L’archéologie et le démoniaque
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L’archéologie et le démoniaque
L’archéologie et le démoniaque
En 1970, lors de la construction d’une route sur la rive est du lac de Tibériade, à un endroit appelé Kursi, les ouvriers découvrirent les fondations d’une porte dans un mur, qui donnait sur une allée de grosses dalles de basalte. Des archéologues furent aussitôt alertés et des fouilles ont été régulièrement effectuées. Le rapport définitif des travaux paraissait une quinzaine d'années plus tard et nous croyons qu’il mérite les frais de cette chronique.
Le site se trouve dans la petite plaine étroite qui longe le côté est du lac de Tibériade, surplombée par les falaises assez abruptes du plateau de Galaad connu actuellement sous le nom de Golan. Le nom de Kursi est d’abord attaché à un petit port de pêcheurs, sur les rives du lac, mais qui n’est pas encore fouillé; on doit le dater des premiers siècles de notre ère, d’après la céramique. À quelques mètres de là, dans la plaine, les restes évidents d’un bâtiment ancien portent aussi le même nom, et ce sont ces ruines qui ont fait l’objet des présentes recherches.
Voici dans ses grandes lignes la description des bâtiments mis à jour. D’abord on s’est vite rendu compte qu’on était en présence d’un lieu saint puisqu’il était entouré d’un gros mur de 90 cm d’épaisseur, pour former un enclos de 143 par 123 m. On entre dans cet enclos par une seule porte, percée dans la ligne ouest du mur, donnant sur le lac; elle était flanquée d’une tour de garde. Une belle allée de 5 m de largeur et longue de 50 m conduisait au grand bâtiment érigé au centre de cette cour.
Les fouilleurs ont vite reconnu dans ces ruines le plan parfaitement conservé d’une église byzantine, entourée d’un monastère. Selon la tradition bien connue de l’époque byzantine, on pénètre d’abord dans un atrium (1), qui est une cour à ciel ouvert, entourée de quatre portiques. Sous le sol de cet atrium, une grande citerne pouvait contenir 500 m3 d’eau. Derrière cet atrium, se dressait une petite église à trois nefs. La nef centrale (2), large de 7,65 m et longue de 24 m, se terminait par une abside, où les traces d’un trône épiscopal étaient visibles. Sous l’autel, un reliquaire contenait les restes d’un saint. Le sol de cette nef était recouvert d’une magnifique mosaïque aux dessins géométriques dans les pourtours, et aux motifs animés et floraux, au centre, mais que des incônoclastes avaient sévèrement ravagés. Dans l’angle nord de l’abside (3), une petite sacristie rectangulaire avait été aménagée; dans l’angle sud, une autre pièce de même dimension servait de baptistère (4), car une inscription dans son sol en mosaïques en précise la fonction; on le désigne du nom de phostisterion(« illumination »), d’après un usage très ancien et rare, voulant évoquer, le sens du baptême comme une entrée dans la lumière du Christ. Une petite cuve baptismale était encore présente dans un coin. L’inscription est datée de l’an 585, au temps de l’empereur Maurice. Dans la crypte d’une petite chapelle (5), du côté sud de l’église, les archéologues ont découvert plus de trente squelettes, tous mâles, que l’on doit sans doute identifier à des moines.
Enfin, sous les pentes abruptes de la montagne, à quelques mètres au sud-est de ce monastère, les restes d’une petite chapelle ont été aussi étudiés. Elle consiste en deux terrasses juxtaposées; celle de l’est est 1,80 m plus élevée que celle de l’ouest. Cette dernière, de plan parfaitement carré (8,25 m de côté), entoure un gros bloc de pierre brut haut de 7 m! La deuxième terrasse se termine en absidiole, par l’aménagement d’une petite grotte naturelle : son sol en mosaïques, de même qualité que celles de l’église en contrebas, et les banquettes le long des murs en font de toute évidence une petite salle de prière.
D’après la céramique et le style architectural, il faut dater cet ensemble de bâtiments des Ve et VIe siècles de notre ère. Ils furent détruits au début du VIIe siècle, sans doute par les Perses, et abandonnés jusqu’à nos jours.
