Magdala - Marie, la Magdaléenne
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Magdala - Marie, la Magdaléenne
Magdala
Magdala n’est connue, dans la Bible, que par une certaine Marie, la Magdaléenne (devenue Madeleine), qui était du nombre de ces nobles galiléennes, ferventes disciples de Jésus (Mt 27,56.61 ; Mc 15,40.47 ; Lc 8,2 ; etc.). Pourtant, d’après des témoins anciens, cette petite ville du coin nord-ouest du lac de Tibériade jouissait d’une importance majeure au temps de Jésus.
Son nom araméen, Magdala, signifie « la tour, la forteresse ». En effet, elle gardait l’entrée sud de la plaine du nord du lac. Les Grecs, depuis le IIe siècle avant notre ère, la désignaient plutôt du nom de Tarichae (poissons salés), évoquant ainsi, sans doute, sa principale industrie ; les géographes latins maintiendront la même tradition. On connaît bien la grande richesse de poissons en cette partie nord du lac ; c’est là que la plupart des villages de pêcheurs s’étaient installés.
Le rôle historique le plus important de Magdala, car c’est toujours sous ce nom que les auteurs juifs l’ont mentionnée, fut joué lors de la guerre des Juifs contre les Romains, en 66-70 après JC. Flavius Josèphe, commandant des forces juives de Galilée, y avait établi ses quartiers généraux, en prenant bien soin de la défendre par un rempart. Devenu plus tard historien, Josèphe nous dit que l’armée ne comptait pas moins de 40 000 hommes, et son port pouvait abriter 250 bateaux de pêche ! On peut facilement s’imaginer que déjà, au temps de Jésus, ce port devait jouir de quelqu’importance. Vespasien, général romain, fut obligé de faire bâtir des radeaux pour pouvoir donner le coup de mort à l’armée de Josèphe, réfugiée sur le lac dans les barques de pêche. Le carnage fut si grand que le lac devint rouge de sang (Flavius Josèphe, Guerre juive 3,10,1-10). Cependant, ce combat naval permit d’épargner la ville.
Magdala fut fondée par Alexandre Jannée (103-76 avant JC), d’après les monnaies découvertes ; mais c’est vers la fin du premier siècle avant notre ère qu’elle prit sa figure définitive. Elle était bien distribuée autour de quatre grandes rues principales, dallées de basalte et large de 10 mètres. Les maisons sont spacieuses, et révèlent une certaine aisance. Une de ces maisons était agrémentée d’une piscine ; elle présente l’aspect d’une petite ville romaine.
Magdala n’est connue, dans la Bible, que par une certaine Marie, la Magdaléenne (devenue Madeleine), qui était du nombre de ces nobles galiléennes, ferventes disciples de Jésus (Mt 27,56.61 ; Mc 15,40.47 ; Lc 8,2 ; etc.). Pourtant, d’après des témoins anciens, cette petite ville du coin nord-ouest du lac de Tibériade jouissait d’une importance majeure au temps de Jésus.
Ruines à Magdala
(photo BibleWalks.com)
(photo BibleWalks.com)
Son nom araméen, Magdala, signifie « la tour, la forteresse ». En effet, elle gardait l’entrée sud de la plaine du nord du lac. Les Grecs, depuis le IIe siècle avant notre ère, la désignaient plutôt du nom de Tarichae (poissons salés), évoquant ainsi, sans doute, sa principale industrie ; les géographes latins maintiendront la même tradition. On connaît bien la grande richesse de poissons en cette partie nord du lac ; c’est là que la plupart des villages de pêcheurs s’étaient installés.
Le rôle historique le plus important de Magdala, car c’est toujours sous ce nom que les auteurs juifs l’ont mentionnée, fut joué lors de la guerre des Juifs contre les Romains, en 66-70 après JC. Flavius Josèphe, commandant des forces juives de Galilée, y avait établi ses quartiers généraux, en prenant bien soin de la défendre par un rempart. Devenu plus tard historien, Josèphe nous dit que l’armée ne comptait pas moins de 40 000 hommes, et son port pouvait abriter 250 bateaux de pêche ! On peut facilement s’imaginer que déjà, au temps de Jésus, ce port devait jouir de quelqu’importance. Vespasien, général romain, fut obligé de faire bâtir des radeaux pour pouvoir donner le coup de mort à l’armée de Josèphe, réfugiée sur le lac dans les barques de pêche. Le carnage fut si grand que le lac devint rouge de sang (Flavius Josèphe, Guerre juive 3,10,1-10). Cependant, ce combat naval permit d’épargner la ville.
