La religion assyro-babylonienne
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La religion assyro-babylonienne
Rappel du premier message :
En dépit du nom qu'on a convenu de lui donner, la religion assyro-babylonienne remonte, dans ses origines et dans sa constitution, à une époque bien antérieure à l'épanouissement des cités babyloniennes et assyriennes.
Dès le début du IIIe millénaire avant J.-C., existait, dans les bassins inférieurs du Tigre et de l'Euphrate, une civilisation florissante, due à l'interpénétration de deux peuples voisins et rivaux : les Akkadiens et les Sumériens.
Le pays de Sumer, situé en bordure et au fond du golfe Persique, qui s'avançait alors beaucoup plus avant dans les terres, avait pour capitale Lagash; les villes d'Eridu, au sud, et de Nippur, au nord, marquaient ses limites extrêmes; comme autres villes, il faut citer Uruk (ou Erech), Larsa, Ur. Les Sumériens étaient venus probablement de l'Asie du sud ou du centre. Le pays d'Akkad, situé immédiatement au nord du pays de Sumer, était peuplé de Sémites, probablement originaires d'Arabie ou de la Syrie du nord. Il avait pour capitale Agadé (ou Akkad), et pour villes principales, en montant du sud au nord, Borsippa, Babylone, Kish, Kutha, Sippar.
La part attribuable à chacun de ses peuples dans le développement de la civilisation est complexe. Dans l'ordre religieux, qui seul nous occupe ici, il semble que religion de Sumer-Akkad soit d'abord celle des Sumériens, qui en tout cas ont fourni une riche base mythologique. La religion assyro-babylonienne résulterait ainsi de la sémitisation d'un fond primitif sumérien. Quoi qu'il en soit, on ne peut douter qu'il n'y ait eu pénétration réciproque entre les religions des pays de Sumer et d'Akkad.
Sans doute, chaque cité vénérait ses divinités propres, mais elle accueillait aussi volontiers celles des cités voisines. En outre, les conquérants, lorsqu'ils soumettaient une région, y implantaient leurs dieux. Ceux-ci finissaient alors par s'identifier aux dieux locaux; de là des assimilations ou, à défaut, des filiations, des parentés. C'est de ce mélange des panthéons akkadien et sumérien, complété par les apports des époques postérieures, que se sont constituées la religion et la mythologie assyro-babyloniennes.
Dieu à tête d'aigle, découvert à Nimrud (Kalah)
(albâtre, hauteur 1,20 m, musée du Louvre).
La représentation des dieux mêle zoomorphisme et anthropomorphisme de trois manières différentes, selon la part qui prend leur caractère animal ou humain :
• On a pu concevoir les divinités simplement sous la forme d'animaux, bons ou mauvais, utiles ou redoutables à l'humain : le taureau, le lion, les grands capridés. Mais ces animaux sont représentées dans des attitudes humaines : un relief montre ainsi un taureau ramant dans une barque ou s'appuyant sur deux petits lions qu'il maintient par ses pattes de devant.
• On pouvait aussi envisager des divinités sous la forme d'entités mi-animales mi humaines. Certains personnages de la glyptique babylonienne, par exemple, sont représentés avec un buste d'homme finissant en longue queue de serpent, ou ayant des épaules duquel naissent des serpents. Cependant, cette tendance a été, en Mésopotamie, bien moins représentée qu'en Égypte.
Deux Enkidu, mi-hommes, mi-taureaux, étreignant l'arbre sacré.(Plaquette en terre cuite d'Ashunak).
• Enfin, les dieux apparaissent comme des êtres humains. Mais ils sont alors flanqués d'un animal attribut. Adad, le dieu de la foudre et de l'orage, se fait accompagner de son taureau; Ishtar, déesse de la fécondité et aussi de la guerre, de son lion et dans certains pays de la colombe, etc.
A la dualité animal/humain des dieux se superpose aussi la dualité masculin/féminin. Le principe mâle et le principe femelle de fécondité apparaissent ainsi liés dans le dieu primitif de Sumer : Enlil et de sa parèdre Ninlil, qui devint par la suite Ishtar avec tous ses attributs. Mais tandis que ces principes divins mâle et femelle, objets d'un culte dans toute l'Asie antérieure, étaient adorés sous cet aspect dans l'Asie Mineure par exemple, la Mésopotamie accorda plutôt au dieu mâle le caractère de divinité des éléments dont l'action assure la reproduction et la fécondité. Ishtar, au contraire, garda son aspect de déesse de la fécondité et conserva sa place lors du développement du panthéon assyro-babylonien.
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La religion assyro-babylonienne
Croyances et rituels en Mésopotamie
En dépit du nom qu'on a convenu de lui donner, la religion assyro-babylonienne remonte, dans ses origines et dans sa constitution, à une époque bien antérieure à l'épanouissement des cités babyloniennes et assyriennes.
Dès le début du IIIe millénaire avant J.-C., existait, dans les bassins inférieurs du Tigre et de l'Euphrate, une civilisation florissante, due à l'interpénétration de deux peuples voisins et rivaux : les Akkadiens et les Sumériens.
Le pays de Sumer, situé en bordure et au fond du golfe Persique, qui s'avançait alors beaucoup plus avant dans les terres, avait pour capitale Lagash; les villes d'Eridu, au sud, et de Nippur, au nord, marquaient ses limites extrêmes; comme autres villes, il faut citer Uruk (ou Erech), Larsa, Ur. Les Sumériens étaient venus probablement de l'Asie du sud ou du centre. Le pays d'Akkad, situé immédiatement au nord du pays de Sumer, était peuplé de Sémites, probablement originaires d'Arabie ou de la Syrie du nord. Il avait pour capitale Agadé (ou Akkad), et pour villes principales, en montant du sud au nord, Borsippa, Babylone, Kish, Kutha, Sippar.
La part attribuable à chacun de ses peuples dans le développement de la civilisation est complexe. Dans l'ordre religieux, qui seul nous occupe ici, il semble que religion de Sumer-Akkad soit d'abord celle des Sumériens, qui en tout cas ont fourni une riche base mythologique. La religion assyro-babylonienne résulterait ainsi de la sémitisation d'un fond primitif sumérien. Quoi qu'il en soit, on ne peut douter qu'il n'y ait eu pénétration réciproque entre les religions des pays de Sumer et d'Akkad.
Sans doute, chaque cité vénérait ses divinités propres, mais elle accueillait aussi volontiers celles des cités voisines. En outre, les conquérants, lorsqu'ils soumettaient une région, y implantaient leurs dieux. Ceux-ci finissaient alors par s'identifier aux dieux locaux; de là des assimilations ou, à défaut, des filiations, des parentés. C'est de ce mélange des panthéons akkadien et sumérien, complété par les apports des époques postérieures, que se sont constituées la religion et la mythologie assyro-babyloniennes.
