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Initiation aux religions

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Message  Arlitto Dim 07 Aoû 2016, 16:39

Initiation aux religions


Présentation
JÉSUS A DIT :


SI CEUX QUI VOUS GUIDENT VOUS DISENT : 
VOICI, LE ROYAUME EST DANS LE CIEL, 
ALORS LES OISEAUX DU CIEL VOUS DEVANCERONT,


S'ILS VOUS DISENT QU'IL EST DANS LA MER, 
ALORS LES POISSONS VOUS DEVANCERONT.


MAIS LE ROYAUME EST LE DEDANS DE VOUS 
ET IL EST LE DEHORS DE VOUS


QUAND VOUS VOUS CONNAÎTREZ, 
ALORS VOUS SEREZ CONNUS


ET VOUS SAUREZ QUE C'EST VOUS 
LES FILS DU PÈRE VIVANT;


MAIS S'IL VOUS ARRIVE DE NE PAS VOUS CONNAÎTRE, 
ALORS VOUS ÊTES DANS LA PAUVRETÉ,


ET C'EST VOUS LA PAUVRETÉ.


L'ÉVANGILE SELON THOMAS, 3


La religion constitue la sphère générale où l'homme prend connaissance de la seule totalité concrète dans laquelle se trouvent unies et sa propre essence et celle de la nature. (Hegel. Esthétique 150)

La religion est le lieu où un peuple se définit à lui-même ce qu'il considère comme la vérité. (Hegel Ph de l'histoire p48)

La religion, c'est la théorie générale de ce monde. (Marx Critique Ph du droit de Hegel)

La religion est ce qui fixe un sens commun, c'est dire qu'elle est consubstantielle au langage. Il convient de reconnaître sa fonction, de repérer le champ de ses conséquences plutôt que d'en dénier les effets, y compris bien sûr chez ceux qui se croient les plus irréligieux des hommes. Il est en effet plus facile de croire ne pas croire que d'échapper aux effets normatifs du discours dominant. La critique et l'histoire des religions restent à l'intérieur des religions. Ce n'est pas pour s'en tenir à son discours dogmatique, mais tenir compte de sa persistance dans sa mise en question même, car ce n'est certes pas le seul discours mais c'est sûrement un des plus fondamentaux.
Comme fondement du sens et du social, une religion doit rendre compte de la vie concrète d'un peuple en même temps qu'elle la structure. La première détermination consiste donc dans le degré de civilisation, les moyens de production(cueillette, chasse, élevage, agriculture, pillage), l'organisation sociale. Depuis l'invention de l'écriture, ces déterminations objectives sont, petit à petit, reléguées à l'arrière-plan au profit d'une logique signifiante, historique, auto-référentielle, plus abstraite et universelle. On peut aussi voir dans l'évolution de la magie, à la religion puis à l'art l'objectivation de la subjectivité, de la présence de la finalité dans une réalité qui ne se limite pas à la causalité matérielle.
Le résultat de cette évolution, c'est donc que l'esprit tandis qu'il s'objective et pense son être, détruit d'un côté la détermination de son être et en saisit d'autre part l'élément universel.

Nous n'avons donc affaire, quand nous parcourons le passé quelqu'en soit l'étendue qu'à de l'actuel; car la philosophie en tant que se préoccupant du vrai, n'a affaire qu'à de l'éternellement actuel. Pour elle rien n'est perdu dans le passé, car l'Idée est présente, l'Esprit immortel, c'est-à-dire qu'il n'est pas passé et qu'il n'est pas inexistant encore, mais il est maintenant essentiellement. C'est dire que la forme actuelle de l'esprit comprend en soi tous les degrés antérieurs. (Hegel Ph Histoire 66)

L'effort pour réduire chaque religion à son concept apparaîtra caricature face à la richesse infinie des représentations et des subtilités logiques de chacune d'entre elles. Il ne s'agit pas tant d'en dire la vérité que de formuler ce que chacune représente dans sa différenciation, son apparition dans l'histoire, sa rupture essentielle logique et pratique. Une contradiction trouvera à s'y mesurer, dans ce "Work in progress" comme un défi à ce qui nous cause, lueur fragile arrachée aux profondeurs de la nuit. Le prêt-à-penser nous précède que nous ne pouvons que modeler à notre tour.
Une vie sans religion est une vie sans principes et une vie sans principes est un bateau sans gouvernail. (Gandhi Lettres à l'Ashram)





1. Préhistoire

    Si nous savons par définition très peu de choses sur les religions de la préhistoire, les vestiges qui sont parvenus jusqu'à nous ne laissent guère de doutes cependant sur la parenté de leurs croyances avec celles des peuples chasseurs (de la Sibérie à l'Afrique, aux aborigènes australiens et aux indiens du Mexique). Qu'on appelle ces religions Chamanisme ou Animisme, elles ont, par-delà des contenus extrêmement divers, des constantes remarquables. On peut consulter à ce sujet les ouvrages de Claude Lévi-Strauss par exemple.On ne peut remonter tellement avant 50 000 ans, date où les sépultures se multiplient (y compris Neandertal) et donc, avec un langage narratif (mythes). C'est la véritable naissance de l'homme moderne (sapiens sapiens) qui se caractérise par son expression artistique et une langue mère dont toutes nos langues dérivent (sauf la population San ?). Il y a, de même, une continuité dans les thèmes religieux et artistiques de ces origines aux tribus contemporaines qui sont restées isolées de la civilisation (de l'Australie, à l'Amérique du sud jusqu'aux Inuits ou à la Sibérie).Le culte des morts est le premier signe religieux. Témoin de l'opposition Nature/Culture, constitutive d'un monde humain, celui du langage et qui implique les structures élémentaires de la parenté codifiant les relations sociales ainsi que l'initiation qui marque la naissance à la culture et la fin de l'état de nature (deux fois né). L'unité de la communauté, identifiée à un dieu ou un totem, se constitue à travers les échanges de femmes et de biens (Dons ou Potlatch), dans le respect minutieux des rites et des traditions qui maintiennent l'ordre du monde, son équilibre fragile rétabli à coup de sacrifices, de danses, de prières, de formules. La conceptualité originaire (la pensée sauvage) est classificatrice avec un dualisme systématique (homme/animal, homme/femme, vie/mort, terre/ciel, réalité/rêve). C'est l'effet du langage qu'on retrouve jusque dans la dialectique dichotomique de Socrate.Bien qu'ils supposent un seigneur des animaux (évoqué par le dieu à 3 visages de l'Indus/Rudra/Shiva) auquel ils doivent le renouvellement de leur subsistance à condition, par exemple, d'enterrer les ossements des animaux tués, il n'y a pas conception d'un être absolu qui serait par rapport au moi quelque chose de radicalement autre et supérieur, mais plutôt la conception de la nature comme un ensemble de forces qui sont à la disposition de l'homme (manger un animal est prendre sa force). C'est le règne de la magie, d'un rapport duel, imaginaire, entre deux esprits humains (Sorciers ou Chamans) qui peut prendre la forme dualiste de l'opposition du créateur et du destructeur. La magie est l'effectivité de la subjectivité sur la réalité extérieure.Dans la magie on ne trouve pas la représentation d'un Dieu, d'une foi morale; mais pour elle, l'homme est la puissance la plus haute, ayant vis-à-vis de la force de la nature l'attitude du commandement.

Le deuxième élément de leur religion consiste ensuite en ceci qu'ils se représentent cette puissance qui est la leur, se l'extériorisent, s'en font des images (le fétiche).

Hegel Ph histoire 76


Mais ce qui indique chez les sauvages quelque chose de supérieur, c'est le culte des morts, leurs aïeux morts et leurs ancêtres étant pour eux comme une puissance hostile aux vivants : cependant on ne considère pas la puissance des morts comme supérieure à celle des vivants, car les sauvages donnent des ordres à leurs morts et les ensorcellent ; de cette manière, le substantiel demeure toujours en la puissance du sujet. La mort même n'est pas pour les sauvages une loi naturelle générale ; car elle provient aussi, à ce qu'ils pensent, de sorciers mal disposés. On trouve assurément là la supériorité de l'homme sur la nature.

Mais de ceci que l'homme est au sommet, il suit qu'il n'a pas de respect pour lui-même, car c'est seulement avec la conscience d'un Être supérieur que l'homme atteint un point de vue lui procurant un respect véritable. En effet si le caprice est l'absolu, la seule objectivité sûre dont on ait l'intuition, l'esprit, à ce degré, ne peut rien connaître de général. Les sauvages possèdent donc ce parfait mépris des hommes qui constitue proprement leur condition fondamentale (l'esclavage).

Hegel Ph histoire 77


Si le pouvoir y est arbitraire, il peut tout aussi bien être remis en cause de façon tout aussi arbitraire.
Une très grande diversité dans le vécu existe cependant entre ceux qui vivent de la cueillette et les chasseurs, entre les nomades et les sédentaires, les habitants des zones chaudes et les peuplades qui subissent les glaciations (avec sans doute dans ce cas la focalisation sur la fécondité - Vénus/Vierge noire). Mais il faut garder à l'esprit que les populations étaient très peu nombreuses et dispersées, ne permettant pas vraiment l'élaboration de traditions trop complexes et durables, bien que déjà assez complexes comme l'ethnologie le montre et comme en témoigne l'art pariétal (Lascaux). Les pratiques magiques ne se limitent évidemment pas à la préhistoire, se conservant au moins comme magie blanche, défensive, contre-magie, désenvoûtement, exorcisme et superstitions. La survivance du sacrifice (à la fois magie et don) sera au centre de la réflexion de la plupart des religions. Mais le travail humain portera en germe la réfutation de la magie, même s'il y aura d'abord confusion dans l'alchimie des métaux. L'identification de chaque chaîne de causes à une volonté, un génie ou un dieu se continuera dans les divers polythéismes mais organisé dans un ordre plus hiérarchisé et qui tend à s'unifier.

2. Néolithique
- Bouleversement climatique. Le Natoufien (-12 500/-10 000)

    La fin de la dernière glaciation (vers -12 000) en bouleversant l'équilibre écologique a provoqué des mouvements de population en Europe soit vers le nord pour suivre le gibier traditionnel, soit vers le sud en s'adaptant à une nouvelle faune (réduite souvent, d'abord, aux serpents, mollusques et rongeurs) et en se dispersant en petits groupes familiaux. Cette époque de fonte des glaces est aussi caractérisée par des pluies diluviennes et une montée des mers (jusqu'au niveau actuel de +120m vers -7000). C'est dire que c'est l'époque de multiples déluges, en particulier, pour le Proche-Orient, l'inondation du golfe Arabo-Persique puis la rupture de la terre qui forme l'Hellespont (-5500), le dernier déluge ayant eu lieu vers -3500 inondant seulement les plaines du Tigre et de l'Euphrate.L'art des cavernes Franco-Cantabrique s'éteint vers -12 000. C'est vers cette époque que des villages se constituent au Proche-Orient qui prépareront les véritables débuts de la civilisation et de l'histoire, puisque d'après la préhistoire la plus récente la diffusion de l'agriculture et de l'élevage se fera principalement à partir de ce territoire, même s'il y a eu d'autres foyers, mondialisant, en même temps que leur nouvelle religion, les plantes et les animaux qu'il y avaient domestiqués. De rares villages avaient déjà existé, dès -30 000, sans autres conséquences apparentes sauf les villages troglodytes qui ont donné Lascaux (mais les premiers sédentaires étaient sur les côtes qui ont été submergés).

- La Bonne Mère et le Taureau. Khiamien (-9500)

    D'après Jacques Cauvin (Naissance des divinités, naissance de l'agriculture-CNRS) ce qui est caractéristique, c'est bien l'apparition de la nouvelle religion avant l'apparition des nouvelles techniques que ne justifiaient aucune nécessité naturelle mais seulement le prestige de la maîtrise, du progrès (ce qui est contestable puisqu'il est probable que l'agriculture se soit développée à cause des changements climatiques après une période d'abondance où la population s'était beaucoup développée déjà et commençait à stocker le grain).La nouvelle religion se caractérise par des figures en prière (les orants), les bras tendus vers le ciel (dans l'Enûma elis babylonien Marduk est célébré pour avoir "créé l'Incantation afin que les dieux s'apaisent" p646) ainsi que par des figurines représentant une déesse-mère, aussi terrible et capricieuse que le ciel sans doute ("c'était la Dame montée sur le puissant Aurochs céleste" comme est présentée Inanna à Sumer p27 Déluge descendant de sa montagne, Tu es la première, la déesse du ciel et de la terre), ainsi que des représentations du taureau que l'on retrouvera dans les religions cananéennes (Baal), Mésopotamiennes (Marduk), Égéenne (Minotaure) avec la pratique de corridas comme elles existent encore dans le sud de la France. Ce taureau, plus tard chevauché par le dieu de l'orage hittite, est, comme Zeus, celui qui rétablit la prospérité et arrête le cycle des destructions. On le retrouve dans le boeuf Apis Égyptien (Ptah mais aussi Hator), la vache sacrée Indienne (et la Mère des Dieux Aditi puis la Grande déesse Kâli), les rites de Mithra, etc. Ce qui frappe c'est son apparition avant sa domestication, avant l'agriculture (?). La domination du culte par une déesse rappelle aussi les cultes plus tardifs, d'Isis, de Cybèle, de Démeter, déesses de la reproduction, de la renaissance, mais évoquant aussi l'Eve biblique par qui l'homme a goûté au savoir (ou la Pandore grecque).On a pu voir dans ce rapport à une divinité humanisée, la conscience de soi qui prend forme. En fait, si on se fie aux mythes sumériens, les déluges sont vécus comme une destruction par des dieux jaloux qui effaçaient leur création, âge après âge comme Kronos mangeait ses enfants. La solution donnée par le mythe est que les hommes n'échappent à la destruction qu'à servir les dieux, travailler pour eux, à leur place (à la place de la nature) pour leur offrir des sacrifices. C'est plutôt cette notion nouvelle de dette originelle, de culpabilité, qui sera créatrice d'une conscience de soi, instituant un rapport de soumission où l'esclave ayant perdu sa "liberté" naturelle produit par le travail la puissante liberté humaine. La dette envers le sauveur et maître, instaurateur de l'ordre post-déluvien, serait fondatrice de l'histoire. L'accession du taureau au rang suprême est presque toujours le résultat d'une lutte contre les anciens dieux pour restaurer les cycles de la génération (comme Zeus). Si c'est peut-être s'avancer un peu loin, il ne faut pas sous-estimer le fait que nous sommes encore les héritiers directs de cette tradition qui n'est pas tout à fait morte et inaccessible. Il ne faut pas sous-estimer non plus la nouveauté radicale de cette attitude religieuse, qui va construire des sanctuaires pour ses dieux, par rapport à l'idéologie fétichiste des chasseurs-cueilleurs.La faute engendre une série de conséquences où l'on croit reconnaître, à peine voilé par le langage symbolique, tout ce que l'étude de l'art et des techniques nous a déjà suggéré : un sentiment de finitude humaine ("nudité") répondant à un éloignement du divin désormais perçu comme inaccessible, la fin en corollaire d'une certaine facilité édénique dans la quête de subsistance et le début d'un travail "à la sueur du front" qui désigne explicitement dans le texte les débuts d'abord de l'agriculture (Caïn), puis de l'élevage (Abel). Tous ces traits caractérisant expressément la Révolution néolithique, il est difficile de ne pas envisager que c'est d'elle qu'il puisse s'agir.

Jacques Cauvin 265


Cette interprétation reflète cependant la dévalorisation hébraïque de la religion néolithique, contrairement à la tradition sumérienne et cananéenne qui fait du travail le service des dieux, le prix de la vie et l'accès au savoir, le travail devient une punition, conséquence du savoir mais surtout de la liberté humaine, de la révolte de l'homme, son péché capable de changer l'avenir.

- L'agriculture. Le Sultanien (-9000)

    Dans un deuxième temps, les phases du Pre-Potery-Néolithic A et B (PPNA-PPNB), voient l'apparition de l'agriculture à Jéricho et à Mureybet, ainsi qu'une augmentation locale de la population. L'élevage ne viendra qu'ensuite, et encore après l'élevage nomade.Les divinités de la phase précédente sont toujours présentes mais la pratique de l'agriculture devait changer encore radicalement la représentation du monde en privilégiant les cycles de la nature (du levant ou couchant, de la génération à la corruption, de la graine à la plante, du printemps à l'hiver). C'est le règne de l'éternel retour, le mythe de la résurrection, la regénérescence (Osiris/Dyonisos/Christ), la valorisation de la stabilité, des prédictions (oracles), de la fertilité, des concours. L'unité du groupe et la division du travail priment absolument sur l'individu isolé. Enfin, l'incarnation, la transmigration des âmes prennent leurs racines dans l'expérience du cultivateur."QUE JE VIVE OU QUE JE MEURE, JE SUIS OSIRIS. JE PÉNÈTRE EN TOI ET JE RÉAPPARAIS À TRAVERS TOI ; JE DÉPÉRIS EN TOI ET JE CROÎS EN TOI... LES DIEUX VIVENT EN MOI PARCE QUE JE VIS ET JE CROÎS DANS LE BLÉ QUI LES SOUTIENT. JE COUVRE LA TERRE ; QUE JE VIVE OU QUE JE MEURE, JE SUIS L'ORGE, ON NE ME DÉTRUIT PAS. J'AI PÉNÉTRÉ L'ORDRE... JE SUIS DEVENU LE MAÎTRE DE L 'ORDRE, J'ÉMERGE DANS L'ORDRE" (SARCOPHAGES 330)Ces croyances "païennes" des paysans constituent le fond de toutes les religions actuelles, la relative stabilité des conditions de vie depuis cette époque jusqu'à l'époque moderne explique l'unité des superstitions et croyances populaires qui disparaissent depuis peu. Les croyances se perpétuent souvent au-delà des conditions qui les ont engendrées car la croyance se soutient de la tradition et des traditions locales préhistoriques se sont conservées jusqu'à nos jours, vestiges de temps révolus qui se combinent aux croyances nouvelles. Le thème des générations et de l'accouplement des dieux aussi bien que les vies de saints mettent en scène des synthèses conceptuelles à partir de traditions locales qui persistent et s'intègrent à la religion dominante ou bien deviennent folklore et légendes.Dès cette époque la valorisation des armes et la constitution de stocks annoncent les premiers conflits. Sur de si longues périodes d'autres épisodes religieux ont du surgir, il n'est pas absurde de penser que la tour ronde de Jéricho évoque un culte solaire ou les tours du silence des Parsis, de même la valorisation des flèches rappelle le thème de l'archer (Indra, Sagittaire, Arche de Noé, Arche d'alliance, équivalence Vie/Flèche en Sumérien [ti] et en Grec [bios]). Ces variations ne peuvent occulter la formidable persistance de la mythologie originaire du taureau et de la Mère de dieu jusqu'à nos jours."Nous combattrons et nous travaillerons, disent les Anunnaki au dieu X (Mardouk), pour construire ta demeure. Mais, le jour venu (de ta gloire), nous y habiterons avec toi." Cela se passait en un temps "où les troupeaux de boeufs ne paissaient pas encore et où les peuples se nourrissaient de céréales".

