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La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie»

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Message  Arlitto Lun 7 Mar 2016 - 14:37

Rappel du premier message :

La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie» 


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Les orthodoxes russes privilégient d'ordinaire la croix à huit branches, aussi appelée crucifixion. 
 

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L'axe vertical de la croix est coupé de trois branches horizontales. La branche intermédiaire, la plus longue est reservée aux bras étendus du Crucifié. La branche supérieure représente l'inscription en grec, latin et hébreu que Pilate avait ordonné de clouer à la croix, selon la coutume romaine qui rendait ainsi public le motif de la peine.
 

Contrairement à la tradition catholique qui représente les pieds du Christ cloué d'un seul clou, l'iconographie orthodoxe suit la tradition selon laquelle les pieds du Christ ont été cloués séparement, ce que sont venus confirmer les études réalisées sur le Suaire de Turin.
 

La branche horizontale inférieure de la croix sert ainsi d'appui aux pieds du Crucifié. L'une de ses extrémités est surélevée, montrant le ciel où est reçu le Bon Laron, l'autre extrémité indiquant l'enfer qui attend le mauvais laron, celui qui ne se repentit point.
 

Sous la croix est souvent figuré un crвne, la tête d'Adam, qui selon la tradition aurait été enterré à l'endroit même de la Crucifixion du Christ. Depuis la croix s'écoule le sang du Christ, rendant vie à Adam, à l'homme, à l'humanité. 
 

Auprès de la croix, se tiennent la Mère de Dieu et l'apôtre Jean, le disciple bien-aimé. Sont également souvent représentés les instruments de la Passion, la lance, transpersant le côté du Christ, l'éponge vinaigrée donnée au Seigneur par le soldat romain. 
 

On trouve parfois des représentations de la croix avec une demi-lune. Ce symbole, que l'on associe parfois à la victoire du Christianisme sur l'Islam était cependant connu bien avant les affrontements entre chrétiens et musulmans et signifie ici l'alliance de la croix et de l'ancre, symbole d'espérance. La demi-lune symbolise aussi la coupe de l'Eucharistie et le sang du Christ offert pour le rachat des péchés humains. On trouve aussi la croix et la demi-lune sur les coupoles des églises consacrées à la Mère de Dieu : la lune symbolise ici la Mère de Dieu, la Croix rappelle le Christ, soleil de vérité. 

Priez puis silence ...
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Message  Arlitto Lun 7 Mar 2016 - 14:53

CANONS DU 4ème CONCILE DE CHALCEDOINE


Les 28 canons et deux autres sous forme d'interrogation, des 630 saints pères, réunis à Chalcédoine sous le consulat de Marcien, empereur éternel, et de celui qui sera désigné consul, le 8ème jour des calendes de novembre. 

1. Qu'il faut garder inaltérables les canons des conciles.
Les canons décrétés jusqu'ici dans chaque concile par les saints pères nous voulons qu'ils gardent force de loi. 

2. Qu'il ne faut pas faire des ordinations contre de l'argent. 
Si un évêque fait une ordination à prix d'argent et met à l'encan la grâce sans prix, et ordonne pour de l'argent un évêque ou un chorévêque ou un prêtre ou un diacre ou quelqu'un de ceux inscrits au catalogue des clercs, ou nomme a prix d'argent un économe ou un avoué ou un tuteur d'Eglise ou en général quelqu'un de la curie, poussé par un bas sentiment de lucre, celui qui entreprend une telle chose, s'expose, si le fait est prouve, à perdre son propre grade; celui qui a été ordonné de cette manière ne tirera aucun profit de l'ordination ou de la promotion, mais perdra la dignité ou la place acquise ainsi a prix d'argent. Si de plus quelqu'un s'est entremis pour ce commerce honteux et prohibé, il devra, s'il est clerc, déchoir de son grade, et s'il est laïc, être frappé d'anathème. 

]3. Qu'un clerc ou un moine ne doivent pas s'occuper d'affaires étrangères à leur vocation. 
Il est venu à la connaissance du saint concile que quelques membres du clergé, par un honteux esprit de lucre, louent des biens étrangers et deviennent entrepreneurs d'affaires temporelles, et que, négligeant le service de Dieu, ils fréquentent les maisons des gens du monde et se chargent par avarice de la gestion de leurs propriétés. Aussi le saint et grand concile a-t-il décidé que désormais aucun évêque ou clerc ou moine ne doit affirmer des propriétés ou se faire administrateur de biens séculiers, sauf si l'on était appelé par la loi sans pouvoir s'y soustraire à se charger de la tutelle de mineurs, ou bien si l'évêque de la ville chargeait pour l'amour du seigneur quelqu'un du soin des affaires des orphelins ou des veuves sans défense ou des personnes qui ont plus particulièrement besoin du secours de l'Eglise. Si à l'avenir quelqu'un enfreint cette ordonnance, il doit être frappé des peines ecclésiastiques. 

4. Que les moines ne doivent rien entreprendre contre l'avis de leur évêque ni fonder un monastère, ni se charger d'affaires temporelles. 

Ceux qui mènent la vraie et authentique vie monacale doivent être honorés comme il convient. Mais comme certains pour lesquels la vie monastique n'est qu'un prétexte, mettent le trouble dans les affaires de l'Eglise et de l'état, en circulant sans se préoccuper de rien dans les villes et cherchant même d'ériger des monastères pour leurs personnes ; il a été décidé, que nul ne pourrait en quelque endroit que ce fût, bâtir ou ériger un monastère ou un oratoire sans l'assentiment de l'évêque de la ville. En outre, que les moines de la ville et de la campagne soient soumis à l'évêque, qu'ils aiment la paix, ne s'appliquent qu'au jeûne et à la prière et gardent la stabilité dans les lieux où ils ont fait profession, qu'ils ne se mêlent pas importunément des affaires de l'Eglise et du monde, ni ne s'en occupent en quittant leurs monastères, à moins qu'ils n'aient obtenu l'autorisation de l'évêque de la ville pour une affaire urgente. Qu'en outre nul esclave ne soit reçu dans un couvent pour y devenir moine sans la permission de son maître. Quiconque transgressera notre présente ordonnance nous décidons qu'il soit excommunié, afin que le Nom du Seigneur ne soit pas blasphémé. L'évêque de la ville doit cependant veiller, comme il convient, à l'entretien des monastères. 

5. Qu'un clerc ne doit pas passer d'un diocèse à un autre. 
Au sujet des évêques ou des clercs qui passent d'une ville à l'autre, on doit leur appliquer les canons qui ont été décrétés à leur égard par les saints pères. 

6. Qu'aucun clerc ne doit être ordonné sans titre. 
Nul ne doit être ordonné sans un titre, ni prêtre ni diacre ni aucun clerc en général, s'il ne lui est assigné spécialement une Eglise de ville ou de bourg ou un martyrium ou un couvent. Au sujet de ceux qui ont été ordonnés sans un titre le saint concile a décidé que leur ordination sera sans effet et que pour la honte de celui qui l'a conférée, ils ne pourront exercer nulle part leurs fonctions. 

7. Que des clercs ou des moines ne doivent pas prendre du service civil. 
Ceux qui sont entrés dans la cléricature ou qui se sont faits moines, ne doivent plus prendre du service dans l'armée ou accepter une charge civile ; sinon ceux qui ont osé le faire et ne s'en repentent pas de manière à revenir à ce qu'ils avaient auparavant choisi pour l'amour de Dieu doivent être anathématisés. 

8. Que les hospices, les sanctuaires de martyrs et les monastères doivent être sous l'autorité de l'évêque.
Les clercs desservant les hospices des pauvres, les couvents et les chapelles des martyrs, doivent rester sous la juridiction des évêques de chaque ville et ne pas perdre toute mesure en se rebellant contre leur évêque. Ceux qui oseront contrevenir à cette ordonnance d'une manière quelconque et ne se soumettront pas à leur évêque, s'ils sont clercs, ils seront soumis aux peines canoniques, et s'ils sont moines ou laïcs, ils seront privés de communion. 

9. Que les clercs ne doivent pas recourir à un tribunal civil, mais avoir leur évêque pour juge.
Si un clerc a quelque chose contre un autre clerc, il ne doit pas laisser son évêque pour recourir à des tribunaux civils ; qu'il soumette d'abord l'affaire au tribunal de son évêque, ou, de l'avis de l'évêque, à ceux que les deux parties agréeront; si quelqu'un agit contre cette prescription, qu'il soit frappé des peines canoniques. Si un clerc a quelque chose contre son évêque ou contre un évêque étranger, il doit porter le différend devant le synode de la province. Enfin, si un évêque ou un clerc a quelque chose contre le métropolitain de la province, il doit porter l'affaire devant le primat du diocèse ou bien devant le siège de la ville impériale de Constantinople, et s'y faire rendre justice. 

10. Qu'un clerc ne doit pas appartenir au clergé de deux diocèses.
Il n'est pas permis à un clerc d'être inscrit parmi le clergé de deux villes à la fois, de celle pour laquelle il a été ordonné au début, et de celle où il a cherché refuge, par sentiment de vanité, parce qu'elle était plus considérable : ceux qui ont fait cela doivent être ramenés à l'Eglise, pour laquelle ils ont été dès le début ordonnés et n'exercer que là leurs fonctions. Mais si quelqu'un a déjà été transféré d'une Eglise dans une autre, il ne doit plus s'occuper en rien des affaires de la première Eglise : chapelles de martyrs, hospices de pauvres, hôtelleries de pèlerins, qui dépendent de celle-ci. Quiconque après la publication de l'ordonnance de ce grand et œcuménique concile osera faire quelque chose de ce qui y est défendu, devra selon la décision du saint concile perdre son grade. 

11. Qu'il faut munir de lettres de paix ceux qui ont besoin d'aide et ne donner de lettres de recommandation qu'à des personnes de qualité. 
Tous les pauvres et ceux qui ont besoin de secours doivent après enquête être munis pour voyager de lettres brèves ou lettres ecclésiastiques de paix seulement et non de lettres de recommandation ; parce que les lettres de recommandation ne s'accordent qu'à des personnes de bonne réputation. 

12. Qu'un évêque ne doit pas faire élever son siège au rang de métropole par lettre impériale et qu'une province ne saurait être divisée en deux. 
Nous avons appris que quelques-uns, agissant en opposition avec les principes de l'Eglise, s'adressent aux pouvoirs publics et font diviser en deux par des pragmatiques impériales une province ecclésiastique, si bien qu'à partir de ce moment-là il y a deux métropolitains dans une seule province. Le saint concile décrète qu'à l'avenir nul évêque n'ose agir ainsi ; s'il le fait, ce sera à ses risques. Quant aux villes qui ont déjà obtenu par lettres impériales le titre de métropole, elles doivent, de même que l'évêque qui les gouverne, se contenter d'un titre honorifique, et les droits proprement dits doivent rester à la véritable métropole. 

13. Que les clercs partis de leur diocèse sans lettres de recommandation de l'évêque ne sauraient célébrer.
Les clercs étrangers et les lecteurs ne doivent aucunement exercer leurs fonctions dans une vie autre que la leur, sans être munis de lettres de recommandation de leur propre évêque. 

14. Que les clercs inférieurs ne doivent pas s'allier par mariage à des hérétiques. 
Comme dans quelques provinces on a permis aux lecteurs et aux chantres de se marier, le saint concile a décrété qu'aucun d'eux ne doit épouser une femme hérétique ; ceux qui ont eu des enfants après avoir contracté de pareilles mariages, s'ils ont déjà fait baptiser leurs enfants chez les hérétiques, doivent les présenter à la communion de l'Eglise catholique ; si ces enfants ne sont pas encore baptisés, ils ne doivent pas les faire baptiser chez les hérétiques, ni les donner en mariage à un hérétique, à un juif ou à un païen, à moins que la personne qui doit se marier à la partie orthodoxe ne promette d'embrasser la foi orthodoxe. Si quelqu'un va contre cette ordonnance du saint concile, il sera frappé des peines canoniques. 

15. Des diaconesses. 
On ne doit pas ordonner des diaconesses avant l'âge de quarante ans, et cela après une probation sévère. Si après avoir reçu l'ordination et exercé son ministère quelque temps, elle vient à se marier, faisant ainsi injure à la Grâce de Dieu, elle doit être anathématisée, ainsi que celui auquel elle s'est unie. 

16. Que les vierges consacrées à Dieu ne peuvent contracter mariage. 
Une vierge qui s'est consacrée à Dieu le Seigneur, de même qu'un moine, ne doivent plus se marier; s'ils le font, ils doivent être excommuniés. Toutefois nous statuons que l'évêque du lieu aura plein pouvoir pour adoucir cette peine. 

17. Que l'administration de trente années assure la possession, et au sujet des villes récemment fondées.
Les paroisses de campagne ou de village appartenant à une Eglise doivent rester sans changement aux évêques qui les possèdent, surtout s'ils les ont administrées sans conteste depuis trente ans. Si pendant ces trente ans il a éclaté ou s'il éclate un différend, ceux qui se croient lésés peuvent porter l'affaire devant le synode de la province. Si en pareil cas l'évêque pense que son propre métropolitain l'a desservi, qu'il porte l'affaire devant l'exarque du diocèse ou bien devant le siège de Constantinople comme il a été dit plus haut. Si par ordre de l'empereur une ville a été ou sera fondée, le rang hiérarchique des Eglises devra se conformer à l'ordre civil et public des cités. 

18. Qu'un clerc ne peut prendre part à une conjuration ou à une société secrète. 
Le crime de société secrète étant déjà défendu par la loi civile, doit être à plus forte raison prohibé dans l'Eglise de Dieu ; si donc il est prouvé que des clercs ou des moines se sont conjurés ou bien ont formé une société secrète ou bien ont ourdi des machinations contre des évêques ou contre leurs collègues dans la cléricature, ils doivent déchoir de leur grade. 

19. Que dans chaque province des synodes se feront deux fois par an.
Il est venu à nos oreilles que dans les provinces les synodes des évêques prescrits par les canons n'étaient pas tenus et que pour ce motif bien des réformes ecclésiastiques nécessaires étaient négligées. Aussi le saint concile a-t-il décidé que, conformément aux canons des saints pères, les évêques de chaque province se réuniront deux fois par an, là où le métropolitain le trouverait bon, et y résoudront les cas qui se présenteraient. Les évêques qui ne s'y rendront pas, quoique se trouvant dans leurs villes en bonne santé et libres de toute affaire urgente et nécessaire, seront fraternellement réprimandés. 

20. Qu'un clerc ne doit pas être transféré d'un diocèse à l'autre. 
Les clercs qui sont attachés à une Eglise, ainsi que nous l'avons déjà ordonné, ne doivent pas se mettre au service de l'Eglise d'une autre ville, mais se s'attacher à celle, pour le service de laquelle ils ont été trouvés dignes dès le début ; à l'exception toutefois de ceux qui ayant été privés de leur pays d'origine, furent forcés de passer à une autre Eglise. Si après ce canon un évêque reçoit dans son clergé un clerc appartenant à un autre évêque, évêque recevant et clerc reçu seront privés de communion, jusqu'à ce que le transfuge revienne à sa propre Eglise. 

21. Que des clercs sans réputation ne sauraient se porter accusateurs contre des évêques.
Clercs et laïcs qui portent des accusations contre des évêques ou des clercs, ne doivent point être admis comme accusateurs simplement et sans enquête, avant que leur bonne réputation n'ait été auparavant prouvée. 

22. Que les clercs ne peuvent après la mort de leur évêque s'emparer de ses biens personnels.
Il n'est pas permis aux clercs de s'emparer après la mort de leur évêque des biens qui lui appartenaient, ainsi que cela fut déjà défendu par les anciens canons. Ceux qui feront cela courent risque de perdre leurs propres dignités. 

23. Qu'il faut chasser de Constantinople les clercs et les moines étrangers, qui troublent l'ordre. 
Il est venu à la connaissance du saint concile que quelques clercs et moines, sans mission de leur évêque, parfois même excommuniés par lui, se rendant à Constantinople y font un long séjour, occasionnant des troubles et semant le désordre dans l'Eglise et bouleversant même les maisons des particuliers. Pour ces motifs, le saint concile a résolu que le syndic de la très sainte Eglise de Constantinople avertirait d'abord ces gens-là d'avoir à quitter la capitale ; et s'ils persistaient dans leur effronterie, le même syndic devra les expulser de la ville et les renvoyer dans leur pays. 

24. Que les monastères ne doivent pas devenir des maisons privées.
Les monastères une fois consacrés du consentement de l'évêque, doivent rester à jamais monastères, et les biens qui leur appartiennent doivent leur être conservés ; ces couvents ne peuvent plus devenir des habitations laïques. Quiconque permettrait qu'ils le deviennent, devra subir les peines canoniques. 

25. Qu'une Eglise ne doit pas être privée d'évêque au-delà de trois mois. 
Ayant appris que plusieurs métropolitains négligent leur troupeau et diffèrent l'élection des évêques, le saint concile a décidé que l'élection des évêques doit être faite dans les trois mois, à moins qu'il n'y eût une nécessité absolue de différer plus longtemps ; si le métropolitain n'agit pas ainsi, il sera soumis aux peines ecclésiastiques. Les revenus de l'Eglise privée de pasteur doivent être conservés intégralement par l'économe de cette Eglise. 

26. Que tout évêque doit administrer les biens de son Eglise par l'intermédiaire d'un économe. 
Ayant appris que dans quelques Eglises les évêques administraient sans aucun économe les biens d'Eglise, le concile a statué que toute Eglise qui a un évêque, doit aussi avoir un économe pris dans le clergé de cette Eglise, qui administrera les biens de l'Eglise de l'avis de son évêque. Ainsi l'administration de l'Eglise ne sera pas sans contrôle, les biens ecclésiastiques ne seront pas dissipés et la dignité du sacerdoce sera à l'abri des accusations. Si l'évêque ne le fait pas, il subira les peines canoniques. 

27. Qu'il ne faut pas forcer une femme à se marier. 
Les ravisseurs de femmes, même sous prétexte de mariage, et ceux qui coopèrent avec eux ou les aident, le saint concile a décidé que, s'ils sont clercs, ils perdront leur dignité, s'ils sont moines ou laïcs, ils seront anathématisés. 

28. Vœu pour la primauté du siège de Constantinople.
Suivant en tout les décrets des saints pères et reconnaissant le canon lu récemment des cent cinquante évêques aimés de Dieu, réunis dans la ville impériale de Constantinople, la nouvelle Rome, sous Théodose le grand, de pieuse mémoire, nous approuvons et prenons la même décision au sujet de la préséance de la très sainte Eglise de Constantinople, la nouvelle Rome. Les pères en effet ont accordé avec raison au siège de l'ancienne Rome la préséance, parce que cette ville était la ville impériale, mus par ce même motif les cent cinquante évêques aimés de Dieu ont accordé la même préséance au très saint siège de la nouvelle Rome, pensant que la ville honorée de la présence de l'empereur et du sénat et jouissant des mêmes privilèges civils que Rome, l'ancienne ville impériale, devait aussi avoir le même rang supérieur qu'elle dans les affaires d'Eglise, tout en étant la seconde après elle ; en sorte que les métropolitains des diocèses du Pont, de l'Asie (proconsulaire) et de la Thrace, et eux seuls, ainsi que les évêques des parties de ces diocèses occupés par les barbares, seront sacrés par le saint siège de l'Eglise de Constantinople ; bien entendu, les métropolitains des diocèses mentionnés sacreront régulièrement avec les évêques de leur provinces les nouveaux évêques de chaque province, selon les prescriptions des canons, tandis que, comme il vient d'être dit, les métropolitains de ces diocèses doivent être sacrés par l'évêque de Constantinople, après élection concordante faite en la manière accoutumée et notifiée au siège de celui-ci. 

29. Qu'un évêque forcé à se démettre de son siège ne doit pas être mis au rang des prêtres.
Les magnifiques et très glorieux seigneurs dirent : Au sujet des évêques qui ont été sacrés par le très pieux évêque Photius, puis écartés par le très pieux évêque Eustache et réduits au rang de simple prêtre, nonobstant la consécration épiscopale, quel est l'avis du saint concile ? Paschasinus et Lucentius, les très pieux évêques, et le prêtre Boniface, légats du siège apostolique de Rome, dirent : 
Réduire un évêque au rang d'un simple prêtre est un sacrilège. Si une raison légitime l'éloigne de l'exercice des fonctions épiscopales, il ne doit pas non plus occuper le rang d'un prêtre; si au contraire il a été éloigné de sa charge sans s'être rendu coupable, il doit être réintégré dans sa dignité épiscopale. 
Anatole, le très pieux archevêque de Constantinople, dit : 
Ceux qui de la dignité épiscopale ont été réduits au rang de simple prêtre, s'ils ont été condamnés pour des motifs suffisants, doivent aussi être indignes de l'honneur du sacerdoce; s'ils ont été réduits sans motif suffisant à un degré inférieur, la justice demande que, leur innocence une fois démontrée, ils recouvrent la dignité et l'exercice des fonctions de l'épiscopat. 

30. Que les évêques de l'Egypte ne sont pas coupables du fait qu'ils n'ont pas souscrit à la lettre de Léon, le saint évêque de Rome.
Les magnifiques et très glorieux seigneurs et le très ample sénat dirent : Comme les évêques d'Egypte ont différé jusqu'à présent de signer la lettre du très saint archevêque Léon, non par opposition à la foi catholique, mais parce qu'ils disent que dans le diocèse d'Egypte il est d'usage de ne pas faire pareille chose sans l'assentiment et les instructions de l'archevêque, et qu'ils demandent un délai jusqu'à l'élection du futur archevêque de la grande ville d'Alexandrie ; il nous a paru raisonnable et humain qu'on leur accorde de rester à Constantinople dans leur dignité d'évêque, jusqu'à l'élection de l'archevêque de la grande ville d'Alexandrie. 
Paschasinus, le très pieux évêque et légat du siège apostolique, dit : Si votre autorité le veut, et vous demandez qu'on leur accorde une faveur pleine d'humanité, qu'ils donnent des gages qu'ils ne sortiront point de cette ville, jusqu'au jour où la ville d'Alexandrie aura un évêque. Les magnifiques et très glorieux seigneurs et le très ample sénat dirent : La motion du très saint évêque Paschasinus sera confirmée ; donc, les très pieux évêques des égyptiens, gardant leur dignité d'évêque, ou bien donneront des gages, si cela est possible, ou bien promettront par serment, d'attendre ici l'élection du futur archevêque de la grande ville d'Alexandrie.
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Message  Arlitto Lun 7 Mar 2016 - 14:54

CANONS DU 6ème CONCILE IN TRULLO

Canons des 165 saints pères réunis à Constantinople dans la salle de la Coupole, du palais impérial sous Justinien, notre très pieux empereur aimé du Christ.
Adresse des saints pères réunis à Constantinople dans la salle de la Coupole à Justinien le très pieux empereur.
Au très pieux empereur Justinien aimé du Christ, le saint concile œcuménique réuni sur la divine initiative et par décret de votre très pieux pouvoir en cette ville impériale gardée de Dieu. 
Maintenant que l'ineffable et divine Grâce de notre rédempteur et sauveur Jésus-Christ a conquis toute la terre, et la prédication vivifiante de la vérité fut semée dans toutes les oreilles, le peuple assis dans les ténèbres de l'ignorance a vu la grande lumière de la connaissance et fut délivré des chaînes de l'erreur, échangeant le royaume des cieux contre l'antique esclavage tandis que celui qui fut dépouillé de la beauté de la splendeur première à cause de son orgueil, le premier dragon, la Grande intelligence, l'Assyrien, est vaincu par ses anciens prisonniers et perd toute vigueur grâce à la puissance du verbe fait chair, selon ce qui est écrit : " Les glaives de l'ennemi vinrent à manquer totalement ". En effet, partout un culte rationnel est institué, l'offrande parfaite est présentée, et Dieu S'offrant en sacrifice et distribué pour le bien des corps et des âmes, divinise les participants ; par suite de quoi les démons sont mis en fuite et l'assemblée sacrée des hommes réunis dans les églises se sanctifie mystiquement, et le paradis de la joie pure est ouvert à tous, et, en un mot, toute la création est rénovée. Mais comme le diable, l'assassin du genre humain, qui s'est jadis élevé contre le Seigneur tout-puissant et conçut et enfanta la douleur de la rébellion, ne souffrant pas de nous voir nous relever de la chute de la désobéissance et nous envoler vers les cieux grâce à notre premier-né, le Christ, qui s'est donné lui-même pour nous comme rançon, ne cesse de lancer les traits du mal et de blesser les fidèles avec les passions, afin qu'ils perdent le don qui leur fut fait d'être sous la conduite de l'Esprit, d'être honorés de sa présence et d'avoir sa Grâce ; Dieu aussi, qui dans sa Bonté nous accordera la couronne et nous conduit Lui-même vers le salut, ne nous a pas abandonnés sans secours, faisant surgir contre lui à chaque génération les hommes qui se rangèrent dans l'arène de cette vie armés des armes de la vraie foi et lui firent la guerre ; ils ont brandi l'épée de l'Esprit, c'est-à-dire la parole de Dieu, et livrant ainsi le combat contre le malin, ils l'ont dépouillé de son empire tyrannique sur nous ; pasteurs des troupeaux, rendant droites les voies du Seigneur pour les peuples, afin que ceux-ci ne soient point poussés par l'ignorance du bien vers les précipices de l'iniquité et n'y glissent imperceptiblement, il fallait en effet que Celui qui nous a fait le don d'être et transforma par la grandeur de sa Condescendance et de son Humilité notre race et la rappela à Lui et l'éleva vers Lui, nous montrât aussi le sentier menant au mieux être par l'intermédiaire des docteurs et lumières de l'Eglise, qui illuminent notre démarche vers Dieu et nous exhortent à vivre selon l'Evangile, puisque leur vie, selon la parole de l'apôtre, " fut une vie céleste ". 
Pour nous aussi, qui passons notre vie dans une trop grande nonchalance et nous sommes endormis dans la paresse de nos pensées, au point que l'ennemi nous guettant au tournant du chemin nous a surpris sans garde et, nous dérobant insensiblement notre vertu, nous l'a échangée contre le vice, le Christ notre Dieu, le commandant de cet immense navire qu'est l'univers entier, a fait surgir vous, notre sage capitaine, notre pieux empereur, pour être notre vrai protecteur, qui nous dispense la parole en prudence, garde la vérité pour toujours, rend jugement et justice sur terre et marche dans une voie sans reproche. La sagesse vous a porté dans son sein et vous a mis au monde bien orné de vertus, vous a élevé et formé et rempli du divin esprit, faisant ainsi de vous l'œil de la terre habitée, pour illuminer splendidement le peuple soumis à votre empire par la limpidité et l'éclat de votre intelligence ; c'est à vous qu'elle a confié son Eglise, vous qu'elle a enseigné de méditer jour et nuit sa loi pour instruire et édifier les peuples soumis à votre pouvoir. Vous qui, surpassant le zélé Phinéès par l'ardeur de votre élan vers Dieu et déracinant le péché par la puissance de votre piété et votre prudence, vous êtes proposé d'arracher aussi votre troupeau du vice et de la corruption. Il convenait en effet que celui qui tient en ses mains le gouvernail du genre humain remis dans le sillage céleste, ne pensât pas qu'à lui et au gouvernement de sa vie, mais à sauver ses administrés aussi de la tempête et du grand tourbillon de leurs fautes, au moment où les souffles du Malin nous assaillent de partout et secouent violemment notre corps humilié. 
Or, comme les deux saints conciles œcuméniques, réunis dans cette ville impériale gardée de Dieu, l'une au temps de Justinien, mort dans le Seigneur, l'autre sous Constantin de pieuse mémoire feu notre empereur, père de votre mansuétude, ayant exposé par décret conciliaire le mystère de notre foi, n'ont point écrit des canons disciplinaires, à l'exemple des quatre autres saints conciles œcuméniques, canons grâce auxquels les peuples se détourneraient d'une conduite mauvaise et basse pour embrasser une vie meilleure et plus élevée ; il en résulta que la nation sainte, le sacerdoce royal, pour laquelle le Christ est mort, tiraillée par de nombreuses passions désordonnées et entraînée sournoisement par elles, se détachant peu à peu du bercail et divisé en elle-même, glissant par suite de l'ignorance et de l'oubli loin des œuvres de vertu, et, pour employer l'expression de l'apôtre, " foulant aux pieds le Fils de Dieu et considérant comme une chose vile le sang du testament nouveau qui la sanctifia, insulta de la sorte à la Grâce de l'Esprit ". Cette nation sainte, désireux de la rassembler comme un peuple de choix, à l'imitation du Christ le pasteur, recherchant par les monts la brebis égarée, pour la remettre dans son bercail et l'amener à garder les commandements et les divins préceptes, grâce auxquels nous nous éloignons des œuvres de mort et recouvrons la vie ; après avoir discuté en vous-même tous les moyens de salut, cherchant Dieu selon la parole de l'écriture : " celui qui cherche le Seigneur trouvera savoir et justice, et ceux qui le cherchent avec rectitude trouveront la paix ", vous avez décidé de réunir ce saint concile œcuménique choisi de Dieu, afin que le commun accord et l'entente du grand nombre vous fasse réussir à souhait ce que vous désirez ; et si quelque vestige de l'audace païenne ou judaïque était mêlé au blé mûr de la vérité, qu'il soit extirpé comme la zizanie avec la racine et que l'aire de l'Eglise en soit nettoyée. Car, " là où deux ou trois sont réunis en mon Nom, Je suis au milieu d'eux ", dit la voix du Seigneur ; et Il nous clame par le prophète Jérémie : " recherchez-Moi de tout votre cœur et je Me montrerai à vous ".
Nous étant donc réunis dans ce but sur l'ordre de votre piété en cette ville impériale gardée de Dieu, nous avons écrit des saints canons. Et nous prions votre piété, dans les termes mêmes dont se servirent les pères réunis jadis en cette ville gardée de Dieu sous notre feu empereur Théodose de sainte mémoire, que par votre pieuse signature vous couronniez le terme de nos décisions, de même que vous avez honoré l'Eglise par la convocation du concile.
Et que le Seigneur garde votre règne dans la paix et la justice, le continue de génération en génération et ajoute à votre empire terrestre la jouissance du royaume des cieux.
1.- Décret de garder sans innovation ni altération la foi transmise par les saints conciles œcuméniques.
L'ordre parfait, c'est de commencer au début de tout discours ou action par Dieu et de terminer en Dieu, selon le mot de saint Grégoire le Théologien. C'est pourquoi, en ce temps où nous prêchons ouvertement la vraie religion et où l'Eglise fondée dans le Christ grandit et progresse sans cesse au point de s'élever au dessus des cèdres du Liban, nous aussi en commençant avec la Grâce de Dieu nos saints discours, nous ordonnons de garder sans innovations et invulnérable la foi qui nous a été transmise par les apôtres choisis de Dieu, qui ont vu et servi le Verbe. 
De même que celle des trois cent dix-huit saints et bienheureux pères, qui se sont réunis à Nicée sous le règne de Constantin feu notre empereur contre l'impie Arius et l'hétérothéisme ou pour mieux dire le polythéisme qu'il a enseigné ils nous ont révélé et exposé clairement dans l'unanimité de leur profession de foi la consubstantialité des trois hypostases de ta nature divine : ils n'ont pas permis qu'elle soit cachée sous le boisseau de l'ignorance, mais ont enseigné ouvertement les fidèles à adorer dans une unique adoration le Père et le Fils et le saint Esprit ; ils ont démoli et mis en pièces la croyance à l'inégalité des degrés dans la divinité et jeté à terre et reversé les jouets enfantins faits de sable par les hérétiques contre la vraie foi.
Nous affirmons de même la foi proclamée sous le règne du grand Théodose feu notre empereur par les cent cinquante saints pères rassemblés en cette cité impériale, embrassant leurs déclarations sur la théologie du saint Esprit et rejetant avec les ennemis antérieurs de la vérité le sacrilège Macedonius, parce qu'il a osé effrontément prendre le maître pour un esclave et préféré comme un bandit déchirer l'indivisible Trinité, en sorte que le mystère de notre espérance eût été incomplet ; nous condamnons avec cet homme détestable, enragé contre la vérité, Apollinaire, le maître d'iniquité, qui expectora l'opinion impie que le Seigneur assuma un corps sans intelligence, déduisant par là, lui aussi, que notre salut est resté incomplet. 
Nous sanctionnons de même, comme un rempart inébranlable de la vraie religion, les enseignements édictés par les deux cents pères inspirés de Dieu, réunis la première fois dans la ville d'Ephèse sous Théodose, feu notre empereur, fils d'Arcadius, proclamant un seul Christ Fils de Dieu et fait chair, et croyant la Vierge toute pure qui L'a engendré sans la coopération d'un homme, vraiment et à proprement parler Mère de Dieu, et pourchassons comme étant bien éloignée de la réalité divine la radoteuse division des natures de Nestorius, qui proclamait dans l'unique Christ un homme distinct et un Dieu distinct, renouvelant par la l'impiété judaïque. 
Nous confirmons aussi la foi gravée en toute orthodoxie par les six cent trente pères choisis de Dieu, dans la métropole de Chalcédoine sous Marcien feu notre empereur, foi qui apprit aux confins de la terre que l'unique Christ, le Fils de Dieu, est composé de deux natures et est glorifié dans ces mêmes deux natures ; elle a exilé de l'enceinte sacrée de l'Eglise, comme une horreur et une souillure le vain Eutychès, qui avait déclaré que le grand mystère de l'incarnation n'a eu lieu qu'en apparence, et avec lui Nestorius et Dioscore, instigateurs et défenseurs l'un, de la division, l'autre, de la confusion des natures, qui venant de directions opposées sont tombés dans le même précipice de la perdition et de l'athéisme.
Mais nous connaissons aussi et enseignons à nos successeurs comme proférées par le saint Esprit, les pieuses voix des cent soixante cinq pères inspirés de Dieu, qui se sont rassemblés dans cette ville impériale sous Justinien de pieuse mémoire feu notre empereur ; ils ont voué par décret conciliaire à l'anathème et à l'abomination Théodore de Mopsueste, le maître de Nestorius, Origène et Didyme et Evagre qui ont réinventé les mythologies païennes et remis en honneur dans le délire et les rêveries de leurs esprits des renaissances périodiques et des transformations de certains corps et certaines âmes et se sont fourvoyés dans la croyance impie du retour des morts à la vie ; les écrits de Théodoret contre la vraie foi et contre les douze chapitres du bienheureux Cyrille, de même que la lettre dite d'lbas. 
Nous confessons aussi de nouveau de garder inattaquable la foi du sixième saint concile, qui fut réuni récemment sous Constantin de sainte mémoire feu notre empereur en cette ville impériale, et reçut plus d'autorité du fait que le pieux empereur avait assuré à perpétuité l'authenticité de ses actes, en apposant à leurs volumes son cachet impérial ; il a déclaré que nous devons croire en toute piété aux deux vouloirs naturels ou volontés et aux deux opérations naturelles dans l'incarnation de l'unique notre Seigneur Jésus-Christ, et a condamné par un vote plein de religion ceux qui ont falsifié le vrai dogme de la vérité et ont enseigné aux peuples une volonté et une opération dans l'unique Seigneur Jésus-Christ notre Dieu, nous voulons dire Théodore de Pharan, Cyrus d'Alexandrie, Honorius de Rome, Serge, Pyrrhus, Paul et Pierre, anciens évêques de cette ville gardée de Dieu, Macaire qui fut évêque de la ville d'Antioche, Etienne son disciple et l'insensé Polychrone ; il a gardé par là intacte la doctrine d'un corps connaturel au nôtre du Christ notre Dieu. 
En un mot, nous édictons que la foi de tous les hommes, qui se sont distingués dans l'Eglise de Dieu, qui sont devenus des lumières dans le monde, dispensant la parole de vie, demeure certaine et immuable jusqu'à la consommation des siècles, de même que leurs écrits et enseignements inspirés de Dieu nous rejetons et anathématisons ceux qu'ils ont rejetés et anathématisés comme ennemis de la vérité, qui se sont élevés pleins de vaine arrogance contre Dieu et ont médité une injustice extrême. 
Si jamais quelqu'un ne garde pas et n'embrasse pas les dogmes déjà énumérés de la vraie foi, et ne croit pas et n'enseigne pas ainsi, mais tente d'aller à leur encontre, qu'il soit anathème conformément à la décision déjà édictée par les prédits saints et bienheureux pères, et qu'il soit expulsé et rejeté de la communauté chrétienne, comme un étranger qu'il est : car nous, nous affirmons de toutes les manières que nous pouvons, qu'en aucune façon on ne doive rien ajouter ou enlever à ce qui a été jusqu'ici défini.
2.- Confirmation des ordonnances apostoliques, de la tradition des pères et des Conciles précédents. 
Ce saint concile a pris aussi la décision très belle et très importante, que resteront désormais sûrs et confirmés pour le salut des âmes et la guérison des passions les 85 canons reçus et confirmés par les saints et bienheureux pères qui nous ont précédé, et transmis à nous aussi sous le nom des saints et glorieux apôtres. Mais comme dans ces canons il nous est ordonné de recevoir aussi les constitutions des mêmes saints apôtres rédigées par Clément, dans lesquelles jadis les hérétiques ont interpolé au dam de l'Eglise des choses fausses et étrangères à la vraie foi, qui ont terni la noble beauté des vérités divines, nous avons décidé de rejeter, comme il convenait de le faire, ces mêmes Constitutions pour l'édification et la sécurité du peuple très chrétien, en désapprouvant absolument les élucubrations des mensonges hérétiques et nous appuyant sur le pur et complet enseignement des apôtres. 
Nous confirmons aussi tous les autres saints canons, qu'édictèrent nos saints et bienheureux pères, c'est-à-dire, les trois cent dix huit saints pères réunis à Nicée, ceux d'Ancyre, de plus ceux de Néocésarée, de même ceux de Gangres, de plus ceux d'Antioche de Syrie, et aussi ceux de Laodicée de Phrygie ; de plus, les cent cinquante pères, qui se sont réunis dans cette ville impériale gardée de Dieu et les deux cents, rassemblés la première fois à Ephèse, et les six cent trente saints et bienheureux pères de Chalcédoine : de même ceux de Sardique, de plus ceux de Carthage, et aussi ceux qui de nouveau se sont réunis dans cette ville impériale gardée de Dieu sous Nectaire évêque de cette ville impériale et Théophile feu l'archevêque d'Alexandre. 
Mais aussi les canons de Denys qui fut archevêque de la grande ville d'Alexandre et de Pierre qui fut archevêque d'Alexandrie et martyr, de Grégoire le thaumaturge, qui fut évêque de Néocésarée, d'Athanase archevêque d'Alexandre, de Basile archevêque de Césarée en Cappadoce, de Grégoire évêque de Nysse, de Grégoire le Théologien, d'Amphiloque d'Iconium, de Timothée le premier qui fut archevêque d'Alexandre, de Théophile archevêque de la même grande ville d'Alexandrie, de Cyrille archevêque de la même Alexandrie et de Gennade qui fut patriarche de cette ville impériale gardée de Dieu : de plus, le canon édicté par Cyprien, qui fut archevêque du pays de l'Afrique, et par son synode, canon qui resta en vigueur selon la tradition dans les territoires seuls de ces évêques. Il n'est permis à personne de falsifier les canons énumérés plus haut, ou de les déclarer nuls ou d'admettre d'autres canons que ceux-là, composés en contrefaçon par ceux qui ont essayé d'exploiter la vérité. Si quelqu'un est convaincu d'innover à propos de quelque canon ou d'essayer de le tourner, il aura à répondre de ce même canon, soumis à la peine que ce canon impose et guéri par ce canon même contre lequel il a péché. 

Des prêtres et des clercs


3.- De la place dans le sanctuaire des prêtres qui ont contracté un second mariage ou se sont mariés après l'ordination et de ceux qui ont épousé une veuve ou une épouse renvoyée. 
Comme notre pieux empereur aimé du Christ demanda dans son allocution à ce saint et œcuménique concile qu'il rende tous ceux, qui sont inscrits dans les rangs du clergé et par le canal desquels passent aux hommes les grâces des sacrements, purs et irréprochables ministres, dignes du sacrifice spirituel du grand Dieu, victime et pontife en même temps, et qu'il les purifie des souillures de leurs mariages illicites comme d'autre part ceux de la très sainte Eglise romaine se proposent de suivre la très sévère discipline, et ceux du siège de cette ville impériale gardée de Dieu la règle de l'humanité et de la condescendance, nous avons fondu les deux tendances en une seule, afin que la mansuétude ne dégénère pas en dissolution ni l'austérité en amertume, ayant en vue surtout la faute par ignorance, qui atteint une multitude non négligeable d'hommes nous décidons que les clercs qui se sont laissés aller a des secondes noces et, esclaves du péché, n'ont pas voulu s'en relever jusqu'au quinze du mois de janvier écoulé de la quatrième indiction commencée de l'année six mille cent quatre vingt dix-neuf soient condamnés a la déposition canonique. 
Tandis que ceux qui sont tombés dans cette souillure des secondes noces, mais ont reconnu leur intérêt spirituel avant notre réunion et ont éloigné de leur personne le mal, en rompant cette union étrange et illégitime, ou bien ceux dont les conjointes dans les secondes noces sont déjà mortes, ou bien ceux qui ont eux-mêmes pourvu à leur retour à Dieu, se remettant à la pratique de la chasteté et se hâtant de ne plus penser à leurs iniquités passées ; si ces clercs sont des prêtres ou des diacres ou des sous-diacres, ceux-là il fut décidé qu'ils soient démis de toute fonction sacerdotale, de toute activité, après avoir fait pénitence un temps déterminé, ils auront cependant part aux honneurs du siège et de la place occupés par ceux de leur rang, se contentant de cette préséance et implorant du Seigneur le pardon de l'iniquité commise par ignorance : il serait en effet déraisonnable de bénir un autre, lorsqu'on a à panser ses propres blessures.
Ceux qui n'ont eu qu'une épouse, mais leur conjointe était une veuve, de même que ceux qui après l'ordination ont contracté un mariage illégitime, prêtres, diacres et sous-diacres, après un bref temps de suspense des fonctions sacrées et de pénitence, seront de nouveau rendus à leur propre grade, sans pouvoir avancer à un grade supérieur, le mariage illicite étant évidemment dissous. 
De par notre autorité épiscopale nous avons formulé ces règles à propos de ceux qui ont été surpris dans les seules fautes mentionnées au-dessus jusqu'au quinze janvier, disions-nous, de la quatrième indiction, et nous ordonnons dès ce jour et renouvelons le canon qui dit : " Celui qui après le baptême s'est marié deux fois, ou bien a eu une concubine, ne pourra être évêque, ni prêtre, ni diacre, ni même faire partie du clergé " ; de même " celui qui a épousé une veuve, ou une femme renvoyée par son mari, ou une courtisane ou une esclave ou une comédienne, ne pourra être évêque, ni prêtre, ni diacre, ni même faire partie du clergé ". 


4.- De la peine canonique de celui qui abuse d'une femme consacrée à Dieu.
Si un évêque ou un prêtre ou un diacre ou un sous-diacre ou un lecteur ou un préchantre ou un portier a eu un commerce charnel avec une femme vouée à Dieu, qu'il soit déposé, car il a séduit l'épouse du Christ : si c'est un laïc, qu'il soit excommunié. 

5.- Qu'aucun clerc supérieur ne doit cohabiter avec une servante. 
Qu'aucun de ceux qui sont inscrits dans l'ordre du clergé supérieur et qui n'habite pas avec les personnes non suspectes vivant sous une règle, n'ait chez lui une femme ou une servante, gardant par là sa réputation inattaquable ; si cependant quelqu'un enfreignait ce que nous ordonnons, qu'il soit déposé. Les eunuques doivent observer la même règle, pourvoyant à leur renom sans reproche ; s'ils l'enfreignent, étant clercs, ils seront déposés, laïcs, ils seront excommuniés. 

6.- Qu'il n'est pas permis aux prêtres et aux diacres de contracter mariage après leur ordination.
Comme il est dit dans les Canons apostoliques, que " seuls parmi les célibataires promus dans les rangs du clergé, les lecteurs et les préchantres peuvent se marier, nous aussi, observant cette prescription, nous ordonnons qu'à partir de maintenant aucun sous-diacre ni diacre ni prêtre n'a point le droit, une fois l'ordination reçue, de contracter mariage ; s'il ose le faire, qu'il soit déposé. Si quelqu'un de ceux qui s'engagent dans le clergé veut s'unir à une femme par les liens d'un mariage légitime, qu'il le fasse avant son ordination au sous-diaconat ou au diaconat ou à la prêtrise. 

7.- Que le diacre ne doit pas s'asseoir avant le prêtre. 