Dieu à tête d'aigle, découvert à Nimrud (Kalah)
(albâtre, hauteur 1,20 m, musée du Louvre).
La représentation des dieux mêle zoomorphisme et anthropomorphisme de trois manières différentes, selon la part qui prend leur caractère animal ou humain :
• On a pu concevoir les divinités simplement sous la forme d'animaux, bons ou mauvais, utiles ou redoutables à l'humain : le taureau, le lion, les grands capridés. Mais ces animaux sont représentées dans des attitudes humaines : un relief montre ainsi un taureau ramant dans une barque ou s'appuyant sur deux petits lions qu'il maintient par ses pattes de devant.
• On pouvait aussi envisager des divinités sous la forme d'entités mi-animales mi humaines. Certains personnages de la glyptique babylonienne, par exemple, sont représentés avec un buste d'homme finissant en longue queue de serpent, ou ayant des épaules duquel naissent des serpents. Cependant, cette tendance a été, en Mésopotamie, bien moins représentée qu'en Égypte.
Deux Enkidu, mi-hommes, mi-taureaux, étreignant l'arbre sacré.(Plaquette en terre cuite d'Ashunak).
• Enfin, les dieux apparaissent comme des êtres humains. Mais ils sont alors flanqués d'un animal attribut. Adad, le dieu de la foudre et de l'orage, se fait accompagner de son taureau; Ishtar, déesse de la fécondité et aussi de la guerre, de son lion et dans certains pays de la colombe, etc.
A la dualité animal/humain des dieux se superpose aussi la dualité masculin/féminin. Le principe mâle et le principe femelle de fécondité apparaissent ainsi liés dans le dieu primitif de Sumer : Enlil et de sa parèdre Ninlil, qui devint par la suite Ishtar avec tous ses attributs. Mais tandis que ces principes divins mâle et femelle, objets d'un culte dans toute l'Asie antérieure, étaient adorés sous cet aspect dans l'Asie Mineure par exemple, la Mésopotamie accorda plutôt au dieu mâle le caractère de divinité des éléments dont l'action assure la reproduction et la fécondité. Ishtar, au contraire, garda son aspect de déesse de la fécondité et conserva sa place lors du développement du panthéon assyro-babylonien.
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Re: La religion assyro-babylonienne
Enlil / Bêl
Enlil, Ellil (= seigneur de l’atmosphère, en sumérien)
Dans le panthéon mésopotamien, il est avec Ea et Anu l'un des trois dieux cosmiques, plus particulièrement associé à la Terre et l'instigateur du déluge. Mais il est aussi une divinité bienfaisante, à qui on attribue l’invention de la charrue et de la pioche.
Son culte est surtout concentré à Nippour, où il porte le titre de Bêl (Seigneur) et où se trouvait son temple principal, qui portait le nom de Temple (de la) Montagne, un de ses épithètes. Ce dieu perdra progressivement de l'importance et sera peu à peu remplacé par Anu, puis par Marduk.
Dans le pays de Sumer et particulièrement à Nippur, on adorait primitivement Enlil, seigneur de l'atmosphère. Enlil était le dieu de l'ouragan, et il avait pour arme l'amaru, c'est-à-dire le déluge. Comme le Zeus des Grecs, il symbolisait les forces de la nature, et, de même que Zeus, il ne tarda pas à être considéré comme le maître des destinées humaines.
Quand les gens de Babylone annexèrent les divinités de Sumer, ils n'eurent garde d'oublier Enlil, et en firent même le deuxième élément de la triade suprême. Ils se contentèrent de changer son nom et de substituer à celui d'Enlil le nom plus général de Bêl, qui veut dire « Seigneur Bêl » est donc le seigneur par excellence, dont la domination s'exerce sur tout le monde terrestre. On l'appelle « le roi des pays », ou encore « le seigneur des régions ».
Bien qu'il ait dans le ciel, ainsi qu'Anu, sa promenade réservée, « la route de Bêl », Bêl réside d'ordinaire sur la Grande Montagne de l'Est. Il y accueille chaque année les autres dieux pour fixer les destins du monde, et, dans cette assemblée auguste, c'est à lui qu'appartient la décision suprême.
Comme Anu, Bêl est le dépositaire des insignes de la royauté, et il les dispense à la créature de son choix. Les rois ne sont donc que les représentants ou vicaires, les patésis, de Bêl.Pour qu'ils s'élèvent au-dessus des autres hommes, il suffit que le dieu prononce leur nom, car la parole de Bêl est toute-puissante :
La parole de Bêl est un souffle, l'œil ne la voit pas...
Sa parole est un déluge qui s'avance, qui n'a pas de rival,
Sa parole sur les cieux en repos fait reposer la Terre ;
...
Sa parole, lorsqu'elle marche humblement, elle détruit la contrée,
Sa parole, lorsqu'elle marche grandement, accable les maisons, elle fait pleurer le pays ! ...
A sa parole les cieux en haut se calment d'eux-mêmes...
Bêl est donc pour les hommes le dispensateur des biens et des maux.
C'est lui notamment qui, dans un jour de colère, fit pleuvoir le déluge pour anéantir l'humanité. Mais il n'hésite pas aussi à intervenir pour délivrer la terre des monstres qui l'infestent. Témoin sa lutte avec le dragon. En ce temps, les habitants des villes étaient dans la désolation, car un dragon, issu des flots de la mer, ravageait toute la contrée. Ils se lamentaient et allaient répétant :
« Qui combattra le dragon et renverra le dragon dans la mer? »
Les dieux émus tinrent conseil. Bêl leur fit la description du monstre :
« Il a, dit-il, cinquante doubles lieues de long, et sa bouche est large de six coudées. »
Tous les dieux tremblaient d'effroi, et nul n'osait affronter le monstre, bien qu'au vainqueur fût réservé le privilège de régner en maître sur la terre. Sur les exhortations de Sîn, le dieu Tichkhon cependant tenta l'entreprise, mais sans succès. Bêl à son tour essaya. En vain commença-t-il par soulever un nuage et déchaîner une affreuse tempête pour anéantir le dragon; il ne parvint à vaincre le monstre qu'en jetant sur lui le sceau de son âme. Abattu enfin, le dragon expira, après que son sang eût coulé pendant trois ans, trois mois et un jour. Et Bêl conquit de la sorte la suprématie sur la terre.
