dont nous ne savons rien. Même l’entrée du Bouddha dans le nirvana n’apporte que peu d’éclairage, surtout si on considère « enfer » et « paradis » comme étant d’abord des états de conscience. Ainsi, la devise bouddhiste concernant les « fins dernières » pourrait être : « Ni Dieu, ni âme. » A noter que ces « fins dernières », si elles sont totalement absentes du « Petit Véhicule » (bouddhisme Hīnayāna), font partie des enseignements du « Grand Véhicule » (bouddhisme Mahāyāna). Il est donc question d’un paradis sans dieu, c’est-à-dire d’un paradis dont on ne peut rien connaître puisqu’il est, par définition, cessation de toute existence particulière. Cette conclusion, qui peut sembler sans appel, correspond à ce que nous imaginons, le plus souvent, de la conception bouddhiste du nirvana. Le bouddhisme prêcherait alors l’impermanence absolue de tout être et de toutes choses et conduirait paradoxalement  vers un paradis sans divinité ni âme. Cependant Max Müller, grand philologue du XIXe siècle, a déjà, en son temps, indiqué qu’il y avait un gouffre entre la conception théorique et la conception populaire du bouddhisme.

Le paradis bouddhiste, le nirvana, est donc multiple et ne se résume pas à l’absence de tout, à la désintégration du « soi ». Le croire serait une énorme caricature, même si un grand nombre d’enseignements bouddhistes soulignent cette dé-personnalisation : cela présente une grande opportunité apologétique. En réalité, le bouddhisme offre trois options essentielles pour la vie après la mort, pour l’état de « paradis », si l’on peut dire.

La première option que les écoles bouddhistes ont élaborée est l’enseignement du samsara continu, un cycle quasi sans fin de renaissance et de souffrance. La deuxième option est celle du nirvana, l’enseignement le plus connu relatif à l’au-delà bouddhiste. Dans cette perspective, le salut dans le bouddhisme primitif est le nirvana, processus parfois complexe d’extinction du karma par lequel est abandonné ou consumé tout ce qui constitue le « moi ». Ainsi, le nirvana n’est ni un lieu ni un état, mais la fin de la renaissance, ce qui pose la question de la nature précise de ce nirvana. Il y a là une première difficulté. De plus, cet enseignement remet à plus tard la dissolution finale du soi jusqu’à ce que tous les êtres vivants aient été éclairés. Si le nirvana s’applique à l’extinction des désirs, la plupart du temps après la mort, il est cependant potentiellement possible de connaître cet état de son vivant, mais seulement en de très rares occasions. D’ordinaire, il n’y a donc pas de réelle possibilité de sortir du cycle karmique. L’espoir d’entrer dans l’état de « grâce », s’il est possible de parler ainsi, dans le nirvana est hautement compromis.

Dans ces deux premières écoles bouddhistes, surtout pour la deuxième, atteindre le nirvana est soumis à une pratique individuelle qui devient une porte d’accès seulement pour l’individu. Cette pratique du bouddhisme Mahāyāna, connue sous le nom de « moyens habiles », a conduit à d’autres interprétations du salut, comme celle d’une renaissance dans un pays pur. Là, on peut continuer à aspirer à l’illumination dans un cadre agréable, sans crainte d’une renaissance sous une forme humaine. Une grande partie du bouddhisme Mahāyāna accorde une importance cruciale à l’upāya kausalya qui devient donc le « moyen habile » ou l’« expédient salvifique » employé par un être déjà éveillé et mû par la compassion pour guider les autres sur la voie de l’éveil. Dans le  bouddhisme Mahāyāna, le paradis n’est donc que la direction du nirvana prise par un individu en attendant l’éveil du reste de l’humanité. Dans cette perspective, l’espérance personnelle est conditionnée par l’accès de toute l’humanité à l’éveil, espérance hautement conditionnelle et aléatoire.
Examinons maintenant la troisième option bouddhiste qui est la doctrine, ou tradition, de la « Terre pure ». Si les deux premières « options » nient la réalité d’une permanence du « soi » ou de l’entité personnelle, cette dernière école a introduit la grande nouveauté d’une persistance personnelle après la mort. Cette perspective pour le moins originale est née au sein de la grande tradition du bouddhisme Mahāyāna (le Grand Véhicule). Cette nouvelle école bouddhiste fondée par Honen (1133-1212) s’est concentrée sur et a systématisé l’enseignement du Bouddha Amitābha, ou Bouddha de la Lumière Infinie. Des sūtras qui font autorité en ce qui concerne la doctrine de la « Terre pure », le plus ancien date d’environ 221-266.