Mais quel événement ce monastère-église et cette chapelle de l’escarpement rocheux peuvent-ils bien commémorer? Les anciens pèlerins et géographes de la Palestine situaient à Kursi, ou Khorsia, la guérison de deux (Mt 8,28-34) ou d’un démoniaque (Mc 5,1-17; Lc 8,26-37); l’esprit malin qui l’habitait le rendait souvent furieux et le poussait à errer dans des tombeaux sur les flancs d’une montagne. Sur sa propre demande, Jésus accepte qu’il se réfugie dans un troupeau de cochons, qui se précipitèrent tous dans le lac, pour y trouver la mort. Marc et Luc situent l’événement à Gérasa, une ville bien connue sur le haut plateau de Transjordanie, à plusieurs kilomètres du lac de Tibériade; un tel site, correspond très mal aux détails du récit.
Matthieu mentionne la ville de Gadara, un peu plus rapprochée du lac sans doute, mais elle aussi beaucoup trop loin pour convenir à ces mêmes détails. Vers 250, Origène écrivait ceci : « Gergésa, pays des Gergésiens, est une cité ancienne, située tout près du lac; dans ses parages, on montre l’escarpement d’où les pourceaux furent précipités dans les eaux par les démons. » Le nom a été assez tôt défiguré sous la forme de Khorsia, et c’est sous cette appellation que les textes juifs la mentionnent du IIIe au Ve siècles. Comme les lieux conviennent parfaitement aux détails du récit évangélique et que des pèlerins de l’époque byzantine situaient sur les bords du lac l’endroit de cette guérison, nous sommes donc autorisés à voir dans ces ruines le sanctuaire érigé pour en conserver la mémoire. La petite chapelle à mi-pente, devant une grotte et autour d’un éperon rocheux, rappelait sans doute le lieu de la rencontre de Jésus et du démoniaque; le monastère, dans la plaine, permettait aux pèlerins de l’époque de pouvoir prier en plus grand nombre, tout en s’accordant un peu de repos dans un enclos bien isolé. L’archéologie nous aide donc à résoudre un problème de critique textuelle : ce n’est ni à Gérasa ni à Gadara que Jésus guérit le ou les démoniaques, mais à Gergésa, mieux connu sous le nom de Khorsia ou Kursi.
En 1970, lors de la construction d’une route sur la rive est du lac de Tibériade, à un endroit appelé Kursi, les ouvriers découvrirent les fondations d’une porte dans un mur, qui donnait sur une allée de grosses dalles de basalte. Des archéologues furent aussitôt alertés et des fouilles ont été régulièrement effectuées. Le rapport définitif des travaux paraissait une quinzaine d'années plus tard et nous croyons qu’il mérite les frais de cette chronique.
Vue de Kursi du côté ouest, avec l'église en arrière-plan.
(Photo : BibleWalks.com)
(Photo : BibleWalks.com)
Le site se trouve dans la petite plaine étroite qui longe le côté est du lac de Tibériade, surplombée par les falaises assez abruptes du plateau de Galaad connu actuellement sous le nom de Golan. Le nom de Kursi est d’abord attaché à un petit port de pêcheurs, sur les rives du lac, mais qui n’est pas encore fouillé; on doit le dater des premiers siècles de notre ère, d’après la céramique. À quelques mètres de là, dans la plaine, les restes évidents d’un bâtiment ancien portent aussi le même nom, et ce sont ces ruines qui ont fait l’objet des présentes recherches.
Voici dans ses grandes lignes la description des bâtiments mis à jour. D’abord on s’est vite rendu compte qu’on était en présence d’un lieu saint puisqu’il était entouré d’un gros mur de 90 cm d’épaisseur, pour former un enclos de 143 par 123 m. On entre dans cet enclos par une seule porte, percée dans la ligne ouest du mur, donnant sur le lac; elle était flanquée d’une tour de garde. Une belle allée de 5 m de largeur et longue de 50 m conduisait au grand bâtiment érigé au centre de cette cour.
Plan de l'église
Les fouilleurs ont vite reconnu dans ces ruines le plan parfaitement conservé d’une église byzantine, entourée d’un monastère. Selon la tradition bien connue de l’époque byzantine, on pénètre d’abord dans un atrium (1), qui est une cour à ciel ouvert, entourée de quatre portiques. Sous le sol de cet atrium, une grande citerne pouvait contenir 500 m3 d’eau. Derrière cet atrium, se dressait une petite église à trois nefs. La nef centrale (2), large de 7,65 m et longue de 24 m, se terminait par une abside, où les traces d’un trône épiscopal étaient visibles. Sous l’autel, un reliquaire contenait les restes d’un saint. Le sol de cette nef était recouvert d’une magnifique mosaïque aux dessins géométriques dans les pourtours, et aux motifs animés et floraux, au centre, mais que des incônoclastes avaient sévèrement ravagés. Dans l’angle nord de l’abside (3), une petite sacristie rectangulaire avait été aménagée; dans l’angle sud, une autre pièce de même dimension servait de baptistère (4), car une inscription dans son sol en mosaïques en précise la fonction; on le désigne du nom de phostisterion(« illumination »), d’après un usage très ancien et rare, voulant évoquer, le sens du baptême comme une entrée dans la lumière du Christ. Une petite cuve baptismale était encore présente dans un coin. L’inscription est datée de l’an 585, au temps de l’empereur Maurice. Dans la crypte d’une petite chapelle (5), du côté sud de l’église, les archéologues ont découvert plus de trente squelettes, tous mâles, que l’on doit sans doute identifier à des moines.