Au temps où, sous le nom d'Enlil, Bêl régnait à Nippur, il avait pour compagne Ninlil. Par la suite son épouse fut adorée sous le nom de Ninahasag (« la dame de la montagne », parce qu'avec lui, elle résidait sur la Montagne de l'Est. On l'appelait aussi Bêlit, c'est-à-dire « la Dame ». Bien qu'elle porte quelquefois le titre de mère des dieux Ninharsag ou Bêlit n'exerce sur l'olympe babylonien aucune suprématie. Par contre, elle nourrit de son lait sacré ceux que Bêl a destinés à devenir rois parmi les humains. Ainsi, grâce à elle, les souverains de la terre peuvent-ils se glorifier d'une origine céleste.
Enlil, Ellil (= seigneur de l’atmosphère, en sumérien)
Dans le panthéon mésopotamien, il est avec Ea et Anu l'un des trois dieux cosmiques, plus particulièrement associé à la Terre et l'instigateur du déluge. Mais il est aussi une divinité bienfaisante, à qui on attribue l’invention de la charrue et de la pioche.
Son culte est surtout concentré à Nippour, où il porte le titre de Bêl (Seigneur) et où se trouvait son temple principal, qui portait le nom de Temple (de la) Montagne, un de ses épithètes. Ce dieu perdra progressivement de l'importance et sera peu à peu remplacé par Anu, puis par Marduk.
Dans le pays de Sumer et particulièrement à Nippur, on adorait primitivement Enlil, seigneur de l'atmosphère. Enlil était le dieu de l'ouragan, et il avait pour arme l'amaru, c'est-à-dire le déluge. Comme le Zeus des Grecs, il symbolisait les forces de la nature, et, de même que Zeus, il ne tarda pas à être considéré comme le maître des destinées humaines.
Quand les gens de Babylone annexèrent les divinités de Sumer, ils n'eurent garde d'oublier Enlil, et en firent même le deuxième élément de la triade suprême. Ils se contentèrent de changer son nom et de substituer à celui d'Enlil le nom plus général de Bêl, qui veut dire « Seigneur Bêl » est donc le seigneur par excellence, dont la domination s'exerce sur tout le monde terrestre. On l'appelle « le roi des pays », ou encore « le seigneur des régions ».
Bien qu'il ait dans le ciel, ainsi qu'Anu, sa promenade réservée, « la route de Bêl », Bêl réside d'ordinaire sur la Grande Montagne de l'Est. Il y accueille chaque année les autres dieux pour fixer les destins du monde, et, dans cette assemblée auguste, c'est à lui qu'appartient la décision suprême.
Comme Anu, Bêl est le dépositaire des insignes de la royauté, et il les dispense à la créature de son choix. Les rois ne sont donc que les représentants ou vicaires, les patésis, de Bêl.Pour qu'ils s'élèvent au-dessus des autres hommes, il suffit que le dieu prononce leur nom, car la parole de Bêl est toute-puissante :
La parole de Bêl est un souffle, l'œil ne la voit pas...
Sa parole est un déluge qui s'avance, qui n'a pas de rival,
Sa parole sur les cieux en repos fait reposer la Terre ;
...
Sa parole, lorsqu'elle marche humblement, elle détruit la contrée,
Sa parole, lorsqu'elle marche grandement, accable les maisons, elle fait pleurer le pays ! ...
A sa parole les cieux en haut se calment d'eux-mêmes...
Bêl est donc pour les hommes le dispensateur des biens et des maux.
C'est lui notamment qui, dans un jour de colère, fit pleuvoir le déluge pour anéantir l'humanité. Mais il n'hésite pas aussi à intervenir pour délivrer la terre des monstres qui l'infestent. Témoin sa lutte avec le dragon. En ce temps, les habitants des villes étaient dans la désolation, car un dragon, issu des flots de la mer, ravageait toute la contrée. Ils se lamentaient et allaient répétant :
« Qui combattra le dragon et renverra le dragon dans la mer? »
Les dieux émus tinrent conseil. Bêl leur fit la description du monstre :
« Il a, dit-il, cinquante doubles lieues de long, et sa bouche est large de six coudées. »
Tous les dieux tremblaient d'effroi, et nul n'osait affronter le monstre, bien qu'au vainqueur fût réservé le privilège de régner en maître sur la terre. Sur les exhortations de Sîn, le dieu Tichkhon cependant tenta l'entreprise, mais sans succès. Bêl à son tour essaya. En vain commença-t-il par soulever un nuage et déchaîner une affreuse tempête pour anéantir le dragon; il ne parvint à vaincre le monstre qu'en jetant sur lui le sceau de son âme. Abattu enfin, le dragon expira, après que son sang eût coulé pendant trois ans, trois mois et un jour. Et Bêl conquit de la sorte la suprématie sur la terre.
Au temps où, sous le nom d'Enlil, Bêl régnait à Nippur, il avait pour compagne Ninlil. Par la suite son épouse fut adorée sous le nom de Ninahasag (« la dame de la montagne », parce qu'avec lui, elle résidait sur la Montagne de l'Est. On l'appelait aussi Bêlit, c'est-à-dire « la Dame ». Bien qu'elle porte quelquefois le titre de mère des dieux Ninharsag ou Bêlit n'exerce sur l'olympe babylonien aucune suprématie. Par contre, elle nourrit de son lait sacré ceux que Bêl a destinés à devenir rois parmi les humains. Ainsi, grâce à elle, les souverains de la terre peuvent-ils se glorifier d'une origine céleste.
Re: La religion assyro-babylonienne
Esprits, génies, anges et démons de l'ancienne Mésopotamie
Au-dessous des grands dieux qui personnifient les forces de l'univers et forment la cour suprême du panthéon, l'imagination des Assyro-Babyloniens avait conçu l'existence de divinités inférieures qui se comptent par milliers, si bien que leur hiérarchie et leurs attributs demeurent, la plupart du temps, dans une inextricable confusion.
Chaque ville avait sa divinité préférée et tutélaire, dont le renom de puissance était plus ou moins répandu, selon que la cité elle-même étendait son action plus ou moins loin en dehors de ses murailles. Nous connaissons, par exemple, le dieu Sita qui avait son culte dans la ville de Bit-Adar, voisine d'Arbèles, et dont le nom paraît se rapprocher de celui de Seth, le patriarche biblique.
Ailleurs, on adore particulièrement le dieu Serpent (Serah) dont l'image figure sur le caillou Michaux et sur de nombreux cylindres; il est parfois représenté avec une tête humaine comme l'Asclépios Glycon de la mythologie hellénique. Son culte très répandu, a sans doute donné naissance à l'anecdote du dragon racontée dans la Bible à la suite du Livre de Daniel.
