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DORMITION DE MARIE DU PSEUDO-JEAN

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Message  Arlitto Lun 29 Fév 2016, 20:07

DORMITION DE MARIE DU PSEUDO-JEAN

En 1805, F.-X. Berger, dans un recueil d'histoire et de littérature chrétienne, publiait, en se fondant sur deux manuscrits alors connus, le texte grec de la Dormition de Marie du Pseudo-Jean.
En 1866, K. von Tischendorf, en se fondant sur cinq manuscrits, mais après en avoir consulté une dizaine, faisait paraître une édition nouvelle de ce même texte grec.
Depuis lors, peu de travaux ont porté sur cet écrit dont l'édition critique reste encore à réaliser, d'autant que celle de K. von Tischendorf est loin de fournir toutes les variantes attestées par les nombreux manuscrits, surtout pour l'épilogue.
Malgré l'absence d'édition critique, de nombreuses traductions de l'édition de K. von Tischendorf ont été publiées, mais jamais cet écrit n'a été traduit en français ni en allemand. La présente traduction comble donc une lacune. Elle se fonde aussi sur le travail de K. von Tischendorf. Toutefois, quelques contrôles - non pas une collation - ont été réalisés à partir du manuscrit le plus ancien, actuellement accessible, qui n'était pas alors connu de l'éditeur allemand. En outre, K. von Tischendorf attribuant le numéro 15 à deux paragraphes différents, nous avons numéroté 15a le second.


DORMITION DE MARIE DU PSEUDO-JEAN

DISCOURS DE SAINT JEAN LE THÉOLOGIEN
SUR LA DORMITION DE LA SAINTE MÈRE DE DIEU


VISITE DE MARIE AU TOMBEAU DE JÉSUS

1) La Mère de Dieu, toute sainte, glorieuse et toujours vierge, Marie, allait, selon son habitude, à l'intérieur du saint tombeau de notre Seigneur pour brûler de l'encens. Et, ses saints genoux pliés, elle suppliait le Christ, qui était né d'elle, notre Dieu, pour qu'il revienne vers elle.

2) Or, la voyant fréquenter la divine tombe, les Juifs allèrent trouver les grands prêtres pour leur dire que Marie se rendait tous les jours au tombeau. Les grands prêtres appelèrent les gardiens, qui étaient chargés de ne permettre à personne de prier à l'intérieur du saint tombeau ; ils leur demandèrent si c'était la vérité. Les gardiens répondirent n'avoir jamais rien observé de tel, car Dieu ne leur permettait pas de voir Marie quand elle était là.


APPARITION DE L'ARCHANGE GABRIEL

3) Un jour, un vendredi, sainte Marie se rendit comme d'habitude auprès du tombeau. Pendant qu'elle priait, les cieux s'ouvrirent, et l'archange Gabriel descendit vers elle et lui dit : « Salut, ô toi qui as donné naissance au Christ, notre Dieu ! Ta prière, parvenue aux cieux auprès de celui qui est né de toi, a été exaucée. Dans peu de temps, selon ta demande, tu laisseras le monde, tu partiras vers les cieux, auprès de ton fils, pour la vie véritable et éternelle. »

4) Ayant entendu les paroles du saint archange, elle retourna vers la sainte Bethléem, accompagnée de trois jeunes filles, qui la servaient. Après s'être reposée peu de temps, elle se leva et demanda aux jeunes filles : « Apportez-moi un encensoir afin que je prie. » Celles-ci le lui apportèrent comme elle le leur avait ordonné.

5) Et elle adressa une prière, disant : « Mon Seigneur Jésus Christ, toi qui as daigné dans ta grande bonté être enfanté par moi, écoute ma voix et envoie-moi ton apôtre Jean, pour que sa vue me procure les prémices de la joie. Envoie-moi aussi tes autres apôtres, soit ceux qui sont déjà arrivés près de toi, soit ceux qui sont encore dans ce siècle, quel que soit l'endroit où ils se trouvent par ton saint commandement, afin que je puisse, en les voyant, bénir ton nom célébré par de nombreux hymnes. J'ai confiance, parce qu'en toute chose tu écoutes ta servante. »


RÉUNION DES APÔTRES

6) Pendant qu'elle priait, moi, Jean, j'arrivai, le Saint-Esprit m'ayant enlevé d'Ephèse sur une nuée et posé là où demeurait la mère de mon Seigneur. Entrant, je glorifiai celui qui était né d'elle et je dis : « Salut, ô mère de mon Seigneur, toi qui as donné naissance au Christ, notre Dieu ! Réjouis-toi, car tu quittes cette vie en grande gloire. »

7) Et la sainte Mère de Dieu glorifia Dieu de ce que moi, Jean, j'étais venu auprès d'elle, se rappelant la parole du Seigneur qui déclarait : « Voici ta mère ! » et « Voici ton fils ! ». Les trois jeunes filles s'approchèrent et se prosternèrent.

8) La sainte Mère de Dieu me dit : « Prie et jette de l'encens ! » Je priai ainsi : « Seigneur Jésus-Christ, qui as fait des merveilles, fais encore des merveilles aujourd'hui en présence de celle qui t'a donné naissance : que ta mère quitte cette vie et que soient frappés d'effroi ceux qui t'ont crucifié et qui n'ont pas cru en toi. »

9) La prière terminée, la sainte Marie me dit : « Apporte-moi l'encensoir. » Elle y jeta de l'encens en disant : « Gloire à toi, mon Dieu et mon Seigneur, car s'est accompli pour moi tout ce que tu m'as promis avant de monter aux cieux : « Lorsque je quitterai ce monde, tu viendras vers moi plein de gloire avec la multitude de tes anges. »

10) Moi, Jean, je lui dis : « Notre Seigneur Jésus-Christ et notre Dieu viendra, et tu le verras comme il te l'a promis. » A cela, la sainte Mère de Dieu me répondit, disant : « Les Juifs ont juré que, lorsque j'arriverai au terme de ma vie, ils brûleront mon corps. » Mais moi, je lui répondis : « Ton corps saint et précieux ne connaîtra pas la corruption. » Elle me répondit : « Prends l'encensoir, jette de l'encens et prie. » Une voix venant des cieux dit alors : « Amen. »

11) Moi, Jean, j'écoutai cette voix et le Saint-Esprit me dit : « Jean, as-tu entendu cette voix qui parlait dans le ciel à la fin de ta prière ? » Je répondis en disant : « Oui, je l'ai entendue. » Et le Saint-Esprit me dit : « Cette voix, que tu as entendue, est le signal de l'arrivée imminente de tes frères, les apôtres, et de la sainte Puissance, car aujourd'hui ils viendront ici. »

