LE MYTHE D'UN ROYAUME JUIF KHAZAR

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LE MYTHE D'UN ROYAUME JUIF KHAZAR
• Arthur Koestler contesté.
Par SIMON SZYSZMAN, historien du karaïsme.
Publié le 24 mars 1978 


LA légende d'un royaume juif qui se serait établi en Europe orientale au huitième siècle de notre ère, à la suite de la conversion au judaïsme du peuple khazar, d'origine turque, a été présentée au grand public comme une réalité historique, au cours de trois émissions de TV en janvier et février (série " La source de vie "). 

L'équipe responsable de ces émissions s'appuyait notamment sur le récent livre d'A. Koestler, la Treizième Tribu (Calmann-Levy, 1976), pour l'histoire, et sur le traité de Jehudah Halevi (deuxième siècle) pour la question religieuse.

L'ouvrage de Koestler a fait beaucoup de bruit il y a deux ans. Comme il repose soit sur des textes reconnus depuis longtemps comme des fictions littéraires, soit sur des citations remaniées ou même inventées, ce livre ne peut servir de référence à aucun historien sérieux.

Par contre, le second ouvrage et les deux émissions qui lui ont été consacrées constituent une excellente présentation de la philosophie religieuse juive, mais laissent une impression fausse sur la vie religieuse dans l'État khazar. En effet, les fréquents changements de religion chez les souverains khazars sont une énigme pour les Occidentaux, qui les interprètent comme des changements de religion de l'ensemble de la population. 

Or l'idée d'une religion d'État était inconnue des Khazars, comme de l'ensemble des peuples des steppes d'Eurasie. On y connaissait une totale liberté d'appartenance religieuse et, même pour les souverains, le choix d'une religion était affaire personnelle. Jamais la Khazarie n'a embrassé telle ou telle religion à la suite de son souverain. Plusieurs souverains khazars ont abandonné le chamanisme, qui était leur religion primitive, pour adopter des croyances monothéistes sans que cela entraine de modifications dans les institutions de l'État.

Dans un cimetière de Crimée

Le roi Bulan, dont il a beaucoup été question au cours de l'émission, s'est effectivement converti à une foi monothéiste biblique. Mais cette foi présentait deux courants : 

le rabbinisme talmudique, qui incarne le judaïsme officiel, et le karaïsme, souvent peu et mal connu, qui est l'héritier de l'ancien essénisme. Or, quoi qu'en dise Jehudah Halevi, des données historiques et ethnographiques que nous ne pouvons énumérer ici prouvent que c'est au kharaïsme que le roi Bulan s'est converti. L'auteur de cette conversion fut Isaac Sangari, un docteur karaïte, dont la pierre tombale fut découverte au dix-neuvième siècle dans un cimetière karaïte de Crimée. La conversion du roi Bulan, d'une branche de la dynastie et de ceux des Khazars qui suivirent son exemple est à l'origine de la formation du groupe européen des karaïtes.

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Tous les juifs sont-ils sémites ?

Le dictionnaire explicatif d'Ozhegov définit le mot "sémites" comme

"un groupe de peuples d'Asie du Sud-Ouest et d'Afrique du Nord, proches dans les langues, qui comprenait les anciens Babyloniens, Assyriens, Phéniciens, Juifs et autres peuples, auxquels appartiennent les Arabes modernes, les Juifs, et aussi quelques autres peuples."

Les dictionnaires d'Ouchakov ou d'Efremova donnent une liste plus détaillée des peuples sémitiques.

"Les Sémites sont un groupe de peuples vivant - ou vivant autrefois en Afrique du Nord et en Asie occidentale (Arabes, Syriens, Juifs, Abyssins, Aisors, anciens Assyriens, Babyloniens et Phéniciens), (le nom vient du nom de Sem, l'un des les trois fils de l'ancêtre biblique Noé).

Les mêmes dictionnaires définissent l'antisémitisme comme l'une des formes d'intolérance nationale - une attitude hostile envers les Juifs. La particularité est que non pas aux Sémites en général, mais seulement aux Juifs, et si le sémitisme est une question d'origine géographique ou raciale, alors il y a une contradiction accidentelle ou une substitution délibérée de concepts.


Selon la Bible, dix des douze tribus d'Israël ont disparu lorsque les Assyriens ont conquis le territoire du royaume d'Israël. Dans le royaume indépendant de Juda à cette époque, il restait deux tribus - Juda et Benjamin.

Josèphe écrit que le roi assyrien Shalmaneser a réinstallé les Israélites en Médie et en Perse, où ils se sont assimilés à d'autres peuples. La même chose est dite dans la Bible, avec une indication de la Médie et de l'Assyrie (Livre des Rois, 18-11). En retour, les tribus mésopotamiennes, perses et médianes ont été réinstallées sur le territoire d'Israël.

Ici et là, il y avait un mélange de peuples. Les habitants de Judée traitaient avec mépris les nouveaux immigrants en Israël - les Samaritains, qu'ils considéraient raisonnablement comme des étrangers. Par la suite, la Judée a également été conquise et ses habitants étaient en captivité à Babylone.

