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Qui a tué Mahomet ???

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Message  Arlitto Sam 28 Mai 2016, 15:49

Qui a tué Mahomet ???



Les musulmans connaissent très peu de choses sur la vie du Prophète de l’islam et la plupart pensent qu’il s’est éteint naturellement après l’accomplissement de sa mission prophétique. En réalité, il eut une mort brutale et violente puisque les hagiographes, aussi bien sunnites que chiites, l’ont fait mourir d’empoisonnement précédé d’une lente agonie. Le méli-mélo de traditions recensées à ce sujet est le fruit d’une élaboration tardive de l’histoire de Mahomet, mais en dépit de cela, il est possible de découvrir les croyances et les débats qui animaient l’oumma au début du VIIIe siècle de notre ère, et peut-être même d’y apercevoir une pointe de vérité historique, lorsque l’islam n’était pas encore né de l’encre des savants.
Khaybar
Fer-de-lance de l’islamisme, l’oasis de Khaybar symbolise la soumission des juifs aux jihadistes mahométans, bien que ce lieu fut également le théâtre d’un complot qui scella le destin du Prophète Mahomet. Le plan machiavélique fut planifié et exécuté par une juive prénommée Zaynab dont les proches avaient été tués durant la bataille. Ibn Ishâq (m. ~770) rapporte cet épisode dans la première œuvre islamique du genre intitulée Sîrat Rasoul Allah. Les ouvrages postérieurs complèteront avec précision l’affaire de la brebis empoisonnée mais la contrediront aussi sur de multiples points.
Lorsque l’Envoyé d’Allah a tout réglé, Zaynab bint al-Hârith, la femme de Sallâm b. Mishkam, lui fit cadeau d’une brebis grillée. Elle s’était informée auparavant sur la partie de la brebis que l’Envoyé d’Allah aimait le plus, et on lui dit que c’est le bras. Alors elle y mit beaucoup de poison, tout en empoisonnant le reste de la brebis. Elle l’apporta et quand elle la mit entre les mains de l’Envoyé d’Allah, il prit le bras de la brebis, il en mâcha un morceau qu’il ne trouva pas facile à avaler. Avec lui se trouva Bishr b. al-Barâ’ b. Ma’rûr, qui en a pris comme l’Envoyé d’Allah mais il l’avala. Quant à l’Envoyé d’Allah, il rejeta le morceau qu’il avait pris, et dit : « cet os m’informe qu’il est empoisonné ». Il appela Zaynab bint al-Hârith et la questionna ; elle avoua. Il lui dit : « qu’est-ce qui t’a amené à faire cela ? » Elle répondit : « tu as fait contre mon peuple ce qui n’est pas caché à toi. Alors je me suis dit : s’il était un roi, je me serai débarrassé de lui ; et s’il était Prophète, il serait averti ». L’Envoyé d’Allah passa outre à la croire. Quant à Bishr il mourut pour suite de ce qu’il avait mangé.1

Ibn Ishâq situe l’expédition en l’an 6 de l’hégire, les deux biographes al-Wâqidi (m. 822) et son scribe Ibn Sa’d (m. 845) prétendent qu’elle eut lieu un an plus tard. Le Kitâb al-Maghâzi etAt-Tabaqât al-Kobra fourmillent de rapports détaillés absents de la première hagiographie. On peut y lire, entre autres, que Zaynab demanda conseil à ses coreligionnaires sur le type de toxine à utiliser : « elle a consulté les juifs au sujet du poison, et ils sont tombés d’accord sur ce poison spécifique »2, ainsi ce qui était au départ une vengeance personnelle devient une conspiration chez les auteurs posthumes d’Ibn Ishâq. Une tradition plus tardive de Mohammed al-Boukhâri (m. 870) soutiendra cette modification légendologique3. Les deux historiens rajoutent de même ces dires dans la bouche de Zaynab, lorsque Mahomet l’interrogea sur la raison de son geste : « tu as tué mon père, mon oncle et mon mari »4. Ces ouvrages, en plus des corpus de traditions, se font les échos des discussions qui agitaient les cercles religieux et les arcanes du pouvoir, les divergences d’opinions étant enregistrées avec des chaines de transmission, remontant parfois jusqu’au Prophète, à seule fin d’avoir plus de poids dans l’argumentaire. En ce qui concerne les effets de la substance toxique, la version du premier historien fut contestée par les plus sceptiques. Non convaincus qu’un morceau de chair recraché puisse être fatal, il fut alors dit : 
Lorsque le Prophète eut avalé son morceau, Bichr en fit autant […]. Bichr ibn El-Berrâ lui dit : « par celui qui t’a envoyé avec la vérité, j’ai senti cela dans le morceau que j’ai mordu, mais je n’ai pas voulu le cracher, de crainte que tu ne penses que j’ai abhorré ta nourriture ! Et lorsque tu as mâché ton morceau, j’ai mâché le mien, en espérant ne pas l’avoir mâché alors qu’il porte un tort ».5