Comme nous avons appris que dans certains Eglises il se trouve des diacres, occupant des charges administratives, qui, devenus par là arrogants et prétentieux, prennent place avant les prêtres, nous ordonnons qu'un diacre, quelle que soit la dignité ou charge ecclésiastique qu'il occupe, ne s'assoie avant le prêtre ; sauf si représentant la personne de son propre patriarche ou métropolitain, il n'arrive dans une autre ville épiscopale pour traiter une affaire : il aura alors les honneurs dus à celui qu'il remplace. Si quelqu'un ose faire cela, usant d'arrogance tyrannique, un tel sera destitué de son rang et occupera la dernière place dans l'ordre dont il fait partie dans son Eglise car notre Seigneur nous exhorte à ne pas nous réjouir des premières places, selon l'enseignement de notre Seigneur et Dieu lui-même dans l'Evangile de saint Luc ; observant en effet comme les invités recherchaient les premières places, il leur dit une parabole en ces termes : " Lorsqu'on vous invitera à des noces, ne vous mettez pas à la première place, de peur qu'il ne se trouve parmi les convives un personnage plus considérable que vous, et que celui qui vous a invités, vous et lui, ne vienne vous dire : cédez la place à celui-ci, et qu'alors, vous n'ayez la honte d'être mis à la dernière place. Mais, quand vous serez invité, allez vous mettre à la dernière place, et lorsque celui qui vous a invité viendra, et vous dira : ami, montez plus haut, alors cela sera pour vous un honneur aux yeux de tous ceux qui seront à table avec vous. Car quiconque s'élève sera abaissé, et quiconque s'abaisse sera élevé ". La même règle sera observée par les autres ordres aussi, car nous savons bien que les dignités spirituelles l'emportent sur les dignités séculières. 

8.- Qu'un synode annuel doit avoir lieu dans chaque province au lieu que déterminera le métropolitain. 
Désireux d'observer nous aussi ce qui fut décidé par nos saints pères nous renouvelons de même le canon qui ordonne de " tenir chaque année des synodes des évêques de chaque province, au lieu que l'évêque de la métropole choisira ". Mais, comme par suite des incursions des barbares et pour d'autres raisons imprévues qui surviennent, les pasteurs des Eglises se trouvent dans l'impossibilité de tenir des synodes deux fois par an, il fut décidé que de toute façon une fois par an dans chaque province sera tenu un synode des évêques précités, en vue des affaires ecclésiastiques qui se présenteront normalement, dans le temps qui va de la fête de Pâques à la fin du mois d'octobre de chaque année, au lieu que l'évêque de la métropole, comme nous disions plus haut, choisira. " Les évêques qui ne s'y rendraient pas, tout en se trouvant dans leurs diocèses, étant en bonne santé et libres de toute occupation urgente et nécessaire, seront fraternellement repris ". 

9.- Qu'un clerc ne doit pas tenir un cabaret. 
A aucun clerc il n'est permis de tenir un cabaret : car, s'il est défendu à un tel d'entrer dans un cabaret, combien plus doit-il ne pas y servir d'autres dans un tel lieu et leur offrir ce qui lui est interdit a lui-même ? S'il fait cela, qu'il cesse ou qu'il soit déposé. 

10.- Qu'un prêtre ne doit pas percevoir des intérêts ou des centièmes. 
Un évêque ou un prêtre ou un diacre qui perçoit des intérêts ou ce qu'on appelle des centièmes, doit cesser de le faire ou être déposé. 

11.- Qu'il ne faut pas fréquenter les Juifs, converser avec eux ou recevoir d'eux des médicaments. 
Qu'aucun de ceux qui sont inscrits dans les rangs du clergé, ou même un laïc ne mange les azymes en usage chez les Juifs, ni ne se rende leur familier ni ne les appelle dans les maladies, recevant d'eux des remèdes, ni ne fréquente absolument les bains publics en leur compagnie ; si quelqu'un tente de faire cela, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

12.- Qu'aucun évêque ne doit cohabiter avec son ex-épouse. 
Il est venu de même à notre connaissance qu'en Afrique et en Libye et en d'autres lieux les pasteurs aimés de Dieu de ces territoires ne laissent pas que de cohabiter avec leurs épouses, même après que le sacre leur fut conféré, offrant ainsi aux peuples une pierre d'achoppement et un scandale. Ayant donc le grand souci que tout se fasse pour l'édification des peuples que nous avons a régir, nous avons décidé qu'une telle manière d'agir n'ait plus lieu. Nous ne disons pas cela pour enfreindre ou renverser les ordonnances apostoliques, mais pour procurer le salut des peuples et leur progrès dans la vertu, et pour n'offrir aucune occasion de blâme contre la discipline ecclésiastique ; en effet, le divin apôtre dit : " Faites tout pour la gloire de Dieu, ne donnez de scandale ni aux Juifs, ni aux Grecs, ni à l'Eglise de Dieu c'est ainsi que moi-même je m'efforce de complaire à tous en toutes choses, en cherchant non mon propre avantage, mais celui du grand nombre, afin que beaucoup d'hommes soient sauvés : soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ ". Si quelqu'un est pris faisant cela, qu'il soit déposé. 

13.- Des prêtres et des diacres, qu'ils peuvent garder leurs épouses.

Comme nous avons appris que dans l'Eglise de Rome il s'est établi comme règle qu'avant de recevoir l'ordination de diacre ou de prêtre les candidats promettent publiquement de ne plus avoir des rapports avec leurs épouses nous, nous conformant à l'antique règle de la stricte observation et de la discipline apostolique, nous voulons que les mariages légitimes des hommes consacrés à Dieu restent en vigueur même a l'avenir, sans dissoudre le lien qui les unit à leurs épouses, ni les priver des rapports mutuels dans les temps convenables. De la sorte, si quelqu'un est jugé digne d'être ordonné sous-diacre ou diacre ou prêtre, que celui-là ne soit pas empêché d'avancer dans cette dignité, parce qu'il a une épouse légitime, ni qu'on exige de lui de promettre au moment de son ordination, qu'il s'abstiendra des rapports légitimes avec sa propre épouse ; car sans cela nous insulterions par là au mariage institué par la loi de Dieu et béni par sa présence, alors que la voix de l'Evangile nous crie : " Que l'homme ne sépare pas ceux que Dieu a unis ", et l'apôtre enseigne " Que le mariage soit respecté par tous et le lit conjugal sans souillure " ; et encore " Es-tu lié à une femme par les liens du mariage ? ne cherche pas à les rompre ". 
Nous savons d'autre part que les pères réunis à Carthage, par mesure de prévoyance pour la gravité des mœurs des ministres de l'autel, ont décidé, " que les sous-diacres, qui touchent aux saints mystères, les diacres et les prêtres aussi pour les mêmes raisons, s'abstiennent de leurs femmes " ; " ainsi nous garderons, nous aussi, ce qui fut transmis par les apôtres et observé de toute antiquité, sachant qu'il y a un temps pour toute chose, surtout pour le jeûne et la prière ; il faut en effet que ceux qui s'approchent de l'autel, dans le temps où ils touchent aux choses saintes soient continents en toute chose, afin qu'ils puissent obtenir ce qu'ils demandent en toute simplicité à Dieu ". Si donc quelqu'un, agissant contre les canons apostoliques, ose priver un clerc des ordres sacrés, c'est-à-dire un prêtre ou un diacre ou un sous-diacre, des rapports conjugaux et de la société de sa femme légitime, qu'il soit déposé ; de même, " si un prêtre ou un diacre renvoie sa femme sous prétexte de piété, qu'il soit excommunié, et s'il persiste, déposé ". 

14.- Qu'aucun prêtre ne peut être ordonné avant ses 30 ans, ni un diacre avant les 25, ou une diaconesse avant les 40. 
Que la règle de nos saints pères inspirés de Dieu reste aussi en vigueur sur le point suivant que " l'on ne doit pas ordonner prêtre quelqu'un avant sa trentième année, même s'il en est très digne, mais le faire attendre, car le Seigneur Jésus-Christ ne fut baptisé et ne commença sa prédication qu'à trente ans ". De même, " qu'on n'ordonne pas un diacre avant ses vingt-cinq ans " et " une diaconesse avant ses quarante ans ". 

15.- Qu'un sous-diacre ne doit pas être ordonné avant ses vingt ans. 

Si quelqu'un dans n'importe quel ordre majeur a été ordonné avant l'âge fixé, qu'il soit déposé. 

16.- Que le nombre 7 des diacres des Actes des apôtres ne doit pas être appliqué aux diacres d'un diocèse. 
Comme les Actes des apôtres nous apprennent que les apôtres instituèrent sept diacres et les pères du synode de Néocésarée ont affirmé clairement dans les canons qu'ils ont édictés, " que les diacres doivent être au nombre de sept, selon ce canon, même si la ville est très grande ; on en trouvera la preuve dans le livre des Actes " ; nous, cherchant au texte apostolique le sens qu'en donnent les pères, nous avons trouvé qu'ils parlaient non pas des ministres des saints mystères, mais du service des tables ; car voici ce que disent les Actes : " En ce temps-là, le nombre des disciples augmentant, il y eut des plaintes de la part des Hellénistes contre les Hébreux, de ce que leurs veuves étaient négligées dans la distribution qui se faisait chaque jour. Les douze, ayant alors convoqué une réunion de tous les disciples, leur dirent : il n'est pas convenable que nous délaissions la parole de Dieu pour faire le service des tables. Choisissez donc parmi vous, frères, sept hommes de bon renom, plein de sagesse et remplis du saint Esprit, que nous chargerons de ce service ; et pour nous, nous continuerons de nous appliquer à la prière et au ministère de la parole. Cette proposition plut à toute l'assemblée et ils élurent Etienne, homme plein de foi et rempli du saint Esprit, Philippe, Procore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, prosélyte d'Antioche ; et ils les présentèrent aux apôtres ". 
Jean Chrysostome, le docteur de l'Eglise, interprétant ce passage, dit : " Cela mérite notre admiration de voir comment la multitude ne s'est pas divisée pour le choix des hommes, comment ils n'ont pas désapprouvé les apôtres. Il nous faut maintenant savoir quelle fut leur dignité et quelle ordination ils reçurent. Celle des diacres ? Or, le diaconat n'existait pas encore dans les Eglises. Etait-ce la fonction de prêtre ? Or, il n'existait encore pas même d'évêques, mais les apôtres seuls. C'est pourquoi je crois que le nom ne désigne d'une manière claire et évidente ni les diacres, ni les prêtres ". Sur ce, nous déclarons donc nous aussi que, conformément à l'enseignement exposé, les sept diacres en question ne sauraient être pris pour les ministres des saints mystères : ce sont ceux qui furent chargés d'administrer les besoins communs de l'assemblée d'alors ; et en cela du moins ils nous sont un exemple de charité et de zèle au service des indigents.
17.- Qu'un clerc ne doit pas prendre service dans un autre diocèse sans l'avis de son évêque.
Parce que des clercs de divers diocèses, abandonnant leurs Eglises accourent vers d'autres évêques, et sans le consentement de leur propre évêque prennent du service dans d'autres Eglises et deviennent par là des insoumis, nous ordonnons qu'à partir du mois de janvier de la quatrième indiction commencée, absolument aucun clerc, quel que soit son grade, n'est autorisé, sans les lettres dimissoriales de son propre évêque, à prendre du service dans une autre Eglise ; car celui qui n'observera pas cela à partir de maintenant, mais fera honte, quant à lui, à celui qui lui a conféré l'ordination, sera déposé, et en même temps celui qui l'aura reçu irrégulièrement. 

18.- Du retour dans leur diocèse des clercs, qui s'en éloignèrent sous le prétexte d'une incursion barbare ou pour une autre circonstance, dès le départ de la nation barbare.
Les clercs qui, sous prétexte d'incursion de barbares ou pour une autre raison ont quitté leur diocèse, dès que cette raison cessera ou les incursions des barbares ou ce pour quoi ils partirent, nous leur ordonnons de retourner à leurs propres Eglises et de ne pas les abandonner trop longtemps sans motif. Si quelqu'un ne se conforme pas au canon présent, qu'il reste excommunié, jusqu'à ce qu'il réintègre sa propre Eglise. La même peine sera encourue par l'évêque qui le retiendra. 

19. Que les chefs des diocèses doivent donner à leur clergé et à leur peuple un enseignement religieux, conforme à la tradition des saints pères inspirés de Dieu. 
Les chefs des diocèses doivent certes chaque jour, mais spécialement le dimanche, instruire le clergé et le peuple dans la vraie foi, en choisissant dans la sainte Ecriture les pensées et les jugements de vérité, sans aller à l'encontre des définitions déjà édictées ou de la tradition des pères inspirés de Dieu. Et s'il s'élève une difficulté à propos d'un passage de l'Ecriture, qu'ils ne l'interprètent que selon l'enseignement transmis par les lumières et les docteurs de l'Eglise dans leurs écrits ; qu'ils cherchent plutôt à se distinguer sur ce point, que de composer des discours à eux et, pris une fois ou l'autre au dépourvu, de dépasser les bornes de ce qui est permis ; en effet, l'enseignement des pères précités permettra aux peuples de distinguer qui est important et à préférer, de ce qui est nuisible et à rejeter ; ils réformeront ainsi leur vie vers le mieux et ne seront pas pris par le péché d'ignorance, mais au contraire, attentifs à la doctrine, ils se tiendront en éveil pour ne pas succomber au mal par crainte des peines qui les menacent. 

20.- Qu'un évêque ne doit pas prêcher publiquement dans une ville épiscopale étrangère, qui a son propre évêque. 
Il n'est pas permis à un évêque de prêcher publiquement dans une ville qui n'appartient pas à son diocèse ; si quelqu'un est pris faisant cela, qu'il soit dépouillé de son évêché et réduit au rang de prêtre. 

21.- Des clercs sujets à des peines canoniques, qui se repentent de leurs fautes. 
Ceux qui ont eu à répondre de délits canoniques et pour cela sont soumis à la déposition complète et perpétuelle et réduits à la communion laïque, si de leur propre gré pourvoyant à leur retour ils quittent le péché à cause duquel ils perdirent la Grâce, et s'en rendent complètement libres, qu'ils reprennent la tonsure cléricale ; sinon, s'ils ne font pas cela spontanément, qu'ils gardent les cheveux longs, comme les laïcs, vu qu'ils ont préféré la vie séculière à la vie céleste. 

22.- De ceux qui se font ordonner contre de l'argent. 
Ceux qui ont été ordonnés en donnant de l'argent, qu'ils fussent évêques ou autres clercs, et non point après avoir été éprouvé et sur la foi de leurs bonnes mœurs, nous ordonnons qu'ils soient déposés, eux et ceux qui leur ont conféré les ordres. 

23.- Que l'on ne doit rien percevoir, en donnant la communion.

Personne d'entre les évêques, prêtres ou diacres ne doit en donnant la sainte communion exiger de celui qui la reçoit de l'argent ou une espèce quelconque pour cette communion ; car la Grâce de Dieu n'est pas à vendre et nous ne transmettons pas la sanctification de l'Esprit contre de l'argent, mais au contraire nous faisons part du don de Dieu aux dignes sans arrière-pensée. S'il constate que quelque membre du clergé exige n'importe quelle espèce de celui à qui il donne la sainte communion, qu'il soit déposé, comme sectateur de l'erreur et du méfait de Simon le magicien. 

24.- Qu'un clerc supérieur ou un moine ne doivent pas monter à l'hippodrome. 
Qu'il ne soit permis à personne dans les ordres majeurs ni à un moine de monter à l'hippodrome ou d'assister aux jeux du théâtre. Mais même lorsqu'un clerc sera invité aux noces, dès que les jeux de déguisements font leur entrée, il se lèvera et partira aussitôt, ainsi que nous l'ordonne l'enseignement des pères. Si quelqu'un est pris faisant cela, qu'il cesse ou qu'il soit déposé. 

25.- Que les paroisses de campagnes et de villages doivent rester entre les mains des évêques qui les administrent. 

De plus, nous renouvelons aussi le canon qui prescrit que les paroisses rurales ou de villages doivent rester sans changement sous la juridiction des évêques qui les possèdent de fait, surtout s'ils les ont administrées durant une possession tranquille de trente ans ; si, cependant, pendant ces trente ans s'est élevée ou s'élève une contestation à leur sujet, il sera permis à ceux qui prétendent être lésés d'agiter la question devant le synode provincial. 

26.- Que le prêtre engagé à son insu dans un mariage illicite ne doit garder que sa place dans le sanctuaire. 
Le prêtre qui s'est laissé aller par ignorance à un mariage illicite, aura part aux honneurs du siège, conformément au saint canon que nous avons édicté, mais s'abstiendra de toute autre fonction : le pardon seul suffira à un tel ; il serait déraisonnable qu'un homme ayant à panser ses propres blessures veuille en bénir un autre ; car la bénédiction, c'est la communication de la Grâce, or celui qui ne possède pas celle-ci, par suite de cette faute même, dans laquelle il est tombé sans le savoir, comment la communiquera-t-il à un autre ? Qu'il ne bénisse donc ni publiquement ni en privé, ni ne distribue le corps du Seigneur aux autres ni n'accomplisse quelque autre fonction ecclésiastique, mais se contentant de la préséance il implore du Seigneur le pardon de l'iniquité commise par ignorance. Il est évident que le mariage illicite sera dissous et l'homme n'aura aucun rapport avec la femme, à cause de laquelle il fut suspens du saint ministère. 

27.- Que celui qui fait partie du clergé ne doit pas revêtir un habit inconvenant. 

Qu'aucun de ceux qui sont inscrits dans les rangs du clergé ne se revête d'un habit inconvenant, soit qu'il vive dans la ville, soit qu'il se trouve en voyage, mais qu'il use des vêtements attribués par l'usage à ceux qui sont inscrits dans les rangs du clergé. Si quelqu'un agit de la sorte, qu'il soit excommunié pour une semaine. 

28.- Qu'il ne faut pas mêler l'offrande du raisin à l'offrande du sacrifice. 
Comme nous avons appris qu'en certaines églises, du raisin étant offert dans le sanctuaire, les célébrants de la divine liturgie joignent, selon un usage qui y a prévalu, ce raisin à l'offrande du sacrifice non-sanglant et distribuent ainsi tous deux au peuple, nous avons décidé que cela ne se fera plus par aucun clerc consacré, mais on donnera au peuple pour sa vivification et le pardon des péchés la seule offrande du sacrifice. Quant au raisin considéré comme offrande de prémices, les prêtres le béniront à part et le distribueront à ceux qui le demandent, comme remerciement envers Celui qui donne les fruits de la terre, grâce auxquels, selon l'ordre de Dieu, nos corps grandissent et se nourrissent. Si quelque clerc agit contre nos prescriptions, qu'il soit déposé. 

29.- Que le saint sacrifice de l'autel doit être offert par des prêtres à jeun. 
Le canon du synode de Carthage prescrit que " les saints mystères de l'autel ne soient accomplis que par des hommes à jeun, sauf au jour anniversaire, où l'on commémore la cène du Seigneur " ; c'est peut-être pour des raisons utiles à l'Eglise de ces lieux-là, que ces divins pères ont usé de cette dispense. Or nous, n'ayant rien qui nous amène à nous relâcher de la stricte observance, nous ordonnons conformément aux traditions des apôtres et des pères " qu'il ne faut pas rompre le jeûne le jeudi de la dernière semaine du carême et déshonorer par là tout le carême ". 

30.- Que ceux qui d'un commun accord ont promis de garder la continence ne doivent pas cohabiter. 
Dans le désir de voir tout contribuer à l'édification de l'Eglise, nous avons décidé de pourvoir aussi au bien des prêtres qui desservent les Eglises en pays barbare. Si ceux-ci pensent qu'ils peuvent transgresser le canon apostolique, qui dit de " ne pas renvoyer sa propre épouse sous prétexte de piété ", et faire plus que la loi ne prescrit, et par suite de cela d'accord avec leurs compagnes s'abstiennent de rapports mutuels, nous leur ordonnons de ne cohabiter en aucune manière avec elles, afin de nous fournir par là la parfaite preuve de leur propos. Et nous n'avons montré cette condescendance à leur égard, qu'à cause de leur pusillanimité et des moeurs étranges et inconstantes de leurs pays. 

31.- Qu'on ne doit pas sans l'autorisation de l'évêque célébrer dans les oratoires qui se trouvent à l'intérieur d'une maison privée. 
Les clercs qui célèbrent la divine liturgie dans des chapelles qui se trouvent à l'intérieur des maisons privées, nous ordonnons qu'ils le fassent avec l'assentiment de l'évêque du lieu ; en sorte que, si quelque clerc n'observe pas cela de la manière dite, il soit déposé. 

32.- Qu'il faut mêler de l'eau au vin pour le sacrifice non-sanglant.
Comme il est venu à notre connaissance que dans le pays des Arméniens ceux qui accomplissent le sacrifice non-sanglant n'offrent au saint autel que du vin sans y mélanger de l'eau, mettant en avant le docteur de l'Eglise, Jean Chrysostome, qui dit dans son commentaire sur l'Evangile de saint Matthieu : " Pourquoi Il n'a pas bu après sa résurrection de l'eau, mais du vin ? Afin d'arracher avec les racines une hérésie perverse ; comme il y a en effet quelques-uns qui ne se servent dans les saints mystères que d'eau, il leur montra qu'en instituant les mystères le Christ se servit de vin, et après sa résurrection, lorsqu'il leur servit une simple table sans mystères, il s'est servi aussi de vin, du produit, dit-il, de la vigne, or la vigne ne produit pas de l'eau, mais du vin " ; par suite de cela, ils pensent que le docteur de l'Eglise abolit l'offrande de l'eau pendant le saint sacrifice. 
Pour qu'ils ne soient pas dorénavant sous l'emprise de l'ignorance, nous leur révélons la pensée orthodoxe du père. La perverse hérésie des hydroparastates, ancienne déjà, se sert dans son propre sacrifice l'eau seule au lieu de vin ; cet homme inspiré de Dieu réfutant l'enseignement illégitime de cette hérésie et montrant qu'ils vont à l'encontre de la tradition apostolique, il fit la démonstration citée. Car à son Eglise aussi, pour laquelle il reçut l'autorité pastorale, il enseigna de mélanger de l'eau au vin, toutes les fois qu'il faudra célébrer le sacrifice non-sanglant, pour rappeler le mélange de sang et d'eau sorti du côté précieux du rédempteur et sauveur, le Christ notre Dieu, qui coula pour la vivification du monde entier et le rachat des péchés. De même, dans toute Eglise, illuminée des lumières spirituelles des pères, cette ordonnance établie par Dieu reste en vigueur ; car Jacques, le frère selon la chair du Christ notre Dieu, à qui en premier fut confié le siège de l'Eglise de Jérusalem, et Basile l'archevêque de Césarée, dont la gloire est répandue par tout l'univers, en nous transmettant par écrit la mystique action sacrale, nous ont enseigné de parfaire ainsi l'offrande du calice sacré avec de l'eau et du vin. Et les saints pères rassemblés à Carthage ont expressément rappelé, " que dans les saints mystères on n'offre rien de plus que le corps et le sang du Seigneur, comme le Seigneur Lui-même l'a transmis, c'est-à-dire du pain et du vin mélangé d'eau ". Si donc un évêque ou un prêtre n'agit pas selon l'ordonnance des apôtres et n'offre pas le sacrifice immaculé en mélangeant de l'eau au vin, qu'il soit déposé, car il annonce le mystère du sacrifice incomplètement et innove contre la tradition. 

33.- Que c'est une coutume juive de n'admettre à la cléricature que ceux de descendance sacerdotale. 
Comme nous avons appris que dans le pays des Arméniens seuls ceux d'une descendance sacerdotale sont admis dans les rangs du clergé, et c'est des usages juifs que suivent ceux qui mettent cela en pratique et que même certains d'entre eux sans la tonsure cléricale s'établissent préchantres et lecteurs de la loi divine, nous avons décidé, que dorénavant il ne sera pas permis à ceux qui veulent promouvoir quelqu'un dans la cléricature de prendre en considération l'origine du candidat, mais, après avoir examiné s'ils sont dignes dans les conditions fixés par les saints canons d'être admis à la cléricature, alors seulement on les ordonnera clercs, qu'ils descendent d'une famille de prêtres ou non. De plus, il n'est point permis à personne de réciter la parole sacrée du haut de l'ambon, à la manière de ceux qui sont dans la cléricature, sans qu'il ait déjà reçu la tonsure cléricale et la bénédiction du propre pasteur, conformément aux canons. Si quelqu'un est pris en train d'agir contre ces prescriptions, qu'il soit excommunié. 

34.- De ceux qui prennent part à une conjuration ou à une cabale contre un évêque ou un clerc. 
Le saint canon édictant en termes exprès, que " le crime de société secrète ou fratrie, étant déjà défendu par la loi civile doit être à plus forte raison prohibé dans l'Eglise de Dieu ", nous aussi voulons l'observer ; en sorte que les clercs ou les moines qui se sont unis par serment ou complotent et ourdissent des machinations contre des évêques ou contre leurs confrères dans la cléricature, qu'ils soient complètement dépouillés de leur grade. 

35.- Que le métropolitain ne doit pas enlever ou s'approprier les biens d'un évêque défunt.

Qu'il ne soit permis à aucun métropolitain d'enlever à la mort d'un évêque suffragant de son siège les biens appartenant au défunt ou à son Eglise ou de se les approprier ; mais que ces biens soient sous la garde du clergé de l'Eglise dont le défunt était le pasteur, jusqu'à ce qu'un autre évêque y soit promu. À moins que dans la dite Eglise il ne reste plus aucun clerc auquel cas le métropolitain gardera ces biens intacts, pour les rendre tous à l'évêque qui sera sacré. 

36.- De l'honneur dû aux patriarches.
Renouvelant la législation des cent cinquante saints pères, qui se sont réunis dans cette ville impériale gardée de Dieu, et des six cent trente qui se sont rassemblés à Chalcédoine, nous décrétons, que le siège de Constantinople jouira des mêmes privilèges que le siège de l'ancienne Rome et obtiendra dans les affaires de l'Eglise la même grandeur que celui-ci, venant second après lui ; le siège de la grande ville d'Alexandrie sera compté ensuite, puis celui de Antioche, et après celui-ci, le siège de la ville de Jérusalem. 

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La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie» - Page 2 Empty Re: La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie»

Message  Arlitto Lun 7 Mar 2016 - 14:54

37.- Des évêques qui demeurent hors de leurs diocèses à cause des barbares. 
Comme à diverses époques des incursions de barbares ont eu lieu et par suite de cela plusieurs villes épiscopales sont tombées aux mains de gens sans loi, au point que le pasteur d'une telle ville est dans l'impossibilité de gagner après son sacre son propre siège et d'y recevoir l'institution canonique et d'y procéder aux ordinations selon l'usage en vigueur, de l'administrer et y exercer ses fonctions épiscopales ; nous, gardant au caractère épiscopal son honneur et sa révérence et ne voulant point que l'emprise des païens s'exerce au détriment des droits ecclésiastiques, nous avons décidé que restent imprescriptibles les droits de ceux qui auront été sacrés dans de telles conditions et pour la raison exposée n'ont pu être intronisés dans leurs sièges, de telle manière qu'ils puissent procéder canoniquement à des ordinations de divers clercs et garder l'autorité pastorale qui est la leur de par leur sacre, et que leurs actes administratifs soient fermes et légitimes ; car, si la nécessité des temps empêche la stricte observance de la loi, elle ne restreindra point les limites de la condescendance. 

38.- Que l'ordre hiérarchique des diocèses doit tenir compte d'une ville nouvellement fondée.
Le canon édicté par nos pères nous aussi nous l'observerons, qui dit : " Si par ordre de l'empereur une ville a été fondée ou est fondée, l'ordre hiérarchique de l'Eglise se conformera à l'ordre civil et public des lettres de fondation ". 

39.- De l'évêque de l'île de Chypre. 
Notre frère dans l'épiscopat Jean, le pasteur de l'île de Chypre, s'étant réfugié avec son peuple de son île dans la province de l'Hellespont, à cause des attaques des barbares et pour être délivré de l'esclavage païen et se mettre franchement sous l'autorité du pouvoir très chrétien, et cela Grâce à la providence divine et aux efforts de notre pieux empereur aimé du Christ, nous décidons, que les privilèges accordés à son siège par les pères inspirés de Dieu, qui se réunirent la première fois à Ephèse, restent inchangés ; en sorte que la Nouvelle Justinianopolis ait les droits de la vide de Constantia, et l'évêque très aimé de Dieu qui y sera établi à l'avenir, présidera à tous les évêques de la province de l'Hellespont et sera élu par ses propres évêques, selon l'ancienne coutume ; car nos pères inspirés de Dieu ont décidé que les usages de chaque Eglise soient gardés. Quant à l'évêque de la ville de Cyzique, il sera soumis au pasteur de la dite Justinianopolis à l'instar de tous les autres évêques de la province qui sont sous l'autorité de Jean le pasteur très aimé de Dieu, lequel, si c'est nécessaire, promouvra même l'évêque de la ville de Cyzique. 

Des moines et des moniales.40.- Qu'il ne faut pas admettre sans examen ceux qui veulent embrasser la vie monastique. 
Vu qu'il est bien salutaire de s'attacher à Dieu en quittant les troubles de la vie du monde, il ne faut cependant pas admettre avant le temps et sans discernement ceux qui ont choisi la vie monastique, mais garder pour eux aussi la règle transmise par nos pères, de ne pouvoir les admettre à la profession de la vie selon Dieu, qu'après l'âge de raison atteint. Lorsqu'on sera certain que cette profession est faite avec connaissance et jugement. Donc, que celui qui devra se soumettre au joug monastique n'ait pas moins de dix ans, le pasteur du lieu ayant à décider, s'il pense être plus avantageux pour embrasser ce genre de vie et la pratiquer d'ajouter à cet âge. Car, le grand saint Basile a certes légiféré dans ses saints canons, que la vierge qui s'est spontanément offerte à Dieu en choisissant l'état de virginité, ne peut être admise dans le rangs des vierges consacrées avant l'âge de dix-sept ans, mais nous, suivant en cela l'exemple de ce qui fut décidé à propos des veuves et diaconesses, nous avons diminué par analogie l'âge de ceux qui ont choisi la vie monastique ; car il est écrit dans le livre des Epîtres, que " pour être inscrite parmi les veuves une femme doit avoir au moins soixante ans ", tandis que les saints canons permettent de conférer la bénédiction de diaconesse à une femme de quarante ans, " voyant l'Eglise devenir par la Grâce divine plus forte et progresser toujours plus " et les fidèles stables et fermes dans l'observation des divins commandements. C'est ce que nous avons aussi parfaitement compris et ordonnons justement ce qui précède, afin de marquer promptement de la bénédiction de la Grâce, comme d'un sceau, celui qui va entreprendre les combats selon Dieu, l'exhortant par là à ne pas hésiter et se dérober, et l'encourageant bien plus à choisir le bien et à s'y établir. 
41.- De ceux qui veulent s'enfermer dans une recluserie. 
Ceux qui veulent mener la vie érémitique dans une recluserie de ville ou de village et veiller sur eux-mêmes dans la solitude, doivent d'abord entrer dans un monastère et s'y entraîner à la vie érémitique ; s'y soumettre pendant trois ans dans la crainte de Dieu au prieur du monastère ; y accomplir comme il convient tous les devoirs de l'obéissance ; et ayant ainsi confessé leur volonté de mener ce genre de vie et qu'ils l'embrassent volontairement de tout cœur, se présenter à l'évêque du lieu pour l'examen canonique ; après cela, ils passeront une autre année à la porte de l'ermitage, afin que leur intention devienne encore plus manifeste, car il témoigneront par là qu'ils poursuivent la vie de solitude, non pas pour obtenir une vaine gloire, mais le bien en soi. Une fois ce long laps de temps écoulé, s'ils persistent dans leur intention, on les enfermera dans la recluserie et il ne leur sera plus permis de sortir à leur gré de cette clôture, sauf s'ils y étaient forcés par le bien et l'utilité commune ou par une autre nécessité qui causerait leur mort ; et même dans ce cas ils le feront avec la permission de l'évêque. 
Ceux qui tenteraient de sortir de leur demeure sans avoir ces raisons, il faut en tout premier lieu les enfermer contre leur gré dans la dite recluserie, puis les corriger avec des jeûnes et d'autres mortifications, car ils doivent savoir que, selon ce qui est écrit, " Celui qui, après avoir mis la main à la charrue, regarde en arrière, est impropre au royaume des cieux ". 

42.- Que ceux qui s'intitulent ermites, portant la longue chevelure, ne doivent pas demeurer dans des villes. 
Ceux que l'on nomme ermites, qui vêtus de noir et les cheveux longs, parcourent les villes, vivant dans le monde au milieu d'hommes et de femmes et insultant par là à leur propre profession de vie, nous leur ordonnons, s'ils veulent se faire tondre les cheveux et prendre l'habit des autres moines, d'entrer dans un monastère et s'enrôler parmi les frères ; s'ils ne le veulent pas, qu'on les expulse totalement des villes, et qu'ils habitent les déserts, dont ils ont précisément tiré leur dénomination. 

43.- Qu'il faut admettre à l'ordre monastique tout homme, quelle que fût la faute qu'il aurait commise.
Il est possible à tout chrétien de choisir la vie ascétique et quittant l'agitation pleine de trouble des affaires du monde, d'entrer dans un monastère et recevoir la tonsure monastique, de quelque crime qu'il fût convaincu ; car Dieu notre sauveur dit : " Je ne mettrai point dehors celui qui vient à Moi ". Comme la vie monastique représente pour nous la vie de pénitence, nous approuvons celui qui s'y adonne en toute sincérité d'âme et aucune raison ne saurait l'empêcher de réaliser son dessein. 

44.- Du moine qui a commerce avec une femme ou en épouse une.
Le moine convaincu de fornication ou ayant pris une femme pour l'épouser et vivre avec elle, sera soumis aux peines canoniques des fornicateurs. 

45.- Qu'il ne faut pas présenter au monastère celles qui vont prendre l'habit de moniale, en les ornant de parures mondaines. 
Comme nous avons appris que dans certains monastères féminins, celles qui doivent être revêtues du saint habit, sont auparavant ornées par ceux qui les présentent à l'autel de soie et de toutes sortes de robes, et même de bijoux incrustés d'or et de pierreries, et s'approchant ainsi de l'autel sont dépouillées du revêtement de tant de richesses et on fait alors sur elles la cérémonie de la bénédiction et elles revêtent l'habit noir ; nous ordonnons que dorénavant cela ne se fasse plus. Il n'est pas en effet pieux, que celle qui a déposé de son propre choix tout le charme de la vie du monde et embrassé la vie selon Dieu, qui a confirmé ce choix par la constance de ses pensées et entra dans le monastère, en vienne à se rappeler par ces parures périssables et passagères ce qu'elle avait déjà oublié, et qu'elle en devienne hésitante, l'âme troublée pour ainsi dire par des vagues qui l'envahissent et la font tournoyer çà et là, au point qu'elle ne peut parfois pas verser une larme pour montrer par son attitude extérieure la componction de son cœur ; et si parfois même une petite larme, comme il est naturel, lui échappe, les assistants penseront qu'elle provient non pas tant de sa disposition intérieure pour la vie ascétique, mais de ce qu'elle [manque un mot] à quitter le monde et les biens de ce monde. 

46.- Que celles qui font partie d'un monastère ne doivent pas en sortir sans une raison urgente.
Que celles qui ont choisi la vie ascétique et se sont enrôlées dans un monastère ne sortent point de celui-ci. Cependant, si un besoin urgent les y forçait, qu'elles le fassent avec la bénédiction et l'autorisation de la prieure ; et même dans ce cas, pas seules, mais en compagnie de quelques vieilles sœurs, anciennes dans le monastère, sur l'ordre de la supérieure générale ; quant à coucher hors du monastère, c'est absolument défendu. Les hommes aussi qui pratiquent la vie solitaire, qu'eux aussi ne sortent, en cas de besoin urgent, qu'avec la bénédiction de celui qui a la charge de l'higouménat. Ainsi, ceux qui transgresseront la règle établie par nous, qu'ils soient hommes ou femmes, seront soumis aux peines canoniques appropriées. 

47.- Qu'aucun homme ne doit passer la nuit dans un monastère de femmes, ni une femme dans un monastère d'homme. 
Qu'aucune femme ne couche dans un monastère d'hommes, ni un homme dans un monastère de femmes ; car nous devons éviter aux fidèles toute pierre d'achoppement et de scandale et ordonner notre vie "de manière à ce qu'elle soit convenable et agréable au Seigneur". Si quelqu'un fait cela, clerc ou laïc, qu'il soit excommunié. 

48.- Que l'épouse de l'évêque, qui s'est séparée de lui d'un commun accord, doit entrer après le sacre dans un monastère. 
L'épouse de celui qui est promu à l'épiscopat, s'étant séparée d'un commun accord d'avec son mari, entrera après le sacre de celui-ci dans un monastère, situé loin de la résidence épiscopale et jouira de l'aide matérielle de l'évêque même, si elle en était digne, qu'elle soit promue à la dignité de diaconesse. 

49.- Que les monastères déjà consacrés ne doivent pas devenir des maisons privées.
Reprenant un autre saint canon, nous ordonnons que les monastères, une fois consacrés selon la volonté de l'évêque, doivent toujours rester monastères, et les biens qui leur appartiennent doivent leur être conservés ; ils ne peuvent plus devenir des " habitations laïques ", ni être remis par qui que ce soit à des civils ; et si cela a eu lieu jusqu'à présent, nous ordonnons qu'il ne se fasse plus. " Ceux qui à partir de maintenant tenteront de le faire, seront soumis aux peines canoniques ". 

Des laïcs. 

50.- Que ni clercs ni laïcs ne doivent jouer aux dés.
Que personne soit laïc, soit clerc ne joue aux dés dorénavant. Si quelqu'un est convaincu de ce fait, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

51.- Interdiction de voir les jeux de mimes, les combats des bêtes et les danses scéniques. 
Défense absolue est faite par ce saint concile œcuménique des représentations de ce qu'on appelle mimes et de leurs jeux, de plus, de donner des combats de bêtes et des danses sur scène. Si quelqu'un ne tient pas compte de ce canon et s'adonne à ces jeux défendus, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

52.- Que durant le carême il faut célébrer la messe des présanctifiés. 

Tous les jours de la sainte quarantaine de jeûne, sauf les samedis et dimanches et le saint jour de l'Annonciation, qu'on célèbre la sainte liturgie des présanctifiés. 

53.- Que les parrains ne doivent pas épouser les mères de leurs filleuls, devenues veuves.
Étant donné que la parenté spirituelle l'emporte sur la parenté de sang, et ayant appris d'autre part que dans quelques endroits ceux qui ont tenu des enfants aux saints et salutaires fonts baptismaux, contractent ensuite mariage avec les mères de ceux-ci devenues veuves, nous ordonnons que cela n'ait plus lieu dorénavant. Et s'il y en a qui après la publication de ce canon sont convaincus de l'avoir fait, en tout premier lieu ils doivent rompre ce mariage inique, ensuite être soumis aux peines canoniques des fornicateurs. 
54.- Des mariages prohibés par suite de la parenté. 
La divine écriture nous enseigne bien clairement : " Tu ne t'approcheras pas de ta proche parenté pour découvrir sa nudité ", et l'inspiré de Dieu saint Basile nous a énuméré dans ses canons certains cas de mariages prohibés, passant sous silence le plus grand nombre d'entre eux et nous procurant ainsi un double avantage ; laissant en effet de côté la multitude des dénominations honteuses, afin de ne pas souiller son discours par de tels mots, il a désigné ces malpropretés par les termes généraux, avec lesquels il a résumé les cas de mariages iniques. Mais comme la nature humaine, à cause de ce silence et de l'interdiction non détaillée des mariages illicites, s'est mise à tout confondre, nous avons décidé d'en parler plus ouvertement, en ordonnant que dorénavant celui qui contractera mariage avec sa propre cousine germaine, c'est-à-dire le père et le fils qui épouseront la mère et la fille, ou le père et le fils qui épouseront deux sœurs, ou la mère et la fille qui épouseront deux frères, ou deux frères qui épouseront deux sœurs, seront soumis à la peine canonique de sept ans, tout en rompant évidemment le mariage inique. 

55.- Qu'il ne faut pas jeûner les samedis et dimanches. 
Comme nous avons appris que dans la ville de Rome, contre la coutume de la tradition ecclésiastique, on jeûne les samedis pendant le jeûne du saint carême, le saint concile a décidé que même à l'Eglise de Rome s'appliquera le canon qui dit : " Si un clerc est convaincu de jeûner le saint jour du dimanche, ou bien le samedi sauf un seul et unique samedi, qu'il soit déposé et si c'est un laïc, qu'il soit excommunié ". 

56.- Des Arméniens qui mangent du fromage les samedis et dimanches de carême.

Nous avons appris de même que dans le pays d'Arménie et en d'autres endroits certains mangent des œufs et du fromage les samedis et dimanches du saint carême. Nous avons donc décidé, que l'Eglise de Dieu répandu dans tout l'univers gardera le jeûne en suivant une unique discipline, et s'abstiendra comme de toute chair d'animal, de même aussi d'œufs et de fromage, qui sont fruit et produit de ce dont nous nous abstenons. Ceux qui n'observeront pas cela, clercs, ils seront déposés, laïcs, excommuniés. 

57.- Qu'il ne faut offrir dans le sanctuaire ni miel et ni lait.

Qu'il ne faut offrir sur les autels ni miel et ni lait. 

58.- Qu'un laïc ne doit pas se communier lui-même. 

Qu'aucun de ceux qui sont rangés parmi les laïcs ne se donne la communion des saints mystères, lorsqu'un évêque ou un prêtre ou un diacre sont présents. Celui qui osera faire cela, qu'il soit excommunié pendant une semaine, pour apprendre par là à ne pas se croire plus qu'il ne l'est en réalité. 

59.- Qu'il ne faut pas faire de baptême dans un oratoire qui se trouve à l'intérieur d'une maison privée.

Qu'on ne fasse absolument pas de baptême dans une chapelle privée qui se trouve à l'intérieur d'une maison d'habitation, mais que ceux qui ont été jugés dignes du baptême immaculé se présentent aux églises paroissiales et y reçoivent ce saint don. Si quelqu'un est convaincu de n'avoir pas observé nos prescriptions, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

60.- De ceux qui font semblant d'être possédés.

L'apôtre nous clamant : " Celui qui s'unit au Seigneur devient avec lui un même esprit ", il en ressort clairement que celui qui entre dans la familiarité du démon, devient un avec lui par les rapports qu'il a. Donc, ceux qui font semblant d'être possédés du démon et imitent exprès dans leur conduite malhonnête la manière de faire des possédés, nous avons décidé qu'on les châtie de toutes façons et qu'on leur fasse subir les durs traitements et les peines, auxquelles on soumet à juste titre les vrais possédés pour les délivrer de l'action du démon. 

61.- Des devins, sorciers et meneurs d'ours. 
Ceux qui recourent aux devins ou aux surnommés centurions ou à d'autres gens de cette sorte, afin d'apprendre d'eux ce qu'ils voudraient qu'on leur révèle, qu'ils soient soumis à la peine canonique de six ans, conformément à la décision des pères à leur sujet. À la même peine canonique doivent être aussi soumis ceux qui mènent en laisse des ours ou d'autres animaux de la sorte, pour tromper les esprits simples et leur nuire en leur prédisant, à la manière des radotages de l'erreur, fortune, destin, généalogie et foule de termes semblables ; de même ceux qu'on appelle chasseurs de nuages, ceux qui jettent des charmes, qui distribuent des phylactères et les devins. S'ils persistent dans ces sortilèges et ne s'en abstiennent pas et ne fuient pas ces pratiques funestes et païennes, nous ordonnons qu'on les rejette totalement de l'Eglise, comme le prescrivent les saints canons. " Que peut-il, en effet, y avoir de commun entre la lumière et les ténèbres, dit l'apôtre, et quel rapport y a-t-il entre le temple de Dieu et les idoles, ou quelle part le fidèle a-t-il avec l'infidèle, et quel accord existe-t-il entre le Christ et Belial " ?

62.- Des calendes et des fêtes de Vota et de Broumalia. 
La cérémonie appelée " Calende s", celle dite " Vota " et celle dite " Broumalia ", de même que la fête du premier jour du mois de mars, nous voulons qu'elles disparaissent totalement du genre de vie des fidèles. De même, les danses publiques des femmes, capables de causer bien des ravages et du mal, de plus les danses d'hommes ou de femmes qui se font, selon un usage antique, mais étranger au genre de vie d'un chrétien, sous le vocable de ceux que les païens ont nommé faussement des Dieux, nous les rejetons, en ordonnant qu'aucun homme ne revête un costume féminin, ni une femme le costume qui revient à un homme ; de ne point porter des masques comiques ou satiriques ou tragiques ; de ne point révoquer le nom de l'abominable Dionysos en foulant le raisin dans les pressoirs ; ni de provoquer le rire au moment où l'on remplit de vin les tonneaux, agissant par ignorance ou par frivolité comme ceux qui sont possédés par l'erreur des démons païens. Ceux donc qui essaieront de commettre l'un des actes énumérés, sachant ce que nous venons de dire, s'ils sont clercs, qu'ils soient déposés, si ce sont des laïcs, qu'ils soient excommuniés. 
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Les vies de martyrs imaginées par les ennemis de la vérité pour jeter le discrédit sur les martyrs du Christ et faire perdre la foi à ceux qui les entendent lire, nous ordonnons de ne point en faire lecture publique dans les Eglises, mais plutôt de les jeter au feu. Quant à ceux qui les reçoivent et les admettent comme vraies, nous les anathématisons. 