Adeptes spirituels des pharisiens ?

Les juifs modernes sont les disciples spirituels des pharisiens, qui ont jeté les bases du judaïsme rabbinique et du talmudisme, devenu normatif à la fin de l'Antiquité et qui l'est encore aujourd'hui.

Selon une version, l'étymologie du mot "Pharisien" est liée au persan "Parsa" ou "Farsi", qui indique indirectement des liens avec la Perse.

Déjà après le siège et la destruction de Jérusalem par les Romains en 70 après JC. e. il y a davantage de dispersion et de confusion du peuple d'Israël.

L'opinion dominante aujourd'hui est que les Israélites ont migré vers d'autres parties de l'Asie occidentale, de l'Afrique du Nord et de l'Europe.

On pense que les Juifs séfarades ont vécu en Espagne et au Portugal depuis les derniers siècles de l'Empire romain, tandis que les Juifs ashkénazes se sont unis dans le Saint Empire romain bien plus tard, vers la fin du premier millénaire après JC. Aujourd'hui, plus de 80% du peuple juif est ashkénaze. Ce point de vue reconnaît les Juifs européens comme des descendants des anciens Sémites d'Asie du Sud-Ouest.

Cependant, certains historiens pensent que les Ashkénazes ont une origine différente.

Descendants du peuple Khazar ?

Dans son livre Facts Are Facts, le célèbre auteur juif Benjamin Friedman raconte histoire royaume Khazar et affirme que les Juifs des temps modernes, en particulier les Juifs d'Europe centrale et orientale, sont en fait les descendants du peuple Khazar :

« Au Ier siècle av. e. les Khazars ont envahi l'Europe de l'Est depuis leur patrie en Asie, passant le long de la route terrestre entre la pointe nord de la mer Caspienne et la pointe sud des montagnes de l'Oural ... Les Khazars n'étaient pas des Sémites, c'était un peuple mongoloïde asiatique. Les anthropologues modernes les classent comme un peuple turco-finlandais en termes raciaux ... "


"... Au XNUMXème siècle, le roi Bulan, qui dirigeait alors le royaume khazar, décida d'abolir la pratique de l'idolâtrie et de faire de l'une des religions monothéistes une nouvelle religion d'Etat..."


"...Après une rencontre avec des représentants de trois religions monothéistes, le roi Bulan choisit comme future religion d'État un culte connu à l'époque sous le nom de talmudisme..."

Le talmudisme différait du judaïsme de l'Ancien Testament de Moïse en ce que, en plus de créer de nouveaux livres de culte, les textes de l'Ancien Testament eux-mêmes ont subi des changements importants. 

Cela devient clair si l'on compare les textes anciens de la Septante datant du 1947ème siècle avant JC. e. avec les massorétiques dont la plus ancienne a un peu plus de mille ans. Les rouleaux de Qumrân, retrouvés en XNUMX, confirment la véracité des textes de la Septante.

Friedman écrit :

« Le roi Bulan et ses 4 000 nobles féodaux ont été immédiatement convertis par des rabbins amenés de Babylone pour ces événements… Le roi a invité un grand nombre de rabbins à ouvrir des synagogues et à enseigner à la population une nouvelle forme de culte religieux… »


"... C'étaient les premiers Juifs d'Europe de l'Est, et leur royaume est devenu théocratique, mais ils n'étaient pas sémites... Les appeler les gens de Terre Sainte est aussi ridicule que d'appeler des millions de musulmans chinois des Arabes."


L'Encyclopédie juive, volume 4, confirme ce récit historique.

"Les Khazars sont un peuple d'origine turque, dont la vie et l'histoire sont intimement liées aux origines mêmes de l'histoire des Juifs de Russie..."

“... A la fin du VIIIème siècle. le roi des Khazars et ses nobles, ainsi qu'un grand nombre de leur peuple, ont adopté la religion juive ... Au IXe siècle. il s'avère que tous les Khazars étaient déjà juifs et qu'ils se sont convertis au judaïsme assez récemment.

Dans son livre L'Histoire des Juifs, l'éminent historien juif Heinrich Graetz déclare :

"Les Juifs des autres pays n'étaient pas au courant de la conversion de ce puissant royaume au judaïsme...

La langue créée par les Khazars est le yiddish, où les lettres hébraïques ont été adaptées à la phonétique de la langue khazar parlée, et les mots ont été empruntés aux langues allemandes, slaves et baltes.

Le yiddish reste le dénominateur commun de tous les juifs, que ce soit en Europe de l'Est ou au-delà. Aux X-XIII siècles. n.m. e. Les Russes ont conquis tout le territoire Khazar, puis de nombreux Khazars ont déménagé en Espagne, certains sont allés en Hongrie, mais la majeure partie du peuple est restée dans son pays natal sous le règne des princes russes.

De toute évidence, les représentants de ce peuple professaient le talmudisme, mais, comme le montrent diverses sources, dont l'Encyclopédie juive, ils sont d'origine turque ou persane, et non sémitique, et l'affirmation de Benjamin Friedman selon laquelle la plupart des Juifs européens sont des descendants des Khazars mérite au moins attention.