Dans cette tradition bouddhiste, l’avenir de l’individu est plus clairement identifié que dans d’autres traditions du bouddhisme Mahāyāna, en particulier par sa référence à un lieu incarnant l’espoir de l’être humain. L’accession à la « Terre pure » se fait sur la base de trois conditions indispensables : la foi (xìn) en l’efficacité des vœux d’Amitābha, le vœu (yuàn) d’entrer dans sa Terre pure et la pratique de l’invocation (xíng) du nom du Bouddha Amitābha. Un auteur indique que, « en résumé, la foi (qui est définie en termes de ‹pleine conscience› ou ‹attention juste›) est l’instrument qui permet de réaliser la naissance dans la Terre pure. Cette naissance, de plus, implique l’éveil de soi et des autres» On retrouve ici la dimension communautaire qui ne soumet plus l’entrée d’un individu dans le nirvana à l’éveil de toute l’humanité, mais qui crée un lien entre le devenir d’un individu et le devenir des autres. Ainsi, mon entrée dans la « Terre pure » peut ouvrir l’accès des autres individus à cette béatitude.

Un aspect fascinant de cette perspective bouddhiste est sa manière de répondre au problème principal que le bouddhisme tente de résoudre : celui de la souffrance. Dans la tradition bouddhiste de la « Terre pure », le voyage de l’illumination est relativement facile, car il n’a pas à dépasser la souffrance, l’illusion, qui bloque sur terre le progrès de l’éveil. Le danger de renaître sur terre dans une condition peut-être pire que la précédente n’existe pas : le cycle karmique perd alors toute sa radicale répétition. C’est l’une des caractéristiques principales de cette école bouddhiste, qui présente ainsi un futur matérialisé. Cependant, ce n’est pas la seule manière, ni même la plus répandue, d’envisager l’au-delà, la vie après la mort, le « paradis », dans une perspective bouddhiste… ni même dans cette école de pensée. Il convient, en effet, de noter que la « Terre pure » n’est pas une demeure éternelle, mais plutôt un lieu médian où les habitants progressent vers l’illumination complèteLa dimension matérielle de cette « terre » serait donc transitoire. Mais il semblerait que la matérialité de la « Terre pure » ne soit pas la seule compréhension possible de cet enseignement. Certains auteurs remarquent, par exemple, qu’il est possible de considérer symboliquement la « Terre pure » comme décrivant l’état même de Bouddha : « Il semble ainsi que la Terre pure ne soit pas fonctionnellement un lieu où nous allons afin d’être finalement illuminés. Mais nous sommes plutôt illuminés immédiatement au moment de notre mort : nous devenons ce que nous avons toujours été. » Cependant, la plupart des auteurs s’accordent pour montrer la spécificité physique du paradis de cette école bouddhiste, paradis béatifique offert à tous. La « Terre pure » du Bouddha Amitābha est ainsi un domaine rempli de merveilles et d’ornements où les humains jouissent de la présence des Bouddhas et Bodhisattvas au fur et à mesure que chacun progresse vers l’éveil.

Quoi qu’il en soit, deux choses apparaissent clairement dans ces quelques perspectives bouddhistes.
Premièrement, le paradis bouddhiste pose la question de la subsistance de la personne après la mort, notamment parce que les notions de « paradis » et d’« enfer » sont finalement devenues parties intégrantes du bouddhisme populaire dans toute l’Asie, comme elle le sera plus clairement dans le bouddhisme de la « Terre pure » :

Avant qu’il ne réalise l’état d’Eveil, le  Bouddha Amitābha jura de créer une terre où les vivants qui récitaient son nom pourraient naître… si vous récitez simplement Namo Amitābha Bouddha, vous renaîtrez dans la Terre de la Plénitude Ultime.