12) Alors, moi, Jean, je priais pour eux. Et le Saint-Esprit dit aux apôtres : « Pierre de Rome, Paul des bords du Tibre, Thomas du centre de l'Inde, Jacques de Jérusalem, tous arrivés en même temps sur des nuées depuis les extrémités de la terre, soyez réunis dans la sainte Bethléem, à cause de la mère de notre Seigneur Jésus-Christ qui est profondément bouleversée. »

13) André, le frère de Pierre, Philippe, Luc, Simon le Cananéen et Thaddée, qui étaient déjà endormis, furent réveillés de leurs tombeaux par le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit leur dit : « Ne croyez pas que c'est maintenant la résurrection. Mais vous avez été ressuscités de votre tombeau pour aller saluer celle à qui honneur et signe merveilleux sont accordés, la mère de votre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, parce que est arrivé le jour de sa sortie et de son départ pour les cieux. »

14) Marc, qui était encore vivant, vint de même, lui aussi, d'Alexandrie, avec les autres, qui, ainsi qu'il a été dit, arrivaient de chaque région.

15) Pierre, soulevé par une nuée, resta entre ciel et terre, soutenu par le Saint-Esprit, ensemble avec les autres apôtres, qui eux aussi avaient été enlevés sur des nuées, pour se retrouver avec Pierre. Et ainsi, par le Saint-Esprit, comme il a été dit, tous ensemble, ils arrivèrent.

15a) Entrés auprès de la mère de notre Seigneur et Dieu, nous dîmes en nous prosternant : « Ne t'effraie pas et ne t'afflige pas. Le Seigneur Dieu, qui est né de toi, te fera sortir glorieusement de ce monde. » Et elle, se réjouissant en Dieu son Sauveur, se dressa sur son lit et dit aux apôtres : « Maintenant, je crois que notre Maître et Dieu vient des cieux, et je le contemple ; ainsi, puisque je vous ai vus arriver, je quitte cette vie. Pourtant, je veux que vous me disiez comment vous avez eu connaissance de mon départ et comment vous êtes arrivés auprès de moi, et de quelles régions et en combien de temps vous êtes venus, puisque vous vous êtes tant hâtés pour me rendre visite. En effet, il ne me l'a pas caché, celui qui est né de moi, notre Seigneur Jésus-Chrait, le Dieu de toutes choses, car j'ai toujours cru, comme je crois encore, que c'est lui le Fils du Très-Haut. »

16) Pierre répondit en disant aux autres apôtres : « Que chacun raconte à la mère de notre Seigneur ce que le Saint-Esprit nous a annoncé et ordonné. »

17) Et moi, Jean, je répondis par ces mots : « J'étais en train d'approcher du saint autel, à Ephèse, pour servir le Seigneur, lorsque le Saint-Esprit me dit : « Le moment du départ de la mère de ton Seigneur est arrivé. Va à Bethléem pour la saluer. » Une nuée lumineuse m'enleva et me déposa à la porte de la maison où tu demeures. »

18) Et Pierre répondit : « Et moi, me trouvant à Rome, à l'aube, j'entendis une voix venant du Saint-Esprit me disant : « La mère de ton Seigneur doit partir. Le temps est proche. Va à Bethléem pour la saluer. « Et voici qu'une nuée lumineuse m'enleva, je vis les autres apôtres, qui venaient vers moi sur des nuées, et j'entendis une voix, qui me dit : " Partez tous à Bethléem. " »

19) Et Paul, à son tour, dit en réponse : « Et moi, me trouvant dans une ville pas très éloignée de Rome, dans une région des bords du Tibre, j'entendis le Saint-Esprit me disant : " La mère de ton Seigneur est en train de laisser ce monde pour les cieux et de prendre le départ de sa course. Alors, pars, toi aussi, à Bethléem pour la saluer. " Et voici qu'une nuée lumineuse m'enleva et m'amena ou vous êtes. »

20) Et Thomas, à son tour, répondit : « Et moi, alors que je parcourais la terre de l'Inde et que, par la grâce du Christ, la prédication s'affermissait - le fils de la soeur du roi nommé Labdanes était sur le point de se faire marquer du sceau par moi, au palais -, tout à coup, le Saint-Esprit me dit : " Et toi, Thomas, rends-toi à Bethléem pour saluer la mère de ton Seigneur, parce qu'elle va être transférée aux cieux. " Une nuée lumineuse m'enleva et m'amena auprès de vous. »

21) Et Marc, répondant à son tour, déclara : « J'étais en train d'achever le rite de tierce dans la ville d'Alexandrie ; durant la prière, le Saint-Esprit m'enleva et me conduisit auprès de vous. »

22) Et Jacques, à son tour, répondit : « J'étais à Jérusalem, quand le Saint-Esprit m'ordonna : " Rends-toi à Bethléem, parce que la mère de ton Seigneur va partir. " Et voici qu'une nuée lumineuse m'enleva et m'amena auprès de vous. »

23) Et Matthieu, à son tour, répondit par ces mots : « Moi, j'ai glorifié et je glorifie Dieu, car alors que j 'étais sur un bateau, battu par la tempête, et dans une mer furieuse soulevée par les vagues, tout à coup une nuée lumineuse couvrit d'ombre l'agitation de l'orage, ramena le calme de la mer, et moi, elle m'enleva et m'amena auprès de vous. »

24) Ceux qui étaient déjà morts répondirent à leur tour et racontèrent comment ils étaient arrivés. Et Barthélemy dit : « Moi, j'étais en Thébalde, prêchant la parole, lorsque le Saint-Esprit me dit : " La mère de ton Seigneur est en train de partir. Rends-toi donc à Bethléem pour la saluer. " Et, alors, une nuée de lumière m'enleva et m'amena auprès de vous. »

25) Les apôtres dirent tout à la sainte Mère de Dieu, comment et de quelle manière ils étaient arrivés. Ensuite, elle étendit les mains vers le ciel et pria en disant : « J'adore, je loue et je glorifie ton célèbre nom, ô Seigneur, car tu as posé les yeux sur ton humble servante, et toi, le Puissant, tu as fait pour moi de grandes choses. Et voilà que toutes les générations m'appelleront Bienheureuse. »
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Message  Arlitto Lun 29 Fév 2016, 20:07

MIRACLES DE MARIE

26) Et, après la prière, elle dit aux apôtres : « Jetez de l'encens et priez. » Et, pendant qu'ils priaient, un tonnerre vint du ciel et un bruit terrible résonna comme celui de chars. Et voici qu'il y eut une armée d'une multitude d'anges et de puissances, et on entendit une voix comme celle d'un Fils d'Homme. Et les séraphins entourèrent la maison où demeurait la sainte et irréprochable Mère de Dieu et Vierge. Et, ainsi, tous ceux qui étaient à Bethléem virent toutes les merveilles ; et ils allèrent à Jérusalem, et annoncèrent toutes les merveilles qui s'étaient produites.