Le dieu Serpent rappelle le reptile tentateur de la Genèse; souvenons-nous aussi du Serpent d'airain qui, à Jérusalem, au temps du roi Ézéchias, était l'objet d'un culte idolâtrique.
Un bas-relief de Koyoundjik représente un sacrifice offert dans le camp de Sennachérib à des dieux Serpents. Les deux reptiles ont des têtes de quadrupèdes et ils sont fixés par le cou a une barre transversale qui les tient suspendus; devant eux est un trépied sur lequel brûlent des parfums; plus loin, un vase posé sur un piédestal, contient l'eau du sacrifice, et deux pontifes, en adoration, récitent les prières préparatoires, tandis que le victimaire amène le bouc qui doit être immolé.
On cite un dieu Sarru-idku, en suméro-akkadien Lugal-turda, qui se métamorphose en « oiseau de la tempête », sorte d'oiseau gigantesque et fabuleux comme le rokh des contes arabes.
On nous raconte comment cet oiseau déroba un des principaux talismans de la puissance des dieux; comment Anu et Bel-Marduk ordonnèrent à Raman et à Nabu de le tuer; comment ceux-ci conseillèrent de le chasser seulement de la présence des dieux; comment enfin, à leur place, Marduk se chargea de l'œuvre de destruction qui est retracée sur plusieurs cylindres. Citons encore, entre autres, Nirba, le dieu des moissons et de la fertilité des champs; Dibbara, le dieu de la peste ou du choléra, proche parent, sans doute, du génie Namtar.
Isdubar, le héros de l'épopée mésopotamienne du déluge, est formellement donné comme un dieu dans certains textes; c'est un personnage de l'Olympe assyrien et il n'est autre que le dieu Feu (is-bar) des textes suméro-akkadiens, dont le culte paraît avoir eu beaucoup d'importance aux époques primitives; ce nom de dieu du feu qui lui est donné, explique les mythes judéo-musulmans relatifs à la fournaise de Nemrod, puisque Nemrod est assimilable à Isdubar. C'est lui qu'on invoque dans l'hymne suivant qui fait partie du grand recueil magique copié par ordre d'Assurbanipal :
Ô Feu, seigneur suprême, qui t'élèves dans le pays;
héros, fils de l'Océan, qui t'élèves dans le pays.
Feu, par ta flamme éclatante,
tu fais la lumière dans la demeure des ténèbres;
tu établis la destinée pour tout ce qui porte un nom.
Celui qui mêle le cuivre et l'étain, c'est toi; celui qui purifie l'argent et l'or, c'est toi;
le compagnon de la dame à la face cornue, c'est toi
celui qui bouleverse d'effroi la poitrine du méchant dans la nuit, c'est toi.
L'homme, fils de son dieu, que ses œuvres étincellent de pureté!
Qu'il brille comme le ciel!
Qu'il soit pur comme la terre !
Qu'il étincelle comme le milieu du ciel!
Le fleuve qui répandait la fertilité dans le pays par ses inondations périodiques, ne manqua pas, comme le Nil en Égypte, d'être divinisé et mis au nombre des esprits bienfaisants. On l'invoquait pour repousser le mauvais sort, et nous possédons un hymne, assez obscur d'ailleurs, qui lui est consacré :
Dieu Fleuve, qui pousse en avant,
qui chasse devant lui le mauvais sort pareil à un fauve redoutable,
Le mauvais sort a obscurci tous les pays comme le crépuscule du soir quand il s'élève;
Que le soleil, à son lever, dissipe l'obscurité que celui-ci a répandue, et il ne restera pas dans la maison.
Que le mauvais sort s'en aille dans le désert, le lieu éclatant de lumière!
Si, remontant maintenant dans les régions supra-terrestres, nous envisageons le côté sidérique de la religion assyro-babylonienne, nous constaterons que ce sont non seulement les grands dieux qui s'incarnent dans les astres, mais que chaque étoile, chaque constellation a son génie propre, veillant du haut du ciel sur l'humanité et pour lequel rien de ce qui se passe sur la terre n'est indifférent.
Toutes les étoiles sont des divinités d'un ordre inférieur, les unes considérées comme fastes, ce sont les anges; les autres, comme néfastes, ce sont les démons. Elles sont groupées entre elles suivant des lois rigoureuses et savantes, dictées par les scrutations astronomiques : on leur donne des noms divins au même titre que nos astronomes modernes désignent par des lettres grecques les différentes étoiles d'une même constellation.
Il y avait les lu-lim, expression suméro-akkadienne qui signifie « le bélier de tête »; c'étaient les étoiles considérées comme les plus importantes d'un groupe déterminé. L'imagination d'une société en grande partie adonné à la vie pastorale, se représentait les astres qui peuplent le firmament, comme un immense troupeau dispersé dans les espaces célestes, et chaque étoile qui paraissait conduire la marche d'un groupe d'autres, à travers le désert sans limites, était un lu-lim, un bélier de tête, ou un chef, et cette expression empruntée à la vie pastorale, devint à la longue une manière poétique de désigner, parmi les humains, un chef ou un roi.
Autour du dieu Anu, il y avait les igighs, au nombre de sept, qui habitaient dans le ciel, et dont nous avons la représentation symbolique sous la forme de sept globules, sur un grand nombre de monuments; sous les ordres de ce même dieu, étaient des esprits terrestres appelés les anunnaks (annunaku / anunnaki):
« Tu n'as qu'à parler, dit un texte, et dans le ciel les Igighs se prosternent; tu n'as qu'à parler, et, sur la terre, les Anunnaks embrassent le sol. »
Un passage de Diodore de Sicile vient fort à propos nous faire connaître ce qu'étaient au juste ces Igighs et ces anunnaks et le rôle à eux assigné dans l'astronomie assyro-babylonienne :c'étaient les dieux subordonnés aux grandes divinités zodiacales, et appelés les juges de l'univers.