L’inactivité de la toxine dans l’organisme du Prophète pendant plus de trois ans souleva tant de doutes que plusieurs traditions furent fabriquées dans le but d’occulter les véritables causes de la mort et d’appuyer le récit d’Ibn Ishâq : « Ô ‘Aicha, je sens toujours la douleur provoquée par la nourriture que j’ai mangé à Khaybar, et maintenant, c’est comme si le poison avait sectionné mon aorte », « j’ai (Anas bin Mâlik) continué d’observer les effets du poison sur le palais de la bouche du Messager de Dieu »6, selon un autre point de vue, le Prophète « ne s’était jamais plaint d’une quelconque souffrance »7 avant sa maladie ; les dissidents chiites pour leur part interjetteront en faveur d’une intervention divine afin d’éliminer la difficulté. Le même problème se posa quant aux conditions de la mort du compagnon de l’Envoyé de Dieu dont l’identité n’était pas encore fermement établi étant donné qu’un second rapport stipule qu’il s’agissait de Moubachchir bin al-Barâ’, « mais Bichr est confirmé parmi nous »8 dit al-Wâqidi. Certains pensaient que Bichr était devenu tout vert et rendit l’âme un an plus tard, tandis que d’autres croyaient qu’il était tombé raide instantanément. Ibn Sa’d se rattache à cette dernière opinion puisqu’il affirme qu’un chien est mort immédiatement après avoir mangé un morceau de brebis tombé par terre. On rapporte également que d’autres compagnons, y compris Abou Bakr, avaient pris part au repas qui fut le dernier pour plusieurs d’entre eux. Cet avis était toujours d’actualité au moins jusqu’à l’époque du traditionnaliste Abi Dâwoud (m. 889)9. Le sort de Zaynab, qui fut omis par Ibn Ishâq, déchira la communauté musulmane en controverses enflammées et donna naissance à des rivalités intestines. Al-Wâqidi en a gardé la trace : « il y avait des disputes parmi nous à son propos. Quelqu’un a dit : le Messager de Dieu a ordonné qu’elle soit tuée puis crucifiée. Un autre a dit qu’il l’a pardonnée »10. Le débat se place ici plus sur le plan théologique que légendologique, devait-elle être tuée conformément à la loi du talion (2.178) ou fut-elle absoute de ses péchés par l’homme envoyé en tant que « miséricorde pour l’univers » (21.107) ? La loi islamique se reposant en partie sur la vie du Prophète, les juristes trancheront pour la première opinion : « l’Envoyé de Dieu l’a livrée aux héritiers de Bichr bin al-Barâ’ qui l’ont mise à mort. C’est la version approuvée », écrit Ibn Sa’d11. Ces sujets de réflexions et ces échanges d’idées transcrits sous forme de ahadith entre légendologues et théologiens deviendront les sources fondamentales de l’islam, dont il faudra concilier les contradictions, autrement dit les arguments et leurs réfutations, par le biais de l’interprétation ou de l’authentification des transmetteurs au sein de l’isnad. Le cas Zaynab illustre bien ce processus. Alors que chez al-Wâqidi, nous n’en sommes qu’au stade de la discussion, Ibn Sa’d nous informe de la position dominante, Abi Dâwoud couche sur papier les deux points de vue diamétralement opposés12, puis ils sont harmonisés et élevés au rang de textes sacrés :
Ibn Sahnoun a dit : l’ensemble des gens du hadith disent que le Messager de Dieu l’a tuée. Le qâdi ‘Iyâd a dit : l’avis de la majorité est entre ces narrations. Les premiers disent qu’il ne l’a pas tuée au début lorsqu’il s’est avéré qu’elle l’avait empoisonné, et on lui a dit : « tue-la » et il a répondu : « non ». Quand Bichr bin al-Barâ’ est mort, le Prophète l’a donnée à la famille de Bichr et ils l’ont tuée en représailles. Alors ils ont raison de dire qu’il ne l’a pas tuée, c’est-à-dire, pas sur le coup, et ils ont raison de dire qu’il l’a tuée, c’est-à-dire, après coup, et Allah sait mieux.13