Magdala fut fondée par Alexandre Jannée (103-76 avant JC), d’après les monnaies découvertes ; mais c’est vers la fin du premier siècle avant notre ère qu’elle prit sa figure définitive. Elle était bien distribuée autour de quatre grandes rues principales, dallées de basalte et large de 10 mètres. Les maisons sont spacieuses, et révèlent une certaine aisance. Une de ces maisons était agrémentée d’une piscine ; elle présente l’aspect d’une petite ville romaine.
Magdala vers 1900
(photo : Wikimedia)
(photo : Wikimedia)
Une découverte étonnante fut un complexe architectural singulier qui se révéla être un « château d’eau » : un carré de belle maçonnerie de 5 mètres de côté, muni d’un bassin à son sommet, conservant encore son enduit imperméable ; ainsi on pouvait diriger de l’eau « courante » dans les maisons avoisinantes. Toutes ces constructions existaient dans la ville de Magdala au temps de Jésus.
Re: Magdala - Marie, la Magdaléenne
Une synagogue du premier siècle découverte à Magdala
Il y a quelque mois, les agences de presse ont annoncé la découverte d’une des synagogues les plus anciennes de Galilée, celle de Magdala où la tradition chrétienne a conservé le souvenir de Marie de Magdala, une femme qui eut le privilège d’être la première témoin de la résurrection de Jésus.
Les fouilles archéologiques dirigées par Dina Abshalom sur le terrain des Légionnaires du Christ ont permis de retrouver un bâtiment de 100 m2 qui, à n’en pas douter, est une synagogue. Une pierre blanche surélevée par quatre petites colonnettes est richement sculptée. Un chandelier à sept branches est entouré de deux amphores. D’autres rosaces ornent la partie supérieure de la pierre. Aux quatre angles de la pierre, on voit clairement l’emplacement d’autres colonnettes qui étaient appuyées sur cette pierre. Soutenaient-elles la table qui servait pour dérouler le rouleau de la loi lors de l’office synagogal ? De nombreuses questions restent en suspens.
Selon le témoignage des poteries et des monnaies, l’édifice ne serait pas postérieur à l’an 70. Des colonnes de basalte enduites de plâtre qui fut peint aux couleurs vives soutenaient l’édifice.
La découverte la plus remarquable est celle de mosaïques sur une partie du plancher. Des dessins géométriques, dont l’interprétation reste discutée, décorent la partie avant du plancher. Et des sondages récents ont permis d’entrevoir une partie importante de l’agora, une voie romaine dallée, ainsi qu’un canal.
Grâce à l’historien Flavius Josèphe et aux textes rabbiniques l’histoire de la ville de Magdala est bien connue. La ville aurait compté jusqu’à 40 000 habitants qui vivaient en grande partie de l’industrie de la pêche. Entraînée dans la révolte juive, la ville fut prise par Titus.
Tous souhaitent que les fouilles puissent continuer pour permettre une meilleure connaissance de ce centre urbain de Galilée et du milieu du Nouveau Testament.
D’après une tradition tardive Marie de Magdala serait partie à Marseille pour évangéliser la partie sud de la Gaule. Elle se serait retirée dans la grotte de Sainte-Baume et serait morte à Saint-Maximin. Les fantaisies du romancier Dan Brown dans son Da Vinci code (JC Lattès, 2004) ont rendu Marie de Magdala célèbre dans le monde entier. Les fouilles archéologiques vont nous ramener des fantaisies à la réalité.
Il y a quelque mois, les agences de presse ont annoncé la découverte d’une des synagogues les plus anciennes de Galilée, celle de Magdala où la tradition chrétienne a conservé le souvenir de Marie de Magdala, une femme qui eut le privilège d’être la première témoin de la résurrection de Jésus.
Pierre richement sculptée (photo :copyright: IAA)
Les fouilles archéologiques dirigées par Dina Abshalom sur le terrain des Légionnaires du Christ ont permis de retrouver un bâtiment de 100 m2 qui, à n’en pas douter, est une synagogue. Une pierre blanche surélevée par quatre petites colonnettes est richement sculptée. Un chandelier à sept branches est entouré de deux amphores. D’autres rosaces ornent la partie supérieure de la pierre. Aux quatre angles de la pierre, on voit clairement l’emplacement d’autres colonnettes qui étaient appuyées sur cette pierre. Soutenaient-elles la table qui servait pour dérouler le rouleau de la loi lors de l’office synagogal ? De nombreuses questions restent en suspens.
Selon le témoignage des poteries et des monnaies, l’édifice ne serait pas postérieur à l’an 70. Des colonnes de basalte enduites de plâtre qui fut peint aux couleurs vives soutenaient l’édifice.