Même si nous trouvons dans une tradition bouddhiste la persistance de la personne humaine dans cet au-delà, la perspective la plus répandue est celle de la « dissolution » de la personnalité dans le nirvana. Dans un monde obsédé par l’identité personnelle, le bouddhisme fait cependant une percée remarquée et remarquable ! Comment donc maintenir ces deux constats a priori en contradiction ? Telle est pour nous l’un des défis qui nous incite à présenter l’espérance du royaume d’une manière plus pertinente.
Deuxièmement, la perspective bouddhiste met en avant la dramatique présence de la souffrance : comment être certain que la souffrance ne nous attend pas après la mort ? A cette question, l’apologète pourra aussi apporter en réponse l’espérance de la résurrection et de la glorification promise en Christ.

Conclusion
Les perspectives sur le paradis de ces deux religions sont étonnamment éloignées des soucis de la société contemporaine. Dans celle-ci, le paradis est bien loin des esprits et des préoccupations quotidiennes. Face aux crises financières et politiques qui assaillent les sociétés occidentales, y compris la nôtre, face au besoin de se « préparer un avenir », une retraite, la question du « paradis » peut sembler fort étrange, voire apparaître comme une simple fuite en avant. On peut cependant se demander si, loin d’avoir abandonné toute notion de « paradis », la société contemporaine ne l’a pas seulement sécularisé, comme nous l’avons indiqué en introduction. La volonté humaine affichée de pouvoir/devoir dépasser toutes ses frontières frôle l’eschatologie humaniste.
Nous voyons aussi que les perspectives de ces deux religions concernant l’existence après la mort, qu’elle soit nommée « paradis » ou autrement, soulèvent des interrogations auxquelles nous devons et pouvons répondre. L’islam pose la question de l’accès au paradis, par les œuvres ou par la foi, ainsi que celle de la dimension communautaire du « paradis ». Le bouddhisme, quant à lui, pose la question de la survivance de la personnalité humaine après la mort et interroge sur la dignité et l’intégrité de la personne humaine. Il pose aussi la question de la souffrance perpétuelle. Face à toutes ces questions, la venue et la proclamation du Royaume propose une vraie espérance, même, et surtout, en des temps troublés : une certitude d’avenir, une communion de justice et de paix qui ne dépendent pas des finitudes humaines.
Face à l’islam, le Royaume annonce une vie de communauté éternelle. Face au bouddhisme, le Royaume annonce la fin de la douleur et de la souffrance, de manière radicale et pour l’éternité (Apocalypse 21.1-4). Contre l’islam, le Royaume annonce une entrée gracieuse dont la réalité est déjà manifeste dans la vie de ceux que Dieu appelle ses enfants. Contre le bouddhisme, le Royaume met en valeur la personnalité intégrale des individus au sein d’une création restaurée. L’islam et le bouddhisme présentent à nos contemporains des options qui relèvent, l’un et l’autre, d’une religion des œuvres.
Enfin, et en guise de conclusion, faisons un petit détour par la kabbale juive. Dans la tradition kabbalistique, le Pardès, littéralement « le verger », qui est de même origine que le mot gréco-latin « paradis », désigne un lieu où l’étudiant de la Torah peut atteindre un état de béatitude. Ce Pardès, le Zohar l’interprète dans une perspective très intéressante qui lie l’accession au « paradis » à l’approfondissement de la connaissance et de l’interprétation de l’Ecriture. Ainsi, le Zohar propose une interprétation herméneutique du Pardès :

– PESHAT, c’est-à-dire le sens littéral du texte qui ne traite que du monde sensible ;
– REMEZ, c’est-à-dire l’allusion, qui constitue un niveau plus élevé de l’étude ;
– DERASH, c’est-à-dire l’interprétation figurée, qui est la parabole, la légende, le proverbe ;
– SOD, c’est-à-dire le secret, qui représente le niveau ésotérique traitant de la métaphysique et de la révélation des réalités surnaturelles, secrètes et mystérieuses.

