TikTok interdit en France à partir du 1ᵉʳ janvier 2024 ?

TikTok interdit en France à partir du 1ᵉʳ janvier 2024 ?


Le logo de TikTok (LIONEL BONAVENTURE / AFP)


Une commission d’enquête du Sénat s’inquiète à la fois des liens troubles entre TikTok et les autorités chinoises et du faible respect de la loi française par la plateforme de vidéos. Elle appelle le gouvernement à des mesures fortes.

Par Boris Manenti
·Publié le 6 juillet 2023 à 16h07

La prise de position est forte, la démonstration implacable et argumentée. Au fil des 181 pages de son rapport dédié à TikTok, plateforme de mini-vidéos ultra-populaire chez les plus jeunes, la commission d’enquête du Sénat démontre méthodiquement combien la plateforme est liée à sa maison mère chinoise ByteDance, et, par extension, sensible aux directives du Parti communiste chinois (exactement comme le rapportait l’enquête de « l’Obs » en mars dernier).


Mais également combien TikTok collecte une masse de données personnelles sur ses utilisateurs, afin de dresser « un profil psychologique de ses utilisateurs et peut l’utiliser à des fins commerciales ou pour d’autres finalités indéterminées ». Le tout sans respecter la loi européenne sur la protection des données, puisque celles-ci transitent hors d’Europe, notamment aux Etats-Unis, en Malaisie et à Singapour, et peuvent être partagées avec des opérateurs basés en Chine. En présentant les conclusions, le sénateur Claude Malhuret, rapporteur de la commission d’enquête, a constaté :

« Nous avons été frappés par l’opposition qui existe entre le mot “transparence” dont TikTok fait un leitmotiv dans sa communication, et la réalité d’une opacité manifestement voulue.  »

Les sénateurs n’y vont pas par quatre chemins : oui, TikTok présente d’avantage de risques que les autres réseaux sociaux, et son utilisation soulève de nombreuses questions. Aussi, ils en appellent au gouvernement pour, sans plus attendre, interdire l’utilisation de TikTok aux salariés des 12 secteurs d’importance vitale (Etat, armée, justice, énergie, transports, gestion de l’eau, santé, alimentation, finance, télécom, industrie, espace et recherche). Fin mars, le gouvernement a déjà décidé d’interdire l’utilisation d’applications dites « récréatives », dont TikTok, aux 2,5 millions d’agents de la fonction publique d’Etat.

Eclaircir la nature de ses relations avec les autorités chinoises

Mais les sénateurs vont ensuite plus loin et proposent de « suspendre TikTok en France […] pour des raisons de sécurité nationale », c’est-à-dire bloquer son utilisation à l’ensemble des Français, et ce à partir du 1er janvier 2024, sauf si l’entreprise montre (enfin) patte blanche. A savoir éclaircir la nature de ses relations avec les autorités chinoises, se conformer au droit européen en matière de protection des données, réellement contrôler l’âge des utilisateurs, mettre en place une modération efficace sur la désinformation, mettre fin au piratage d’œuvres sur la plateforme, etc.

Comment TikTok a conquis le monde (et pourquoi c’est inquiétant)

Interrogé par « l’Obs » à ce sujet, le ministre délégué au Numérique, Jean-Noël Barrot, dit que le gouvernement va « analyser en détail les préconisations de la commission », saluant au passage ce « travail très précieux ». Une source proche de l’exécutif indique déjà que certaines propositions de la commission pourraient bien être intégrées au projet de loi « sécuriser et réguler les services numériques », avant son examen à l’Assemblée nationale à l’automne, mais pas l’interdiction au 1er janvier 2024. Aucun engagement de la part de Jean-Noël Barrot pour l’heure, qui précise toutefois à « l’Obs » :

« TikTok n’est pas en conformité avec notre droit, elle ne respecte pas le RGPD, puisque des données transitent en Chine. Le traitement des données doit se faire en Europe, et TikTok a annoncé un déploiement de centres de données en Europe – je souhaite que son calendrier s’accélère pour que TikTok puisse être en conformité avec le RGPD, une condition pour pouvoir continuer à opérer en Europe. »


Par Boris Manenti