Odin, le plus puissant des dieux dans la mythologie nordique
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Odin, le plus puissant des dieux dans la mythologie nordique
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Odin
Odin le dieu suprême, dieu de la guerre nordique.
Odin, le plus puissant des dieux dans la mythologie nordique ; il monte son étalon " Sleipner " et porte la lance Gungne (Gungnir) ; les deux corbeaux, Hugin (pensé) et mouche de Munin (mémoire) planent à proximité de lui afin de le guider à travers le crépuscule de la forêt.
Mythologie nordique
Odin le père des dieux du groupe " Ases " ; le dieu de la Guerre de la Sagesse et de la Poésie :
Synonymes :
Voden, Woden, Wotan, Votan, Wuotan, Bileygr (au regard fuyant), Glapsvidir (prompt à la tromperie), Ygg, Valfodr (le père des Morts au combat), Alfodr (le père des dieux), Fjolsvidr (à la vaste sagesse), Oski (celui qui donne l'espoir).
Odin signifie probablement " furieux ".
Généalogie :
Odin est le premier des dieux dans le panthéon des divinités scandinaves ; il est à la tête des dieux du groupe " Ases " ; fils de Bor (ou Burr) et la géante Bestla ; frère de Vili et Vé. Odin est aussi le père des principales divinités du groupe " Ases " : de son épouse " Grid ", il est le père de " Vidar, celui qui tuera le loup Fenrir " ; de son épouse " Jörd ", il est le père de " Thor, le dieu du tonnerre " et enfin, de son épouse Frigg, il est le père de Baldr (dieu de la joie et de la bonté) ; de Hod (le dieu aveugle) ; de Skadi ; de Hermod (ou Hermodr, le messager des dieux, l'équivalent d'hermès des Grecs) ; de Bragi (dieu de la poésie et l’Éloquence, époux d'Idun qui gardait les pommes d'or de la jeunesse) ; et de Tyr (dieu manchot du combat et de la gloire héroïque).
Heimdal (ou Heimdallr) le dieu de l'Aurore " celui qui lance la lumière " et le gardien de Bifrost (l'arc-en-ciel) qui conduit à la cité des dieux (les Ases) d'Asgard : selon la légende, il est né à l'horizon ; fils de neuf sœurs géantes et d'Odin.
Odin est un des trois dieux créateurs :
Au début il existait deux régions : Niflheimr, le mode de glaces et " Muspellheimr ", le royaume de feu.
Audumla (la nourricière), la vache sacrée qui naquit de la fonte des glaces sous l'effet du feu " Muspellheimr ".
En léchant les glaces (ou le sel déposé sur les roches gelées), Audumla libère un géant appelé Buri (celui qui est né), cette naissance se fait en trois jours : le premier jour apparaissent les cheveux ; le deuxième jour apparaît la tête et le troisième jour le dieu en entier. Buri génère à son tour Bor (ou Burr) ; Bor épouse Bestla, la fille du géant Bölthorn (Bolthor) ; elle lui donne trois enfants : Odin, Vili (dieu créateur et dieu de guerre) et Vé (dieu créateur et dieu de guerre).
Ymir qui fut le premier géant apparaissant après la fonte des glaces dans le " Ginnungagap = le vide originel ; ou = la mer formée de la rencontre de l'air chaud soufflant de Muspelheim, le pays des géants de feu, et l'air froid provenant de Niflheim, le pays des brumes".
Ymir était un être maléfique et cruel envers tous et aussi envers les enfants de Bor (Odin, Vili et Vé) qui décident de le combattre et le tuer puis précipiter son corps dans les profondeurs de " Ginnungagap " qui se situe entre Muspelheim et Niflheim.
Du corps de Ymir, Odin, Vili et Vé créent le monde : de son crâne ils créent le ciel ; de son cerveau ils créent les nuages ; de ses os ils créent les montages ; de ses dents et mâchoires ils créent les roches et les pierres ; de sa chair ils forment le sol ; des petits vers, nés de sa chair ils créent des nains doués d'intelligence ; quatre nains supportent le ciel ; enfin de son sang ils créent les rivières et les mers.
Les mers noyèrent tous les géants de glace, excepté deux, Bergelmir et son épouse, sauvés grâce à une barque faite d'un tronc d'arbre évidé ; ce couple fondera la seconde race de géants.