« Les douze signes du zodiaque, dit Diodore, était divisés en trente-six parties, présidées à leur tour par autant d'étoiles subordonnées aux grandes divinités zodiacales et nommées dieux conseillers. De ces dieux secondaires, la moitié habite au-dessus, l'autre moitié au-dessous de la terre pour la surveiller; et tous les dix jours, l'un d'eux est envoyé en qualité de messager, de la région supérieure à l'inférieure; un autre passe de celle-ci dans celle-là, par un invariable échange. Ces trente-six dieux étaient les décans, ainsi appelés parce que chacun d'eux régnait pendant dix jours sur un tiers de signe. Et comme, chaque dixième jour, le tiers d'un signe ou la trente-sixième partie du zodiaque monte au soir sur l'horizon, tandis qu'une autre descend au-dessous, on voit que l'échange signalé n'était autre chose que le fait astronomique résultant du mouvement propre du soleil. Partageant ensuite la sphère céleste entière en dehors du zodiaque, comme ils avaient partagé le zodiaque lui-même, les Chaldéens, pour achever leur construction à la fois scientifique et religieuse, distinguaient douze étoiles ou constellations dans la partie boréale du ciel, et douze autres dans la partie australe, disant que celles-là, qui se voient, sont préposées aux vivants, et que celles-ci, invisibles, sont assignées aux morts : toutes ensemble étaient alors les juges de l'univers. »
Aux archanges qui habitent les étoiles, à ces Igighs et à ces anunnaks, il faut rapporter les représentations symboliques des astres qu'on voit sur les monuments qui figurent le monde supra-sensible. Ce sont, outre le grand croissant lunaire, le disque solaire et l'étoile d'Ishtar (Vénus), les sept globules planétaires et des tiges ou hampes verticales, parfois à plusieurs branches et à têtes d'animaux, qui sont l'image d'êtres divins dont nous ne connaissons pas les noms. On a conjecturé que les Succoth-Benoth des émigrés de Babylone sur la terre d'lsraël, dont il est question dans la Bible, sont peut-être les Pléïades. Il est impossible de rien affirmer de précis à ce sujet.
Les grands dieux, les personnifications sidérales, les génies des planètes, de l'atmosphère et de l'Océan se présentent non seulement avec des noms étranges en suméro-akkadien, mais avec un rôle et des attributs tout à fait différents de ceux qui leur sont donnés dans la religion publique et officielle. Ainsi, à la fin d'une invocation contre Namtar, le démon de la peste, les dieux sont invoqués sous les noms liturgiques qu'on leur donne dans les opérations théurgiques. Bêl prend le nom de Mul-gec; Belit, celui de Nin-gelal; Adar s'appelle Nin-dar; Nabu s'appelle Paku; Sin, Enzuna; Ishtar, Tishu; Raman, Im; Shamash, Ud.
D'après ce que nous venons de dire, il y avait pour ainsi dire, deux religions en présence : la religion publique et officielle dont les divinités essentielles sont les grands dieux; la religion cachée, mystérieuse, de la magie et de la sorcellerie, dont les divinités et les rites nous sont révélés par les documents appelés religieux par les assyriologues. On pourrait aussi nommer cette dernière, la religion des esprits, car ce sont eux qu'on invoque toujours, et dont on provoque l'intervention dans les affaires humaines.
Les textes religieux dont nous parlons, auxquels il faut joindre les nombreuses inscriptions talismaniques gravées sur les cylindres et les amulettes, attestent chez les Mésopotamiens de l'existence, au-dessous des dieux, d'une démonologie extrêmement riche. Il y a lié un monde complet d'esprits bienfaisants et d'esprits malfaisants, dont les personnalités étaient soigneusement distinguées dans l'enseignement théologique, les attributions déterminées avec précision, la hiérarchie savamment classée, comme les anges et les archanges de la théologie chrétienne.
Génie mésopotamien à tête de lion.
Génie à tête de lion chargé d'écarter
les démons des maladies.
Au sommet de l'échelle, on place deux classes d'êtres qui tiennent de plus près que les autres à la nature divine; ce sont des génies ou des demi-dieux, presque des dieux inférieurs. Les uns reçoivent le nom suméro-akkadien de mas « soldat, combattant », auquel on substitue en assyrien celui de sed « génie »; les autres, le nom suméro-akkadien de lamma « colosse », traduit en assyrien par lamas. Ces noms sont appliqués fréquemment à des génies favorables et protecteurs, sous l'égide desquels on se place. D'autres fois, ces appellations désignent des génies méchants et nuisibles dont il faut conjurer la puissance. Les Mésopotamiens avaient, ce semble, imaginé des chœurs opposés de mas ou alap bons et mauvais, de lammas méchants et favorables; souvent même ces génies avaient une double face et pouvaient, suivant les circonstances, se manifester tour à tour comme bienfaisants et funestes, protecteurs et ennemis.
Les lions ailés, sentinelles vigilantes à la porte des palais, sont des nirgalli, et leur chef de file est le grand dieu Nergal. Les taureaux ailés à têtes humaines sont appelés, tantôt sedi « génies », d'après la nature de leur essence, tantôt alpi « taureaux », d'après leur figure. On leur donnait aussi parfois le nom de kirubi. La description des kerubim dans la Bible, a des rapports frappants avec la représentation des taureaux assyriens (Chérubins).
Taureau ailé à tête humaine, génie tutélaire qui gardait
l'entrée du palais de sargon, à Khorsabad. (VIIe s. av. J.-C.; Louvre).
Les prières des fiers monarques d'Assur s'adressent fréquemment aux êtres surnaturels qui, par suite d'une opération magique, sont censés habiter dans les corps de pierre des kirubi. Assarhaddon dit à la fin de l'inscription d'un cylindre de terre cuite déposé dans les fondations de son palais :
« Dans ce palais, que le génie propice, le colosse propice, gardien des pas de ma royauté, qui réjouit ma majesté, perpétue sa présence à toujours, et jamais ses bras (de la majesté du roi) ne perdront leur force. »
Et un peu auparavant, quand il parle des travaux du palais :
«Les portes de bois de sapin aux panneaux solides, je les ai bandées de zones d'argent et d'airain, et j'en ai garni les baies de génies, de colosses de pierre, qui, comme les êtres qu'ils représentent, bouleversent (d'effroi) la poitrine du méchant, protégeant les pas, conduisant à leur accomplissement les démarches du roi qui les a formés; à droite et à gauche, j'ai fait exécuter leurs verrous. »
Les deux taureaux de la porte du temple de la fameuse ziggurat de Babylone (L'architecture en Mésopotamie), sont enregistrés dans les listes divines parmi les personnages secondaires composent la cour de Marduk, le dieu de ce temple, avec ses « deux portiers et les quatre chiens du dieu. Les mêmes listes donnent les noms des « deux taureaux de la porte de la déesse Damkîna », son épouse, comme des «-six taureaux » des trois portes « du Soleil ».
