Questions autour d'une inscription
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Questions autour d'une inscription
Questions autour d'une inscription
Dans la région d’Aphek, sur les premières collines des monts de Samarie, on a fait la découverte d’un tout petit village. Ses caractéristiques nous le font ajouter à la liste de ces villages des XIIe et XIe siècles avant J.-C., soit la période des Juges : des petites maisons encerclent la hauteur, une maison plus grande est située au centre, au milieu d’une cour creusée de nombreux silos; et aucun rempart ne défend cette installation modeste, de nature nettement agricole.
Dans un des silos de ce village, qui porte actuellement le nom d’Izbet Sartha, un grand morceau de jarre constitué de deux fragments était visiblement couvert d’écritures. Comme la date du village est fixée avec grande vraisemblance vers la fin du XIIe siècle avant J.-C., et que ses habitants sont très probablement des fermiers israélites, nous sommes alors en présence de la plus vieille inscription du peuple de la Bible!
Cinq lignes d’écriture sont bien incisées ou grattées dans la mince couche de glaise qui recouvrait le morceau de jarre. La première ligne du bas du texte est beaucoup plus nette que les quatre autres, parce que la main du scribe était plus ferme et plus entraînée dans le tracé des lettres. Après lecture, cette ligne s’est avérée être tout simplement l’alphabet sémitique de 22 lettres! Les lignes supérieures reprennent l’alphabet mais en ne respectant que peu l’ordre des lettres établi dans la ligne du bas. Si la lecture des signes ne fait aucune difficulté, des problèmes passionnants cependant sont posés à l’historien.
Une première remarque porte sur la nature de l’inscription. Les quatre lignes du haut révèlent une main beaucoup moins experte, des hésitations dans le tracé des lettres, des traits moins prononcés que ceux de la première ligne du bas, et la répétition fréquente des mêmes lettres nous invitent à y voir un exercice d’écolier. Le maître a gravé l’alphabet, que l’élève doit ensuite pratiquer.
Une deuxième remarque concerne la direction et l’ordre des lettres. Contrairement à la pratique unanime depuis le XIe siècle au moins, la ligne d’écriture a été tracée de gauche à droite! De plus, quelques inversions ont été faites dans l’ordre habituel des lettres. Or nous sommes ici en présence et de la direction et de l’ordre de l’alphabet grec!Nous savions depuis longtemps que les grecs avaient emprunté aux sémites leur alphabet et nous nous perdions en conjectures pour expliquer les changements apportés. Nous pouvons maintenant formuler l’hypothèse qu’à une période antérieure au XIe siècle, un alphabet existait tout à fait conforme à la direction et à l’ordre de l’alphabet grec. Comme les peuples de Syrie-Palestine ne le suivaient plus après les XIe et Xe siècles, nous sommes alors invités à faire remonter cet emprunt grec beaucoup plus tôt que le IXe siècle, comme il était habituel de le faire.
Une troisième remarque est relative à l’histoire de l’écriture elle-même à l’intérieur d’Israël. Cette inscription, et quelques lettres gravées sur des anses de jarres, à dater à peu près à la même époque, nous montrent bien que les Israélites utilisèrent l’écriture assez tôt après leur entrée en Canaan, et non à partir du roi David, selon une opinion assez commune. Ainsi nous sommes en droit de penser qu’ils ont pu déjà à l’époque des Juges consigner par écrit les premiers récits de leur histoire; il se pourrait donc que dans un avenir prochain, si d’autres découvertes semblables viennent s’ajouter, l’historien soit invité à donner beaucoup plus de poids à la tradition concernant les origines d’Israël; il serait alors possible que la première grande synthèse de cette histoire, soit le récityahviste, que nous datons du temps de David, se soit appuyée non seulement sur des souvenirs transmis oralement, mais aussi sur des documents déjà écrits.
Voilà donc des problèmes nouveaux et d’envergure posés par la découverte d’un simple exercice d’écolier!