Vue aérienne du site (photo :copyright: IAA)
La découverte la plus remarquable est celle de mosaïques sur une partie du plancher. Des dessins géométriques, dont l’interprétation reste discutée, décorent la partie avant du plancher. Et des sondages récents ont permis d’entrevoir une partie importante de l’agora, une voie romaine dallée, ainsi qu’un canal.
Grâce à l’historien Flavius Josèphe et aux textes rabbiniques l’histoire de la ville de Magdala est bien connue. La ville aurait compté jusqu’à 40 000 habitants qui vivaient en grande partie de l’industrie de la pêche. Entraînée dans la révolte juive, la ville fut prise par Titus.
Tous souhaitent que les fouilles puissent continuer pour permettre une meilleure connaissance de ce centre urbain de Galilée et du milieu du Nouveau Testament.
D’après une tradition tardive Marie de Magdala serait partie à Marseille pour évangéliser la partie sud de la Gaule. Elle se serait retirée dans la grotte de Sainte-Baume et serait morte à Saint-Maximin. Les fantaisies du romancier Dan Brown dans son Da Vinci code (JC Lattès, 2004) ont rendu Marie de Magdala célèbre dans le monde entier. Les fouilles archéologiques vont nous ramener des fantaisies à la réalité.
Re: Magdala - Marie, la Magdaléenne
Un évangile attribué à une femme : Marie de Magdala
L’Évangile selon Marie est un texte apocryphe dont l’existence est restée longtemps inconnue. Cet évangile n’est pas mentionné par les Pères de l’Église, et ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle qu’il est enfin sorti de l’ombre. Après avoir transité quelque temps sur le marché des antiquités, le manuscrit a été intégré à la collection papyrologique du Musée de Berlin où il est encore conservé aujourd’hui.
Marie est une figure importante de cet évangile gnostique et le colophon [1] à la fin du manuscrit la désigne clairement comme la figure qui donne au traité son autorité. C’est d’ailleurs ce fait inusité qui retiendra notre attention à la fin de cet article. Aucun texte canonique du Nouveau Testament n’est attribué à une femme et l’Évangile selon Marie est le seul évangile apocryphe dont l’autorité s’appuie sur une figure féminine.
Le Papyrus Berolinensis (BG) 8502
La version copte de l’Évangile selon Marie est un texte lacuneux. Les six premières pages et les pages 11 à 14 ont été perdues. Le texte se délimite donc ainsi : 7,1-10,23 et 15,1-19,5 [4]. Il date vraisemblablement du Ve siècle et aurait été traduit à partir d’un original grec. Le texte copte contient d’ailleurs plusieurs mots directement transcrits de la langue grecque.
Des fragments grecs
Le papyrus Ryland 463 est une feuille fragmentaire dont le texte grec a été identifié comme un passage de notre évangile (il correspond à BG 17,4-19,5). Trouvé en 1917 dans la région d’Oxyrhynque (en Égypte), il date du début du IIIe siècle. Datant également de cette même période, l’autre fragment grec est une découverte relativement récente. Il a été identifié en 1983 par P.J. Parsons. Le papyrus Oxyrhynque 3525 (illustré plus haut) correspond à BG 9,5-10,14 du codex de Berlin. Le texte grec de ces deux fragments est assez différent du texte copte, ce qui permet aux chercheurs d’affirmer que l’Évangile selon Marie a subi plusieurs réécritures pendant sa transmission.
Des tensions entre communautés
Deux figures s’opposent dans la deuxième partie de cet évangile : l’apôtre Pierre et Marie-Madeleine. La scène se déroule après le départ (ascension) du Sauveur, alors que les apôtres sont rassemblés. Pierre demande à Marie, sachant que le Sauveur la préférait aux autres femmes, de leur répéter des paroles de Jésus qu’elle aurait entendues pendant leur absence. Mais plutôt que de rapporter des anecdotes ou des paroles de Jésus, elle raconte une vision ou une véritable révélation secrète qu’elle a reçue du Sauveur. Ce discours suscite une vive réaction de Pierre qui s’interroge sur la possibilité que le Sauveur se soit entretenu avec une femme en secret. Marie se met à pleurer et Lévi prend sa défense en rabrouant Pierre pour son tempérament bouillant.