Les nombreuses images de taureaux et de lions ailés que les fouilles modernes ont mises au jour, achèvent de nous édifier sur le rôle et les formes peu variées de ces êtres fantastiques. Les uns, à tête humaine et à griffes de lion, ont des bras. Voyez ceux dont Botta enrichit en son temps le musée du Louvre. Il en est qui ont cinq pattes, ou plutôt l'une des quatre pattes est figurée deux fois, afin que le spectateur en voie toujours quatre, de quelque côté qu'il envisage le monstre. Les ailes déployées partent des épaules et s'élèvent en arrière au-dessus de la croupe; la tête est coiffée d'une tiare cylindrique ornée de plumes et de rosaces, et ceinte, à sa partie inférieure, de la double rangées de cornes, emblème de la force matérielle. Ces taureaux ont à peu près deux fois la hauteur d'un homme de grande taille.
Tête de démon assyrien.
Un petit bas-relief conservé aussi à Paris, représente un quadrupède ailé, se rapprochant des grands taureaux dont nous venons de nous entretenir, mais avec des attributs tout spéciaux. Le monstre a le corps et les pattes de devant d'un lion; les pattes de derrière, armées de serres puissantes sont celles de l'aigle; il a des oreilles de bœuf, des cornes d'aegagre; l'œil, la face et le bec entrouverts ressemblent à ceux du perroquet ou du faucon. Une crinière hérissée orne son cou fièrement cambré comme celui du cheval, et s'étend tout le long de l'épine dorsale jusqu'à la croupe; la queue, pareille à celle du lion, se redresse et se termine en trois touffes épaisses; enfin, de grandes ailes, à plumes imbriquées, qui prennent naissance au-dessus des pattes de devant, se développent en éventail. Tel est le bizarre assemblage dont on a formé un animal symbolique participant â la fois du griffon, de la chimère et du sphinx, tels que les Grecs ont figuré ces êtres fabuleux.
Les schedi et les lamassi à deux pieds sont plus fréquents encore que les quadrupèdes. Au British Museum, on en voit deux qui tiennent un bouquetin et un cerf et sont vêtus d'une sorte de chape qui descend jusqu'aux talons : sauf les ailes, ils sont entièrement humains. D'autres ont des becs d'aigle comme le dieu Nisruk, leur chef suprême. En voici un qui tient par la crinière deux chevaux ailés - comme le Pégase de la mythologie hellénique; un autre est en adoration devant l'arbre de vie; un troisième à quatre ailes, saisit par les pattes de derrière deux lions ailés à tête humaine. Le plus souvent, ils tiennent de la main droite élevée la pomme de pin, et de la gauche abaissée le panier mystique qui figure toujours, dans les scènes religieuses, à la main d'un des officiants. Qu'on prenne la peine, en un mot, de jeter un coup d'oeil sur les représentations qui décorent les cylindres en pierre dure, et l'on sera surpris de la variété infinie des scènes où figurent ces génies, et de la bizarre fécondité de l'esprit assyrien qui les a inventés; on comprendra aussi, en même temps, les difficultés qu'éprouve aujourd'hui l'archéologue pour retrouver l'idée qui a présidé à une conception de ce genre et la signification originaire de pareils symboles.
Au-dessous de ces schedi, de ces lamassi, de ces kirubi qui sont les grands lions ailés, les grands taureaux ailés et les êtres fantastiques du cycle de Nergal et de Nisruk, les textes religieux mentionnent d'autres esprits moins puissants, d'un ordre inférieur, mais essentiellement mauvais, les génies du mal ou démons proprement dits. Il y eu a d'innombrables légions.Dans chaque groupe, ces êtres sont au nombre de sept; ils vont sept par sept, revêtant les formes les plus grotesques et les déguisements les plus propres à tromper l'homme à la perte duquel ils s'acharnent. Les plus puissants et les plus redoutables sont ceux qui ont un caractère cosmique, dont l'action s'exerce sur l'ordre général de la nature et qui peuvent le troubler par leur méchanceté. Dans une formule, on place dans le ciel sept mauvais esprits, « sept fantômes de flammes », sept démons, « des sphères ignées »,qui forment exactement la contre-partie des sept dieux des planètes, investis du gouvernement de l'univers. Une autre formule mentionne les sept esprits de l'abîme : ce sont certainement les sept maskin ou « tendeurs de pièges », démons qui résident au fond de l'Océan et qui dépassent tous les autres en puissance et en terreur.
Ils sont sept; ils sont sept.
Au plus profond de l'Océan, ils sont sept; perturbateurs du ciel, ils sont sept.
Au plus profond de l'Océan, dans la retraite secrète, ils grandissent.
Ils ne sont ni mâles ni femelles;
eux, en chaîne ils s'étendent;
ils n'ont pas d'épouse, ils ne produisent pas d'enfant.
Ils ne connaissent ni le bon ordre, ni la générosité bienfaisante; ils n'écoutent ni prière ni supplication.
Vermine qui grandit dans la montagne, ils sont les ennemis d'Êa;
ils sont les agents de destruction des dieux.
Renversant la selle du cavalier, ils s'établissent sur les routes.
Ils sont ennemis; ils sont ennemis.
Ils sont sept, ils sont sept, ils sont sept (bis).
Ces monstres font leur demeure habituelle dans les lieux incultes, malsains et sauvages; c'est de là qu'ils viennent rôder dans les endroits habités pour tourmenter les humains. Issus de l'aral, l'empire ténébreux de Mul-ge, les diables affectionnent particulièrement les ténèbres, et c'est pendant la nuit, surtout, qu'ils attaquent l'humain et rôdent autour des habitations pour y semer l'épouvante.
Dieu à tête d'aigle, découvert à Nimrud
On nous dit que « l'utuq habite le désert, le mas se tient sur les sommets, le gigim erre dans le désert, le telal se glisse dans les villes. Mais c'est surtout le désert qui est leur réceptacle. A chaque instant, dans les textes magiques, il est question des démons qui guettent l'homme du fond du désert; les exorcismes, nous l'avons vu, ont pour objet de les repousser dans ces solitudes privées de vie. L'habitation des démons dans le désert était, du reste, une croyance générale en Syrie aussi bien qu'en Mésopotamie, et les prophètes d'Israël eux-mêmes ont adopté cette opinion populaire. Quand Isaïe décrit la dévastation d'Edom, il dit :
« Les épines croîtront dans ses palais, les ronces et les chardons dans ses forteresses; ce sera la demeure des chacals, le repaire des autruches.
Les animaux du désert, y rencontreront les chiens sauvages, et les démons s'appelleront les uns les autres; là seulement Lilith fera sa demeure et trouvera son lieu de repos. »
A la suite de ces démons actifs, à la puissance desquels on attribue tout mal, prennent rang ceux qui, sans avoir une action aussi directe, se manifestent par des apparitions effrayantes et sont dans un étroit rapport avec les ombres des morts enfermées sous la terre, dans les sombres demeures du pays immuable, qui correspond exactement au schéol des anciens Hébreux.