Jean-Charles Pichon - Histoire des mythes 44


- La céramique, éleveurs nomades (-7500)

    Le nomadisme pastoral est plus tardif que l'agriculture et contemporain d'une virilisation des figures et de sanctuaires où s'effectuaient des sacrifices sanglants, y compris humains. C'est l'inondation du golfe Arabo-persique et la fin du déluge, le retour à un temps sec. C'est aussi l'époque du culte des crânes, qui sont détachés du corps, parfois modelés et coiffés, et qui sont exposés dans ou à l'extérieur des maisons carrées (Ka'ba) et non plus rondes. Cette pratique est sans doute à rapprocher des futures momies égyptiennes et du culte des ancêtres. On suppose aussi la pratique de banquets où se réunit la communauté.Le nomadisme, amplifié par la nouvelle sécheresse, va accélérer l'expansion du néolithique, surtout en touchant des populations qui vont pouvoir passer directement du nomadisme de cueilleur-chasseur à celui d'éleveur nomade, préservant des éléments archaïques dans la nouvelle religion. Cette diffusion se fera en même temps que celle de la langue dite indo-européenne.La religion de ces éleveurs nomades nous est en partie accessible par ce que nous savons des religions indo-européennes, bien que beaucoup plus tardives et qui se retrouvent de l'Inde à l'Iran, aux Scythes, aux Celtes, aux Slaves et aux Germains. Ces peuples nomades devaient protéger leur bien, objet de convoitise, à moins qu'ils ne vivent de rapines comme les premiers grecs (d'après Thucydide) ou les premiers Romains, formant, donc, une classe de guerriers. La prépondérance de l'homme dans cette organisation ainsi que l'attention de ces populations aux problèmes de reproduction s'exprime dans une religion patriarcale et le culte des héros. L'unité de la vie et de la mort (Si la mort sort de la vie, la vie en revanche sort de la mort. Hegel p62) est affirmée dans les cérémonies phalliques. Les initiations guerrières, les rites du Soma ou de l'Ambroisie donnent aux guerriers l'espoir de l'immortalité. Les sacrifices évoluent de leur fonction magique à un ritualisme formaliste qui se réduit à affirmer l'unité de la communauté ("ON DIT QU'ON S'EST INSTALLÉ LORSQU'ON A CONSTRUIT UN AUTEL" Satapatha Br. VII, I,I,I-4). Le banquet restera, chez les Grecs ou les Gaulois le rite principal de la communion.On peut déduire qu'issues de la religion du taureau (Mithra) mais s'éloignant d'une culpabilité originelle, la religion se réduit au social, reflétant les fonctions efficaces de l'organisation de la société ; religion plus utilitaire, au service du pouvoir, et qui se renforcera de l'âge du bronze à l'âge du fer.

- L'âge de bronze (-5000)

    La rupture de l'hellespont et l'inondation de la Mer noire (-5500) ont accéléré encore la diffusion de l'agriculture en provoquant des migrations de populations. L'essor des techniques, et surtout celles du fer plus tard, accentuant la spécialisation, donnera naissance à de nouvelles initiations "alchimiques" bien différenciées des initiations chamaniques et guerrières, mais de l'âge du bronze à l'âge du fer (le fer reste un secret Hittite de -3500 à -1100) la valorisation du combattant (Dieu ou Héros) ira en s'accentuant et débouchera sur les guerres des cités mésopotamiennes puis sur les invasions indo-européennes et le brigandage, le nomadisme offrant la logistique d'une guerre de mouvement surtout après la domestication du cheval et l'invention du char. La structure égalitaire des premiers villages fait place à une hiérarchisation de plus en plus marquée se reflétant dans l'idéologie tripartite (Prêtres, Guerriers et Producteurs) dominée par la fonction d'un Dieu Souverain.

3. L'écriture
- Sumer l'expert (-3200/-2000)

    Après le dernier déluge (-3500), l'invention de l'écriture s'est faite avec l'essor du commerce et la prospérité de l'antique Sumer grâce à l'irrigation. Ce n'est pas seulement une nouvelle étape mais un changement d'échelle car si la population avait déjà été multipliée par dix aux débuts du néolithique, c'est encore un accroissement de facteur 10 qui devait accompagner les véritables débuts de la civilisation avec des villes de plus de 10 000 habitants, une hiérarchisation de la société, la division du travail et des fonctions, la spécialisation, l'artisanat. Si l'histoire commence à Sumer, c'est aussi que la satisfaction des besoins vitaux est indispensable pour que l'esprit délivré de l'immédiat s'élève à la réflexion sur soi au delà de son animalité, les périodes de progrès sont souvent celles de prospérité. L'écriture est le produit de la communication, de l'échange, elle est d'abord chiffre, contrat et très vite source de pouvoir. La loi écrite protège de l'arbitraire du caprice du souverain. Elle s'expose à la durée, livrée à une caste de spécialistes (scribes et prêtres) qui en rationalisent la lettre. L'astrologie qui prédit l'avenir (éclipses etc.), fondant son savoir de l'écriture du passé, établit enfin solidement que le réel est bien rationnel, la loi du destin s'appliquant aux dieux même qui ne peuvent en changer le cours.La cosmogonie sumérienne sera sans cesse reprise par les religions postérieures (Égypte, Hébreux, Grèce), la langue sumérienne devenue langue sacrée (et diplomatique) inaugurant la tradition d'une révélation de l'écrit. Prolongeant l'ancienne religion, déjà prend forme l'articulation de l'éternité, du temps et de la génération, la succession des dieux, leur hiérarchie (la royauté) et la revendication de la justice. La trinité Anu (An=Ciel), Enlil (l'air), Enki/Ea (terre) se substitue à "la mère des dieux" (Tiamat?, Bêlit-ili, Anat) mais conserve le taureau Marduk (ancien Alla?). On y retrouve le mythe de Noé, la descente aux enfers, l'histoire de Job, l'âge d'or ainsi que la création de l'humanité à partir du mélange de l'argile avec l'esprit d'un dieu sacrifié (équivalence Adam-Adama, Homo-Humus, Homme terrien opposé aux dieux des cieux).

- L'Égypte Mystérieuse (-3000/-333)

    Ce qui ne fut pas donné à Sumer, la durée, fut l'élément de l'Égypte longtemps protégée des envahisseurs pendant que les autres civilisations disparaissaient régulièrement. Savants et prêtres de lointains pays feront le voyage en Égypte, diffusant la tradition, en grande partie d'origine sumérienne, jusqu'à la Chine et au Japon sans doute. L'autre élément déterminant est, bien sûr, le Nil merveilleux moyen de communication avec la mystérieuse régularité de ses crus bienfaisantes dont seul le pouvoir centralisé sait tirer tout le profit (par l'organisation des travaux) et qui ne doivent rien à la clémence du ciel, renforçant le sentiment d'un ordre immuable, inaccessible. Le véritable pouvoir est aux mains des prêtres qui gardent la tradition millénaire et sont le garant de l'ordre cosmique, de l'exécution scrupuleuse des rites, de la dévotion aux dieux. Pays de l'éternel retour que les pyramides attendent dans leur désert, c'est aussi le pays des morts qui habitent les vivants. L'immortalité, attribuée primitivement au Pharaon comme fils de dieu, intermédiaire avec le divin, se démocratisera ensuite, assurant une continuité que la mort ne peut interrompre. Pays de l'origine dont la fixité des rites renvoie à l'événement fondateur, la restauration d'un âge d'or perdu, l'initiation devient la connaissance du mystère de l'unité de la mort et de la vie, renaissance qui a connu la mort, "justifiée", et ne redoute que la seconde mort de l'oubli.La religion égyptienne est la religion des mystères (Les mystères des Égyptiens étaient des mystères pour les égyptiens eux-mêmes. Énigme dont la solution sera seulement le monde Grec. Hegel) où l'impensable est présenté à la pensée dans sa contradiction indépassable (opposition du corps et de l'esprit - Hermès). C'est le pays du syncrétisme, de la création de nouveaux dieux par juxtaposition de qualités primaires qui s'unissent sans se confondre comme les deux rives du Nil ou bien les deux royaumes de la Haute (Sud/Seth) et de la Basse (Nord/Horus) Égypte (le Pharaon est deux fois roi). [Le mot égyptien pour dieu (Neter) correspond au latin Natura, traduit en grec Physis proche de Fürher : force qui conduit, ordonne, où la séparation hante déjà la fusion primitive comme son péché originel.]Fondement de la tradition occidentale (trinité Akh, Ba, Ka : L'esprit, l'âme et le corps, Ré, Amon, Ptah), l'influence de l'Égypte n'a cessé de se faire sentir à travers les mystères d'Isis, les écrits de l'Hermès trismégiste, l'alchimie. Les hiéroglyphes représentant la langue sacrée perdue étaient sensées détenir le secret de la révélation originelle jusqu'à leur déchiffrement par Champollion qui devait tant décevoir cet espoir insensé. Car de Khepri-Ré-Atoum, ou Osiris-Horus-Ré (Le mystère céleste du retour cyclique, le saint sépulcre d'Abydos) à Ptah (le mystère terrestre de l'incarnation, la création par la parole) et Amon (le vide médian qui sépare, le caché, le non-manifesté, l'âme du monde, le souffle, le Mana), c'est, dès avant Akhenaton et le syncrétisme du nouvel empire (malgré son échec), le mystère de la trinité, de l'unité du dissemblable, la contradiction qui n'étant pas accessible à l'intelligence, devient l'objet de la véritable adoration.TOUS LES DIEUX SONT TROIS : AMON, RÊ, PTAH ; ILS N'ONT PAS D'ÉGAUX. SON NOM EST CACHÉ EN AMON, IL EST PERÇU EN RÊ [IL EST RÊ DEVANT], ET SON CORPS EST PTAH. LEURS CITÉS SUR TERRE DEMEURENT À JAMAIS : THÈBES, HÉLIOPOLIS ET MEMPHIS, POUR L'ÉTERNITÉ. (HYMNE À AMON DE LEYDE -1300 AVANT J.-C.) E200

- La Chine Immense (-1350/-550/-221)
Unité immédiate de l'esprit substantiel et de l'esprit individuel. 
C'est la volonté générale qui s'affirme immédiatement en l'individu. 96

Ni la chronologie, ni la géographie ne peuvent être tout à fait respectés dans une histoire des religions. Ainsi bien que l'histoire chinoise ne commence guère avant -1350 (le Néolithique de Yang-chao remontant à -3000 et celui de Lung-chao à -2000), ses conceptions reflètent une période plus ancienne et qui, surtout, évoluera peu. C'est à ce titre qu'il faut prendre au sérieux la revendication d'ancienneté de la civilisation chinoise, bien que ses textes fondateurs datent de -500. La diffusion rapide, à partir d'un centre et sur l'immense territoire chinois, d'une nouvelle idéologie devait s'imprégner largement des anciennes croyances et superstitions. Fondamentalement la pensée chinoise est une penséepratique, de l'unité des contraires.
Héritier des vieilles mythologies chamanistes (culte des ancêtres, Centre du monde-5 points cardinaux) et de concepts empruntés aux civilisations de l'écriture (L'écriture chinoise préparée par les inscriptions divinatoires se développe brusquement, sans transitions presque, vers -1300), le Taoïsme est une religion de l'identité pure (Je=Je) identifiée au vide et au non agir. Son but est l'acceptation du monde, la non-opposition aux rythmes naturels, la soumission aux décrets du ciel, la fusion dans le mouvement de la vie qui mène à l'immortalité par des techniques respiratoires, sexuelles, diététiques, méditatives, magiques, etc., qui favorisent l'harmonie avec les cycles naturels. L'être y est strictement identique au néant (unité et alternance du Yin et du Yang), seul le mouvement (le Tao, le Vide, la Cause, le Logos) y représente un être fluide mais dépourvu de toute négativité, réduit à la totalité indifférenciée (l'Oeuf primordial), à l'origine inaccessible à la pensée qui en procède (le Tao, femelle obscure, sans nom, précède l'Un).
Le Confucianisme, au contraire, remplace l'harmonie divine, naturelle et préétablie, par la nécessité concrète de l'action civilisatrice pour l'unité de l'État, le devoir du citoyen étant de soutenir ou restaurer cette unité qui n'est plus une donnée mais le but suprême de la vie et de l'éducation, un fait de culture dépassant les différences de classes au nom de la compétence, un conformisme et l'effet de la vertu masculine alors que les Taoïstes revendiquent l'état de nature, privilégient la faiblesse féminine et rejettent la morale (QUAND ON ABANDONNE LE TAO, ON A RECOURS À LA BIENFAISANCE; QUAND ON ABANDONNE LA BIENFAISANCE, ON A RECOURS À LA JUSTICE; QUAND ON ABANDONNE LA JUSTICE, ON A RECOURS AUX RITES. LES RITES NE SONT QU'UNE MINCE COUCHE DE LOYAUTÉ ET DE FOI ET LE DÉBUT DE L'ANARCHIE. 38:9-14). La négativité y représente l'opposition à cette unité, à l'ordre divin, sans progrès historique autre qu'un retour à l'unité : la conformité à l'ordre du monde, le mandat du ciel.
La constitution est dans l'ensemble une théocratie et le règne de Dieu, un règne temporel, comme le règne temporel est aussi divin. 89

L'État fondé sur la famille et un gouvernement patriarcal. 84

Tout ce que nous nommons subjectivité se concentre dans le chef de l'état. 90

Du moment qu'en Chine l'égalité règne, mais en aucune façon la liberté, le despotisme est nécessairement la forme du gouvernement. 99

Puisque l'honneur n'existe pas et que nul n'est plus privilégié qu'un autre, la conscience de l'abaissement devient prédominante, et se transforme même facilement en conscience d'abjection. 103

La religion chinoise comprend encore la magie en tant que l'attitude des hommes constitue le facteur absolument déterminant. Si l'empereur se comporte bien, ce ne peut que bien aller.

Car les Chinois sont adonnés à une immense superstition ; celle-ci dépend justement du défaut d'autonomie intérieure et suppose le contraire de la liberté de l'esprit.

Ce qui est pour nous contingent, conséquence naturelle, les Chinois cherchent à le détourner ou à l'atteindre magiquement. 104
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Message  Arlitto Dim 07 Aoû 2016, 16:39

- La multitude de l'Inde (-1400/-520)

    L'Inde au contraire, figée dans ses oppositions de castes se présente plutôt comme la négation de l'unité dans la multitude et la séparation. Formée par l'invasion et la domination des guerriers Aryens (à partir de -1400) et non par l'adhésion des populations à la nouvelle civilisation, ce n'est pas la solidarité des castes qui est exprimée mais leur hiérarchie, leurs inégalités.

Ce fut toujours le pays du désir.

C'est le rêve de l'esprit illimité lui-même. 109

De même l'Inde est en général, en tant que pays recherché, un facteur essentiel de toute l'histoire. 111

Au point de l'histoire où nous en sommes maintenant, la forme de l'esprit est encore l'immédiateté. 129

L'indépendance des différences est l'essentiel. Le lien qui les unit n'est qu'un changement perpétuel, une oscillation sans repos d'un extrême à l'autre, un vertige furieux sans résultat qui doit paraître de la démence à une conscience réglée et raisonnable. 90

Bien que les premiers Védas soient presque exclusivement indo-européens, l'ancienne civilisation de l'Indus qui était en contact avec les Sumériens et connaissait l'écriture dès -2500 resurgit dans l'hindouisme avec les Upanisads (-600 reprenant une théologie d'inspiration égyptienne). Mais privilégiant le réel de l'acte, le ritualisme des sacrifices qui se voulait re-création du monde ("L'HOMME EST EN VÉRITÉ NON-NÉ. C'EST PAR LE SACRIFICE QU'IL NAÎT" Mait.-Sam. III,6,7) finit par revendiquer la négation de ce monde, la fin des réincarnations, le sacrifice se réduisant à un détachement ("LA VICTIME EST RÉELLEMENT LE SACRIFIANT LUI-MÊME" Ait. Brah. II, II). La négation du corps est le but de ses techniques ascétiques. Le savoir comme Sagesse, but de toute initiation, est la délivrance de l'illusion de l'être (la maya/le changement), Nirvana, contemplation extatique référée à l'extase du Soma. La négation s'applique radicalement à toute singularité pour retrouver un universel indifférencié (le Soi). La genèse du monde est un acte psychique, l'individuation d'une conscience de soi. Dès lors il n'y a pas d'arbitrage possible, pas d'être supérieur mais la décision d'une conscience, son point de vue. Le Sage surgit de la foule et s'en distingue totalement, pur fait. De même le Yoga va considérer la pensée comme processus matériel, corporel. L'absence de médiation fait du gourou l'intermédiaire obligé de la révélation. L'illusion de la diversité de l'être a pour but la connaissance suprême qui est la fin, la négation de l'être, l'ignorance consistant dans la confusion de l'universel immobile, éternel et le flux de la vie mentale. Mais l'esprit n'est que spectateur : il n'y a pas d'histoire ni d'incarnation, l'Universel est le non singulier. Le but n'est pas l'immortalité mais la suppression des états de conscience. Il ne s'agit pas d'épouser la Cause mais bien d'arrêter la chaîne des causes, le Yoga est la non-dualité, le détachement plus que l'union.
La douleur existe dans la seule mesure où l'expérience se rapporte à la personnalité humaine considérée comme identique au Soi.

