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Bases roulantes pour bassins

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Bases roulantes pour bassins Empty Bases roulantes pour bassins

Message  Arlitto Mer 02 Mar 2016, 18:17

Bases roulantes pour bassins
 

Une des pièces du mobilier cultuel du temple de Salomon, à Jérusalem, demeure un casse-tête pour tout traducteur de sa description dans le texte hébreu du Premier livre des Rois 7,27-39 : l'auteur utilise un vocabulaire technique de haute antiquité pour référer à des formes générales et à plusieurs détails de cette pièce que nous ne rencontrons pas ailleurs, non seulement dans l'Ancien Testament, mais aussi dans des textes des peuples voisins. La racine du mot désignant cet objet (kûn) signifie « tenir, supporter »; comme l'objet est muni de roues, on traduit donc généralement le terme par base (roulante). Le mobilier cultuel comptait dix de ces bases.


     Si nous nous limitons aux seules grandes lignes de la description, nous pouvons nous représenter les éléments suivants. Celui qui est le plus apparent, et aussi le plus longuement décrit, consiste en une sorte de boîte ou de caisse carrée de 4 coudées de côté et de 3 coudées de hauteur (la coudée normale mesure environ 45 cm; la coudée royale était longue de 52,5 cm environ; on suppose, ici, que l'auteur fait référence à la coudée royale). Chacun des côtés ressemblait à un châssis (ajouré) enfermé dans un cadre; les quatre châssis donc, ou panneaux, étaient décorés de lions, taureaux et chérubim (sphinx); les cadres étaient gravés de volutes (torsades) et de palmettes (palmes stylisées). Un deuxième élément mentionné n'est rien d'autre que les quatre roues, montées par paires sur deux essieux bien fixés sous la caisse; le diamètre des roues est de 1,5 coudée. Le troisième élément décrit était situé au-dessus de la caisse carrée : il s'agit d'une sorte de support, haut d'une demi coudée, de forme circulaire, bien rivé à cette caisse par des tenons; la face extérieure de ce bandeau était gravée de lions, taureaux et chérubim. Il s'agit donc, de toute évidence, d'une sorte de chariot servant à déplacer un bassin.


     Le texte, d'ailleurs, mentionne aussi ce bassin, de forme circulaire, comme il convient, dont la capacité est de 40 bats (le bat équivaut à 45 litres environ). On ne mentionne aucune décoration sur ce bassin. Enfin, on nous dit que ces dix chariots et leurs bassins, tous coulés en bronze, étaient répartis en deux groupes de cinq, disposés de chaque côté du temple lui-même.


     Des découvertes archéologiques, encore une fois, non seulement nous aident à mieux lire le texte de 1 R 7,27-39, mais elles nous permettent même de pouvoir reconstituer de façon assez précise ces chariots roulants. En effet, en Syrie-Palestine, en Asie mineure, à Chypre et en Grèce, depuis la deuxième moitié du IIe millénaire jusqu'à la fin du Ier millénaire avant J.-C., nous découvrons des supports à bassin, en bronze, de grandeur naturelle ou miniaturisée; ce dernier cas se rapporte à des objets servant d'ex-votos. Ces supports sont de trois types fondamentaux.


Bases roulantes pour bassins Arc_040910a
Figure 1 :
Base de bassin, en bronze, décorée de grenades;

Ugarit, XVe-XIVe siècle avant J.-C.

     Le premier type consiste tout simplement en trois pieds rivés à un cadre circulaire, pour recevoir le bassin. Des gravures peuvent orner les pieds comme le cadre, et des grenades pendantes peuvent s'ajouter à ce décor (fig. 1).


Bases roulantes pour bassins Arc_040910b
Figure 2 : Base d'Enkomi

Chypre, XIIe siècle avant J. C.

     Le deuxième type est plus complexe : essentiellement, il s'agit d'une sorte de caisse carrée supportant un anneau sur lequel on peut y déposer un bassin; cette base ne repose toutefois que sur quatre petits pieds. Les côtés, en châssis, comportent toujours des motifs décoratifs, ajourés, représentant des animaux, réels ou mythiques, et parfois des hommes et des femmes (fig. 2).