Tels sont « le innin et l'uruku énormes », sortes de lémures et de larves.
Mais les trois principaux êtres de cette classe sont le fantôme (labartu), le spectre (labassu) et le vampire (ahharu). Les deux premiers épouvantent seulement par leur aspect le vampire « attaque l'homme. »
Un des démons femelles les plus importants et les plus dangereux est Lilith qui a persisté dans la démonologie rabbinique et même arabe. On la trouve, mentionnée dans la prophétie contre Édom.
Chez les rabbins des bas temps du judaïsme, la Lilith est une strige, une sorte de lamie ou d'empuse qui enlève les petits enfants pour les mettre à mort; dans les livres des Mendaïtes, elle est, de même, censée s'introduire auprès du lit des femmes en couches pour tuer les nouveau-nés. Dans les mêmes écrits comme dans la littérature magique des assyro-babyloniens, Lilith est un démon d'impureté dont les criminels amusements donnent naissance à des démons lascifs, les hengê et les séirim : ce sont les faunes et les satyres de la mythologie assyrienne.
Au-dessous des grands dieux qui personnifient les forces de l'univers et forment la cour suprême du panthéon, l'imagination des Assyro-Babyloniens avait conçu l'existence de divinités inférieures qui se comptent par milliers, si bien que leur hiérarchie et leurs attributs demeurent, la plupart du temps, dans une inextricable confusion.
Chaque ville avait sa divinité préférée et tutélaire, dont le renom de puissance était plus ou moins répandu, selon que la cité elle-même étendait son action plus ou moins loin en dehors de ses murailles. Nous connaissons, par exemple, le dieu Sita qui avait son culte dans la ville de Bit-Adar, voisine d'Arbèles, et dont le nom paraît se rapprocher de celui de Seth, le patriarche biblique.
Ailleurs, on adore particulièrement le dieu Serpent (Serah) dont l'image figure sur le caillou Michaux et sur de nombreux cylindres; il est parfois représenté avec une tête humaine comme l'Asclépios Glycon de la mythologie hellénique. Son culte très répandu, a sans doute donné naissance à l'anecdote du dragon racontée dans la Bible à la suite du Livre de Daniel.
Le dieu Serpent rappelle le reptile tentateur de la Genèse; souvenons-nous aussi du Serpent d'airain qui, à Jérusalem, au temps du roi Ézéchias, était l'objet d'un culte idolâtrique.
Un bas-relief de Koyoundjik représente un sacrifice offert dans le camp de Sennachérib à des dieux Serpents. Les deux reptiles ont des têtes de quadrupèdes et ils sont fixés par le cou a une barre transversale qui les tient suspendus; devant eux est un trépied sur lequel brûlent des parfums; plus loin, un vase posé sur un piédestal, contient l'eau du sacrifice, et deux pontifes, en adoration, récitent les prières préparatoires, tandis que le victimaire amène le bouc qui doit être immolé.
On cite un dieu Sarru-idku, en suméro-akkadien Lugal-turda, qui se métamorphose en « oiseau de la tempête », sorte d'oiseau gigantesque et fabuleux comme le rokh des contes arabes.
On nous raconte comment cet oiseau déroba un des principaux talismans de la puissance des dieux; comment Anu et Bel-Marduk ordonnèrent à Raman et à Nabu de le tuer; comment ceux-ci conseillèrent de le chasser seulement de la présence des dieux; comment enfin, à leur place, Marduk se chargea de l'œuvre de destruction qui est retracée sur plusieurs cylindres. Citons encore, entre autres, Nirba, le dieu des moissons et de la fertilité des champs; Dibbara, le dieu de la peste ou du choléra, proche parent, sans doute, du génie Namtar.
Isdubar, le héros de l'épopée mésopotamienne du déluge, est formellement donné comme un dieu dans certains textes; c'est un personnage de l'Olympe assyrien et il n'est autre que le dieu Feu (is-bar) des textes suméro-akkadiens, dont le culte paraît avoir eu beaucoup d'importance aux époques primitives; ce nom de dieu du feu qui lui est donné, explique les mythes judéo-musulmans relatifs à la fournaise de Nemrod, puisque Nemrod est assimilable à Isdubar. C'est lui qu'on invoque dans l'hymne suivant qui fait partie du grand recueil magique copié par ordre d'Assurbanipal :
Ô Feu, seigneur suprême, qui t'élèves dans le pays;
héros, fils de l'Océan, qui t'élèves dans le pays.
Feu, par ta flamme éclatante,
tu fais la lumière dans la demeure des ténèbres;
tu établis la destinée pour tout ce qui porte un nom.
Celui qui mêle le cuivre et l'étain, c'est toi; celui qui purifie l'argent et l'or, c'est toi;
le compagnon de la dame à la face cornue, c'est toi
celui qui bouleverse d'effroi la poitrine du méchant dans la nuit, c'est toi.
L'homme, fils de son dieu, que ses œuvres étincellent de pureté!
Qu'il brille comme le ciel!
Qu'il soit pur comme la terre !
Qu'il étincelle comme le milieu du ciel!
Le fleuve qui répandait la fertilité dans le pays par ses inondations périodiques, ne manqua pas, comme le Nil en Égypte, d'être divinisé et mis au nombre des esprits bienfaisants. On l'invoquait pour repousser le mauvais sort, et nous possédons un hymne, assez obscur d'ailleurs, qui lui est consacré :
Dieu Fleuve, qui pousse en avant,
qui chasse devant lui le mauvais sort pareil à un fauve redoutable,
Le mauvais sort a obscurci tous les pays comme le crépuscule du soir quand il s'élève;
Que le soleil, à son lever, dissipe l'obscurité que celui-ci a répandue, et il ne restera pas dans la maison.
Que le mauvais sort s'en aille dans le désert, le lieu éclatant de lumière!
Si, remontant maintenant dans les régions supra-terrestres, nous envisageons le côté sidérique de la religion assyro-babylonienne, nous constaterons que ce sont non seulement les grands dieux qui s'incarnent dans les astres, mais que chaque étoile, chaque constellation a son génie propre, veillant du haut du ciel sur l'humanité et pour lequel rien de ce qui se passe sur la terre n'est indifférent.