La connaissance est un simple réveil qui dévoile l'essence du Soi. Cette connaissance n'est pas obtenue par l'expérience, mais par une sorte de révélation : elle révèle instantanément la réalité ultime. E II 60

D'ABORD SE DÉVELOPPA LE DÉSIR, QUI FUT LE PREMIER GERME DE LA PENSÉE

CHERCHANT AVEC RÉFLEXION EN LEURS ÂMES, LES SAGES TROUVÈRENT DANS LE NON-ÊTRE LE LIEN DE L'ÊTRE (RIG VEDA X,129)

DEPUIS BRAHMAN JUSQU'AU DERNIER BRIN D'HERBE, LA CRÉATION EST POUR LE BÉNÉFICE DE L'ESPRIT JUSQU'À CE QU'IL AIT ATTEINT LA CONNAISSANCE SUPRÊME. SAMKHYA SUTRA, III, 47.

Atteindre dans la vie même cette mort de la vie. 120

Mais à son plus haut point cette négation consiste en la conscience obscure d'être parvenu à une inertie parfaite, à l'anéantissement de toute sensibilité et de tout vouloir, état qui même chez les bouddhistes passe pour le plus sublime. 116

Le Bouddhisme se veut théorie strictement négative, culminant dans la positivité du Bouddhisme Zen chinois. Négation de l'être, de la souffrance (TOUT EST SOUFFRANCE, TOUT EST ÉPHÉMÈRE), du savoir (identifié à l'ignorance), de l'éveil, de la pensée, c'est sur le désir, passion de l'ignorance et de l'existence, que porte sa négation jusqu'à ne plus être désir de négation et pouvant introduire une morale positive (compassion du Grand Véhicule).
Il n'y a que Souffrance et personne pour souffrir 
Il n'y a pas d'agent, il n'y a que l'acte. 
Le Nirvana est, mais non pas celui ou celle qui le cherche. 
La Voie existe, mais non pas celui ou celle qui y marche

(Visuddhi Magga, 16)


C'est l'ignorance qui produit l'Information innée.

Le Bouddhisme reste une pratique, une expérience du corps touchant l'immortel. La proximité du Bouddhisme et du Taoïsme est l'identité vide de la pure affirmation et de la pure négation. Les schismes sur la permanence de la sainteté révèlent un quotidien plus ordinaire (l'éveil est-il un état acquis ou un acte?).
L'hindouisme de la Bhagavad-Gîtâ (-360) simplifie le problème en renonçant, non au désir mais aux fruits de nos actes, instituant une morale négative efficace, dans le monde. La trinité Brahma, Vishnou, Shiva n'oppose pas le destructeur à la création mais fait plutôt de la division le principe du devenir.

- La révélation Perse (-700?)

    Nous connaissons, donc, par les anciens Védas la religion des premiers Aryens avant leur division entre Indiens et Iraniens (et Mitaniens en Palestine vers -1600). Cette religion indo-européenne qui se caractérise par la dualité des dieux (Devas et Asuras) ainsi que la dualité du premier d'entre eux (Varuna roi et mage) combiné avec la représentation des trois fonctions (Guerriers, Prêtres, Travailleurs) se préoccupe surtout de l'efficacité des sacrifices. Cette tradition remonte au-delà du 3ème millénaire aux éleveurs nomades de l'âge du bronze. Il faut compter aussi avec la culture locale préhistorique de Jérizeh, remontant à -9000 et consacrée aux aigles et rapaces mais surtout avec la religion Hittite (Indo-européens primitifs détachés de la religion indo-européenne et tendant à un syncrétisme monothéiste avec Shamash). L'intervention de Zarathoustra (dont l'existence et la date sont très incertaines de -800 à -620) contre les "hommes de proie" pour régénérer et réinterpréter la tradition, préfigure le Christ mais plus encore Mahomet car il se présente comme simple interprète du dieu dont il transmet la révélation. Il s'agit, en fait, d'une mise en question de la tradition, de sa réflexion, sa rationalisation comme le sont, à la même époque, les Brâhmana et les Upanishad indiens. Mais la remise en cause de l'efficacité des sacrifices par les Hindous fait de la vérité un fait individuel, le détachement du sacrifiant, dans l'absence de toute garantie. Zarathoustra au contraire interprète le sacrifice comme enseignement, pratique communautaire, et ne sauve que la garantie elle-même qu'il y a du Bien et du Mal, une vérité suprême, un ordre, une justice et une volonté divine (AŠA/Rta=Royaume de dieu), ne dépendant que de notre bonne volonté, notre bonne foi, notre loyauté. Cette divinisation de la vérité est le fondement du dogmatisme, de l'orthodoxie (Vohu Mana la bonne pensée), du fanatisme : le mensonge, le mal (Druj) étant identifié à la mauvaise foi. Les coeurs purs de la vraie foi combattent l'obscurantisme.Le ritualisme était suffisant, dans les conditions précaires d'un camp militaire. Après la sédentarisation des populations, il s'épuisait dans un vain formalisme. La réforme de Zarathoustra, peut-être inspirée des Hittites donc, consiste d'une part à réduire la multiplicité des dieux à l'unicité d'Ahura Mazda (Asura/Varuna/Ouranos) le seigneur éternel, omniscient, sage, bon, juste (les autres divinités étant conservées sous forme d'archanges, émanations d'Ahura Mazda dont le Saint esprit-Spenta Mainyu- et le Malin, le Négateur Angra Mainyu/Ahra Mainnyu), d'autre part à promouvoir l'intériorité de la bonne volonté, la valeur de la dévotion (la bonne intention suffisant à la bonne conscience), la religion se réduisant à un choix celui du bien contre le mal, de l'universel contre le mensonge imagé comme la simplicité du combat de la lumière contre les ténèbres. Le dualisme qui devait se renforcer dans le Zurvanisme (opposition de Ohrmuzd et Ahriman, le premier étant une déformation de Ahura-Mazda et le second de Ahra Mainyu/Arya-Man dieu des guerriers Aryens et des ancêtres) est une conséquence de la dogmatisation de la vérité, du choix binaire que le Vrai Dieu, la Vraie Religion, substitue au polythéisme multiforme (en rejetant les anciens dieux-devas-lumineux-lucifer comme démons-devils-démiurge, ce que l'Inde fera au contraire avec les Asuras) et condamnant aussi bien les anciens débordements du sacrifice que l'ivresse guerrière du Soma ou les orgies agricoles. L'unité inclut la négativité, possède en soi son antithèse, Il lui faut rendre compte (et les gnostiques après lui) du mal engendré par le bien suprême comme condition de la liberté de choix, de la bonne volonté, de la fidélité, de la parole tenue qui s'oppose à la trahison.Pour la première fois donc l'unité est principe et non un lien extérieur, d'ordre, dépourvu d'esprit. La participation d'un chacun au principe fait qu'il confère à chacun une valeur propre. 134

De même que pour l'homme, le bien n'existerait pas si le mal n'existait pas, et comme il ne peut être bon vraiment que s'il connaît le mal, de même la lumière n'est pas sans les ténèbres. Ormuzd et Ahriman constituent chez les Perses cette antithèse. 138

Ce qui peut être analysé comme une prise du pouvoir des prêtres contre la caste des guerriers (passage de l'oligarchie à une monarchie féodale, du pillage à l'agriculture sédentaire) doit reconnaître dans le pouvoir d'unification de la nouvelle théologie sa réussite terrestre, le premier véritable empire universel est celui de la Perse. La fonction sélectionne l'organe et la tendance monothéiste se vérifie à nouveau, comme plus tard, une réponse à l'émiettement, à la dégénérescence d'un polythéisme qui oublie son unité dans l'isolement des communautés.
La puissance séculière délaissée par l'esprit s'efface tout d'abord nécessairement devant la puissance spirituelle ; mais celle-ci en se plongeant dans la première, perd avec sa destination, aussi sa force. p86

La récupération du Zoroastrisme par les mages devait en altérer le message et l'absence de culpabilité fondatrice laissait libre cours à la réduction de la religion à une moralité d'état utilitariste, à la Confucius, qui s'y est perdue dans la corruption du pouvoir. D'autre part, on ne peut considérer cette religion comme une religion de l'écrit, ce qu'elle est devenue plus tard, car elle s'y refusait plutôt (interdit de l'écriture pour la religion comme les Celtes ou les Scythes) en se voulant fondée sur la révélation, l'extase (Soma), l'initiation, la transmission orale avant d'être recueillie en livres (les Gathas et le reste de l'Avesta). Mais elle reste, sans doute, un effet de la civilisation de l'écrit où elle s'insérait et qui a enregistré ses traditions.
La réintroduction postérieure de Mithra (Dieu garant des contrats) ne constitue pas vraiment un retour au polythéisme, ni même au dualisme (Varuna/Mitra, Loi/Contrat) mais préfigure plutôt la trinité chrétienne, l'unité du père et du fils, au ciel et sur la terre. Par contre, le Manichéisme, prolongation du Zurvanisme et de son fatalisme, prenait parti contre l'unité première en accentuant le dualisme du Diable et du Bon Dieu (hérité du chamanisme et partagé par les indiens d'Amérique du Nord). il a concurrencé le christianisme à ses débuts (Augustin) et influencé Gnostiques, Bougres et Cathares.
L'influence de la religion iranienne sur les Juifs et le Christianisme est considérable : le Sauveur, la providence, la Résurrection des morts, le Paradis, les anges et les démons, on n'en finirait pas la liste, mais surtout notre conception deDieu le père ainsi que ce combat millénaire du bien contre le mal qui ruine les représentations cycliques agricoles et fonde un temps historique unique. La grande différence réside dans la positivité joyeuse de la religion Iranienne rejetant les mortifications et qui justifiait aux yeux de Nietzsche le retour à Zarathoustra, c'est-à-dire le rejet de la culpabilité juive, de sa conscience malheureuse. Mais c'est pourtant Zarathoustra qui a introduit la religion de la morale, vouloir le bien, la justice et parole donnée!

- Les Juifs exilés (-1200/-400/135)

    La tradition fait remonter l'origine des Hébreux à la cité d'Our, en pays de Sumer, dont Abraham serait originaire vers -1750 (époque d' Hammourabi). En fait, les villes citées trahissent une époque bien plus récente et il semblerait qu'Abraham (nom comparable au Brahmane indien, le prêtre sacrificateur) puisse être d'origine Hittite (ce que suggère la Bible mais pour Ezechiel "votre mère était une Hittite et votre père un Amorite" Ez 16,45) ou bien Hourrite, en tout cas indo-européen, rapprochant les Hébreux des Hyksos, sémites encadrés par des indo-européens (utilisant le char de combat) qui, au temps de l'empire iranien de Mitani jusqu'en Palestine, envahiront l'Égypte vers -1600 (ce qui explique l'histoire de Joseph dans la Genèse) où ils seront ensuite réduits à l'esclavage vers -1500. [en fait, aux dernières nouvelles, les Hébreux seraient à l'origine des Shasous, éleveurs nomades arriérés du pays de Madian, leur dieu vengeur étant celui du volcan du mont Bedr et réduits en esclavages par Aménophis II vers -1400] Les pérégrinations des Hébreux, de l'Égypte à la Palestine puis l'exil Babylonien, sont au coeur de cette civilisation de l'écrit, retour des nomades sur la terre originelle du néolithique. Peuple incertain divisé en tribus dispersées, en ethnies diverses, leur unité est problématique, et le restera jusqu'à la destruction du temple de Jérusalem, se réduisant en fait à leur religion dont la caractéristique n'est pas le monothéisme mais plutôt le rejet des autres dieux (TU N'ADORERAS PAS UN AUTRE DIEU DEVANT MA FACE) au profit du "Dieu du père", dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Il semble que cette nouvelle religion ait pu rassembler des groupes disparates, Hébreux d'Egypte et philistins de palestine (adoptant l'écriture phénicienne) fuyant la civilisation et le joug égyptien, sorte de religion révolutionnaire égalitaire. En fait la religion évoluera beaucoup du dieu Suméro-Cannanéen El (le souffle, la voix, le nom d'Israël donné à Jacob signifiant celui qui a lutté contre El) à Yahvé (Dieu des volcans, guerrier et jaloux, résultat d'un compromis muet, symbolisé par l'Arche d'alliance, entre les tribus égyptiennes et palestiniennes) puis Elohim ("Tous les dieux" mais suivi d'un singulier, contemporain des deux royaumes et de l'idole double) avant de se fixer en YHWH/Adonaï après l'exil sous l'influence de la religion perse et de son monothéisme.Les juifs fuyant d'Égypte vers -1250 auraient gardé le rite de la circoncision qu'ils avaient adopté des Égyptiens et qui signe l'appartenance à la communauté, prolongeant, peut-être, dans toute son abstraction (interdiction de représenter Aton) l'expérience religieuse synthétique d'Akhenaton, bien que brève et réprimée par ses successeurs (le monothéisme est plus probablement d'origine perse ou hittite avec les chars de feu mais on ne peut exclure une pluralité d'influences). En tout cas, ce n'est au début qu'une monolâtrie, dieu tribal jaloux, sectaire et cruel, dieu unique d'un peuple dont l'unité est problématique (opposition des royaumes de Judas et d'Israël). On peut dire que ce Dieu se réduit à l'idée de l'unité de ce peuple, qui s'y réfléchit et n'est plus une donnée naturelle. Mais même au temps des rois, cette religion d'Etat ne s'impose pas à tous, la religion Cananéenne insistant et imposant ses représentations.Le véritable fondateur de la religion juive, l'inventeur du Deutéronome, c'est Josias en 622, après la destruction du royaume d'Israël au nord qui fait de Jérusalem la nouvelle capitale. Ce n'est cependant qu'après la destruction du temple par Nabuchodonosor en -587 et la captivité babylonienne que va se constituer véritablement la tradition biblique telle qu'on la connaît, tout ce qui précède étant remanié (voir "L'archéologie de la Bible" pour les dernières découvertes sur cette période). L'expérience de l'exil instituant la domination des prêtres devait accentuer l'intériorisation, l'approfondissement intellectuel, moral et métaphysique de la religion ainsi que la constitution d'un corpus destiné à préserver la singularité et l'unité des exilés. Libérés en -538 par le Perse Cyrus pour s'opposer à l'Égypte, la reconstruction du Temple fait de celui-ci le centre du Judaïsme. C'est Néhémie (ancien dignitaire à la cour d'Artaxerxès Ier) qui rétablit Jérusalem (-444), tandis qu'Esdras le scribe fonde la Loi (Thora) sur l'écriture, préparant la constitution de la Bible, sur un modèle proche du code d'Hammourabi mais rejetant l'esclavage (souviens-toi que tu as été esclave en Égypte) et les distinctions de castes. La confrontation à la religion iranienne devait marquer durablement la mystique juive à la fois dans le sens du monothéisme de Zarathoustra (Ahura Mazda, son char et ses anges célestes) et du fond dualiste de leur théologie qu'on retrouve chez les Esséniens par exemple. Les sacrifices seront remis en cause au profit de l'intériorité, mais là où la religion perse est positive, rejetant toute mortification, les Juifs vont y accentuer leur conscience déchirée de l'altérité, de l'éloignement de Dieu, son désert (la Loi témoigne contre Israël).Le malheur extérieur doit devenir la douleur intérieure de l'homme : il doit se sentir comme la négation de lui-même, reconnaître que son malheur est celui de sa nature, qu'il est en lui-même ce qui est séparé et divisé. Il se réfléchit en lui-même. 248

La chute, c'est la connaissance supprimant l'unité naturelle. 249

Ce n'est pourtant qu'en -167, en réaction à l'hellénisation forcée d'Antiochus IV, que la révolte des Maccabées va constituer définitivement la religion du Livre (Le zèle contre la Loi a créé le zèle pour la Loi), parti pris pour la lettre sacrée contre la banalisation de l'écrit, ce qui n'empêchera pas d'ailleurs la pénétration de la philosophie grecque platonisante surtout à Alexandrie (Philon). La promotion de la Loi donne un contenu, là où la religion perse se contente de l'opposition du bien et du mal, ce contenu se réduisant d'ailleurs aux lois de la parole. La médiation d'une loi écrite, dans les rapports à l'autre et comme fondement de l'unité du peuple, va nourrir la réflexion juive sur le droit (commentaires, jurisprudence) qui forme le Midrash, inaugurant une religion de l'écriture imitée par le Christianisme, le Manichéisme, l'Islam, etc.
Religion de l'Histoire, des interventions divines, les fêtes juives font référence à des événements historiques (comme les Égyptiens, dont les rites renouvellent la source créatrice présente dans l'événement originel, mais orienté cette fois vers l'avenir - Apocalypses, messianismes comme les Perses - plutôt que vers la restauration d'un Paradis perdu). C'est la répétition de notre propre fondation, et non plus le retour d'un événement cyclique, saisonnier, extérieur (suppression des rites de résurrection païens). La religion juive se fonde, contrairement aux religions païennes, sur le rapport paradoxal de l'éternel transcendant et du temps historique constituant l'histoire sainte.
Le Judaïsme moderne commence à Yabne après la destruction du temple en 70, mais surtout après la défaite de la dernière révolte en 135, la mort du messie Bar Koziba/Bar kokhba, la dispersion des juifs (Jérusalem leur est désormais interdite) et le transfert de l'académie de Yabne en Galilée près de Nazareth, où s'élaboreront les textes de base judéo-chétiens, en Hébreux, réalisation "kabbalistique" des écritures (comme il est écrit..., surtout le Livre d'Esther cf Dubourg) par le Messie (MSYH=Dieu ressuscité) Josué/Jésus (YSW=Le sauveur), inconnu encore du Pasteur d'Hermas. La création de nouvelles écritures séparait ces judéo-chrétiens des autre juifs (sadducéens ou pharisiens) pour qui le commentaire Talmudique de la Michnah et l'observation des rites deviennent réellement le seul fondement de la communauté se substituant à l'arche d'alliance puis au Temple de Jérusalem et l'espérance messianique abandonnant ses prétentions terrestres au profit d'une mystique de la Loi et du Texte redevenu obscur qu'il faut réinterpréter (Kabbale). La Shoa a redonné une nouvelle actualité à la question de sa faute ranimée par son pére-sécuteur.
Le judaïsme consiste dans l'identification de la divinité au peuple, à son unité, à sa communion mais comme perdues. Ce peuple n'a pas une connotation raciste, biologique mais sectaire, se constituant uniquement de la loi commune qui fait autorité, rite, signe, séparation, médiation, et acceptant jusqu'au XIIème siècle au moins la conversion de nombreux étrangers (Ashkénazes d'origine Khazar). Sa tradition d'esclavage refuse toute distinction de nature, de classe, entre ceux qui font acte d'alliance avec le dieu de la communauté. Un autre intérêt de la tradition biblique est cependant de reprendre les mythes cananéens, reformulés autant que combattus, transmettant jusqu'à notre époque le souvenir de l'émergence du néolithique dans la terre promise. Mais il s'agit bien, après l'empire Mitanien, du retour des nomades sur la terre des sédentaires, de la religion unitaire inspirée de l'Iran plus que de l'Égypte et qui renie explicitement les croyances locales traditionnelles (le Veau d'or).
Les hommes sont pris pour des individus, non pour des incarnations divines, le soleil pour le soleil, les montagnes pour des montagnes, sans que ces choses aient esprit et volonté. 151