La béatitude qui attend les « progressants » est donc une béatitude herméneutique : le paradis est un paradis interprétatif. Celui qui entre dans le Pardès entre dans la compréhension du Dieu de la Torah. Cette perspective kabalistique, avec toutes les hésitations qu’elle requiert, n’est pas sans intérêt : elle rappelle, en effet, la centralité de la révélation de Dieu dans l’annonce de la réalité du jardin eschatologique. C’est aussi ce que rappelle notre imaginaire visuel apocalyptique contenu dans le livre de l’Apocalypse : notre anticipation est fondée sur la révélation de Jésus-Christ. L’au-delà est essentiellement dévoilement du Royaume accompli, ce même Royaume inauguré dans la naissance, la mort, la résurrection et l’ascension de Christ. Dans un certain sens, la vie future est fondée sur un accomplissement passé. L’espérance chrétienne souligne, en y apportant une plénitude, que le Royaume est premièrement communion avec un Dieu qui se révèle et qui se laisse connaître. Ce serait avec bénéfice que nous pourrions lier, d’un point de vue apologétique, la doctrine de l’adoption avec celle du « paradis » ou de l’entrée dans le Royaume sabbatique.
Loin des clichés populaires ou en dépit d’eux, le symbole du paradis continue à bénéficier d’un attrait dont nos contemporains ne peuvent pas se passer. De la notion de progrès à la transformation de la nature humaine, de l’espérance personnelle à la disparition du « moi », les notions contemporaines de paradis ne cessent pas de mettre en danger la nature humaine. Dans ces « dénuement et incompréhension essentielle », l’humanité montre, dans toutes ses sociétés, des plus anciennes aux plus contemporaines, que le face-à-face avec la mort est constitutif de ce que nous faisons et pensons.
En fin de compte, il y a, dans l’humanité, un désir inassouvi de comprendre la tension qui existe entre le désir de vie, incarnée de manières très différentes, et l’implacable certitude de la mort :

C’est donc l’impossibilité pour l’homme de s’accommoder de son destin terrestre limité et son aptitude à conquérir une condition divine (ressentie pourtant comme sa vocation) qui a dû rendre légitime l’idée de l’âme, ainsi qu’en témoignent, comme on l’a vu, les rites funéraires attestés déjà dans la préhistoire.

Face à cette impossibilité, nos contemporains cherchent une espérance, une direction, un ancrage. Mais dans un monde en fuite devant la mort, en fuite devant lui-même, dans une société qui n’existe elle-même que par la mort, comme le dirait Louis-Vincent Thomas, nous sommes face à l’implacable présence de la mort et donc à la question de la survie de notre personne.
Il ne faut pas croire que nos sociétés sécularisées sont à l’abri de ces conceptions paradisiaques. Si la majorité des Français croit encore en un hypothétique paradis qu’elle se crée matériellement, c’est parce que toute société est, en fin de compte, un système de culture, de croyance et de pouvoir en lutte contre la puissance dissolvante de la mort et que les deux notions d’« enfer » et de « paradis » seront toujours présentes dans la vie humaine. Paradis sécularisé ou paradis religieux, la question demeure : comment présenter l’espérance de la vie éternelle dans le Royaume, un Royaume de paix et de justice dans lequel nous existerons en pleine conscience et intégrité ? Pour les témoins de Christ, la question est toujours d’actualité.