Après avoir créé la terre, les mers et le ciel, Odin, Vili et Vé offrent le pays appelé " Utgardr ou Utgard " aux géants de glace restants, Bergelmir, son épouse et leurs enfants ; il s'agit d'une région très reculée à l'Est.
Pour eux et leurs descendants, les trois dieux créateurs, Odin, Vili et Vé bâtissent une demeure, c'est " l'Asgardr ou Asgard ", elle était protégée des attaques des géants par de solides fortifications ; pour les édifier, ils utilisent les sourcils du premier géant " Ymir ".
Partant explorer le monde qu'ils ont créé, sur une côte, Odin, Vili et Vé trouvent deux troncs d'arbre échoués sur le rivage, alors ils décident de leur donner une nouvelle vie en créant le premier couple humain : " Embla " fut la première femme, et " Ask " fut le premier homme. Odin leur insuffla la vie ; Vé leur donna la vue et l'ouïe (et pour certains, les expressions du visage et la parole) ; enfin, Vili leur donna l'intelligence et les émotions.
Pour les premiers humains, les trois dieux créateurs, Odin, Vili et Vé, bâtissent un royaume dans lequel ils peuvent vivre, c'est " Midgardr ou Mitagard - la terre du milieu " qui se trouve à mi-chemin entre Asgardr, le pays des dieux, et " Niflheimr ", le pays des glaces, le royaume des morts.
Odin et ses deux frères édifient le pont Bifrost, ou l'arc-en-ciel qui relie Asgardr à Midgardr.
Les dieux chargent, Embla et Ask, les premiers humains installés dans le royaume de Midgard, de former des familles afin de peupler leur pays, et de s’occuper des animaux, des plantes et tous les autres êtres vivant dans leur royaume.
Les Ases et les Vanes :
Les divinités de la mythologie nordique étaient divisées en deux groupes : Les " Ases " qui vivaient à " Asgardr " (au ciel), à leur tête leur chef Odin puis Thor, Vidar, Baldr, Höd, Heimdal et Loki Frigg. L'autre race est celle des " Vanes ", les divinités des générations ultérieures, qui sont aussi des dieux et déesses de la fertilité ; ils vivaient à " Vanaheim - la terre des Vanes " et régnaient sur la mer et la terre ; leur chef était Njörd (le dieu de la mer et des vents) et ses enfants jumeaux Freyr (dieu de la pluie et des produits des champs et du soleil) et Freyja (déesse de l'amour charnel et de la jeunesse et femme du dieu solaire Odhr pour lequel elle verse des larmes d'ambre et d'or quand il la quitta. Les nains lui donnent le collier Brisling pour la remercier d'avoir fait l'amour avec eux. Son char était tiré par des chats. Elle pouvait voler sous l'apparence d'un faucon. Le jour dédié à son culte était le vendredi. Après la réconciliation des Ases et des Vanes, elle fut assimilée à Frigg).
Odin et la sagesse divine :
Un jour, une guerre éclate entre les " Ases " et les " Vanes " suite au mauvais traitement subi par un des vanes (Freyja ou un autre qui a pris son apparence, ou la géante Gullveig) dépêché en mission auprès des Ases. Cette guerre sans vainqueur se termine par une trêve et échange d'otages : les deux Ases, Honir et Mimir (qui connaît tous les secrets de la sagesse) passaient une partie de l'année chez les vanes, et Freyr et Njörd séjournaient chez les Ases.
Les Vanes essayent d'obtenir de Mimir les secrets de la sagesse, mais échouant, ils lui tranchent la tête et l'envoient chez les Ases ; malheureusement pour les Vanes, car c'était cette tête qui conservait les secrets de la sagesse divine ; alors afin de profiter de la sagesse universelle, Odin conserva la tête de Mimir grâce à des herbes, puis par des incarnations, lui donna la faculté de la parole et la rendit immortelle et l'installa sous la racine de l'arbre du monde Yggdrasil qui s'étendait jusqu'au " Jotunnheim ", le pays des géants de glace à la source.
Odin, chaque fois qu'il a besoin de conseils, se rend jusqu'à la source (ou le puits) de Mimir afin d'interroger la tête du sage.
Les Vanes, sans suffisamment de pouvoir, finissent par être assimilés aux Ases, leurs rivaux.