4. La philosophie grecque (-400)
Nous venons de parler de l'hétérogénéité comme d'un élément de l'esprit grec et l'on n'ignore pas que les débuts de la civilisation se rattachent à l'arrivée des étrangers en Grèce. 175

Les Grecs, très divers, sont indubitablement un peuple indo-européen (surtout Sparte, Athènes restant très cosmopolite) mais leur religion n'en comporte guère plus que des traces, elle est plutôt formée des traditions Mycéniennes (Crétoises en particulier les Mystères), Phéniciennes et, à travers elles (ou par contact direct) Suméro-Egyptiennes. Outre la nostalgie de la civilisation qu'ils avaient détruite à leur arrivée, il faut tenir compte du fait que ce fut surtout un peuple de navigateurs, le découpage des côtes décuplant le voisinage de la mer aux dépens des communications avec l'intérieur des terres et privilégiant donc les croyances communes aux peuples de la mer.
L'ancienne écriture perdue (linéaire B), ce sont les Phéniciens qui vont apporter à nouveau l'écriture à la Grèce. La nouveauté va consister, grâce à l'invention des voyelles, dans sa diffusion zélée, systématique (en Grèce et dans toute la Méditerranée) qui fera sortir l'écriture de sa fonction spécialisée, réservée au scribe ou au prêtre, ouvrant à la possibilité de la démocratie.
L'effet de cette démocratisation, de cette libération de l'écriture, va être le développement de la rhétorique et la confrontation d'opinions divergentes : ceux qu'on appelle les pré-socratiques dont Parménide (La vérité comme identité éternelle) et Héraclite (Le changement, la vérité comme coïncidence, exactitude) incarnent l'opposition ontologique de l'Esprit et du Corps, de l'Universel et de la Singularité. D'où la mise en cause de la tradition et l'ironie des Sophistes à quoi répondra une dogmatisation de la religion, un passage à l'écrit (Orphisme). La philosophie prend naissance sous le patronage de l'Oracle de Delphes, temple d'A-pollon (Non-Plusieurs - à coupler avec Dyonisos le divisé - dieu des purifications qui commencent à la reconnaissance de notre étrangeté puisque son principe est "Connais-toi toi-même"), se constituant dans la confrontation des opinions divergentes (Socrate), leur mise en dialogue (Platon) qui dans la scolastique (Aristote) ne sera plus que citation de pure forme. La dialectique est ce qui affirme la vérité comme lieu du discours, de la critique. Le sacrifice de Socrate en est la fondation.
Socrate seul ne se fit pas initier, sachant bien que la science et l'art ne sortent pas des mystères et que la vérité ne réside jamais dans le secret. 181

Mais à la divergence des philosophes (Théologie platonicienne/Biologie aristotélicienne) devait répondre le Scepticisme post-philosophique (niant l'un et l'autre) puis l'Éclectisme (affirmant l'un et l'autre) fondant un nouveau dogmatisme post-philosophique (Stoïciens, Hermès, Néopythagoriciens, Néoplatoniciens). La théologie païenne restera toujours fidèle à la tradition d'un Dieu doublement transcendant exprimant son unité dans une diversité de manifestations ou de dieux dont les mortels sont séparés, par le corps. Pourtant le culte de Dyonisos- "Deux fois né", le double étranger, déchiré, mi-homme/mi-dieu, le divin enfant, le ressuscité, appelait à un dépassement de cette opposition comme son homologue Orphée. Le succès du Stoïcisme qui offrait le premier dogmatisme post-philosophique (une conception du monde unitaire et scientifique) s'est heurté au fatalisme astrologique qu'il justifiait après Aristote (au nom de l'ordre cyclique du Cosmos), et qui dégénérait en superstition délirante, impressionné par la mort du sauveur Alexandre en pleine gloire à 33 ans. Les initiations ont prospéré sur l'espoir d'échapper au déterminisme astral. La liberté avait besoin de proclamer un dieu créateur, historique transfigurant l'existence humaine en histoire sainte où la liberté devient consciente d'elle-même.

5. Le Catholicisme romain (325)
La naissance de Rome fut quelque chose d'artificiel, de contraint, sans rien d'originel. 219

A l'entendement sans liberté, sans esprit et sans âme, du monde romain, nous devons l'origine et le développement du droit positif. 223

La religion romaine est la religion toute prosaïque de l'étroitesse, de l'opportunité, de l'utilité. 225

Quand l'époque fut arrivée où le sacré en fut réduit à la forme, il devait être aussi connu, traité, foulé aux pieds comme forme. 227

Le Christianisme n'est pas autre chose que la religion de l'empire romain, c'est-à-dire du Césarisme (où le nouvel Alexandre n'a d'autre légitimité que ses actes), reprenant le calendrier de Jules César (JC) et identifiant grossièrement la naissance de Jésus Christ (JC) avec la naissance de l'Empire. C'est son adoption par l'empereur Constantin qui en a fixé le dogme et lui a donné son véritable essor. L'unité d'un empire regroupant de si nombreux peuples ne pouvait se satisfaire de la religion romaine hellénisée, utilitaire, imprégnée de superstitions et confisquée par l'aristocratie patricienne (qui détenait les sacra), encore moins de la divinisation de l'empereur. Les légions romaines popularisaient le culte de Mitra, dieu de l'amitié virile et des contrats, avec ses initiations de guerriers héritées des Aryens. Les tentatives de culte solaire (Sol invictus) témoignaient de la nécessité d'une religion universelle mais cet Universel ne pouvait être atteint vraiment que par les exclus de l'empire, les esclaves, car sous l'autorité absolue de l'empereur la distinction de l'esclave et du citoyen n'a plus de sens. La diffusion de la bible des Septante, traduction en grec de l'hébreux, donnait à cette nouvelle religion la tradition qui lui manquait ainsi que sa conscience malheureuse, attisée par la destruction du temple, et qui exprimait le délaissement de l'empire à la recherche de son unité. La dispersion des Juifs dans tout l'empire favorisait aussi son universalisation comme représentant des peuples soumis face à la diaspora des maîtres (Grecs et Romains).
C'est dans le creuset d'Alexandrie, avant Rome, que devait s'effectuer la synthèse des sectes esséniennes (ou gnostiques, héritières de la Perse à travers Isaïe) et de la philosophie (stoïcienne et néoplatonicienne), voire du culte de Mitra et des religions agricoles (pain et vin). Les thèses essentielles en sont la création (qui change l'avenir), l'incarnation (Dieu fait homme) et la Rédemption (amour de Dieu) mais qui se réduisent explicitement au commandement "aime ton prochain comme toi-même" faisant de Dieu l'entre-deux, la relation au semblable, la conscience réflexive dans l'autre, incarnation de la liberté, de la conscience dont procède le péché qui pour être originel ne nous épargne guère (et si la liberté est créatrice, amour, charité, elle se soumet aussitôt à la foi ou à l'amour, s'y abandonne et se renie alors dans un asservissement extrême : manuel de discipline essénien, le sacrifice de soi qui sauve). Cette théologie se réfère, particulièrement au sermon sur la montagne, d'origine éssenienne, dont la morale paradoxale du manque annonce déjà le triomphe de la crucifixion, où le négatif est sauvé comme sacrifice. "Heureux, vous les pauvres, le royaume de Dieu est à vous ! Heureux, vous qui avez faim...". C'est l'universalisation de la religion des anciens esclaves juifs.
L'incarnation de Dieu dans l'homme et la divinisation de l'homme par son péché originel abolissent la distance païenne entre les dieux et les hommes (la double transcendance de l'Un divin) pour un rapport personnel, rapport au prochain comme fondement de Dieu. Ce qu'exprime le Dieu bon qui nous aime en tant qu'on l'aime (là où deux ou trois personnes seront réunies en mon nom, je serais au milieu d'elles). La personnalité juridique romaine trouvait là un fondement universel (Catholicon) qui faisait de chaque être humain, maître comme esclave, Romain aussi bien que Juif, l'incarnation du divin (L'homme passe infiniment l'homme. Pascal).
L'homme certes déjà en tant qu'homme, a une valeur infinie. 257

Si nous disons que l'esprit est l'absolue réflexion en soi par sa différenciation absolue (l'amour en tant que sentiment, le savoir en tant qu'esprit) il est alors compris comme l'Un en trois personnes : le Père et le Fils et cette différence en son unité comme l'Esprit.

Cette unité ne doit pas être comprise superficiellement comme si Dieu n'était qu'homme et l'homme de même Dieu ; mais l'homme n'est Dieu qu'en tant qu'il surmonte ce que son esprit a de naturel et de fini, et qu'il s'élève à Dieu. En effet, pour l'homme qui a part à la vérité et qui sait qu'il est lui-même un moment de l'Idée divine, est posée en même temps la renonciation à son naturel, car le naturel est ce qui est privé de liberté et d'esprit. Dans cette idée de Dieu se trouve également la réconciliation de la douleur et du malheur de l'homme en lui-même. Car le malheur même est désormais connu comme nécessaire, afin de ménager l'unité de l'homme et de Dieu.

Le Christ est mort ; c'est mort seulement, qu'il est élevé au ciel, c'est ainsi seulement qu'il est esprit. 251

Si les Grecs ont ainsi spiritualisé leurs dieux sensibles, les chrétiens de leur côté recherchaient un sens plus profond dans l'élément historique de leur religion.

Les messianismes, inspirés de Jéhu oint par Élisée, ne manquent pas depuis la révolte des Maccabées qui devait exacerber l'opposition entre les tendances universalistes et particularistes de la Révélation. L'intégrisme patriotique des Zélotes ne tolérait pas que le Dieu des juifs puisse sauver les autres nations alors que la dispersion des juifs dans tout l'empire et la diffusion de la bible des septante transformait la religion hébraïque, comme les autres religions orientales, en religion universelle. Longtemps après la mise à mort de leur Maître de justice (-67), la prédication de Paul-Marcion aux sectes esséniennes est représentative de cette universalisation en rejetant la Loi hébraïque (c'est la Loi qui me fait pécheur) au profit de la Charité, de la Grâce, de la Liberté de l'homme à l'image de celle de Dieu ; passage de la Justice extérieure hébraïque à l'intériorité de l'amour comme rapport au semblable. Jean donne à l'espérance messianique un sens nouveau en proclamant que le Royaume de Dieu est déjà instauré.
Le christianisme qui s'enracine dans l'éssenisme (la Didachê) et dont la première forme repérable est sans doute celle de Jacques le Juste (frère de Jésus) et des ébionites (les pauvres), ne commence vraiment qu'avec Marcion (140, soit après la fin du messianisme juif, après la défaite définitive de 135 et la mort du messie Chimon Bar Koziba, le fils de l'étoile) qui s'appuie sur Paul (Juif élève de Gamaliel mais citoyen romain de Tarse donc après 150!?) pour le séparer du judaïsme (opposition ancien/nouveau testament) et l'universaliser. En 140, le Pasteur d'Hermas ignore encore le nom de Jésus formé par les kabbalistes exilés en galilée. Mais c'est la prédication de Montan (160) qui en fera une religion populaire proche de celle d'Attis, rejetant la gnose (la kabbale) au profit de la foi et faisant de Jésus un personnage historique, introduisant la vierge (sans doute à cause de la traduction grecque d'Isaïe). Le succès durable de cette nouvelle prophétie (Tertullien, Irénée, évangiles canoniques) malgré sa répression, ses martyrs, (et malgré le manichéisme qui lui fait concurrence ensuite) va mener Constantin à la transformer 150 ans après en religion d'état pour asseoir l'empire sur une autre base religieuse que le culte de l'empereur  : Eusèbe de Césarée et le concile de Nicée (325) vont définir le nouveau dogme (le pouvoir de l'empereur comme représentant du pouvoir divin) en accord avec les intérêts de Rome, respectant les coutumes acquises comme la fête de Mitra le 25 Décembre (naissance de Mitra le soleil-bienfaiteur-ami-allié d'une vierge dans une grotte, qui rend Varuna propice, culte du Soma-sang du Christ somagraha=graal), constituant avec les théologiens néoplatonisants une synthèse remarquable des grandes traditions de l'empire (les trois rois mages Égyptien, Perse et Chaldéen, les juifs plus la philosophie) et imposant le Christianisme romain (catholique) en opposition au Christianisme oriental (monophysistes, gnostiques, montanistes).
Le syncrétisme ne s'arrêtera pas là et, à travers le culte des saints, donnera au christianisme une capacité immense d'absorber les cultes locaux païens (la Vierge Marie, Mère de Dieu depuis le concile d'Ephèse ne sera vraiment divinisée que vers l'an mil sous l'influence de l'amour courtois, retrouvant la trinité Perse Ahura Mazda-Mithra-Anahita).
Alors même que le Nouveau Testament est basé sur des constructions savantes, ésotériques et littérales, constituant des "réalisations des écritures" (surtout Isaïe et Le livre d'Esther), la traduction en d'autres langues que l'Hébreux devait rendre ses "jeux de mots", ses résonances, ses rimes inaccessibles, devenus simplement un récit fantastique. La nouvelle religion populaire se réclamant alors d'une révélation historique, rejette toute interprétation symbolique, ésotérique et combat les gnostiques (où l'influence Perse/Hindouiste est très forte) ce qui va permettre la séparation de la Science et de la Religion (la docte ignorance de Nicolas de Cues "La connaissance, relative, complexe et finie, est incapable de saisir la Vérité simple et infinie") ainsi qu'une désacralisation se prolongeant jusqu'à nos jours au profit de l'histoire (tendance fortement romaine). Ce n'est pas le savoir qui sauve mais la foi et la charité. En reniant la tradition de sagesse dont il est issu, le Christianisme va permettre à la science de se développer sur l'expérimentation, en dehors des références théologiques (alors même que la Renaissance se réclamait, grâce aux Arabes, d'un retour aux sources de la tradition grecque, un retour aux écrits originels du Christianisme).
C'est l'Église qui a reconnu et établi ces doctrines, c'est l'esprit de la communauté. 255

L'intelligence ne se suffit pas encore à elle-même et ne consiste que dans l'esprit d'une autorité étrangère. Ainsi ce régime spirituel est par la suite devenu un régime ecclésiastique. 256

voir aussi 
[ltr]Les origines du Christianisme[/ltr]
et 
[ltr]Le Christianisme de Kojève[/ltr]

6. L'unité de l'Islam (630)
Tandis que l'Occident commence à se fixer à demeure dans la contingence, la complexité et la particularité, la direction contraire devait apparaître dans le monde pour intégrer la totalité ; cela arriva dans la Révolution de l'Orient qui brisa toute particularité et toute dépendance, éclairant et purifiant parfaitement l'âme, en faisant de l'Un abstrait, seul, l'objet absolu. Et de même de la pure conscience subjective, de la science de cet Un l'unique fin de la réalité, - de l'inconditionné, la condition de l'existence.

Honorer l'Un est l'unique fin du mahométisme et la subjectivité n'a pour matière de son activité que ce culte ainsi que l'intention de soumettre le monde à l'Un. Or, cet Un a, il est vrai, la détermination de l'esprit ; cependant comme la subjectivité se résout dans l'objet, cet Un perd toute détermination concrète. Le mahométisme toutefois ne s'absorbe pas à la manière indienne ou monacale dans l'absolu, mais la subjectivité y est vivante et infinie ; c'est une activité qui, paraissant dans le monde, le nie, n'agissant et n'intervenant que pour l'existence du culte pur de l'Un. L'objet du mahométisme n'est qu'intellectuel, on ne tolère aucune image, aucune représentation d'Allah : Mahomet est un prophète, mais un homme qui n'est pas au-dessus des faiblesses humaines. Les traits fondamentaux du mahométisme contiennent ceci que dans la réalité rien ne peut se stabiliser mais que tout, agissant et vivant, va vers le lointain infini du monde, le culte de l'Un demeurant le seul lien qui doit tout unir. En ce lointain, en cette puissance disparaît toute borne, toute distinction de nation et de caste ; nulle race, nul droit politique de naissance et de propriété n'a de valeur, seul l'homme comme croyant en a une : adorer l'Un, croire en lui, jeûner, se dégager du sentiment corporel de la particularité, faire l'aumône, cela signifie se défaire de son bien particulier : ce sont là les simples commandements ; mais le mérite le plus haut, c'est de mourir pour la foi, et qui meurt pour elle dans la bataille est sûr du Paradis.

L'abstraction dominait les mahométans ; leur but était de faire valoir le culte abstrait ; et ils y ont tendu avec le plus grand enthousiasme. Cet enthousiasme était du fanatisme, c'est-à-dire l'enthousiasme pour un abstrait, pour une idée abstraite qui se comporte négativement à l'égard de ce qui existe. 275/276

Issu de pratiques magiques archaïques, qu'il contredit, et du culte de la pierre noire qu'il continue (inspirant la pierre philosophale des alchimistes), c'est pourtant par l'Islam que nous est parvenue la tradition antique refoulée par l'Église (D'Aristote à Plotin ou Hermès trismégiste). Le culte de l'Un trouvait dans ces antiques références la confirmation de l'unité du savoir et de la foi, ne permettant pas à une science indépendante de se développer mais produisant plutôt une science théologique l'alchimie.
Réponse à un christianisme des maîtres, l'Islam est la vérité de la soumission (Islam) de tous, la liberté consistant à se soumettre à la loi divine mais celle-ci est donnée de façon toute extérieure comme la prière du musulman. Seul Dieu est libre et il l'est absolument.
Hegel a pu croire que cette religion de l'unité de la communauté qui a si bien réussi à des Arabes dispersés avait fait son temps mais l'individualisme moderne y a trouvé son puissant antidote, la revendication sans faux semblant de l'unité du monde qui nous manque, sans références familiales et biologiques (Ni Père, ni fils).

7. Le protestantisme (1517)

    La Réforme est le produit de l'imprimerie, de la généralisation du Livre et, comme la promotion de l'écriture dans la Grèce antique, la valorisation du jugement critique de l'individu contre l'autorité des prêtres.