Dans la région d’Aphek, sur les premières collines des monts de Samarie, on a fait la découverte d’un tout petit village. Ses caractéristiques nous le font ajouter à la liste de ces villages des XIIe et XIe siècles avant J.-C., soit la période des Juges : des petites maisons encerclent la hauteur, une maison plus grande est située au centre, au milieu d’une cour creusée de nombreux silos; et aucun rempart ne défend cette installation modeste, de nature nettement agricole.
Dans un des silos de ce village, qui porte actuellement le nom d’Izbet Sartha, un grand morceau de jarre constitué de deux fragments était visiblement couvert d’écritures. Comme la date du village est fixée avec grande vraisemblance vers la fin du XIIe siècle avant J.-C., et que ses habitants sont très probablement des fermiers israélites, nous sommes alors en présence de la plus vieille inscription du peuple de la Bible!
Cinq lignes d’écriture sont bien incisées ou grattées dans la mince couche de glaise qui recouvrait le morceau de jarre. La première ligne du bas du texte est beaucoup plus nette que les quatre autres, parce que la main du scribe était plus ferme et plus entraînée dans le tracé des lettres. Après lecture, cette ligne s’est avérée être tout simplement l’alphabet sémitique de 22 lettres! Les lignes supérieures reprennent l’alphabet mais en ne respectant que peu l’ordre des lettres établi dans la ligne du bas. Si la lecture des signes ne fait aucune difficulté, des problèmes passionnants cependant sont posés à l’historien.
Une première remarque porte sur la nature de l’inscription. Les quatre lignes du haut révèlent une main beaucoup moins experte, des hésitations dans le tracé des lettres, des traits moins prononcés que ceux de la première ligne du bas, et la répétition fréquente des mêmes lettres nous invitent à y voir un exercice d’écolier. Le maître a gravé l’alphabet, que l’élève doit ensuite pratiquer.
Une deuxième remarque concerne la direction et l’ordre des lettres. Contrairement à la pratique unanime depuis le XIe siècle au moins, la ligne d’écriture a été tracée de gauche à droite! De plus, quelques inversions ont été faites dans l’ordre habituel des lettres. Or nous sommes ici en présence et de la direction et de l’ordre de l’alphabet grec!Nous savions depuis longtemps que les grecs avaient emprunté aux sémites leur alphabet et nous nous perdions en conjectures pour expliquer les changements apportés. Nous pouvons maintenant formuler l’hypothèse qu’à une période antérieure au XIe siècle, un alphabet existait tout à fait conforme à la direction et à l’ordre de l’alphabet grec. Comme les peuples de Syrie-Palestine ne le suivaient plus après les XIe et Xe siècles, nous sommes alors invités à faire remonter cet emprunt grec beaucoup plus tôt que le IXe siècle, comme il était habituel de le faire.
Une troisième remarque est relative à l’histoire de l’écriture elle-même à l’intérieur d’Israël. Cette inscription, et quelques lettres gravées sur des anses de jarres, à dater à peu près à la même époque, nous montrent bien que les Israélites utilisèrent l’écriture assez tôt après leur entrée en Canaan, et non à partir du roi David, selon une opinion assez commune. Ainsi nous sommes en droit de penser qu’ils ont pu déjà à l’époque des Juges consigner par écrit les premiers récits de leur histoire; il se pourrait donc que dans un avenir prochain, si d’autres découvertes semblables viennent s’ajouter, l’historien soit invité à donner beaucoup plus de poids à la tradition concernant les origines d’Israël; il serait alors possible que la première grande synthèse de cette histoire, soit le récityahviste, que nous datons du temps de David, se soit appuyée non seulement sur des souvenirs transmis oralement, mais aussi sur des documents déjà écrits.
Voilà donc des problèmes nouveaux et d’envergure posés par la découverte d’un simple exercice d’écolier!
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