Odin et l'Hydromel de l'inspiration (Odrerir) :
Après la guerre entre les Ases et les Vanes, les dieux crachèrent dans un chaudron (l'odrorir, qui remue le cœur) pour sceller la paix ; de leur salive naquit le géant poète " Kvasir ". Deux affreux nains, Fjalar et Galar, ayant marre de ses instructions, ils le tuèrent et distillèrent son sang, puis le mélangèrent à du miel afin d'obtenir un puissant hydromel (boisson obtenue par fermentation de miel additionné d'eau) pouvant doter à quiconque le boit, la sagesse, l'inspiration poétique et la connaissance des formules magiques.
Les deux nains, Fjalar et Galar, furent obligés plus tard, de donner l'hydromel au géant Suttung qui venait de tuer son père et sa mère, ce fut le prix pour ne pas les exécuter. Suttung sachant la valeur inestimable de l'hydromel, il demanda à sa fille " Gunnlöd " de le cacher dans sa grotte.
Odin décida de s'emparer de l’hydromel afin de l'offrir aux dieux, pour cela il se métamorphosa en un homme, un serpent et un aigle : d'abord il prit l'apparence d'un homme du nom de " Bölverk " et tua neuf serviteurs de Baugi, le frère de Suttung ; il proposa d'accomplir la tâche de travail de ses neuf serviteurs disparus s'il lui donna à boire une gorgée d'hydromel ; Baugi accepta, mais son frère Suttung refusa cette demande. Alors " Bölverk - Odin ", avec la complicité de Baugi, s'empara du breuvage sacré. Baugi creusa le flanc de la montagne ; Odin se métamorphosa en serpent et se faufila à travers la montagne jusqu'à la grotte de Gunnlöd ; séduite par le dieu, le laissa boire une gorgée de l'hydromel, mais Odin malintentionné, but le breuvage jusqu'à la dernière goutte, puis se métamorphosa en aigle et s'envola pour la demeure des dieux Asgardr.
Sleipnir, l'étalon d'Odin
Les énormes fortifications d'Asgardr furent démolies lors de la guerre entre les Ases et les Vanes et il fallut les reconstruire afin de se protéger contre les attaques des géants. Pour cette énorme tâche, les Ases font appel à un géant, mais ce dernier exige un prix très important : le soleil, la Lune et Freyja (la sublime déesse de la fertilité et qui était capable d'accorder l'immortalité). Devant ce prix exorbitant, Loki (la représentation du mal et de la ruse), demande aux Ases d'accepter le contrat sous une condition : " Finir les travaux en une saison " sachant que ce délai est largement insuffisant ; donc si le géant accepte, le prix sera moins cher car les travaux ne seront pas terminés à temps.
Le géant accepte le contrat, et les travaux de la restauration des remparts commencent, et étonnement ils avancent très vite, parce que, pour les réaliser, le géant se fait aider par son cheval magique la jument " Svadilfari ". Loki, voyant que la restauration des remparts sera terminée à temps, il se métamorphose en un fougueux étalon séduisant et attire la jument " Svadilfari ". De cet accouplement naîtra l'étalon " Sleipnir " qui fut, grâce à ses huit pattes, le cheval le plus rapide du monde ; Loki l'offrit à Odin.
Le géant privé de son étalon " Svadilfari " n'accomplit pas les travaux à temps, n'obtient pas le prix prévu ; furieux, il fut pris par un accès de rage, alors afin de finir avec cette folie. Thor, le dieu du tonnerre, le tue en lui donnant un coup sur la tête avec son manteau." Mjöllnir "
Odin est le dieu borgne :
Odin, un dieu curieux de tout et en soif de connaissance : il cherchait à devenir omniscient en assimilant toutes les connaissances et les sagesses du monde, alors pour une simple gorgée à la source de la sagesse ; il accepte de perdre un de ses yeux en l'offrant au géant Mimir en échange d'un breuvage provenant du puits qui contenait l'eau sacrée du destin et qui commandait bonheur ou malheur des hommes (puits de Mimir) qui se trouvait sous la racine de l'arbre du monde (ou l'arbre de la connaissance) Yggdrasil qui s'étendait jusqu'au " Jotunheim ", le pays des géants de glace.