64.- Qu'un laïc ne doit pas prétendre à enseigner dans l'Eglise. 
Un laïc ne doit pas tenir en public des discours sur les dogmes ou enseigner, s'attribuant ainsi un ministère d'enseignement, mais se conformer à l'ordre établi par le Seigneur, et prêter l'oreille à ceux qui ont reçu le don de la parole d'enseignement et apprendre d'eux les choses divines ; car Dieu a fait différents membres dans l'Eglise une, selon la parole de l'Apôtre, que Grégoire le théologien commente, dépeignant clairement l'ordre qui y règne et dit : " Respectons cet ordre, frères, gardons-le. Que l'un soit oreille, l'autre langue, un autre main, un autre une chose différente ; que l'un enseigne, l'autre apprenne ". Et peu après : " Que celui qui apprend, le fasse avec docilité, qui donne, avec joie, qui sert, avec promptitude. Ne soyons pas tous langue, la toujours prompte, ne soyons pas tous des apôtres, tous des prophètes, ne cherchons pas tous à interpréter les écritures ". Et peu après : " Pourquoi veux-tu te faire pasteur, alors que tu es brebis ? devenir tête, si tu es pied ? tenter de faire le général, si tu as rang de soldat ? " Et ailleurs la sagesse nous avertit : " Ne sois point prompt dans tes paroles ; ne cherche pas à égaler les largesses d'un riche, si tu es pauvre, ni ne prétends d'être plus sage que les sages ". Si quelqu'un est convaincu de transgresser le présent canon, qu'il soit privé de communion pendant quarante jours. 

65.- Des feux que certains allument devant leurs maisons au début de chaque mois.
Les feux que certains allument au premier jour du mois devant leurs ateliers ou leurs maisons, feux que certains s'appliquent à sauter d'un bond selon un usage antique, nous ordonnons que dès à présent ils soient abolis. Si donc quelqu'un ose faire cela, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. Il est en effet écrit dans le quatrième livre des Rois : " Manassès éleva un autel en l'honneur de toute l'armée des cieux, dans les deux parvis du temple du Seigneur il fit passer ses enfants par le feu il s'adonna aux pratiques des astrologues et des augures il institua des ventriloques et des devins, et il ne cessa d'irriter le Seigneur en faisant ce qui est mal à ses yeux ". 

66.- Que durant toute la semaine de la résurrection, il faut fréquenter les églises. 
Depuis le saint jour de la résurrection du Christ notre Dieu jusqu'au nouveau dimanche, les fidèles doivent fréquenter sans négligence toute la semaine les saintes églises, se réjouissant dans le Christ et chantant des psaumes et des cantiques et des chants spirituels, s'appliquant à la lecture des saintes écritures et faisant leurs délices de la communion aux saints mystères ; en effet, nous serons ainsi ressuscités et exaltés avec le Christ. Qu'on ne donne point par conséquent, dans les jours en question, ni jeux d'hippodrome, ni autres spectacles publics. 

67.- Qu'il faut s'abstenir de sang et de la chair d'un animal étouffé. 
C'est un texte divin qui nous a ordonné de nous abstenir de sang, de viande étouffée et de fornication. Ceux-là donc qui à cause de leur ventre goulu s'ingénient à rendre comestible le sang d'animaux et s'en nourrissent, nous leur imposons la peine convenable. Si donc quelqu'un tente de manger du sang d'animaux de quelque façon que ce soit, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

68.- Qu'il ne faut pas détruire les codex de l'ancien et du nouveau Testament ni les partager entre les parfumeurs. 
Qu'il n'est permis absolument à personne de détruire un des volumes de l'ancien et du nouveau Testament ni de ceux de nos saints prédicateurs et docteurs qui font autorité dans l'Eglise ; de le déchirer ou de le livrer à des marchands de livres ou à ceux qu'on appelle " parfumeurs " ou à n'importe quel autre homme, pour qu'il soit détruit, à moins que l'un ou l'autre volume ne fût totalement mis hors d'usage par les vers, l'humidité ou d'une autre manière. Celui qui sera pris faisant cela dorénavant, qu'il soit excommunié pendant un an. Que soit excommunié de la même manière celui qui donne à autrui pour que celui-ci les conserve, mais tente de les détruire. 

69.- Qu'un laïc ne doit pas pénétrer dans le sanctuaire.
Que personne de ceux qui sont dans les rangs des laïcs ne s'autorise à pénétrer à l'intérieur du sanctuaire. Cependant l'autorité et la puissance impériale n'en sera point empêché de le faire, lorsqu'elle voudra offrir les dons au Créateur selon une très ancienne tradition. 

70.- Que les femmes ne doivent pas parler pendant la messe. 
Qu'il ne soit pas permis aux femmes de parler dans le temps de la sainte liturgie, mais, selon la parole de l'apôtre Paul, " qu'elles se taisent, il ne leur a pas été donné, en effet, de parler, mais de se soumettre, comme le dit aussi la loi. Si, cependant, elles veulent savoir quelque chose, qu'elles interrogent leurs maris chez elles ". 

71.- Que les étudiants en droit ne doivent pas adopter des usages païens. 
Les étudiants en droit civil ne doivent point suivre les mœurs païennes, ni courir les amphithéâtres de jeux, ni faire ce qu'on appelle les sauts périlleux, ni se mettre des costumes étrangers a l'usage commun, soit au temps de la rentrée des classes, soit à leur terme, soit en un mot dans le cours de leur instruction. Si quelqu'un ose dorénavant le faire, qu'il soit excommunié. 

72.- Qu'un homme orthodoxe ne doit pas épouser une femme hérétique. 
Qu'il ne soit pas permis a un homme orthodoxe de s'unir à une femme hérétique, ni à une femme orthodoxe d'épouser un homme hérétique et si pareil cas s'est présenté pour n'importe qui, le mariage doit être considéré comme nul et le contrat matrimonial illicite est à casser, car il ne faut pas mélanger ce qui ne se doit pas, ni réunir un loup a une brebis. Si quelqu'un transgresse ce que nous avons décidé, qu'il soit excommunié. Quant à ceux qui étant encore dans l'incrédulité, avant d'être admis an bercail des orthodoxes, s'engagèrent dans un mariage légitime, puis, l'un d'entre eux ayant choisi la part la meilleure vint à la lumière de la vérité, tandis que l'autre fut retenu dans les liens de l'erreur sans vouloir contempler les rayons de la lumière divine, si l'épouse incroyante veut bien cohabiter avec le mari croyant, ou vice versa le croyant avec la non-croyante, qu'ils ne se séparent pas, car selon le divin apôtre, " le mari non croyant est sanctifié par sa femme, et la femme non croyante est sanctifiée par son mari ". 

73.- Qu'il ne faut pas reproduire sur le sol le signe de la croix.

Vu que c'est la croix vivificatrice qui nous a montré le salut, nous devons employer tout notre zèle a rendre l'honneur dû à ce par quoi nous avons été sauvés de l'antique faute. C'est pourquoi, dans l'intention de lui offrir notre culte par la pensée, la parole et le sentiment, nous ordonnons de faire disparaître de n'importe quelle façon les images de la croix que certains dessinent sur le sol, afin que l'insigne de notre victoire ne soit pas foulé aux pieds par les passants et être par là insulté. Ceux donc qui dorénavant dessineront l'image de la croix sur le sol, nous ordonnons qu'ils soient excommuniés. 

74.- Qu'il ne faut pas prendre des repas à l'intérieur d'un lieu sacré. 
Qu'il ne faut pas faire dans les églises paroissiales ou dans les églises en général ce qu'on appelle " agapes " et servir à manger à l'intérieur de la maison sainte et y organiser des banquets ; ceux qui osent le faire, doivent cesser ou être excommuniés. 

75.- Qu'on ne doit pas pousser des cris désordonnés en chantant dans l'église. 

Ceux qui se rendent dans les églises pour y chanter, nous ne voulons pas qu'ils chantent d'une façon bruyante et désordonnée et forcer la nature a pousser des cris, ni qu'ils emploient des textes qui ne sont pas les textes convenables et coutumiers à l'Eglise ; mais qu'au contraire ils présentent avec beaucoup d'attention et de componction leurs psalmodies à Dieu qui voit les secrets des cœurs ; car la sainte parole nous apprend " que les fils d'Israël doivent être pieux ". 

76.- Qu'on ne doit pas ouvrir un cabaret à l'intérieur de l'enceinte sacrée pour faire du commerce. 
Qu'il ne faut pas ouvrir de cabaret à l'intérieur de l'enceinte sacrée, ni y mettre des vivres en vente, ou s'y livrer à d'autres trafics, afin de respecter la vénération due à l'église ; en effet, le Sauveur notre Dieu, qui nous donne à imiter sa vie dans la chair, nous a exhortés à " ne pas faire de la maison de son père une maison de trafic " ; Il répandit par terre la monnaie des changeurs et chassa ceux qui profanaient le sanctuaire. Si quelqu'un est convaincu de pareille faute, qu'il soit excommunié. 

77.- Que des clercs ou des moines ne doivent pas se baigner dans les bains publics en compagnie de femmes.
Qu'il ne faut pas que des clercs dans les ordres majeurs, ou de simples clercs ou des mômes se baignent dans les bains publics en compagnie de femmes : pas même les laïcs ne doivent le faire, car c'est là le premier reproche fait aux païens. Si quelqu'un est convaincu de cela, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

78.- Que les candidats au baptême doivent apprendre le symbole de la foi.
Qu'il faut que les candidats an baptême apprennent par cœur le symbole de la foi et le jeudi de la grande semaine le récitent devant l'évêque ou les prêtres. 

79.- De ceux qui fêtent la délivrance de la Vierge le dimanche après la Noël.
Confessant que le divin accouchement de la Vierge a eu lieu sans les douleurs de l'enfantement, du fait que la conception en a été virginale, et prêchant cela à tout notre troupeau, nous voulons que se corrigent ceux qui par ignorance font quelque chose de non-convenable à ce propos. Donc, comme on voit certaines personnes le jour après la nativité du Christ notre Dieu griller de la semoule et se la partager, en vue d'honorer soi-disant les couches de l'immaculée Vierge-mère, nous ordonnons que les fidèles ne fassent point pareille chose : car cela n'est pas du tout un honneur pour la Vierge, qui a enfanté dans la chair l'incommensurable Verbe d'une manière qui surpasse intelligence et parole, que de vouloir définir et décrire son ineffable enfantement d'après les accouchements ordinaires, que sont les nôtres. Si donc quelqu'un est convaincu dorénavant de rien de tel, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

80.- Qu'il ne faut pas rester trop longtemps loin de l'église. 
Si un évêque, un prêtre, un diacre, quelqu'un du clergé, ou un laïc, n'a pas de raison grave ou un empêchement sérieux, qui le retienne loin de son église, mais tout en vivant dans une ville manque la messe trois dimanches en trois semaines consécutives, s'il est clerc, qu'il soit déposé, si laïc, qu'il soit privé de la communion. 

81.- Qu'il ne faut pas ajouter " qui fut crucifié pour nous ", au trisagion.
Comme nous avons appris qu'en certains endroits on chante en ajoutant au trisagion après le " saint et immortel " le " qui fut crucifié pour nous, aies pitié de nous ", chose qui fut jadis rejetée par les saints pères comme étrangère à la vraie foi, en même temps que l'hérétique inique qui a inventé ces paroles ; nous aussi, confirmant les pieuses décisions antérieures de nos saints pères, nous anathématisons ceux qui après la présente décision recevront ces paroles, les ajoutant à l'hymne trois fois sainte dans les églises ou ailleurs. Si le transgresseur de notre décision est dans les âmes, s'ils sont clercs, nous ordonnons qu'ils soient déposés, si ce sont des laïcs, qu'il soient excommuniés. 

83.- Qu'il ne faut pas donner la sainte eucharistie au corps des défunts.

Que personne ne donne la sainte eucharistie en communion aux corps des défunts ; il est en effet écrit : " Prenez et mangez ", or les cadavres des morts ne peuvent ni prendre ni manger.

84.- De ceux dont on n'est pas certain s'ils ont été baptisés.
Nous conformant aux règles que nous donnent les canons des pères, nous ordonnons au sujet des nouveaux-nés : " toutes les fois qu'il ne se trouvera pas de témoins sûrs, pour assurer qu'ils ont été sans aucun doute baptisés, et que eux non plus ne peuvent à cause de l'âge rien dire du sacrement qui leur fut conféré, il faut sans aucun empêchement les baptiser, de peur qu'une hésitation à ce sujet ne les prive de la purification du sacrement ".
85.- Que les esclaves affranchis reçoivent la liberté en présence de trois témoins.
" Sur la foi de deux et de trois témoins doit être décidée toute affaire ", nous apprend la sainte Ecriture ; nous ordonnons donc que les esclaves affranchis par leurs maîtres obtiendront cet honneur devant trois témoins, qui confirmeront par leur présence l'affranchissement et seront les garants de l'acte accompli. 

86.- De ceux qui tiennent des maisons closes au grand dam des âmes.
Ceux qui recrutent des prostituées et les entretiennent au détriment des âmes, s'ils sont clercs, nous ordonnons qu'ils soient déposés, si ce sont des laïcs, qu'il soient excommuniés.

87.- De celle qui a quitté son mari ou de l'homme qui a quitté sa femme pour s'unir à une autre personne. 
" La femme qui a abandonné son mari est une adultère, sa elle est allée avec un autre ", selon le divin saint Basile, qui a glané cela très a propos dans le prophète Jérémie, que " si une femme mariée a été avec un autre homme elle ne retournera pas à son mari, mais souillée, elle restera dans sa souillure " ; et encore : " Qui garde chez lui une femme adultère, est un insensé et un impie ". Si donc il constate que la femme a quitté son mari sans raison plausible, celui-ci sera estimé digne d'excuse, celle-là, de peines canoniques : et l'excuse lui vaudra de pouvoir communier. D'autre part, celui qui a abandonné la femme épousée légitimement et en a pris une autre, tombe sous la condamnation de l'adultère, selon la décision du Seigneur. Les peines canoniques imposées par nos pères pour de tels pécheurs consistent a faire un an parmi les " plorantes ", deux ans parmi les " audientes ", trois parmi les " substrati " et la septième année assister avec les fidèles et alors être jugés dignes de l'offrande, s'ils regrettent avec des larmes leur faute. 
88.- Qu'il ne faut pas introduire une bête de somme dans un lieu sacré, sinon en cas de force majeure pendant le voyage. 

Que personne n'introduise une bête quelconque à l'intérieur d'une église sauf si en cours de voyage, sous le coup d'une nécessité urgente et manquant de logement et d'abri, il passe la nuit dans l'église ; car s'il n'introduisait pas la bête dans l'église, elle périrait tôt ou tard, et lui par suite de la perte de sa bête de somme serait dans l'impossibilité de poursuivre son voyage et exposé au danger de mourir : or, nous avons appris que " le sabbat a été fait pour l'homme " et que, par conséquent, il faut de toute façon estimer préférable le saint de l'homme et sa préservation. Mais si quelqu'un est convaincu d'avoir introduit sans nécessité, comme il a été dit, une bête dans une église, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

89.- A quel moment il faut rompre le jeûne au jour du samedi saint.
Après avoir passé les jours de la passion rédemptrice dans le jeûne, la prière et la componction de cœur, les fidèles ne doivent rompre le jeûne qu'à minuit du samedi saint, vu que les évangélistes Matthieu et Luc, l'un par la locution " tard dans la nuit qui suit le samedi ", l'autre par celle de " très grand matin ", désignent l'heure avancée de la nuit. 

90.- Qu'il ne faut pas plier le genou le dimanche.
Nous avons reçu de nos pères le canon qui nous dit de ne pas fléchir les genoux aux jours de dimanche, en l'honneur de la résurrection du Christ. Or pour avoir une idée claire de son observation, nous faisons connaître aux fidèles qu'après l'entrée du clergé au sanctuaire aux vêpres du samedi selon l'usage reçu, personne ne doit fléchir les genoux, jusqu'au soir du dimanche qui suit, où après l'entrée du lychnicon fléchissant à nouveau les genoux nous offrons au Seigneur nos prières. Nous considérons en effet la nuit qui vient après le samedi comme annonciatrice de la résurrection du Sauveur et nous commençons à partir de ce moment nos cantiques spirituels, faisant tenir la fête depuis les ténèbres de la nuit jusqu'à la lumière du jour, en sorte que nous célébrons la résurrection une nuit et un jour entiers. 

91.- Des peines canoniques contre celles qui donnent et reçoivent des poisons abortifs. 
Les femmes qui procurent les remèdes abortifs et celles qui absorbent les poisons à faire tuer l'enfant qu'elles portent, nous les soumettons a la peine canonique du meurtrier. 

92.- Du rapt des femmes sous prétexte de mariage. 
Ceux qui ont commis un rapt de femme sous le prétexte de mariage, ou bien y coopèrent ou y aident, le saint concile ordonne que s'ils sont clercs, ils soient déchus de leur dignité, s'ils sont laïcs, qu'ils soient anathématises. 

93.- Que celle qui vit avec un autre homme avant d'être certaine de la mort de son mari, commet un adultère.
La femme dont le mari est parti et est porté disparu, si avant d'avoir la preuve de sa mort, en épouse un autre, elle est coupable d'adultère. De même les femmes de soldats, qui se sont remariées, leurs maris étant portés disparus, sont dans le même cas que celles qui n'ont pas attendu le retour de leurs maris partis au loin ; sauf que pour elles il y a une certaine excuse, vu que la mort y est plus probable. Quant à celle qui a épousé sans le savoir un homme abandonné par sa femme, puis au retour de celle-ci fut laissée par l'homme, certes elle a commis la fornication, mais sans le savoir ; pour cette raison il ne lui sera pas interdit de se marier : cependant il vaudrait mieux qu'elle restât comme elle est. Si jamais le soldat, dont la femme à cause de sa longue absence s'est remariée à un autre homme, revient, il reprendra, s'il le veut, sa propre femme, en accordant son pardon de la faute par ignorance à elle et à l'homme qui l'a épousée en secondes noces. 

94.- De ceux qui font des serments païens.
Ceux qui font des serments païens, le canon leur impose des peines et nous aussi, nous leur imposons l'excommunication. 

95.- Comment recevoir ceux qui reviennent d'une hérésie. 

Ceux qui viennent à l'orthodoxie et à l'assemblée des rachetés du parti des hérétiques, nous les recevons conformément au rite et à l'usage qui suivent. Les ariens et les macédoniens et les novatiens qui se disent purs, et les aristeriens, et les quatuordécimans on tétradites, et les apollinaristes, nous les recevons, leur faisant signer un libelle d'abjuration et anathématiser toute hérésie qui ne pense pas comme la sainte Eglise de Dieu, catholique et apostolique, et en les signant, c'est-à-dire en leur oignant d'abord du saint chrême le front, les yeux, les narines, la bouche et les oreilles et les signant nous disons : Signe du don du saint Esprit. Au sujet des sectateurs de Paul de Samosate, qui retournent ensuite à l'Eglise catholique, il fut décidé de les rebaptiser absolument. Quant aux eunomiens, qui sont baptisés par une seule immersion, et aux montanistes, qu'on nomme ici Phrygiens, et aux sabelliens, qui admettent l'identité du Père et du Fils et accomplissent d'autres rites abominables, et tous les autres hérétiques, ils sont en effet nombreux, surtout ceux qui viennent du pays des Galates, tous ceux d'entre eux qui veulent venir à l'orthodoxie, nous les recevons comme des païens ; le premier jour nous les armons du signe de la croix, le second nous les admettons parmi les catéchumènes, les troisième nous les exorcisons en les insufflant par trois fois au visage, et aux oreilles et alors nous les instruisons et nous les admettons pendant un an à assister dans l'église et écouter la lecture des saintes écritures, puis nous les baptisons. De même, nous rebaptisons les manichéens et les valentiniens et les marcionites et ceux qui viennent de semblables hérésies, les recevant comme des païens. Tandis que les nestoriens et les eutychiens et les sévériens et ceux de semblables hérésies doivent présenter un libelle d'abjuration et anathématiser leur hérésie et Nestorius et Eutychès et Dioscore et Sévère et les autres hérésiarques et leurs sectateurs et toutes les hérésies prédites, et alors seulement recevoir la sainte communion. 

96.- Que l'homme ne doit pas faire de sa chevelure un piège de péché.
Ceux qui ont revêtu le Christ par le baptême ont confessé par là qu'ils imiteront sa vie dans la chair. Donc ceux qui pour la ruine des âmes arrangent leur chevelure et l'ordonnent en tresses savantes, offrant ainsi des pièges aux âmes faibles, nous voulons les guérir spirituellement par la peine canonique appropriée, afin de les éduquer et leur apprendre à vivre sagement, en laissant de côté la fraude et la vanité de la matière pour élever sans cesse leur Esprit vers la vie impérissable et bienheureuse, mener dans la crainte du Seigneur une vie chaste, s'approcher de Dieu, dans les limites du possible, par une vie pure, et orner l'homme intérieur plutôt que l'extérieur par la vertu et des mœurs honnêtes et irréprochables : ainsi ne porteront-ils plus aucune trace de la grossièreté de l'ennemi. Si quelqu'un agit contre le présent canon, qu'il soit excommunié. 

97.- De ceux qui sans remords vivent avec leurs femmes dans les églises. 
Ceux qui cohabitent avec leurs femmes dans les saints lieux ou les profanent de n'importe quelle autre manière et s'y conduisent sans respect et y demeurent tout bonnement, nous ordonnons qu'ils soient expulsés même des catéchuménats des Eglises sacrées. Si quelqu'un n'observe pas cela, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

98.- De celui qui a épousé une fiancée du vivant de son fiancé.
Celui qui contracte mariage avec une femme fiancée à un autre, du vivant encore de son fiancé, qu'il ait à répondre du péché d'adultère. 

99.- Des Arméniens qui offrent des viandes cuites à l'intérieur du sanctuaire.
Nous avons appris que le fait suivant aussi a lieu dans le pays des Arméniens : que certaines gens portant des morceaux de viande, les offrent à l'intérieur du sanctuaire, en réservant une partie aux prêtres, a la manière des Juifs. C'est pourquoi voulant sauvegarder la pureté de l'Eglise, nous ordonnons qu'il est interdit à tout prêtre d'accepter des morceaux déterminés de viande de la part de ceux qui les offrent, mais se contenter des morceaux que l'offrant voudra bien leur donner, à condition que l'offrande se fasse hors de l'église, Si quelqu'un n'agit pas de la sorte, qu'il soit excommunié. 

100-. Qu'il ne faut pas peindre des tableaux poussant à la luxure.
" Que tes yeux regardent droits ", et " Garde ton cœur plus que tout autre chose ", nous commande la Sagesse ; car, très facilement les sensations corporelles influencent l'âme. C'est pourquoi nous ordonnons qu'on ne peigne plus soit sur tableaux soit autrement les peintures qui charment la vue et corrompent l'esprit et allument les flammes des désirs impurs. Si quelqu'un entreprend de faire cela, qu'il soit excommunié. 
101.- Que les laïcs reçoivent la communion dans leur main, et non dans des vases d'or ou d'argent.
" Corps du Christ " et " temple " appelle le divin apôtre dans la magnificence de son langage, l'homme créé à l'image de Dieu. Elevé donc au dessus de la nature sensible, l'homme, qui grâce a la passion du Sauveur a obtenu la dignité céleste, mangeant et buvant le Christ, se rend apte à la vie immaculée à ceux qui présentent de tels vases, qu'il soit excommunié, et celui-là aussi qui les a présentés. 

102.- Qu'il faut examiner les dispositions du pécheur et la qualité du péché.
Ceux qui ont reçu de Dieu le pouvoir de délier et de lier doivent examiner la qualité du péché et la promptitude au retour du pécheur lui-même, et alors seulement ordonner le remède approprié, de peur qu'en manquant de mesure dans l'un ou l'autre sens, il n'obtienne point le salut du malade. En effet, la maladie du péché n'est pas simple dans sa nature, mais complexe et variée, poussant des ramifications nombreuses du mal, grâce auxquelles le mal s'étend et progresse, jusqu'au moment où il est arrêté grâce au pouvoir du médecin. Le praticien de la médecine du saint Esprit doit donc en tout premier lieu examiner la disposition du pécheur, et voir s'il tend de lui-même vers la santé, ou si au contraire par sa conduite il provoque sa propre maladie ; comment il se conduit dans le temps de la cure, s'il ne s'oppose pas à l'art du praticien et que l'ulcère de l'âme ne s'étale pas à cause des médicaments apposés ; et mesurer la miséricorde en conséquence. La Volonté de Dieu et de l'homme à qui fut confié l'office pastorale est de ramener la brebis égarée, de guérir la morsure du serpent, sans pousser l'homme dans le précipice de la désespérance, ni lui relâcher les reines jusqu'à une vie dissolue et pleine de mépris ; de toutes manières, soit par des remèdes austères et amers, soit par d'autres doux et calmants, s'opposer au mal et s'efforcer de cicatriser l'ulcère, est l'unique but de celui qui juge des fruits du repentir et avec prudence prend soin de l'homme appelé à l'illumination céleste. Donc, " il nous faut connaître toutes les deux méthodes, celle de l'exacte observation des commandements et celle de l'expérience, et suivre, à propos de ceux qui ne consentent pas à accepter la sévérité, la méthode traditionnelle ", comme nous l'enseigne saint Basile.
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Message  Arlitto Lun 7 Mar 2016 - 14:55

CANONS DU 7ème CONCILE DE NICEE


Les 22 canons des pères réunis à Nicée pour la seconde fois en l'an 6296 de création du monde, dans la 2ème indiction, sous les pieux empereurs Constantin 1er et Irène, sa mère. 

1. Qu'il faut en tout observer les divins canons. 
Pour ceux qui ont obtenu la dignité sacerdotale l'observance des directives des ordonnances canoniques tient place de témoignage de bonne conduite et d'exploit. Ce sont elles que nous aussi nous recevons et chantons avec joie après le prophète David à notre Seigneur Dieu, en disant : "Je me suis réjoui dans la voie de tes témoignages, ils sont toute ma richesse" et : "Tu prescris la justice, donne-moi l'intelligence de tes témoignages et j'en vivrai éternellement". Eternellement nous ordonne la voix du prophète de garder les témoignages de Dieu et d'en vivre, c'est-à-dire dans une observation sans ébranlement ni changement, puisque même Moïse qui a vu Dieu en dit : "On ne peut rien y ajouter, on ne peut rien en ôter" ; et le divin apôtre Pierre y trouve sa gloire et proclame : "Les anges voudraient y jeter un regard" ; et (Paul nous dit) : "Quand bien même ce serait un ange du ciel, qui vous annoncerait un évangile autre que celui que nous avons annoncé, qu'il soit anathème". 
Puisqu'il en est ainsi, devant ces exhortations qui nous sont adressées, nous embrassons de tout cœur les divins canons, exultant en eux comme celui qui a fait un riche butin, et nous confirmons dans son entier et sans changement le contenu de leurs ordonnances, tel qu'il fut exposé par les saintes trompettes de l'esprit, les tout glorieux apôtres, les six saints conciles œcuméniques, les conciles particuliers rassemblés en vue d'édicter de telles ordonnances et nos saints pères ; car tous sans exception, illuminés par le même esprit, ont décidé ce qui est à notre avantage. Ceux qu'ils ont condamnés à l'anathème, nous les anathématisons ; ceux qu'ils ont condamnés à la déposition, nous les déposons ; ceux qu'ils ont condamnés à l'excommunication, nous les excommunions ; ceux qu'ils ont livrés aux peines canoniques, nous les y soumettons de même. "Notre conduite n'est pas inspirée par l'amour de l'argent, nous nous contentons de ce que nous avons", nous clame à toute voix le divin apôtre Paul, qui monta jusqu'au troisième ciel et entendit des paroles inénarrables. 
2. Que l'évêque à sacrer doit promettre par écrit de garder les canons, sinon il ne doit pas être sacré.
Etant donné que nous promettons à Dieu dans nos chants de psaumes : "Je méditerai tes commandements, je n'oublierai pas tes paroles", il est certes salutaire que tous les chrétiens observent cette promesse, mais tout spécialement le devront faire ceux qui ont revêtu la dignité pontificale. C'est pourquoi nous ordonnons, que le candidat à la dignité épiscopale doit absolument bien posséder le psautier, afin qu'ainsi il puisse obliger tout son clergé à s'y initier de la même manière ; de plus il devra répondre sous serment au métropolitain s'il est disposé à lire, non pas en passant, mais en cherchant à en comprendre le sens, les divins canons, le livre des saints évangiles, le livre des épîtres de l'apôtre et toute la sainte écriture ; à se conduire selon les divins commandements et à catéchiser son peuple. "L'armature essentielle de notre hiérarchie, ce sont en effet, les paroles inspirées de Dieu", c'est-à-dire la vraie connaissance des divines écritures, comme l'a déclaré le grand Denys. Et s'il y fait des objections et ne consent pas avec joie à agir et enseigner de cette façon, qu'il ne soit pas sacré ; car Dieu a dit par son prophète : "Tu as repoussé la connaissance, je te repousserai et empêcherai d'être mon prêtre". 
3. Que les Seigneurs laïcs ne peuvent prendre part à l'élection d'un évêque. 
Toute élection d'évêque ou de prêtre ou de diacre, faite sur la proposition de Seigneurs laïcs restera sans valeur, conformément au canon qui dit : " Si un évêque, se servant de l'appui de laïcs influents, obtient grâce à eux une Eglise, qu'il soit déposé et qu'on excommunie tous ceux qui sont en communion avec lui". En effet, le futur candidat à l'épiscopat doit être proposé par des évêques, selon qu'il fut décidé par les saints pères du concile de Nicée dans le canon qui dit : "L'évêque doit être choisi par tous les évêques de la province ; mais si une nécessité urgente ou la longueur de la route s'y opposait, trois évêques absolument doivent se réunir et procéder à l'élection, munis du consentement écrit des absents. La confirmation de ce qui s'est fait revient de droit dans chaque province au métropolitain". 
4. Que l'évêque doit s'abstenir de tout commerce. 
Le héraut de l'Eglise, Paul, le divin apôtre, prescrivant pour ainsi dire une règle aux prêtres d'Ephèse, ou plutôt à tout l'ordre sacerdotal, s'est exprimé en ces termes, disant : "Je n'ai désiré ni l'or, ni l'argent, ni le vêtement de personne, je vous ai toujours montré que c'est en travaillant ainsi qu'il faut venir en aide aux faibles" : il estimait qu'il y a du bonheur à donner. C'est pourquoi, nous mettant à son école, nous aussi, nous décidons qu'un évêque ne doit point penser à un gain sordide, et prétextant des prétextes de péché exiger de ses subordonnés, évêques ou clercs ou moines, de l'or ou de l'argent ou quelque autre espèce ; l'apôtre, en effet, nous avertit : "Les injustes n'hériteront pas le royaume de Dieu" ; et : "Ce n'est pas aux enfants à amasser des trésors pour leurs parents, mais plutôt aux parents pour leurs enfants". 
Si donc quelqu'un, exigeant de l'or ou quelque autre espèce ou bien pour satisfaire sa passion, se trouve avoir prononcé la suspense ou l'excommunication contre un clerc dépendant de lui, ou jeté l'interdit contre une Eglise, de manière à ce qu'aucun service divin ne s'y fasse, déversant ainsi sa folie contre des choses privées de sens, un tel est lui-même privé de sens et subira la loi du talion et sa peine retombera sur sa tête, parce qu'il est transgresseur de la loi de Dieu et des ordonnances apostoliques ; car Pierre, le chef suprême des apôtres, nous exhorte : "Faites paître le troupeau qui vous est confié, non par la contrainte, mais de bon gré, selon la volonté de Dieu, non pour un gain sordide, mais par dévouement, non en dominant sur ceux qui vous sont échus en partage, mais en vous rendant les modèles du troupeau. Et lorsque le souverain pasteur paraîtra, vous remporterez la couronne inflétrissable". 
5. Que ceux qui raillent les clercs entrés dans la cléricature sans cadeaux préalables seront sujets aux peines canoniques. 
C'est un péché qui mène à la mort, que de rester incorrigible, lorsqu'on a péché ; et pire que cela, c'est de redresser la tête et de s'élever contre la foi et la vérité, en préférant Mammon à l'obéissance envers Dieu et en ne tenant pas compte des ordonnances canoniques ; Dieu notre Seigneur n'est point avec de telles gens, à moins qu'ils ne se réveillent enfin de leur faute, en s'en humiliant ; il faudrait en effet qu'ils s'approchent de Dieu et lui demandent d'un cœur contrit la rémission de ce péché et son pardon, plutôt que de se glorifier de l'inique marché, car "le Seigneur est près de ceux qui ont le cœur brisé". Ceux donc qui se vantent d'avoir obtenu à prix d'or un rang dans la hiérarchie de l'Eglise et fondent toutes leurs espérances d'avenir sur cette coutume malhonnête, qui sépare de Dieu et de tout l'ordre sacerdotal, gens qui par suite de cela d'un visage effronté et d'une bouche sans retenue jettent le discrédit avec leurs propos injurieux sur les personnes choisies par le saint Esprit à cause de leur vertu et enrôlées dans le clergé sans avoir eu à payer de l'or pour cela ; de telles gens occuperont la dernière place dans les rangs de leur ordre, la première fois qu'ils commettront cette faute ; en cas de récidive, ils seront amenés à se corriger par des peines canoniques. 
Si cependant quelqu'un est convaincu d'avoir agi de la sorte à propos d'ordination, on lui appliquera le canon apostolique qui dit : "Si quelque évêque obtient le grade où il est à prix d'argent, ou même un prêtre ou un diacre, qu'il soit déposé lui et celui qui l'a ordonné, et qu'ils soient tous deux rejetés de la communion de l'Eglise, comme le fut Simon le magicien par moi Pierre" ; et aussi conformément au deuxième canon de nos saints pères de Chalcédoine, qui dit : "Si quelque évêque fait une ordination pour de l'argent et met à l'encan la Grâce sans prix, et ordonne pour de l'argent un évêque ou un chorévêque ou un prêtre ou un diacre ou quelqu'un de ceux inscrits au catalogue des clercs ou nomme à prix d'argent un économe ou un avoué ou un tuteur d'Eglise ou en général quelqu'un de la curie, poussé par un bas sentiment de lucre ; celui qui entreprend une telle chose, s'expose, si le fait est avéré, à perdre son propre grade ; et celui qui a été ordonné de cette manière ne tirera aucun profit de l'ordination ou de la promotion, mais perdra la dignité ou la place acquise ainsi à prix d'argent. Si de plus quelqu'un s'est entremis pour ce commerce honteux et prohibé, il devra, s'il est clerc, déchoir de son grade, et s'il est laïc ou moine, être frappé d'anathème". 
6. Qu'il faut convoquer le synode provincial une fois par an. 
Comme il y a bien un canon qui prescrit : "Que les questions canoniques soient examinées deux fois par an par l'assemblée des évêques de chaque province", les saints pères du sixième concile, considérant la fatigue à laquelle sont exposés les évêques à réunir et leur manque de moyens de se déplacer, ont décidé "que de toute façon et tout prétexte étant exclu, l'assemblée se fera une fois par an et que l'on corrigera ainsi ce qui est à reprendre". Nous renouvelons donc nous aussi ce canon ; et s'il se trouvait quelqu'un des puissants pour y mettre obstacle, qu'il soit excommunié ; si d'autre part un métropolitain négligeait de réunir l'assemblée, sauf le cas de nécessité, de violence et de quelque motif raisonnable, qu'il se voie appliquer les peines canoniques. 
Comme un tel synode a pour objet l'application des canons et des prescriptions évangéliques, il faut que les évêques réunis se préoccupent des divins et vivifiants commandements de Dieu ; car : "Grande est la récompense de ceux qui les observent", et : "Le commandement est un flambeau, la loi une lumière, et les avertissements de la sagesse conduisent à la vie" ; et : "Le commandement du Seigneur est pleine de lumière, il éclaire les yeux". Le métropolitain n'a point le droit d'exiger pour lui-même la bête de somme ou quelque autre chose de ce que l'évêque venant au synode portera avec lui ; s'il est convaincu de l'avoir fait, il le rendra au quadruple. 
7. Qu'il faut suppléer à la consécration des Eglises, dont la dédicace a été faite sans déposition de reliques. 
Paul le divin apôtre dit : "Les péchés de certains hommes sont manifestes, chez d'autres, par contre, on ne les découvre que plus tard" : les péchés qui ont précédé sont suivis par d'autres. C'est ainsi que l'hérésie impie des " accusateurs des chrétiens " fut suivie par d'autres impiétés ; car, de même qu'ils ont soustrait à la vue des fidèles les vénérables images dans les Eglises, ils ont de même supprimé d'autres coutumes, qu'il faut restaurer et garder à nouveau selon la tradition écrite ou orale. C'est pourquoi nous ordonnons que dans toutes les vénérables Eglises, qui ont été consacrées sans la déposition de saintes reliques de martyrs, on fasse la déposition des reliques avec la prière d'usage. Et celui qui consacrera une Eglise sans déposition de saintes reliques, qu'il soit déposé, comme transgresseur des traditions ecclésiastiques. 
8. Qu'il ne faut point recevoir dans l'Eglise les juifs, à moins qu'ils ne se convertissent d'un coeur sincère. 
Vu que certains sectateurs de la religion juive dans leur erreur ont imaginé de se moquer du Christ notre Dieu, feignant d'être chrétiens et reniant le Christ en secret, en gardant en cachette le sabbat et accomplissant d'autres rites de la religion juive : nous ordonnons qu'on n'admette de telles gens ni à la communion, ni aux offices, ni à l'Eglise, mais qu'ils restent juifs selon leur propre religion, et qu'ils ne fassent point baptiser leur enfant, ni n'achètent ou possèdent un esclave. Si cependant quelqu'un d'entre eux se convertit d'une foi sincère et confesse le christianisme de tout cœur, dévoilant publiquement leurs coutumes et leurs rites, au point de reprendre et corriger d'autres personnes, celui-là qu'on le reçoive et qu'on baptise lui et ses enfants et qu'on s'assure qu'ils ont renoncé aux manières de vivre juives ; s'il n'en est pas ainsi, qu'on ne les reçoive point. 
9. Qu'on ne doit pas garder en cachette un écrit de l'hérésie iconoclaste. 
Tous ces hochets enfantins et transports de furie bachique, que sont les pseudo-traités écrits contre les vénérables images, doivent être remis à l'évêché de Constantinople, pour qu'ils soient déposés avec le reste des livres hérétiques. S'il s'en trouve quelqu'un qui les garde en les cachant, si c'est un évêque ou un prêtre ou un diacre, qu'il soit déposé ; si c'est un laïc ou un moine, qu'il soit excommunié. 
10. Que le clerc ne doit pas quitter son diocèse pour se rendre dans un autre, à l'insu de son évêque. 
Comme au mépris des canons quelques clercs quittent leur diocèse pour s'en aller dans un autre, et surtout dans cette ville impériale gardée de Dieu, et s'attachent au service des puissants et célèbrent l'office divin dans leurs oratoires ; à l'avenir, nul clerc ne doit se faire recevoir sans l'assentiment de son évêque et de l'évêque de Constantinople dans une maison ou dans un oratoire ; celui qui persistera à agir ainsi sera déposé. Ceux cependant qui agiront ainsi avec l'assentiment des évêques indiqués plus haut, ne devront pas accepter de remplir des charges séculières et temporelles, vu que cela leur est défendu par les canons. Si quelqu'un est trouvé ayant accepté la charge de majordome, il doit ou cesser ou être déposé. Ce serait mieux, s'il instruisait les enfants et les domestiques, et qu'il leur lut les saintes écritures, car c'est pour cela qu'il a reçu le sacerdoce. 
11. Qu'il doit y avoir des économes dans les évêchés et les monastères. 
Etant obligés de garder tous les divins canons, nous devons observer inviolablement celui-là aussi qui prescrit de nommer dans chaque diocèse un économe. Si un métropolitain institue un économe dans son Eglise, tout est bien ; sinon, l'évêque de Constantinople aura le droit d'y nommer lui-même un tel ; le même droit est accordé aux métropolitains aussi, si leurs évêques suffragants ne se décident pas à instituer des économes dans leurs propres Eglises. La même ordonnance devra être aussi observée pour des monastères. 
12. Que l'évêque ou l'higoumène ne doivent pas vendre les propriétés rurales de l'Eglise. 
Si un évêque ou un higoumène a remis à un Seigneur ou à une autre personne une partie des possessions de l'évêché ou du monastère, cette remise est nulle, aux termes du canon apostolique qui dit : "Tous les biens d'une Eglise sont commis aux soins de l'évêque ; qu'il les administre sous le regard de Dieu, et qu'il ne lui soit pas permis de s'en approprier quoi que ce fût, ou de faire cadeau des biens de Dieu à sa propre parenté ; si celle-ci est pauvre, qu'il lui vienne en aide comme à des pauvres, mais qu'il ne dissipe pas les choses de Dieu sous ce couvert". S'il prend pour prétexte que telle propriété occasionne des frais et n'est point rentable, même alors ce n'est pas aux Seigneurs qu'il faut l'abandonner, mais à des clercs ou à des colons. Si après cela ils usent de ruse et le Seigneur achète ce bien aux clercs ou aux colons, l'achat sera frappé de nullité ; l'évêque ou l'higoumène qui auront fait cela, seront chassés, l'évêque de son évêché, l'higoumène de son monastère, car ils dissipent mal ce qu'ils n'ont point ramassé. 
13. Que grande condamnation méritent ceux qui profanent les monastères. 
Vu que pendant les malheurs survenus pour nos péchés aux Eglises, des maisons religieuses ont été volées par certains, des évêchés et des monastères, et ont été changées en habitations profanes, si ceux qui les détiennent veulent de plein gré les restituer, afin qu'elles soient rendues à leur usage ancien, tout sera bien ; s'ils ne le font pas, nous ordonnons qu'ils soient déposés, s'ils sont clercs, et excommuniés, s'ils sont moines ou laïcs, car ils sont condamnés par le père et le fils et le saint Esprit ; qu'ils soient jetés là où le ver ne meurt pas et le feu ne s'éteint pas, puisqu'il s'opposent à la voix du Seigneur qui dit : "Ne faites pas de la maison de mon père une maison de commerce". 
14. Qu'on ne doit pas faire durant la synaxe des lectures de haut de l'ambon sans avoir reçu l'ordination de lecteur. 
Il est évident pour tous que l'ordre doit régner dans l'exercice de la charge sacerdotale et qu'il est agréable à Dieu de veiller scrupuleusement sur les fonctions sacerdotales, Comme nous voyons que certains ayant refusé la tonsure cléricale encore très jeunes, sans autre bénédiction de l'évêque, font cependant les lectures du haut de l'ambon durant la synaxe eucharistique, sans que cela soit permis par les canons, nous ne permettons plus que cela se fasse ; la même règle sera appliquée aux moines. Toutefois, il sera permis à l'higoumène, mais seulement dans son propre monastère, de conférer l'ordination de lecteur, à condition qu'il ait reçu pour gouverner le monastère la bénédiction de l'évêque, évidemment étant prêtre. Les chorévêques aussi, selon l'ancienne coutume, ne doivent promouvoir des lecteurs qu'avec l'autorisation de l'évêque. 
15. Qu'un clerc ne doit pas être inscrit parmi le clergé de deux Eglises à la fois. 
Qu'aucun clerc ne soit à l'avenir préposé à deux Eglises à la fois : c'est du commerce, du mauvais lucre et étranger aux usages ecclésiastiques. Nous avons entendu en effet la voix du Seigneur, que "personne ne peut servir deux maîtres, car il haïra l'un et aimera l'autre, et s'il supporte l'un, il méprisera l'autre". "Chacun donc doit rester, selon la voix de l'apôtre, dans la vocation, dans laquelle il a été appelé", et être attaché à une seule Eglise. Ce qui se fait par esprit de lucre à propos des choses d'Eglise, est étranger à Dieu. Pour subvenir à ses besoins, il existe divers métiers légitimes ; par eux on peut, si l'on veut, se procurer ce qui manque. L'apôtre dit en effet : "À mes besoins et à ceux de mes compagnons ont subvenu ces mains". Cette règle sera applicable à cette ville gardée de Dieu. Quant aux localités de la campagne, à cause de leur population clairsemée, il sera permis d'en desservir plusieurs. 
16. Qu'un clerc majeur ne doit pas être revêtu d'habits luxueux. 
Toute dissolution et parure corporelle doivent rester étrangères à l'ordre sacerdotal ; les évêques donc et les clercs qui se parent d'habits éclatants et riches, doivent être repris, et s'ils persistent, subir les peines ecclésiastiques ; de même, ceux qui s'oignent d'essences parfumées, Comme d'autre part l'hérésie des " accusateurs des chrétiens " est devenue une racine d'amertume produisant sans cesse de la contagion, et que ses adeptes, non contents de détester les reproductions en peinture, repoussent aussi toute piété, poursuivant de leur haine ceux qui vivent dans la modestie et la religion, et en eux se trouve réalisée la parole de l'écriture "le pécheur a en horreur toute piété" ; si donc il y en a qui se moquent de ceux qui portent un habillement pauvre et modeste, qu'ils soient corrigés par des peines ecclésiastiques ; car depuis toujours les clercs n'ont porté qu'un vêtement simple et modeste ; en effet, tout ce qui n'est pas porté par nécessité, mais pour l'embellissement doit être condamné "comme vanité", selon la parole du grand saint Basile. Ils n'étaient pas non plus vêtus de vêtements de soie de diverses couleurs, ni n'ajoutaient des ornements bariolés aux pans de leur manteaux ; ils avaient en effet entendu de la bouche aux divines paroles : "Ceux qui sont mollement habillés, habitent les palais des rois". 
17. Qu'on ne doit pas entreprendre de construire un oratoire, si l'on n'en a pas les moyens. 
Vu que certains moines désireux de commander et las d'obéir, abandonnent leurs monastères et se mettent à bâtir des maisons de prières, sans avoir assez de ressources pour achever l'œuvre commencée ; si donc quelqu'un essaie de faire cela, qu'il en soit empêché par l'évêque du lieu ; mais s'il a assez de bien pour exécuter ce qu'il projette, qu'il le mène a bon terme. La même règle sera applicable aux clercs et aux laïcs. 
18. Que des femmes ne doivent pas demeurer dans les évêchés et les monastères. 
"Ne soyez pas une pierre d'achoppement, même pour ceux du dehors" dit le divin apôtre, or le fait que des femmes résident dans les évêchés ou dans les monastères est cause de toute sorte d'achoppement. Si donc quelqu'un est convaincu de posséder dans son évêché ou dans son monastère une femme, esclave ou libre, chargée d'un service quelconque, qu'il soit soumis aux peines canoniques, et s'il persiste, qu'il soit déposé. Et s'il arrive que des femmes se trouvent dans les propriétés de campagne et que l'évêque ou l'higoumène dirigent leurs pas vers ces lieux, tant que l'évêque, ou l'higoumène, sera présent, on ne chargera d'aucun service une femme pendant ce temps, mais elle demeurera quelque part ailleurs, jusqu'à ce que l'évêque reprenne le chemin du retour ; et cela pour rester sans reproche. 
19. Que les admissions de clercs, moines et moniales doivent se faire sans cadeaux préalables. 
La passion honteuse de l'amour de l'argent s'est tellement répandue parmi les chefs des Eglises et des monastères, que certains hommes et femmes parmi ceux qu'on estime pieux, oubliant le précepte de Dieu, se laissent induire en erreur et font payer à prix d'argent la réception des candidats à la cléricature ou à la vie monastique. Ainsi se vérifie la parole du grand saint Basile, "début vicié corrompt tout l'ensemble", car il n'est pas possible de servir Dieu par Mammon. Si donc quelqu'un est pris faisant cela, s'il est évêque ou higoumène ou quelqu'un du clergé, il doit cesser ou être déposé, suivant le deuxième canon du saint concile de Chalcédoine ; si c'est une " higoumena ", elle doit être chassée du monastère et mise en obéissance dans un autre monastère ; de même, l'higoumène qui ne serait pas prêtre. 
Quant à ce que les parents donnent en dot à leurs enfants, ou ce que les candidats apportent eux-mêmes, déclarant qu'ils le consacrent à Dieu, il est décidé que ces biens restent acquis au monastère selon la promesse du candidat, que celui-ci reste ou quitte le monastère, à condition que l'higoumène n'ait rien à se reprocher pour le départ. 
20. Qu'il ne faut plus construire dorénavant des monastères doubles, et des monastères doubles. 
Nous décidons qu'on n'érige plus désormais des monastères doubles, parce que c'est une cause de scandale pour un grand nombre. S'il y en a qui désirent renoncer au monde avec un groupe de parents et embrasser la vie monastique ensemble, que les hommes prennent le chemin d'un monastère d'hommes, et les femmes entrent dans un monastère de femmes, car c'est là ce qui plaît à Dieu. 
Quant aux monastères doubles déjà existants, qu'ils se conforment à la règle de notre père saint Basile et vivent selon ses prescriptions : Qu'un seul et même monastère ne serve pas en même temps de résidence à des moines et à des moniales, car l'adultère suit toujours de près la cohabitation. Que le moine n'ait aucune familiarité avec la moniale, ni la moniale avec le moine, pour se parler en particulier. Que le moine ne couche dans un monastère de femmes, ni ne prenne jamais de repas seul avec une moniale. Quand les provisions nécessaires seront transportées du monastère des hommes à celui des femmes, qu'elles soient reçues à la porte de celui-ci par la supérieure accompagnée d'une sœur âgée. S'il arrive qu'un moine ait besoin de voir une religieuse, de ses parentes, qu'il lui parle en présence de la supérieure en quelques mots brefs et reparte aussitôt. 
21. Que les moines ne doivent pas quitter leurs monastères et s'en aller dans d'autres. 
Aucun moine, ou moniale, ne doit abandonner son propre monastère et passer dans un autre. Si cela arrive, il faut lui donner l'hospitalité, mais il ne convient pas de l'inscrire dans la communauté sans le consentement de son higoumène. 
22. Que les moines doivent, si le cas se présente de prendre leur repas en compagnie de femmes, le faire en esprit d'action de grâces et en toute modestie et piété. 
Confier à Dieu toutes choses et ne pas être esclave de ses propres volontés, est une grande chose ; En effet, "soit que vous mangiez, soit que vous buviez, dit le divin apôtre, faites tout à la gloire de Dieu". Or, le Christ notre Dieu a ordonné dans ses évangiles de couper les racines mêmes des péchés ; car il ne châtie pas seulement l'adultère, mais il condamne aussi le mouvement de la pensée qui pousse à commettre l'adultère, en disant : "Celui qui a regardé une femme avec le désir, a déjà commis l'adultère avec elle dans son cœur". Nous avons appris par là qu'il faut purifier nos pensées "car si tout est permis, cependant tout n'est pas profitable", ainsi que nous l'apprenons de la bouche de l'apôtre. Il est certes nécessaire à tout homme de se nourrir pour vivre ; et pour ceux qui ont choisi la vie dans le mariage, au milieu des enfants et dans l'esprit du siècle, de manger tous ensemble, hommes et femmes, est sans reproche, pourvu qu'ils rendent Grâce à Celui qui donne la nourriture, loin de ces jeux scéniques suivis de chansons sataniques, de cithares et de danses impures, sur qui tombe la malédiction du prophète, qui dit : "Malheur à ceux qui boivent leur vin au milieu du jeu de la cithare et du luth, et n'ont pas un regard pour les oeuvres du Seigneur, ni de compréhension pour les oeuvres de ses Mains". Si jamais il se trouvait parmi les chrétiens de telles gens, qu'ils s'en corrigent ; sinon qu'on leur applique ce qui avant nous fut statué par les canons. 
Tandis que ceux qui ont choisi la vie solitaire, ayant promis au Seigneur Dieu de prendre le joug de la vie solitaire, qu'ils gardent la solitude et le silence. De même il n'est pas permis à ceux qui ont choisi l'état sacerdotal de prendre en particulier des repas avec des femmes, si ce n'est en compagnie de plusieurs hommes et femmes, pieux et craignant Dieu, afin que même ce repas pris en commun mène à l'édification spirituelle. La même règle s'appliquera aux rapports avec la parenté. 
Toutefois, s'il arrive que dans un voyage un moine ou un clerc n'ait pas apporté avec lui de vivres, et se voit dans la nécessité d'entrer dans une hôtellerie ou dans une maison privée, il lui sera permis de le faire, puisqu'il y est forcé par la nécessité.
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Message  Arlitto Lun 7 Mar 2016 - 14:55