27) Après la manifestation de cette voix, il arriva que le soleil et la lune apparurent soudainement auprès de la maison et que l'assemblée des tout premiers saints arrivait devant la maison où demeurait la mère du Seigneur, pour l'honorer et la glorifier. Et je vis aussi beaucoup de signes : des aveugles qui voyaient, des sourds qui entendaient ; des boiteux qui marchaient, des lépreux qui étaient purifiés et des possédés d'esprits impurs qui étaient guéris. Et quiconque était affligé de maladies et d'infirmités touchait du dehors le mur de la maison où elle demeurait et criait : « Sainte Marie, qui a donné naissance au Christ, notre Dieu, aie pitié de nous. » Et, à l'instant même, ils étaient guéris.

28) Une grande foule de gens, provenant de toutes les régions et se trouvant à Jérusalem pour la prière, entendit parler des Signes qui se produisaient à Bethléem par la mère du Seigneur. Ils se rendirent sur place, pour implorer la guérison de leurs diverses infirmités. Et ils l'obtinrent. Il y eut ce jour une joie ineffable : la multitude des guéris et des spectateurs glorifiaient le Christ, notre Dieu, et sa mère. De retour de Bethléem, tout Jérusalem était en fête aux chants des psaumes et des hymnes spirituels.


HAINE DES JUIFS

29) Les prêtres des Juifs et avec eux leur peuple furent en fureur à cause de tout ce qui était arrivé. Envahis d'une très violente jalousie, et après avoir à nouveau tenu conseil dans une pensée insolente, ils décidèrent d'envoyer des gens contre la sainte Mère de Dieu et les saints apôtres qui étaient à Bethléem. Lorsque la foule des Juifs, qui s'était mise en marche pour Bethléem, fut à la distance d'un mille environ, il arriva une épouvantable vision et leurs pieds furent entravés. Alors, ils firent demi-tour, retournèrent chez leurs compatriotes et racontèrent toute l'épouvantable vision aux grands prêtres.

30) Encore plus irrités dans leur colère, ils se rendirent chez le gouverneur en criant et disant : « La nation juive est détruite à cause de cette femme : chasse-la de Bethléem et de la province de Jérusalem. » Mais le gouverneur, étonné par les miracles, leur dit : « Moi, je ne la chasse ni de Bethléem ni d'aucun autre lieu. » Mais les Juifs insistèrent en criant et en le conjurant, au nom du salut de Tibère César, d'éloigner les apôtres de Bethléem : « Si tu ne fais pas cela, nous rapporterons l'affaire à César. » Ainsi forcé, le gouverneur envoya un chiliarque contre les apôtres à Bethléem.

31) Mais le Saint-Esprit dit aux apôtres et à la mère du Seigneur : « Voici que le gouverneur a envoyé un chiliarque (chef d'un unité de 1000 hommes) contre vous parce que les Juifs ont provoqué des troubles. Sortez donc de Bethléem et n'ayez pas peur, parce que je vous transporterai sur une nuée à Jérusalem. La puissance du Père, du Fils et du Saint-Esprit est avec vous. »

32) Les apôtres se levèrent tout de suite, Sortirent de la maison en portant la civière de la Maîtresse, Mère de Dieu, et se mirent en route pour Jérusalem. Mais soudainement, comme le Saint-Esprit le leur avait dit, ils furent enlevés sur un nuage et ils se retrouvèrent à Jérusalem dans la maison de la Maîtresse. Et debout, durant cinq jours, nous chantions des hymnes sans interruption.

33) Lorsque le chiliarque arriva à Bethléem et n'y trouva ni la mère du Seigneur ni les apôtres, il arrêta les habitants de Bethléem et leur dit : « N'est-ce pas vous qui êtes venus dire au gouverneur et aux prêtres tous les signes et les miracles qui se sont produits et comment les apôtres sont arrivés de toutes les régions ? Où sont-ils donc ? Allons, venez chez le gouverneur à Jérusalem. » En effet, le chiliarque ignorait que les apôtres et la mère du Seigneur s'étaient retirés à Jérusalem. Le chiliarque prit donc les habitants de Bethléem et se présenta chez le gouverneur, auquel il rapporta n'avoir trouvé personne.

34) Mais, cinq jours plus tard, le gouverneur, les prêtres et toute la ville surent que la mère du Seigneur se trouvait avec les apôtres dans sa maison à Jérusalem, à cause des signes et des merveilles qui se produisaient. Une multitude d'hommes, de femmes et de jeunes filles se réunit en criant : « O Sainte Vierge, qui as donné naissance au Christ, notre Dieu, n'oublie pas le genre humain. »

35) Alors, devant ces événements, le peuple des Juifs comme les prêtres, poussés par leur haine, prirent du bois et du feu et s'avancèrent, voulant brûler la maison où demeurait la mère du Seigneur avec les apôtres. Le gouverneur, cependant, observait de loin le spectacle. Quand le peuple des Juifs atteignit la porte de la maison, voici qu'un jet de hautes flammes sortit de l'intérieur par l'oeuvre d'un ange et brûla une grande multitude de Juifs. La ville entière fut saisie d'une grande peur, et ils glorifiaient le Dieu né de Marie.

36) Le gouverneur, qui avait vu ce qui s'était passé, s'adressa à haute voix à tout le peuple en ces mots : « Vraiment, celui qui est né de la Vierge, de celle que vous avez voulu chasser, est Fils de Dieu. En effet, ces signes sont ceux d'un véritable Dieu. » Les Juifs commencèrent à ne plus être d'accord entre eux : beaucoup crurent au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, en raison des signes qui s'étaient produits.