Odin sur Yggdrasil (l'Arbre du Monde) :
Il se pendit au tronc de l'arbre Yggdrasil, sans manger, ni boire, le corps percé d'une flèche (ou par sa lance Gungnir) qui l'implante lui-même dans son corps ; après neuf jours et neuf nuits suspendu à l'arbre comme un cadavre, il tombe en serrant dans ses mains, les runes et leurs secrets de connaissance. En possédant les runes (les caractères de l'ancien alphabet des peuples germaniques et scandinaves), il possède l'écriture et devient le plus sage et le plus instruit des dieux, capable de maîtriser la magie et explorer les secrets de l'univers.
Le nom " Yggdrasil " renvoie à cet épisode de la biographie d'Odin, car " Ygg " est un autre nom d'Odin ; et " Drasil " signifie cheval, donc, Yggdrasil signifie (Cheval d'Odin).
Odin est le dieu de la Guerre :
Un combattant acharné sur le champ de bataille, et avec ses capacités de se métamorphoser et dérouter ses ennemis, les aveugler, les assourdir et détruire leurs armes. Il était assisté pour cette tache par deux redoutables loups " Geri ou Gjere" et " Freki ou Freke ".
Odin observe les guerriers au cours des batailles, juge et décide de ce qui doit être emmené au Valhall (Walhalla ; le séjour des Morts), situé près du palais d'Odin à Asgard, afin de trouver une vie éternelle. Les murs de Walhalla étaient couverts de boucliers, son plafond de forêts de lances ; pour y accéder, il faut passer par " Valgrind " la porte de la mort.
En effet, quand Odin décide qu'un guerrier doit mourir glorieusement, il envoie au champ de bataille les Valkyries, trois déesses apparentées aux Nornes ; elles récupèrent le guerrier tombé glorieusement dans le combat, puis l'emmènent au Valhall (Walhalla) afin de rejoindre la troupe des valeureux guerriers qui combattent et banquettent jusqu'à la fin du temps où ils combattront auprès d'Odin à la bataille de la fin du monde des dieux (Ragnarok). Ces guerriers appelés (Einherjar) se nourrissaient de la chair du sanglier " Sæhrimnir " qui se reconstituait sans cesse, et ils buvaient le vin d'un fût intarissable.
Les Walkyries se déplaçaient à cheval, et la lumière reflétée par leurs boucliers produisait les aurores boréales. Elles pouvaient se métamorphoser à volonté en corneilles ou en louves.
La déesse de l'amour charnel, Freyja était étroitement associée à Odin dans la prise en charge des glorieux guerriers morts au combat.
Odin était représenté dans son aspect de guerrier comme un homme vigoureux d'une cinquantaine d'années, pourvu de longs cheveux et d'une grande barbe grise. Il portait un grand manteau bleu et un chapeau à large bord permettant de cacher son œil perdu. Il était armé de sa lance (Gungnir), l'arme qui ne rate jamais sa cible, elle fut fabriquée par les nains. Sur cette lance, Odin faisait prêter serment à ses sujets.
Odin est un dieu de Paix :
Pour assurer la paix, il faut la puissance, la force, mais il faut aussi la connaissance afin de percer les secrets du monde ; Odin était doué de toutes ces caractéristiques, aidé pour cette tache par les runes (l'écriture), puis deux agents de renseignement, les deux corbeaux : Huginn ou Hugin (pensée) et Muninn ou Munin (mémoire) ; ces deux corbeaux, chaque jour, survolaient le monde entier et revenaient murmurer quotidiennement aux oreilles d'Odin, tout ce qu'ils avaient vu ou entendu dans le monde des dieux, des géants, des nains et des hommes.
La mort d'Odin :
Le champ de bataille de la fin de monde des dieux (Ragnarok) était déjà déterminé, c'est " Vigrid " (le plus grand au monde ; il était de forme carrée, s'étendant devant Valhall et mesurant mille lieues de côté) ou " Oskopne " (celui qui n'est pas encore créé).
Odin se présente sur le champ de bataille coiffé d'un casque en or et orné d'immenses ailes d'aigle ; il tient à la main gauche sa célèbre lance " Gungnir " qui ne rate jamais sa cible. Odin chevauchait son étalon " Sleipnir " à huit pattes qui vole comme un ouragan pour se placer à la tête de son armée.