Pour les Catholiques, la plus profonde intériorité ne leur appartient pas en propre. Ils la laissent en quelque sorte sur l'autre bord, contents que cette affaire se résolve ailleurs. Cet ailleurs auquel ils l'abandonnent, c'est l'Église (division de l'intérêt religieux d'avec l'intérêt temporel). 322

Luther a rejeté cette autorité et a mis en sa place la Bible et le témoignage de l'esprit humain. Or, ce fait que la Bible même soit devenue la base de l'Église chrétienne, est de la plus grande importance : chacun doit lui-même maintenant s'instruire dans ce livre, et pouvoir diriger sa conscience d'après lui. 320

La réforme est issue de la corruption de l'Église. La corruption de l'Église n'a rien de contingent, elle n'est pas seulement abus de la violence et de l'autorité. 317

De cette ruine du spirituel, c'est-à-dire de l'Église, sort la forme plus haute de la pensée raisonnable. 86

L'esprit n'est plus étranger à L'État. 86

La doctrine de Luther est simplement que le ceci, l'infinie subjectivité, c'est-à-dire la vraie spiritualité, le Christ, n'est d'aucune manière extérieurement présent et réel, mais qu'il ne s'acquiert d'une manière générale comme spiritualité que dans la réconciliation avec Dieu, dans la foi et la communion. 318

Le Christ ne doit donc pas être considéré seulement comme une personne historique, mais l'homme, en esprit, est en un rapport immédiat avec lui.

L'individu sachant maintenant qu'il est plein de l'esprit divin, toute condition d'extériorité disparaît ; il n'y a plus désormais de différence entre prêtres et laïcs ; chacun doit en lui-même accomplir l'oeuvre de réconciliation. La subjectivité s'approprie maintenant le contenu objectif, c'est-à-dire la doctrine de l'Église. Ainsi se libère dans la vérité l'esprit subjectif, il nie son être particulier, et reprend conscience de lui-même dans sa vérité propre. Ainsi s'est trouvée réalisée la liberté chrétienne.

Voilà ainsi déployée la nouvelle, la dernière bannière, autour de laquelle se groupent les peuples, le drapeau de l'esprit libre qui est en lui-même et en la vérité et n'est en lui-même qu'en la vérité. C'est le drapeau sous lequel nous servons et que nous portons. 319

Le développement et le progrès de l'esprit à partir de la Réforme, consiste en ce que l'esprit, conscient désormais de sa liberté, grâce à la médiation qui se passe entre l'homme et Dieu, certain que le processus d'objectivation est celui de l'Être divin même, appréhende maintenant celui-ci et l'accomplit en avançant la formation du monde temporel. 323

La Réforme, en détruisant les solidarités féodales, a préparé l'avènement des nations modernes. En reportant la vérité de la religion sur la foi individuelle, elle a préparé le subjectivisme de l'expérience cartésienne. En exigeant que chacun se donne sa propre loi, elle a ouvert la voie au rationalisme de Kant où les êtres singuliers ne se rencontrent que dans l'universalité de la raison.
Voir aussi 
[ltr]L'histoire du protestantisme d'un point de vue matérialiste[/ltr]

 de F.Engels.

8. La science (1789)

    Les Lumières et la Révolution française vont inaugurer l'ère du Capitalisme et du Scientisme où le règne de la Raison partagée, de la citoyenneté, s'incarnera d'abord dans la Terreur, puis dans l'Empire, enfin dans le Communisme et le Fascisme. La réduction de l'homme au biologique, au social et à la technique, au savoir objectif, ne sera remise en cause qu'après deux guerres mondiales particulièrement ignobles. Ce n'est que lorsque la Science se cogne elle-même à ses propres limites que sa terrible puissance de transformation et de méconnaissance est contestée enfin par une Écologie encore bien timide. Devant l'éclatement des structures traditionnelles et l'émiettement des cités modernes, l'effacement de l'autorité unificatrice de l'église, l'Islam brandit son exigence d'unité et représente les exclus du monde de la technique et de la consommation pendant que le New Age célèbre l'unité mystique de toutes les techniques. Les seules religions universelles actuelles sont celle de la science et du spectacle médiatique unifiant le monde de la marchandise. Mais c'est la liberté, la réflexivité qu'il faut préserver dans ce Tout qui s'annonce et qui ne dépend que de nous.


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Message  Arlitto Dim 07 Aoû 2016, 16:40

Voir les [ltr]repères chronologiques[/ltr] (de l'origine de l'homme à la Bible des septantes en -170).
Les origines du Christianisme



Le même 
L'Un, le Père

Le double 
Le divisé, le Fils


L'Autre 
L'Unité, l'Esprit



Judéens 
Yhavé


Samaritains 
El, Magna Mater


Hellénistes 
Dualisme iranien



Jérusalem / Rome


Samarie / Antioche


Damas / Alexandrie



Messianismes 
La tradition, l'autorité, La Loi


Millénarismes 
L'incarnation, la Foi, l'ascétisme


Apocalypses 
La raison, la liberté, la charité


-165

Maccabées

Baptistes (Masbothéens)

Sadducéens (Justes)

-135


Dosithée (crucifié)


-100

Pharisiens (séparés)

Nazoréens

Esséniens (église)  
Manuel de discipline

-63

Jules César (mort -44)

La sagesse de Salomon

Mort du Maître de Justice

0

Zélotes  
(Judas le galiléen)

Simon de Samarie/Hélène  
(magie)

Thérapeutes, Philon  
Hermès trismégiste

19

Anti-sémitisme (Tibère)

 

 

30

Jacques le juste et Simon (crucifié)

Jean-baptiste 
Jacob de Kepher (crucifié en 42)

Simon l'éssenien

50

Sicaires, "Chrétiens" 
(Néron/Sénèque, Plutarque)

Galiléens

Theudas et les pauvres

70

Destruction du temple  
Ebionites, Pierre

Unité des sectes  
Gnostiques, Cérinthe (Jésus)

Qumrân  
Didache (remaniée en 140)

95

Persécutions des Chrétiens (Domitien)



100

Elchasaïtisme (Jacques et Simon-Pierre) 
Clément (Rome invention d'Irénée)

Philippe 
Aquilas et Priscilla 
Ignace (Antioche écrits 135/190)

Jean (Ephèse), Apocalypse  
Apolos (Grèce), Paul 
Thomas (Edesse)

135

Fin du messianisme juif  
(Chimon Bar Koziba)

rupture chétiens/juifs

extension à l'empire

140

Evangile de Pierre  
Evangile de Matthieu

Evangile des Hébreux  
Polycarpe, Papias

Evangile des Égyptiens  
(Apolos), Hermas

150

Evangile de Jacques

Valentin  
Justin le gnostique  
(Livre de Baruch)

Marcion / Paul, luc

160

 

Nouvelle Prophétie  
Montan

Justin l'apologétiste (grec)

170

Evangiles canoniques

Tatien, Tertullien

Apollonius

180

Irénée (tradition)

 

Agbar IX (Edesse)

190

(Talmud, Merkabah)

 

Clément d'Alexandrie

230

 

 

Origène (Plotin, Jamblique)

242


Mani (Manichéisme)


325

Catholicisme 
Constantin, Eusèbe de Césarée



400

 

 

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Message  Arlitto Sam 17 Sep 2016, 20:11


Synthèse
La religion

Initiation aux religions Socrate

Initiation aux religions Prof2
Les grandes problématiques 

1. Distinction Croire / Savoir 

eux sens de « croire » 

  • sens descriptif, psychologique : je crois que p (où désigne un contenu de pensée quelconque, une proposition) = je tiens pour vrai que p. Assentiment donné à un contenu de pensée. Croire ≠ douter, hésiter (ne pas donner son assentiment). Certitude ou incertitude subjectives.

  • sens normatif, épistémique : « je crois qu’il y a des extraterrestres dans la galaxie, mais je ne peux prétendre le savoir ». En ce sens, « croire » exprimer un jugement de valeur : état considéré comme inférieur par rapport à celui de savoir / connaître, du point de vue de la certitude objective.


La connaissance comme croyance vraie justifiée
Définition possible de la connaissance (ou du savoir) :  : « opinion vraie justifiée » cf. PlatonThéètète. Reformulation en termes de conditions nécessaires :


  • croyance : au sens (1), adhésion, assentiment à un contenu de pensée, une proposition. Savoir implique croire au sens 1.

  • vraie : une croyance fausse ne peut être une connaissance (= erreur).


Mais croire c’est tenir pour vrai ; or on peut avoir des croyances fausses (faire des erreurs) : comment savoir alors si une croyance que l’on a est vraie ou non ? C'est le problème de la garantie objective de la vérité d’une croyance. Si la certitude subjective n’est pas une marque suffisante de vérité, à quelles conditions pourra-t-on considérer qu’une croyance est une connaissance ?

.
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Message  Arlitto Sam 17 Sep 2016, 20:12

Objectif/Subjectif

Définitions

Objectif
1. Est objectif ce qui se rapporte à l'objet de la connaissance.
Un jugement est objectif s'il est conforme à son objet. (Accord de la pensée avec le réel)
2. Est objectif ce qui ne dépend pas de moi et est valable pour tous. 
Un jugement est objectif s'il est universel. (Accord des esprits entre eux)

Subjectif
1. Est subjectif ce qui se rapporte au sujet de la connaissance.
Un jugement est subjectif s'il appartient à la conscience.
2. Est subjectif ce qui dépend de moi ou d'un point de vue particulier. 
Un jugement est subjectif s'il reflète les passions, les préjugés et les choix personnels d'un sujet. Synonyme de partialité.

Objectivité
En général, l'objectivié est le caractère de ce qui est objectif.
1. L'objectivité est l'accord de la pensée au réel. En ce sens, l'objectivité est la condition de la vérité entendue comme correspondance à la réalité (critère de vérité-correspondance).
2. L'objectivité est une attitude de l'esprit opposée à la subjectivité au sens 2 et qui garantit l'objectivité au sens 1 (l'accord de la pensée avec le réel). 

Subjectivité
En général, la subjectivité est le caractère de ce qui est subjectif.
1. La subjectivité est tout ce qui concerne l'homme en tant qu'il est un sujet, c'est-à-dire une conscience qui connaît l'objet. On parle souvent en ce sens de subjectivité transcendantaleau sens de Kant.
2. La subjectivité est aussi l'ensemble des caractéristiques d'une conscience individuelle. On parle souvent en ce sens de subjectivité empirique.

Subjectivisme
Le subjectivisme consiste à tout juger d'un point de vue subjectif au sens 2. Pour le subjectivisme en ce sens, il n'y a pas d'objectivité possible. "A chacun sa vérité".
Le subjectivisme débouche sur le relativisme universel de Protagoras:
"L'homme est la mesure de toute chose. Telles les choses m'apparaissent, telles elles sont. Telles les choses t'apparaissent, telles elles sont."

Dictionnaires de référence

  • André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie. P.U.F.

  • Sylvain Auroux et Yvonne Weil, Nouveau vocabulaire des études philosophiques. Hachette.




Discussion
Le paradoxe de l'objectivité vient du fait que la connaissance objective, qui exige le dépassement de la subjectivité au sens 2, n'est possible que grâce à la subjectivité au sens 1 : il n'y a pas d'objet connu sans sujet de connaissance. Une connaissance indépendante du sujet n'existe donc pas. En ce sens, tout jugement est subjectif au sens 1.
Le problème philosophique de l'objectivité est de déterminer les critères et le fondement de l'objectivité de la connaissance.
Pour la philosophie antique, l'objet de la connaisance est la réalité elle-même, telle qu'elle existe indépendamment du sujet. La connaissance est pour eux la contemplation de la vérité qui se confond avec l'être lui-même : la réalité.

Kant critique la théorie de la vérité "correspondance à la réalité" et pose de façon moderne le paradoxe de l'objectivité: nous ne sortons jamais de nous-mêmes, nous n'avons jamais affaire qu'à nos propres représentations. Comment, dans ces conditions, prétendre connaître des vérités nécessaires et universelles ? 
La solution kantienne s'appuie sur la distinction entre les noumènes (chose en soi) indépendants de nous mais inconnaissables et les phénomnènes (choses pour nous) dépendants de nous mais connaissables. Pour plus de détails, voir la fiche sur Kant et la préface à la seconde édition de la Critique de la raison pure.

La question moderne de l'objectivité est liée au développement de la mécanique newtonienne. L'objet de la science moderne est bien une réalité indépendante du sujet individuel, mais c'est une réalité saisie au travers de représentations construites par l'activité scientifique elle-même, et en particulier grâce aux outils mathématiques utilisés pour les modéliser. Ainsi, on ne sort jamais du monde des représentations (voir ci-dessous dans les référence, le texte de Kant), et pourtant certaines de ces représentations peuvent êtres dites objectives alors que les autres sont simplement subjectives. Comment alors faire la part de l'objectif et du subjectif?
Pour atteindre l'objectivité, le sujet doit être neutralisé sans être supprimé. La conformité à l'objet, donc l'objectivité, dépend de la démarche : c'est la méthode qui garantit l'objectivité. La réflexion sur l'objectivité passe donc par l'étude de l'activité scientifique. Les conditions de l'objectivité ne sont pas données une fois pour toute de toute éternité. Chaque science déterminerait au cours de son histoire ses objets et la forme d'objectivité qui lui est propre.

Qu'en est-il de l'objectivité quand l'objet de la connaissance est le sujet lui-même ? Le sujet peut-il se connaître lui-même en toute objectivité ? Cette question renvoie aussi à la relation aux autres sujets: ai-je besoin d'autrui pour être objectif, et en particulier pour me connaître moi-même?
D'une façon plus générale, les sciences humaines peuvent-elles être objectives ? Si oui, Leurs conditions d'objectivité peuvent-elles se réduire à celles des sciences de la nature?


Mise en oeuvre de la distinction
Ai-je besoin d'autrui pour être objectif? 
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Message  Arlitto Sam 17 Sep 2016, 20:12

Objectif / Subjectif


  • justifiée : une connaissance est une croyance dont la vérité est rendue certaine par le biais d’une justification. Il vaut mieux dire une « preuve ». Une preuve est une justification certaine, qui sert de critère entre croyance et connaissance (entre croyances fausses et croyances vraies).


Comment nous assurer que certaines de nos croyances sont bien des connaissances ? Le problème est de savoir s’il existe des critères infaillibles de la vérité des croyances.

La distinction entre croire et savoir est-elle une distinction radicale ?


  • Ce serait le cas si nous pouvions avoir des connaissances absolument certaines

  • Dans le cas contraire, nos connaissances ne garderaient qu’un statut provisoire de connaissances, toujours révisable en principe.


Popper fonde sur cette « modestie » du savoir l’exigence de tolérance.

Croyance, doute et savoir
A propos de la croyance, ne pas confondre deux concepts différents :


  • Le concept subjectif : assentiment à un contenu de pensée, notre rapport subjectif à ce contenu (opposé au doute). Point de vue du sujet qui croit.

  • Le concept objectif : pensée dont la vérité est simplement probable et non certaine (opposé au savoir). Point de vue de la vérité, du rapport au réel.


L'acte de foi religieux est une croyance au sens subjectif (une attitude du sujet) mais ce sur quoi porte cet acte de foi, le contenu de la croyance subjective, est une croyance au sens objectif (quelque chose dont la vérité n'est pas assurée, quelle que soit la profondeur de la foi).

2. Qu’est-ce qu’une croyance religieuse ?

Difficulté à définir ce qu’est la (ou une) religion : diversité et multiplicité des religions (christianisme, religion musulmane, judaïsme, mais aussi hindouisme, zoroastrisme, shintoïsme… ; confucianisme, bouddhisme, mais aussi religions propres à une cité, dans l’Antiquité ou celles propres à une ethnie en Afrique ou en Océanie…).

Rudolf Otto, dans Le Sacré, proposetrois grandes caractéristiques du phénomène religieux:

  • La religion se présente comme un ensemble de pratiques : culte, prières, cérémonies, lieux avec organisation et matériel symboliques (cf. disposition d’une église, autel, hostie, ciboire…). Cet ensemble de pratiques unit les membres d’une communauté : rites de naissance, passage à l’âge adulte, rite funéraire…

  • La religion suppose aussi la distinction entre ce qui est sacré et ce qui est profane. et une organisation de la vie, de l’emploi du temps, etc. qui l’inscrit dans un ordre plus général et lui donne son sens.

  • Tout cela prend son sens par certaines croyances particulières, qui donnent leur sens aux rites et aux pratiques (cf. le sens du rituel de la messe chez les catholiques repose sur le dogme de l'incarnation de Dieu).


Une croyance fondamentale caractéristique de nombreuses religions est la croyance en une (ou plusieurs) puissance(s) qui dépasse(nt) absolument les hommes, voire l’univers lui-même (on parle alors de puissance transcendante, ou de transcendance), et qui joue un rôle dans son fonctionnement (création et / ou entretien). 
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Message  Arlitto Sam 17 Sep 2016, 20:13

Transcendant / Immanent

Définitions

Transcendant 
Transcendant signifie "qui dépasse", "qui va au-delà" ou qui est à l'extérieur du domaine considéré. 

Le transcendant peut être aussi considéré d'une nature supérieure.

Immanent 
Par opposition au transcendant, ce qui est accessible, du même niveau ou interne au domaine considéré.


On distingue de ce point de vue quatre attitudes:


  • Théisme : ex. christianisme, etc. Croyance en un Dieu omnipotent, bon et omniscient ; une puissance unique à laquelle on reconnaît certains attributs.

  • Déisme : Croyance en une puissance transcendante, mais qui ne soutient aucune doctrine sur ce qu’est cette puissance directrice.

  • Athéisme : négation de l’existence d’une telle puissance

  • Agnosticisme : suspension du jugement sur la question, au nom de l’impossibilité à trancher de manière convaincante.


Mais dans certaines religions comme le bouddhisme, le taoïsme, on ne trouve pas de référence à un principe divin. Peut-être est-ce un motif pour ne pas parler de religion mais d’école spirituelle, par exemple. Toutefois il y est également question du « salut » ; et s’il n’y a pas de référence à un principe divin, il y a référence à un fonctionnement général de l’univers qui n’est pas d’ordre matériel ou physique, cf. le système du karma et des réincarnations successives selon le degré de justice de la vie précédente dans le bouddhisme indien. De même pour le Tao : il s’agit bien d’un discours sur l’ordre de l’univers.