DÉPART DE L'ÂME DE MARIE AU CIEL

37) Après toutes ces merveilles arrivées par l'intermédiaire de la Mère de Dieu et toujours vierge Marie, la mère du Seigneur, alors que nous, les apôtres, étions avec elle à Jérusalem, le Saint-Esprit nous dit : « Vous savez que c'est un dimanche que la bonne nouvelle fut annoncée par l'archange Gabriel à la Vierge Marie ; un dimanche que le Seigneur est né à Bethléem ; un dimanche aussi que les enfants de Jérusalem sortirent à sa rencontre avec des branches de palme en disant : " Hosanna, dans les hauteurs des cieux, béni celui qui vient au nom du Seigneur " ; un dimanche encore qu'il ressuscita des morts ; un dimanche qu'il doit venir pour juger les vivants et les morts ; et un dimanche enfin qu'il doit venir du ciel pour glorifier et honorer le départ de la sainte et glorieuse vierge qui l'a enfanté. »

38) Ce même dimanche, la mère du Seigneur dit aux apôtres : « Jetez de l'encens, car le Christ vient avec une armée d'anges. » Et voici, le Christ se présenta, assis sur le trône des chérubins. Et, pendant que nous étions tous en prière, apparurent une multitude innombrable d'anges et le Seigneur, arrivé au-dessus des chérubins avec une grande puissance. Et voici qu'un éclat de lumière se porta sur la Sainte Vierge par la venue de son Fils unique. Toutes les puissances célestes se prosternèrent et l'adorèrent.

39) Le Seigneur appela sa mère et lui dit : « Marie ! » Elle répondit : « Me voici, Seigneur ! » Et le Seigneur lui dit : « Ne t'afflige pas, mais que ton coeur se réjouisse et soit dans l'allégresse, car tu as obtenu la faveur de contempler la gloire qui me fut donnée par mon Père. » La sainte Mère de Dieu leva les yeux et vit en lui une gloire qu'une bouche humaine ne peut dire ni saisir.
Le Seigneur, restant à côté d'elle, lui dit : « Voici que maintenant ton précieux corps sera transféré au paradis, pendant que ton âme sainte sera aux cieux dans les trésors de mon Père, dans une clarté supérieure, où sont la paix et la joie des anges saints et plus encore. »

40) La mère du Seigneur lui répondit : « Pose ta droite sur moi, Seigneur, et bénis-moi. » Le Seigneur étendit sa droite pure et la bénit. Elle prit sa droite pure, la baisa et dit : « Je vénère cette droite qui a créé le ciel et la terre. J'invoque ton nom très célébré, Christ Dieu, roi des siècles, Fils unique du Père, accueille ta servante, toi qui as daigné être enfanté de moi, l'humble, pour sauver le genre humain selon ton indicible dessein. A tout homme qui invoquera, suppliera ou proférera le nom de ta servante, accorde ton aide. »

41) Pendant qu'elle disait cela, les apôtres, s'approchant de ses pieds et se prosternant, dirent : « Mère du Seigneur, laisse au monde une bénédiction, parce que tu vas l'abandonner. Tu l'as béni et l'as relevé de sa ruine, en donnant naissance à la lumière du monde. » La mère du Seigneur pria ainsi :
« Ô Dieu, dans ta grande bonté, du ciel tu as envoyé ton Fils unique afin qu'il habite dans mon humble corps, toi qui as daigné être enfanté de moi, l'humble, aie pitié du monde et de chaque âme qui invoque ton nom. »

42) Et, de nouveau, elle pria et dit : « Seigneur, roi des cieux, Fils du Dieu vivant, accueille tout homme qui invoque ton nom afin que ta naissance soit glorifiée. »
Et de nouveau, elle pria et dit : « Seigneur Jésus-Christ, qui es tout-puissant au ciel et sur terre, par cette invocation je supplie ton saint nom : en chaque temps et lieu où l'on fera la mémoire de mon nom, sanctifie ce lieu et glorifie ceux qui te glorifient par l'intermédiaire de mon nom, en acceptant d'eux toute offrande, toute supplication et toute prière. »

43) Après qu'elle eut prié ainsi, le Seigneur dit alors à sa mère : « Réjouis-toi, et que ton coeur soit dans l'allégresse car toute grâce et toute gloire te seront accordées par mon Père qui est aux cieux, par moi et par le Saint-Esprit. Toute âme qui invoquera ton nom ne sera pas confuse, mais trouvera miséricorde, consolation, protection et courage dans ce siècle et dans l'avenir, devant mon Père qui est aux cieux. »

44) Alors, le Seigneur se tournant vers Pierre lui dit : « Le moment est venu d'entonner l'hymne. » Quand Pierre entonna l'hymne, toutes les puissances des cieux répondirent par l'Alléluia. Alors, le visage de la mère du Seigneur brilla plus que la lumière. Et, se levant, elle bénit de sa propre main chacun des apôtres. Et tous glorifièrent Dieu. Le Seigneur, étendant ses mains pures, reçut son âme sainte et irréprochable.

45) Et, pendant que sortait cette âme irréprochable, le lieu fut rempli d'un parfum et d'une lumière indicible. Et voici qu'on entendait une voix céleste qui disait : « Bienheureuse es-tu parmi les femmes. » Pierre et moi - Jean - avec Paul et Thomas, nous nous empressons d'embrasser ses précieux pieds pour être sanctifiés. Les douze apôtres, alors, déposèrent son corps précieux et saint dans une bière et l'emportèrent.


OUTRAGE DE JEPHONIAS

46) Et voici, alors qu'ils le portaient, qu'un Hébreu du nom de Jéphonias, vigoureux de corps, s'élança et se saisit de la bière portée par les apôtres. Et voici qu'un ange du Seigneur, par une force invisible, avec une épée de feu, lui trancha les deux mains, les laissant pendre en l'air auprès de la bière.

47) Après cette merveille, tout le peuple des Juifs, qui avait vu, cria : « Il est un vrai Dieu, le fils qui a été enfanté de toi, Marie, Mère de Dieu, toujours vierge ! » Jéphonias aussi, sommé par Pierre de faire connaître les miracles de Dieu, se leva derrière la bière et cria :
« Sainte Marie, toi qui as donné naissance au Christ Dieu, aie pitié de moi. » Et, se tournant, Pierre lui dit : « Au nom de celui à qui elle a donné naissance, tes mains se rattacheront à tes bras, elles qui t'ont été enlevées. » Et, à l'instant même, selon la parole de Pierre, les mains, qui pendaient auprès de la bière de la Maîtresse, retournèrent en arrière et se rattachèrent à Jéphonias. Et il crut et lui aussi glorifia le Christ Dieu à qui elle avait donné naissance.