Le remède
La tradition relate que le Prophète fit diverses tentatives de guérison qui se révélèrent malheureusement pour lui toute infructueuses. Il se faisait faire des saignées par Abou Hind, un esclave des Banou Biyyâdha, dans un but thérapeutique : « quand le Messager de Dieu se sentait malade suite à cela, il se faisait faire des saignées. Une fois, il a voyagé en état d’ihrâm et il s’est senti malade à cause de cela, il a procédé à une saignée »14, et il récitait le Coran en accomplissant un rituel pour le moins étrange :
‘Aicha a rapporté : « quand le Messager de Dieu tombait malade, il récitait les Mou’awwidhât (les sourates 113 et 114) et soufflait son haleine sur lui-même et il se frottait les mains sur son corps. Et lorsqu’il fut atteint de sa maladie qui le fit mourir, je récitais les Mou’awwidhât et je soufflais de mon haleine sur lui et passait ma main le Prophète ».15

Mais sa plus grande désillusion fut la mixture infecte qu’il s’était concocté, une sorte d’antibiotique hijazien, qui ne fit guère de miracle : « au nom de Dieu, l’argile de notre terre mélangée à la salive de quelques-uns d’entre nous guérira nos maladies avec la permission de Dieu »16. N’ayant plus aucun espoir, ses proches et lui-même s’en remirent à Dieu. ‘Aicha invoquait le Seigneur pour son rétablissement, de même que l’ange Gabriel qui était persuadé que le Créateur répondrait à sa supplication : « au nom de Dieu, je chante pour te défendre contre tout mal qui t’atteint et contre les envieux et le mauvais œil et Dieu te guérira »17. Il existait pourtant un remède à la maladie de Mahomet mais celui-ci rechigna à le prendre. C’était la pleurésie (dhât al-janb) qui avait frappé le Prophète, une pathologie qui se manifeste par une inflammation de la plèvre, accompagnée de fièvre et de frissons si elle est d’origine infectieuse. Or, l’Envoyé de Dieu présentait ces symptômes, il se frottait le corps à cause de ses grelottements et était très fiévreux18. Cette maladie était répandue du temps de Mahomet et fit même souffrir le compagnon Anas bin Mâlik (m. 712)19. Les gens savaient par conséquent détecter les signes avant-coureurs de l’affection et l’entourage du Prophète l’avait sans aucun doute diagnostiqué. Ses proches se concertèrent alors sur la meilleure stratégie à adopter :
‘Abd Allah dit : alors s’assemblait autour de lui deux de ses femmes, à savoir : Umm Salamah et Maymûnah, et des femmes de parmi les femmes musulmanes, parmi lesquelles se trouvaient : ‘Asmâ’, fille de ‘Umays. Son oncle paternel : Al-‘Abbâs était présent aussi. Ils décidèrent tous d’introduire le médicament dans sa bouche. Al-‘Abbâs dit : « j’introduirai moi-même le médicament dans sa bouche ». Lorsque l’Envoyé d’Allah revint de son évanouissement, il dit : « qui m’a fait cela ? » On répondit : « c’est ton oncle paternel, Ô Envoyé d’Allah ! » L’Envoyé d’Allah dit alors : « ce médicament fut apporté par des femmes qui venaient de cette terre-là ». Il référa à la terre d’Éthiopie. Puis il dit : « pourquoi avez-vous fait cela ? » Son oncle paternel al-‘Abbâs répondit : « nous craignions que tu fusses atteint de pleurésie ». L’Envoyé d’Allah dit : « c’est une maladie dont Dieu ne me frapperait pas. Que personne dans la maison ne reste sans qu’on introduise le médicament en sa bouche, à l’exception de mon oncle paternel ! » On introduisit le médicament dans la bouche de Maymûnah également malgré le fait qu’elle était en jeûne – à cause du serment de l’Envoyé d’Allah, comme châtiment infligé à eux, par suite de ce qu’ils avaient fait.20