Modalités canoniques d'exercice de la juridiction du Patriarcat œcuménique de Constantinople


La Tradition de l'Eglise a accordé, au cours des siècles, à l'Eglise de Constantinople - comme à toute autre Eglise locale d'ailleurs, selon le cas chorogéographique et temporel - certaines modalités canoniques pour accomplir l'œuvre sotériologique qu'accomplit chaque Eglise locale dans l'espace et dans le temps. Ces modalités peuvent être réparties en différentes catégories.
1.- La juridiction de l'(Archi)épiscopalie de Constantinople
C'est la ville épiscopale de Constantinople - y compris son hinterland (arrière-pays) - dont l'(arch)évêque porte le titre de (est le) patriarche du Patriarcat homonyme. De même, la presqu'île hagiorite du Mont Athos est considérée comme territoire de l'(archi)épiscopie de Constantinople, car le patriarche est l'évêque de ce lieu, exerçant la plénitude des droits épiscopaux.
2.- La juridiction du " Patriarcat de Constantinople "
Les limites géo-ecclésiastiques du Patriarcat de Constantinople - comme des autres quatre Patriarcats (anciens) d'ailleurs - reposent sur des fondements historico-canoniques. L'événement décisif pour les Eglises patriarcales a été le 4è Concile œcuménique de Chalcédoine (451). Comme l'on sait, l'œuvre canonique de ce concile a consisté à la constitution de nouvelles " entités géo-ecclésiastiques ", qualifiées par le terme "Patriarcat" ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n1][ltr]voir note 1[/ltr][/url]). II s'agit d'une nouvelle existence canonique, inconnue dans la tradition de l'Eglise jusqu'alors, qui reflète la volonté de l'Eglise - créant l'ensemble des Patriarcats - de s'administrer synodalement dans toutes les manifestations de sa vie " institutionnelle ". L'Eglise a regroupé donc au cours des 4e et 5e siècles les " métropoles autocéphales " du vaste Empire romain en Patriarcats pour mieux organiser et aider, à travers l'institution du " synode local ", l'Eglise locale.
Une question se pose toujours à ce propos : depuis quand le Patriarcat de Constantinople existe-t-il en tant que tel ? La réponse demeure claire : depuis que les autres Patriarcats ont pris naissance en tant que tel par la volonté conciliaire de l'Eglise, au 4è Concile œcuménique (451). Dans cette perspective patriarcale, conciliairement établie, le Patriarcat de Constantinople avait acquis la deuxième place dans la taxis (des diptyques) canonique des Eglises. Par ailleurs, ce même 4è Concile œcuménique "désigna" d'une autre manière, sans la mentionner expressis verbis, l'autocéphalie de l'Eglise de Chypre qui avait été déterminée par le 3è Concile œcuménique d'Éphèse (431). Ledit Concile confirma une pratique ecclésiale transmise par la tradition métropolitaine de l'Eglise, alors que, par la suite, le 4è Concile œcuménique (451) reconfirma " par son silence " la même autocéphalie administrative de Chypre en regroupant toutes les autres métropoles et diocèses de l'Empire romain en Patriarcats sans y intégrer l'Eglise autocéphale de Chypre. C'est la formation des cinq entités ecclésiales auxquelles la tradition canonique de l'Eglise accorda la qualité patriarcale caractérisée par ce qu'on appelle aujourd'hui un droit ecclésial " absolu ".
Pour récapituler l'évolution canonique de l'Eglise au cours des cinq premiers siècles, on peut présenter les étapes successives, bien distinctes, de son organisation :
1. Episcopè / Eglise locale (Nouveau Testament/3 premiers siècles)
2. Métropole (1er Concile œcuménique de Nicée - 325)
3. Eglise autocéphale (3e Concile œcuménique d'Éphèse - 431)
4. Patriarcat (4e Concile œcuménique de Chalcédoine - 451)
5. La Pentarchie des Patriarcats (4e Concile œcuménique - 451)
Ce dernier élément, celui de la pentarchie, constitue un système canonique -et non pas une institution- fondé sur le principe de l'indépendance administrative ecclésiastique (autocéphalie) réservant une juridiction propre dite patriarcale (jus patriarchati), inventé(e) canoniquement par l'Eglise (4è Concile œcuménique de Chalcédoine - 451). La pentarchie synodale vient s'ajouter au système métropolitain (1er Concile œcuménique de Nicée - 325) et au système de l'autocéphalie (3è Concile œcuménique d'Éphèse - 431). En effet, l' œcoumènè chrétienne d'alors s'organisait ecclésialement autour de cinq centres de gravité ou de primat, coïncidant avec les centres historiques majeurs de la chrétienté : c'est-à-dire Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem. II s'agit d'une répartition administrative conciliaire de l'autorité -synodale- de l'Eglise en cinq patriarcats désignant / voulant exprimer la manifestation de la synodalité dans son administration suprême et de laquelle font également partie, par la suite et à ce jour, les Eglises autocéphales. Cette articulation structurale a des incidences ecclésiologiques depuis sa constitution conciliaire.
C'est ainsi que le système de la Pentarchie inventé par l'Eglise au 4e Concile œcuménique de Chalcédoine (451), selon la taxis canonique adoptée alors, présente la structure suivante : 1. Patriarcat de Rome, 2. Patriarcat de Constantinople, 3. Patriarcat d'Alexandrie, 4. Patriarcat d'Antioche et 5. Patriarcat de Jérusalem.
Or l'Eglise de Constantinople se présente alors comme possédant une " nouvelle existence canonique " avec un territoire canonique de sa circonscription patriarcale qualifiée historiquement par la ville de Constantinople et les trois éparchies limitrophes (Thrace, Pont et Asie Mineure). On devrait par la suite le définir choro-géographiquement par les quatre mers (Noire, Méditerranée, Adriatique et Baltique), comme le deuxième trône patriarcal dans le " système de la pentarchie " des Patriarcats, et jouissant d'une primauté d'honneur -selon la taxis - au sein de l'Eglise orthodoxe " répandue à travers tout l'univers " ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n2][ltr]voir note 2[/ltr][/url]) après la " désunion ecclésiale " survenue en 1054.
3.- L'exercice du " droit préjuridictionnel " du Patriarcat
Cette modalité est également liée à la notion de patriarcat définie parle 4è concile œcuménique (451). En effet, comme les autres patriarcats, le Patriarcat Œcuménique ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n3][ltr]voir note 3[/ltr][/url]) de Constantinople englob(ait)e, hier comme aujourd'hui, plusieurs nations-ethnies. Cela est une caractéristique fondamentale qui qualifie, entre autres, les patriarcats.
La procédure conciliaire réalisée au sein de la Tradition canonique de l'Eglise pour les autres Eglises patriarcales d'alors, fut également la même pour ce qui concerne le Patriarcat Œcuménique ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n4][ltr]voir note 4[/ltr][/url]). En effet, l'Eglise, par voie conciliaire ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n5][ltr]voir note 5[/ltr][/url]), lui confia les diocèses ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n6][ltr]voir note 6[/ltr][/url]) de la Thrace, du Pont et de l'Asie Mineure, en lui accordant le "jus patriarchi", le droit de juridiction d'un patriarche, comme cela avait été le cas pour les quatre autres patriarches, ceux de Rome, d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem. II acquit alors un " droit juridictionnel territorial " dans les limites de son patriarcat. Le territoire patriarcal juridictionnel - jusqu'à la fin du 1er millénaire - est étendu et déterminé historiquement et choro-géographiquement par quatre mers (Noire, Méditerranée, Adriatique et Baltique). Or, sur le territoire européen, il s'agit bien de la péninsule Balkanique toute entière prolongée vers les pays nordiques (Europe centrale et orientale). L'attribution de ce territoire juridictionnel, on l'a vu, date du 4è Concile œcuménique (451) et, par la suite, de l'attachement à ce trône patriarcal de l'Illyricum orientale (731). Par conséquent, depuis 451 / 731 jusqu'en 1593 (autocéphalie et patriarchie de l'Eglise de Russie) et 1850 (autocéphalie de l'Eglise de Grèce), le territoire déterminé ci-dessus lui demeurait juridictionnellement propre. A partir de ces dernières dates, son " territoire juridictionnel " entier commence à être canoniquement " amputé " par la proclamation des différentes autocéphalies ecclésiales, car le Patriarcat constantinopolitain, pour affronter le nationalisme et l'étatisme accrus - transmis et apparus depuis le début de 19e siècle dans les Balkans -, qui avaient commencé à contaminer la communion des différentes ethnies-communautés ecclésiales ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n7][ltr]voir note 7[/ltr][/url]), réactiva le " système de l'autocéphalie " que l'Eglise avait déjà connu dans sa tradition conciliaire. L'acquis de ce "droit juridictionnel territorial " dont nous venons de parler, constitue la raison principale justifiant la proclamation des autocéphalies ecclésiales. Pour appliquer ce droit accordé conciliairement par l'Eglise, le Patriarcat de Constantinople demeure seul à proclamer des autocéphalies.
La soustraction progressive des territoires du Patriarcat, appartenant à des Eglises autocéphales canoniquement proclamées en tant que telles, changea la structure géo-ecclésiastique de l'Europe centrale et orientale, mais cette dernière rest(ait)e un " territoire ex-juridictionnel " (d'un sens / contenu non définitif) ou plutôt un " territoire préjuridictionnel " ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n8][ltr]voir note 8[/ltr][/url]).Ce terme donc - qui est un néologisme - qualifie le territoire d'une Eglise autocéphale émancipée par une juridiction ecclésiale, toujours patriarcale, où l'Eglise patriarcale-mère n'exerce aucune autorité ecclésiastique juridictionnelle, spirituelle ou administrative, car cette Eglise est autocéphale. Il faut rappeler ici encore que parmi les cinq Patriarcats anciens, le Patriarcat de Constantinople demeure le seul, pour des raisons historiques et théologiques, qui pour faire face à des circonstances pluriformes extrêmement difficiles, procéda au système de l'autocéphalie dans son ressort territorial patriarcal propre pour les peuples ethniques formant un État national. Les autres quatre Patriarcats anciens ; (à savoir, de Rome, d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem) n'ont pas pratiqué ce système ecclésial. Or une Eglise autocéphale moderne constitue, toujours et par définition, un " territoire préjuridictionnel " du Patriarcat de Constantinople, duquel elle est issue et canoniquement émancipée. Mais elle ne constitue pas un " territoire ex-juridictionnel ".
Cela s'explique par le fait qu'en cas d'abolition d'une Eglise autocéphale locale (cf. les autonomies ecclésiastiques de Serbie et de Bulgarie au cours du 12e siècle, ainsi que l'exemple récent de l'Eglise autocéphale d'Albanie (1967-1991)), la juridiction en revient à l'Eglise patriarcale de Constantinople ayant le plein droit canonique, ainsi que l'initiative canonique d'agir pour restaurer l'autocéphalie abolie par les différentes circonstances. De ce point de vue, dans l'Eglise orthodoxe, le " territoire préjuridictionnel " du Patriarcat de Constantinople est constitué de l'ensemble de tout ressort territorial canonique des Eglises autocéphales, -à l'exception de l'Eglise autocéphale de Chypre, dont l'autocéphalie a été proclamée par le 3è Concile œcuménique d'Éphèse (431), et des quatre Patriarcats anciens bien entendu - circonscrites dans les limites " géo-patriarcales " définies par les (2è, 4è et le Quinisexte) conciles œcuméniques, c'est-à-dire de l'Europe centrale et orientale. En conséquence, ce droit ecclésial ne manifeste pas une " primauté juridictionnelle ", mais, au contraire, il explique le lien qui (doit) existe(r) entre l'Eglise patriarcale-mère et les Eglises autocéphales issues de son sein.
La juridiction ecclésiale du Patriarcat Œcuménique n'est pas en réalité universelle. En tant qu'entité (géo)ecclésiale déterminée par un territoire donné (caractéristique de l'indigénité (" entopiotès " en grec) mais aussi que Patriarcat, il est (si étrange que cela puisse paraître) en voie de limitation. Le fait d'activer le système de l'autocéphalie - il était tout à fait libre de ne pas le faire - signifie qu'il a procédé à un acte canonique par libre choix ayant comme but initial et unique la sauvegarde de l'unité ecclésiale à l'intérieur de son ressort territorial patriarcal au ... " détriment " de son intégralité territoriale. Cela en fait " coûta " - extérieurement et, si l'on veut, politiquement parlant -, du point de vue territorial, la diminution de sa juridiction territoriale traditionnelle, ce qui représente bien entendu une certaine valeur mais seulement relative, en vue de rester en communion ecclésiale permanente avec les peuples ethniques se trouvant dans son espace juridictionnel patriarcal, émancipés par les autocéphalies ecclésiales.
Or, les (neuf) Eglises autocéphales existantes à ce jour - à la seule exception de l'Eglise autocéphale de Chypre qui ne fit jamais partie du territoire juridictionnel d'un des cinq Patriarcats -, à savoir, les Eglises de Russie, de Serbie, de Roumanie, de Bulgarie, de Géorgie, de Grèce, de Pologne, d'Albanie et de Tchéquie et Slovaquie, constituent un " territoire préjuridictionnel " du Patriarcat Œcuménique. La fondation des Eglises sus-mentionnées explique manifestement la constitution conciliaire du " Patriarcat " par l'Eglise, qui, comme on l'a dit, est (son territoire) en voie de limitation. L'Eglise locale orthodoxe d'un Etat, ayant acquis son autocéphalie ecclésiale, exerce dans les limites étatiques une juridiction positive strictement réservée aux limites de cette Eglise autocéphale (juridiction intraorius). Le territoire de cette Eglise autocéphale étant soustrait de ce (territoire) du Patriarcat, il n'est plus juridiction de ce dernier, car cette Eglise émancipée est " autocéphale ". En revanche, après toutes ces proclamations de l'autocéphalie précitées, le Patriarcat Œcuménique de Constantinople exerce une juridiction soustractive réelle - sans que cela veuille dire qu'il perde sa notion positive - sur le territoire patriarcal qui reste après les proclamations canoniques. En d'autres termes, cette juridiction soustractive patriarcale concerne les territoires qui restent en dehors des limites des Eglises autocéphales, territoires qui n'appartiennent pas à une autre Eglise autocéphale.
Pour éclaircir encore la question posée, ajoutons que le droit des cinq patriarches accordé par le 4è Concile œcuménique de Chalcédoine (451), porte entre autres une double notion : c'est (a) un droit territorial et (b) un droit juridictionnel Le premier est lié à la répartition territoriale entre les cinq Patriarcats faite par le Concile lui-même. Le second regarde l'espace intrajuridictionnel de chaque trône patriarcal. Le privilège patriarcal originel et l'initiative canonique du Patriarcat Œcuménique - fondée sur le droit juridictionnel territorial comme droit d'émancipation - de proclamer des Eglises autocéphales dans son " territoire juridictionnel " fait exclusivement partie de sa seconde qualité en tant que Patriarcat. A celle-ci est également liée la notion de " territoire préjuridictionnel ", développée plus haut.
Or, toutes les Eglises autocéphales possèdent la première qualité en ayant leur ressort territorial propre, dans lequel elles peuvent agir canoniquement selon les principes découlant de leur autocéphalie (droit plein), sans pour autant qu'elles aient le droit - et cela ressort des mêmes principes - de sortir des limites de ce territoire canonique pour exercer une juridiction hyperorius La seconde qualité est donc strictement réservée aux cinq anciens Patriarcats (droit absolu) ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n9][ltr]voir note 9[/ltr][/url]). C'est pour cette raison également que les Eglises autocéphales en tant que Patriarcats (modernes) peuvent accorder une autonomie (droit relatif) ecclésiale intraorius- et non hyperorius-, mais non plus une autocéphalie tant dans leur territoire intrajuridictionnel que, encore moins, dans un autre territoire hyperorius. On doit souligner de même que le Patriarcat Œcuménique a historiquement respecté, dans tous les cas, l'autocéphalie patriarcale et l'intégrité du territoire juridictionnel des autres trônes patriarcaux proclamant des Eglises autocéphales uniquement dans les limites de son territoire patriarcal canonique : ce sont celles (Eglises autocéphales) qui se trouvent dans son " territoire préjuridictionnel ". Il a donné l'exemple et ainsi formulé la règle d'or d'un comportement canonique bien entendu "non hyperorius".
Nous proposons donc cette nouvelle approche du "territoire préjuridictionnel" sur la question posée, qui a manifestement un fondement canonique, étant donné que les autocéphalies ecclésiales récentes n'ont pas encore été revêtues d'une affirmation canonique conciliaire. En utilisant ce terme nous n'entendons cependant aucune notion de perspective d'assimilation des Eglises autocéphales de la part du Patriarcat Œcuménique. Le terme canonique "Eglise-Mère" (Mater Ecclésia) par ailleurs est bien justifié par le terme " préjurdictionnel " et ce dernier est en fait expliqué par lui. C'est pour cette raison que le Patriarcat Œcuménique s'est avéré être un récepteur sensible des problèmes des Eglises autocéphales orthodoxes et, qu'en sa qualité d'Eglise-Mère, il a soutenu leur lutte, comme il en avait le devoir ecclésial de diverses manières.
4.- La primauté d'honneur du Patriarcat
Le Patriarcat Œcuménique de Constantinople jouit, par ailleurs, après la désunion et à la place de Rome, d'une " diaconie préventive " acquise et reconnue diachroniquement par les autres Eglises orthodoxes, tant patriarcales qu'autocéphales en raison de la taxis canonique en tant que " primus inter pares " dans l'Eglise orthodoxe. Cette primauté qui est une " primauté de diaconie " ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n10][ltr]voir note 10[/ltr][/url]) et pas une primauté de pouvoir, lui accorde la présidence - selon la taxis de l'Eglise orthodoxe - parmi les primats des Eglises patriarcales ou autocéphales afin qu'une " égalité d'honneur de bonne taxis " règne parmi eux ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n11][ltr]voir note 11[/ltr][/url]). Elle se traduit par un rôle de droit d'appel, de coordination et de responsabilité particulière en ce qui concerne la communion (koinonia) entre les Eglises.
Récapitulant la pratique de l'institution de l'Eglise locale des trois premiers siècles de l'ère chrétienne, de même que celle du système métropolitain (1er Concile œcuménique - 325) et du système de l'autocéphalie (3è Concile Œcuménique - 431), le 4è Concile œcuménique de Chalcédoine (451) s'orienta consciemment vers la formation des entités géo-ecclésiastiques nouvelles, inexistantes jusqu'alors comme telles : les Patriarcats (il a fallu quatre siècles pour que l'Eglise puisse arriver à une étape d'organisation globale). Ce fait historique au sein de l'Eglise marque aussi bien une taxis dans la " koinonia " entre Eglises, qu'une volonté constante de manifestation de la synodalité dans l'administration de l'ensemble de l'Eglise. Cinq Eglises patriarcales et une Eglise autocéphale (de Chypre) assuraient donc la perspective visée par les fermentations canoniques de cette époque.
Le Patriarcat Œcuménique aujourd'hui :
TURQUIE
1.- Archiépiscopie de Constantinople
2.- Métropole de Chalcédoine
3.- Métropole d'Imbros et Ténédos
4.- Métropole des Îles des Princes
5.- Métropole de Dercos
GRECE
1.- Eglise semi-autonome de Crète (8 Métropoles) 
2.- Métropoles du Dodécanèse (4) 
3.- Métropoles des Nouveaux Territoires (38) (Administrées provisoirement par l'Eglise de Grèce ; Acte patriarcal et
Synodal de 1928)
4.- Politeia monastique du Mont Athos
EUROPE CENTRALE ET OCCIDENTALE
1.- Eglise autonome de Finlande (3)
2.- Eglise autonome d'Estonie (1)
3.- Eparchies de l'Europe centrale et occidentale (8)
AMERIQUE
1.- Archiépiscopie d'Amérique et huit épiscopies (USA) (9)
2.- Métropoles d'Amérique du Nord et du Sud (sauf USA) (3)
ASIE
1.- Métropole de Hong-Kong (1)
OCEANIE
1.- Archiépiscopie d'Australie (1) 
2.- Métropole de Nouvelle Zélande (1)
par le très rév. archimandrite Grigorios Papathomas, professeur à l'Institut de théologie orthodoxe Saint Serge

in "Témoignage et Pensée Orthodoxes" N°11-12 4è trimestre 1999
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Message  Arlitto Lun 7 Mar 2016 - 14:55

CANONS DES SAINTS APOTRES

Les 85 canons ecclésiastiques des saints et glorieux apôtres

1. De l'ordination des évêques.
L'évêque doit être ordonné par deux ou trois évêques.

2. De l'ordination des prêtres et des diacres.
Le prêtre, le diacre et les autres clercs doivent être ordonnés par un évêque.

3. De ceux qui présentent des offrandes inusitées à l'autel.
Si un évêque ou un prêtre, malgré l'ordonnance du Seigneur pour le sacrifice, apporte à l'autel d'autres offrandes, comme miel, lait ou au lieu de vin du moût préparé, de la volaille ou d'autres bêtes, ou bien des légumes, qu'il soit déposé ; sont exceptés les grains de froment nouveau et le raisin au temps prescrit. Il n'est pas permis d'offrir à l'autel rien autre que de l'huile pour la lampe et de l'encens pour le temps de la sainte offrande.

4. Comment disposer des offrandes.
Tandis que le reste des fruits doit être envoyé à la maison du clergé, comme offrande de prémices pour l'évêque et les prêtres, et non point apporté à l'autel. Il est évident que l'évêque et les prêtres en donneront des parts aux autres clercs aussi.

5. Des prêtres qui renvoient leurs épouses.
Qu'aucun évêque, prêtre ou diacre ne renvoie son épouse sous prétexte de piété ; s'il la renvoie, qu'il soit excommunié, et s'il persiste, déposé.

6. De tout clerc qui se charge d'affaires temporelles.
Que l'évêque, le prêtre ou le diacre ne se charge point d'affaires temporelles ; sinon, qu'il soit déposé.

7. Des clercs qui célèbrent le jour de Pâques avant l'équinoxe du printemps.
Si un évêque, un prêtre ou un diacre célèbre le saint jour de Pâques avec les Juifs avant l'équinoxe du printemps, qu'il soit déposé.

8. Des clercs qui ne communient pas pendant la célébration de la messe.
Si un évêque, un prêtre ou un diacre ou quelqu'un du clergé ne communie pas pendant le sacrifice qui est célébré, qu'il en donne la raison ; et si celle-ci est plausible, on lui pardonnera. Sinon, qu'il soit excommunié, parce qu'il cause du mal au peuple chrétien et fait suspecter le célébrant d'avoir célébré irrégulièrement.

9. De tout clerc ou laïc qui part de la messe avant la grande prière de la fin.
Tous les fidèles qui restent dans l'église et entendent la lecture des saintes écritures, mais ne restent pas à la prière eucharistique et à la communion, il faut les excommunier.

10. De tout fidèle qui prie avec les excommuniés.
Si quelqu'un communie dans la prière avec un excommunié, même dans une maison privée, qu'il soit aussi excommunié.

11. De tout clerc qui prie avec des clercs déposés.
Si quelqu'un étant clerc communie dans la prière avec un clerc déposé exerçant sa fonction de clerc, qu'il soit lui aussi déposé.

12. De tout fidèle qui après son excommunication est reçu dans la communion d'un autre diocèse et de celui qui l'a reçu.
Si un clerc ou un laïc excommunié ou exclu de l'Eglise, s'en va dans un autre diocèse et y est reçu quoique n'ayant point de lettres testimoniales, que soit excommunié celui qui a reçu comme celui qui fut reçu.

13. De tout excommunié qui fut reçu par fraude.
S'il est déjà excommunié, la durée de son excommunication sera prolongée, puisqu'il a menti et trompé l'Eglise de Dieu.

14. Des évêques qui passent à un autre évêché.
Il n'est pas permis à l'évêque d'abandonner son diocèse pour s'emparer d'un autre, même s'il est contraint par un grand nombre de personnes, à moins qu'il n'existe une raison plausible, qui le force de le faire, parce qu'il pourrait procurer un plus grand gain dans la vraie foi à son nouveau troupeau ; cependant, ce n'est pas à lui d'en juger, mais à un grand nombre d'évêques, qui en décideront et l'en prieront.

15. Du clerc qui quitte son diocèse. 
Si un prêtre ou un diacre en général quelqu'un du clergé abandonne son diocèse et se rend en un autre, et s'étant complètement séparé du sien réside dans un autre diocèse contre l'avis de son évêque, nous ordonnons qu'il cesse toute fonction liturgique, surtout s'il refuse d'obéir au rappel de son évêque, persistant dans son désordre. Cependant il pourra y recevoir la communion comme les laïcs.

16. Des évêques qui reçoivent des clercs étrangers.
Si l'évêque chez lequel des clercs de cette sorte se trouvent, ne tenant aucun compte de la suspense prononcée contre eux, les reçoit en qualité de clercs, qu'il soit excommunié, en tant que maître de désordre.

17. De ceux qui ont contracté de secondes noces ou ont eu une concubine.
Celui qui a contracté un second mariage après le baptême ou bien a eu une concubine, ne peut devenir prêtre ou diacre ou en général quelqu'un du clergé.

18. De celui qui a épousé une veuve ou une femme de mauvaise réputation.
Celui qui a épousé une veuve, une divorcée, une femme publique, une esclave ou une actrice, ne saurait devenir évêque ou prêtre ou diacre ou en général quelqu'un du clergé.

19. De ceux qui ont épousé une belle-sœur ou une nièce.
Celui qui a épousé la sœur de sa femme ou sa propre nièce ne peut entrer dans le clergé.

20. Des clercs qui se portent garants.
Le clerc qui s'est porté garant sera déposé.

21. Des eunuques qui ne se sont pas mutilés eux-mêmes.
L'eunuque qui serait dans cet état par l'intervention contre son gré d'autres hommes ou que durant la persécution on lui ait ôté les parties viriles ou bien était tel dès sa naissance, s'il est par ailleurs digne d'être évêque, qu'il le devienne.

22. Des eunuques qui se sont eux-mêmes mutilés, qu'ils ne peuvent devenir clercs.
Celui qui s'est mutilé lui-même, qu'il ne devienne point clerc, car il est meurtrier de lui-même et ennemi de la création de Dieu.

23. Des clercs qui se sont eux-mêmes mutilés, qu'ils sont sujets à la déposition.
Si un clerc se mutile lui-même qu'il soit déposé, car il est meurtrier de lui-même.

24. Des laïcs qui se sont eux-mêmes mutilés, qu'ils sont punis de trois ans de pénitence.
Le laïc qui s'est mutilé lui-même, qu'il soit excommunié pendant trois ans, car il est meurtrier de lui-même.

25. De tout clerc convaincu d'adultère, de parjure ou de vol, qu'il sera déposé, mais non excommunié.
Si un évêque, un prêtre ou un diacre est convaincu d'adultère ou de parjure ou de vol, qu'il soit déposé, mais non excommunié ; car l'écriture dit : "Tu ne vengeras pas deux fois la même faute". Il en sera de même des autres clercs.

26. Des lecteurs et des pré-chantres, qu'il leur est permis de se marier après leur promotion.
De ceux qui sont entrés dans la cléricature sans s'être mariés nous permettons le mariage aux seuls lecteurs et pré-chantres, s'ils le veulent.

27. De tout clerc qui bat les fidèles pécheurs.
Si un évêque, un prêtre ou un diacre frappe les fidèles pécheurs ou les infidèles qui ont fait du mal, et veut par-là leur faire peur, nous ordonnons que celui-là soit déposé ; car le Seigneur ne nous a nulle part enseigné cela, bien au contraire, frappé, il n'a pas rendu les coups, "insulté, il n'a pas insulté en retour, soumis à des souffrances, il n'a pas menacé de les rendre."

28. De tout clerc qui exerce ses fonctions une fois déposé.
Si un évêque, un prêtre ou un diacre déposé à juste titre pour des délits connus de tous, ose reprendre la fonction qui lui avait été jadis confiée, qu'un tel soit entièrement exclu de l'Eglise.

29. De tout clerc ordonné grâce à de l'argent.
Si un évêque a obtenu sa dignité à prix d'argent, de même qu'un prêtre ou un diacre, qu'ils soient déposés, lui, et celui qui l'a ordonné, et totalement exclus de la communion, comme le fut Simon le magicien par moi, Pierre.

30. Du clerc qui s'est servi de laïcs influents pour obtenir son poste.
Si un évêque, fort de l'appui de seigneurs laïcs, obtient grâce à eux un évêché, qu'il soit déposé et excommunié, de même que ceux qui communient avec lui.

31. Des prêtres qui célèbrent la Liturgie à part, par mépris pour leurs évêques.
Si un prêtre, par mépris pour son évêque, célèbre séparément et élève autel contre autel, sans avoir aucun reproche sur des questions de vraie foi ou de justice, qu'il soit déposé comme ambitieux, - Il aspire en effet au pouvoir - de même que les autres clercs qui prendront son parti ; quant aux laïcs, qu'ils soient excommuniés. Et que cela se fasse après une première et une seconde et une troisième invitation de l'évêque à se soumettre.

32. Qu'il ne faut pas recevoir dans sa communion un clerc excommunié.
Si un prêtre ou un diacre a été excommunié par son évêque, il n'est pas permis que le reçoive un évêque autre que celui qui l'a excommunié ; à moins que l'évêque qui l'a excommunié ne soit mort entre temps.

33. Qu'aucun clerc ne soit reçu sans lettres testimoniales.
Aucun des évêques ou prêtres ou diacres étrangers ne doit être reçu sans testimoniales, et même s'ils en apportent, qu'on les examine : sont-ils des prédicateurs de la vraie foi, qu'on les reçoive ; sinon, après les avoir munis du nécessaire, qu'on ne les reçoive pas à la communion, car il arrive souvent bien des surprises.

34. Que les évêques doivent reconnaître l'autorité de leur primat.
Les évêques de chaque nation doivent reconnaître leur primat et le considérer comme chef ; ne rien faire de trop sans son avis et que chacun ne s'occupe que de ce qui regarde son diocèse et les campagnes dépendant de son diocèse. Mais lui aussi, qu'il ne fasse rien sans l'avis de tous ; car la concorde règnera ainsi et sera glorifié le Père et le Fils et le saint Esprit.

35. Des évêques qui font des ordinations dans un diocèse étranger.
L'évêque ne doit pas oser faire des ordinations hors des limites de son diocèse, dans des villes ou des campagnes qui ne dépendent pas de lui ; s'il est prouvé qu'il a fait cela sans le consentement de ceux à qui ces villes ou ces campagnes appartiennent, qu'il soit déposé, et ceux qu'il a ordonnés.

36. Des évêques nommés qui dédaignent leurs diocèses ou qui ne sont pas acceptés par leurs peuples.
Si un évêque n'accepte pas après son ordination la charge et le soin du peuple qui lui a été confié, qu'un tel reste excommunié, jusqu'à ce qu'il accepte ; il en sera de même pour un prêtre et un diacre. Mais s'il y est allé et ne fut pas reçu, non pas parce qu'il l'a voulu, mais à cause de la méchanceté du peuple, lui-même restera évêque, tandis que le clergé de cette ville sera excommunié, parce qu'il n'a pas cherché à corriger ce peuple insoumis.

37. Qu'il faut réunir deux fois par an le synode provincial.
Que deux fois par an se fasse un synode des évêques de la province et qu'ils examinent entre eux les vérités de la vraie foi et résolvent les difficultés qui surviendraient à l'Eglise ; la première fois dans la quatrième semaine de Pentecôte, la seconde le neuf du mois d'hyperbérétée, c'est-à-dire selon les Egyptiens le douze du mois de phaophi et selon les romains le neuf octobre.

38. Que l'évêque doit avoir l'administration des biens de son Eglise. Que l'évêque ait le soin de tous les biens de l'Eglise et les administre comme un gérant de Dieu. Il ne lui est pas permis de s'en approprier quoi que ce soit ou d'en faire don à ses parents ; si ceux-ci sont pauvres, qu'il leur vienne en aide comme à des pauvres, sans léser à leur occasion les intérêts de l'Eglise.

39. Que les prêtres et les diacres ne doivent rien faire sans l'avis de leur évêque. 
Les prêtres et les diacres ne doivent rien accomplir sans le consentement de leur évêque ; car c'est à lui que le peuple du Seigneur fut confié et qui aura à rendre compte de leurs âmes.

40. Que les biens personnels de l'évêque doivent être clairement distincts de ceux de son Eglise.
Que les biens personnels que l'évêque possède, si jamais il en possède, soient clairement établis, comme ceux aussi de l'Eglise du seigneur, afin que l'évêque ait en mourant la possibilité de les léguer comme il veut et à qui il veut, et que les biens de l'évêque ne se perdent pas sous prétexte qu'ils appartiennent à l'Eglise, vu que souvent il laisse femme et enfants et des familiers ; il est juste en effet devant dieu et devant les hommes, que ni l'Eglise ne souffre quelque dommage par ignorance de ce qui appartient à l'évêque, ni que l'évêque ou sa parenté ne soit dépouillés de ce qui leur revient à l'occasion de l'Eglise, ni ses proches impliqués dans des procès et sa mort ne devienne occasion de médisance.

41. Que l'évêque peut disposer des biens de l'Eglise pour ses propres besoins.
Nous ordonnons que l'évêque ait le pouvoir sur les biens de l'Eglise ; car, si c'est à lui qu'on doit confier les âmes précieuses des hommes, à plus forte raison faudrait-il commettre entre ces mains les biens matériels, en sorte qu'il ait le pouvoir de tout administrer et de venir en aide à ceux qui sont dans le besoin par l'intermédiaire des prêtres et des diacres, dans la crainte de dieu et en toute piété ; d'en prendre, lui aussi, ce dont il a besoin, si jamais il en a besoin, pour les dépenses nécessaires à faire pour sa personne et pour ses hôtes, ses frères dans l'épiscopat, de manière à ce qu'ils ne manquent de rien ; la loi de dieu ordonne en effet que "ceux qui servent à l'autel vivent de l'autel", puisque "pas même le soldat ne se met en campagne à ses propres frais".

42. De tout clerc qui joue aux dés. 
L'évêque, le prêtre ou le diacre qui s'adonne aux dés ou à l'ivrognerie doit ou cesser ou être déposé.

43. Des clercs inférieurs qui jouent aux dés.
Le sous-diacre, le lecteur ou le pré-chantre qui agirait de même, doit ou cesser ou être excommunié. De même, le laïc.

44. De tout clerc qui prête à intérêt.
L'évêque, le prêtre ou le diacre qui exige des intérêts de ceux à qui il prête, doit cesser ou être déposé.

45. De tout clerc qui a seulement prié avec des hérétiques.
L'évêque, le prêtre ou le diacre qui ne fait que prier avec des hérétiques doit être excommunié ; mais s'il leur a permis d'exercer leurs fonctions de clerc, qu'il soit déposé.

46. Des clercs qui acceptent le baptême des hérétiques.
L'évêque, le prêtre ou le diacre qui a reconnu le baptême ou le sacrifice des hérétiques, nous ordonnons qu'il soit déposé : "quel accord peut-il en effet exister entre le Christ et Béliar, et quelle part peut avoir l'infidèle avec le fidèle ?"

47. Des évêques ou des prêtres qui rebaptisent.
Si un évêque, un prêtre ou un diacre baptise à nouveau celui qui a reçu le vrai baptême, ou bien ne rebaptise pas celui qui a reçu le baptême souillé des hérétiques, qu'il soit déposé, parce qu'il se rit de la croix et de la mort du seigneur et ne distingue pas les prêtres des faux-prêtres.

48. Des laïcs qui renvoient leurs épouses ou épousent des femmes renvoyées. 
Si un laïc renvoie sa femme et en épouse une autre, ou bien épouse une femme renvoyée par un autre, qu'il soit excommunié.

49. De ceux qui ne baptisent pas au nom de la sainte Trinité.
Si un évêque, ou un prêtre ou un diacre ne baptise pas, selon la parole du Seigneur "au nom du Père et du Fils et du saint Esprit", mais au nom de trois pères ou de trois Fils ou de trois paraclets, qu'il soit déposé.

50. De ceux qui baptisent d'une immersion en mémoire de la mort du Seigneur.
Si un évêque, ou un prêtre ou un diacre n'accomplit pas les trois immersions d'un seul baptême, mais d'une immersion au nom de la mort du Seigneur, qu'il soit déposé ; car le Seigneur ne nous a pas dit : baptisez au nom de ma mort, mais : "Allez enseigner toutes les nations, et baptisez-les au nom du Père et du Fils et du saint Esprit".