La grande bataille commence, les Ases succombent sous l'assaut de leurs ennemis : le loup Fenrir avec sa gueule immense engloutit, dès le début de la bataille, le père des dieux " Odin " qui fut la première victime de cette guerre. Pour le venger, Vidar son fils, s'avance vers Fenrir, et avec habilité et force, fixe la mâchoire inférieure du monstre loup au sol en introduisant, dans sa gueule, son pied protégé par un soulier fait d'un cuir de haute résistance le rendant capable d'empêcher les dents du loup de le traverser ; puis avec la main gauche, Vidar soulève vers le ciel la mâchoire supérieure de la bête, puis à travers sa gueule largement béante, avec la main gauche, Vidar enfonce son épée et transperce le cœur de Fenrir et met fin à sa vie.
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Le retour d’Odin. L’Islande et la religion
Le retour d’Odin. L’Islande et la religion
Hallgrímskirkja, église luthérienne à Reykjavík | Photo : Andreas Tille
Óðínn, dieu principal du panthéon scandinave, patron de la magie, de la poésie, de la prophétie et de la guerre
parlement islandais | Photo : Marie-Hélène Dubé
Vue de la colline Öskjuhlíð, où sera construit le temple ásatrúar | Photo : Marie-Hélène Dubé
Vous avez peut-être vu passer dans l’actualité de la semaine dernière une nouvelle concernant l’Islande (ce qui est rare) et le paganisme (ce qui est encore plus rare). En effet, les médias se sont fait un plaisir dans les derniers jours de parler du fameux temple « païen » qui sera construit à Reykjavík, la capitale islandaise. Qu’est-ce que cette annonce signifie? Y pratiquera-t-on d’obscures rituels et sacrifices? Est-ce le retour victorieux d’une ancienne religion détruite par le christianisme? Afin d’y voir plus clair, je vous propose d’abord une petite mise en contexte à propos de l’Islande et de son histoire religieuse, avant de parler plus précisément du groupe pour lequel le temple est construit.
Contexte géographique et socio-politique
L’Islande est une île de l’Atlantique Nord, un pays européen peuplé d’un peu moins de 320 000 habitants éparpillés sur les pourtours de l’île, car le centre du territoire est un environnement austère de glaciers, de volcans et de hautes terres arides. La population est presque complètement alphabétisée et l’Islande était, jusqu’à la crise financière de 2008, le deuxième pays après la Norvège où le niveau de vie est le plus élevé. Il s’agit aussi du pays le plus près d’atteindre l’égalité hommes-femmes, selon le Forum économique mondial. D’ailleurs, c’est en Islande qu’ont été élues la première femme à la tête d’un État (la présidente Vigdís Finnbogadóttir en 1980) et la première femme ouvertement homosexuelle comme première ministre (Jóhanna Sigurðardóttir en 2009). Les femmes y ont droit de vote depuis 1915 et en 1922 la première femme est entrée au parlement.
L’Islande est également connue pour son refus de rembourser sa dette à la suite de la grave crise économique de 2008, la démission de son gouvernement et la condamnation des responsables de la crise (PDG, dirigeants, banquiers, etc.). La capitale, Reykjavík, a aussi fait parler d’elle depuis 2009 à cause de son maire anarchiste, excentrique et dyslexique, Jón Gnarr (dont le mandat s’est terminé en 2014).
Un peu d’histoire
Comment un pays isolé et si peu peuplé en est-il venu à devenir un modèle pour la démocratie et l’ouverture d’esprit? En fait, l’Islande est démocratique (dans un sens restreint aux hommes d’un certain statut social) depuis ses débuts. La colonisation de l’île par des vikings norvégiens et leurs captifs britanniques a débuté en 870 de notre ère. À chaque année, au milieu de l’été, les hommes se rassemblaient sur la plaine de Þingvellir pour ce qui s’appelle l’Alþing, le grand rassemblement. Il s’agissait d’une assemblée générale législative et judiciaire, constituée des chefs de clan et d’une certaine proportion de propriétaires terriens. Leur rassemblement était obligatoire et durait deux semaines. D’autres personnes pouvaient aussi y assister, selon les besoins de la situation, mais aussi par leur propre initiative. Le parlement islandais actuel, bien qu’il se soit déplacé de Þingvellir à Reykjavík, a gardé le nom d’Alþingi et il est le plus ancien du monde qui soit encore en fonction.