Sur le côté sud de la basilique se trouve la chapelle.
(Photo : BibleWalks.com)
(Photo : BibleWalks.com)
Enfin, sous les pentes abruptes de la montagne, à quelques mètres au sud-est de ce monastère, les restes d’une petite chapelle ont été aussi étudiés. Elle consiste en deux terrasses juxtaposées; celle de l’est est 1,80 m plus élevée que celle de l’ouest. Cette dernière, de plan parfaitement carré (8,25 m de côté), entoure un gros bloc de pierre brut haut de 7 m! La deuxième terrasse se termine en absidiole, par l’aménagement d’une petite grotte naturelle : son sol en mosaïques, de même qualité que celles de l’église en contrebas, et les banquettes le long des murs en font de toute évidence une petite salle de prière.
Le sol en mosaïque du couloir nord est décoré avec des oiseaux et des poissons,
et des motifs végétaux tels que les dates, les citrons, les raisins et les grenades.
Les oiseaux et les poissons ont été vandalisés, probablement par ses résidents ultérieurs.
(Photo : BibleWalks.com)
et des motifs végétaux tels que les dates, les citrons, les raisins et les grenades.
Les oiseaux et les poissons ont été vandalisés, probablement par ses résidents ultérieurs.
(Photo : BibleWalks.com)
D’après la céramique et le style architectural, il faut dater cet ensemble de bâtiments des Ve et VIe siècles de notre ère. Ils furent détruits au début du VIIe siècle, sans doute par les Perses, et abandonnés jusqu’à nos jours.
Mais quel événement ce monastère-église et cette chapelle de l’escarpement rocheux peuvent-ils bien commémorer? Les anciens pèlerins et géographes de la Palestine situaient à Kursi, ou Khorsia, la guérison de deux (Mt 8,28-34) ou d’un démoniaque (Mc 5,1-17; Lc 8,26-37); l’esprit malin qui l’habitait le rendait souvent furieux et le poussait à errer dans des tombeaux sur les flancs d’une montagne. Sur sa propre demande, Jésus accepte qu’il se réfugie dans un troupeau de cochons, qui se précipitèrent tous dans le lac, pour y trouver la mort. Marc et Luc situent l’événement à Gérasa, une ville bien connue sur le haut plateau de Transjordanie, à plusieurs kilomètres du lac de Tibériade; un tel site, correspond très mal aux détails du récit.
Matthieu mentionne la ville de Gadara, un peu plus rapprochée du lac sans doute, mais elle aussi beaucoup trop loin pour convenir à ces mêmes détails. Vers 250, Origène écrivait ceci : « Gergésa, pays des Gergésiens, est une cité ancienne, située tout près du lac; dans ses parages, on montre l’escarpement d’où les pourceaux furent précipités dans les eaux par les démons. » Le nom a été assez tôt défiguré sous la forme de Khorsia, et c’est sous cette appellation que les textes juifs la mentionnent du IIIe au Ve siècles. Comme les lieux conviennent parfaitement aux détails du récit évangélique et que des pèlerins de l’époque byzantine situaient sur les bords du lac l’endroit de cette guérison, nous sommes donc autorisés à voir dans ces ruines le sanctuaire érigé pour en conserver la mémoire. La petite chapelle à mi-pente, devant une grotte et autour d’un éperon rocheux, rappelait sans doute le lieu de la rencontre de Jésus et du démoniaque; le monastère, dans la plaine, permettait aux pèlerins de l’époque de pouvoir prier en plus grand nombre, tout en s’accordant un peu de repos dans un enclos bien isolé. L’archéologie nous aide donc à résoudre un problème de critique textuelle : ce n’est ni à Gérasa ni à Gadara que Jésus guérit le ou les démoniaques, mais à Gergésa, mieux connu sous le nom de Khorsia ou Kursi.
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