Ce conflit entre Pierre et Marie, tel que décrit, n’a rien d’historique; il faut plutôt y voir une opposition entre deux groupes de chrétiens, entre deux manières de concevoir les ministères. L’Évangile de Marie a été écrit à une époque où l’Église proto-orthodoxe [5] s’affairait à mettre en place un ministère hiérarchique strictement masculin. Pour les dirigeants de cette tendance, la transmission de la foi reposait sur le témoignage des premiers témoins de la résurrection et on a rapidement accordé beaucoup d’importance à l’apparition dont Pierre a été le témoin. Les évangiles canoniques ont pourtant conservé le souvenir d’une apparition aux femmes, le matin de Pâques. Dans le quatrième évangile, c’est même Marie Madeleine qui est la seule bénéficiaire [6].
S’appuyant sans doute sur cette tradition, l’auteur de l’Évangile selon Marie conteste le ministère strictement masculin qu’on essaie d’imposer à toutes les communautés chrétiennes. Il va même plus loin en proposant Marie comme un modèle à imiter. Il propose aux destinataires de son évangile de réaliser l’unité intérieure (voir 9,14-20) comme Marie l’a réalisée. Et il conclut son évangile en incluant Marie dans la mission de l’annonce de l’Évangile.
L’Évangile selon Marie n’est pas qu’un texte contestataire : il propose une autre manière de comprendre l’autorité dans l’Église. Pour l’auteur de l’apocryphe, l’autorité ne repose pas sur le témoignage oculaire des premiers témoins de la résurrection de Jésus, mais sur la maturité spirituelle. C’est Marie qui réconforte les disciples lorsque le Sauveur les quitte, et elle convertit leur cœur. Plus loin, elle leur partage une révélation secrète dont elle a été témoin. Jésus commence en lui disant : « Bienheureuse, toi qui ne te troubles pas à ma vue car, là où est l’intellect, là est le trésor. » (10,14-15) Marie est donc un modèle pour les chrétiens gnostiques en raison de sa maturité spirituelle. Pour l’auteur de l’évangile apocryphe, le fait qu’elle soit une femme n’est pas un obstacle à la proposer comme un modèle à imiter.
L’un des intérêts d’étudier les textes apocryphes est de constater la diversité des appartenances à l’Église dans les premiers siècles de sa formation et de son organisation. Et on remarque parfois que certaines préoccupations qui émergent de ces textes ressemblent à des questionnements qui sont encore soulevés aujourd’hui.
L’Évangile selon Marie est un texte apocryphe dont l’existence est restée longtemps inconnue. Cet évangile n’est pas mentionné par les Pères de l’Église, et ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle qu’il est enfin sorti de l’ombre. Après avoir transité quelque temps sur le marché des antiquités, le manuscrit a été intégré à la collection papyrologique du Musée de Berlin où il est encore conservé aujourd’hui.
Marie est une figure importante de cet évangile gnostique et le colophon [1] à la fin du manuscrit la désigne clairement comme la figure qui donne au traité son autorité. C’est d’ailleurs ce fait inusité qui retiendra notre attention à la fin de cet article. Aucun texte canonique du Nouveau Testament n’est attribué à une femme et l’Évangile selon Marie est le seul évangile apocryphe dont l’autorité s’appuie sur une figure féminine.
Le Papyrus Berolinensis (BG) 8502
L’Évangile selon Marie est le premier traité d’un codex qui contient trois autres textes : l’Apocryphon de Jean, la Sagesse de Jésus le Christ et l’Acte de Pierre. Même si le codex [2] n’a pas été découvert parmi les manuscrits de la bibliothèque de Nag Hammadi [3], il est considéré comme un recueil de textes gnostiques par plusieurs chercheurs. L’un des noms utilisés pour désigner ce codex l’exprime d’ailleurs clairement : Berolinensis Gnosticus (souvent abrégé par les lettres BG). Le codex est probablement originaire de la région d’Akhmim (en Haute Égypte) et est écrit en copte sahidique.
La version copte de l’Évangile selon Marie est un texte lacuneux. Les six premières pages et les pages 11 à 14 ont été perdues. Le texte se délimite donc ainsi : 7,1-10,23 et 15,1-19,5 [4]. Il date vraisemblablement du Ve siècle et aurait été traduit à partir d’un original grec. Le texte copte contient d’ailleurs plusieurs mots directement transcrits de la langue grecque.
Des fragments grecs
POxy 3525
Le papyrus Ryland 463 est une feuille fragmentaire dont le texte grec a été identifié comme un passage de notre évangile (il correspond à BG 17,4-19,5). Trouvé en 1917 dans la région d’Oxyrhynque (en Égypte), il date du début du IIIe siècle. Datant également de cette même période, l’autre fragment grec est une découverte relativement récente. Il a été identifié en 1983 par P.J. Parsons. Le papyrus Oxyrhynque 3525 (illustré plus haut) correspond à BG 9,5-10,14 du codex de Berlin. Le texte grec de ces deux fragments est assez différent du texte copte, ce qui permet aux chercheurs d’affirmer que l’Évangile selon Marie a subi plusieurs réécritures pendant sa transmission.