TRANSFERT DU CORPS DE MARIE AU PARADIS

48) Après que ce miracle se fut produit, les apôtres portèrent la bière et déposèrent le précieux et saint corps à Gethsémani, dans un tombeau neuf. Et voici qu'un parfum délicat se dégagea du saint tombeau de notre Maîtresse, la Mère de Dieu. Et, pendant trois jours, on entendit des voix d'anges invisibles qui glorifiaient le Christ, notre Dieu, né d'elle. Et, le troisième jour achevé, on n'entendit plus les voix. Dès lors, nous sûmes tous que son corps irréprochable et précieux avait été transféré au paradis.


VISITE DES APÔTRES AU PARADIS

49) Après qu'il fut transféré, voici que nous vîmes tous Elisabeth, la mère de saint Jean le Baptiste, et Anne, la mère de la Maîtresse, Abraham et Isaac ainsi que Jacob et David, qui psalmodiaient l'Alléluia, pendant que tous les choeurs des saints vénéraient les précieux restes de la mère du Seigneur. Et nous vîmes un lieu lumineux ; rien n'était plus brillant que cette lumière plus brillante que n'importe quelle autre lumière. Et un parfum abondant montait de ce lieu, où avait été transféré son précieux et saint corps, dans le paradis. Et s'élevait aussi le chant de ceux qui célébraient de leurs hymnes celui qui avait été engendré de Marie. Aux vierges et à elles seules, il était donné d'entendre ce chant si doux qu'on ne pouvait en être rassasié.

50) Nous, les apôtres, ayant vu le transfert soudain et précieux de son saint corps, nous avons glorifié Dieu, qui nous a montré ses merveilles à l'occasion du départ de la mère de notre Seigneur Jésus-Christ. Que par ses prières et son intercession nous soient accordés, à nous tous, sa protection, son soutien et son aide, dans ce siècle et dans l'avenir. Nous rendons ensemble gloire en tout temps et en tout lieu à son Fils unique avec son Père et le Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen !
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Message  Arlitto Lun 29 Fév 2016, 20:08

LIVRE DE LA NATIVITÉ DE MARIE


NOTE SUR LE TEXTE

La tradition manuscrite du Livre de la nativité de Marie et abondante. Le texte est conservé dans environ cent trente manuscrits, qui se distinguent en deux formes textuelles. La première, la plus originelle et déjà attestée par Fulbert de Chartres, a connu la plus grande diffusion : d'abord sur le territoire français, puis, à partir de là et depuis le XIIe siècle, surtout en Angleterre et en Italie. La seconde forme est le résultat d'une révision plus ou moins discrète de la première : elle consiste essentiellement en des adaptations grammaticales et stylistiques, visant à éclairer le texte et à en faciliter la lecture. Son rayonnement se limita en majeure partie au territoire compris entre le Nord-est de la France et la région rhénano-mosane. En comparaison de la tradition de l'Évangile de l'Enfance du Pseudo-Matthieu, celle du Livre de la nativité de Marie connut un développement assez strict et discipliné. Il n'y a que trois cas où la tradition est très riche en variantes : la présentation du prologue, la description de Joseph comme veuf ayant des fils adolescents (8,I) et la paraphrase des paroles de l'Annonciation (9-5).

Tout comme l'Évangile de l'Enfance du Pseudo-Matthieu, le Livre de la nativité de Marie a exercé une grande influence sur la dévotion mariale. Très tôt, le livre trouva sa place dans les collections de sermons et de légendes, puis dans les lectionnaires, fournissant ainsi les leçons pour la fête de la Nativité de la Vierge. L'ordre dominicain, tout particulièrement, tenait le texte en grande estime :
la réforme liturgique conduite sous l'égide d'Humbert de Romans, au milieu du XIIIe siècle, incorpora une version abrégée du texte dans le lectionnaire officiel de l'ordre ; en outre, notre apocryphe figura dans quelques grandes oeuvres de compilation dominicaines. Étant dépouillé des détails romanesques de la tradition apocryphe, le Livre de la nativité de Marie était moins appelé à stimuler l'imagination d'artistes ou de narrateurs en langues vernaculaires que l'Évangile de l'Enfance du Pseudo-Matthieu. Cependant, on retrouve les premières traces de notre apocryphe en langue vernaculaire chez deux auteurs français du XIIe siècle : le poète normand Wace, qui utilisa le livre pour raconter l'histoire de la nativité de Marie dans son poème intitulé La Conception Nostre Dame ; Herman de Valenciennes, qui l'inséra dans son adaptation de la Bible en vers français intitulée Li Romanz de Dieu et de sa Mère.

La présente traduction repose sur le texte latin édité â partir de vingt manuscrits dans la « Series apocryphorum ». Les éditions antérieures, depuis la première édition, parue probablement en 1468, jusqu'à celle de K. von Tischendorf, ont toutes imprimé la version la plus évoluée de la première forme textuelle. Le texte latin sur lequel se fonde la traduction est cité lorsque le contenu diffère sensiblement de ce qu'on lit dans l'édition de K. von Tischendorf. Nous avons retenu la division traditionnelle du récit en dix chapitres, mais nous avons suivi la division plus détaillée en groupes de phrases qui est adoptée pour la nouvelle édition de la « Series apocryphorum ».