50. Que le Père n'a pas été crucifié.
Que le candidat au baptême apprenne que le Père n'a pas été crucifié ni ne souffrit aucune naissance humaine ; que le saint Esprit n'est pas devenu homme, ni même ne souffrit la passion. C'est le Fils unique qui a racheté le monde de la colère qui le menaçait ; car il s'est fait homme par amour pour nous, en se formant un corps dans le sein de la vierge, car : "la sagesse s'est édifiée un habitacle", dieu créateur qu'il est ; et il a souffert la croix de son plein gré et il a sauvé le monde de la colère qui le menaçait. Nous sommes donc baptisés au nom du Père, non en tant qu'il devint homme et souffrit la croix ; et au nom du Fils, en tant qu'il subit une naissance humaine et souffrit la croix, qu'il est mort et ressuscité ; au nom du saint Esprit, en tant qu'il est consubstantiel au Père et au Fils. Ceux qui ne baptisent pas de la sorte, qu'ils soient déposés, parce qu'ils ignorent le mystère de la vraie foi.

51* Quel est le Père, le Fils et le saint Esprit.
Celui qui confesse que le Père a souffert la passion pèche contre la vraie foi plus gravement que les Juifs, en attachant à la croix le Père en même temps que le Fils. Celui qui dit que le Fils unique n'a pas pris chair et souffert la croix pour nous, est un ennemi de Dieu et un adversaire des saints. Celui qui donne au saint Esprit le nom de Père ou de Fils est un ignare et un sot ; car le Fils est créateur avec le Père et règne avec lui et est législateur avec lui ; il est le juge et la cause de notre résurrection. Le saint Esprit est consubstantiel, car trois sont les hypostases consubstantielles à la divinité ; c'est de notre temps, en effet que Simon le magicien, s'emparant de l'esprit mauvais et instable et cause d'erreur pour les peuples, vomit son bavardage, que dieu est un être trinominal, et nia même à la fin la passion du Christ et sa naissance.
Vous donc, mes très chers, baptisez par trois immersions au nom d'un seul Père et Fils et saint Esprit, conformément à la pensée du seigneur et à notre ordonnance dans le saint Esprit.

51. Du clerc qui s'abstient de mariage, de viande et de vin par aversion.
Si un évêque, un prêtre, ou un diacre ou en général quelqu'un du clergé, s'abstient de mariage, de viande et de vin non par ascèse, mais parce qu'il les a en horreur, oubliant que "tout est fort bien", et que "Dieu a fait l'homme mâle et femelle", et au contraire blasphémant ainsi contre la création, que celui-là se corrige ou qu'il soit déposé et rejeté de l'Eglise. De même, le laïc sera excommunié.

52. Des clercs qui ne reçoivent pas les pécheurs convertis.
Si un évêque ou un prêtre n'accueille pas celui qui se convertit de son péché, mais le rejette, qu'il soit déposé, parce qu'il attriste le Christ, qui a dit : "Une grande réjouissance a lieu au ciel pour un pécheur repentant".

53. Des clercs qui ne prennent pas de vin ni de viande un jour de fête .
Si un évêque, un prêtre, ou un diacre ne prend pas de viande ou de vin aux jours de fête, parce qu'il les a en horreur, et non parce qu'il pratique l'ascèse, qu'il soit déposé, vu qu'il a "une conscience faussée" et devient un scandale pour un grand nombre.

54. Du clerc qui mange dans un cabaret. 
Si un clerc est convaincu d'avoir mangé dans un cabaret, qu'il soit déposé, excepté celui qui descend dans une auberge pendant le voyage, par nécessité.

55. Des clercs qui injurient leur évêque.
Si un clerc insulte son évêque, qu'il soit déposé, car "tu ne maudiras pas le prince de ton peuple".

56. Des clercs qui injurient des prêtres ou des diacres.
Si un clerc injurie un prêtre ou un diacre, qu'il soit excommunié.

57. De ceux qui se moquent des infirmes. 
Si un clerc se moque d'un sourd, d'un muet, d'un boiteux ou d'un cul-de-jatte, qu'il soit excommunié. De même, si c'est un laïc.

58. Des clercs majeurs qui négligent leurs clercs mineurs et leur peuple.
L'évêque ou le prêtre qui néglige son clergé et son peuple et ne les instruit pas dans la vraie foi, qu'il soit déposé, et s'il persiste dans sa négligence, déposé.

59. Des clercs majeurs qui négligent leurs clercs indigents.
Si un évêque ou un prêtre ne fournit pas le nécessaire à quelqu'un du clergé qui serait dans le besoin, qu'il soit excommunié, et s'il persiste, déposé, comme meurtrier de son frère.

60. De ceux qui lisent des apocryphes à l'église.
Si quelqu'un lit publiquement dans l'église les livres apocryphes des hérétiques, comme si c'était des livres saints, au grand dam du clergé et du peuple, qu'il soit déposé.

61. De ceux qui sont convaincus d'actes prohibés.
Si l'on accuse un fidèle de fornication, d'adultère ou de quelque autre acte défendu, et que le fait est prouvé, un tel ne sera pas promu à la cléricature.

62. Des clercs qui ont renié le nom du Christ.
Si un clerc par crainte humaine d'un Juif, d'un païen ou d'un hérétique renie le nom du Christ, qu'il soit totalement exclu de l'Eglise, si c'est sa qualité de clerc qu'il renie, qu'il soit déposé ; se repentant de sa faute, qu'il soit admis parmi les laïcs.

63. De ceux qui mangent du sang d'une bête ou de la chair d'un animal étouffé.
Si un évêque, un prêtre, un diacre ou en général quelqu'un du clergé "mange de la chair d'un animal étouffé dans son sang", "ou d'un animal à moitié dévoré par les bêtes ou d'un animal mort", qu'il soit déposé, car c'est défendu par la loi. Si c'est un laïc, qu'il soit excommunié.

64. De ceux qui jeûnent le dimanche ou le samedi.
S'il se trouve un clerc qui jeûne le saint jour de dimanche ou les samedis, excepté le seul et unique Samedi saint, qu'il soit déposé. Si c'est un laïc, qu'il soit excommunié.

65. De ceux qui prient dans une assemblée de Juifs ou d'hérétiques.
Si un clerc ou un laïc entre dans une synagogue de Juifs ou d'hérétiques pour y prier, qu'il soit l'un déposé, et l'autre excommunié.

66. De celui qui a donné un seul coup à quelqu'un et qui l'a tué.
Si un clerc pendant une dispute frappe quelqu'un et le tue du premier coup donné, qu'il soit déposé pour ne s'être pas dominé. Si c'est un laïc, qu'il soit excommunié.

67. De ceux qui ont violé des vierges non-fiancées.
Si quelqu'un garde chez lui une vierge non-fiancée, prise de force, qu'il soit excommunié ; et il ne lui sera pas permis d'en prendre une autre pour femme, mais il gardera celle qu'il a choisi, même si elle est pauvre.

68. Des réordinations.
L'évêque, le prêtre ou le diacre, qui accepterait d'être réordonné par quelqu'un, qu'il soit déposé, et avec celui qui l'a réordonné ; à moins qu'il ne conteste qu'il a reçu l'ordination des mains d'hérétiques ; car ceux qui ont été baptisés ou ordonnés par de telles gens ne sauraient être ni laïcs, ni fidèles.

69. De ceux qui ne jeûnent pas pendant le carême.
Si un évêque, un prêtre, un diacre, un sous-diacre, un lecteur ou un pré-chantre ne jeûne pas le saint carême, ou le vendredi ou le mercredi, qu'il soit déposé, sauf s'il en était empêché par une maladie corporelle.

70. De ceux qui fêtent les fêtes des Juifs.
Si un évêque ou un clerc jeûne avec les Juifs, ou célèbre avec eux leurs fêtes ou reçoit d'eux les cadeaux de leurs fêtes, par exemple des azymes ou quelque chose de semblable, qu'il soit déposé. Si c'est un laïc, qu'il soit excommunié.

71. De ceux qui portent des offrandes aux temples païens ou aux synagogues.
Si un chrétien apporte de l'huile à un temple païen ou à une synagogue juive, ou y allume des lampes, qu'il soit excommunié.

72. Du clerc qui a volé à l'église de la cire ou de l'huile .
Si un clerc ou un laïc enlève de l'église de la cire ou de l'huile, qu'il soit excommunié et "qu'il rapporte ce qu'il a pris, augmenté d'un cinquième".

73. De celui qui s'approprie un linge ou un vase sacré.
Un vase sacré en argent ou une nappe consacrée, que personne ne se les approprie à son usage, car c'est illicite. Si quelqu'un est convaincu de l'avoir fait, qu'il soit soumis à la peine canonique de l'excommunication.

74. Des évêques cités devant le tribunal et n'y répondant pas.
Un évêque accusé de quelque faute par des hommes dignes de foi et qui sont des fidèles doit être de toute nécessité convoqué par les évêques ; s'il répond à la convocation et avoue, la preuve contre lui ayant été faite, on fixera la peine canonique ; s'il ne répond pas à la convocation, on le convoquera une seconde fois, en lui envoyant aussi deux évêques ; et si même alors il n'en tient pas compte et ne vient pas, on le convoquera une troisième fois, en envoyant de nouveau deux évêques vers lui ; si même alors il n'en tient pas compte et ne vient pas, le synode prendra contre lui les mesures convenables, afin que sa contumace ne paraisse pas lui apporter des avantages.

75. Qui peut être admis comme accusateur contre un évêque.
On n'admettra pas un hérétique comme témoin contre des évêques, ni même un seul fidèle ; car "sur l'affirmation de deux ou trois témoins s'appuiera toute chose".

76. Des évêques qui donnent leur évêché à un parent.
Qu'il ne faut pas que l'évêque faisant don de sa charge d'évêque à son frère, son Fils ou à quelque parent, ordonne ceux qu'il veut ; car il n'est pas juste de constituer des héritiers de l'épiscopat, en faisant cadeau des choses de dieu par affection humaine ; on ne doit pas mettre l'Eglise du Christ parmi les choses à léguer par héritage. Si quelqu'un fait cela, l'ordination sera nulle et non-avenue, et lui-même sera puni d'excommunication.

77. Des boiteux et des borgnes.
Si quelqu'un est borgne ou paralysé d'une jambe, mais digne d'être évêque, qu'il le devienne ; car ce n'est pas l'infirmité corporelle qui souille, mais la corruption de l'âme.

78. Des sourds et des aveugles.
Un sourd ou un aveugle ne peut devenir évêque, non pas qu'il soit souillé, mais pour que les affaires de l'Eglise n'en souffrent pas.

79. Des possédés.
Si quelqu'un est possédé du démon, il ne peut devenir clerc, ni même prier avec les fidèles ; mais une fois libéré, il sera admis parmi les fidèles et s'il est digne, qu'il soit fait évêque.

80. Des païens nouveaux-baptisés.
Celui qui est venu à l'Eglise de la gentilité et fut baptisé ou bien celui qui fit retour d'une conduite dépravée, il n'est pas juste de le promouvoir sur-le-champ à l'épiscopat ; il est en effet injuste que se fasse maître des autres celui qui n'a point fait ses preuves ; à moins que cela n'arrive par une grâce divine.

81. Des clercs acceptant des charges publiques.
Nous avons dit qu'il ne faut pas qu'un évêque ou un prêtre se laisse aller jusqu'à se charger d'un emploi civil, mais s'appliquer aux affaires de l'Eglise, sinon qu'il soit déposé ; car "nul ne peut servir deux maîtres à la fois", selon l'ordonnance du Seigneur.

82. De l'admission des esclaves à la cléricature.
Nous ne permettons pas qu'on ordonne des esclaves sans le consentement de leurs maîtres, au détriment de leurs propriétaires ; une telle manière de faire serait la ruine des maisons. Si jamais l'esclave paraît être digne de recevoir une ordination, tel que se montra justement notre cher Onésime, et que les maîtres le permettent et l'affranchissent et le laissent partir de leur maison, qu'on lui donne l'ordination.

83. Du clerc occupant une charge militaire. 
L'évêque, le prêtre ou le diacre qui prend du service militaire et veut rester en possession de tous les deux, fonction publique romaine et ministère sacerdotal, qu'il soit déposé ; en effet, "rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui est à Dieu".

84. De celui qui offense l'empereur ou un fonctionnaire.
Que celui qui insulte l'empereur ou un haut fonctionnaire public soit châtié ; et si c'est un clerc, qu'il soit déposé, si c'est un laïc, qu'il soit excommunié.

85. Quels livres de l'Ancien Testament et du Nouveau faut-il recevoir.
Vous tous, hommes d'Eglise, clercs et laïcs, tenez pour livres vénérés et saints : de l'Ancien Testament : cinq livres de moïse, Génèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome ; un, de Josué Fils de Navé ; un, des Juges ; un, de Ruth ; quatre, des Rois ; deux, des Paralipomènes du livre des jours ; deux, d'Esdras ; un, d'Esther ; un, le Psautier ; trois, de Salomon : Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des cantiques ; douze Prophètes ; Isaïe, Jérémie, Ezéchiel, Daniel et Job. Ayez soin de plus que vos jeunes apprennent par cœur les livres de la Sagesse de Sirach. Quant à nos livres, c’est-à-dire du Nouveau Testament : quatre évangiles, Mathieu, Marc, Luc, Jean ; quatorze épîtres de Paul ; deux, de Pierre ; une, de Jacques ; trois, de Jean ; une, de Jude ; deux, de Clément ; de plus les ordonnances adressées à vous, les évêques, par moi, Clément, en huit livres, qu'il ne faut pas lire en public à cause des secrets qu'ils contiennent ; en outre les Actes de nous autres apôtres. 
C'est là ce que nous avons à vous ordonner, ô évêques, en matière de canons. Vous, à votre tour, si vous les gardez fidèlement, vous serez sauvés et vous aurez la paix ; si vous y désobéissez, vous serez punis et vous aurez la guerre continuelle les uns contre les autres, expiant par-là comme il convient votre désobéissance.
Et Dieu, le Créateur de toutes choses, vous unira par la paix dans le saint Esprit, "vous rendra aptes à toute oeuvre de bien", immuables dans le bien, "sans tache, sans reproche", et daignera vous donner la vie éternelle avec nous, par l'intercession de son enfant bien-aimé Jésus Christ notre Dieu et Sauveur, à qui gloire soit rendue et avec lui, au Dieu même et Père qui est au-dessus de tout, en même temps qu'au saint Esprit le Paraclet, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.
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La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie» - Page 2 Empty Re: La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie»

Message  Arlitto Lun 7 Mar 2016 - 14:56

LE PRIMAT ET LA CONCILIARITE DE L’EGLISE DANS LA TRADITION ORTHODOXE

PROF. VLASSIOS PHIDAS
Episkepsis, No 671 – 28.2.2007

1. Le rapport du Primat avec l’institution conciliaire est intimement lié à l’ecclésiologie orthodoxe de l’Eglise locale. Il est clairement précisé par la tradition canonique et la pratique ecclésiale cohérente établie à travers les siècles. Il demeure donc inébranlable dans l’Eglise orthodoxe. Cependant, l’évêque Hilarion Alfeyev, délégué de l’Eglise de Russie à la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Eglise orthodoxe et l’Eglise catholique romaine (réunie à Belgrade en septembre 2006), durant le débat sur la question : « Les conséquences ecclésiologiques et canoniques de la nature sacramentelle de l’Eglise », a soutenu de façon provocante certaines thèses personnelles et sans doute non fondées, tant sur la fonction de l’institution conciliaire que sur la communion des Eglises orthodoxes locales entre elles et avec le Patriarcat œcuménique. La presse ecclésiastique occidentale a donné un large écho à ces affirmations, surtout en raison de l’intervention dans le débat des délégués de l’Eglise catholique romaine. La discussion a été soulevée à propos d’une phrase du document commun, suivant laquelle, après le schisme des Eglises d’Orient et d’Occident (1054), la célébration d’un concile réellement œcuménique était impossible. Cependant les deux Eglises ont continué à convoquer des Conciles généraux auxquels prenaient part des évêques des Eglises locales en communion avec le siège de Rome ou en communion avec le siège de Constantinople.

Le délégué de l’Eglise de Russie a objecté à cette formulation du document. Alléguant la différence des approches ecclésiologiques de l’Eglise orthodoxe et de l’Eglise catholique romaine, il a affirmé que, contrairement à la tradition catholique romaine, dans la tradition orthodoxe « la communion avec le siège de Constantinople » n’a jamais été considérée comme un présupposé nécessaire à la conciliarité de l’Eglise, puisque l’Eglise orthodoxe considère comme critère de son universalité la communion eucharistique et canonique des Eglises locales entre elles et non exclusivement avec le siège de Constantinople. Pour étayer ses affirmations non fondées, il a manifestement mis en avant deux interprétations arbitraires de la fonction, après le schisme du XI siècle, tant du système conciliaire que de la communion canonique dans l’Eglise orthodoxe. Or, pour réfuter la thèse du document, à savoir que les Eglises, en communion avec le siège de Constantinople, continuaient à réunir des conciles « généraux », il a affirmé à la légère deux choses : d’une part, qu’à partir du VII concile œcuménique (787), l’Eglise orthodoxe n’aurait pas connu de conciles « généraux » ou panorthodoxes, et cela jusqu’à la décision récente (1960) de réunir le saint et grand Concile de l’Eglise orthodoxe ; d’autre part, que l’interruption de la communion d’une Eglise locale avec le siège de Constantinople n’entamerait pas sa communion avec les autres Eglises orthodoxes, en faisant de surcroît expressément référence à une hypothèse non étayée d’une soi-disant interruption de la communion de l’Eglise de Russie avec le Patriarcat œcuménique, immédiatement après le concile de Ferrare-Florence (1438-1439).

Cependant, la réalité historique est totalement différente des affirmations délibérées ou opportunistes du délégué de l’Eglise de Russie : car d’une part, l’Eglise orthodoxe a réuni plusieurs conciles « généraux » et cela toujours sur la due initiative canonique du Patriarcat œcuménique pour examiner, à chaque fois, toutes les questions ecclésiales importantes ; d’autre part, la décision du concile de province de l’Eglise de Russie (1459) exprime simplement la réalisation d’un ancien vœu persistant des grands-princes de Russie de faire élire le métropolite par les évêques russes avec décision du synode de province. Comme le synode lui-même l’a souligné : « conformément aux canons des saints Apôtres et des saints Pères, et selon l’ordre de notre Souverain le grand-prince Vassili Vassilievic. » Certes, les facteurs qui ont facilité cette décision sont, d’une part, les confusions bien compréhensibles après la prise de Constantinople (1453) et, d’autre part, l’ordination contraire aux canons de Grégoire, disciple pro-unioniste du métropolite grec Isidore de Russie, au siège du diocèse métropolitain de Lituanie (1458) par le patriarche pro-unioniste Grégoire Mammas, évincé du siège de Constantinople ; acte qui avait bien évidemment irrité le grand-prince Basile et les hiérarques russes.

Il n’en demeure pas moins que cette décision n’a jamais été interprétée – ni ne pouvait l’être – comme une interruption de la communion ecclésiale avec le siège de Constantinople, étant donné qu’une telle rupture supposerait un acte ecclésiastique officiel et impliquerait que la décision eut été immédiatement communiquée à l’Eglise Mère, auquel cas les sources grecques ou russes de l’époque en auraient conservé quelque témoignage. Quoi qu’il en soit, l’émancipation administrative dans l’élection du métropolite, opérée de facto durant cette période confuse, ne permet pas de tirer des conclusions non fondées sur une soi-disant interruption de la communion ecclésiale, exclue par ailleurs par le fait que, jusqu’à sa proclamation au rang de Patriarcat (1589), l’Eglise de Russie a gardé, sans discontinuer, sa référence administrative au Patriarcat œcuménique. À plus forte raison, elle ne permet pas l’aphorisme théologique arbitraire, à savoir que la communion avec les Eglises orthodoxes locales serait nécessaire, mais ne serait pas indispensable avec le Patriarcat œcuménique, et ceci, en invoquant de surcroît des critères ecclésiologiques.

Bien entendu, les critères ecclésiologiques orthodoxes de la communion sont aussi certifiés par la fonction authentique du système conciliaire dans l’Eglise orthodoxe. C’est pour cette raison que le délégué de l’Eglise de Russie a étayé ses opinions sur un autre aphorisme historique tout aussi erroné, à savoir qu’après le VII concile œcuménique (787) et jusqu’en 1960, l’Eglise orthodoxe n’aurait pas connu de conciles « généraux » ou panorthodoxes des Eglises locales en communion avec le siège de Constantinople. Cet aphorisme historique est erroné, étant démenti, comme nous le verrons, par la réalité historique connue et indéniable. Il est tout aussi bien impensable pour la conscience conciliaire orthodoxe qui adapte ses manifestations conciliaires aux circonstances historiques ou aux nécessités de chaque époque. Dans ce sens, le VII concile œcuménique (787) a informé aussi de nouveaux critères canoniques régissant la réunion d’un concile œcuménique, puisque les sièges patriarcaux d’Alexandrie, Antioche et Jérusalem, passés sous domination arabe, ne pouvaient plus s’y faire représenter. Ainsi, Nicée II a décidé pour qu’un concile soit œcuménique, il faut nécessairement que les sièges de Rome et de Constantinople y soient représentés « y concourent », et que les sièges d’Alexandrie, Antioche et Jérusalem « y consentent », qu’ils donnent explicitement leur consentement (Mansi 13, 208-209). Ces sièges continuent à être en difficulté après le schisme du XI siècle, non seulement à cause des oppressions subies des Arabes, mais aussi des conquérants Croisés.

2. Dans l’esprit de cette décision du VII concile œcuménique, le système conciliaire de l’Eglise orthodoxe a fonctionné sous l’égide du Patriarcat œcuménique pour assurer la communion de la foi et le lien de l’amour dans une perspective non seulement panorthodoxe, mais aussi œcuménique, avant et après le schisme du XI siècle, et jusqu’en 1960. Nous citons ici, à titre indicatif, certains conciles réunis par le Patriarcat œcuménique pour envisager des questions ecclésiales d’ordre général, avec le concours ou le consentement des autres Patriarcats d’Orient, car les décisions de ces conciles ont, d’une part, montré la continuité authentique de la tradition orthodoxe de l’Eglise d’Orient après le schisme et, que, d’autre part, elles ont été insérées dans le Synodique de l’orthodoxie, comme manifestant vraiment la conscience panorthodoxe que ce soit sur la fonction interne de l’Eglise orthodoxe ou que ce soit sur ses relations avec l’Eglise d’Occident.
a) les grands conciles de Constantinople réunis sous le patriarcat de saint Photios, c’est-à-dire le concile Prime-second (861) et davantage encore celui de Sainte-Sophie (879-880). Le premier a enrichi la tradition canonique de l’Eglise orthodoxe par une référence panorthodoxe. Le second, auquel le siège papal et les autres Patriarcat d’Orient ont été représentés, a réglé par le canon 1 l’indépendance administrative du pape de Rome en Occident et du patriarche de Constantinople en Orient. Il a par ailleurs formellement réfuté l’ajout du Filioque au Symbole de la foi et proclamé l’œcuménicité du VII concile œcuménique. Il a donc demeuré dans la conscience panorthodoxe comme le VIII concile œcuménique et comme un modèle pour le rétablissement de la communion entre l’Eglise orthodoxe et l’Eglise catholique romaine.
b) Le grand concile de Constantinople, réuni par le patriarche œcuménique Jean IX (1111-1134), avec la participation des patriarches Sava d’Alexandrie et Jean d’Antioche, pour juger les écarts nestoriens du métropolite Eustrate de Nicée sur le dogme christologique.
c) Le grand concile de Constantinople (1166), réuni par le patriarche œcuménique Luc Chrysobergès, avec la participation des patriarches Athanase d’Antioche et Nicéphore de Jérusalem, pour envisager les déviations théologiques en matière de dogme trinitaire.
d) Les grands conciles de Constantinople (1341, 1351 et 1368), réunis par les patriarches de Constantinople respectivement Jean XIV Kalékas, Calliste I et Philothée Kokkinos. Ces conciles ont confirmé la tradition orthodoxe tant sur la distinction entre essence divine et énergies divines incréées, que sur la possibilité de participation des croyants aux énergies divines incréées, en réfutant parallèlement les propositions contraires prônées par la théologie scolastique en Occident. Elles ont donc été insérées, comme d’ailleurs les autres décisions théologiques des grands conciles réunis après le schisme de 1054, au Synodique de l’orthodoxie.
e) La réponse positive, après de longues négociations, du patriarche Joseph II à la demande du pape Eugène IV de réunir un concile œcuménique d’union en Occident avait comme conditions nécessaires, d’une part, la représentation canonique des cinq sièges patriarcaux, c’est-à-dire le siège de Rome avec les « conciliaires » de Bâle, selon le modèle des conciles œcuméniques du premier millénaire, d’autre part, la levée des divergences théologiques existantes sur la base de la tradition conciliaire et patristique commune de cette période. Or, les écarts constatés au concile de Ferrare-Florence (1438-1439), par rapport à ces principes concertés, sous la pression grandissante exercée par l’empereur byzantin et le pape sur les membres orthodoxes, ont conduit à un total échec du concile d’union et au désaveu unanime des décisions de celui-ci par la conscience orthodoxe.
f) Le grand concile de Constantinople (1484), réuni par le patriarche œcuménique Siméon avec la participation des autres Patriarches d’Orient, a décidé tant d’anathématiser le concile d’union de Ferrare-Florence que d’instaurer le sacrement du chrême aux catholiques romains convertis à l’orthodoxie pour réfuter la propagande de l’uniatisme exercée sur les peuples orthodoxes en proie aux difficultés. Il a été immédiatement reçu par la conscience orthodoxe de l’Eglise.
g) Le grand concile de Constantinople (1642), réuni par le patriarche œcuménique Cyrille IV avec la participation et le consentement des autres patriarches d’Orient, pour condamner la confession de foi de tendance calviniste attribuée à Cyrille I Lukaris et pour neutraliser la propagande protestante exercée sur les peuples orthodoxes. Ses décisions ont été immédiatement acceptées par les Eglises orthodoxes locales.
h) Le grand concile de Moscou (1666) auquel ont participé les patriarches Macaire d’Antioche et Paisius de Jérusalem, plénipotentiaires des patriarches de Constantinople et d’Alexandrie, empêchés d’atteindre la réunion pour d’autres raisons. Dans le célèbre Tome patriarcal (1663), les quatre patriarches ont fait des propositions canoniques communes sur le jugement du patriarche Nikon de Russie, c’est-à-dire si le synode du Patriarcat de Russie pouvait destituer le Patriarche ou s’il fallait aussi la « sentence » du Patriarche de Constantinople voire des autres Patriarches d’Orient. La « Réponse » unanime des quatre patriarches, exprimant la conscience commune de l’Eglise orthodoxe après le schisme du XI siècle, est aussi étayée sur l’avis du renommé canoniste le patriarche d’Antioche Théodore Balsamon (XII siècle) qui souligne : « ce privilège appartenait au pape de Rome avant sa séparation de l’Eglise universelle par arrogance et mauvaise volonté ; depuis qu’il s’en est séparé, toutes les affaires des Eglises sont référées au siège de Constantinople et les décisions sont prises par celui-ci, puisque, conformément aux canons, il jouit d’une égale primauté avec l’ancienne Rome… »
i) Le grand concile de Constantinople (1872), réuni par le patriarche œcuménique Anthime IV (1871-1873) avec la participation ou la représentation des autres sièges patriarcaux et des Eglises orthodoxes locales pour envisager les confusions extrêmes et contraires aux canons, d’ordre nationaliste voire raciste (ethnophylétique) du XIX siècle, qui menaçaient tout le système canonique d’organisation administrative de l’Eglise orthodoxe. Ces tendances ont été condamnées comme hérésie ecclésiologique contemporaine, alors que leurs adeptes endurcis ont été retranchés de la communion ecclésiale de l’Eglise orthodoxe (Schisme bulgare, 1872-1945, etc.)

3. Il semble donc évident que, en dépit des idées contraires du délégué de l’Eglise de Russie, le Patriarcat œcuménique, en sa qualité de Premier siège conformément à l’ordre de préséance d’honneur, a toujours été et demeure dans la conscience orthodoxe le garant de la discipline canonique et de la communion ecclésiale de l’Eglise orthodoxe. Il exerce néanmoins cette autorité exceptionnelle par règle ecclésiale en engageant le processus du système conciliaire. Dès lors, le Patriarcat œcuménique coordonne toujours le mode suivant lequel fonctionnent les relations interorthodoxes et interecclésiales, bien entendu, en communion et avec le consentement des Eglises orthodoxes locales. Dans ce sens, le Patriarche œcuménique a continué à convoquer, également après le schisme du XI siècle, des conciles « généraux » ou panorthodoxes pour envisager des problèmes cruciaux de chaque époque, comme, par exemple, les conciles précités à titre indicatif. Or, ce droit canonique ne lui a jamais été contesté. Par conséquent, l’institution du Primat est instaurée par les canons et constitue un élément indispensable dans la fonction conciliaire de l’Eglise orthodoxe, bien entendu différent du rapport du pape au système conciliaire de l’Eglise catholique romaine, mais possédant de très larges compétences pour sauvegarder la communion des Eglises orthodoxes locales entre elles et avec le Patriarcat œcuménique.

Cette conscience ecclésiale commune est aussi exprimée dans le « Règlement des Conférences panorthodoxes préconciliaires », élaboré sur proposition de l’Eglise de Russie et unanimement accepté par la III Conférence panorthodoxe préconciliaire (1986). Dès lors, le délégué de l’Eglise de Russie, aurait dû, pour des raisons de cohérence ecclésiale, accepter la correction pertinente proposée par le métropolite de Pergame, coprésident orthodoxe de la Commission mixte : « (…) en communion avec le siège de Rome ou, bien que cela soit compris différemment, avec le siège de Constantinople. » Cette phrase a été, à juste titre, acceptée par tous les délégués des autres Eglises orthodoxes. Par conséquent, il ne faut pas qu’il proteste du vote sur cette question, car, par cette mise au scrutin, ce ne sont certes pas des questions de foi ou de discipline canonique qui ont été jugées, comme il affirme à tort, mais le rapport de ses opinions personnelles aussi bien avec la tradition canonique orthodoxe qu’avec la position officielle cohérente de l’Eglise de Russie.
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La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie» - Page 2 Empty Re: La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie»

Message  Arlitto Lun 7 Mar 2016 - 14:56

De l’altérité et de la communion ecclésiales conciliaires
à [deux déviations symétriques] :
l’Eglise nationale et l’absorption ecclésiale

(Le cas de l’absorption ecclésiale aux Pays Baltes,
en Estonie et en Lettonie, au nom de l’“uniformité” de l’Eglise nationale)

Lorsque le IVe Concile œcuménique de Chalcédoine (451), pour faire obstacle à l’hérésie monophysite, formula sa célèbre « Définition de la Foi », connue dans l’Histoire sous le nom de « Définition de Chalcédoine », il exprima en même temps une réalité antinomique qui concernait (et concernerait à l’avenir) aussi bien le « quod est » (le « mode d’être », le « ce qui est [l’hypostase] ») que l’« être “sans mélange et sans division” » des Eglises établies localement à travers tout l’univers. La réalité antinomique du « quod est » de ces Eglises devait périchorétiquement passer par deux catégories et réalités, théologiques ecclésiologiques et canoniques, l’altérité et la communion. Plus précisément, l’existence des Eglises locales ou établies localement passe par l’affirmation de leur altérité géo-ecclésiastique et la préservation de l’unité et de la communion de ces Eglises entre elles. En d’autres termes, la demande et la vision du Concile de Chalcédoine étaient axées sur le fait que doivent simultanément exister altérité et communion ecclésiales en tant qu’accomplissement clairement antinomique du mode d’existence trinitaire des Eglises établies localement.

À travers les siècles, cette vision chalcédonienne du « être ecclésialement en toute altérité et en totale communion » a subi une double aliénation, si bien que, tout au long de l’époque moderne et jusqu’à nos jours, l’Eglise orthodoxe n’a jamais cessé d’être tentée par une déviation isocèle et symétrique : autonomisation de l’altérité ayant pour conséquence la minorisation de la communion et l’isolationnisme ecclésial, d’une part, et aliénation de la communion accompagnée d’une confusion ayant pour conséquence l’annihilation par absorption de l’altérité, d’autre part. Pour parler plus analytiquement :

• Cette déviation réside, d’un côté, dans l’ancrage monistique d’une Eglise établie localement sur le principe de l’altérité – non pas géo-ecclésiastique, mais – ethno-ecclésiastique du peuple qu’elle représente et qui a reçu l’honneur de la Patriarchie-Autocéphalie-Autonomie. En contrepartie, cette priorité avait pour conséquence l’indifférence réelle – ou feinte au service de finalités nationales ou autres – à l’égard de l’unité et de la communion ecclésiales.
• De l’autre côté, cette déviation consiste à promouvoir intentionnellement et excessivement la communion ecclésiale dans un pays (à majorité orthodoxe), et cela, au nom d’une unité de forme ethno-phylétique à laquelle l’Eglise sert judicieusement de paravent. La conséquence immédiate en est l’annihilation et l’absorption de l’altérité ecclésiale d’un autre peuple voisin – pourtant garantie par une procédure ecclésiastique canonique – et, par suite, la provocation d’une incorporation anti-canonique d’une Eglise établie localement par une autre, et, par extension, l’absorption institutionnelle d’une Eglise par une autre et, ainsi, la confusion (cf. canon 2/IIe) de deux Eglises établies localement.
Si le premier cas de déviation ecclésiologique par rapport à la « définition de Chalcédoine » caractérise l’actuelle « Eglise nationale » tel qu’aujourd’hui, elle prospère au sein de l’Eglise orthodoxe et en sape les fondements, le deuxième cas de déviation ecclésiologique, à savoir l’absorption de l’altérité ecclésiale au nom d’une unité mono-ethno-ecclésiale plus étendue, trouve sa pleine application, à partir de 1945, en Estonie, dans les rapports entre l’Eglise autonome d’Estonie (1923-1945) et l’Eglise autocéphale patriarcale de Russie, ainsi qu’en Lettonie, dans les rapports entre l’Eglise autonome de Lettonie (1936-1945) et l’Eglise de Russie.

La première déviation, celle de l’existence d’une « Eglise nationale », se manifeste aujourd’hui de manière claire et nette par la revendication irrecevable et ecclésiologiquement anti-canonique d’un corps ecclésial à tendance nationale dans les frontières de l’Etat national et, en même temps, hors de l’Etat national, par l’exercice d’une juridiction ethno-ecclésiastique mondiale de la part de chaque Eglise nationale orthodoxe à travers le monde. C’est cette revendication qui a essentiellement motivé la récente contestation de l’épithète qualificative « œcuménique » dans le titre historique et canonique du Patriarcat œcuménique de Constantinople. En effet, bien que dénuée de tout fondement ecclésiologique et canonique, cette revendication aboutit au renversement de l’ordre canonique dont nous avons hérité (cf. Tradition canonique), afin d’instaurer, dans le monde entier, un régime qui consacrerait l’égalité juridictionnelle multiple de la part de certaines Eglises nationales orthodoxes, et cela, à des fins national(ist)es. Nous en connaissons le résultat. Dans toute la « Diaspora » orthodoxe, est apparu aujourd’hui le phénomène ecclésiologiquement grotesque de la coexistence de plusieurs – jusqu’à huit ! – juridictions ethno-ecclésiastiques orthodoxes dans le même pays et dans la même ville (cf. Paris, entre autres), lequel sape totalement l’orthodoxie chalcédonienne de l’unité (ecclésiale) de chaque corps ecclésial établi localement.

Quoique le problème soit aisément discernable et clairement admis par les Orthodoxes du monde entier, ceux-ci présentent cependant une faiblesse commune : alors que tous s’accordent sur l’« irrecevabilité ecclésiologique et canonique » d’une telle situation, ils n’en restent pas moins accrochés au « bien acquis » de leur juridiction ethno-ecclésiastique extra-frontalière (hyperoria) ainsi qu’à son expansion, avec une totale indifférence quant à l’accomplissement (réalisation) de l’Eglise elle-même sur un lieu donné. Il suffit de lire attentivement les dispositions des Chartes statutaires des Eglises nationales orthodoxes (Voir notre article publié dans L’Année canonique, vol. 46 (2004), ch. III, p. 88 et ss., ainsi que dans la revue Synaxie, n° 90 (4-6/2004), p. 37 et ss. (en grec)) pour constater que ce qui est considéré ici comme ecclésiologiquement inadmissible aux yeux de tous, se présente, là-bas – dans le cas des pays baltes –, comme une conviction de l’Eglise de Russie ayant la force de l’évidence, d’autant plus qu’elle est entérinée (nomo)statutairement. Ne citons qu’un seul exemple statutaire : « La juridiction de l’Eglise orthodoxe russe s’étend aux personnes de confession orthodoxe résidant sur le territoire canonique de l’Eglise orthodoxe russe : en Russie, Ukraine, Biélorussie, Moldavie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Kirghizistan, Lettonie, Lituanie, Tadjikistan, Turkménie, Ouzbékistan et Estonie, de même qu’aux orthodoxes qui vivent dans d’autres pays et qui désirent volontairement y en faire partie » (Article I, § 3, de la Charte statutaire de l’Eglise orthodoxe de Russie de 2000 ; souligné par nous).

Pour apporter un bref commentaire à ce texte statutaire, d’après cette Charte statutaire de l’Eglise de Russie, nous pourrions dire que l’Estonie (et la Lettonie) n’est pas un Etat indépendant, et par conséquent ecclésialement fait partie du “territoire canonique” de l’Eglise orthodoxe russe. Cela revient à dire qu’à côté d’elle, nulle autre Eglise n’existe ni n’a plus le droit d’exister. Cette affirmation nous donne toute la mesure du problème qui se pose dans les pays baltiques, du moment que l’Eglise orthodoxe de Russie ne reconnaît comme entité religieuse, dans cette région, aucune autre Eglise orthodoxe et, par extension, aucune autre Eglise ni catholique ni protestante. Toutes ces Eglises existent bien, mais sur un “territoire canonique” russe. Il semble aussi que cela pose un problème du point de vue du droit public international, du fait que ces textes statutaires russes ne reconnaissent ni l’Estonie, ni la Lettonie ni la Lituanie comme Etats indépendants, parce qu’ils font partie de « toutes les Russies » du domaine ecclésiastique. En d’autres termes, contrairement à l’Etat russe, l’Eglise orthodoxe russe ne reconnaît pas l’indépendance ni l’autonomie de ces Etats. Et c’est écrit dans sa Constitution. Pourtant, comment est-il possible qu’une Eglise nationale et autocéphale déclare les territoires d’autres Etats indépendants comme appartenant à son “territoire canonique” et se serve de lois constitutionnelles officielles pour, en même temps, revendiquer ces territoires et refuser l’existence d’autres Eglises locales homodoxes ?

La réactivation de l’autonomie de l’Eglise orthodoxe d’Estonie en 1996 a causé une rupture de communion temporaire entre le Patriarcat œcuménique et l’Eglise orthodoxe de Russie. Elle a été résolue par l’accord de Zurich du 22 avril 1996, par lequel l’existence de l’Eglise orthodoxe autonome d’Estonie, de même que le diocèse de l’Eglise orthodoxe de Russie en Estonie, ont été reconnus. L’Eglise orthodoxe de Russie, toutefois, n’a jamais mis cet accord en application jusqu’à ce jour. C’est pourquoi nous rappelons la fable des Grands et des Petits (voir infra) – les Grands ont le droit de méconnaître tous les accords. Puisque l’Eglise autonome d’Estonie n’existe pas pour l’Eglise orthodoxe russe, l’accord compte pour rien.
L’Eglise orthodoxe d’Estonie est une Eglise autonome depuis 1923 et son Tomos d’autonomie a été réactivé en février 1996 par le Patriarcat œcuménique, après la douloureuse parenthèse soviétique. Ainsi, maintenant, il y a dix ans que l’Eglise orthodoxe de Russie ne reconnaît pas cette Eglise autonome conformément à ses Statuts et à sa canonisprudence, parce que l’Estonie est considérée comme appartenant à son “territoire canonique culturel” (sic).
D’ailleurs, malgré ses déclarations théologiques pré-conciliaires, toujours conformes aux principes ecclésiologiques et canoniques, l’Eglise nationale, aujourd’hui, forme partout des diocèses sur le territoire canonique des autres Eglises établies localement, qu’elle justifie, non pas par des arguments canoniques – qui, de toute façon, sont inexistants – mais par des arguments ethno-culturels et statutaires, de nature sentimentale, qu’elle étaye sur la théorie anti-ecclésiologique qu’elle a élaborée, celle du « territoire canonique culturel » (2000). En fin de compte, ce que la politique nationale n’est plus en droit de faire en raison de contraintes politiques internationales, c’est l’Eglise nationale qui l’assume sous le couvert de la religion, en menant une activité purement politique, bien qu’elle ait toujours clairement défini les rôles bien distincts du politique et de l’ecclésiastique. Un événement récent, enregistré par l’actualité journalistique, parle de lui-même : « Dans le cadre de la collaboration étroite entre l’Eglise et “les services de politique extérieure de la Russie”, officiellement mise en place au début des années 2000, comme l’avait reconnu le primat de l’Eglise orthodoxe russe, le patriarche de Moscou Alexis II avait déclaré, lors d’une réception, en mars 2003 [6 mars], au ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie : “Nous travaillons la main dans la main (SOP, n° 277 (4/2003), p. 19 ; SOP, n° 314 (1/2007), p. 17) ”. Ce qui a été confirmé en février 2006 [15 février] par le ministre des Affaires étrangères, Serge Lavrov, lors d’un voyage à Vienne : “Avec le Patriarcat de Moscou, nous menons une action commune en vue de faire avancer les intérêts de la Russie sur la scène internationale (Cité par l’agence d’information Itar-Tass ; SOP, n° 306 (3/2006), p. 9, et SOP, n° 314 (1/2007), p. 17) ” » (SOP, n° 314 (1/2007), p. 17). Et cela se produit au moment où nous, les Orthodoxes, nous accusons les « Eglises pré-chalcédoniennes » de ne pas avoir accepté la « définition de Chalcédoine », alors que nous, fidèles aux traditions…, nous … prétendons l’accepter et l’adopter à part entière ! Nous ne nous rendons pas compte qu’un tel comportement nous range, non seulement parmi les pré-chalcédoniens, mais plus encore parmi les anti-chalcédoniens…

La seconde déviation, celle de l’assimilation-incorporation-fusion-absorption de l’altérité ecclésiale d’un peuple au nom d’une unité ecclésiale “cohérente”, voire fictive, répondant à des fins et à des priorités purement ethnocentriques, reste jusqu’à ce jour difficilement perceptible, si bien qu’on ne sait pas encore à quoi s’en tenir, comme pour vérifier la sentence de nos ancêtres qui, dans leur sagesse, affirmaient que « la vérité est difficilement saisissable ». Qui, aujourd’hui, peut si facilement comprendre, et avec la clarté de l’évidence, le drame qu’a vécu l’Eglise orthodoxe en Estonie – comme d’ailleurs en Lettonie – pendant les cinquante dernières années, lorsque, à cause de l’intervention des troupes staliniennes (1944), l’autonomie de l’Eglise d’Estonie (1923-1945) – aussi bien que celle de l’Eglise de Lettonie (1936-1945) – a été anti-canoniquement et brutalement abolie par une incorporation et absorption forcées, qui plus est avec la complicité (cf. Actes 7, 60) du Patriarcat de Moscou – sinon à son instigation – qui, lui aussi, se réclame de l’orthodoxie chalcédonienne ? Une tentative purement politique d’assimiler nationalement (russification) et de soumettre les Estoniens et les Lettons orthodoxes au Patriarcat russe, qui plus est, était une tentative menée au nom de l’unité ecclésiale que l’Eglise multi-ethnique russe a « proposée » despotiquement, est donc responsable de l’abolition de l’autonomie d’une Eglise et de l’altérité ecclésiale de petits peuples, au moment même où ceux-ci obtenaient leur émancipation géo-étatique (1920-1945). La masse d’un grand peuple, mettant en marche un mécanisme stratégique et idéologique et usant de violence pour imposer sa domination, dicte les conditions de l’ordre public et de la vie publique. Et ces petits peuples perdent l’un après l’autre leurs précieux droits, à peine acquis (liberté, émancipation civile et étatique, altérité ecclésiale et autonomie). Dans les circonstances historiques dont nous parlons, c’est le droit du plus fort qui a écrit l’Histoire. Or maintenant, notre consentement permet que l’histoire qui s’est écrite alors nous enseigne aujourd’hui le « bon droit » du puissant… Ainsi, un petit peuple persécuté se retrouve une fois de plus dans son tort et victime d’une injustice… Cependant, ne sommes-nous pas de la sorte « complices du meurtre » (Actes 7, 60) d’un petit peuple faible ?

Dans les pays baltes, cette situation nous rappelle le mythe hellène « des grands et des petits ». Ce mythe trouve, politiquement parlant, un écho évident sur la scène historique ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a été conçu.
(La Grèce s’est elle aussi trouvée justement dans une telle situation au cours de son existence si troublée, lorsqu’une poignée d’Hellènes se sont soulevés contre les Ottomans pour conquérir la liberté, cette liberté dont les pays baltes ont rêvé en vain durant cinquante ans de servitude soviétique… À ce moment-là (19e siècle), l’autrichien Metternich et les trois grandes puissances (l’Angleterre, la France et, pas du tout fortuitement, la Russie) usaient du même argument : le grand, bien que « malade », a le bon droit de son côté, puisqu’il est grand et majoritaire. Le petit est le révolutionnaire, celui qui bouscule le statu quo, celui qui a éternellement tort… C’est ainsi qu’en laissant faire, nous acceptons que seuls les grands aient le droit de vivre, alors que les petits n’ont plus qu’à s’incorporer, s’assimiler et disparaître !...).