3. Foi et Raison : comment les concilier ?

Les croyances religieuses sont considérées par ceux qui y croient, comme les autres types de croyances, comme exprimant quelque chose de vrai.
De ce point de vue la religion est un effort pour dépeindre le monde tel qu’il est, ce qu’il contient, ce qui en explique les événements. Donc les croyances religieuses relèvent également du vrai et du faux (contrairement à la poésie, par exemple).

Mais que faut-il penser de ces croyances ? Sont-elle compatibles avec l’exigence de rationalité ?

La croyance en Dieu est-elle justifiable ?


  • Cette croyance est l’affirmation d’un être (ou d’une puissance) qui est décrit comme supra-naturel ; comment s’assurer de son existence ? Si la croyance en Dieu est une croyance comme les autres, elle doit pouvoir s’appuyer sur nos meilleurs moyens de justification, elle relève de nos meilleurs moyens d’accéder à la vérité. Quelle justification peut-on alors trouver en sa faveur ?

  • Mais si l’on ne trouve pas de bonne justification à la croyance religieuse, cela signifie-t-il qu’elle n’est rien d’autre qu’une forme de superstition ? Auquel cas, elle serait une sorte d’illusion dont il faudrait expliquer les causes.

  • L’absence de justification ruine-t-elle cependant vraiment sa valeur ? Un croyant pourrait répondre en effet que ce qui caractérise la foi, c’est justement son incertitude, l’absence de preuves convaincantes en faveur de son objet (la foi n’est pas une certitude confortable, mais une mise à l’épreuve de la volonté du croyant lui-même ; ce n’est pas qu’un assentiment intellectuel, mais une attitude plus profonde qui engage à agir). Elle ne relèverait pas de la raison.

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Message  Arlitto Sam 17 Sep 2016, 20:13

Convaincre / Persuader

Définitions

Persuader 
Persuader, c'est faire croire. (Adhésion émotionnelle)

Convaincre 
Convaincre, c'est obtenir l'assentiment sur la base de preuves ou de témoignages. (Adhésion rationnelle)

Conviction 
Au sens juridique du terme, qui est aussi le premier sens, la conviction est une preuve établissant la culpabilité de quelqu'un.

Au sens philosophique, la conviction est l'action de convaincre ou la certitude logique résultant de cette action.
Par extension, et de façon impropre, on parle aussi de conviction morale : croyance ferme en la légitimité d'un idéal ou d'une doctrine.

Il y a deux enjeux importants :


  • Une religion comme ensemble de pratiques et de croyances est-elle réellement distincte d’une forme de superstition à grande échelle ?

  • Une croyance qui ne reçoit pas de preuve ou de justification positive à son appui est-elle pour autant irrationnelle ? Si rien ne vient contredire nos croyances, est-il irrationnel de les avoir ? La rationalité de nos croyances dépend-elle des raisons que l’on a de croire ?


Peut-on rationaliser la croyance en Dieu ? Les arguments classiques

 A- L’appel aux témoignages et aux miracles 
C'est l'idée que la croyance est corroborée par des miracles accomplis par des saints ou des prophètes : prévoir avenir, réapparaître après la mort, guérisons miraculeuses… Les miracles serait ce qui soutient la foi.
Or les miracles sont plutôt rapportés que constatés. La plupart reposent sur des témoignages, des récits. Cf. Les Evangiles.

D'où la question de Hume : quand est-il raisonnable de croire un tel témoignage ?

Qu’est-ce qu’un miracle ? A quels critères dira-t-on qu’un événement est un miracle ?

  • Au sens faible, non religieux, un miracle est non seulement un événement inhabituel ou surprenant mais aussi qui nous importe. Souvent on appelle « miracle » un événement très improbable mais dont la survenue présente une importance à nos yeux (ex. un survivant dans un accident très grave qui aurait eu très peu de chances de survie, mais aurait néanmoins survécu ; ce fait nous importe). 

  • Au sens fort il s'agit d'un événement totalement incroyable parce qu’il n’a aucune probabilité d’apparaître étant donné la marche du monde.


Qu'est-ce qui fait alors que le témoignage concernant un miracle est néanmoins assumé fiable ? Nous croyons le plus souvent que ce que l’on nous rapporte est vrai (Untel me dit que p, j’en infère que p est vrai). Notre expérience nous montre que c’est ce qui est le cas la plupart du temps. On pourrait même dire que c’est une règle implicite dans tout échange verbal. (C’est d’ailleurs parce qu’une telle règle existe que le mensonge est possible).

Mais ce raisonnement (inductif : la plupart du temps, etc.) peut être affecté par : des soupçons que le locuteur a intérêt à ce que je le crois; des contradictions entre des témoins, l'hésitation ou la violence de l’affirmation… Là encore nous nous appyonse sur notre expérience : nous ne sommes pas complètement crédules!

Or, quand un fait relaté est miraculeux, alors il y a conflit entre deux règles tirées de l’expérience : (1) si le témoin est digne de foi, alors on devrait lui faire confiance, mais (2) si ce qui est raconté est stupéfiant ou étrange, étant donné ce que l’on sait du monde, alors on devrait se méfier.

Qu’est-ce qui est le plus surprenant : que le témoin se trompe, ou que ce qu’il raconte se soit produit ?

On sait qu’il nous arrive de nous tromper, de juger trop vite, d’être en proie à l’enthousiasme, de mentir, d’avoir des hallucinations, etc.

B- Les arguments de la religion naturelle 
L'idée de la religion naturelle est que la croyance en Dieu peut être justifiée et appuyée par autre chose que la Révélation et le message d’un prophète (témoin direct de la parole divine). Dans la raison de tout homme se trouverait le fondement d’une foi sincère.

a- L’argument ontologique : Anselme (1033-1109)
C'est un argument purement a priori, c'est-à-dire qui ne s’appuie sur aucune prémisse empirique (ex. mesures ou résultats expérimentaux). Il ne met en jeu que la raison.
Anselme s’adresse à l’insensé qui dit en son cœur qu’il n’y a point de Dieu et veut prouver l’existence de Dieu par le seul examen du concept ou de la définition de Dieu. Dieu est par définition
« l’être tel que rien ne se peut penser de plus grand ».

Structure de l’argument : C'est une réduction à l’absurdeAnselme nous propose de faire nôtre la pensée de l’athée pour montrer qu’elle aboutit à une contradiction (et donc que l’athée, l’insensé, n’est pas dans son bon sens).


  • Le concept de Dieu est compris. Or, tout ce qui est compris existe dans l’intellect. Donc Dieu existe dans l’intellect.

  • Supposez que Dieu n’existe que dans l’intellect, pas dans la réalité. Un être plus grand que Dieu se conçoit donc : un être qui existe en réalité.

  • Mais Dieu est défini un être tel que rien ne se peut concevoir de plus grand.

  • Donc aucun être plus grand ne saurait être conçu, par définition.


Nous voilà cependant avec une contradiction. Notre supposition originale était donc fausse.
L’inexistence serait une imperfection, un manque, un "moindre être" chez un être qui par définition ne peut être "amélioré" ou "grandi". L ’existence appartient donc à l’essence de Dieu.
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Message  Arlitto Sam 17 Sep 2016, 20:14

Essentiel / Accidentel

Définitions

Essence
Essentiel

1. Opposé à accident: L'essence est ce qui constitue la réalité permanente de quelque chose par opposition aux modifications superficielles. 
Ce qui est essentiel appartient à l'essence d'une chose et est nécessaire.
"Appartient à l'essence d'une chose ce qui, étant donné, fait que cette chose est nécessairement posé, et qui, supprimé, fait que cette chose est nécessairement supprimée. " Spinoza
2. Opposé à existence : L'essence est ce qu'est une chose, indépendamment du fait même qu'elle soit.
" Toute essence peut être conçue sans que soit conçue son existence : je puis en effet concevoir ce qu'est l'homme ou le phénix, tout en ignorant si cela existe dans la nature des choses. Il est donc évident que l'existence est autre chose que l'essence. " Thomas d'Aquin

Accident
Accidentel

1. Étymologiquement, l'accident est ce qui arrive par hasard.
2. L'accident est ce qui, dans un être, peut être modifié ou supprimé sans changer la nature de la chose elle-même, c'est-à-dire sans que cette chose cesse d'être ce qu'elle est. 
Ce qui est accidentel est contingent.

Existence
L'essence désigne ce qu'est une chose ; l'existence désigne le fait qu'une chose est réelle.


Cet argument n'est-il pas suspect ?

Le premier problème tient au fait de considérer l’existence comme une qualité, une perfection, une propriété, un prédicat.

C'est la critique de Kant: il n’y a rien de moins dans cent thalers conçus que dans cent thalers réels (si j’énumère leurs propriétés). L'existence n'est donc pas une propriété parmi d'autres. Elle n'ajoute rien au concept de la chose, elle ne fait que poser l'être-là de l'objet correspondant au concept.

Cf. une petite annonce matrimoniale : elle donne le descriptif de la personne recherchée, cette description est douée de sens, mais il n'est pas certain qu’il y ait quelqu’un qui y corresponde, qu'elle ait une référence.
Le deuxième problème est de comparer des choses « conçues » et des choses « réelles », comme si on comparait deux régions géographiques différentes, ou les dindes d’Allemagne et les dindes de France.
Supposez que j'affirme « Les vraies dindes sont plus lourdes que les dindes imaginaires ». Une dinde imaginaire ne pèse rien, certes (et on ne peut la manger) ; mais c'est parce que ce n'est que l'idée d'une dinde. Mais imaginaires ou pas, les dindes ont la propriété d'être pesante et je peux imaginer une dinde plus lourde que toutes les dindes existantes…

Il ne faut pas supposer deux espèces différentes de dindes (les réelles et les imaginaires) que l’on pourrait comparer. Les propriétés qui les définissent sont les mêmes.
Il est donc illusoire de faire une comparaison entre un Dieu dans l’intellect et un Dieu réel. Même si Dieu n’existe que dans l’intellect, il ne s’ensuit pas qu’on puisse concevoir un être plus grand simplement par le fait que ce serait un être qui existerait réellement. La dinde plus lourde que toutes les dindes existantes ne péserait pas plus lourd en réalité que le poids que je lui imagine.
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Message  Arlitto Sam 17 Sep 2016, 20:15

Idéal / Réel
Définitions
RéelDu latin res qui signifie chose. Est réel ce qui existe en acte, effectivement par opposition à

  • ce qui n'existe que dans la pensée, l'imagination ou le langage;
  • ce qui n'est qu'apparent et illusoire;
  • ce qui n'est que possible.

Idéal

  • Opposé à réel (opposition 1 ci-dessus).
  • Ce qui est parfait et peut servir de norme ou de modèle.

Ces deux sens ne s'excluent pas dans la mesure où on considère que la perfection n'existe pas dans la réalité et ne peut qu'être conçue. 


L’argument du dessein 

L’ordre de la nature comme signe d’une intelligence créatrice : cf. présentation de Cléanthe, dans les Dialogues sur la religion naturelle de Hume.

C'est un argument par analogie : le monde ressemble aux objets conçus par l’homme (ex. une montre). Ils partagent des traits en commun, ils se ressemblent : complexité, ajustement des éléments les uns aux autres, etc.

Il est raisonnable en face d’une montre, de concevoir un concepteur humain doué d’intelligence, donc il est raisonnable face au cadre entier de la nature, de postuler un concepteur divin.
Cet argument est a posteriori : nous partons de l’expérience, de ce que nous savons du monde tel que nous le trouvons.

Notons que le darwinisme a mis en péril cet argument : on peut expliquer les ajustements biologiques en se passant de l’appel à l’intelligence divine.

D'une façon générale, on peut critiquer l’idée que l’ordre est toujours le résultat de l’intelligence : l’explication darwinienne de l’ajustement des êtres vivants à leur milieu exclut l’intelligence et la transformation adaptative finalisée. On peut rendre compte de la formation d’un ordre par un mécanisme (donc pas besoin de postuler une intelligence).

Cela rejoint la critique de Philon, personnage du dialogue de Hume sur la religion naturelle: pourquoi faire de la pensée le modèle de tout l’univers ? Pourquoi privilégier dans l’explication l’opération de la pensée ?

Initiation aux religions Avancerc- L ’argument cosmologique : la nécessité d’une première cause 
Tout ce qui existe, existe par autre chose (une cause qui a produit son existence) ; or cette chose elle-même est causée par une autre, etc.
Mais ou bien on a une régression à l’infini, ou bien on s’arrête quelque part. Or il ne peut pas y avoir de régression à l’infini, car il faut bien que la série des causes ait commencé d’exister dans le temps.
Donc il y une première cause, qui ne dépend de rien que d’elle-même : Dieu.

Mais la question peut se répéter éternellement : ou bien demander ce qui a causé Dieu, ou bien arrêter à ce stade (en disant que son existence est nécessaire, ne dépend que de lui : « causa sui »). Or si l'idée d’existence nécessaire est vide (cf. la critique de la preuve ontologique), il est tout aussi arbitraire de dire que Dieu a causé le monde (et s'est causé lui-même) que de dire que l’univers s’est causé lui-même…

Initiation aux religions Avancerd- Le problème de la réalité du mal : un argument athée pour prouver la non-existence de Dieu
La plupart des systèmes religieux attendent de Dieu amour et sollicitude. Dieu est objet de culte et autorité morale. Les attributs classiques de Dieu sont la bonté infinie, l'omniscience et l'omnipotence.
Problème du mal (souffrance, maladie, manques…) : Si Dieu peut tout, sait tout et est infiniment bon, comment peut-il tolérer le mal dans sa création ?

Réponse théiste : La nature incompréhensible de l’esprit divin.
Objection athée : Mais alors en quoi la croyance en un tel être incompréhensible peut-elle nous permettre de tirer la moindre conséquence pratique sur notre vie ?
Notamment, si la bonté de Dieu n’a rien à voir avec ce que nous concevons comme bon (par exemple, si frapper d’une épidémie de peste des enfants sans défense pouvait être une manifestation de cette bonté), alors, elle n’a aucune implication sur ma vie : elle ne me dit pas si je dois tendre la joue ou chercher à rendre œil pour œil, dent pour dent, par exemple.

Si l’existence d’un dieu bon ne change rien à ma vie, quelles raisons ai-je d’y croire ?
Remarquons cependant que l’argument de la réalité du mal peut servir à remettre en question l’idée que Dieu est tout puissant et bon ; mais il ne suffit pas en tant que tel à prouver son inexistence. Certains théologiens défendent la croyance en abandonnant certains attributs classiques (idée du dieu faible, ou d’un dieu indifférent).
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Message  Arlitto Sam 17 Sep 2016, 20:15

4. La critique des fonctions de la religion 

Si la croyance religieuse est dénuée de preuve rationnelle, alors elle prête le flanc à une critique qui en fait une croyance dont la fonction n’est pas celle que l’on croit. Il ne s’agit plus de justifier la croyance religieuse comme telle mais d’expliquer le fait de cette croyance.

La critique de la religion comme illusion consiste à montrer que la croyance religieuse (le sentiment religieux) est le résultat d’une cause qui n’est pas une raison de croire.
A- La critique freudienne

Selon Freud, le sentiment religieux aurait une origine psychologique : la détresse infantile,le besoin de protection et d’amour, ce que donne en principe le père.
C’est la reconnaissance du caractère fragile de la vie qui incite inconsciemment à croire : la croyance religieuse est la satisfaction fantasmée d’un besoin psychologique réel et pressant, celui d’être protégé et aimé.

La croyance en un Dieu aimant et protecteur est illusoire : le croyant prend ses désirs pour la réalité. La certitude du croyant n’est que l’expression de l’intensité de son désir.

A défaut d’être vraie, la croyance religieuse remplit donc une fonction psychologique importante,mais qu’il faut apprendre à dépasser.

La critique freudienne peut cependant recevoir certaines objections :


  • L’image paternelle n'est pas présente dans toutes les religions. 
    Ex. du polythéisme, du bouddhisme ou du shintoïsme.

  • N’y a-t-il pas des croyances qui s’expliqueraient mal par un besoin d’assistance et de protection ? Ex. : Satan ; l’Enfer.


B- La critique de Marx 
Pour Marx, la croyance religieuse est également illusoire, mais la cause de la croyance religieuse, n’est pas le désir individuel mais l’ordre social. La religion est un produit social (VIIe thèse sur Feuerbach)
Les croyances religieuses sont l’image renversée du monde réel, celui dans lequel vivent les hommes et qui est fait de souffrance, de misère, d’injustice, etc. La religion présente un monde dans lequel ces « défauts » n’existent plus, ont été supprimées.

La religion serait la représentation d’un monde remis à l’endroit (dans le sens du bien, de la justice, etc.). Monde auquel l’homme rêve et qu’il attend « à la fin des temps »
Problème : il l’attend et l’espère au lieu de le faire se réaliser.

La religion est en ce sens un « opium du peuple ». Elle remplirait deux fonctions : à la fois apaiser, endormir et détourner de la réalité (= double aspect de l’illusion).
« Nier la religion, ce bonheur illusoire du peuple, c’est exiger son bonheur réel » : la critique de la religion doit faire prendre conscience d'une part de l’aspect illusoire de la croyance religieuse (et donc faire s’en détourner le peuple) et d'autre part de l’aspiration véritable qu’elle exprime, celle de transformer le monde (la « terre ») pour qu’il corresponde à cette aspiration. Il ne faut pas rejeter le bonheur à « un autre monde » que celui-là. Les discours du type : "Vous êtes pauvres, eh bien soyez forts, patients et courageux, prenez votre mal en patience jusqu’à la résurrection" "Supporte la douleur et la misère car elles sont une épreuve" conduisent à l'immobilisme social.

Cependant, la critique de Marx ne porte pas à plein contre la croyance elle-même : en effet, certains individus se lancent dans la transformation du monde au nom d’idéaux religieux (qui sont aussi des idéaux moraux). La foi peut être motrice : transcendance qui motive (valeurs qui dépassent les intérêts immédiats : charité, etc.)

Mais la critique de Marx porte à plein contre un certain usage politique des croyances (cf. plus haut, le discours qui recommande la patience en ce monde), une instrumentalisation de la croyance (outil de domination). Elle amène aussi à réfléchir au rôle de la religion moins comme croyance que comme institution avec ses règles, ses appareils de décision, etc.