PROLOGUE


Tu me demandes un petit service, léger quant au travail, mais très grave à cause de la précaution à prendre contre l'erreur. Tu désires en effet que je mette par écrit ce que j'aurais pu trouver quelque part au sujet de la nativité de la sainte et très heureuse Vierge Marie jusqu'à son incomparable enfantement et aux premiers débuts du Christ ? chose non point difficile à faire mais, comme j'ai dit, très présomptueuse, à cause du danger qu'elle fait courir à la vérité. En effet, ce que tu exiges de moi, maintenant que ma tête a blanchi, je l'ai lu, sache-le, dans un petit livre qui m'est tombé sous la main quand j'étais un tout jeune homme, et il se peut très bien que, à cause d'un si grand laps de temps et de l'intervention d'autres événements qui ne sont pas légers, l'un ou l'autre détail ait échappé à ma mémoire. Aussi pourra-t-on m'accuser non sans raison, si j'accède à ta demande, d'omettre, d'ajouter ou de changer quelque chose. Si je ne nie pas que cela puisse être le cas, je n'avoue pas que je le fais délibérément. Ainsi, afin de combler tes voeux et de contenter la curiosité des lecteurs, je rappelle à ton intention comme à celle de tout lecteur que le petit livre en question, si j'ai bonne mémoire, avait une préface dont le sens était à peu près le suivant :
Jérôme, aux évêques Chromace et Héliodore.
«Vous me demandez de vous faire savoir ce que je pense d'un petit livre que d'aucuns possèdent sur la nativité de sainte Marie. Sachez donc qu'on y trouve beaucoup, de faussetés. En effet, un certain Seleucus, auteur des Passions des apôtres, a également compose ce petit livre-ci. Mais, de même qu'il a dit vrai au sujet de leurs prodiges et des miracles qu'ils ont effectués, tout en proférant de nombreux mensonges au sujet de leur doctrine, de même il a beaucoup inventé ici de manière non véridique. Aussi m'efforcerai-je de traduire mot à mot, d'après ce qui se trouve en hébreu, puisqu'il est clair que le saint évangéliste Matthieu a compose ce même petit livre et qu'il l'a, ajouté, scellé par des caractères hébraïques, en tête de son Évangile.»
Pour la vérité de cela, je m'en remets à l'auteur de la préface et à la bonne foi de l'écrivain. Personnellement, si je déclare que c'est sujet à doute, je n'affirme pas que ce soit nettement faux. Voilà ce que je dis en toute liberté, et qu'à mon avis aucun fidèle ne niera : que tout cela soit vrai ou inventé par quelqu'un, de grands miracles ont précédé la sainte nativité de sainte Marie et de très grands l'ont suivie, et pour cette raison ceux qui croient que Dieu a pu accomplir cela peuvent les croire et les lire sans danger pour leur âme. Enfin, pour autant que je puisse m'en souvenir, je suivrai le sens et non les mots de l'écrivain. Tantôt je me lancerai sur la même voie sans suivre pour autant les mêmes traces, tantôt je reviendrai sur la même route par quelques détours. Ainsi, je conduirai le fil de la narration de telle façon que je ne dirai rien d'autre que ce qui y a été écrit ou que ce qui, raisonnablement, a pu y être écrit.