Malgré le fait que ce mythe tenace n’est pas théologiquement en conformité avec la nature eschatologique de l’Eglise, il s’applique finalement aussi dans l’espace de l’Eglise. En effet, au niveau ecclésiastique et en conformité avec des arguments ethno-ecclésiastiques, l’Autonomie de l’Eglise d’Estonie – et celle de l’Eglise de Lettonie – n’a jamais existé, pour les mêmes raisons que « n’ont jamais existé les Pays baltes » (sic) et que, par conséquent, il n’est pas possible de parler d’abolition et d’absorption de l’autonomie, puisque, tout simplement, l’Estonie p. ex. a toujours constitué un territoire canonique (sic) de l’Eglise de Russie. « C’est pourquoi tout ce qui avait été bâti d’orthodoxe estonien au cours des années fécondes de son existence libre et de l’Autonomie (1923-1940) devait être russifié et rentrer dans …l’« Eglise Mère » (sic) qui proclamait sans circonlocutions : « Tout ce qui est estonien est luthérien ; tout ce qui est russe est orthodoxe »… Ce dogme de russification nie implicitement l’existence du peuple estonien orthodoxe, mais implique aussi la trahison de l’Orthodoxie chalcédonienne… Par conséquent, conformément à ce dogme, seuls les Russes sont (ou peuvent être) orthodoxes en Estonie (Lire également “dans les Pays baltes”) ou, plus exactement, pour être orthodoxe dans ce pays, il faut être seulement russe. Les Estoniens (Lire également “les fidèles orthodoxes résidant dans les Pays baltes”) devaient donc « renoncer à leur identité nationale et devenir russes, ne serait-ce qu’en apparence » (Extrait de l’article du Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie STEPHANOS, « Notre relation avec le Patriarcat de Moscou », in Journal hebdomadaire TO BHMA [Athènes], n° de f. 14706 (5-3-2006), p. A44/88 (en grec)) … C’est ainsi que, durant une longue période, principalement à l’instigation de personnalités de l’Eglise, une lutte implacable a été menée pour la russification de l’Eglise autonome d’Estonie et, plus loin, de l’Eglise autonome de Lettonie ; et ces personnalités, non contentes d’avoir éliminé, en même temps que l’autonomie, tout ce qu’il y avait d’orthodoxe estonien et letton, revendiquent encore aujourd’hui d’achever ce qui n’a pas été fait, de s’approprier ce qui n’a pas été pris durant ces sombres années de servitude idéologique, d’aliénation et d’absorption ecclésiales… De la sorte, l’Eglise de Russie a liquidé et absorbé, aboli et assimilé les Eglises autonomes des Pays baltes, lesquelles appartenaient canoniquement au Patriarcat œcuménique de Constantinople qui leur avait octroyé leur Autonomie ecclésiastique (20e siècle). C’est pour cette raison, à côté de raisons canoniques citées plus haut, que le Patriarcat œcuménique a accueilli au sein de son ressort ecclésiastique – en réactivant le Tomos d’Autonomie (1996) – les Orthodoxes estoniens qui, eux-mêmes, n’acceptaient pas la continuation de la domination politique russe à travers la soumission de leur Eglise à l’Eglise de Russie. Et cette Eglise [de Russie] s’indigne aujourd’hui explicitement de ce que le Patriarcat œcuménique intervienne sur les territoires de la Baltique, lesquels, pourtant, ont été rendus de plein droit aux Eglises autonomes [Estonie] auxquelles ils appartenaient avant l’occupation militaire soviétique et sous la juridiction desquelles ils sont ecclésiastiquement placés.

Chacun sait que la relation unissant la Russie aux Pays baltes existait déjà avant l’époque et l’Union soviétiques. Même les Soviétiques du 20e siècle n’avaient certainement jamais oublié que le tsar avait étendu sa domination sur ces pays pendant deux siècles et ont d’ailleurs eux aussi toujours tenté d’étendre leur zone d’influence vers l’ouest. Malgré les contradictions idéologiques (internes) entre ces deux tendances politiques (russe et soviétique), le désir de s’étendre territorialement et d’élargir leur aire d’influence vers l’ouest demeure un dénominateur commun et une commune ambition.
Cependant, a surgi récemment (notamment depuis 2000, comme l’on a montré plus haut) un nouvel élément, qui bouleverse les données et fait vraiment la différence. Depuis 1991, aucune des prétentions politico-institutionelles russes n’est justifiable dans les Pays baltes, du fait qu’ils constituent définitivement des Etats indépendants, reconnus officiellement par la communauté internationale et les Etats européens. C’est la raison pour laquelle il ne reste qu’un seul et unique moyen d’étendre la zone d’influence vers l’ouest : l’Eglise orthodoxe russe !…, conformément au modèle actuel, qui a un retentissement particulier dans le monde orthodoxe de l’époque post-soviétique, celui de l’Eglise nationale avec toutes les conséquences que cela implique. Voilà pourquoi il lui est nécessaire d’adopter la nouvelle théorie ecclésiastique du « territoire canonique culturel ». Parce que, en raison des conjonctures politiques, ce que l’Etat ne peut désormais plus faire en déployant son mécanisme idéologique à l’échelle mondiale, c’est l’Eglise nationale homonyme qui l’a pris en charge…

Ici encore, pour en revenir à notre mythe des grands et des petits, s’il est vrai qu’il a des résonances politiques, quel écho peut-il avoir pour l’Eglise et son ecclésiologie ? Quel rapport ce mythe politique peut-il bien avoir avec l’orthodoxie chalcédonienne ? Et pourtant, il en a un, quand on voit quelle importance certains ecclésiastiques du monde orthodoxe semblent attribuer au critère politique de majorité – qui constitue d’ailleurs une caractéristique fondatrice de la théorie de la Troisième Rome (Voir infra ). Néanmoins, pour ce qui est de la définition de Chalcédoine, l’altérité est une catégorie ontologique, alors que la majorité est de toute évidence une catégorie politique, conjoncturelle et éonistique, enfermée dans le créé et son éphémérité. C’est pourquoi la priorité essentielle de Chalcédoine pour constituer une Eglise est l’altérité, et non la majorité, tandis que, pour le Patriarcat de Russie, il est maintenant bien clair que c’est la majorité (de la puissance politique ou ecclésiastique) qui décide du destin d’une Eglise, et non l’altérité synodale. La preuve de la priorité absolue de l’altérité comme condition préalable de la communion, est qu’elle a été institutionnalisée par le Concile suivant, le Quinisexte Concile œcuménique in Trullo (691, canon 39). Et pourtant, aujourd’hui, on n’hésite pas à abolir, volentes nolentes, consciemment ou inconsciemment, la vérité chalcédonienne et l’ecclésialité quinisextienne.

Rappelons ici un détail historique éloquent en lui-même. En 1978, l’actuel patriarche Alexis II (qui a été baptisé dans cette Eglise autonome d’Estonie), alors Métropolite de Tallinn du Patriarcat de Russie – et non du Patriarcat de Moscou qui prône la théorie opportuniste et anti-canonique de « Troisième Ville-Rome » (La taxis canonique de l’Eglise ne numérote pas les Eglises établies localement dans ses Diptyques et place l’Eglise établie localement d’Alexandrie après la Nouvelle (et nullement, ainsi qu’on le répète erronément, Deuxième) Rome-Constantinople ; il n’y a donc pas de « Troisième Rome-ville » (sic) d’un nouvel avènement possible comme une soi-disant « thérapie historique » des deux précédentes – qui dans cette logique pourrait être relayée par une Quatrième ou une Cinquième Rome… Finalement, une question se pose ici : pourquoi donc cette insistance – et c’est un cas unique – pour introduire un nom de ville dans le titre du Patriarcat de Russie, et non pas le nom du pays où se trouve cette Eglise établie localement, ainsi qu’il en va de tous les autres Patriarcats plus récents (p. ex. Patriarcat de Roumanie, non pas de Bucarest, Patriarcat de Géorgie, non pas de Tbilissi, etc.). Le Patriarcat de Russie est le seul à avoir adopté, à un moment donné, ce type de titre – pour des raisons qui nous sont désormais connues – et qui persiste opiniâtrement à en user) – s’est adressé au Patriarcat œcuménique pour lui demander de supprimer le Tomos de l’Autonomie de 1923 de l’Eglise autonome d’Estonie en vue de préserver… l’unité ecclésiale (sic). Le Patriarcat, en raison de la conjoncture politique de l’époque, a tout simplement désactivé (Voir l’Acte patriarcal et synodal du 13 avril 1978 décidant la suspension momentanée du Tomos de 1923, dans Istina, t. 49, n° 1 (2004), p. 95) – et non supprimé – le Tomos qu’il a remis en vigueur quelques années plus tard, en 1996, une fois l’ordre public civil complètement rétabli en Estonie (depuis 1991). Cependant, le fait que le Métropolite russe de Tallinn ait recouru au Patriarcat de Constantinople signifiait qu’il reconnaissait que, pour ce qui est de l’Eglise d’Estonie, la compétence juridictionnelle appartenait au Patriarcat œcuménique. Deuxièmement, cette démarche vient en confirmation de la grossière tentative d’incorporer, soumettre, assimiler et absorber ecclésiastiquement l’Estonie et, par extension, les Pays baltes. Et troisièmement, si le Métropolite Alexis de Tallinn avait obtenu la “bénédiction” de l’entité ecclésiastique compétente – car il est allé jusqu’à recourir à ce moyen – cette bénédiction aurait « facilité », aux yeux des Estoniens, le processus de russification qui, entamé en 1945, se poursuivait depuis… Etant donné ces éléments factuels, comment peut-on en arriver à dire que l’Estonie et les Pays baltes ne sont pas du ressort ecclésiastique du Patriarcat œcuménique ? Pourtant, le primat de l’Eglise de Russie lui-même, la même personne alors et maintenant, semble surpris et étonné, vingt ans après 1978, de voir qu’il est possible que le Patriarcat œcuménique procède à la remise en vigueur de l’Autonomie (1996) de l’Eglise orthodoxe d’Estonie (Cf. supra, métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie, STEPHANOS, « Notre relation avec le Patriarcat de Moscou… », op. cit ) et « envahisse le territoire canonique » (sic) de l’Eglise de Russie…

Pour ne pas nous étendre démesurément, nous allons faire une comparaison significative. Malgré la dissolution brutale anti-canonique et l’absorption ecclésiastique de l’Eglise d’Estonie en 1945, elle n’a jamais cessé d’exister historiquement et canoniquement pour la même raison que l’Eglise d’Albanie n’a jamais non plus cessé d’exister. La violence et l’anti-canonicité n’annihilent jamais une Eglise établie localement, d’autant moins son altérité. Tous se réjouissent de la renaissance de l’Eglise autocéphale d’Albanie. Or, dans le cas de l’Estonie, certains formulent des réserves pour les raisons susmentionnées, bien que les deux cas soient identiques, à une petite différence près, toutefois. En Albanie, les démolisseurs de l’Eglise étaient athées ; il est donc facile de leur donner tort. En Estonie, les démolisseurs de l’altérité ecclésiale étaient nos frères orthodoxes russes ; ils ont donc, par définition… le droit de leur côté et nous devons nous abstenir de les blâmer. Et, sur ce point, les peuples de l’Europe sont bien placés pour comprendre mieux le problème…

Enfin, pour montrer à quel point la vérité peut être déformée, il est nécessaire de faire ici une remarque historique. L’année 1923 est l’année où le processus de la reconnaissance de l’Estonie par la Communauté internationale en tant qu’Etat indépendant a été accompli. Ce processus pratiquement couvre trois ans (1920-1923) : de la ratification du traité de Tartu (2 février 1920) que la Russie a signé aussi, jusqu’en 1923, où les Etats-Unis demeurent le dernier Etat signataire de sa reconnaissance étatique. Le Patriarcat œcuménique, durant la même année 1923, a accordé l’autonomie – pour ce qui est de l’Estonie, juste après sa reconnaissance par les Etats-Unis – à deux Eglises établies localement présentant exactement le même parcours historique par rapport à leur pays voisin, la Russie : à l’Eglise de Finlande et à l’Eglise d’Estonie – et un peu plus tard à l’Eglise de Lettonie (1936). D’ailleurs, à une époque reculée, considérant d’un point de vue géographique les territoires de l’Europe du Nord, les Byzantins (Les Byzantins sont les parrains du nom géographique de la région du Nord (Région baltique, Mer baltique), en la qualifiant ainsi par sa situation géomorphologique : en grec, “terre baltique” signifie la terre qui a beaucoup de “baltos” (= marais), en raison de tous ces petits lacs non-profonds existant sur un territoire plat. À titre d’information, l’Estonie est le troisième pays dans le monde entier (après la Suède et la Finlande), qui a effectivement beaucoup de “baltos”, d’où la dénomination grecque (byzantine) de cette Région comme baltique, balte. Cette information historique fournie veut bien dire pertinemment ce que cela veut dire. Et si nous « nous taisons, ce sont les marais qui crieront » (cf. Lc 19, 40). D’ailleurs, en conformité avec les Archives historiques nationales estoniennes, une activité missionnaire byzantine est déjà attestée en 1030 (juste 40 ans après le baptême des Russes) aux Pays baltes et notamment en Estonie) appelaient les Pays baltes “le Nord qui se trouve en « dehors de la Russie »”, fait qui détermine aussi juridictionnellement (canoniquement) la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie et la Finlande. Par conséquent, ces Pays, hormis la période de l’occupation forcée et militaire par les Russes, n’avaient jamais fait historiquement partie du territoire de la Russie et, à plus forte raison, de la juridiction ecclésiastique du Patriarcat de Russie.

Une question se pose alors ici. Pourquoi donc ne pas soulever la question de la présence juridictionnelle du Patriarcat œcuménique pour la Finlande qui est située bien plus loin, au-delà de la mer Baltique et du golfe de Bothnie, et ne le faire que pour l’Estonie et les Pays baltes ? Un détail devient une clé herméneutique et permet ici d’expliquer cette différence de traitement. La Finlande n’a pas subi d’invasion soviétique malgré plusieurs tentatives, et le stalinisme ne s’y est pas imposé pour créer un nouvel ordre des choses et étendre la russification… De même, l’Archevêque de Finlande n’est pas devenu… Patriarche de Moscou pour en appeler à l’annexion de la Finlande par l’Eglise de Russie avec toutes ces effusions sentimentales et grandiloquentes qui ont suivi la remise en vigueur de l’Autonomie de l’Eglise d’Estonie (1996). Et enfin, pourquoi l’Eglise de Finlande a-t-elle le droit canonique d’exister en autonomie, alors que l’Eglise d’Estonie ne l’a pas ? Pourquoi la question de la dépendance par rapport au Patriarcat œcuménique ne se pose-t-elle pas également pour l’Eglise de Finlande comme elle se pose pour l’Eglise d’Estonie ? Pourquoi de nos jours l’Eglise de Russie reconnaît-elle l’Eglise autonome de Finlande mais ne reconnaît-elle pas l’Eglise autonome d’Estonie ? Voilà pourquoi tout ce qui a été dit plus haut trouve ici son application, à savoir qu’aujourd’hui, nous lisons l’Histoire de l’Estonie, telle qu’elle a été écrite par le passé, telle qu’elle a fait valoir le “droit” du plus fort et celui du conquérant… – qui, aujourd’hui, récidive. Toute cette question a engendré une pratique, déterminée par des réflexes historiques d’ordre affectif et par la nostalgie latente d’une domination considérée comme acquise, plutôt que par la conjoncture géo-ecclésiastique actuelle. Il est temps que le Patriarcat de Russie cesse d’opposer à l’Eglise autonome orthodoxe d’Estonie – après son échec finalement d’absorption ecclésiastique sur le terrain – une attitude agressive, injuste et injustifiée, de type colonialiste et de perspective anti-canonique, qui n’a absolument rien à voir avec l’Ecclésiologie et la Tradition canonique de l’Eglise. Or, vu cette absorption ecclésiale opérée par le Patriarcat de Moscou vis-à-vis de l’Eglise d’Estonie pendant 50 ans (1945 (Année de la dissolution violente, arbitraire et anti-canonique de la structure de l’Eglise autonome (9-3-1945).) –1995 (Année du dernier recours des Estoniens orthodoxes au Patriarche de Russie Alexis II pour réacquérir leur autonomie ecclésiastique absorbée, avant de s’adresser finalement au Patriarche œcuménique Bartholomée Ier qui a réactivé le Tomos patriarcal et synodal de 1923), celui-ci doit l’expliquer à la conscience ecclésiale pan-orthodoxe d’abord et puis pan-chrétienne, ainsi qu’à l’histoire de l’humanité pour cet acte anti-conciliaire, anti-chalcédonienne et anti-canonique.
Sur toutes les questions abordées brièvement ici, mais aussi sur beaucoup d’autres points importants qui permettent de reconstituer le puzzle du problème ecclésiastique en Estonie et dans les pays baltes, nous aimerions – qu’il nous soit permis de – renvoyer ceux qui s’intéressent à cette question, à une petite bibliographie :

• Un ouvrage en grec, le premier dans son genre, de Nikolaos I. DOVAS, La question ecclésiastique estonienne en tant que question inter-orthodoxe, Thessalonique, éd. Frères Kyriakidis, 2000, 106 p., où l’on voit pour la première fois la publication des documents officiels concernant ce problème foncièrement théologique chez les pays Baltes.
• Un ouvrage bilingue (anglais-français) publié en Grèce il y a quatre ans, sous le titre de : Archim. Grigorios D. PAPATHOMAS - R.-P. Matthias H. PALLI (sous la direction de), The Autonomous Orthodox Church of Estonia/L’Eglise autonome orthodoxe d’Estonie (Approche historique et nomocanonique), Thessalonique-Katérini, éd. Epektasis (coll. Bibliothèque Nomocanonique, n° 11), 2002, 460 p. Cet ouvrage, couvrant la période de 80 ans (1923-2002), contient trente-cinq (35) documents et textes dévoilant les vérités exposées ci-dessus, ainsi que sept travaux scientifiques indépendants (deux écrits par des professeurs estoniens, deux par des Finlandais et trois par des Hellènes), concernant plus particulièrement la question ecclésiastique estonienne.
• Une analyse pertinente et une synthèse précieuse dans un numéro spécial récent de la revue théologique française Istina, consacré exclusivement à cette question épineuse et intitulé : « Le plaidoyer de l’Eglise orthodoxe d’Estonie pour la défense de son autonomie face au Patriarcat de Moscou », in Istina, t. 49, n° 1 (2004), p. 3-105.
Ces trois études spécialisées et ad hoc n’ont jamais, jusqu’à aujourd’hui, été contestées par la partie russe directement impliquée, ni dans ses approches historiques et canoniques, ni dans ses aspects plus particuliers.
* * * * *
(N.B. Juste avant de diffuser via Internet le présent texte, on a eu une déclaration publique officielle de la part de l’Eglise de Russie sur l’Eglise autonome d’Estonie, au moment de la réunion de la “Commission mixte internationale pour le Dialogue théologique entre l’Eglise catholique romaine et l’Eglise orthodoxe” le 9 octobre à Ravenne, par son délégué Mgr Hilarion (Alfeyev) avant de quitter la salle de la réunion. Cette déclaration a été reprise par la suite avec les mêmes paroles dans une interview internetisée le 18 octobre (Voir [ltr]http://www.orthodoxie.com[/ltr], du 18-10-2007). L’auteur de la présente étude était témoin oculaire (et non pas le Primat de l’Eglise, le Métropolite Stéphane de Tallinn et de toute l’Estonie, comme cela était inexactement diffusé par la presse) de cette déclaration, portant deux éléments cruciaux et diffusé par la suite en premier sur l’Agence de presse étatique russe InterFax le 10 octobre : « […] [1°] L’Eglise soi-disant (so-called) autonome d’Estonie n’existe que depuis 1996 et [2°] cette Eglise a été fondée par le Patriarcat de Constantinople sur le territoire canonique du Patriarcat de Moscou » (Ibid) . En conformité avec ce qui vient d’être dit ici, comme chacun peut désormais le constater, cette déclaration n’a pas de fondement historique et principalement canonique, et met en doute la crédibilité de la position de l’Eglise de Russie vis-à-vis de l’Eglise d’Estonie et ses déclarations non officielles, diffusées ici ou là, jusqu’à ce jour. Il est évident que le délégué de l’Eglise de Russie confond deux réalités canoniques chronologiquement et canoniquement bien distinctes : le “Tomos” (1923) et la “Réactivation de Tomos” (1996). Le Tomos de proclamation de l’Eglise d’Estonie date en effet de 1923, alors que la réactivation de ce Tomos, suspendu en 1978, date de 1996. Il est clair que la réactivation d’un Tomos ne donne canoniquement pas naissance à une Eglise établie localement. C’est le Tomos qui accorde un tel statut d’autonomie. Et le Tomos date historiquement et canoniquement de 1923, comme cela était aussi le cas de l’Eglise autonome de Finlande. D’ailleurs, ce n’est pas l’armée qui fait un territoire canonique…
Le fameux théologien russe G. Florovsky disait pertinemment que “celui qui ne connaît pas l’Histoire, ne sait pas faire de la Théologie”. À côté de la Théologie, j’ajouterais personnellement aussi la Tradition canonique. D’ailleurs, on pourrait s’interroger sur l’importance dans la compréhension de la Tradition canonique de la praxis ecclésiale ininterrompue ; l’Eglise de Russie, christianisée fin du 1er millénaire (à partir de 988), a hérité de cette Tradition, mais s’est mise relativement tard à l’école de celle-ci. De nombreux événements de l’histoire de l’Eglise de Russie montrent que l’assimilation de cette Grande Tradition n’est pas pleinement accomplie (Il faut s’en souvenir la façon brutale dont l’Eglise de Russie a marchandé le titre patriarcal de son Primat, ou comment elle a étendu sa juridiction sur toute l’Ukraine, aux 17-18e siècles, dès l’annexion de tout le territoire ukrainien par la Russie tsariste (cette question pouvait faire l’objet d’une étude ecclésiologique et canonique appropriée), avant d’arriver à la dissolution et l’absorption anti-chalcédonienne des Eglises orthodoxes baltes, etc). Ce fait explique aussi l’implication politique flagrante de l’Eglise de Russie et la confusion anti-chalcédonienne de la politique étatique avec le domaine ecclésiastique. Cette remarque trouve également son explication à la déclaration de Mgr Hilarion qui prétend que la rencontre de Ravenne (8-14 octobre 2007) est un échec, parce que l’Eglise de Russie, qui est “majoritairement la plus grande” (sic), n’était pas présente à Ravenne. Et cela, malgré les conclusions positives des travaux de la Commission mixte signalées déjà dans le communiqué final émis en commun par les deux délégations catholique et orthodoxe (14 octobre). Si on se souvient de certaines déclarations émises par certaines autorités ecclésiastiques russes au sujet de la caducité des canons ecclésiaux, lesquels ne correspondent plus, paraît-il, à l’époque moderne, on constate que le manque de l’expérience de la praxis ecclésiastique et canonique du 1er millénaire de la part de l’Eglise de Russie risque de déformer l’intégralité et la cohérence de la présence orthodoxe une et unique, en introduisant peu à peu l’idée que l’Orthodoxie serait une sorte de Confédération d’Eglises ethniques et non plus un seul corps ecclésial. Une telle vision fédérative de l’Eglise amènera fatalement un jour chaque Eglise nationale orthodoxe à développer sa propre théologie avec le risque de briser définitivement tout l’héritage-un théologique et patristique bimillénaire de l’Eglise orthodoxe. Devant ce risque qui devient de plus en plus évident, les Orthodoxes présents à Ravenne, à l’unanimité, ne se sont pas laissé influencer par l’attitude de l’Eglise de Russie à l’égard de l’Eglise autonome orthodoxe d’Estonie. Et pour cette raison, le dialogue bilatéral s’est vraiment déroulé dans des conditions normales et positives, malgré le départ de la délégation russe et l’absence excusée de la délégation bulgare).
* * * * *
L’Europe a toujours été sensible à ce qu’elle a elle-même vécu à travers les siècles. Cette sensibilité va à l’existence historique des petits peuples et, par extension, des Eglises mineures. À chaque fois qu’il s’agit de cette existence et à chaque fois que le fondement historique de cette existence est mis en jeu, la question de la liberté et de la communion simultanément, c’est-à-dire de l’autonomie, autrement dit l’affirmation chalcédonienne de l’altérité, restera toujours et partout indissociable de la revendication de la vérité, aussi bien humaine que théologique. Les Orthodoxes, en particulier, mais aussi les Chrétiens en général, en ont fait l’expérience. La voix du paysan estonien s’adressant au missionnaire catholique français Charles Bourgeois, au printemps 1946, c’est-à-dire un an et demi après l’invasion des troupes staliniennes en Estonie, qui disait :
« Nous sommes un tout petit pays qui n’en voulait à personne, qui ne demandait qu’à rester libre. […] C’est pourquoi je vous supplie, quand vous verrez ces hommes libres, dites-leur combien nous souffrons ici. Nous étions heureux, libres, nous ne demandions rien à personne ; et maintenant on nous a privés de tout, plus moyen de faire entendre notre voix… » (VASSILY (Hiéromoine [Charles BOURGEOIS, s. j.), Ma rencontre avec la Russie (Narva-Esna-Tartu-Moscou) 1932-1946, Buenos Aires 1953, p. 101 et 146 respectivement ),
trouve, aussi bien en Estonie que dans les Pays baltes, un écho persistant, dans cet endroit, petit et grand à la fois, en Europe, mais aussi dans le monde entier ; et il est besoin de conditions chalcédoniennes pour que cette voix puisse se faire entendre, et plus encore puisse être comprise…

Prof. Hdr. Archim. Grigorios D. PAPATHOMAS
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Message  Arlitto Lun 7 Mar 2016 - 14:56

LE 28e CANON DU IVe CONCILE OECUMENIQUE
ET LA “DIASPORA ORTHODOXE”

Je vais essayer de centrer mon propos sur deux points précis qui aujourd‘hui relèvent à mes yeux de la plus haute importance, essentiellement sur le plan ecclésiologique : le 28e canon du IVe Concile oecuménique de Chalcédoine et la signification du terme « Diaspora ». Tant il est vrai que, si pour sa part le premier millénaire de la chrétienté se caractérise par les problèmes christologiques, le deuxième est bien celui des problèmes ecclésiologiques.
Il n’est un secret pour personne que le système de l’autocéphalie tel qu’il est pratiqué de nos jours au sein de l’Orthodoxie universelle crée de tels dysfonctionnements qu’il débouche purement et simplement sur l’anarchie. L’invention récente ( année 2000 ) de la notion de territoire canonique, fondée sur le nationalisme et l’ethno-philétisme, laquelle fait pratiquement de chaque église locale une église mondiale ( annihilant de même coup la territorialité ecclésiastique en instaurant pour chaque patriarche une sorte de pouvoir universel sur ses propres nationaux où qu’ils se trouvent de par le monde ), les revendications répétées de l’instauration d’une 3e Rome principalement fondées sur l’argument du plus grand nombre des fidèles - et ce au mépris de la taxis fixée par les canons, au mépris de la praxis ecclésiastique et même au mépris de la condamnation formelle des conciles de Moscou de 1666-1667 - tout cela ne fait malheureusement que mieux ressortir l’incapacité présente des Orthodoxes de vivre une vraie conciliarité entre les Eglises autocéphales tout comme celle de certains d’entre eux d’admettre la nécessité d’un « centre » d’unité, de coordination et d’initiative tel qu’il a été compris et pratiqué au cours du premier millénaire de la Chrétienté et par la suite jusqu'à nos jours au sein de l’Orthodoxie après le grand schisme du XIe siècle, et ce, il est vrai, malgré quelques réticences après 1990.


On peut d’abord se demander, écrivait en son temps le Pr Olivier Clément*, « si le lien qui s’est établi, dans l’Eglise orthodoxe, entre la nationalité et la juridiction ecclésiastique, n’a pas, dans la Diaspora, achevé de changer de sens : originellement de transfiguration (de l’ethnie par l’Eglise), il devient souvent une forme spécifiquement orthodoxe de sécularisation (de l’Eglise par l’ethnie). Perspective où l’Orthodoxie semble seulement un aspect de la culture nationale. Les descendants d’émigrés, au fur et à mesure qu’ils s’assimilent, abandonnent tout naturellement une Orthodoxie dont-ils ont l’impression qu’elle ne les concerne plus ». Jamais nous n’avons pris la peine de mesurer l’importance de cette hémorragie. Sans compter que la multiplicité des juridictions sur un même territoire compromet tout projet à long terme et notamment la formation appropriée des prêtres et leur bonne répartition.
Mais il y a plus grave : chaque jour qui passe, l’ecclésiologie orthodoxe devient de plus en plus mythique. L’injonction du premier Concile œcuménique - « qu’il n’y ait pas deux évêques dans la même ville ( canon 8/1er)» -, la condamnation du nationalisme religieux par le Concile de 1872, restent lettre morte. Dans ces conditions, la Diaspora semble devenir de plus en plus un enjeu entre les Eglises autocéphales au lieu d’être le lieu providentiel où l’Eglise orthodoxe se doit de manifester son unité et son universalité.


1. Ainsi donc ce qui semble primer dans la plupart des cas, c’est non plus l’organisation de la Diaspora selon l’eucharistie et la conciliarité - un seul évêque, une seule eucharistie, un seul Corps - mais selon l’ethnie et des préférences politico-religieuses, c’est-à-dire idéologiques. « Dans ces conditions, précisait encore le Pr Olivier Clément, il n’est pas étonnant que … la Diaspora risque d’être livrée aux lois psycho-sociologiques des micro-minorités : fragmentation, craintes obsessionnelles, refus du dialogue, rôle excessif des querelles de personnalités, transformation de l’Orthodoxie en une idéologie pensée contre, non seulement contre les non-orthodoxes, mais contre les autres orthodoxes ! »
Pour celui en effet qui, de l’extérieur, nous regarde vivre , l’impression qui en découle le plus souvent est que les épiscopats orthodoxes de la Diaspora semblent d’avantage se préoccuper du prestige de leurs Eglises nationales que du témoignage de l’Evangile pour les hommes de notre siècle. Malheureusement, il ne s’agit pas que d’une simple impression : la « diaspora ethno-phylétique », telle que l’ont vécue les Orthodoxes au 20e siècle et qu'ils continuent hélas à privilégier jusqu'à aujourd'hui , entraîne inévitablement la co-territorialité et la multi-juridiction, sapant ainsi de manière régulière et continue, l’unité ecclésiale dans un lieu donné ; sapant en fait l’Eglise elle-même. Seule l’Eglise locale ou établie localement est à même de garantir l’unité ecclésiologique.


Voilà pourquoi Eglise et Diaspora sont des termes et des réalités opposés et incompatibles : le terme de « Diaspora » désigne exclusivement une entité ayant un point de référence précis et unique dans le monde entier (Etat, frontières ethno-étatiques), tandis que l’Eglise a pour point de référence eucharistique l’autel de chaque Eglise locale qui constitue l’icône du Royaume. C’est la présence permanente de cette image du Royaume qui exclut la pratique de la diaspora au sein de l’Eglise. La question si controversée de la « diaspora orthodoxe » est en fait, du point de vue ecclésiologique un mythe parce que la mono- juridiction d’une Eglise patriarcale ou autocéphale ne peut s’exercer qu’à l’intérieur de ses frontières canoniques, et aussi, parce que, hors de ses frontières canoniques, se trouve une autre Eglise établie localement, et ainsi de suite, sur toute la Terre.


Lorsqu’il s’agit d’apporter une solution au « problème canonique de la diaspora », nous avons coutume de recourir à des éléments existant au sein de la Tradition canonique de l’Eglise, notamment aux canons conciliaires. Il est vrai que, parmi ces canons, le canon 28/IVe, important entre tous, est le plus controversé. Pour contribuer à éclaircir cette question épineuse, je voudrais poser ici deux points : le premier est de savoir si, au sein de l’Eglise, le concept de « diaspora » est défendable et le deuxième, qui découle du premier, consiste à déterminer dans quelle mesure le canon 28/IVe est à prendre en considération eu égard à la solution du problème canonique concret de la « diaspora ».
Disons-le tout-de-suite, le canon 28/IVe ne parle nullement de diaspora, pas même de façon sous-entendue. Il affirme au contraire qu’une Eglise puisse exister hors des frontières des autres Eglises établies localement et désigne celui qui en est le primat en donnant essentiellement au patriarche de Constantinople l’exercice de la diaconie constitutive lui permettant de former les Eglises locales de cette « Eglise établie localement du dehors ». Et ce précisément pour assurer l’unité ecclésiologique mono-juridictionnelle des ces territoires et, conséquemment, celle des Eglises locales, présentes ou futures, situées sur ces territoires. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les archevêques autocéphales exerçant dans ces territoires le sont, depuis le 5e siècle jusqu’à aujourd’hui, directement du Saint-Synode de Constantinople. Par conséquent, ce canon est peut-être le seul qui affirme aussi clairement que toute la Terre est, en puissance et en pratique, lieu de l’Eglise appelée à devenir lieu des rassemblements eucharistiques, si bien que le concept de « diaspora » n’a aucune raison d’être en nul point de la Terre.


2. A cela vient s’ajouter une autre question quant aux limites géographiques de la « diaspora » . Sous ce terme nous englobons aujourd’hui, d’un point de vue territorial, l’Europe occidentale, le continent américain, l’Australie et l’Extrême-Orient, regroupés en une catégorie unique et homogène de « diaspora ». Ici cependant, il nous faut faire très attention. En Europe occidentale nous ne sommes pas sur une terre « vierge », non chrétienne comme en Afrique centrale par exemple ni non plus sur une terre ecclésiologiquement « neutre », comme les Etats-Unis. L’Europe occidentale constitue en effet un cas différent parce qu’Elle est le territoire du Patriarcat de Rome, une Eglise établie localement et constituée conciliairement ( 451 ) . Ici aussi il y a matière à réflexion car, comment expliquer le fait que, d’un côté, nous soyons en dialogue afin de restaurer la pleine communion avec l’Eglise d’Occident après la « rupture de communion » (1054) et que d’autre part nous considérons son territoire comme un terrain de « diaspora », autrement dit selon ce qui est généralement admis, comme une terre vide et, par conséquent, comme une « Eglise inexistante ?…Un lieu sur lequel chaque Eglise nationale orthodoxe s’introduit, s’infiltre et donne un fondement à l’étendue (sic) de sa juridiction territoriale propre ? Si nous prenions la peine de méditer un peu ce grand mystère de la présence des Orthodoxes en Europe occidentale, peut-être que nous finirions par comprendre que notre rôle n’est pas de vouloir remplacer, sur son propre terrain, l’Eglise d’Occident mais de nous convertir toujours davantage nous-mêmes à notre propre Orthodoxie, de la rendre consciente, vivante, féconde, comme une invitation au fondamental et d’aider ainsi, par un témoignage désintéressé, les chrétiens d’Occident à retrouver, à revivifier leurs propres racines d’Eglise indivise. Et il appartient ici au Trône Œcuménique - qui depuis le schisme assume en Orient « la présidence d’ amour » et est le gardien de l‘unité et de l‘universalité de l‘Orthodoxie - d’assumer cette diaconie en tant que locum tenens pour le compte de tous les Orthodoxes qui vivent en Europe occidentale, jusqu’au moment où de nouveau Orient et Occident se retrouveront dans la pleine communion.


J’en arrive à ma conclusion.
Tout d’abord, en ce qui concerne le 28ème canon lui-même du IVe Concile œcuménique.
Je répondrai à ses détracteurs en leur disant que ni l’argument de la modernité, ni celui du plus grand nombre, ni celui de l’héritage culturel, ni aucun autre d’ailleurs généré par les tentations que suscite ce monde, ne peuvent entrer en ligne de compte pour le remettre en cause. Parce que l’Eglise est le Corps du Christ, parce que Jésus-Christ est le même hier et aujourd’hui et pour tous les siècles ( Hébreux 3/8 ), parce qu’à l’intérieur de ce Corps c’est le même Dieu qui fait tout en tous et le même et unique Esprit qui répartir les dons propres à chacun ( 1 Cor.12/4,11), rien ne sépare ni ne distingue l’Eglise des premiers siècles de celle de nos temps présents.
La multiplication aux 19e et 20e siècles des Eglises nationales et surtout certaines tentatives actuelles à vouloir promouvoir une nouvelle conception de l’autocéphalie nous réduisent à une sorte de mensonge involontaire : nous exposons intellectuellement une très belle ecclésiologie mais cette ecclésiologie n’est pas vécue et nous n’avons à montrer que le chaos. Aussi les saints canons qui, dans la situation présente, fixent et définissent le rôle et la place de l’Eglise de Constantinople dans l’Orthodoxie, sont précisément là non pas pour être modifiés au gré des époques ou des opportunités du moment mais pour refléter la continuité de la Tradition ecclésiale ininterrompue selon le modèle même du mystère trinitaire et afin que s’accomplisse, dans l’unique Vérité, la plénitude de notre vie en Christ.


Mais encore. Peut-être devrions-nous trouver une autre manière de présenter le canon 28/IVe et un autre argumentaire pour faire valoir ce qu’il signifie vraiment. Si controverses il y a à son sujet, n’est-ce pas parce que nous voulons recourir à lui pour résoudre les « questions relatives à la diaspora » alors que non seulement ce canon ignore ce concept mais qu'il l’exclut purement et simplement du point de vue ecclésiologique ? Les injonctions de ce canon ne sont pas d’ordre administratif mais d’ordre mystique au sens de l’Eglise comme « mystère » du Ressuscité : dans un même lieu, tous les Orthodoxes doivent s’intégrer eucharistiquement en corps du Christ par la présence récapitulative d’un seul évêque ; d’où la prescription du IVe Concile Œcuménique : « Qu’il n’y ait pas deux métropolites dans une même province » . Tout particulièrement nous devons faire un grand travail pédagogique pour que nos jeunes générations ainsi que les mentalités de l’Occident passent d’une interprétation caricaturale de ce canon a une compréhension ecclésiale qui soit authentiquement orthodoxe. C’est aujourd’hui une exigence qu’il faut prendre très au sérieux pendant qu’il en est encore temps.
Je pense que le moment est maintenant venu pour que le Patriarcat Œcuménique prennent des initiatives en vue d'un renouveau de la pratique de la conciliarité au sein de toute l’Eglise orthodoxe.
Pourquoi par exemple ne pas donner, à titre expérimental, à l'une ou l'autre Assemblée des Evêques Orthodoxes déjà bien en place le caractère d’un Synode provincial d’un type peut-être inédit ? Ce Synode, dont le statut ne sera accordé que par le Patriarcat Oecuménique de Constantinople après consultation et accord de toutes les Eglises Orthodoxes, aurait pour vocation de prendre des décisions sur toutes les affaires présentant un intérêt commun à tous les diocèses ; aucun Patriarcat ne pourrait agir sans le consulter. Ce même Synode convoquerait au moins tous les trois ans une Assemblée ecclésiale représentative des orthodoxes des différents diocèses. Des prêtres et des laïcs, choisis au sein de cette Assemblée, et appartenant à tous les diocèses, formeraient un Conseil métropolitain. Les nouveaux évêques seraient certes désignés par leurs Eglises autocéphales respectives mais après consultation de ce Synode provincial et de l’Assemblée ecclésiale.
La “Diaspora”, sous l’initiative et l’impulsion du Patriarcat Œcuménique, pourrait être ainsi le banc d’essai de formules nouvelles où l’ecclésiologie eucharistique et conciliaire, le sens de l’unité et de l’universalité orthodoxe s’inscriraient plus clairement .
C’est dans cette espérance que je place toutes mes attentes tout en renouvelant toute ma confiance au très Saint Trône Œcuménique de Constantinople, dont je connais bien, selon la belle formulation du livre de l’Apocalypse, « les œuvres, la charité, la foi, les services et la persévérance » (Apoc.2/19 ).
+STEPHANOS,
Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie.

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* Olivier Clément : « Avenir et signification de la Diaspora orthodoxe en Europe occidentale » in Contacts - Paris - N°103, 3e Trim.1978, pp 259-283.