D’autres traditions innocentent al-‘Abbâs et accusent Oumm Salama, ‘Asmâ’ bint ‘Omays, ainsi qu’Aicha, d’avoir administré la potion dans la bouche du Prophète contre son gré. Mahomet connaissait le remède qu’il avait avalé lorsqu’il était dans les vapes, et en avait même fait les éloges : « utilisez cet encens indien car il guérit sept maladies dont la pleurésie. On le sniffe pour un mal de gorge et on le met dans la bouche pour la pleurésie »21. Ibn Sa’d note que la médication est composée de bois d’Aloès, de memecylon tinctorium (une plante indienne) et de quelques gouttes d’huile d’olive. Elle eut un effet bénéfique sur la santé du Prophète puisque ce dernier se sentit mieux quelques temps après22, preuve que son cercle familial avait vu juste. Enfin, une tradition d’Abi Ya’la al-Mawsili (m. 919), rapportée également par l’imam al-Bousayri (m. 1436) dans son œuvre Ithâf al-Khîra al-Mihra, confirme l’origine du décès et démontre que la vérité ne fut pas encore étouffée au Xe siècle : « ‘Aicha a rapporté : le Messager de Dieu est mort d’une pleurésie »23. Le hadith a bien évidemment été classifié « mounkar », littéralement « rejeté », par les mouhaddithin étant donné qu’il contredit les récits dit « authentiques » forgés a posteriori. De manière à corroborer la version officielle commandée par le califat, les légendologues Al-Wâqidi et Ibn Sa’d font dire à Mahomet que la pleurésie « indique la possession de Satan »24, pendant que le traditionnaliste Ahmad ibn Hanbal emprunte le nom du très respecté Ibn Mas’oud (m. ~652) : « si je devais jurer par Dieu neuf fois que le Messager de Dieu a été tué, cela m’est plus agréable que de le jurer une seule fois, car Dieu a fait de lui un Prophète et un martyre »25, et c’est ainsi, par le moyen de la tradition, que l’orthodoxie va finalement faire disparaitre de la mémoire collective une conviction du début du VIIIe siècle, au profit de l’adaptation d’Ibn Ishâq qui mettra plus de deux cents ans à s’imposer après d’houleuses querelles religieuses.
Remaniement chiite
Les disciples du calife ‘Ali bin Abi Tâlib (m. 661) mélangent à la fois miracles et rationalité. Dans la biographie chiite du Prophète, lorsque Bichr mourut, Mahomet réunit ses compagnons autour de lui et en appela à Dieu en ces termes : « au nom du Seigneur qui donne la santé, la protection, et le pardon, sans qui rien ne peut faire de mal, et il est l’omniscient »26, puis ils mangèrent tous à satiété sans que le poison ne les atteigne. Zaynab en fut émerveillée et se convertit à l’islam en voyant cela. ‘Ali explique que « Dieu a changé la part fâcheuse en salubrité jusqu’à ce que son heure ne soit venue, quand enfin le poison a agi et lui a assuré la récompense du martyr »27. Les sources chiites dénombrent plusieurs tentatives d’assassinat contre le Prophète, dont l’une d’entre elles était de faire tomber l’Envoyé de Dieu d’une falaise escarpée durant l’expédition de Tabouk :
Arrivée à ‘Aqaba, les conspirateurs firent rouler du haut de la colline des bouteilles qu’ils avaient remplies de sable afin que la chamelle de Mahomet se cabre et l’éjecte, mais par la puissance divine, elles rebondirent haut dans les airs et passèrent au-dessus de la chamelle sans l’effrayer. Le Prophète ordonna à ‘Amr de grimper sur la colline et de battre avec son bâton les chameaux des conspirateurs. Ces chameaux se sont cabrés et ont jeté à terre leurs cavaliers, certains eurent les bras cassés, d’autres les jambes, et d’autres les côtes, et ils ont porté les marques de ces fractures jusqu’à leurs tombes. Abou Bakr, ‘Omar, Abou Sofyân et son fils Mou’âwiya, faisaient parti de ces conspirateurs.28