* Y. Imbert est professeur d’apologétique et d’histoire à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence.
[1] Jankelevitch, La mort, Paris, Flammarion, 1977, 58-59.
[2] C.M. Moreman, Beyond the Threshold : Afterlife Beliefs and Experiences in World Religions, Lanham, Rowman and Littlefield, 2008, 1. Etienne Seguier, « Les Français croient-ils au paradis? », La Vie, 5 août 2010, http://www.lavie.fr, accédé le 2 octobre 2012. Le rapport original est disponible sur le site de l’Institut CSA, http://www.csa.eu, accédé le 2 octobre 2012. Il est légitime de nous demander si cette conception du paradis terrestre n’est pas, dans l’imaginaire occidental, nourrie par des textes classiques comme celui d’Hésiode qui, dans Les travaux et les jours, écrit : « Les hommes vivaient comme des dieux, le cœur libre de soucis, à l’écart et à l’abri des peines et des misères… le sol fécond produisait de lui-même une abondante et généreuse récolte, et eux, dans la joie et la paix, vivaient dans leurs champs au milieu de biens sans nombre. » Hésiode, Les travaux et les jours, Paris, Les Belles Lettres, 1979, p. 90.
[3] E. Seguier , « Les Français croient-ils au paradis? », La Vie, 5 août 2010, http://www.lavie.fr, accédé le 2 octobre 2012. Le rapport original est disponible sur le site du CSA, http://www.csa.eu, accédé le 2 octobre 2012.
[4] C.M. Moreman, op. cit., 2.
[5] E. Seguier, art. cit.
[6] C.M. Moreman, op. cit., 1.
[7] Finalement, l’image symbolique du jardin n’est pas anodine. Dans le contexte du Proche-Orient ancien, le jardin décrit le domaine royal, une cité délimitée au sein d’un monde inhospitalier, le symbole de la vie dans le désert. Cette idée de séparation, de mise à part, apparaît donc aussi dans cette notion quasi universelle de « paradis » Comme le rappelle Jean Delumeau : « Dans les mentalités de jadis un lien quasi structurel unissait bonheur et jardin : ce qui ressort, en ce domaine, des traditions gréco-romaines avec lesquelles fusionnèrent, au moins partiellement, à partir de l’ère chrétienne, les évocations bibliques du verger d’Eden. » J. Delumeau, Une histoire du paradis, vol. 1, Paris, Fayard, 1992, 15.
[8] Par exemple, le récit le plus détaillé des Jardins du Paradis dans le Coran est dans la sourate al-Rahman (sourate 55, « Le Très Miséricordieux »), dans laquelle quatre jardins sont décrits, répartis en deux paires et divisés selon leur niveau d’accessibilité aux croyants. De nombreux apologètes et théologiens chrétiens ont malheureusement tendance à lire de manière littéraliste le Coran afin de mieux le critiquer, alors qu’ils affirment la nécessité de ne pas toujours lire la Bible de manière littéraliste. Une telle différence d’approche peut parfois relever de la manipulation textuelle et ainsi décrédibiliser l’entreprise apologétique. Il est crucial d’approcher les textes coraniques avec un vrai souci d’exactitude exégétique.
[9] Sourate 37:48-49. Sourate 55:56-58 ajoute : « qu’aucun homme ni djinn avant eux n’aura souillées ».
[10] Cf. C. Luxenberg, The Syro-Aramaic Reading of the Koran : A Contribution to the Decoding of the Language of the Koran, Berlin, Verlag Hans Schiler, 2007, 247-291.
[11] Sourate 9:72.
[12] Nous pourrions ajouter d’autres passages comme Sahih Muslim, livre 40, Hadith 6780.
[13] D’autant plus que « cette vie luxurieuse dans le Jardin avec des vierges (consorts)… ne fut certainement pas établie en accord avec les idéaux de l’ascétisme chrétien ». A. Uzdavinys, Ascent to Heaven in Islamic and Jewish Mysticism, Londres, Matheson Trust, 2011, 20.
[14] W.C. Chittick, Sufism : A Beginner’s Guide, Oxford, OneWorld, 2008, 123-124, disponible en ligne http://sufibooks.info/Sufism/William_Chittick_Sufism_A_Beginner’s_Guide.pdf, accédé le 16 octobre 2012.
[15] Ibid., 140. Cf. Bahâ od Dîn Walad (1148-1231), surnommé « sultan des savants » (Sultân al-’Ulama), a écrit Ma’arif (cf. chapitre 104, 1:147-148).
[16] L. Gardet, L’islam : religion et communauté, Paris, Desclée de Brouwer, 1967, 106.
[17] W.M. Watt, Islamic Philosophy and Theology, Edinburgh, Edinburgh University Press, 1987, 86.