Liens :
[url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/Relation oppositionnelle.pdf][ltr]Relation oppositionnelle[/ltr][/url] par le P. Papathomas

[url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/4 Niveaux de Co-Terr-fr.pdf][ltr]4 niveaux de co-territorialité[/ltr][/url] par le Professeur Grégoire Papathomas
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Message  Arlitto Lun 7 Mar 2016 - 14:57

Théologie

"MAIS AUSSI LE PERE !"

par le Métropolite STEPHANOS de Tallinn

AVANT-PROPOS
Ce n'est qu'à partir du Christ ressuscité par le Père dans l'Esprit – en ce Christ ressuscité lors de l'eucharistie ecclésiale dans l'histoire, et finalement comme ce même Christ ressuscité dans le Royaume à venir – que nous pouvons connaître et reconnaître, dans la foi et la gratitude, "Dieu tel qu'il est en Lui-même" : le Père unique, de son Fils unique dans son Esprit unique. Le "tel qu'il est" de Dieu n'est autre que l'existence "trinitaire" de Dieu incréé. Sa manière éternelle d'exister à partir du Père – dans la relationnalité ternaire et non binaire de chacune des trois particularités personnelles – en tant que plénitude même de leur communion ou vie incréée, ineffable et incorruptible. Bref, un "être" personnel-trinitaire, identique à la vie incréée de communion des personnes trinitaires. Ainsi, dans l'ordre de la manifestation divine, les hypostases ne sont pas des images respectives des diversités personnelles, mais de la nature commune : le Père révèle sa nature par le Fils et la divinité du Fils est manifestée dans l'Esprit-Saint. C'est pourquoi, dans cet aspect de manifestation de la Divinité, on peut établir l'ordre des personnes, la "taxis", que l'on ne doit pas, strictement parlant, attribuer à l'existence trinitaire en soi, malgré la "monarchie" et la "causalité" du Père qui ne lui confèrent aucune primauté hypostatique sur les deux autres hypostases, car Il n'est une personne que pour autant que le Fils et le Saint Esprit le soient aussi. De par sa constitution christique, l'ontologie "trinitaire", fondée sur le concept de la "monarchie" du Père (aitios), exclut aussi bien la priorité de l'essence suressentielle (incréée) de Dieu sur les trois personnes que la coexistence parallèle de celles-ci. La relationnalité des trois personnes à partir du Père est "trinitaire" (ternaire donc et non point binaire) et leur simultanéité dans la communion est "personnelle". Mais au préalable, reprenons, si vous le permettez, les éléments fondamentaux qui sont propres à l'être même de la Sainte Trinité.
UN DIEU QUI EST TRINITE :
Chacune des trois Personnes est entièrement Dieu, complètement Dieu. Aucune des trois Personnes n'est plus ou moins "Dieu" que les autres. A chacune de ces trois Personnes revient, non pas un tiers de la Divinité, mais la divinité dans sa totalité. Notons toutefois que chacune des trois Personnes vit et est cette Divinité de façon bien distincte et personnelle. Saint Grégoire de Nysse insiste sur cette unité dans la diversité : "Tout ce qu'est le Père, nous le voyons révélé dans le Fils, tout ce qui est au Fils est aussi au Père ; car le Fils tout entier demeure dans le Père, et en lui demeure le Père tout entier. Le Fils qui existe toujours dans le Père ne peut jamais être séparé de lui, et l'esprit ne peut jamais être divisé du Fils qui, à travers l'esprit, accomplit toute chose. Celui qui reçoit le Père reçoit en même temps le Fils et l'esprit. Il est impossible d'envisager une séparation ou une désunion entre eux : on ne peut penser au Fils sans penser au Père, ni séparer l'esprit du Fils. Il y a entre les trois un partage et une différenciation qui sont au-delà des mots et de la compréhension. La distinction entre les personnes n'entrave pas l'unicité de leur nature, pas plus que l'unicité partagée de leur essence ne mène à une confusion entre les caractéristiques distinctives des personnes. "Ne soyez pas surpris que nous parlions de la Trinité comme étant à la fois unifiée et différenciée. Ayant recours à un jeu de mots, nous envisageons une étrange et paradoxale "diversité-dans-l'unité" et "unité-dans-la-diversité". "Jeu de mots…" Saint Grégoire revient à maintes reprises sur le cté paradoxal de la doctrine de la Trinité, qui est, nous dit-il, au-delà "des mots et de l'entendement". Dieu nous la révèle. Notre propre raison est incapable de nous la démontrer. Nous pouvons l'évoquer. Nous ne pouvons pas pleinement l'expliquer. Notre raison est don de Dieu, apprenons à nous en servir au maximum tout en reconnaissant ses limites. La Trinité n'est pas une théorie philosophique. La Trinité est ce Dieu vivant que nous adorons. Nous arrivons donc à un point dans notre approche de la Trinité où dialectique et analyse doivent s'effacer devant la prière silencieuse. "Que toute chair mortelle fasse silence et se tienne dans la crainte et le tremblement…" (liturgie de saint Jacques). La première personne de la Trinité, Dieu le Père, est la "source" de la Trinité. Sa cause. Le principe d'origine des deux autres Personnes. Le lien d'unité entre les trois. Il y a un seul Dieu parce qu'il y a un seul Père. "L'union, c'est le Père, de qui et vers qui va l'ordre des Personnes." (Saint Grégoire le Théologien). Les deux autres Personnes sont chacune définies par rapport au Père : le Fils est "engendré par le Père, l'esprit "procède" du Père. Dans la chrétienté occidentale latine, on considère généralement que l'Esprit procède du Père et du Fils, et le mot filioque ("et par le Fils") a été rajouté au texte latin du Credo. L'Eglise orthodoxe voit le filioque comme une addition non autorisée, insérée dans le Credo sans le consentement de la chrétienté orientale et considère que la doctrine de la "double procession", telle qu'elle est communément présentée, est théologiquement inexacte et spirituellement dangereuse. Selon les Pères grecs du IVe siècle, auxquels l'Eglise orthodoxe continue à se référer, le Père est la seule source, le seul fondement de l'unité divine. En faisant du Fils une source comme le Père, ou avec le Père, on risque de confondre les caractéristiques distinctives de chacune des trois Personnes. La seconde personne de la Trinité est le Fils de Dieu. Son "Verbe". Son Logos. Parler de Dieu en tant que Fils et Père, c'est évoquer ce courant d'amour mutuel que nous avons mentionné plus haut. C'est aussi rappeler que, de toute éternité, Dieu lui-même, en tant que Fils, par obéissance et par amour filial, rend à Dieu le Père l'existence que le Père, par don de soi paternel, génère éternellement en lui. C'est par le Fils et à travers le Fils que le Père nous est révélé: "Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie : nul ne vient au Père que par moi". (Jn 14.6). C'est lui qui est venu sur terre. Il s'est fait homme. Lui qui a pris chair de la Vierge Marie, à Bethléem. En tant que Verbe ou Logos de Dieu il agit même avant son Incarnation. Il est le principe de tout ordre, la fin de toute chose. Il rassemble tout en Dieu et fait de l'Univers un "cosmos", un ensemble harmonieux et intégré. Le Créateur-Logos a départi à toute chose créée son propre logos intime, principe intérieur qui permet à cette chose d'être distinctivement elle-même et qui l'attire et l'oriente vers Dieu. A nous, artisans humains, il incombe de discerner ce logos, présent au cœur de chaque chose et de le rendre manifeste. Ne cherchons pas à dominer, apprenons à coopérer. La troisième Personne est le Saint-Esprit, la "brise", le "souffle" de Dieu. Tout en reconnaissant qu'une classification bien nette est impossible, nous pouvons dire que l'Esprit est Dieu en nous, que le Fils est Dieu avec nous, et que Dieu le Père est au-dessus ou au-delà de nous. Comme le Fils nous montre le Père, de même l'Esprit nous montre le Fils et nous le rend présent. La relation est cependant mutuelle. L'Esprit nous rend le Fils présent, mais c'est le Fils qui nous envoie l'Esprit. (Notons la distinction entre "l'éternelle procession" de l'esprit et sa "mission temporelle". L'Esprit est envoyé dans le monde, dans le temps, par le Fils; mais pour ce qui est de son origine au sein de la vie éternelle de la Trinité, l'Esprit procède du Père seul). Pour caractériser chacune des trois personnes, Synésius de Cyrène écrit: "Salut, source du Fils ! Salut, image du Père ! Salut, demeure du Fils ! Salut, sceau du Père ! Salut, puissance du Fils ! Salut, beauté du Père ! Salut, Esprit très pur ! A travers notre rencontre avec Dieu dans la prière, nous savons que l'Esprit est différent du Fils, même si les mots ne nous permettent pas de préciser cette différence. Essayons d'illustrer la doctrine de la Trinité en examinant les figures trinitaires dans l'histoire du Salut et dans notre vie de prière personnelle. Les trois Personnes, nous l'avons vu, opèrent toujours ensemble. Elles ne possèdent qu'une seule volonté et qu'une seule énergie. Saint Irénée voit dans le Fils et l'Esprit les "mains" de Dieu le Père à l'œuvre dans tout acte créateur et sanctifiant. L'Ecriture Sainte et la Liturgie nous en fournissent de nombreux exemples :
1. La Création
"Par la parole de Yahvé les cieux ont été faits, Par le souffle de sa bouche, toute leur armée". (Ps 33, 6). Dieu le Père créé par son "Verbe", c'est-à-dire le Logos (la seconde Personne). Il crée aussi par le "souffle de sa bouche" c'est-à-dire l'Esprit (la troisième Personne). De ses "mains", le Père façonne l'univers. Il est dit du Logos, "Tout fut par Lui" (Jn I, 3.) Comparons avec le Credo: "… Par lui tout a été fait"). De l'Esprit, il est dit qu'à la création, "le vent de Dieu tournoyait sur les eaux" (Gn I, 2). Ainsi, toute la création porte le sceau de la Trinité.
2. L'Incarnation
Lors de l'Annonciation, le Père envoie l'Esprit-Saint sur la Bienheureuse Vierge Marie, qui conçoit le Fils Eternel de Dieu (Lc I, 35). L'Incarnation divine est une opération trinitaire. L'Esprit est envoyé par le Père pour réaliser la présence de son Fils dans le sein de la Vierge Marie. L'Incarnation est le fruit de l'opération de la Trinité, certes, mais aussi du libre choix de Marie. Dieu n'a-t-il pas attendu son consentement qu'elle exprime en ces mots : "Je suis la servante du Seigneur, qu'il m'advienne selon ta parole" (Lc 1,38). Sans son consentement, Marie ne serait pas devenue la Mère de Dieu. La grâce divine ne détruit pas la liberté humaine, elle l'affirme.
3. Le baptême du Christ
Dans la tradition orthodoxe on considère le baptême du Christ comme une révélation de la Trinité. La voix du Père "venue des cieux" rend témoignage au Fils : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur." Au même moment, l'Esprit-Saint, sous la forme d'une colombe, descend du Père et vient sur le Fils (Mt. 3, 16-17). Voici l'hymne que chante l'Eglise orthodoxe le jour de l'Epiphanie (le 6 janvier), la fête du Baptême du Christ : "Ton Baptême dans le Jourdain, Seigneur, Nous montre l'adoration due à la Trinité, La voix du Père t'a rendu témoignage, Elle t'a nommé Fils bien-aimé, Et l'Esprit, sous la forme d'une colombe, A confirmé l'inébranlable vérité de cette parole."
4.La transfiguration du Christ
Encore un événement concernant toute la Trinité. On retrouve entre les trois Personnes la même relation qu'au Baptême du Christ. Des cieux, le Père témoigne : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur, écoutez-le" (Mt. 17, 5) et, comme au Baptême, l'Esprit descend sur le Fils, mais, cette fois, sous la forme d'une nuée lumineuse (Lc. 9, 34). Comme nous l'affirmons dans l'un des hymnes de cette fête (célébrée le 6 août): "Aujourd'hui sur le Thabor dans la manifestation de ta lumière, Seigneur, Toi qui es la lumière immuable du Père sans origine, Nous avons vu le Père comme lumière, Et comme lumière l'Esprit Qui illumine la création tout entière".
5. L'épiclèse eucharistique
La même figure trinitaire évidente dans l'Annonciation, le Baptême et la Transfiguration, réapparaît au point culminant de l'Eucharistie, l'Epiclèse ou invocation de l'Esprit-Saint. Le célébrant, en s'adressant au Père, dit, dans la Liturgie de Saint Jean Chrysostome : "Nous t'offrons encore ce culte raisonnable et non sanglant. Et nous T'invoquons, nous te Prions et nous Te supplions : Envoie ton Esprit-Saint sur nous et sur les dons qui sont ici présentés, Et fais ce Pain, Corps Précieux de ton Christ, Et ce qui est dans ce calice – Sang précieux de ton Christ, Opérant le changement par ton Esprit-Saint." Comme à l'Annonciation, et pour continuer l'Incarnation du Christ dans l'Eucharistie, le Père fait descendre l'Esprit Saint, afin de rendre effective la présence du Fils dans les dons consacrés. Là, comme toujours, les trois Personnes de la Trinité opèrent ensemble. Toutefois à force de parler du Christ, et maintenant de l'Esprit, on oublie de parler du Père. Il est vrai qu'il est plus facile de parler de notre relation avec le Christ. On rencontre le Christ. Mais l'Esprit est le Dieu intérieur, l'Hôte secret, qui constitue le mouvement même de la rencontre. Dans l'Eglise, sacrement du Ressuscité, se produit une Pentecte permanente, plus ou moins voilée selon notre transparence ou notre opacité. Pourtant, ne l'oublions pas, l'Eglise ancienne ne parlait guère de Dieu en général. Elle parlait du Père, et tenait ce nom pour supérieur à celui de Dieu. L'océan de l'essence divine, océan de paix, de lumière et de joie, jaillit du Père, que nous pouvons avec Jésus, dans l'Esprit Saint, appeler abba, un mot de la plus enfantine tendresse. En général, on souligne que l'antinomie proprement impensable qui constitue le cœur de la révélation chrétienne tient dans l'identité de la Gloire et de la Croix, du Dieu au-delà de Dieu et de l'Homme de douleurs. Mais cette "antinomie apophatique" s'inscrit dans ce nom même de Père, dans l'identité de l'origine abyssale et de l'abba… Que le Père, en effet, soit le "principe" de la Trinité n'implique aucune supériorité de sa part, aucune subordination du Fils. De même que le Christ, dit l'épître aux Philippiens, "s'est évidé" -ékénsen- sur la croix, de même, pourrait-on dire, le Père "s'évide" de toute éternité pour que soit le Fils en qui il fait reposer l'Esprit. Car l'Esprit est "l'onction" éternelle du Fils et "l'onction" messianique de Jésus. C'est par l'Esprit que le Père ressuscite le Fils incarné et assassiné, c'est dans l'Esprit qu'il le glorifie. Mystère d'une paternité secrètement crucifiée qui donne l'Esprit "sans mesure", au Christ et donc à tous les hommes devenus ses "cohéritiers". Pour la théologie patristique, le sacrifice de Jésus n'est nullement exigé pour satisfaire la justice divine, apaiser le courroux de Dieu et rendre celui-ci propice à l'humanité. "Le sang répandu pour nous, écrivait Grégoire de Nazianze, sang très précieux et glorieux de Dieu… pourquoi fut-il versé et à qui fut-il offert ? Si ce prix est offert au Père, on se demande pour quelle raison… Pourquoi le sang du Fils unique serait-il agréable au Père qui n'a pas voulu accepter Isaac offert en holocauste par Abraham… N'est-il pas évident que le Père accepte le sacrifice non qu'il l'exige ou en éprouve quelque besoin, mais pour réaliser son dessein : il fallait que l'homme fût vivifié…" Le sacrifice de Jésus est un sacrifice de vivification : il offre l'humanité à son Père pour que celui-ci la vivifie dans l'Esprit Saint, pour que les hommes, en Christ, deviennent eux aussi des "christ", des "oints" de l'Esprit. Et la passion du Fils, dit Origène, est inséparable d'une mystérieuse "passion d'amour" du Père: "Le Père, lui non plus, n'est pas impassible…, il a pitié, il connaît quelque chose de la passion d'amour, il a des miséricordes que sa souveraine majesté semblerait devoir lui interdire."
LE PERE SPIRITUEL, ICONE DU PERE CELESTE
Cette vision s'inscrit dans l'expérience, monastique surtout, mais non uniquement, du père spirituel. Celui-ci est avant tout un "spirituel", un homme rempli de l'Esprit qui repose sur le corps ecclésial du Christ. On ne peut comprendre la paternité spirituelle qu'en la plaçant dans la mouvance de l'Esprit manifestant le mystère de ce qu'on pourrait appeler la "patri-filiation". Le père spirituel s'associe au dessein du "Père céleste" : de ramener dans la "demeure de l'amour", qui est l'Esprit, la créature réconciliée. Il prend toute la valeur d'une icône, l'icône de la Paternité sacrificielle et libératrice, qui donne l'Esprit. Selon une vieille sentence, le père spirituel n'est pas un législateur mais un modèle. Si l'on se remet à lui dans une entière confiance, c'est pour grandir vers sa propre libération. Telle est la réponse chrétienne à la dialectique du maître et de l'esclave, à la mise à mort du père qui a constitué le nerf de l'anti-théisme moderne, à la nostalgie, ambigüe de paternité qui, par compensation, se fait jour maintenant dans la sensibilité occidentale. Abba Poemen, un père du désert du 4e siècle, disait : "Sois pour tes frères un modèle, pas un législateur". Le premier rôle que les gens attendent d'un père spirituel est certainement celui de conseiller, d'accompagnateur, un peu comme un guide de montagne. Cela suppose qu'il ait une expérience de la vie en Dieu, qu'il connaisse les chemins qui mènent au sommet, les embûches, les impasses, les pièges à éviter. Dans cette perspective, il y a différents styles de paternité spirituelle, qui vont du commandement sans explication ("Tu dois faire cela") à la proposition qui appelle à la liberté et à la responsabilité de l'enfant spirituel. Il ne faut pas opposer ces différents styles ; il se peut, en effet, que certaines personnes, à certains moments, aient besoin de conseils plus directifs que d'autres personnes ou qu'à d'autres moments de leur existence. Mais en aucun cas, il ne s'agit de "direction de conscience", expression qui fait se dresser tous les poils de ma barbe. A nouveau, il s'agit pour le père spirituel d'être le canal de l'Esprit Saint. Son conseil ne doit pas venir, d'une démarche intellectuelle, de son propre raisonnement logique ou éthique –consistant par exemple à peser le pour et le contre, mais de l'inspiration que Dieu lui communiquera dans son cœur par la prière. Un grand saint russe du siècle passé, Séraphin de Sarov, sentait très bien cela… Il pouvait couper court à un dialogue en donnant sa bénédiction et disant: "Maintenant allez, c'est fini. Car si je continue, c'est moi qui parlerai et non plus le Saint-Esprit en moi". Voilà par conséquent ce par quoi se définit le service à la fois extérieur et intérieur de ce ministère particulier qu'est la paternité spirituelle, à savoir que la pratique de la "paternité spirituelle", dans la révélation que nous fait d'elle la lumière trinitaire, s'explique par le fait qu'avec le Christ, la relation Maître-esclave fait place au mystère Père-Fils. Elle ne peut donc être que cet hommage rendu à l'unique paternité divine, à sa manifestation à travers les différentes formes de participation humaine. Aussi, le "père spirituel" n'est jamais un maître qui enseigne, mais celui qui engendre à l'image du Père céleste. Cette tradition de la paternité spirituelle remonte aux "Pères du désert" ; elle ne relève donc d'aucune fonction sacerdotale. Il me semble nécessaire et important de rappeler ici que : Pour le terme "père" dans le sens d'une relation personnelle, nous avons deux traditions : - L'une remonte à St Ignace d'Antioche (Magn. 3/1) et constitue "la paternité fonctionnelle" : on appelle tout évêque ou prêtre "père" en fonction de son sacerdoce puisqu'il baptise et opère la filiation divine au moyen des sacrements et qu'il exerce la vertu pastorale inhérente au sacerdoce. - La seconde tradition remonte aux "Pères du désert". Dans ce cas précis on est "père" par une élection divine, par un charisme de l'Esprit Saint, par l'état de celui qui est devenu un "théodidacte", c'est-à-dire un enseigné directement par Dieu. Saint Antoine, ne l'oublions pas, était un simple laïc. Parmi les charismes d'un père, le primat est à la charité dont la marque la plus sûre est le martyre visible ou invisible qui fait de toute ascèse le "sacrement du frère". Voici un exemple : Saint Païssius le Grand priait pour son disciple qui avait renié le Christ. Le Seigneur lui apparut à ce moment-là et lui dit : "Païssius, pour qui pries-tu ? Ne sais-tu pas qu'il m'a renié ? " Mais le Saint ne cessait d'avoir pitié et de continuer à prier pour son disciple. Alors le Seigneur lui dit : "Païssius, tu t'es assimilé à moi par ton amour". La paternité spirituelle, c'est aussi le don de prophétie, c'est-à-dire le déchiffrement du dessein de Dieu dans des cas précis. Le starets lit en effet dans l'âme ; il sait par avance le contenu du message sans l'ouvrir, il décachette surtout les cœurs. Il est toujours dangereux de livrer à n'importe qui les secrets de son cœur, aussi la paternité spirituelle n'a pas de critère formel tout comme la vérité. "Un père, dit l'abbé Poemène, met l'âme en rapport direct avec Dieu et il conseille : ne commande jamais, mais sois pour tous un exemple, jamais un législateur". Ce n'est pas dans les règles mais en Dieu qu'on chemine ici. C'est pourquoi un geronta n'est jamais un "directeur de conscience". Il ne forme jamais son enfant spirituel mais il engendre au contraire un enfant de Dieu, libre et adulte. C'est cela l'essentiel de la paternité spirituelle : elle n'a pas d'autre raison d'être que de conduire du stade d'esclave à la liberté des enfants de Dieu. "Fais, dit-il à celui qui l'interroge, ce que tu me vois faire car je ne suis pas un supérieur pour te commander". Et ainsi l'un et l'autre se mettent en commun à l'école de la vérité. Le disciple reçoit le charisme de l'attention spirituelle, le père reçoit le charisme d'être l'organe de l'Esprit Saint. Ici toute obéissance est obéissance à la volonté du Père céleste, en participant aux actes du Christ obéissant. En fait le dernier mot de la filiation spirituelle est au-delà de l'obéissance. Le novice doit obéir et se soumettre à celui qui rend obéissance au Christ, afin d'arriver à la conformation au Christ obéissant, dit Théodore Studite (in Epist. 43).
L'EGLISE ET LE "BON VOULOIR DU PERE"
On ne peut traiter de l'ecclésiologie sans se référer aux autres chapitres de la théologie. Parce que l'Eglise est une réalité qui tire son origine de la Sainte Trinité, de Dieu Lui-même. Elle découle de la volonté du Père, laquelle est commune aux deux autres personnes de la Sainte Trinité et elle se réalise au sein de l'Economie divine de Dieu, qui se fonde aussi sur les trois personnes de la Sainte Trinité. Par conséquent, on ne peut traiter de l'ecclésiologie (c'est-à-dire de l'Eglise) sans se référer au Dieu trinitaire. De façon générale, dès lors qu'il est question d'Economie, tout tire son origine du Père et tout s'en retourne pour finir au Père. Au sein de la Sainte Trinité, celui qui donne origine à tout et qui en exprime le désir est le Père. Et le Père a voulu l'Eglise. Qu'est-ce que cela signifie ? Le Père a voulu unir le créé avec l'incréé, unir son monde avec Lui-même. Non point uniquement selon ce qui convenait d'être mais l'unir dans son Fils unique. Par conséquent l'initiative pour que l'Eglise soit est bien l'initiative du Père. Certes, le Fils et l'Esprit Saint y contribuent mais en rappelant cela, il ne faut pas perdre de vue cette subtile distinction qui relève de l'action propre au Père. Pour ce qui est du Fils sa contribution particulière consiste en ceci: en premier lieu consentir librement à la volonté du Père et secondement devenir le foyer, le centre à partir duquel pourra se réaliser cette union du créé avec l'incréé. Le salut de la création dépend en dernier ressort du recours du Père mais dans le Fils. L'Esprit Saint quant à Lui possède aussi sa propre particularité à cette contribution: à savoir, rendre possible cette incorporation de la création dans le Fils en offrant par sa présence la possibilité à la création d'ouvrir, de s'ouvrir de telle sorte que puisse devenir effective l'incorporation dans le Fils. Parce que la création ne peut pas à elle seule communier avec Dieu à cause de sa limitation naturelle et non pas uniquement à cause de la chute, laquelle s'oppose à Dieu et empêche l'incorporation en Christ. L'Esprit Saint collabore avec le Fils pour que l'incorporation de la création devienne possible, pour que s'incorpore le créé dans le Fils et non dans le Saint Esprit. L'Esprit Saint par conséquent n'est pas Celui "dans lequel" la création s'unit, ni d'ailleurs le Père. Cela revient au Fils seul. Bien sûr le Fils n'agit pas sans la présence du Père et de l'Esprit Saint mais nous ne pouvons pas nous permettre de confondre les actions qui sont propres à chaque personne. L'Eglise s'inscrit à l'intérieur de ce plan trinitaire d'après lequel le Père est Celui qui veut, le Fils Celui qui offre sa personne pour que la création s'y incorpore et entre en relation avec Dieu le Père, et le Saint Esprit. Celui qui libère la création des frontières et des limitations du créé. Tout cela devient possible au sein de l'Eglise mais en ayant pour centre le Fils. C'est pour cette raison que l'Eglise est décrite comme Corps du Christ. Jamais comme corps du Père ou du Saint Esprit. Le bon vouloir du Père, qui dès le commencement de la Création demeurait comme finalité dernière. Pour cette raison l'Eglise comme incorporation dans le Fils serait de toute façon devenue réalité. Le but de la création c'est l'Eglise. Mais pour que se fasse cette incorporation de la création dans le Fils et que l'Eglise se réalise, il était nécessaire d'assurer le libre consentement de l'homme. Parce que l'homme, en tant que seul être libre au sein de la création, est celui qui au niveau de la nature est à même de servir comme instrument pour permettre au créé de se tourner vers Dieu. Mais l'homme, qui résume en lui la création, au lieu de se référer en fin de compte à Dieu, a voulu se référer à lui-même, autrement dit, il a divinisé lui-même son être. Il importait donc à Dieu d'imaginer un autre moyen pour sauver le monde et l'unir à Lui. Ce moyen, c'est l'incarnation du Fils dans le monde déchu; cela signifie que désormais le Fils, ainsi que l'homme en général avec tout le créé, doivent passer par l'expérience de la mort pour atteindre l'union, et pour cela il fallait qu'intervienne la Croix. Ainsi l'Eglise se présente sous une forme nouvelle autre que celle prévue et désirée initialement par le Père. L'Eglise est une réalité qui passe par la Croix ; par ce passage elle se drape de toutes les caractéristiques de la Croix sans que cependant elle n'ait pour but et perspective de s'arrêter à cet état-là. Ces caractéristiques de la Croix elle se doit de les transformer en caractéristiques de la situation eschatologique. Ici commencent les difficultés pour les spécialistes de l'ecclésiologie. Parce que le passage de l'Eglise par la Croix lui laisse les stigmates de la Croix, lesquels sont des blessures qu'infligent le mal et l'histoire au Corps du Christ. Par conséquent beaucoup ne vont pas plus loin et prétendent que c'est cela qui fait l'identité de l'Eglise. Un corps, cette création incorporée au Christ, qui est toutefois blessé par le mal tout comme l'est la Croix. Pour cette raison, toute la musique, la littérature, la théologie de l'Occident se préoccupent de ces problèmes, qui sont la conséquence du mal dans le monde, et ne cherchent pas à les surmonter. Ainsi les traits caractéristiques de cette ecclésiologie se présentent comme étant ceux qui voient l'Eglise, à travers le prisme de l'histoire, comme un corps qui se sacrifie, qui souffre et qui rend service au monde. C'est une ecclésiologie très attirante qui fait beaucoup appel au sentiment de l'homme, mais c'est aussi une ecclésiologie qui enferme à l'excès l'Eglise à l'intérieur du monde. Aussi dans cette ecclésiologie une place prépondérante est réservée à l'action de l'Eglise dans le monde. Que compte faire l'Eglise devant la menace du mal, devant les problèmes du monde, devant la souffrance de l'homme ? Comment va-t-elle le libérer, comment servir l'homme pour atténuer sa souffrance ? Il vous suffit de regarder les Eglises d'Occident, comment d'une manière ou d'une autre elles s'occupent principalement de ces questions. De sorte que l'Eglise se présente sous un aspect éminemment moral. Et dans ce cas on est disposé à considérer l'identité, l'Etre de l'Eglise à partir de son action dans le monde. Vu sous cet angle le Fils est compris clairement comme le Fils crucifié. C'est pour cette raison que, selon l'ecclésiologie occidentale, les sacrements et particulièrement la façon d'aborder l'Eucharistie ne sont rien d'autre qu'une continuation, qu'une répétition du Golgotha, sa présence permanente. La Croix est plantée au centre de l'Eucharistie, comme c'est le cas de nos jours dans beaucoup d'Eglises orthodoxes (chose autrefois inconnue). Mais cela est le fait de l'Occident. En Orient on ne peut pas facilement s'arrêter sur la seule Croix parce que l'Eucharistie est ainsi conçue qu'elle nous pousse à surmonter la Croix. L'Eucharistie n'aboutit pas au Golgotha mais elle nous introduit dans le Royaume de Dieu. Elle nous place devant la communion des Saints, l'éclat, la lumière, la brillance des choses dernières et ce par le truchement de l'iconographie, des ornements sacerdotaux, des paroles prononcées, de la psalmodie ; en utilisant en un mot tous les moyens qui sont propres à la tradition orthodoxe au cours de la Divine Eucharistie. Tout pousse au dépassement du Golgotha. C'est pour cela que notre ecclésiologie retourne à ce désir initial du Père, lequel définit comme la finalité de la Création et de l'Economie l'union du créé avec l'incréé. Si la finalité de l'Eglise, et donc son identité finale, reposent dans la réalisation et l'avant-goût du Royaume de Dieu, alors l'ascèse qui est participation à la souffrance et à la Croix, cesse d'être le but le plus élevé de l'Eglise. C'est le dépassement de la Croix par la lumière de la Résurrection qui constitue l'Etre de l'Eglise. Par conséquent il n'est pas possible d'arriver à la Résurrection sans passer par la Croix. Cela nous le disons et le redisons tous. Beaucoup l'oublient cependant et nous avons tendance à parler de l'Eglise sans faire mention de l'expérience résurrectionnelle du dépassement par la Croix, sans cette expérience de la création nouvelle qui baigne dans la lumière. L'Eglise est cette réalité qui doit exprimer la transfiguration de tout le cosmos. La transfiguration du monde matériel ainsi que celle de la communion humaine et de la communauté. Aussi il y a Eglise lorsqu'il y a communauté. Nous aboutissons de la sorte à cette conclusion que le vouloir du Père consiste en ce que le monde entier, y compris le monde matériel, devienne Eglise, dans le Fils en tant que Corps du Christ, pas seulement les hommes ou encore moins une certaine catégorie d'hommes; et que, suite à la chute de l'homme, cette incorporation du monde dans le Fils passe par la Croix mais ne s'arrête pas à la Croix. Elle passe par l'école de l'ascèse, par cette profonde expérience du mal qui ébranle l'ascète et qu'il fait sienne, à l'instar de Saint Antoine, par son combat contre le diable (tel est le véritable ascète et non pas ces moines rêveurs…). Cet ascète qui participe à la Croix et à la traversée du vouloir du Père ; qui passe par la porte étroite pour accéder au Royaume des choses dernières. L'Eglise, elle aussi, se propulse jusque là; elle ne s'arrête pas à la Croix ni devant la porte étroite. Dans le Royaume elle trouve sa totalité et sa réalisation. L'ecclésiologie orthodoxe qui se veut saine est celle qui pousse le moine et le laïc dans leur lutte contre le mal à goûter, à s'approprier l'avant-goût du Royaume de Dieu et ce, grâce à la Divine Eucharistie, à l'expérience de la lumière ; une expérience par laquelle une communauté d'hommes devient icône du monde à venir, du monde de la communion future out comme de celui de la future création matérielle qui aura surmonté la corruption. Cela a des conséquences sur notre façon d'aborder la vie spirituelle, l'organisation de l'Eglise, les sacrements et n'importe quel autre aspect de l'Ecclésiologie.
CONCLUSION :
Si l'agir de Dieu dans l'Economie est trinitaire, alors Dieu le Père est bien présent dans l'ensemble de l'Histoire en intervenant sans cesse avec ces deux mains, le Fils et l'Esprit, - pour reprendre ici la belle image d'Irénée de Lyon - au sein de la création, tout comme à l'égard de notre salut et de notre propre accomplissement. Le Père Lui-même agit, autrement dit se rend présent, dans l'Economie tel qu'Il est (c'est-à-dire dans le mystère de sa monarchie) et comme Il est, à savoir avec le Fils et avec l'Esprit Saint. Aussi dans le don de l'Esprit, "l'eucharistie ecclésiale" nous anticipe réellement, bien que paradoxalement, la "vérité communionnelle" de l'Economie de Dieu dans son ensemble telle qu'elle se donne à nous en Christ (et dont elle dépend constamment). A partir de cela on peut affirmer que le Christ constitue "en sa personne dans l'histoire" la révélation même de "l'être de Dieu" tel qu'Il est (Père, Fils et Esprit) et ce à partir du Père. Rappelons-nous ici pour conclure ces paroles de Maxime le Confesseur (PG 90, 876 CD) : "Par son Incarnation, le Verbe de Dieu nous enseigne la "theologia" en ce qu'Il nous montre en Lui le Père et l'Esprit Saint", à savoir la bonté du Père et la liberté de l'Esprit. Par conséquent, c'est à l'Eglise qu'il revient de susciter ces présences qui pacifient et approfondissent l'existence et dispensent, d'abord par l'exemple, les ascèses qui ne dessèchent pas mais vivifient. Des hommes capables de bénir la vie et de la faire accueillir par d'autres comme une bénédiction. Pouvant par-là donner sens à la paternité biologique, qui ne va plus de soi. Des hommes capables de partager la "passion d'amour" du Père, et dont l'attitude fondamentale, pour reprendre l'enseignement de Zossime, soit "l'humilité de l'amour, … force terrible, la plus puissante".
Madrid, le 25/O2/1999
BIBLIOGRAPHIE
- C. AGORAS : "Le mode trinitaire du fondement de l'Eglise, sacrement du Ressuscité et icône du Royaume" (inédit Paris 1999)
- A. RIOU : "Le Monde et l'Eglise selon Maxime le Confesseur" Coll Théologie historique n°22 Beauchesne Paris 1973 P.218
- O. CLEMENT : "Anachroniques" DDB Paris 1990 pp:131-155
- S. COSSEC : "La paternité spirituelle, un service de prière et de compassion" in SOP n°233 décembre 1998 pp:29-31
- V. LOSSKY : "A l'image et à la ressemblance de Dieu", coll Le Buisson Ardent, Ed Aubier-Montaigne Paris 1967 pp:67-93
- Mgr STEPHANOS : "La paternité spirituelle dans la tradition monastique d'Orient" Ed. Association des amis de Sénanque France 1986 in Monachisme d'Orient et d'Occident pp:103-116
- K. WARE : "Approches de Dieu dans la Tradition Orthodoxe" DDB Paris 1982 pp: 47-61
- J. ZIZIOULAS : "L'identité de l'Eglise" in revue grecque DIAVASSI n°6 Athènes 1997 pp:5-7
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La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie» - Page 2 Empty Re: La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie»