Un autre récit rapporte une tentative d’empoisonnement manigancée par les infidèles ‘Aicha, Hafsa, Abou Bakr et ‘Omar, leur mobile étant clairement de s’emparer du pouvoir. La tradition sunnite consolide malgré elle l’hérésie chiite puisqu’elle rappelle à maintes reprises que Mahomet soupçonnait ses proches, lors de sa maladie, de vouloir l’empoisonner en forçant notamment toute les personnes présentes – excepté al-‘Abbâs – à boire le remède contre la pleurésie de peur que cela ne fusse une toxine mortelle. Cette crainte s’était aussi manifestée sur la route de Tabouk29. La méfiance du Prophète à l’égard de son entourage a probablement inspiré les partisans d’Ali dans la composition de leurs propres fables.  
Le Prophète fut autorisé à se rétracter de son serment, en particulier dans le cas de Maria. Un jour, en visitant Hafsa, elle quitta la pièce en laissant le Prophète et Maria ensemble. À son retour, elle trouva la porte fermée, et quand Mahomet l’ouvrit, son front ruisselait de sueur. Après cela, il s’abstenu de toutes ses femmes pendant vingt neuf jours et jura de ne plus visiter Maria avec laquelle il était resté pendant tout ce temps-là, puis il fut absout par communication divine. Pour apaiser Hafsa, il lui dit, sur son serment de confidentialité, qu’après lui Abou Bakr et ‘Omar usurperont le califat, elle le répéta à ‘Aicha et toute les deux le dirent à leurs pères, et ces quatre scélérats tentèrent d’empoisonner le Prophète, mais Gabriel l’ayant prévenu fit échouer leur plan30.

Les extrémistes chiites ont réinterprété cette histoire, dans l’intention d’affermir la doctrine dans le cœur des croyants, en accablant les femmes et les compagnons du meurtre de l’Envoyé de Dieu. Utilisant la même technique que leurs adversaires sunnites, ils fabriquèrent différentes traditions qu’ils attribuèrent à de prestigieuses personnalités de leur confession comme Ja’far as-Sâdiq (m. 765) :
‘Abd as-Sammad bin Bachîr a rapporté qu’Abi ‘Abdullah a dit : savez-vous si le Prophète est mort d’une mort naturelle ou s’il a été tué, Dieu a dit : « s’il meurt ou s’il est tué, retournerez-vous sur vos pas » ? Il a été empoisonné avant de mourir, toutes deux lui ont fait boire du poison avant de mourir. Nous avons dit : « elles et leurs pères sont les pires créatures de Dieu ».
Al-Hossein bin Mondhir a rapporté : j’ai interrogé Abou ‘Abdullah au sujet de la parole de Dieu « s’il meurt ou s’il est tué, retournerez-vous sur vos pas » : a-t-il été tué ou est-il mort d’une mort naturelle ? Il a répondu : « cela signifie que ses compagnons ont fait ce qu’ils ont fait ».31