C’est lors de l’une de ces assemblées, en l’an 999, que l’Islande devint officiellement chrétienne. En effet, la plupart des colons étaient d’abord porteurs de la mythologie nordique, telle que répandue dans les peuples scandinaves et germaniques. Ils étaient donc polythéistes et faisaient des sacrifices à Óðínn, Þórr, Frigg et bien d’autres. Toutefois, plusieurs facteurs les ont poussés à devenir chrétiens.
La christianisation de l’Islande
Les vikings commerçaient avec beaucoup de chrétiens en Europe et, pour ce faire, beaucoup d’entre eux avaient reçu un petit baptême, la prima signatio, car les chrétiens n’avaient pas le droit de commercer avec des païens. Les premiers missionnaires chrétiens arrivèrent dans l’île vers 980. Ils ne furent pas très nombreux à venir et eurent un succès plutôt mitigé. Ils réussirent à convaincre quelques Islandais, mais s’en mirent d’autres à dos. Les missionnaires eurent donc peu d’impact sur la décision de se convertir au christianisme. Par contre, à la même époque, le reste de la Scandinavie, particulièrement le Danemark et la Norvège, était en train de se christianiser. Un roi norvégien, Ólaf Tryggvason, était particulièrement zélé et réussit à convertir toute la Norvège. Il voulait aussi que l’Islande se christianise. Voyant l’échec des missionnaires chrétiens, il décida de prendre en otage quelques Islandais résidant en Norvège, tous fils de chefs importants en Islande. Cette prise en otage eu beaucoup plus d’impact sur la décision de conversion.
Hallgrímskirkja, église luthérienne à Reykjavík | Photo : Andreas Tille
Lors de l’Alþing de 999, un parti chrétien et un parti païen s’affrontaient. Ils en vinrent tous deux à choisir le chef du parti païen comme décideur. Celui-ci, après une longue nuit de réflexion, finit par dire que l’Islande, si elle voulait une seule et même loi, devait aussi avoir une seule et même foi, et que cette foi serait le christianisme. La décision fut acceptée sans difficulté et le baptême fut administré à tous les Islandais. Malgré cette apparente facilité, la conversion n’en fut pas une « de façade » : ce ne fut pas long avant que les Islandais adhèrent profondément au christianisme et pratiquent assidûment la prière, étudient la Bible ou assistent à la messe.
Pourquoi cette décision fut-elle si facile? Il faut dire, tout d’abord, que les Scandinaves, de manière générale, étaient très réalistes et utilitaristes. La religion scandinave était un polythéisme et en ce sens, elle était tolérante, avait un panthéon assez « souple » et était prête à accepter de nouveaux dieux s’ils étaient plus forts ou plus utiles que les anciens. C’était une religion du « donnant-donnant », on voulait se concilier les dieux en leur faisant des offrandes. C’était en effet une religion très cultuelle, centrée sur le rite. L’ancien mot islandais pour religion est d’ailleurs siðr, ce qui veut dire pratiques, coutumes. En ce sens, c’était une religion sans dogmes, sans prières, sans foi. Les abstractions très poussées n’étaient pas le fort des Islandais.
Finalement, il faut dire que cette religion, à l’époque de la conversion de l’Islande, était plutôt agonisante. En effet, elle était déformée par la tradition orale et, en Islande, c’était une religion importée, donc pas vraiment ancrée « dans le paysage ». La terre, les montagnes, les lacs n’étaient pas encore associés à des divinités particulières, du moins pour la plupart.
Afin de christianiser l’Islande, l’Église chrétienne usa de quatre stratégies, relevées par Régis Boyer (1979), grand spécialiste de l’Europe du Nord, des langues et civilisations scandinaves, anciennement professeur à l’université de Paris-Sorbonne. Ces stratégies sont : l’acceptation, l’adaptation, la dévaluation et la lutte. La première consiste donc en l’acceptation de certaines concordances et coïncidences existant entre le christianisme et la religion scandinave. Par exemple, les Scandinaves croyaient en l’existence d’un autre monde et d’une vie après la mort. La deuxième stratégie utilisée par l’Église chrétienne fut d’adapter ce qui n’allait pas à l’encontre de ses dogmes : fêtes et lieux de cultes, créatures célestes assimilées aux anges, marteau de Þórr transformé en croix du Christ, récits de déluge et autres fins du monde, etc.