Bases roulantes pour bassins Arc_040910c
Figure 3 : Base roulante de Larnaka

Chypre, fin du XIIIe siècle avant J.-C.

     C'est le troisième type qui est le plus intéressant, car il correspond de façon exacte à la base décrite dans le premier livre des Rois. En effet, la base carrée sur pieds mentionnée ci-dessus est maintenant munie de roues, qui permettent donc de déplacer facilement le support à bassin. Les châssis de la caisse, l'anneau supportant le bassin, les montants des châssis sont bien décorés (fig. 3); les motifs décoratifs énumérés dans le texte du premier livre des Rois sont tous présents sur l'une ou l'autre de ces bases roulantes découvertes jusqu'à date. Il est alors facile de dresser le plan complet d'un de ces chariots du temple de Salomon à la lumière de ces découvertes projetée sur le texte qui les décrit.


     La fonction de ces chariots est facile à déterminer. On sait qu'une grande quantité d'eau était nécessaire, au temple, pour les nombreuses purifications des prêtres et pour le nettoyage de l'autel et de son voisinage, car les sacrifices d'animaux, nombreux, entraînaient nécessairement une malpropreté indigne d'un lieu sacré. Un bassin gigantesque, inamovible, appelé « mer d'airain », était la source première de cette eau (1 R 7,23-26; une prochaine chronique s'y attardera); les dix bassins sur chariots distribuaient cette eau aux endroits appropriés.


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Message  Arlitto Mer 02 Mar 2016, 18:17

La Mer de bronze
 

Il fit, en métal fondu, la Mer. Elle avait dix coudées de diamètre, et elle était de forme circulaire. Elle avait cinq coudées de haut, et un cordeau de trente coudées en aurait fait le tour. Sous le rebord de la Mer, des coloquintes en faisant tout le tour, dix par coudée; elles encerclaient complètement la Mer. Ces coloquintes, en deux rangées, avaient été fondues dans la même coulée que la Mer. Celle-ci reposait sur douze bœufs : trois tournés vers le nord, trois vers l'ouest, trois vers le sud et trois vers l'est. La Mer était sur eux et leur croupes étaient tournées vers l'intérieur. Son épaisseur avait la largeur d'une main et son rebord était ouvragé comme le rebord d'une coupe en fleur de lis. Elle pouvait contenir deux mille baths.
1 Rois 7, 23-26

     Une chronique antérieure avait montré l'importance de l'archéologie pour donner une forme précise à des bassins roulants, utilisés pour le culte dans les cours du temple de Jérusalem. Ces bassins s'alimentaient, sans aucun doute, à une énorme vasque, remplie d'eau, que les règles de pureté rituelle et les travaux de nettoyage après les sacrifices et les assemblées de dévots rendaient nécessaires. 

Le temple était bâti sur un point élevé de la ville, comme partout ailleurs en Syrie-Palestine; l'absence d'une source est donc normale, d'où l'obligation de transporter l'eau depuis le point d'eau de la ville, ordinairement situé au pied de lacolline. Une telle vasque est bien décrite dans le livre des Rois, dont le nom Mer de bronze traduit la forte impression qu'elle provoquait chez les visiteurs (1 R 7,23-26; voir aussi 2 Ch 4,2-5). 

     Deux éléments distincts font l'objet de la description de cette Mer de bronze. Tout d'abord la cuve elle-même est son centre d'intérêt. Elle était ronde, comme le supposent les détails fournis, mais on discute encore si elle était de forme cylindrique, conique ou sphérique; ses reconstitutions varient donc beaucoup. Son diamètre était de 4,6 m et sa hauteur, de 2,3 m; la circonférence qui en résulte est de 13,8 m. La capacité d'un tel bassin est de 38 000 litres; une erreur de calcul doit être à 1'origine des 68 000 litres de 1 R 7,26 et des 102 000 litres de 2 Ch 4,5 : de telles capacités ne peuvent correspondre aux dimensions données. On note que l'épaisseur de la paroi de ce grand vase est de 7,5 cm, ce qui est conforme à la poussée de la quantité d'eau qu'il contenait. Deux détails de sa décoration sont aussi fournis : son bord est évasé vers l'extérieur comme celui d'une coupe à boire, en prenant la forme d'une fleur; une double rangée de boutons de lotus encerclaient la paroi; ils avaient été coulés avec la cuve elle-même.