Que certains croient ou veulent croire en dieu(x), très bien (cf. fidéisme) ; peut-être n’y a-t-il pas là de menace particulière? Ce serait exact si la croyance religieuse ne prenait jamais la forme du fanatisme, de la conviction que rien n’ébranle, au nom de laquelle les pires actes pourraient être commis. Aujourd’hui l’Eglise organise des pique-niques, mais ce n’a pas toujours été le cas…

Le problème est au fond d’ordre éthique, pratique. La religion répond à des besoins ou des désirs importants (cf. le besoin de cérémonies, besoin de confirmation symbolique, de reconnaissance). Mais certains désirs sont moins recommandables, et beaucoup d’atrocités peuvent être commises « au nom du Seigneur ». En aucun cas, on ne doit abandonner ou abdiquer de son sens moral devant les exigences religieuses.

Initiation aux religions Dieu
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Message  Arlitto Sam 17 Sep 2016, 20:17

Les différentes formes religieuses

ATHÉISME 
MONOTHÉISME 
POLYTHÉISME
HÉNOTHÉISME

L'athéisme
Littéralement, le mot "athée" veut dire "sans dieu", l’athée est celui qui ne croit pas à l’existence de Dieu – ou des dieux, c'est celui qui refuse de vénérer les dieux et de leur rendre un culte. L’adjectif athée est préfixé d’un alpha privatif que l’on retrouve en français sous la forme a  et qui indique une qualification négative sans précision. De manière générale, il serait possible de dire que l'athéisme est caractérisé par le refus de Dieu.
Dans le passé, l'athéisme était actif, et parfois violent à l'égard de ceux qui avaient une attitude croyante. Aujourd'hui, l'athéisme ne cherche plus à combattre Dieu ou les religions : il les laisse en dehors des affaires humaines. Le monde actuel est un monde sans Dieu, un monde dans lequel la religion n'est plus qu'une survivance d'un passé révolu.
Le jeune Karl Marx écrivait, sous une forme percutante demeurée célèbre : "la religion est l'opium du peuple", et il poursuivait en appelant de tous ses voeux la suppression de toute forme religieuse. Celle-ci fait toujours miroiter aux yeux des fidèles un état paradisiaque qui les détourne des tâches urgentes de l'action. En réalisant un paradis sur la terre, comme Marx puis Lénine le souhaitaient, on supprime, du fait même, la nécessité de poser l'existence d'un paradis céleste. Celui-ci devenu superflu, la religion serait appelée à disparaître d'elle-même.
Marx a compris que l'athéisme venait après la religion et qu'il en reste tributaire : on ne peut être athée que par rapport à Dieu ou à des dieux, l'athéisme ne procède pas de la pure abstraction mais bien d'une négation des croyances religieuses. D'ailleurs, une fois la religion disparue, l'athéisme est appelé à disparaître lui aussi : l'homme sera son propre dieu.
Les religions primitives
L'animisme
Le terme "animisme" désigne, dans son sens général, la croyance aux âmes et aux esprits. Lorsque l’âme se sépare du corps, c’est la mort. Puisqu’on rêve de personnes décédées depuis longtemps, on conclut à la survivance de l’âme après la mort. La croyance en la post-existence ou en la survivance de l’âme a donné lieu au culte des morts. L’existence autonome de l’âme conduit à l’idée des esprits indépendants, qui animent la Nature, et qui sont susceptibles de s’incarner dans n’importe quel objet, et c’est l’origine du fétichisme.
La magie
A la frontière de la religion, il convient de situer la magie qui vise à exercer un pouvoir sur les dieux par le déploiement d'actes techniques. D'une certaine manière, la magie veut se constituer en religion. Le magicien, comme le prêtre, cherche à capter les forces répandues dans le monde, afin de les soumettre à l'ordre humain. Cette pratique ne se situe pas dans le cadre social : le magicien veut s'approprier le sacré pour le manipuler dans le sens qui lui convient alors que le prêtre agit sur le sacré en vue de l'intérêt de la communauté. La magie prétend subordonner la divinité à un homme et à son pouvoir. La religion est adoration de la divinité à qui elle présente prières et sacrifices tandis que la magie ne reconnaît que l'aspect efficace de ses différentes techniques.
Cartographie des religions primitives
Les croyances animistes sont dominantes, en Mélanésie, en Indonésie, sur la côte occidentale de l’Afrique, dans les deux Amériques. Une carte sommaire de la situation des hommes se référant aux religions primitives serait facile à dresser. En Europe, il n'en existe pratiquement aucune trace. En Amérique centrale, quelques villages ont conservé la civilisation et le mode de vie qui étaient les leurs avant la découverte de l'Amérique par Colomb. En Asie, quelques groupes isolés au Sri Lanka, en Inde du Sud, en Malaisie, aux Philippines ; en Océanie, quelques peuplades en Australie et en Polynésie. Mais c'est surtout en Afrique que vit la grande partie des représentants de ces religions. Une boutade recèle une dose de vérité : on dit que l'Afrique compte 30 % de chrétiens, 39 % de musulmans et 100 % d'animistes... tant il est vrai que les traditions ont laissé de sérieuses survivances même chez les convertis au christianisme et à l'islam.
Le polythéisme
Le polythéisme désigne la conception religieuse qui admet plusieurs divinités qui se répartissent les privilèges et les attributs des puissances que l'homme reconnaît supérieures à lui-même. Par sa définition, le polythéisme s'oppose au monothéisme qui ne reconnaît et ne vénère qu'un seul Dieu, il s'oppose également à l'athéisme qui n'en reconnaît aucun.
Venu au monde dépouillé de tout moyen naturel de défense contre les agressions des autres êtres, l'homme, s'il veut survivre, doit lutter contre la nature afin de satisfaire ses besoins primaires et physiques. La caractéristique de l'homme est qu'il lui est impossible de vivre uniquement en regardant le monde sur le mode de ses besoins élémentaires.
DU POLYTHÉISME A L'HÉNOTHÉISME
POLYTHÉISME HÉNOTHÉISME
Moyen-Orient (Canaan)
El Olam - El Elyon - El Roï
Melchisédech
Abraham
Égypte
Amon --- Aménophis IV
Aton --- Akhénaton


Le monothéisme
Le monothéisme désigne la forme de religion selon laquelle il n’existe qu’un Dieu unique. Dans la mesure où l’on entend le monothéisme au sens strict (non seulement comme croyance en un seul Dieu, mais comme négation explicite de tous les autres dieux), il n’y a pour l’histoire des religions que trois grandes religions monothéistes : la religion d’Israël, le christianisme et l’islam.
Le vrai monothéisme ne se trouve pas au commencement de l’histoire de la religion, mais à son terme. Le monothéisme n’est pas le produit final des religions polythéistes. Il est dû bien plutôt à un refus décidé de tout polythéisme et représente une véritable révolution religieuse.
Les religions polythéistes
Rome reprise des dieux grecs 
religions des districts
unification politique des dieux
Moyen Orient
dieux de la nature
Asie
védisme 
Animisme
culte vaudou
Asie
hindouisme
bouddhisme
dualisme iranien 
tantrisme 
lamaïsme 
jaïnisme 
taoïsme 
shintô 
(zen, yoga)
Antiquité
Le polythéisme gréco-romain
Pour les Grecs, les dieux étaient semblables aux hommes, soumis au destin comme les hommes même si l'immortalité leur fût reconnue. Cette religion décrit l'existence de chaque divinité comme celle de tout être vivant, c'est pourquoi le religieux a inspiré artistes et poètes. Chez Homère, les dieux sont des humains idéalisés dans les veines desquels coule un liquide mystérieux, l'ichtor, qui leur assure l'immortalité. Toutefois, bien qu'immortels, ils pouvaient connaître la souffrance comme les hommes, ils éprouvaient de la difficulté à vivre en harmonie les uns avec les autres.
Dans le domaine religieux, il semble que les Romains aient été très pauvres puisqu'ils empruntent leurs dieux à la civilisation grecque, se contentant de changer les noms. La religion, pour le Romain, est une simple affaire de contrat : moyennant les honneurs, qui leur sont rendus, les dieux sont dans l'obligation de rendre les services que l'on attend d'eux. Le sentiment religieux le plus apparent était la crainte.
Grèce 

Rome

Chronos             le temps
Zeus                   orage 
Héra                   pluie 
Apollon              soleil
Artémis lune 
Hermés              messager 
Poséïdon           mer 
Démeter           terre 
Dionysios          vigne 
Hadès               enfers
Aphrodite         amour 
Arès                 guerre 
Athéna              intelligence
Héphaïstos       forgeron 
Moïra              le Destin
Jupiter
Junon
Diane chasse
Mercure commerce
Neptune
Cérés
Bacchus
Vénus
Mars
Vulcain
Vesta feu
L'Egypte ancienne, terre des dieux
Une des caractéristiques de la religion égyptienne, c'est son aspect local : il y a autant de dieux qu'il y a de provinces, de nomes (districts) sur le territoire. Un même dieu peut être adoré dans différents districts, mais il est appelé d'une manière différente et revêt parfois des attributs très différents.
Les conflits qui ont précédé l'unification de l'Egypte ont contribué à réduire, dans une certaine mesure, ce polythéisme de base. Le dieu du nome vainqueur devenait le dieu des vaincus, puisque sa puissance était supérieure à la divinité qui avait essuyé le même échec que ses fidèles. Progressivement donc, pour des raisons politiques, les dieux furent regroupés en une hiérarchie qui regroupait les familles divines. Et ce sont les dieux cosmiques qui obtinrent la plus grande place, parce qu'ils se révélaient comme les plus universels.
Sous un polythéisme de fait perçait un hénothéisme de fond : le nom et l'aspect des divinités pouvaient changer d'un sanctuaire à l'autre, mais les caractères divins se présentaient comme similaires. C'est le pharaon Aménophis IV, connu sous le nom d'Akhénaton, qui entreprit la plus grande réforme religieuse, au XlVème siècle avant Jésus-Christ. Sans rompre avec les traditions antérieures, il met en relief le culte du dieu universel, le soleil, désigné sous le nom d'Aton. Même si cette réforme n'eut pas un grand retentissement dans l'histoire de la religion égyptienne, elle indique que, malgré la multiplicité de leurs dieux, les Egyptiens ont eu un vague sentiment de l'unité du divin.
Origines des religions polythéistes d'Asie
L'Orient a été caractérisé par sa recherche religieuse : si les religons monothéistes sont nées au Moyen-Orient, c'est en Orient que se développèrent les religions polythéistes qui ont survécu. L'Inde a résisté, même sous forme passive, à toute assimilation par une culture différente, absorbée qu'elle était par sa recherche de l'absolu.
La forme la plus ancienne de l'hindouisme, c'est la religion védique qui désigne les croyances et les pratiques présentées dans le premier livre sacré de l'Inde, les Vedanta. Les Vedanta constituent le plus ancien document sur les religions de l'Inde. C'est un ensemble de textes rédigés en sanskrit et qui révèlent le "Savoir", la "Science", et ces livres sont une encyclopédie de tout ce qui concerne la religion et la philosophie. C'est grâce à ces livres que l'homme peut régler toute son existence. Mais il faut constater que ces premiers livres sacrés ne sont pas les seuls de cette longue tradition. Cette dernière s'est enrichie, par la suite, de nombreux autres textes religieux, tels que la Bhagavad-Gîtâ, les Purana, etc.
Le dualisme dialectique iranien
Les Chinois constatent une alternance dans l'univers, alternance qui n'est pas faite d'oppositions mais de complémentarité, les Iraniens constatent ce dualisme, mais ils s'attachent à démontrer ces oppositions dans l'univers. Ils développent une doctrine de la division des êtres en deux catégories, les bons et les méchants, les purs et les impurs. Ce dualisme qui est souligné dans le livre sacré de l'Iran, l'Avesta, composé à partir d'éléments très anciens, les Gâthâs.
Ainsi, dans une des Gâthâs, l'on trouve présenté le fait que le Bon Esprit et le Mauvais Esprit sont frères jumeaux. Comme tels, ils apparaissent comme diamétralement opposés, l'un choisissant le bien, l'autre le mal. Partant de là, la religion iranienne pouvait se développer dans une systématique dualiste. L'évolution de cette religion ne pouvait aller que dans le sens d'une lutte entre une bonne religion et une mauvaise.
Si les origines de la religion remontent aux mages d'Orient, à l'époque aryenne, il semble qu'au sixième siècle avant notre ère, elle fut réformée par Zoroastre. Il instaure une religion éthique, reposant sur la distinction du bien et du mal et sur le fait que les hommes seront jugés selon cette distinction. Dès lors, par crainte de la divinité et du châtiment qui pouvait lui être infligé, l'homme essayera d'éviter le mal, qui a pour nom "péché", pour ne plus pratiquer que la vertu.

Védisme 

Dualisme Iranien

Vedanta : livre saint 
résumé des cultes et des pratiques 
Baghavad Gitâ 
Punana 
Zoroastre
le monde est divisé
ciel - terre
purs - impurs
bons - méchants
Bien - Mal
lutte entre les deux
influence sur le christianisme primitif
Hindouisme
L'eau, survivance d'une crainte magique des hommes, joue un rôle considérable dans de nombreuses religions ; mais si cet élément, jadis incontrôlable, fut la cause première de catastrophes, il se chargea aussi d'une puissance purificatrice. L'hindouisme n'échappe pas à cette intuition des religions : la vie du fidèle est ponctuée d'ablutions, notamment dans les eaux du Gange, fleuve sacré. C'est avec lui que s'écoule la vie humaine. Pour lui, seul le présent compte, en lui, point de passé ni d'avenir. La souffrance réside dans la condition temporelle de l'homme. Si celui-ci est capable de se libérer du temps, il peut atteindre l'épanouissement de sa nature.
Le rôle des castes
Il n'est pas possible d'isoler l'hindouisme d'une réalité sociale ancrée dans l'histoire du peuple. Ce phénomène est celui des castes, bien qu'il déborde du cadre religieux pour constituer une hiérarchie sociale dont l'unique raison d'être est la reproduction de la société dans son ordre établi.
Seule, la caste des brahmanes est véritablement religieuse : les brahmanes détiennent le pouvoir sacré, faisant office de prêtres à l'occasion des sacrifices, tout en étant les maîtres dans l'enseignement du Veda.
Une deuxième caste est celle des "militaires", de ceux qui font métier des armes. Leur prototype était le roi, véritable émanation de la divinité. Leur rôle religieux est de faire offrir des sacrifices. d'étudier le Veda, sans oublier les dons qu'ils doivent attribuer aux brahmanes.
Ces devoirs sont les mêmes pour ceux qui appartiennent à la troisième caste, celle des Vaiçya, c'est-à-dire ceux qui ont pour fonction le commerce, l'agriculture et l'élevage.
Les parias, les çûdra, forment une classe sociale hors-caste, au service des autres membres de la hiérarchie ; mais ils sont plus ou moins exclus de la religion.
Les dieux et leurs avatars
Dès les temps les plus anciens, on peut noter la présence de huit grands dieux qui figurent soit un aspect du cosmos, comme les dieux du Soleil et de la Lune, soit des aspects de la vie végétale, animale ou humaine, comme les dieux du vent, du feu, de la mort, des eaux, de la pluie, des richesses.
Aux côtés de ces grands dieux subsistaient des divinités d'origine védique ainsi que des innovations, comme le dieu de l'amour, Kama. Mais un des traits remarquables de cette mythologie réside dans la coexistence sur un même plan d'une triade divine : Brahma, Vishnu et Çiva. Le premier représente le créateur des éléments du monde, mais il apparaît comme une divinité abstraite, éloignée du monde dans lequel agissent les deux autres, Vishnu, le conservateur et Çiva, le destructeur, qui sont des figures de premier plan dans le culte.
Aussi puissants que soient les dieux, ils n'en sont pas moins soumis à la loi inexorable de la mort, à la loi du karman. Cette loi du karman constitue le dogme fondamental de toute la religion et atteint tous les vivants sans distinction. Le karman explique la destinée des êtres, puisqu'il est le résultat des actes de chacun : résultat des actes passés, il détermine ce que l'individu deviendra. La qualité de la vie future, d'une réincarnation, dépend des actes antérieurs.
Au-delà de la mort
Dès l'époque ancienne, l'affranchissement de la mort a été la préoccupation fondamentale de l'hindouisme. Il s'agit de passer de la mort à l'immortalité, en échappant, d'une façon définitive, à la loi du karman, à laquelle même les dieux sont soumis. Toute l'existence humaine sera une tentative pour échapper au cycle permanent mort-réincarnation pour accéder à la béatitude de l'immortalité. En principe, la délivrance n'est possible qu'après la mort, qui marque une fin dans les nécessités de l'action ou du désir.
Le yoga est un joug que l'ascète s'impose, pour exercer le contrôle de ses sens et de ses activités mentales, afin d'entrer en communion mystique avec Dieu. Certains de ses adeptes sont comparables à ces "délivrés" vivants : ils sont considérés comme des saints, parce qu'ils ont vaincu les forces qui pouvaient les retenir dans le monde humain.
Le bouddhisme
Les savants admettent que la naissance de Bouddha se situe vers 560 avant Jésus-Christ, et sa mort vers 480, puisqu'il a vécu quatre-vingts ans. Le Bouddha reçut à sa naissance le nom de Siddharta, qui signifie "celui qui a réalisé son projet", puis celui de Gautama, son nom patronymique. La mère du jeune prince meurt peu de temps après l'avoir mis au monde et Siddharta est élevé par sa tante maternelle. L'amour que lui porte son père est si entier qu'il veut, à tout prix, éviter au jeune garçon le spectacle de tout ce qui serait susceptible d'obscurcir la joie de ses jeunes années : le roi lui épargne ainsi la réalité de la condition humaine. Et le prince grandit en intelligence et sagesse, au milieu de garçons nobles de son âge, connaissant uniquement les plaisirs.
Mais son bonheur fut troublé lorsqu'il prit conscience de ce qu'est véritablement la condition d'homme. Alors que Siddharta sort de son palais, il prend connaissance de la vérité : quatre fois de suite, sa vue fut frappée par des spectacles qu'il ignorait. Il découvre la vieillesse, la maladie, la mort, et la mendicité des moines quêtant leur nourriture. C'est une révélation pour lui que de prendre conscience qu'il vieillira, qu'il connaîtra la maladie et que finalement il mourra. Il décide alors de quitter maison, famille, pays et plaisirs, afin de trouver son salut par le biais de l'ascèse.
Siddharta Gautama commence une nouvelle existence : durant sept années, il va suivre les enseignements des maîtres brahmanes, qui lui apprennent à pratiquer la mortification et l'ascétisme, en recherchant la communion avec le Brahma. Selon la tradition, il aurait découvert la solution au problème qui le hantait, une nuit, alors qu'il méditait sous un figuier : c'est, pour lui, l'illumination. Il avait vaincu en lui les souffrances et arrêté la roue des réincarnations.
Toute existence est souffrance, et rien ne semble pouvoir remédier à cette souffrance, ni les plaisirs et la jouissance, ni les privations et l'ascèse. Aucun de ses extrêmes ne peut conduire au salut : la vérité de la délivrance se situe dans la voie moyenne, dans le chemin du milieu. Ce qui importe, c'est de se libérer de la souffrance.
Le Sermon de Bénarès
Le Bouddha ne pouvait garder pour lui seul la voie qui mène à la délivrance. Et c'est à Bénarès qu'il commence à prêcher. Il enseigne que la souffrance est universelle, qu'elle a une origine en l'homme lui-même, qu'elle peut être supprimée par l'action de l'homme, et il fait percevoir le chemin qui mène à une telle suppression.
Voici la vérité sainte sur la souffrance : la naissance est souffrance, la vieillesse est souffrance, la maladie est souffrance, la mort est souffrance. Etre joint à ce que l'on aime pas signifie souffrir. Etre séparé de ce que l'on aime signifie souffrir. Ne pas obtenir ce que l'on désir signifie souffrir. Bref, les cinq sortes d'objet d'attachement sont souffrance.