Le loup Fenrir | Artiste : D. HardyMalgré toutes ces concordances entre christianisme et « paganisme » scandinave, l’Église eut recours à une stratégie de dévaluation sur les éléments qu’elle trouvait irrecevables, souvent en leur substituant ses propres notions. Cela est particulièrement vrai pour toutes les créatures chthoniennes et telluriques [1], comme les nains, les trolls et les landvættir (esprits rattachés à des lieux), pour les esprits des morts, ainsi que pour tous ceux qui étaient considérés comme les rivaux des dieux : les géants, le loup Fenrir, le serpent Miðgarðsormr. Toutes ces créatures furent automatiquement associées au diable.
La quatrième et dernière stratégie utilisée par l’Église chrétienne fut la lutte franche contre ce qui était hors de question d’accepter. Cette stratégie ne servit que dans les cas extrêmes : trois exceptions à la conversion de 999 qui avaient été demandées par les païens. Ainsi, l’Église mena un rude combat contre les sacrifices privés et contre l’exposition des nouveau-nés (non reconnus comme légitimes par leur père, ils étaient parfois abandonnés sur le grand chemin). C’est toutefois au niveau des symboles qu’elle semble avoir vu une menace :
le cheval a bien dû tenir un rôle fondamental dans les pratiques païennes puisque l’Église chrétienne, avec une ardeur et une obstination qui nous confondraient si nous n’en savions la raison, fera de l’interdiction de la consommation de la viande de cheval un de ses impératifs les plus stricts. (Boyer, 1981 : 63)
Il faut savoir que le cheval était, dans la religion scandinave, un animal hautement symbolique et magique.
En plus de ces diverses stratégies de l’Église et des caractéristiques propres au polythéisme scandinave, des caractéristiques du christianisme ont facilité la conversion, puisque les Islandais avaient déjà à cœur l’hospitalité, l’aide aux pauvres, la volonté de paix et de fraternité, et des institutions qui en faisaient la promotion existaient déjà.
Ce sont cependant des raisons politiques qui ont davantage fait pencher la balance du côté de la conversion. Les idées chrétiennes n’étaient pas étrangères aux Islandais, principalement parce que tous leurs voisins et partenaires commerciaux s’étaient christianisés avant eux. Ils étaient donc souvent en contact avec des chrétiens, et le christianisme se répandait tranquillement à l’intérieur même de l’Islande. Le réalisme des Islandais les poussait donc à se christianiser pour pouvoir continuer à commercer et à entretenir des relations avec les autres pays européens, et leur fatalisme les faisait plier devant le destin. En outre, les Islandais redoutaient d’être attaqués et envahis par les Norvégiens. Ainsi, la conversion au christianisme fut tout d’abord une conversion politique visant à préserver l’indépendance de l’Islande et leurs relations avec les autres pays européens. Boyer résume bien la situation de 999 :
Tout s’accordait à leur suggérer de se convertir : pas de sérieuse résistance intérieure, une forte pression du contexte politique, un fond réaliste – plutôt que fataliste – prompt à entériner les états de fait, le sentiment vérifié par l’expérience que l’heure était passée des mythologies anciennes, d’ailleurs décadentes, oubliées, mal interprétées ou déformées par la tradition orale. (Boyer, 1979 : 44)
Óðínn, dieu principal du panthéon scandinave, patron de la magie, de la poésie, de la prophétie et de la guerre
Et l’Ásatrú dans tout ça?
Ásatrú est le nom donné à la religion néo-païenne qui se base sur l’ancienne religion scandinave. Littéralement, le mot signifie « foi en les Ases », les Ases formant l’un des deux groupes principaux de divinités scandinaves et rassemblant la grande majorité des dieux et déesses. L’autre groupe est celui des Vanes, ne comprenant que trois dieux, étroitement reliés à la fertilité-fécondité.
Les membres se réclamant de l’Ásatrú (parfois appelé odinisme) sont dispersés à travers le monde, de la Nouvelle-Zélande jusqu’au Canada, en passant par la Chine. L’Europe du Nord et de l’Ouest est toutefois le principal territoire regroupant ces membres, puisqu’il s’agit pour beaucoup d’une religion à caractère national, ethnique ou culturel marqué. La popularité de l’Ásatrú en Islande n’est d’ailleurs pas étrangère à une fierté nationale et à un sentiment d’indépendance et de distinction. Toutefois, et bien que dans d’autres régions l’Ásatrú ait été associée à une certaine forme de nazisme, le mouvement islandais a fermé ses portes aux idéologies d’extrême-droite et est plutôt inclusif.