     Cette cuve de bronze était déposée sur une base impressionnante, coulée elle aussi en bronze. Elle consistait en quatre groupes de trois taureaux, chaque groupe orienté vers l'un des quatre points cardinaux. Les taureaux, sans qu'on sache s'ils étaient debout ou couchés, avaient leurs arrière-trains placés vers l'intérieur, ou sous la cuve elle-même. On peut estimer le poids total de la cuve et de son support entre 25 000 et 30 000 kg de bronze! Une telle masse de bronze pouvait être facilement l'objet de la convoitise de conquérants étrangers.

     En effet, en 734 avant J.-C., le roi Achaz a dû livrer la base ou les douze taureaux en tribut au roi assyrien (1 R 16,17). En 587, lors de la chute de Jérusalem sous les coups de Nabuchodonosor, la cuve est brisée en morceaux et on en transporte les morceaux à Babylone même. C'est donc le bronze qui est convoité, pour la fabrication d'armes ou d'autres objets nécessaires à la vie courante, et non la Mer en tant que telle, comme objet artistique! Une telle pratique est souventes fois confirmée dans les anales des rois assyriens et babyloniens, racontant leurs expéditions militaires dans tout le Proche-Orient.

     S'il est impossible de trouver les restes de cet ouvrage de bronze par des fouilles à Jérusalem, est-ce que des découvertes dans d'autres sites peuvent nous aider à le préciser? Des parallèles ont été proposés par des représentations de bassins devant des temples sur des bas-reliefs de palais assyro-babyloniens. Leur présence en de tels lieux confirme qu'ils faisaient normalement partie du mobilier cultuel des temples proche-orientaux, sans doute pour pourvoir l'eau nécessaire aux ablutions rituelles et au lavage. Toutefois, aucune base à taureaux n'est connue, et la forme des bassins est tantôt sphérique, tantôt conique. Ces reliefs ne nous sont pas de grand secours.

Bases roulantes pour bassins Arc_041008a
Figure 1 : Reconstitution de L.H. Vincent (1956)

     Par contre, dans la cour d'un bon nombre de temples depuis le XVIIIe siècle avant J.-C., on a mis à jour des bassins qui ont rempli la même fonction. Tous ces bassins découverts sont en pierre, étant rectangulaires ou ronds. Mais ici encore, aucune de leurs bases n'est comparable à celle de la Mer de bronze; la plupart du temps ils sont posés directement sur le sol ou sur une plate-forme assez basse. La seule découverte qui soit vraiment intéressante fut effectuée à Amathonte, à Chypre. Dans la cour d'un temple du VIe siècle avant J.-C., se trouvait un bassin de pierre de forme sphéroïdale haut de 1,85 m et dont le diamètre mesure 3,20 m. Il était posé sur une petite base en anneau; quatre fausses anses étaient sculptées sous la lèvre, chacune abritant une tête de taureau. Si on en juge par la forme de certains petits bassins de bronze de la même époque, ce grand bassin de pierre devait imiter un prototype aussi en bronze. Mais la magnifique base en quatre groupes de trois taureaux chacun, à Jérusalem, reste encore un cas unique dans ce type d'ouvrage. Nous sommes invités à les représenter couchés (fig. 1) plutôt que debout (fig. 2), car leur présence, et celle de lions, est souvent attestée comme base de colonnes dans les porches de palais et de temples, et ils sont couchés; la station debout déséquilibrerait la proportion de la colonne elle-même et de sa base. Il peut en être de même pour la Mer de bronze, qui, d'ailleurs, acquiert plus de stabilité si les taureaux sont couchés.

Bases roulantes pour bassins Arc_041008b
Figure 2 : Reconstitution de Th.A. Busink (1967)

     Malgré les incertitudes qui demeurent encore pour la reconstitution détaillée de cette pièce du mobilier cultuel, il reste acquis qu'elle est bien en place dans la cour du temple de Jérusalem, à l'instar des autres temples du Proche-Orient ancien.
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