Si les extrémistes ont rejeté la première version, c’est aussi parce qu’elle donne raison à Zaynab quand elle dit : « si tu es un roi, je serais vengé, si tu es un prophète, la promesse de la conquête de La Mecque et de d’autres lieux se réalisera, et Dieu te protégera du poison que j’ai injecté dans cette épaule de mouton »32, et cela prouverait indiscutablement que Mahomet était un faux prophète. Le savant duodécimain Mohammed Baqir Majlisi (m. 1698) a tenté, pareillement à ses homologues de l’autre grand courant de l’islam, de résoudre le désaccord entre les divers partis religieux : « Mohammad est mort en martyr en goûtant une épaule de mouton empoisonnée à Khaybar, c’est ce qui a causé sa mort. Lui-même a déclaré que ni prophète ni successeur ne partira sans mourir en martyre. Certains disent qu’Aicha et Hafsa – que Dieu les maudisse – ont empoisonné le Prophète ; et il se peut qu’elles l’ont fait, bien qu’il fut aussi empoisonné par la juive de Khaybar »33. Si l’Envoyé de Dieu est bel et bien décédé d’un empoisonnement, c’est la seconde version chiite qui est objectivement la plus crédible.
Le message subliminal d’Ibn Ishâq
« S’il était un roi, je me serai débarrassé de lui ; et s’il était prophète, il serait averti », or, Dieu a prévenu trop tard son Messager et il en est mort. Cela rappelle étrangement cette parole de Jésus : « s’ils (les croyants) boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal » (Marc 16.18), et le désagrément qu’a rencontré l’apôtre Paul (Actes 28.3-6) confirme qu’un homme de Dieu, selon la théologie chrétienne, ne peut être atteint par quelque substance toxique que ce soit. Ibn Ishâq souhaitait a priori faire passer un message aux chrétiens, et cela devient encore plus frappant lorsqu’il écrit que l’Envoyé de Dieu a dit : « Ô Umm Bishr ! Maintenant je sens que ma grande artère (aorte) est coupée, par suite de la nourriture que j’ai mangé avec ton frère à Khaybar »34. L’historien, qui connaissait très bien le Coran, était au fait de l’existence d’un passage dans lequel Dieu menace de sectionner l’aorte de son Prophète si celui-ci ose lui attribuer injustement des paroles qu’il n’a pas prononcées : « que ceci (le Coran) est la parole d’un noble Messager, et que ce n’est pas la parole d’un poète, mais vous ne croyez que très peu, ni la parole d’un devin, mais vous vous rappelez bien peu. C’est une révélation du Seigneur de l’Univers. Et s’il avait forgé quelques paroles qu’il Nous avait attribuées, Nous l’aurions saisi de la main droite, ensuite, Nous lui aurions tranché l’aorte. Et nul d’entre vous n’aurait pu lui servir de rempart » (69.40-47). Ibn Ishâq s’est vraisemblablement servi de cet extrait pour bâtir son mythe, et de cette façon, révéla secrètement aux lecteurs du Coran que leur livre n’est pas la parole de Dieu. Son grand-père Khyâr, avant de s’être converti par intérêt à l’islam dans le but d’obtenir son affranchissement, était un chrétien qui fut capturé au cours d’une campagne de Khâlid bin al-Walîd, puis il fut déporté à Médine et vendu en tant qu’esclave. Ibn Ishâq est donc entré en contact avec la religion de ses ancêtres par l’entremise de son grand-père. Le petit-fils de Khyâr était un disciple d’Ibn Chihâb az-Zouhri (m. 742), un traditionnaliste qui « se montrait fort accommodant quand il s’agissait de couvrir les désirs du pouvoir régnant de son autorité universellement reconnue dans la communauté musulmane »35 en faisant circuler en son nom de fausses traditions. Étant précédé d’une grande notoriété auprès des mouhaddihtoun, al-Boukhâri (m. 870) incorporait le maître du hadith dans ses chaines de transmissions36. Ibn Ishâq avait probablement tissé des liens avec le pouvoir par l’intermédiaire d’az-Zouhri et, par conséquent, rédigea la biographie du Prophète de l’islam, dont la nécessité se faisait fortement ressentir, sur ordre du calife, qui devait être al-Mansour (m. 775). Son œuvre ne fut pas appréciée de l’imam de Médine, Mâlik bin Anas (m. 795), qui l’accusa d’avoir inventé des histoires tel que le pogrom des Banou Qorayza, bien que les deux sahih y font référence de même que le Coran (33.26). Mâlik avait aussi appris à fabriquer des traditions sur les bancs de la classe d’az-Zouhri, puis il a rédigé, sur la requête d’al-Mansour, al-Mouwatta’ qui est une compilation de ahadith et un traité de jurisprudence. En réalité, le calife avait besoin d’une loi islamique ainsi que d’une hagiographie afin d’asseoir son autorité et de mettre un terme à la cacophonie religieuse ambiante, car les schismes déstabilisaient l’empire et menaçaient sa couronne. Ibn Ishâq s’inspirait parfois de faits historiques pour imaginer ses légendes. Le raid contre la forteresse juive de Khaybar, par exemple, se base sur l’expédition d’Arethas, le ghassanide, qui détruisit la ville chrétienne en 56737. Son désaccord avec le savant de Médine contraignit Ibn Ishâq à s’exiler à Bagdad, où se situait le siège du califat, suite à de fortes pressions subies de la part d’imams rangés aux côtés de Mâlik. À cette époque, les croyants dans leur ensemble pensaient « que l’Envoyé d’Allah fut mort comme martyr »38Al-Mouwatta’ ne mentionne ni Khaybar ni l’empoisonnement du Prophète, cependant, Mâlik estimait pareillement à ses confrères que la pleurésie fit de Mahomet un martyre :
Le Messager de Dieu a dit : « il y a sept types de martyres autres que d’être tué dans le chemin de Dieu. Celui qui meurt de la peste est un martyre, le noyé est un martyre, celui qui meurt de pleurésie est un martyre, celui qui meurt d’une maladie du ventre est un martyre, le brûlé est un martyre, celui qui meurt dans un effondrement est un martyre, et la femme qui meurt en accouchant est une martyre ».39   