Des tensions entre communautés
Deux figures s’opposent dans la deuxième partie de cet évangile : l’apôtre Pierre et Marie-Madeleine. La scène se déroule après le départ (ascension) du Sauveur, alors que les apôtres sont rassemblés. Pierre demande à Marie, sachant que le Sauveur la préférait aux autres femmes, de leur répéter des paroles de Jésus qu’elle aurait entendues pendant leur absence. Mais plutôt que de rapporter des anecdotes ou des paroles de Jésus, elle raconte une vision ou une véritable révélation secrète qu’elle a reçue du Sauveur. Ce discours suscite une vive réaction de Pierre qui s’interroge sur la possibilité que le Sauveur se soit entretenu avec une femme en secret. Marie se met à pleurer et Lévi prend sa défense en rabrouant Pierre pour son tempérament bouillant.
Ce conflit entre Pierre et Marie, tel que décrit, n’a rien d’historique; il faut plutôt y voir une opposition entre deux groupes de chrétiens, entre deux manières de concevoir les ministères. L’Évangile de Marie a été écrit à une époque où l’Église proto-orthodoxe [5] s’affairait à mettre en place un ministère hiérarchique strictement masculin. Pour les dirigeants de cette tendance, la transmission de la foi reposait sur le témoignage des premiers témoins de la résurrection et on a rapidement accordé beaucoup d’importance à l’apparition dont Pierre a été le témoin. Les évangiles canoniques ont pourtant conservé le souvenir d’une apparition aux femmes, le matin de Pâques. Dans le quatrième évangile, c’est même Marie Madeleine qui est la seule bénéficiaire [6].
S’appuyant sans doute sur cette tradition, l’auteur de l’Évangile selon Marie conteste le ministère strictement masculin qu’on essaie d’imposer à toutes les communautés chrétiennes. Il va même plus loin en proposant Marie comme un modèle à imiter. Il propose aux destinataires de son évangile de réaliser l’unité intérieure (voir 9,14-20) comme Marie l’a réalisée. Et il conclut son évangile en incluant Marie dans la mission de l’annonce de l’Évangile.
L’Évangile selon Marie n’est pas qu’un texte contestataire : il propose une autre manière de comprendre l’autorité dans l’Église. Pour l’auteur de l’apocryphe, l’autorité ne repose pas sur le témoignage oculaire des premiers témoins de la résurrection de Jésus, mais sur la maturité spirituelle. C’est Marie qui réconforte les disciples lorsque le Sauveur les quitte, et elle convertit leur cœur. Plus loin, elle leur partage une révélation secrète dont elle a été témoin. Jésus commence en lui disant : « Bienheureuse, toi qui ne te troubles pas à ma vue car, là où est l’intellect, là est le trésor. » (10,14-15) Marie est donc un modèle pour les chrétiens gnostiques en raison de sa maturité spirituelle. Pour l’auteur de l’évangile apocryphe, le fait qu’elle soit une femme n’est pas un obstacle à la proposer comme un modèle à imiter.
L’un des intérêts d’étudier les textes apocryphes est de constater la diversité des appartenances à l’Église dans les premiers siècles de sa formation et de son organisation. Et on remarque parfois que certaines préoccupations qui émergent de ces textes ressemblent à des questionnements qui sont encore soulevés aujourd’hui.
[1] Un colophon est la note finale d’un manuscrit. Cette note désigne le texte sous une forme abrégée, comme dans ce cas-ci.
[2] Le codex est l’ancêtre du livre. Il s’agit, dans ce cas-ci de feuillets de papyrus pliés et rassemblés pour former un livre.
[3] Les manuscrits découverts à Nag Hammadi (Égypte) en 1945 constituent une véritable bibliothèque. Chacun des codex exhumés contient plusieurs traités qui éclairent les origines du christianisme.
[4] Les chiffres n’indiquent pas ici des chapitres et des versets mais les pages et les lignes du manuscrit.
[5] Au début de notre ère, l’Église est une réalité très diversifiée. L’Église proto-orthodoxe est une tendance parmi d’autres. Il faudra compter quelques siècles pour qu’elle réussisse à s’imposer à toutes les formes du christianisme naissant.
[6] Sur la réception de cette tradition dans l’Église primitive, voir François Bovon, « Le privilège pascal de Marie-Madeleine », New Testament Studies 30 (1984) 50-62.
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