[18] « Le problème de l’anthropomorphisme a été surtout centré sur une seule et unique question : est-il possible pour un humain de voir Dieu ? Selon une tradition datant du Prophète, lorsque les croyants entreront dans le paradis, ‹Allah retirera le voile et la vision de leur Seigneur sera le don le plus précieux qui leur sera conféré. » D.W. Brown, A New Introduction to Islam, Oxford, Wiley, 2011, 178. Cf. A.J. Wensinck, The Muslim Creed : Its Genesis and Historical Development, Londres, Taylor & Francis, 2007, 65ss.
[19] Gardet, L’islam, op. cit., 106.
[20] Gardet, ibid., 105.
[21] J.B. Lehrman, Earthly Paradise : Garden and Courtyard in Islam, Berkeley, University of California Press, 1980, 31.
[22] Tafsîr Jalalayn, Commentaire de la sourate 37:47. Le Tafsîr Jalalayn est un ouvrage commencé en 149 par Jalal Eddine al Mahallî et terminé en 1505 par Jalal Eddine as-Suyuti. Cf. Tafsîr Jalalayn, http://www.altafsir.com, accédé le 4 octobre 2012. Al-Suyuti (1445-1505) était un savant Shâfi’ite dont la théologie a été à la frontière de l’ash’arisme et du soufisme.
[23] « En insistant sur la liberté et la responsabilité humaine les mu’tazilites ont fait dépendre la destinée ultime de l’homme de lui-même. » Watt, Islamic Philosophy and Theology, 67. L’accès au paradis est donc principalement conditionné par les œuvres du croyant, d’où la stricte séparation entre trois types de personnes qui se présenteront aux portes de ce Jardin. Le Kītāb al-Imān décrit la division de l’humanité en trois groupes au jour du jugement : (1) les infidèles et polythéistes seront jetés dans le feu éternellement (98:6) ; (2) les croyants qui n’ont pas accompli leurs obligations seront temporairement jetés dans ce feu ; (3) les vrais croyants reposeront dans le paradis éternellement (9:111). F. Saleh, Modern Trends in Islamic Theological Discourse in 20th Century Indonesia : A Critical Survey, Leiden, Brill, 2001, 116.
[24] N. Rustomjl, The Garden and the Fire : Heaven and Hell in Islamic Culture, New York, Columbia University Press, 2009, 161.
[25] « La logique d’un monde à venir ne donne pas toujours une vision compréhensible et cohérente de la vie après la mort. » N. Rustomjl, ibid., 21.
[26] C’est certainement ce qui distingue le plus le paradis musulman du paradis « biblique » : dans la conception coranique, la communion divine est secondaire – probablement à cause de l’impossibilité d’une communion avec Dieu. En fin de compte, « qu’est-ce qui est si nouveau dans la notion de Jugement dernier ? Comme dans le cas du Talmud, le jugement collectif reflétait l’éthique tribale de la solidarité. Un jugement pour chaque individu le séparait du contexte social et familial. » (N. Rustomjl, The Garden and the Fire : Heaven and Hell in Islamic Culture, 4.) Cette dimension corporelle est vitale pour la compréhension musulmane de la vie humaine.
[27] Q. Ludwig, Le grand livre du bouddhisme, Eyrolles, 2012, 118ss.
[28] T. Rogers, trad., Buddhaghosha’s Parables, Introduction de F.M. Müller, Londres, Trübner, 1870. Traduction personnelle. Cité aussi dans F. Lenoir, La rencontre du bouddhisme et de l’Occident, Paris, Fayard, 1999.
[29] D. Gira, Comprendre le bouddhisme, Paris, Centurion, 1989, 64.
[30] C.B. Becker, Breaking the Circle : Death and the Afterlife in Buddhism, Southern Illinois University Press, 1993, 46.
[31] C’est aussi une appellation simplifiée de l’école de la Terre pure (jìngtǔzōng), improprement dite Amidisme, une section très importante du bouddhisme mahāyāna.
[32] M.L. Blum, The Origins and Development of Pure Land Buddhism, Oxford, Oxford University Press, 2002, 147-152. Les plus importants pour cette école sont le Soutra d’Amida (sk. Sukhāvatī vyūha sūtra, ch. Ēmítuó jīng), le Soutra de Vie-Infinie (sk. Sukhāvatī vyūha sūtra, ch. Wúliàngshòu jīng) et le Soutra des contemplations de Vie-Infinie (ch. Guān Wúliàngshòu jīng).