Voici la vérité sainte sur l'origine de la souffrance : c'est la soif du désir qui conduit de renaissance et renaissance, accompagnée du plaisir et de la convoitise, cherchant son plaisir tantôt ici, tantôt là, à savoir : la soif de plaisir, la soif d'existence, la soif de l'éphémère.

Voici la vérité sainte sur la suppression de la douleur : c'est la cessation totale de cette soif par l'anéantissement complet du désir, en le bannissant, en y renonçant, en s'en délivrant, en ne lui laissant aucune place.

Voici la vérité sainte sur le chemin qui mène à la suppression de la douleur : c'est le chemin sacré aux huit branches, qui s'appellent foi pure, volonté pure, langage pur, action pure, moyens d'existence purs, application pure, mémoire pure, méditation pure.

Le chemin du nirvâna
Le malheur de l'homme vient de son désir de vouloir vivre, que ce soit le désir de se perpétuer dans l'existence présente ou que ce soit la volonté d'accéder à une existence ultérieure meilleure. La suppression de la souffrance sera la résultante de l'extinction de tout désir en soi, en parvenant à la pleine connaissance de la réalité du devenir. L'idéal de vie, celui d'une cessation complète du désir, semble alors être la vie monastique dont les règles facilitent l'extinction de tout désir.
Comme le feu qui s'éteint faute de combustible, l'homme qui n'alimente plus ses désirs s'éteint : sa vie ne connaît plus le cycle des renaissances, Cet homme accède au nirvâna, c'est-à-dire à l'extinction complète : il échappe à la fatalité du devenir et, par le fait même, à la souffrance.
Le tantrisme, bouddhisme magique
La doctrine est simple : tout est vacuité, il n'y a rien que la pensée. Le salut ne peut être atteint que lorsque l'homme s'est entièrement convaincu de cette double vérité. La pensée permet de dépasser les barrières qui se dressent dans ce monde. Il n'y a plus ni vices ni vertus, les actions les plus scandaleuses peuvent être accomplies par ceux qui sont affranchis des normes, ou parvenus à la délivrance suprême. Certains sorciers, les siddha, les parfaits, se plaisent à violer les préceptes du bouddhisme ou les pratiques les plus sacrées de la religion, tout en reconnaissant que de telles actions ne doivent être réservées qu'à quelques initiés.
Le lamaïsme, forme tibétaine du bouddhisme
Primitivement, le nom de Lama était un titre honorifique décerné aux moines réputés. Actuellement, tout moine tibétain est qualifié ainsi. Les lamas sont les personnifications de la divinité, ils régissent la société sous forme théocratique. Les chefs ecclésiastiques sont comparés à ceux qui sont parvenus à l'achèvement de la condition humaine. Les prêtres, les lamas sont perçus comme des réincarnations de saints. Cette croyance en la réincarnation est telle que, quand un lama, particulièrement le Dalaï-Lama (le lama pareil à l'Océan), chef de la communauté tibétaine, vient à mourir, les fidèles s'empressent de rechercher un enfant dans le corps duquel se réalise la réincarnation. Quand on a trouvé cet enfant, dont la naissance ou les premiers temps ont été entourés de signes plus ou moins miraculeux, il est présenté aux membres de l'ordre religieux du défunt. Il est soumis à un examen minutieux qui doit permettre d'assurer à tous qu'il est bien la réincarnation espérée. A la fin de cet examen, l'enfant est 'e9levé à la dignité de ce défunt.
Les rites religieux sont complexes : le mysticisme le plus profond se mêle à la superstition grossière. Les cérémonies déploient un faste de couleurs dans des danses, elles se déroulent aux sons multiples des clochettes, des cymbales et des gongs. Les fidèles répètent des formules incantatoires, des mantra. Pour énoncer le maximum de fois la formule sacrée dans un minimum de temps, le moyen le plus efficace est le moulin à prières que le fidèle fait tourner en le tenant par le manche. Le mantra est copié le maximum de fois possible sur chacune des douze feuilles du moulin à prières, ce qui donne un résultat impressionnant, quand on pense que le fidèle fait tourner son moulin plus de cent fois à la minute. Des savants ont calculé le nombre probable de répétitions de la formule à la minute : la prière se trouverait ainsi prononcée plus de trois millions et demi de fois à la minute, ce qui peut satisfaire le dévot le plus exigeant.
En 1950, avec l'appui du Dalaï-Lama de l'époque, la Chine envahissait le Tibet. Rapidement, l'influence du lamaïsme se trouva réduite ; la doctrine communiste la jugeait néfaste, amenant la ruine de tout progrès économique efficace ainsi qu'une dépopulation, en raison du célibat des moines. La conséquence pourrait être la disparition totale du lamaïsme.
Le jaïnisme
Le jaïnisme n'est pas la source, ni même une ramification du bouddhisme. C'est une religion indépendante dont les origines ne sont pas étrangères à l'ascétisme. Au sixième siècle avant notre ère, Vardhamâna, dit le Mahâvira, le Grand Héros, ou le Jina, élabora les principes de la vie religieuse.
La droite connaissance, la droite foi et la droite conduite sont les trois joyaux du jaïnisme. La connaissance est la faculté première de l'âme humaine. Celle-ci peut accéder à la connaissance par deux chemins, celui de la connaissance empirique et celui de la tradition qui livre l'enseignement du maître par l'étude des textes sacrés. Alors, l'âme peut pénétrer jusqu'au domaine de l'omniscience, qui est une propriété des véritables fidèles et qui est absolue.
Le chemin de la délivrance
La vie religieuse est le moyen qui apporte la délivrance, la libération définitive aux individus : le fidèle qui veut entrer en religion doit être âgé de plus de sept ans et demi, être libre de toute servitude à l'égard des hommes, être sain de corps et d'esprit. De surcroît, l'homme ou la femme qui embrasse la vie religieuse accepte de se délier des attaches du monde, de vivre dans la justice et la sainteté, en mendiant sa nourriture.
Comme le moine, le fidèle laïc s'engage par cinq voeux, ceux-là mêmes des moines. Il s'agit de cinq interdits qu'il lui faut respecter : ne pas nuire aux êtres vivants, ne pas mentir, ne pas voler, ne pas manquer à la chasteté, ne pas s'attacher aux possessions matérielles. Le laïc s'interdit toute action inutile, surtout si elle est susceptible d'être nuisible. Il se limite dans ses activités profanes. Il s'impose la modération, Il s'astreint à méditer plusieurs fois par jour. Pour ce faire, il limite ses occupations qui l'empêcheraient d'observer la Loi. Il s'engage à jeûner et à veiller au moins deux fois par mois. Il doit pratiquer toutes sortes d'aumônes. Ainsi les laïcs peuvent parvenir à un état de vie supérieur, ils se libèrent du karman, et aspirent à se libérer de l'esclavage de la transmigration.
Le taoïsme
Etymologiquement, le tao signifie le chemin droit, la voie droite. Les sens les plus nombreux furent alors dérivés : une marche à suivre, une méthode de vie, un chemin de vertu, une règle de conduite.
La sainteté s'acquiert par l'identification au principe éternel ; le saint n'agit pas, il ne va pas à l'encontre de l'action du tao, il adopte une attitude de non-intervention à l'égard des choses.
Neuf principes réglaient la vie de l'adepte et constituent. en quelque sorte, le résumé de toute la doctrine. Pratiquer le non-agir, la faiblesse et la souplesse. Pratiquer l'humilité, l'ataraxie, la bienfaisance. Pratiquer le non-désir, le "savoir se contenter", l'art de céder à autrui. De ces principes découlent des interdits, des moyens de réglementer son existence. Ces interdits visent la nourriture d'origine animale, les injures, les manquements à la parole donnée, le vol, la fornication, la convoitise, la curiosité, la dureté, la colère, le bavardage... Les pratiques morales sont considérées comme les conditions préalables à toutes les autres pratiques religieuses.
Le shintô
Si l'on considère uniquement le nombre de sanctuaires des différentes religions dans son pays, on pourrait penser que le Japonais est un homme religieux. Il existe environ 160000 temples et lieux de culte pour une superficie de 377000 km2. Pourtant, l'homme n'a pas le tempérament religieux. Soixante dix pour cent des Japonais reconnaissent ne pas être les fidèles d'une religion, ils proclament n'observer aucun rite et ne se soumettre à aucune croyance.
Ce qui semble pouvoir concrétiser l'aspect religieux, c'est la crainte de l'inconnu, à laquelle répond bien le shintô, avec ses appréhensions quant aux puissances susceptibles d'exister dans le monde. Conscient de n'être qu'un élément d'une longue chaîne de générations, qui tient à perpétuer la survie de la nation japonaise, conscient de son existence transitoire dans l'univers, le Japonais tient à garder tous les dieux à bonne distance. L'essentiel de sa religion, c'est de ne pas troubler l'ordre établi, qu'il soit celui de la famille, celui du travail, ou celui de l'Etat, ordres qui lui inspirent autant de respect que les différents kami.
Le zen
Pour arriver à la pacification ultime de l'esprit, la posture recommandée consiste à s'asseoir, sans but ni esprit de profit, afin d'accéder à la concentration ; cette position est appelée zazen (za signifiant s'asseoir). Cependant, il ne suffit pas de s'asseoir, les jambes repliées, pour accéder à la connaissance du Bouddha. Les maîtres anciens l'avaient déjà souligné : si cela était suffisant, toutes les grenouilles seraient, depuis les origines du monde, des Eveillés. L'immobilité du corps cache une activité spirituelle : se libérer des puissances attractives du monde, pour atteindre un Eveil comparable à celui du Bouddha. Pratiquée tous les jours, et plusieurs fois par jour, cette technique permet l'élargissement de la conscience.
Les monothéismes
Le monothéisme désigne la conception religieuse qui ne reconnaît qu'un Dieu unique, à l'exclusion de toute autre divinité. Ainsi, ce qui pouvait être considéré comme une tendance monothéiste dans la religion de l'ancienne Egypte, n'était en fait que de l'hénothéisme, c'est-à-dire la domination d'un dieu sur les autres.
Il est historiquement certain que le monothéisme est né dans le peuple d'Israël, issu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, et c'est uniquement par l'affirmation de la foi en un Dieu unique que cette nation s'est fait connaître et s'est maintenue au fil des siècles de son histoire.
C'est de la foi d'Abraham que les religions monothéistes actuelles, le judaïsme, le christianisme et l'islam, ont tiré leur conception de Dieu. Les religions monothéistes s'accordent donc pour reconnaître en Abraham le père et le modèle de tous les croyants au Dieu unique.
Certes, des tendances monothéistes existaient, de manière latente, avant Abraham, mais elles ne posaient pas l'affirmation absolue d'un Dieu unique à l'exclusion de tout autre. Contrairement aux divinités de l'Ancien Orient, le Dieu d'Abraham ne sera pas un dieu de la nature, ni un dieu local, limité à tel ou tel pays. Mais, créateur du ciel et de la terre, ainsi que de tout ce qui vit à la surface de la terre et dans les eaux, il est totalement indépendant de la nature. C'est aussi un Dieu moral qui recommande la pratique de la justice et de la droiture dans l'existence humaine.
Personne n'a jamais su, et sans doute personne ne saura jamais comment Abraham en est venu à cette conception du Dieu unique ; ce fut peut-être l'aboutissement et le résultat d'un raisonnement, ce fut peut-être sa grandeur d'âme qui le conduisit à conférer à la divinité des qualités morales qu'il estimait les plus importantes, ce fut peut-être aussi une illumination soudaine qui lui révéla la présence à ses côtés de ce Dieu unique et souverain de l'univers.
Avec Jésus de Nazareth, appelé Christ et Seigneur par ses disciples, le monothéisme juif prend une dimension nouvelle. La nomination de Jésus comme Seigneur est déjà l'affirmation de son égalité avec Dieu : le monothéisme juif laisse place à une autre forme de monothéisme, qui se traduira par la Trinité. Dieu n'est pas isolé, il vit de la communion.
Alors que juifs et chrétiens connaissaient de nombreuses discussions religieuses relatives à l'interprétation des dogmes, l'islam s'est fixé une dogmatique simple, admise par tous les fidèles sans prêter le flanc à des discussions interminables. Et le premier dogme affirme l'unicité absolue de Dieu : J'atteste qu'il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah. Allah est grand et il n'y a pas d'autre dieu que lui.
Le monothéisme juif
Les origines de la religion juive
A l'époque des Patriarches, il semble qu'il n'y ait pas eu négation et rejet de tout autre dieu. L'histoire antique du peuple ne contient pas un seul témoignage de monothéisme absolu. Le Dieu des Pères se distingue des autres dieux de Canaan, mais leur existence n'est ni contestée, ni mise en doute, ni à plus forte raison niée. Il existe même une affinité entre le Dieu d'Abraham et le dieu du panthéon cananéen El : les patriarches le vénéraient dans différents sanctuaires.
Mon père, Abram, était un Araméen errant...
Initiation aux religions ABRAHAMAu moment de la chute de Sumer. se trouvait dans la place une famille de nomades araméens, Son point d'attache avait été Harran, et c'est vers cette ville que ce clan repartit, à la suite de Térah, son chef, le père d'Abram. Si Térah, comme la plupart des hommes de son temps, était polythéiste, il n'en est pas de même pour son fils, qui brisa avec l'idolâtrie et se mit au service du Dieu unique, créateur du ciel et de la terre. A la différence des Sumériens et des Akkadiens, qui avaient aussi des tendances monothéistes, le Dieu d'Abram n'était pas une divinité locale ou un dieu qui aurait une supériorité sur les autres divinités ; il est le seul et unique, en dehors de lui, il n'en est point d'autre. Le Dieu d'Abram est personnel, il a des relations d'intimité avec son fidèle, à qui il donne un nouveau nom : Abraham (père de beaucoup). Abraham s'arracha du milieu païen d'Harran et reprit la migration entreprise par son père : il partit vers Canaan et traversa le Jourdain. C'est là qu'il reçut, ainsi que sa famille, le nom d'Hébreu, car il venait de l'autre côté du fleuve, selon une étymologie populaire.
Après un court séjour en Egypte, Abraham s'installa à Hébron, dans la plaine de Mambré ; Dieu fit alliance avec lui, avec comme signe inscrit dans la chair, la circoncision des mâles. Abraham eut deux fils : l'un de sa servante Agar, Ismaël, qui est considéré comme le père des musulmans, l'autre de sa femme Sara, Isaac, qui poursuivit l'oeuvre de son père. Après Isaac, Jacob son fils hérita de la promesse faite au patriarche Abraham.
Après avoir mystérieusement lutté contre un ange durant toute une nuit, Jacob reçut un nouveau nom, celui d'Israël, dont l'étymologie signifie : Il a été fort contre Dieu. Ce nom d'Israël devait remplacer progressivement celui d'Hébreux, par lequel était désignée la descendance d'Abraham.
Il descendit en Egypte...
Initiation aux religions ArriveedessemitesenEgypteJacob eut douze fils qui furent les ancêtres des douze tribus d'Israël. Un des plus jeunes, Joseph, fut vendu par ses frères à des marchands d'esclaves qui l'emmenèrent en Egypte. Profitant de circonstances favorables, Joseph accéda à la position de vice-roi. C'est là que sa famille, chassée d'Hébron par une famine, vint le retrouver : elle devint un peuple nombreux et puissant jusqu'au moment où la politique égyptienne changea et où Israël fut réduit en esclavage.
Le libérateur fut Moïse, fils adoptif d'une princesse, il n'oublia pas ses origines et prit le parti des siens contre leurs maîtres. Contraint à l'exil pour avoir assassiné un Egyptien, Moïse se réfugia au pays de Madian. Et, un jour qu'il faisait paître le troupeau de son beau-père dans le désert du Sinaï, Dieu se révéla à lui sous le nom de Yahvé, en s'identifiant au Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Il lui ordonna de retourner en Egypte pour libérer le peuple de la servitude et le conduire en Terre promise, le pays de Canaan.
Initiation aux religions Chagal_moiseetloi3Ayant fait sortir Israël d'Egypte, Moïse le conduisit vers le Sinaï, où il lui donna une constitution législative, une Loi, la Torah. Celle ci est un enseignement qui concerne toute la vie du peuple, tant dans sa religion que dans sa politique, tant dans la vie collective que dans l'existence individuelle. Elle vise à faire d'Israël un peuple saint, consacré à Dieu,séparé des autres, voués à l'idolâtrie, à des pratiques dégradantes, comme les sacrifices humains.
Quand ce peuple d'Israël est installé au pays de Canaan, quand il s'est organisé politiquement, avec une monarchie, le peuple s'écarte de son Dieu, pour ne plus s'assurer que de lui-même. C'est dans ce cadre troublé que va s'inaugurer le mouvement prophétique. Elie, brûlant de zèle pour Yahvé, entreprit de lutter contre la dynastie et pour le retour au culte du Dieu unique, qui est juste pour toutes les nations. La prédication des prophètes devait se continuer sans trêve, mais elle ne fut guère entendue. Et l'infidélité d'Israël à Yahvé fut présentée comme la cause de la ruine fatale du royaume.
A partir de l'exil, et même s'il y eut une restauration de la communauté juive dans la terre des ancêtres, le judaïsme devenait une religion en dehors d'une organisation politique : c'en était fait du royaume plus ou moins théocratique.
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