Ibn Ishâq s’était joué du calife en introduisant un message caché dans son ouvrage et obéissait en même temps aux directives du pouvoir : créer un prophète belliciste et persécuteur qui servira de modèle aux soldats fanatisés dans la conquête du monde. Al-Mansour n’était pas tolérant vis-à-vis des autres religions, les populations dhimmis juives et chrétiennes portaient une marque distinctive sur les mains (« l’étoile jaune » islamique), et étaient torturées par les percepteurs de la jizya si elles ne pouvaient payer l’assommant impôt d’humiliation. Aujourd’hui encore, l’assassinat de l’Envoyé de Dieu est utilisé à des fins de propagande antisémite : « cela est à ajouter aux crimes des juifs qui ne connaissent aucune limite que ce soit dans l’antiquité ou aujourd’hui. L’hostilité entre eux et nous durera jusqu’à ce que nous les combattions et les tuions à la fin des temps, comme nous l’a dit le Prophète »40.
Date de la mort
Les débats autour de l’âge du Prophète à sa mort offrent une preuve supplémentaire d’une construction élaborée du Prophète de l’islam. Comment se pouvaient-ils que les musulmans ne connaissassent pas l’âge exact de Mahomet, eux qui, d’après la tradition, allaient jusqu’à boire le sang de leur idole ? L’ouvrage d’at-Tabari (m. 923) nous transporte au cœur de ces démêlés entre ecclésiastiques : « certains ont dit qu’il avait soixante-trois ans. Ceux qui ont dit cela : Ibn ‘Abbâs a rapporté que le Messager de Dieu est resté à la Mecque pendant treize ans alors que la révélation descendait sur lui et dix ans à Médine. Il est mort à soixante-trois ans (…). D’autres ont dit qu’il avait soixante-cinq ans (…). D’autres encore ont dit qu’il avait soixante ans »41. Al-Boukhâri mit un point final au pourparler, lorsque son corpus fut authentifié, en consignant un âge de soixante-trois ans42. Les biographies rapportent qu’il rendit son dernier souffle dans la onzième année de l’hégire après treize jours d’une pénible agonie. Cela correspondrait à l’an 632 de l’ère chrétienne, mais cette information est démentie par au moins deux sources contemporaines qui attestent que Mahomet était toujours en vie deux ans plus tard :
Thomas le Presbytre, vers 640, parle des « Arabes de Muhammad » (Tayâyê d-Mhmt) à propos d’une incursion victorieuse à Gaza en 634, au cours de laquelle le patrice de la troupe byzantine trouva la mort. À la même époque et à propos de la même incursion, un autre document, écrit en grec entre les années 634 et 640, parle du « prophète qui est apparu avec les Saracènes ». Étant tout à fait indépendantes l’une de l’autre mais s’ajoutant l’une à l’autre, ces deux informations concordantes donnent à penser que Muhammad dirigea lui-même l’opération du secteur de Gaza en 634. Pourtant, selon la chronologie présentée plus tardivement par les sources islamiques, il serait mort deux ans auparavant [632].43

En écartant les légendes composées en second lieu, on peut supposer que le véritable Mahomet est décédé d’une maladie – la tradition tant sunnite que chiite l’admet – à Yathrib en 634 ou plus. Peut-être que ce fut d’une pleurésie, c’est en tous les cas ce que croyaient les mouhajiroun du début du VIIIe siècle avant l’intronisation de la version d’Ibn Ishâq. L’hypothèse d’un assassinat demeure possible, les richesses que Mahomet avait amassé durant ses expéditions auraient pu suscitées la convoitise de ses proches, mais cela reste peu probable au vu des éléments dont nous disposons, de plus, le Coran infirme cette théorie car Dieu est normalement supposé protèger son Messager des personnes malintentionnées (5.67).
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