[33] Caractéristiques de la vision du Bouddha Amitābha sont les « vœux » formulés par le Bouddha servant de base à la compréhension la plus basique de cette pratique bouddhiste. Parmi les plus significatifs, il y a les vœux suivants, traitant de l’accession à la Terre pure. 
[34] M. Kiyota, Mahāyāna Buddhist Meditation : Theory and Practice, University Press of Hawaii, 1978, 263.
[35] « Malgré une compréhension caractéristique de la pratique du bouddhisme Mahayana qui met la réalisation religieuse à la portée de la vie quotidienne, le message bouddhiste de la Terre pure apparaît étranger à l’audience contemporaine, aussi bien occidentale qu’orientale. » D. Hirota, Toward a Contemporary Understanding of Pure Land Buddhism, vol. 3, Albany, State University of New York Press, p. vii. Cf. K.K. Tanka, The Dawn of Chinese Pure Land Buddhist Doctrine : Ching-ying Hui-yüan’s Commentary on the Visualization Sutra, Albany, State University of New York Press, 1990 ; et aussi B.J Cuevas, Travels in the Netherworld : Buddhist Popular Narratives of Death and the Afterlife in Tibet, Oxford, Oxford University Press, 208.
[36] P. Williams, Mahayana Buddhism : The Doctrinal Foundations, London, Routledge, 2004, 274.
[37] Une petite clause d’exclusivité est cependant à apporter : dans le bouddhisme de la Terre pure, si le « paradis » est ouvert et accessible à la renaissance, les femmes n’y renaîtront que sous la forme d’hommes. Q. Ludwig, Le grand livre du bouddhisme, op. cit., 37. Certains auraient plus de commentaires à faire concernant cette « transmutation » des genres et sur la non-conservation de l’intégrité de la personne humaine sexuée !
[38] H. Hua, The Buddha Speaks of Amitabha Sutra : A General Explanation, Burlingame, Buddhist Text Translation Society, 2003, 26.
[39] Ce terme est tiré d’une anecdote philosophique et mystique qui trouve une explication dans le Pardes Rionim du Rav Moshe Cordovero. Celui-ci prend l’image de quatre rabbis (Elisha ben Abouya, [Rabbi] Shimon ben Azzaï, [Rabbi] Shimon ben Zoma et rabbi Akiva) pénétrant dans un verger mais dont les « niveaux » respectifs de pénétration du sens des Ecritures ne sont pas équivalents. Des références à cet « incident » se retrouvent dans le Talmud (Haguiga 14b, où Ben Azaï et Ben Zoma n’ont pas le titre de Rabbi), le Zohar (I, 26b) et l Tikounei Zohar (Tikun 40).
[40] Cela n’est pas sans rappeler les quatre sens de l’Ecriture : sens littéral, sens allégorique, sens tropologique et sens anagogique.
[41] Ce point de vue n’est pas seulement kabbalistique. Quand Maïmonide (1138-1204) traite du Pardès, il désigne pour lui, globalement, une forme d’étude qu’il qualifie de « sagesse divine et science des lois de la nature » (cf. Hilkhot yessodé ha-Torah, 4:13).
[42] Pour Haï Gaon (939-1038), qui commente le passage talmudique précité, « le Pardès réfère au jardin d’Eden, réservé aux justes, et qui se trouve dans les âravot, septième ciel où sont enchâssées les âmes des justes » (cf. Otsr Guenonim, T. 4, sefer 2, Haguiga, p. 61.). Le firmament est atteint par une ascension extatique dans la pure tradition de la littérature mystique des Palais, c’est-à-dire par une forme de transe, expérience qui ne se produit pas physiquement, ni même intellectuellement, mais au cœur du mental humain.
[43] A noter que pour Grégoire de Nysse, par exemple, le paradis « terrestre » est une annonce eschatologique qui a été écrite au passé. Le jardin d’Eden est alors « la terre des vivants » où pénétreront un jour les élus… « celle où la mort n’est pas entrée ». Cité dans J. Delumeau, Mille ans de bonheur : Une histoire du paradis, vol. 2, Paris, Fayard, 1995, 28, note 47-48.
[44] J. Delumeau, ibid., vol. 2, chapitre 17, 311-327.
[45] F. Lenoir, dir., La mort et l’immortalité : Encyclopédie des croyances, Paris, Bayard, 2004, 24.
[46] E. Morin remarque : « Il n’existe pratiquement aucun groupe archaïque, si primitif soit-il, qui abandonne ses morts ou qui les abandonne sans rite. » E. Morin, L’homme et la mort, Correa, 1976, 21.
[47] F. Lenoir, dir., op. cit., 27.
[48] L.-V. Thomas, Mort et pouvoir, Paris, Payot, 1978, 11.
[49] Ibid., 10.
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