LIVRE DE LA NATIVITÉ DE MARIE


Donc, la bienheureuse et très glorieuse Marie, toujours vierge, est issue de la race royale et de la famille de David ; elle naquit dans la ville de Nazareth et fut élevée à Jérusalem dans le Temple de Dieu. Son père s'appelait Joachim, sa mère Anne. La maison paternelle était originaire de Galilée, de la ville de Nazareth ; la famille maternelle, de Bethléem. Leur vie était simple et honnête devant Dieu, irréprochable et charitable auprès des hommes. Ils divisaient tout leur bien en trois parts, consacrant une partie au Temple et aux serviteurs du Temple, donnant une autre aux pèlerins et aux pauvres, réservant la troisième pour eux-mêmes et pour les besoins de leur domesticité. Justes envers Dieu, charitables envers les hommes, ils vécurent ainsi pendant vingt ans environ une vie conjugale chaste, sans procréation d'enfants. Ils firent cependant voeu, si Dieu leur donnait un descendant, de le consacrer au service du Seigneur. Pour cette raison, ils avaient également coutume de fréquenter le Temple du Seigneur à chaque fête de l'année.
Or il advint qu'approcha la fête de la Dédicace. Aussi Joachim monta-t-il à Jérusalem avec quelques-uns de sa tribu. En ce temps-là, Isachar y était grand prêtre. Et, lorsqu'il remarqua que Joachim se trouvait lui aussi, avec son offrande, parmi ses concitoyens, il le méprisa et dédaigna ses dons, lui demandant pourquoi il osait prendre place parmi les féconds, lui qui était infécond. Il lui dit que ses dons pouvaient sembler indignes à Dieu, qui l'avait lui-même jugé indigne d'un descendant ; l'Écriture disait qu'était maudit tout homme qui n'avait pas engendré un enfant mâle en Israël ; en effet, il devait d'abord se délivrer de cette malédiction par la génération d'un enfant, et ainsi seulement il pourrait se présenter devant Dieu avec ses offrandes. Rempli d'une grande honte par le reproche de cet opprobre, Joachim se retira auprès des pasteurs qui gardaient ses troupeaux dans les pâturages. En effet, il ne voulait pas retourner à la maison, de peur qu'il ne subisse la même manifestation de mépris de la part des gens de sa tribu qui avaient également été présents et qui avaient entendu ces mots du prêtre.
Mais, alors qu'il y séjournait depuis un certain temps, un jour où il était seul, un ange du Seigneur lui apparut dans une immense lumière. Comme il était troublé devant cette vision, l'ange qui lui était apparu apaisa sa peur en disant : « Ne crains pas, Joachim, ne sois pas troublé par ma vue. Je suis en effet un ange que le Seigneur t'envoie pour t'annoncer que tes prières sont exaucées et que tes aumônes sont montées devant lui. Il a regardé et vu ta pudeur, et il a entendu le reproche de stérilité qui te fut adressé injustement. Car Dieu est le vengeur du péché, non pas de la nature. Aussi, lorsqu'il ferme un sein, il le fait pour l'ouvrir plus miraculeusement ensuite et pour que l'on sache que ce qui naît n'est pas le fruit de la concupiscence, mais un don divin. La première mère de votre nation, Sara, ne fut-elle pas inféconde jusqu'à ses quatre-vingts ans ? Et pourtant, dans une vieillesse avancée, elle a mis au monde un fils, Isaac, à qui avait été promise la bénédiction de toutes les nations. Et Rachel, tellement agréable au Seigneur, tant aimée par saint Jacob, fut elle aussi longtemps stérile, et elle a néanmoins donné naissance à Joseph, non seulement seigneur d'Égypte, mais aussi libérateur de très nombreuses nations menacées par la faim. Qui parmi les chefs fut plus fort que Samson ou plus saint que Samuel ? Et pourtant ils ont eu tous les deux des mères stériles. Si la raison ne te convainc pas de donner foi à mes mots, donne au moins créance aux exemples qui montrent que les conceptions longtemps différées et les naissances stériles sont d'habitude plus miraculeuses. Aussi ta femme Anne enfantera-t-elle pour toi une fille, et tu lui donneras le nom de Marie. Elle sera consacrée au Seigneur dès son enfance, comme vous l'avez promis, et elle sera remplie du Saint-Esprit dès le sein de sa mère. Elle ne mangera ni ne boira rien d'impur, et elle ne vivra pas parmi le peuple, au-dehors, mais dans le Temple du Seigneur, pour qu'on ne puisse rien ni dire ni même soupçonner de méchant à son sujet. Et avec le progrès de l'âge, de même qu'elle naîtra de façon miraculeuse d'une femme stérile, de même, vierge, elle engendrera de façon incomparable le fils du Très-Haut, qui sera appelé Jésus : son nom indique qu'il sera le sauveur de toutes les nations. ? Et voici le signe de ce que je t'annonce : quand tu arriveras à la porte Dorée de Jérusalem, tu rencontreras ta femme Anne, qui, pour l'instant pleine d'inquiétude à cause du retard de ton retour, se réjouira alors à ta vue. » Sur ces mots, l'ange le quitta.
Ensuite, il apparut également à sa femme Anne en disant : « Ne crains pas, Anne, ne pense pas que c'est un fantôme que tu vois. Je suis en effet cet ange qui a présenté vos prières et vos aumônes devant le Seigneur. Et maintenant je suis envoyé vers vous pour vous annoncer qu'il vous naîtra une fille, du nom de Marie, qui sera bénie pardessus toutes les femmes. Pleine de la grâce du Seigneur dès sa naissance, elle passera les trois années de son allaitement dans la maison paternelle. Ensuite, consacrée au service du Seigneur, elle ne quittera pas le Temple jusqu'à l'âge de raison ; servant là Dieu nuit et jour dans le jeûne et la prière, elle s'abstiendra de tout ce qui est impur. Elle ne connaîtra jamais d'homme, mais seule, sans exemple, sans souillure, sans corruption, sans union avec un homme, vierge elle engendrera un fils, servante elle engendrera le Seigneur, éminente à la fois par son nom et par son oeuvre elle engendrera le sauveur du monde. Lève-toi donc et monte à Jérusalem et, quand tu arriveras à la porte que l'on appelle Dorée parce qu'elle est ornée d'or, tu rencontreras là, et ce sera le signe, ton mari pour le salut duquel tu t'inquiètes. Lorsque tout cela se sera donc passé ainsi, sache que ce que je t'annonce va se réaliser indubitablement. »
Ainsi, selon la prescription de l'ange, ils partirent tous les deux du lieu où ils se trouvaient et montèrent à Jérusalem. Et, lorsqu'ils arrivèrent au lieu désigné par la prophétie angélique, ils allèrent à la rencontre l'un de l'autre. Heureux de se revoir et rassurés par la certitude de l'enfant promise, ils rendirent dûment grâce au Seigneur, qui élève les humbles. Ensuite, après avoir adoré le Seigneur, ils retournèrent à la maison et attendirent la promesse divine avec certitude et allégresse. Aussi Anne conçut-elle et enfanta-t-elle une fille et, selon l'ordre angélique, les parents lui donnèrent le nom de Marie.
Et, lorsque le cycle des trois ans se fut déroulé, et que le temps de l'allaitement fut terminé, ils conduisirent la Vierge avec des offrandes au Temple du Seigneur. Or il y avait autour du Temple quinze marches à monter, conformément aux quinze psaumes des montées. Car le Temple étant construit sur une montagne, l'autel des holocaustes, qui se trouvait à l'extérieur, n'était accessible que par des marches. Aussi déposèrent-ils la Vierge sur la première de celles-ci. Et, tandis qu'ils ôtaient leurs vêtements de voyage et qu'ils mettaient des vêtements plus soignés et plus propres selon la coutume, la Vierge du Seigneur monta toutes les marches l'une après l'autre, sans la main de quiconque pour la guider et la soulever, de telle façon que l'on crut que, sur ce point du moins, rien ne manquait à sa maturité. En effet, déjà dans l'enfance de la Vierge, le Seigneur accomplit un grand acte et montra d'avance par le signe de ce miracle quelle grandeur elle atteindrait. Lorsqu'ils eurent donc célébré le sacrifice selon la coutume de la Loi et qu'ils eurent accompli leur voeu, ils laissèrent la Vierge dans l'enceinte du Temple avec les autres vierges qui devaient être élevées en ce même lieu, et eux-mêmes retournèrent à la maison.