Message  Arlitto Lun 7 Mar 2016 - 14:57

REBATIR LA MAISON COMMUNE DE L'EGLISE

L'Eglise est le cœur du monde, même si le monde ignore son cœur. Au temps de la grande Chrétienté on avait oublié cela, semble-t-il, parce que tout le monde était chrétien. Mais depuis, Byzance a été assassinée. Et si son humanisme est passé en Occident, la théologie et la spiritualité des énergies divines, le sens des potentialités sacramentelles de la matière ont été, sinon oubliés, du moins ensevelis dans quelques monastères, sans aucune application dans la culture et dans l'histoire. Reconnaissons-le sans polémique aucune, le christianisme occidental n'a pas pu assumer tout cela, malgré l'élan qu'il a su donner à la science et à la technique modernes. Or, ce qui n'est pas transfiguré se défigure nécessairement à un moment ou à un autre de l'histoire.
Comment appeler l'humanité à une œuvre commune aimantée par l'amour de l'homme, image de Dieu, et de l'univers, qui est sa création, sinon par un engagement commun, un partage de tous les chrétiens à travers l'acquis de leurs expériences réciproques et de leurs communes espérances ? Prenons donc la peine, avant toute autre démarche, de nous regarder un instant les yeux dans les yeux, en élargissant nos cœurs par-delà l'Occident, par-delà l'Orient : l'Occident qui symbolise l'intelligence et la volonté ; l'Orient qui symbolise la sagesse ontologique ; l'Occident qui pense, et pense encore par opposition ; l'Orient qui sent et, par-là même, pense par intégration ; l'Occident, ce « moi » vigilant, structuré, formé par une culture humaniste aux fortes disciplines, cherchant Dieu dans une tension pathétique qui fouette sa conscience et sa volonté ; l'Orient, ce « soi » longtemps fluctuant et menacé d'ambivalence, mais qui, une fois «centré», permet à la lumière de Dieu de pénétrer les profondeurs de la vie, du cosmos : non point tendu vers Dieu, mais paisiblement saturé de sa présence... Et nous verrons, nous comprendrons alors que l'un ne peut aller sans l'autre
Une tâche commune pour le monde
Pourtant, pour le monde d'aujourd'hui, le sort du christianisme est apparemment réglé : l'Eglise n'est considérée que comme une réalité sociologique plus ou moins utile, face à un humanisme laïc, en fait souvent athée et antireligieux. Alors, pourquoi le monde se poserait-il des questions au sujet de l'Eglise ?
L'Eglise, coextensive au monde
Mais pour nous, qui sommes du Christ et en Christ, il en va tout autrement. Car, même si Son Eglise apparaît comme égarée dans un monde désorienté, il s'agit avant tout, me semble-t-il, du sens de l'existence ; et le sens ne peut venir que de l'homme, et non de la technique, dès lors que l'homme se reconnaît image de Dieu et aborde le monde comme don et comme parole de Dieu. Est-il donc si utopique, dans ces conditions, de prétendre que notre rôle consiste essentiellement à modifier la réalité de la culture et de la société, et, partant, à chercher à redonner à la présence de l'Eglise dans le monde un sens nouveau de son existence dans l'histoire universelle ? Si nous sommes convaincus que l'Eglise, comme projet divin et comme destin, est bien coextensive au monde, pourquoi n'oserions-nous pas affirmer que cette même Eglise, « passionnée de son Epoux, le Christ Roi, sereine à l'égard des enfantements de l'histoire, toujours accueillante de la créativité et de la liberté, vivant humblement dans l'absolu métaphysique de la pauvreté, et témoignant devant les puissances et le pouvoir, ainsi que l'écrit le Métropolite Georges Khodr, est bien ce parfum du Royaume » ?
Car nous savons bien que l'histoire ne doit pas seulement être entendue comme une grandeur purement humaine ou purement divine, mais comme cette réalité à laquelle prennent part à la fois Dieu et l'homme. Qu'il me soit permis d'expliciter cela plus théologiquement. La divinisation du monde par la contribution de l'homme est, en effet, une divinisation riche de toutes les pensées et de tous les sentiments humains. Par là, l'homme découvre le vrai sens du monde, sa destination d'être le contenu de l'esprit humain et de l'Esprit divin. L'homme, après la chute, a voulu mettre sur le monde un sceau purement humain, en ne voyant plus le sens profond du monde et de l'homme. Voilà pourquoi le Logos est devenu homme : pour accomplir cette tâche de diviniser le monde par l'humain, tâche dont l'homme était déchu par le péché.
Par le travail, qui englobe savoir scientifique et savoir technique, l'homme est appelé à collaborer avec Dieu pour le salut de l'univers. C'est là tout particulièrement que le chrétien doit être un authentique homme liturgique. Au moment où le problème de la technique moderne se pose à nous dans toute son intensité, il y a lieu de rappeler que l'homme ne vit pas seulement de pain. Pour les Pères grecs, et surtout les Antiochiens, l'existence de l'homme à l'image de Dieu s'inscrit dans le travail comme double transcendance à l'égard de la nature. Transcendance de « sagesse », par l'intervention des arts et de la technique ; et transcendance de «communion», l'humanité constituant, comme le dit Soloviev, le « logos » collectif de l'univers.
Garder la foi, sauvegarder la création
Le moment serait donc mal venu, pour les chrétiens, de renoncer au spirituel, alors qu'il s'agit d'apporter à l'homme la certitude de sa transcendance et les forces intérieures indispensables à la maîtrise de la machine. Garder le monde actuel, c'est garder son orientation et sa tendance vers le dépassement continuel jusqu'à l'incréé, sa finalité extrême qui est la communion avec Dieu ; c'est garder la foi. Garder le monde, en même temps en création et en corruption, c'est aussi garder le dynamisme créateur que Dieu a donné : sauvegarder ses créations de la corruption.
Cette sauvegarde, qui s'appelle également salut, ne peut être accomplie que par l'intégration des réalités du monde dans l'Eglise, par leur transformation en corps de l'Eglise. Le travail par lequel le monde se transfigure en Eglise s'accomplit dans le laboratoire de la prière. Par la prière, l'homme devient transparent à Dieu et au monde : Dieu habite l'homme et remplit sa pensée, son corps, les œuvres de ses mains.
Nous touchons ici au cœur même de la spiritualité orthodoxe, la « prière de Jésus », contenue dans cette simple phrase : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu vivant, aie pitié de moi le pécheur ! » Par cette invocation, c'est Jésus Lui-même que l'on intériorise en soi, puisqu'en fait Il a émigré dans notre cœur. La « prière de Jésus » est à la fois un appel au secours dans une occasion d'humilité, et une invocation du Nom de Jésus. Elle résume en quelque sorte la foi chrétienne, puisque le cœur de l'homme devient le réceptacle du Nom de Jésus et communique l'énergie divine. La « prière de Jésus », en fait celle du publicain de l'Evangile, résume tout le message biblique réduit à son essentielle simplicité : confession de la Seigneurie de Jésus et de sa divine filiation. Le commencement et la fin sont ramassés ici dans une seule parole chargée de la « présence-sacrement » du Nom du Christ. Mais si le Nom de Jésus devient le foyer d'une vie, il ne faut pas s'imaginer que son invocation est un moyen court qui dispense de l'effort d'ascèse. Le Nom de Jésus est Lui-même en fait un instrument d'ascèse, un filtre au travers duquel ne doivent passer que les pensées, les actes, les paroles compatibles avec la vivante réalité qu'il symbolise.
D'où la nécessité impérative, pour toute l'Eglise, de célébrer l'Eucharistie, de célébrer Pâques aussi en dehors du Temple, dans toutes les œuvres journalières, techniques et scientifiques. Cette célébration de la liturgie ne peut avoir de véritable sens que si elle embrasse toute la vie humaine, intérieure et extérieure, pour la transformer en œuvre de résurrection.
La maison commune de l'Eglise
Il ne suffit pas, cependant, de vouloir faire ensemble l'Eglise du Christ : encore faut-il nous entendre sur le point de départ. Car le monde chrétien est encore divisé, « non seulement, selon le P. Georges Florovsky, quant aux affaires de ce monde, mais encore quant au Christ lui-même ». Déjà les croisades avaient brutalement mis en contact deux religions populaires, deux mentalités closes, « qui donnaient aux détails une importance presque magique et qui étaient incapables de penser l'autre » (Olivier Clément). Ainsi, deux ensembles ecclésiologiques, théologiques, culturels se sont formés à l'écart l'un de l'autre, qui, pour finir, avec la mise en contact forcée que provoquèrent les croisades, se dressèrent l'un contre l'autre. Avec la tragique conséquence qu'à un moment de son histoire, difficile à préciser, le monde chrétien, comme s'il avait pris peur de l'Esprit Saint, vint à s'enfermer dans la crainte de la vie et de la liberté, «dans un moralisme plutôt ritualiste en Orient, plutôt juridique en Occident. Alors les bourrasques de l'Esprit, écrit encore Olivier Clément, ont soufflé à la périphérie des Eglises, parfois contre elles, dans une immense exigence de vie créatrice, de justice, de communion et de beauté.»
Par conséquent, la confrontation entre l'orthodoxie et l'Occident chrétien n'est pas une affaire d'antagonismes théoriques et abstraits, ni le lieu d'une simple contestation historique entre institutions. Ce ne sont pas tellement les différences théologiques en elles-mêmes qui importent en premier de nos jours, mais bien leurs conséquences sur la vie et sur l'action. Malgré cela, l'Eglise du Christ, qui n'est pas une seule chambre commune, peut et doit être rebâtie par tous avec plusieurs chambres différentes, à condition qu'une certaine osmose spirituelle s'établisse entre tous les membres d'une seule et même famille, comme il se doit. N'oublions pas que l'Eglise indivise se structurait toujours autour d'une «ecclésiologie de communion», d'une «ecclésiologie eucharistique» (ce qui est toujours le cas pour l'orthodoxie), pour laquelle l'église locale, grâce au témoignage apostolique de son évêque, manifeste en plénitude l'Una Sancta, à la mesure justement de sa communion avec toutes les autres églises locales.
Notre rassemblement, qui reste la condition préalable sans laquelle nous ne pourrons prétendre contribuer à la restauration de l'Unité de l'Eglise, reste donc le signe par excellence de cette communion nécessaire que nous sommes appelés à toujours approfondir dans le pardon mutuel, la simplicité, la pureté, la prière. Et dans ce cas, il n'y a plus de secret : la solution chrétienne, c'est la Croix, et non point la croisade.
Car, si nous ne nous efforçons pas de vivre ensemble la « communion » avec Dieu, la sanctification en Sa vérité, notre incorporation dans la plénitude du Corps du Christ, comment oserons-nous déployer ces forces intérieures nouvelles, susceptibles d'édifier substantiellement le travail par la fraternisation du monde, et de rallier ce qui est « désuni » dans le domaine de la culture, de l'histoire et des Eglises ? Vivre ainsi l'Eucharistie commune, c'est vivre une continuelle occasion de repentance, c'est entrer dans une transfiguration existentielle, pour être incité non à l'évasion sur le Thabor, mais au retour vers les chemins poussiéreux du quotidien.
C'est vrai que, bien souvent, le passé vit en nous, un mauvais passé qui par moments engendre la haine. Il nous incombe, aujourd'hui plus que jamais, de permettre à Dieu de l'effacer, de purifier la mémoire de l'Eglise de nos fantasmes de jadis pour que l'avenir s'ouvre aux desseins du Seigneur Tout-Puissant. Cela ne sera possible que si nous nous offrons nous-mêmes au « Père devant qui nous fléchissons les genoux ». Car, pour l'Eglise du Christ, dans un monde mécanisé qui s'use et se détruit, l'enjeu est clair : ou bien les communautés de chrétiens qui la constituent retrouveront, dans des conditions historiques nouvelles, ce que l'orthodoxie appelle «l'usage de la conciliarité», en d'autres termes, la capacité d'exprimer leur unité et leur « catholicité », ou bien elles s'émietteront en dénominations juxtaposées, incapables de porter ensemble témoignage. Pour ce faire, il nous incombe de mener ensemble une lecture nouvelle de notre histoire, une lecture qui, selon le Pr Nikos Nissiotis, « comblerait les fossés, équilibrerait les contraires, surmonterait les inimitiés et conduirait vers l'union ».
Pour un échange de dons
Pour sa part, l'orthodoxie a transmis au monde contemporain l'exigence d'une synthèse organique de l'Ecriture, de la liturgie, de l'ascèse et de la théologie. Elle a transmis la conception d'un mutuel service entre le Christ et l'Esprit Saint, entre le sacrement et la liberté. Elle a encore transmis le sens de la toute faiblesse de Dieu au cœur même de sa toute-puissance, l'annonce du Dieu crucifié pour que l'homme soit déifié. Elle rappelle que les dimensions « verticale » et « horizontale » du christianisme sont inséparables, et que le « sacrement du frère » n'aurait aucun sens en dehors du « sacrement de l'autel », puisque c'est là que l'homme reprend son souffle dans la paix et la beauté, puisque c'est au cœur même de la liturgie eucharistique que se filtre et s'approfondit la « vraie sensibilité » à l'Esprit. Elle rappelle enfin, cette orthodoxie, que le dogme n'est pas une contrainte périmée, mais un instrument d'adoration, une louange de l'intelligence : en même temps, elle le relativise par l'approche apophatique du mystère, par la grande antinomie de l'inaccessible qui, par folie d'amour, se rend réellement participable.
Mais, si l'orthodoxie a préservé, par la bonté et la fidélité de Dieu, ce dépôt de l'Eglise des Pères, elle ne peut aujourd'hui le rendre vivant pour tous qu'en s'ouvrant aux charismes propres de l'Occident. je veux dire par là qu'il s'agit d'une relecture orthodoxe de la tradition occidentale. « jusqu'à présent, écrit Nicolas Lossky, nous avons surtout fait ressortir les déviations, et les dangers des déviations de l'Occident. » A cette lecture, essentiellement négative, il est maintenant important d'opposer une évaluation positive, qui vise à reconnaître l'orthodoxie profonde de tels ou tels éléments, ainsi qu'à voir comment on peut lire de façon orthodoxe tels ou tels événements qui ont dévié surtout à cause du contexte dans lequel ils ont dû s'exprimer. Ce travail de recherche intra-orthodoxe et la relecture de la tradition occidentale sont complémentaires. Et ils ne pourront se faire sans un dur et long labeur, sans une « mort » à un certain passé, afin que le Christ croisse, tandis que nous, nous diminuerons, à l'image de Jean-Baptiste devant son Seigneur.
Et ce, d'autant plus que l'Occident est, de nos jours et plus que jamais, ouvert à tous les courants spirituels, à cause de l'incapacité de la technologie à aborder les problèmes existentiels de l'homme, et aussi parce que la situation ecclésiastique occidentale est à ce point fluctuante qu'elle a besoin de l'apport de l'Orient. Et enfin, parce qu'en ce 20ème siècle, la théologie occidentale est prête à accueillir la richesse de l'Orient dans ce domaine, surtout dans cette approche théologique de l'Orient qui n'est pas scolastique mais liturgique et mystique, le monde byzantin mettant plutôt l'accent sur l'unité du divin et de l'humain, et donc sur la transfiguration de l'humain, en Christ et dans les « mystères » de l'Eglise, par le feu, par les « énergies » de la divinité, alors que, pour sa part, le monde latin met davantage l'accent sur la dualité du divin et de l'humain.
Surmonter les différends
Compte tenu de ce qui vient d'être dit, et dans un esprit d'amour et de vérité, il me paraît utile, après avoir situé le prsent, de poser à la réflexion théologique de l'Occident les questions suivantes, qui sont le propre de la conscience ecclésiale orthodoxe. Commençons par les cerner et les définir sereinement, sans pour autant les évacuer par des solutions de facilité. Faute de quoi, et malgré le travail théologique et spirituel remarquable fait en commun par nos Eglises, les orthodoxes resteront dans une inquiète attente, qui risquerait à la longue de creuser plus profondément un fossé déjà marqué par des blessures qui saignent toujours. Ces questions de fond que les orthodoxes rappellent avec insistance à l'Occident, et que le Pr Georges Galitis a récemment si bien exprimées, sont les suivantes :
La théologie des énergies divines
Il est de plus en plus évident que la cause fondamentale des différends théologiques entre l'Orient et l'Occident tire son origine de la distinction entre essence divine et énergies. La théologie occidentale les identifie, en s'appuyant sur le fait que Dieu est «actus purus», énergie pure. La théologie orthodoxe distingue clairement l' « essence » de Dieu de ses «énergies». Dieu, dans son essence, est inaccessible, car l'homme créé ne peut pas dépasser sa condition. Mais Dieu se manifeste dans le monde, et cette manifestation se communique par les énergies qui font que Dieu nous est participable. Le cadre de cette étude ne nous permet pas de développer les conséquences incalculables qui en découlent pour la théologie, selon que l'on affirme la distinction entre « essence » et «énergie» (position orientale), ou au contraire l'identification entre elles (position occidentale). Pourtant, il faut bien reconnaître que, lorsque l'on identifie les deux, les actes de création, conséquences de l'énergie créatrice de Dieu, doivent nécessairement être considérés comme des émanations de son essence. Autrement dit, la genèse et la procession, qui sont propres à l'essence, ne diffèrent plus de la création, qui, elle, relève de l'énergie divine.
La divinisation de l'homme
Selon l'enseignement orthodoxe, la divinisation est ontologique. L'homme est divinisé en s'unissant aux énergies divines incréées, et néanmoins accessibles, qui pour l'homme sont Dieu Lui-même, mais non point son essence inaccessible. En identifiant « essence » et « énergie », l'Occident exclut l'union ontologique de l'homme avec Dieu, puisque son essence et les énergies, dès lors qu'elles s'identifient à cette dernière, restent aussi inaccessibles. Par conséquent, la théologie occidentale ne peut aborder la question de la divinisation de l'homme que par le seul concept de sa nature morale.
La transfiguration du cosmos en Christ
Pour la théologie orthodoxe, la distinction aristotélicienne et scolastique entre « physique » et « métaphysique » n'existe pas. La seule distinction possible pour elle se situe entre « créé » et « incréé ». Dieu est incréé, dans son essence et dans ses énergies, et la création c'est-à-dire à la fois le monde spirituel et le monde matériel, est créée. L'homme fait partie et du monde matériel et du monde spirituel : dans l'Eglise et par l'Eglise (qui est le Christ continué dans les siècles, selon la belle expression de saint Augustin), lui, l'être créé, s'unit à Dieu, divinisé et participant aux énergies divines incréées. Par sa passion et sa résurrection, le Christ, Lui-même devenu homme, ne sauve pas uniquement l'homme, mais avec lui toute la création. Car c'est la création tout entière « qui soupire et qui souffre » (Ro 8,22), qui est le champ de l'énergie salvatrice et sanctifiante de la grâce incréée de Dieu. Le lieu où la création est sanctifiée, c'est l'Eglise. L'Eglise, en effet, sanctifie la matière et l'utilise en même temps de diverses manières pour la sanctification de l'homme. Par-dessus tout, elle sanctifie le corps matériel de l'homme. Ce corps, qui n'est pas une prison de l'âme, ressuscitera un jour à l'instar du Premier-né d'entre les morts, Jésus-Christ, le divin Sauveur. Tel est ici le don de l'Orient à l'Occident : l'assurance que la création matérielle entre, elle aussi, dans le dessein de Dieu.
La conciliarité de l'Eglise
Dans le domaine de l'ecclésiologie, l'Orient a beaucoup à dire à l'Occident, au sujet de la juste relation entre unité et diversité, et dans le domaine de la conciliarité.
Unité et diversité
Ici intervient d'abord la définition du troisième attribut de l'Eglise, sa « catholicité ». Les termes « catholique » et « universel » ne sont pas parfaitement synonymes. En effet, toute vérité peut être dite « universelle », mais toute vérité n'est pas la Vérité « catholique ». Ce terme désigne spécialement la Vérité chrétienne. La catholicité, c'est donc un mode de connaissance de la Vérité propre à l'Eglise, mode en vertu duquel cette Vérité devient évidente à l'Eglise tout entière (quod semper, quod ubique, quod ab omnibus, ce qui a été professé toujours, partout, par tous). Quant à l'universalité, elle est un corollaire de la catholicité, une qualité qui en découle nécessairement, n'étant rien d'autre que son expression extérieure, matérielle. S'il faut lui trouver un synonyme, ce serait certainement le terme « œcuménicité ».
Ce qui confère à l'Eglise sa catholicité, c'est la Vérité elle-même, c'est-à-dire la révélation de la Sainte Trinité : une identité ineffable de l'unité et de la diversité du Père, du Fils et du Saint Esprit, Trinité consubstantielle et indivisible.
L'Eglise, pour sa part, est répandue en plusieurs endroits du monde : sa diversité, sa multiplicité sont en lien constant avec la notion de catholicité, car l'Eglise n'est pas dans la quantité plus ou moins grande de ses membres, mais dans le lien spirituel qui les unit. Ici se greffe le principe de la primauté dans l'Eglise. L'ensemble des Eglises d'une région donnée, rassemblées autour des évêques de cette région, s'appelle « Eglise locale » (au sens strict et traditionnel de la communauté eucharistique rassemblée autour de son évêque). Les Eglises locales, en vertu de ce qui vient d'être dit, sont toutes sœurs.
Parmi elles, nous dit saint Ignace d'Antioche, celle de Rome avait reçu pour mission de « présider dans l'amour » parmi toutes les autres ; cette primauté se traduit par un double service : de présidence, d'une part, d'initiative, de l'autre. Et ce double service exige toujours l'accord des Eglises sœurs. Il le sollicite et le sauvegarde. Cette primauté, dans l'Eglise universelle, ne doit jamais chercher à s'imposer par la domination, mais elle est indispensable pour servir la plénitude de chaque Eglise locale, en lui rappelant ses responsabilités envers l'orthodoxie, au sens strict, théologique et ecclésial du terme.
Comment se pose aujourd'hui le problème de l'unité entre nos Eglises ? Comment Rome comprend-elle l'unité de l'Eglise ? Force est de reconnaître que, de part et d'autre, nous assistons à un dialogue de sourds. Pour le Père Boris Bobrinskoy, la formulation latine « cum Petro et sub Petro » fait logiquement apparaître la mise en place d'une hiérarchie romaine, même là où des Eglises orthodoxes et des hiérarchies orthodoxes existent déjà depuis toujours : cela ne peut conduire qu'à une dynamique d'implantation et, inévitablement, de prosélytisme.
Conciliarité et infaillibilité
Si le concile, et surtout un concile général, est l'expression la plus parfaite de la catholicité de l'Eglise, de sa structure symphonique, il ne faut pas croire cependant que l'infaillibilité de son jugement soit assurée uniquement par les canons définissant son caractère légitime de concile. L'encyclique des patriarches orientaux de 1854 a anticipé la promulgation du dogme de Vatican 1, concernant la primauté et l'infaillibilité romaine : « C'est le peuple de Dieu tout entier qui est le gardien de la foi et de la doctrine». Par conséquent, aucun évêque, aucun patriarche ne peut se prétendre dépositaire de la Vérité elle-même. Ce qui nous rend inacceptable, dans le dogme romain de 1870, l'expression de l'infaillibilité papale « ex sese et non ex consensu Ecclesiae ».
Par ailleurs, il ne faut pas croire non plus que la Vérité catholique soit soumise, dans son expression, à quelque chose de semblable au suffrage universel, à l'affirmation de la majorité : toute l'histoire de l'Eglise témoigne du contraire. C'est l'Esprit Saint qui rassemble l'Eglise dans l'unité : c'est Lui qui la maintient dans la Vérité : la Vérité n'est jamais automatique. Elle est toujours donnée, toujours reçue à nouveau.
Ainsi, sans épiclèse, il n'y a pas d'eucharistie : c'est l'Esprit Saint qui rend parfaite et complète la Parole du Christ, et qui rend le peuple de Dieu tout entier corps du Christ et temple du Saint Esprit. C'est pourquoi, la théologie orthodoxe sera avant tout une théologie de célébration, où la pensée s'éclaire dans le mystère, puisque c'est par l'effusion du Saint Esprit que nous devenons « pneumatiques », christifiés, oints du même Esprit divin qui a ressuscité Jésus et qui relèvera nos corps mortels. L'unité ecclésiale et la plénitude de la foi sont des impératifs, des exigences que l'on n'est pas en droit de mettre entre parenthèses, même provisoirement. Ainsi, depuis des siècles, l'Eglise orthodoxe n'a plus réuni de concile ayant formellement le statut de Concile Œcuménique : ce qui ne l'a pas empêchée de vivre la collégialité et de dispenser la Parole de Vérité. Nous comprenons alors que, dans l'orthodoxie, la plus haute autorité ne sera pas un organisme particulier, mais bien l'Eglise dans sa signification totale et dans sa, plénitude, profondément unie dans le Christ ressuscité par la force et la puissance du Saint Esprit.
La théologie apophatique
La théologie occidentale aurait beaucoup à gagner de l'approche apophatique orientale du mystère de Dieu. Puisque l'essence de Dieu est inaccessible, invisible, incompréhensible, insaisissable, infinie, inénarrable, toute parole à son sujet ne peut être qu'apophatique. La sensation de l'infini et de l'insaisissable de Dieu est une manière de faire l'expérience de Dieu. Quand la raison de l'homme ne peut trouver aucune issue, il lui reste l'expérience mystique, que les Pères grecs comparent à l'ascension de Moïse sur le mont Sinaï. Saint Denys l'Aréopagite affirme que lorsque l'homme atteint « les sommets de l'ascension divine », il se libère « de toutes les choses visibles », de l'objet tout comme du sujet de la connaissance, pour s'unir à Dieu. C'est Dieu alors qui devient le sujet de la connaissance : l'homme est atteint par les « choses divines », et sa relation avec Dieu ne peut plus être que mystique.
L'approche apophatique ne signifie en aucun cas négation si tel était le cas, on n'aboutirait qu'au nihilisme ou au panthéisme. Elle ne peut être que « doxologie » : une doxologie au Dieu Trinité. L'Occident part du Dieu Un pour aboutir au Dieu Trine. La théologie orthodoxe part de la réalité de l'existence des trois personnes divines pour aboutir au Dieu Un. Les conséquences ecclésiologiques sont évidentes : l'Occident possède l'un, le Pape, et tout le reste suit. Pour l'Orthodoxie, c'est la pluralité qui est en même temps unité. C'est la raison pour laquelle, dans l'Eglise orthodoxe, chaque acte est célébré « au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit », qu'il est toujours rendu « gloire au Père, au Fils et au Saint Esprit », que l'on récite trois fois le « Kyrie eleison », l' « alleluia » et beaucoup de nos hymnes.
La puissance de la Résurrection
Un dernier point enfin : le caractère résurrectionnel de la spiritualité orthodoxe. Ce qui caractérise l'orthodoxie dans toutes ses expressions et manifestations, c'est la certitude de l'irruption victorieuse de la vie éternelle dans le monde, qui s'accomplit dans la Résurrection du Christ. Cette insistance de sa part est bien apostolique : la vie s'est manifestée dans le Verbe incarné, et elle nous est communiquée dans sa mort et sa résurrection. Faire eucharistie en toutes choses, c'est porter témoignage au Christ ressuscité, c'est rendre de la sorte l'Eglise présente au monde.
C'est pourquoi, dans toute la théologie orthodoxe et dans sa liturgie, nous sentons bien qu'il existe un lien étroit entre la fête ecclésiale et la contemplation, puisque l'Eglise est le rayonnement dans le monde de la gloire du Ressuscité. Vue sous cet angle, la fête liturgique donne à tous et à chacun une première expérience du Dieu vivant. Elle ouvre l'œil du cœur à sa présence, et nous rend capables de contempler la vérité des êtres, l'icône du visage, « la flamme des choses ». Dans cette perspective, seule la fête liturgique peut permettre aujourd'hui le retour de Dieu. Seuls des hommes qui, à travers même la croix, sont en état de fête, peuvent témoigner que Dieu revient. Le mystère pascal, qui est aussi celui de notre baptême, s'inscrit alors dans nos vies par des sortes de morts-résurrections. Le fondement sur lequel Dieu, dans son dessein éternel, a établi toutes choses, est bien la puissance cachée de la Résurrection : dessein merveilleusement fidèle qui révèle le don de Vie, depuis son jaillissement originel jusqu'à son accomplissement par la croix vivifiante : dessein pleinement réussi, une fois pour toutes, dans cette humanité assumée par le Fils de Dieu et associée à Lui à la vie de la Trinité. C'est pourquoi l'événement du mystère pascal ne se vit que dans l'Eglise, car il restera à jamais en Elle l'avènement de l'Amour vainqueur de la mort.
Il est dans l'ordre des choses que dans l'Eglise convivent des éléments bons et mauvais, et que la ligne de partage passe dans chaque âme, jusqu'à ce que le Seigneur vienne dans la gloire pour juger les vivants et les morts. La patience des saints est peut-être le seul secret de la paix, car elle est abstention de jugement, confiance aussi dans le dessein de Dieu et notre destinée glorieuse. L'Eglise se définit dans ses livres liturgiques comme un asile de malades. Elle ne devient une communauté de sauvés que parce qu'elle est constamment une communauté de la chute qui expérimente perpétuellement le pardon. C'est parce que le Seigneur l'aime qu'il suscite en elle l'amour. Dans quelle mesure, en nos Eglises respectives, répondons-nous réellement à cet amour ? C'est sur cette interpellation, clé de tout notre témoignage, que je désire terminer, convaincu que, pour les chrétiens que nous sommes, c'est la seule voie de laquelle dépendra pour l'essentiel le sort de nos véritables retrouvailles.
Monseigneur Stephanos, Métropolite de Tallinn et de toute l'Estonie
Juillet 1992 in «Christus» n°155 tome 39
BIBLIOGRAPHIE
- "Les nations dans l'Eglise" par le Comité Orthodoxes des Amitiés Françaises dans le monde Paris 1989. Article de l'Archimandrite Placide Deseille : "Tous, vous êtes un dans le Christ" et de Constantin Andronikof "Chrétienté et unité de l'Europe" pp:12-18 ; 21-25
- SOP Paris doc. 138.A (mai 1989) : Olivier Clément : "Foi chrétienne et solidarité avec les hommes".
- Nicolas BERDIAEFF : "Christianisme et marxisme" Le Centurion Paris 1975
- Revus PAIX N° 58-59 Le Bousquet d'Orb 3è Trim 1989 Articles de : Moine Gabriel "en tout l'univers le sang des martyrs" (pp:16-18) S.B. Ignace 4 d'Antioche :"La responsabilité des chrétiens" (pp:42-46) Archevêque Cyrille de Smolensk "L'écologie de l'Esprit" (pp64-84)
- Procès-verbaux du 2nd Congrès de Théologie Orthodoxe d'Athènes du 19 au 29 août 1976. Articles de : Prof. Ion S. COMAN sur le problème de la présence de l'Eglise dans le monde (pp:249-260) - Cyrille ELTCHANINOFF : "La dynamique du monde dans l'Eglise" (pp:368-377) - Métropolite G. KHODR "commentaire sur l'intervention du Prof. Eltchaninoff (pp: 382-384)
- Christos Yannaras : "La foi vivante de l'Eglise" Ed du Cerf Paris 1989, pp:180-186
- Stephanos Charalambidis : "Cosmologie chrétienne" in initiation à la pratique de la théologie Ed du Cerf Tome 3 Paris 1983 pp:42-48
- Stephanos Charalambidis : "Orthodoxie" in Guide des religions Ed du Dauphin Paris 1981 pp:137-144
- Boris BOBRINSKOY : Le point sur l'oecuménisme catholique-orthodoxe in Bulletin du SOP n°168 mai 1992
- Olivier CLEMENT : Anachroniques DDB Paris 1990
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La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie» - Page 2 Empty Re: La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie»

Message  Arlitto Lun 7 Mar 2016 - 14:58

Le Mystère de l'Eglise dans la tradition orthodoxe

Chaque fois que sur un sujet je dois parler du « point de vue orthodoxe » je me trouve en grande difficulté. Qu'est-ce que le « point de vue orthodoxe » ? Comment le déterminer ? Sur quelles bases et à partir de quelles sources ? Les orthodoxes n'ont pas de Vatican Il où puiser. Ils n'ont pas leur confession d'Augsbourg et ils manquent de l'équivalent d'un Luther ou d'un Calvin pour leur donner leur identité confessionnelle. Les seules sources qu'ils possèdent en fait d'autorité leur sont communes avec le reste des chrétiens : la Bible et les Pères. Comment peut-on déterminer une position qui soit spécifiquement orthodoxe sur la base de ce qui est commun avec les non orthodoxes ?
Il semble que le point de vue spécifiquement orthodoxe n'est pas une réflexion que l'on puise à des sources spéciales, mais tient à l'interprétation des sources qu'ils partagent avec le reste des chrétiens. Les orthodoxes diffèrent des catholiques romains et des protestants en ce qu'ils abordent des sujets comme celui de l'Eglise sous un angle qui est typiquement caractéristique de leur mentalité. Ils ont leurs propres présupposés théologiques, qui suggèrent aussi une certaine problématique et une certaine méthode qui ne sont pas toujours familières aux non
orthodoxes. Quand, à l'intérieur du débat œcuménique, on en vient au dialogue entre orthodoxes et non orthodoxes, la chose importante est toujours les présupposés théologiques et non les thèses concrètes. Ces dernières ne sont que les développements logiques des premiers.
Peut-être n'y a-t-il pas de domaine du discours théologique où cette observation se révèle aussi vraie que dans le cas de l'ecclésiologie. A la question « qu'est-ce que l'Eglise ? », tout ce que je puis dire en tant qu'orthodoxe dépend entièrement des présupposés théologiques par lesquels j'y arrive. Ainsi, je puis dire que pour un orthodoxe l'Eglise n'est pas une institution, mais un événement, ce qui semble protestant à des oreilles catholiques romaines. Ou bien je puis dire le contraire, à savoir que l'Eglise est une institution et non pas un événement, ce qui crée une confusion totale chez l'auditeur œcuménique. En effet, des termes comme « événement » ou « institution » ou même « Eglise » peuvent signifier des choses complètement différentes selon les présupposés théologiques qui se trouvent à l'arrière-plan.
Après une expérience plutôt longue des discussions œcuméniques, j'en suis venu à la conclusion qu'au lieu de s'efforcer de se mettre en accord sur des thèses théologiques concrètes, nous devrions essayer de nous mettre d'accord sur des principes théologiques. Après cela il suffit d'appliquer la pure logique, c'est-à-dire d'en tirer les conséquences jusqu'à ce que nous en arrivions à voir et à dire les mêmes choses. Le résultat pourrait être surprenant, car nous pourrions découvrir que nous parlons tous soudainement une langue différente de celle qui nous a divisés durant des siècles ; en d'autres mots : que nos formulations théologiques confessionnelles héritées du passé sont devenues désormais sans intérêt ni usage ; que ce pourrait être, en fait, une crainte inconsciente qui nous empêche de nous en prendre aux présupposés plutôt qu'aux thèses concrètes ; la crainte que notre identité confessionnelle puisse en mourir. Et nous chérissons et cultivons tant notre identité confessionnelle que nous préférons une « diversité réconciliée » à une identité de vue totale et entière. Tel est aujourd'hui selon moi le malaise du mouvement œcuménique.
Commençons à traiter notre sujet par l'affirmation de certains principes théologiques de base qui sont cruciaux pour la manière de voir orthodoxe. Et demandons-nous d'abord si nous pouvons tomber d'accord sur eux. Ce n'est qu'alors que nous pourrons parvenir à une discussion correcte de nos différentes positions concrètes sur le sujet.
Présupposés théologiques de base
L'ecclésiologie doit être située à l'intérieur du contexte de la théologie trinitaire. Nous devons commencer par une distinction claire des Personnes dans la Trinité, sur laquelle insistent les Pères cappadociens (Saint Basile, saint Grégoire de Nysse, saint Grégoire de Nazianze, saint Amphiloque d'Iconium, évêques théologiens du 4è siècle, originaires de Cappadoce). Le Père est une Personne, différente de celle du Fils, et de même l'Esprit. L'Eglise existe avant tout parce que le Père, en tant que Personne distincte, veut qu'elle existe. Ce sont l'initiative et le bon plaisir du Père qui l'ont amenée à l'existence. Et plus que cela, c'est aussi au Père, en tant que Personne différente du Fils, qu'elle sera finalement ramenée quand le Fils lui soumettra toutes choses. Ainsi l'Eglise, du point de vue à la fois de son origine et de sa destinée, est-elle avant tout «l'Eglise de Dieu» puisque pour la Bible Dieu c'est le Père, avant d'être l'Eglise du Christ, ou celle de tel ou tel endroit.
Comme l'a montré L. Cerfaux, il y a de nombreuses années, l'image première de l'Eglise se rattache au génitif « de Dieu ». Peut-être pouvons-nous tous tomber d'accord là-dessus. Mais nous verrons plus tard si nous pouvons aussi tomber d'accord sur les conséquences logiques de cela.
La christologie doit être conditionnée de manière constitutive par la pneumatologie (Pneumatologie, eschatologie, ecclésiologie : doctrines concernant le Saint Esprit, les réalités dernières, l'Eglise...). Cela demande à être analysé un peu plus. Nous reconnaissons tous l'importance du Saint Esprit en christologie. Personnellement je n'accepte pas l'idée que l'Occident ait toujours été « christomoniste », comme l'en ont souvent accusé les théologiens orthodoxes. Mais ce n'est pas assez de reconnaître l'importance du Saint Esprit. Il faut dire de quelle manière le Saint Esprit est actif dans l'économie du Fils. Et sur ce point les détails deviennent décisifs.
Pour certains (et même pour des traditions entières) l'Esprit joue le rôle d'agent du Christ. Il est le portier qui ouvre la porte et laisse aller jusqu'au Christ. Il est celui qui prépare nos cœurs à écouter la Parole de Dieu et à y acquiescer (à elle ou à lui) dans la foi. Il est l'animateur ou encore l'âme du Corps du Christ. En tout cela, cependant, on oublie qu'il est avant tout celui qui fait que le Christ est ce qu'il est, c'est-à-dire «Christos» Christ. Il donne au Christ son identité personnelle, puisque c'est de l'Esprit que le Christ naît et que c'est par l'Esprit que le Christ est ressuscité des morts. Il est important de toujours se rappeler que dans la résurrection du Christ, la mort n'a pas été surmontée en vertu d'une certaine communicatio idiomatum (Communication des idiomes : expression théologique qui désigne l'union des deux natures divine et humaine en l'unique personne de jésus Christ, et par suite l'attribution des propriétés de chacune à sa personne, en vertu de cette union hypostatique) des deux natures du Christ, que ce n'est pas un miracle de la nature divine du Christ, mais bien le résultat de l'intervention de l'Esprit. Le Christ tant historique
qu'eschatologique doit son identité (non pas son bene esse, mais son esse) à l'Esprit. Et là-dessus aussi nous pouvons facilement tomber d'accord. Mais de nouveau nous devrons voir plus tard si nous pouvons aussi être d'accord sur les conséquences ecclésiologiques.
L'Eglise ne tire pas son identité de ce qu'elle est mais de ce qu'elle sera. L'eschatologie est absolument cruciale pour l'ecclésiologie. On l'a longtemps oublié. Désormais, on ne peut plus la négliger, en ce temps d'après Johannes Weiss où nous vivons et dans lequel l'eschatologie a acquis en dogmatique la place de premier chapitre, plutôt que celle de dernier, dans la théologie tant catholique romaine que protestante. Il faut sur ce point souligner un autre détail significatif. je regarde ce détail comme décisif pour l'ecclésiologie. Quand nous parlons de l'importance de l'eschatologie, nous l'imaginons parfois comme la fin du pèlerinage de l'Eglise. A mon avis, nous devons concevoir les «eschata» comme le commencement de la vie de l'Eglise, l'arché, ce qui produit l'Eglise, lui donne son identité, ce qui la soutient et l'anime dans son existence. L'Eglise n'existe pas parce que le Christ est mort sur la Croix, mais parce qu'il est ressuscité des morts, ce qui signifie : parce que le Royaume est venu. L'Eglise reflète le futur, l'état final des choses, et non un événement historique du passé. Nous verrons avec plus de détails les conséquences de cela.
Il y a, enfin, la dimension cosmique de l'ecclésiologie. L'Eglise n'est pas une communauté d'êtres humains sans relations avec le cosmos non personnel. Le salut est destiné à la création entière qui est assujettie au joug de la mort ; et jusqu'à ce que la mort soit éliminée du cosmos tout entier, il ne peut y avoir de salut pour les êtres humains. C'est cela qui rend la célébration des sacrements et spécialement de l'eucharistie si cruciale pour l'Eglise, plus cruciale peut-être que la prédication de la Parole. Car les sacrements impliquent toute la création dans l'être de l'Eglise et non seulement les hommes et l'Eglise devient par là le cœur même et le noyau de la destinée du monde. Tout ceci prend une signification particulière pour la compréhension de l'Eglise comme « Mystère » et « signe », comme nous le verrons plus loin.
Principes pour l'ecclésiologie
L'Eglise et la Trinité
La question ecclésiologique n'est pas seulement affaire de dialectique entre le Christ et l'Eglise. C'est aussi la question d'une certaine dialectique entre le Christ et le Père. Cela affecte toute la perspective de l'ecclésiologie. Permettez-moi d'être plus explicite en me servant de la question suivante comme illustration de ce point un peu subtil et pas si facile à saisir.
Quand l'Eglise prie Dieu, qui prie ? Dans une problématique fondée sur la dialectique Christ-Eglise qui est normalement la problématique que nous rencontrons dans les discussions théologiques (Cf. les exposés d'A. Birmelé et P. Bühler au Colloque, Irénikon 1986, pp. 401 et 482 ss.) on suppose qu'il y a d'un côté une communauté appelée « Eglise » qui est humaine, et de l'autre une personne appelée « Christ » qui est divine. Ainsi la dialectique chalcédonienne (le Concile de Chalcédoine (451) a enseigné que les deux natures du Christ sont unies en lui sans confusion ni séparation. Elles demeurent distinctes, sans se fondre «contre le monophysisme») de la nature humaine et divine est transférée à l'ecclésiologie et la question se pose de savoir si l'Eglise est suffisamment distinguée ou non du Christ. Mais la question de savoir qui prie dans l'Eglise est beaucoup plus complexe et nous mène loin de la dialectique Christ-Eglise.
Quand l'Eglise prie le Père, c'est le Christ qui le prie pour nous et avec nous. Ceci est particulièrement évident dans les prières eucharistiques qui depuis le tout début étaient adressées au Père (y compris la prière du Seigneur qui était eucharistique). Comme telles ces prières ne sont entendues par Dieu que parce qu'elles lui sont offertes par son Fils unique. Mais c'eût été impossible, si ce n'eût été que le Fils, le Christ, s'est identifié lui-même si fortement avec la communauté ecclésiale que toute séparation, ou même distinction dans ce cas-ci, rendrait ces prières sans signification et sans fruit. Comment peut-on alors parler d'une dialectique entre le Christ et l'Eglise ? Si les deux ne sont pas identifiés, la prière eucharistique perdra sa signification comme prière de l'Eglise adressée au Père par le Fils. Dans ce cas les trois éléments :
Eglise - Christ - Père
devront être vus comme formant une dialectique entre :
Eglise + Christ - Père
et non pas comme formant une « trialectique », car la prière ne « fonctionnerait » pas.
Bien sûr, le Christ n'est pas seulement celui qui prie avec la communauté, mais aussi celui qui, siégeant auprès du Père, reçoit les prières (Cf. au 12è siècle le débat avec Nicolas de Méthone, etc., et aussi la liturgie de saint Jean Chrysostome). Et pourtant le fait que la prière de la communauté n'est pas autre chose que la prière du Christ ne peut pas être compris autrement que comme étant à ce moment une totale identification du Christ avec l'Eglise. Toute autre conception ferait du Christ une sorte de médiateur intermédiaire, une troisième personne qui d'abord écouterait l'Eglise qui lui parle, puis comme un messager transmettrait la prière au Père.
Ainsi la dialectique intra-trinitaire écarte l'ecclésiologie Christ-Eglise et conduit à une identification du Christ avec l'Eglise dans ce cas particulier. Il me semble qu'une étude un peu profonde des documents liturgiques montre que l'eucharistie a toujours été comprise comme l'acte ou l'événement dans lequel l'identification de l'Eglise avec le Christ atteindrait sa pleine réalisation, et que c'est pour cette raison que dans l'Eglise ancienne la prière eucharistique n'était adressée qu'au Père et que seules les communautés eucharistiques étaient des « Eglises » au plein sens du mot.
C'est en raison de cette nature particulière de la prière eucharistique (prière adressée au Père par le Fils) que l'Eglise peut jouir elle-même de tous les privilèges dont jouit le Christ. C'était à ce moment de l'eucharistie qu'elle était « sainte » et que ses membres étaient «aguioï» du fait qu'ils avaient part aux «aguia» (les choses saintes). La sainteté de l'Eglise est ainsi en relation avec l'identification entre la Tête et le Corps qui se produit au moment où la Tête (le Christ) offre au Père les prières de la communauté. A ce moment le président de la communauté serait considéré comme l'image du Christ en vertu du fait qu'il ferait de manière visible ce que la Tête, le Christ, fait de manière invisible, à savoir offrir au Père les prières de la communauté et la communauté elle-même. Ce président acquerrait ainsi lui-même des prérogatives qui appartiennent au Christ. Nous sommes ici aux racines mêmes de la théologie de l'épiscopat, théologie qui devient incontournable une fois que l'on identifie de cette manière l'Eglise avec le Christ.
L'eucharistie écarte-t-elle toute dialectique entre le Christ et l'Eglise en vertu du fait qu'une autre dialectique prend place ici, celle du Père - Christ + Eglise ? J'ai mentionné plus haut que le Christ n'est pas seulement celui qui prie mais aussi celui qui reçoit les prières eucharistiques. Cela suggère que l'eucharistie n'écarte pas entièrement la dialectique Christ Eglise. Si nous étudions les prières des anciennes liturgies eucharistiques et que nous les analysons en profondeur, nous voyons qu'elles sont marquées de la dialectique suivante : quand, par exemple, l'évêque entre à l'Eglise pour commencer la liturgie, il est salué par le peuple comme le Christ lui-même venant en ce monde dans sa gloire (Deute, proskunèsômen, venez, prosternons-nous : formule qui insinue la pleine identification entre l'évêque et le Christ). Immédiatement, toutefois, l'évêque transfère la prière au Christ, comme s'il n'était pas lui-même le Christ. Ainsi aux yeux de son peuple, l'évêque est le Christ ; mais à ses propres yeux il ne l'est pas : il adresse sa prière au Christ pour lui-même, mais il l'adresse au Père (comme s'il était le Christ) pour le peuple.
Quelle complexité dialectique ! Dans cette perspective la question de savoir si l'Eglise est humaine ou divine paraît bien naïve. En fait, elle est les deux en même temps. Par là elle ressemble au Christ chalcédonien. Mais ceci n'est possible que parce qu'il y a une dialectique personnelle entre le Père et le Fils, qui permet au Fils d'être autre que le Père et d'être du côté de l'homme dans la prière eucharistique. L'insistance des Pères cappadociens sur la distinction et l'intégrité plénière des Personnes trinitaires est dès lors un présupposé essentiel pour une compréhension correcte du Mystère de l'Eglise.
L'Eglise et le Christ
Plus haut nous avons souligné qu'il est important de considérer l'Esprit comme constitutif de l'identité du Christ et non simplement comme quelqu'un qui l'assiste. Si on applique cela à l'ecclésiologie, les implications en sont très importantes. En premier lieu, cela signifie que l'identité du Christ est conditionnée par l'existence du « multiple ». L'Esprit est un Esprit de « communion » et son œuvre première consiste à ouvrir la réalité pour qu'elle devienne relationnelle. L'Esprit est incompatible avec l'individualisme. Parce que né de l'Esprit, le Christ est inconcevable comme individu ; il devient automatiquement un être relationnel. Mais un être relationnel tire son identité, sa personnalité, de sa relation avec les autres. Une personne isolée n'est pas une personne. Le caractère spirituel de l'être propre de Dieu ne réside en rien d'autre que dans la nature relationnelle de son existence : il n'y a pas de Père sans qu'il y ait un Fils et sans l'Esprit. Et puisque le Dieu unique est le Père, et non pas la nature divine ou «ousia», l'identité même de Dieu dépend de la relation du Père avec des personnes autres que lui-même. Il n'y a pas d'« un » dont l'identité ne soit conditionnée par le « multiple ». Et si cela s'applique à l'être de Dieu, il faut également que cela puisse s'appliquer au Christ.
Cette désindividualisation du Christ est, à mon avis, la pierre d'achoppement de toutes les discussions ecclésiologiques dans le mouvement œcuménique. L'insistance de certains sur une distinction tranchée entre le Christ et l'Eglise présuppose une compréhension individualiste du Christ. Un tel Christ pourtant ne pourrait pas être l'être spirituel qui incorpore tout en lui-même, il ne pourrait pas être le premier-né d'une multitude de frères (Rom. 8,29), le premier-né de toute la création dont parle l'épître aux Colossiens (1, 15). L'« un » sans le « multiple » serait un individu qui ne serait pas touché par l'Esprit. Il ne peut pas être le Christ de notre foi.
Pour parler de l'identité du Christ, il faut recourir à l'idée de « personnalité corporative ». Cette idée a été découverte et proposée par des exégètes modernes tels que Wheeler Robinson, Pedersen, de Frain, et d'autres. Elle constitue un scandale pour nos esprits occidentaux, mais elle semble être la clef de l'intelligence de la Bible. A la différence de nous autres, l'esprit sémitique n'a pas de peine, par exemple, à penser Abraham comme quelqu'un dans lequel sa «semence», c'est-à-dire toutes les générations après lui, est incluse et forme sa propre identité personnelle. Ou bien Adam comme un être tout à la fois un et multiple. Ou encore le Serviteur de Dieu d'Isdie, le Fils de l'homme de Daniel, etc., comme être tout à la fois un et multiple. Pourquoi avons-nous tendance à éviter cette manière de penser quand nous en venons au Christ, l'être corporatif par excellence ? Le Mystère de l'Eglise consiste surtout dans le mystère de l'« un » qui est « multiple », non pas l'« un » qui est d'abord « un » et ensuite dans les «eschata» devient « multiple », mais bien de l'« un » qui est « un », c'est-à-dire unique, et « autre » précisément parce qu'il est en relation avec le « multiple ». C'est l'unité du Christ avec l'Eglise qui fait que le Christ est distinct de l'Eglise, juste comme dans le mystère de l'un et du multiple ou dans le mystère de la personne, plus on est uni, plus on devient autre, plus on devient différent.
Tout ceci signifie que la christologie est inconcevable sans l'ecclésiologie. Ce qui est en jeu est l'identité même du Christ. L'existence du corps est la condition nécessaire pour que la tête soit tête. Une tête sans corps n'est plus une tête. Si le Christ ne tire pas son identité de sa relation avec l'Eglise, dès lors ou il est un individu à l'isolement démoniaque, ou il doit être envisagé seule ment sous l'aspect de sa relation au Père. En ce dernier cas cependant, nous risquons de devenir monophysites en ecclésiologie. Le « moi » du Christ, bien sûr, est le « moi » éternel qui s'origine dans sa relation filiale éternelle avec le Père. Mais en tant que Christ incarné il a introduit dans cette relation éternelle un autre élément : nous autres, le multiple, l'Eglise. Si l'Eglise disparaît de son identité, il n'est plus le Christ, bien qu'il soit encore le Fils éternel. Et pourtant le « Mystère caché avant les siècles » dans la volonté du Père n'est rien d'autre que l'incorporation de cet autre élément nous-même ou le multiple dans la relation filiale éternelle entre le Père et le Fils. Ce Mystère ne se ramène à rien d'autre qu'à l'Eglise.
L'Eglise, communauté eschatologique
Tout comme le Christ, être qui inclut tout, « personnalité corporative », est une réalité eschatologique qui existe dans un état de conflit avec la création déchue dans l'histoire, de même l'Eglise, parce qu'elle tire son identité du Christ, est jetée dans un monde hostile au Christ et à elle-même, et elle est contrainte à vivre en conflit avec lui. En menant son existence historique, l'Eglise apparaît aux yeux de l'historien comme une autre communauté humaine, une autre société. Elle n'est pas un Mystère pour le sociologue. Bien souvent elle est tentée elle-même, que ce soit pour survivre ou pour accomplir sa mission, de s'adapter tellement au monde qu'elle en oublie que sa vraie citoyenneté est dans les cieux, et que son identité ne vient pas de l'histoire mais des eschata : elle est ce qu'elle sera. Dans cette situation, le seul moyen pour préserver l'identité eschatologique est de célébrer les sacrements, en particulier l'eucharistie, et de rencontrer la Parole, non comme un message qui du passé vient à elle par les canaux de l'expérience historique, mais comme un écho de l'état futur des choses. Elle est ainsi obligée de vivre par la foi et non par la vision. Elle est alors le grand « mysterium fidei », précisément parce qu'elle est dans ce monde mais non de ce monde, c'est-à-dire parce qu'elle tire son identité de ce qu'elle sera.
Tout ceci fait de l'Eglise une icône du Royaume à venir, la semence enfouie en terre de la parabole, sujette à la mort pour qu'elle puisse vivre. La gloire de l'Eglise historique est la Croix, l'humiliation et la souffrance expérimentées par Celui qui lui prête son identité. Il n'y a pas de triomphalisme dans une ecclésiologie qui identifie l'Eglise avec le Christ et le Royaume. Ce serait une erreur de tirer d'une telle ecclésiologie la conclusion que l'Eglise y est tellement accentuée qu'elle en remplace le Christ et que son identification avec le Royaume la rend insignifiante pour l'histoire. Comme icône du Royaume, l'Eglise est à la fois maximalisée et minimalisée. Elle est maximalisée en ce que d'une manière définitive elle survivra éternellement quand son identité véritable sera révélée lors de la parousie. Et elle est minimalisée en ce qu'elle n'a pas d'hypostase propre (pas de «personnalité» propre), mais tire son identité du Christ et du Royaume à venir. Parce qu'elle existe dans l'histoire « in persona Christi », il lui est garanti la gloire et la vie éternelle de sa Tête. Mais pour la même raison elle n'est pas une entité autonome tant vis-à-vis du Christ que du Royaume. Son existence est iconique.
Ce caractère iconique de l'Eglise présente pour nos esprits occidentaux un problème analogue à ceux que nous rencontrions plus haut avec la notion de « personnalité corporative ». Une existence iconique tend à faire naître en nous l'idée platonicienne d'une image, ou d'une ombre vide de réalité. Cela rend difficile de parler de l'Eglise comme d'une icône sans tomber dans le domaine de l'imaginaire ou de l'irréel. Nous ne pouvons faire plus ici que d'affirmer que la nature iconique de l'Eglise n'implique pas un manque de réalité. Cela implique, toutefois, un manque de réalité objectivée et autonome.
En étant iconique dans son existence, l'Eglise est deux choses : a) elle est l'image de quelque chose d'autre qui la transcende, d'où à nouveau son entité relationnelle ; b) elle est si transparente dans ses institutions et sa structure qu'elle permet toujours aux réalités eschatologiques de se refléter en elle. Cela peut difficilement se réaliser en dehors du contexte du culte, car c'est là par excellence que transcendance et transparence sont expérimentées.
Cela mène à une autre dialectique : l'Eglise ne peut pas être conçue comme une institution permanente. Elle est ce qu'elle est en devenant toujours davantage ce qu'elle sera. L'Eglise est un événement qui a lieu sans cesse à nouveau, et non une société structurellement instituée de manière permanente. Cela ne signifie pas qu'elle n'a pas d'aspects institutionnels dans son existence. Cela signifie que ce ne sont pas tous ces aspects qui appartiennent à son identité véritable, laquelle est eschatologique. Seuls les aspects institutionnels qui proviennent de son existence comme événement et ces aspects existent se rapportent à son identité véritable. De telles structures et institutions sont celles qui sont impliquées dans l'événement de la communauté eucharistique et tout ce qui provient de cet événement. Le Mystère de l'Eglise n'implique pas de conflit entre « Amt » et « Geist », institution et événement, pour autant que toutes les institutions tirent leur justification de l'événement de la célébration du Royaume en tout lieu, c'est-à-dire pour autant qu'elles sont une partie de cette anticipation du Royaume et de ce moment où l'Eglise réalise et proclame qu'elle est ce qu'elle sera, dans la célébration de l'eucharistie.
Toutes les autres institutions, aussi importantes et utiles qu'elles soient, n'ont qu'une signification historique et n'appartiennent pas à la véritable identité de l'Eglise. Elles n'ont pas de part dans le Mystère de l'Eglise. Si nous comprenons ainsi l'Eglise comme communauté eschatologique qui existe dans l'histoire, prenant sur elle-même la Croix du Christ, souffrant en ce monde, célébrant son identité véritable dans l'eucharistie, toutes les institutions qui en proviennent font partie de son identité et de son Mystère. A mon sens, des institutions comme l'épiscopat, ou la structure de la communauté eucharistique, ou la distinction entre les laïcs, les presbytres et les évêques, ou encore la conciliarité proviennent de l'Eglise comme événement et comme Mystère, précisément dans la célébration de l'eucharistie.
Faisons quelques brèves remarques pour conclure. L'ecclésiologie est en premier lieu une question d'identité de l'Eglise. Tant que nous ne nous attaquerons pas à cette question de ce qu'est l'Eglise, nous n'arriverons jamais à un accord dans le mouvement œcuménique. Cette identité est à mon avis l'identité même du Christ. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas d'hypostase de l'Eglise. L'Eglise n'a pas d'hypostase qui lui soit propre. Cela fait dépendre l'identité du Christ de l'existence de l'Eglise, ce qui est paradoxal car, bien que l'Eglise n'ait pas d'hypostase propre, elle est un élément qui conditionne l'identité du Christ : l'un ne peut exister sans le multiple. Une telle christologie, conditionnée pneumatologiquement, explique le fait que le Mystère du Christ ne revient à rien d'autre qu'au Mystère de l'Eglise. Pour accepter cela, il faut d'abord accepter les présupposés théologiques formulés au début et opérer avec une ontologie qui n'est pas celle de notre individualisme occidental mais celle de l'idée biblique de « personnalité corporative ». je crois que tant que nous ne serons pas accoutumés à une ontologie que j'appellerais relationnelle et qui a affaire avec la pneumatologie et la théologie trinitaire, nous ne serons jamais capables de comprendre le Mystère de l'Eglise.
Jean (Zizioulas) Métropolite de Pergame
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