L’Ásatrú prône neuf « nobles vertus », soit le courage, la vérité, l’honneur, la fidélité, la discipline, l’hospitalité, l’autonomie, la ténacité et la persévérance. La liberté d’expression et la liberté religieuse y sont également valorisées. Ce « retour » de la religion scandinave a commencé au XIXe siècle, mais c’est surtout à partir des années 1960-1970 qu’on le remarque, d’abord en Allemagne. En Islande, l’Ásatrúarfélagið (la communauté de l’Ásatrú) a été fondée par Sveinbjörn Beinteinsson en 1972 et a été reconnue comme religion officielle par l’État en 1973. Après deux premières décennies pendant lesquelles le nombre de membres a stagné autour de la centaine, la communauté a vu son nombre de membres exploser depuis le milieu des années 1990, pour atteindre près de 2500 aujourd’hui, soit environ 0,78% de la population islandaise. Il s’agit donc du deuxième groupe religieux en importance en Islande, après le christianisme (et sans prendre en compte les athées).
Les spécialistes ne savent pas avec certitude si la religion scandinave a perduré en marge du christianisme pendant tout un millénaire. Il s’agit plus probablement d’une reconstruction moderne. Toutefois, il est admis que diverses croyances et légendes ont continué à circuler en Islande : esprits de la nature (ce que l’on peut fort bien comprendre dans un contexte territorial de volcans, glaciers, geysers et autres tremblements de terre), petit peuple (elfes, lutins) et géants font partie du folklore islandais, mais aussi des croyances répandues.
Hilmar Örn Hilmarsson, actuel allsherjargoði (grand prêtre) de l’ÁsatrúarfélagiðL’Ásatrúarfélagið est avant tout une communauté de pratique, mais aucun dogme ou croyance particulière n’y est imposé. On encourage les membres à faire la lecture des sagas et des Eddas, œuvres du célèbre Snorri Sturluson et principale source d’information à propos de la mythologie nordique. Les membres ne croient pas de façon littérale aux dieux et déesses de leur panthéon ; il s’agit davantage d’une métaphore. Les Islandais n’ont d’ailleurs jamais eu tendance à croire de manière littérale, même dans le christianisme. La structure de la communauté ásatrúar est souple et démocratique et ses membres décident par ailleur de qui deviendra un prêtre ou une prêtresse (goði, pluriel goðar). Sorte de panthéisme, l’Ásatrú met beaucoup l’accent sur le lien avec la nature et s’est engagée à plusieurs reprises en faveur de la protection de l’environnement.
Il est toutefois clair que l’Ásatrú n’est pas identique au siðr, l’ancienne religion scandinave. Ses membres se basent plutôt sur cet héritage mythologique et national pour se rassembler autour d’une identité commune et de débats bien modernes, comme l’écologie, l’égalité hommes-femmes, le mariage homosexuel, etc. Il ne s’agit pas vraiment d’une croyance en Óðínn ou en la venue du Ragnarök (sorte de fin des temps). Ce sont plutôt les pratiques qui sont récupérées – mais adaptées. On y porte des toasts lors des blót, ces cérémonies « sacrificielles » pendant lesquelles on offre des libations, mais bien sûr pas de sacrifice animal ou humain. On y fête aussi les moments forts de l’année, solstices et équinoxes. Le temple de Reykjavík, tout près du centre-ville sur la colline Öskjuhlíð et couvert d’un dôme en verre, servira entre autres à la célébration de « baptêmes », mariages et funérailles. Ainsi, on est loin des fantasmes de rassemblement secret dans une grotte ou de sacrifices obscurs sous la pleine lune que véhiculent parfois les discours sur le néo-paganisme. Toutefois, il s’agit bel et bien du premier nouveau temple « païen » à être construit depuis près d’un millénaire en Islande, et en ce sens il s’agit d’un événement historique à souligner.
Þingvellir : littéralement, la plaine de l’assemblée, lieu du premier parlement islandais | Photo : Marie-Hélène Dubé
Vue de la colline Öskjuhlíð, où sera construit le temple ásatrúar | Photo : Marie-Hélène Dubé
[1] Les adjectifs chtoniennes et telluriques renvoient à la terre, au monde sous-terrain, voire aux enfers (grec khthốn, terre, et latin tellus, terre).
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