Or, en avançant en âge, la Vierge du Seigneur progressait également chaque jour dans les vertus. Et, parce que, selon les mots du psalmiste, « son père et sa mère l'abandonnèrent, Dieu l'accueillit » chaque jour, en effet, elle était fréquentée par des anges, chaque jour elle jouissait de la vision divine, qui la préservait de tous les maux et lui donnait aussi tous les biens en abondance. Elle atteignit sa quatorzième année de telle façon que non seulement les méchants ne pouvaient rien trouver à lui reprocher, mais qu'aussi tous les bons qui la connaissaient jugeaient dignes d'admiration sa vie et sa conduite. Alors, le grand prêtre ordonna publiquement aux vierges qui étaient instruites dans le Temple et qui avaient accompli cette période de leur jeunesse de rentrer à la maison, de se préparer au mariage, selon la coutume de la nation et la maturité de leur âge. Tandis que les autres obéissaient docilement à cet ordre, seule Marie, la Vierge du Seigneur, répondit qu'elle ne pouvait faire cela, puisque ses parents l'avaient consacrée au service du Seigneur et qu'en plus elle avait elle-même voué au Seigneur sa virginité, qu'elle ne pourrait jamais outrager en s'unissant à un homme. Le grand prêtre était dans la détresse, parce qu'il pensait que, l'on ne devait pas violer une promesse en s'opposant à l'Écriture qui dit : « Faites des voeux et acquittez-vous-en », et parce qu'il n'osait pas non plus introduire une coutume étrangère à la nation. Aussi prescrivit-il qu'à la fête qui était imminente tous les notables de Jérusalem et des lieux voisins soient présents, afin qu'il sache, grâce à leur conseil, ce qu'il fallait faire dans un cas si douteux. C'est ce qui fut fait, et tous décidèrent en commun que le Seigneur devait être consulté à ce sujet. Et, alors que les autres se prosternaient pour prier, le grand prêtre alla faire la consultation selon la coutume. Et, sans tarder, une voix venant de l'oracle et du lieu du propitiatoire se fit entendre à tous, disant qu'il fallait avoir recours à la prophétie d'Isaïe pour savoir à qui la Vierge devait être confiée et accordée en mariage. Isaïe a dit : « Un rameau sortira de la racine de Jessé, et une fleur poussera de sa racine, et sur elle reposera l'esprit du Seigneur, esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de piété, et l'esprit de crainte du Seigneur la remplira. » Ainsi donc, selon cette prophétie, tous les membres de la maison et de la famille de David en état de se marier et non mariés apporteraient leur rameau à l'autel ; et, si un petit rameau fleurissait après l'offrande et si sur sa pointe prenait place l'Esprit du Seigneur sous la forme d'une colombe, ce serait à son possesseur que la Vierge devait être confiée et accordée en mariage.
Parmi les personnes présentes se trouvait Joseph, un homme de la maison et de la famille de David, dont la femme était défunte et qui avait des enfants déjà jeunes gens. Comme il lui semblait inconvenant d'épouser une fille d'un âge si tendre, alors qu'il avait des fils plus âgés, il fut le seul à retenir son rameau alors que les autres apportaient le leur selon l'oracle. Et, comme, par conséquent, il n'apparaissait rien de conforme à la voix divine, le grand prêtre pensa qu'il fallait consulter une nouvelle fois le Seigneur. Celui-ci répondit que le seul de tous les désignés à ne pas avoir apporté son rameau était celui à qui la Vierge devait être accordée en mariage. Ainsi découvert, Joseph apporta son rameau; et, lorsque celui-ci fleurit aussitôt et qu'une colombe venant du ciel prit place sur sa pointe, il fut clair aux yeux de tous que c'était à lui que la Vierge devrait être accordée en mariage. Donc, après la célébration coutumière du rite de mariage, Joseph resta dans la ville de Bethléem pour organiser sa maison et pour se procurer ce qui était nécessaire au mariage, tandis que Marie, la Vierge du Seigneur, retourna à la maison de ses parents en Galilée avec sept autres vierges de son âge et élevées avec elle, qu'elle avait reçues du prêtre.
En ces jours, c'est-à-dire au premier temps de son arrivée en Galilée, l'ange Gabriel fut envoyé vers elle par Dieu pour lui faire savoir la conception du Seigneur et lui en exposer le déroulement ou la manière. C'est ainsi qu'en entrant chez elle il remplit la chambre où elle se trouvait d'une immense lumière et, la saluant avec beaucoup de joie, il lui dit : « Je te salue Marie, vierge très agréable au Seigneur, vierge pleine de grâce, le Seigneur et avec toi, tu es bénie par-dessus toutes les femmes, bénie par-dessus tous les êtres humains qui sont nés jusqu'à présent. » La Vierge, qui connaissait déjà bien les visages des anges et n'était pas inaccoutumée à la lumière céleste, ne fut ni effrayée par la vision de l'ange, ni stupéfaite de l'intensité de la lumière. Mais elle fut troublée par sa seule parole et elle se mit à penser à ce que pouvait signifier cette salutation si insolite, ce qu'elle cachait, à quel but elle mènerait. L'ange, divinement inspiré, répondit à sa pensée en disant : « Ne crains pas, Marie, que cette salutation cache quelque chose de contraire à ta chasteté. En effet, tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Parce que tu as choisi la chasteté de la virginité, tu concevras sans péchés, tu enfanteras un fils. Il sera grand parce qu'il régnera de la mer jusqu'à la mer et du fleuve jusqu'aux confins de la terre, et il sera appelé le Fils du Très-Haut, parce que celui qui naît sur terre dans l'humilité règne au ciel avec le Père dans la grandeur. Et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père, et il régnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n'aura pas de fin. Lui-même, en effet, est Roi des rois et Seigneur des seigneurs, et son trône subsiste dans les siècles des siècles. » A ces paroles de l'ange, la Vierge répondit, non qu'elle fût incrédule, mais parce qu'elle voulait connaître la manière : «Comment cela pourra-t-il se faire ? En effet, puisque moi-même, selon mon voeu, je ne connaîtrai jamais un homme, comment puis-je concevoir sans suivre les usages humains, ou enfanter sans le secours d'une semence virile ? » A cela l'ange répondit : « Ne pense pas, Marie, que tu concevras de manière humaine ; en effet, c'est sans union avec un homme que vierge tu concevras, vierge tu enfanteras, vierge tu nourriras. En effet, le Saint-Esprit viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre contre toutes les ardeurs de la passion. C'est pourquoi aussi l'être qui naîtra de toi ? seul saint puisque seul conçu et né sans péché ? sera appelé Fils de Dieu. » Alors Marie, les mains étendues et les yeux levés au ciel, dit : « Voici la servante du Seigneur ? en effet je ne suis pas digne du nom de mère ? qu'il m'advienne selon ta parole. »
Il serait trop long de vouloir insérer dans cet opuscule tous les événements dont nous avons lu qu'ils ont précédé ou qu'ils ont suivi la naissance du Seigneur. Omettons donc ce qui est écrit de manière plus complète dans l'Évangile et passons au récit de ce qui s'y trouve moins amplement.
Donc Joseph, rentrant de Judée en Galilée, avait l'intention de prendre pour femme la Vierge qui était sa fiancée. Déjà, en effet, trois mois s'étaient écoulés, et le quatrième venait de commencer, depuis le temps où elle lui avait été fiancée. Dans l'intervalle, comme le sein de celle qui allait enfanter grossissait peu à peu, l'enfant commença à se manifester. Et cela ne put rester caché à Joseph. Car, entrant chez la Vierge plus librement, comme il en est pour des fiancés, et parlant avec elle plus familièrement, il s'aperçut qu'elle était enceinte. Aussi commença-t-il à être bouleversé et troublé, parce qu'il ignorait ce qu'il convenait le mieux de faire. En effet, il ne voulait ni la dénoncer, parce qu'il était juste, ni la diffamer par le soupçon de fornication, parce qu'il était pieux. Il pensa donc à dissoudre secrètement le mariage et à la répudier sans bruit. Mais, alors qu'il avait formé ce dessein, voici que l'ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, tu ne dois pas craindre, nourrir un soupçon de fornication envers la Vierge, ou penser quelque chose de fâcheux à son sujet, et ne crains pas de la prendre pour femme. En effet, le fruit en elle, qui te tourmente le coeur en cet instant, et l'oeuvre non pas d'un homme, mais du Saint-Esprit. Or, seule parmi toutes les femmes, elle, une vierge, enfantera un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus, c'est-à-dire Sauveur. Car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Alors Joseph prit la Vierge pour femme, selon l'ordre de l'ange. Cependant, il ne la connut pas, mais il veilla sur elle et la garda dans la chasteté. Et déjà arriva le neuvième mois depuis la conception, quand Joseph, ayant pris avec lui sa femme et tout ce qui était nécessaire, se dirigea vers la ville de Bethléem, dont il était lui-même originaire. Or il advint, comme elle était là, que les jours furent accomplis où elle devait enfanter, et, comme l'ont enseigné les saints évangélistes, elle enfanta son premier-né, notre Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne jusqu'aux siècles des siècles. Amen.
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