Toutes les étoiles sont des divinités d'un ordre inférieur, les unes considérées comme fastes, ce sont les anges; les autres, comme néfastes, ce sont les démons. Elles sont groupées entre elles suivant des lois rigoureuses et savantes, dictées par les scrutations astronomiques : on leur donne des noms divins au même titre que nos astronomes modernes désignent par des lettres grecques les différentes étoiles d'une même constellation.
Il y avait les lu-lim, expression suméro-akkadienne qui signifie « le bélier de tête »; c'étaient les étoiles considérées comme les plus importantes d'un groupe déterminé. L'imagination d'une société en grande partie adonné à la vie pastorale, se représentait les astres qui peuplent le firmament, comme un immense troupeau dispersé dans les espaces célestes, et chaque étoile qui paraissait conduire la marche d'un groupe d'autres, à travers le désert sans limites, était un lu-lim, un bélier de tête, ou un chef, et cette expression empruntée à la vie pastorale, devint à la longue une manière poétique de désigner, parmi les humains, un chef ou un roi.
Autour du dieu Anu, il y avait les igighs, au nombre de sept, qui habitaient dans le ciel, et dont nous avons la représentation symbolique sous la forme de sept globules, sur un grand nombre de monuments; sous les ordres de ce même dieu, étaient des esprits terrestres appelés les anunnaks (annunaku / anunnaki):
« Tu n'as qu'à parler, dit un texte, et dans le ciel les Igighs se prosternent; tu n'as qu'à parler, et, sur la terre, les Anunnaks embrassent le sol. »
Un passage de Diodore de Sicile vient fort à propos nous faire connaître ce qu'étaient au juste ces Igighs et ces anunnaks et le rôle à eux assigné dans l'astronomie assyro-babylonienne :c'étaient les dieux subordonnés aux grandes divinités zodiacales, et appelés les juges de l'univers.
« Les douze signes du zodiaque, dit Diodore, était divisés en trente-six parties, présidées à leur tour par autant d'étoiles subordonnées aux grandes divinités zodiacales et nommées dieux conseillers. De ces dieux secondaires, la moitié habite au-dessus, l'autre moitié au-dessous de la terre pour la surveiller; et tous les dix jours, l'un d'eux est envoyé en qualité de messager, de la région supérieure à l'inférieure; un autre passe de celle-ci dans celle-là, par un invariable échange. Ces trente-six dieux étaient les décans, ainsi appelés parce que chacun d'eux régnait pendant dix jours sur un tiers de signe. Et comme, chaque dixième jour, le tiers d'un signe ou la trente-sixième partie du zodiaque monte au soir sur l'horizon, tandis qu'une autre descend au-dessous, on voit que l'échange signalé n'était autre chose que le fait astronomique résultant du mouvement propre du soleil. Partageant ensuite la sphère céleste entière en dehors du zodiaque, comme ils avaient partagé le zodiaque lui-même, les Chaldéens, pour achever leur construction à la fois scientifique et religieuse, distinguaient douze étoiles ou constellations dans la partie boréale du ciel, et douze autres dans la partie australe, disant que celles-là, qui se voient, sont préposées aux vivants, et que celles-ci, invisibles, sont assignées aux morts : toutes ensemble étaient alors les juges de l'univers. »
Aux archanges qui habitent les étoiles, à ces Igighs et à ces anunnaks, il faut rapporter les représentations symboliques des astres qu'on voit sur les monuments qui figurent le monde supra-sensible. Ce sont, outre le grand croissant lunaire, le disque solaire et l'étoile d'Ishtar (Vénus), les sept globules planétaires et des tiges ou hampes verticales, parfois à plusieurs branches et à têtes d'animaux, qui sont l'image d'êtres divins dont nous ne connaissons pas les noms. On a conjecturé que les Succoth-Benoth des émigrés de Babylone sur la terre d'lsraël, dont il est question dans la Bible, sont peut-être les Pléïades. Il est impossible de rien affirmer de précis à ce sujet.
Les grands dieux, les personnifications sidérales, les génies des planètes, de l'atmosphère et de l'Océan se présentent non seulement avec des noms étranges en suméro-akkadien, mais avec un rôle et des attributs tout à fait différents de ceux qui leur sont donnés dans la religion publique et officielle. Ainsi, à la fin d'une invocation contre Namtar, le démon de la peste, les dieux sont invoqués sous les noms liturgiques qu'on leur donne dans les opérations théurgiques. Bêl prend le nom de Mul-gec; Belit, celui de Nin-gelal; Adar s'appelle Nin-dar; Nabu s'appelle Paku; Sin, Enzuna; Ishtar, Tishu; Raman, Im; Shamash, Ud.
D'après ce que nous venons de dire, il y avait pour ainsi dire, deux religions en présence : la religion publique et officielle dont les divinités essentielles sont les grands dieux; la religion cachée, mystérieuse, de la magie et de la sorcellerie, dont les divinités et les rites nous sont révélés par les documents appelés religieux par les assyriologues. On pourrait aussi nommer cette dernière, la religion des esprits, car ce sont eux qu'on invoque toujours, et dont on provoque l'intervention dans les affaires humaines.
Démons à têtes de lion et à griffes d'aigle du palais d'Assurbanipal à Koyoundjik (British Museum).
Les textes religieux dont nous parlons, auxquels il faut joindre les nombreuses inscriptions talismaniques gravées sur les cylindres et les amulettes, attestent chez les Mésopotamiens de l'existence, au-dessous des dieux, d'une démonologie extrêmement riche. Il y a lié un monde complet d'esprits bienfaisants et d'esprits malfaisants, dont les personnalités étaient soigneusement distinguées dans l'enseignement théologique, les attributions déterminées avec précision, la hiérarchie savamment classée, comme les anges et les archanges de la théologie chrétienne.
Génie mésopotamien à tête de lion.
Génie à tête de lion chargé d'écarter
les démons des maladies.
Au sommet de l'échelle, on place deux classes d'êtres qui tiennent de plus près que les autres à la nature divine; ce sont des génies ou des demi-dieux, presque des dieux inférieurs. Les uns reçoivent le nom suméro-akkadien de mas « soldat, combattant », auquel on substitue en assyrien celui de sed « génie »; les autres, le nom suméro-akkadien de lamma « colosse », traduit en assyrien par lamas. Ces noms sont appliqués fréquemment à des génies favorables et protecteurs, sous l'égide desquels on se place. D'autres fois, ces appellations désignent des génies méchants et nuisibles dont il faut conjurer la puissance. Les Mésopotamiens avaient, ce semble, imaginé des chœurs opposés de mas ou alap bons et mauvais, de lammas méchants et favorables; souvent même ces génies avaient une double face et pouvaient, suivant les circonstances, se manifester tour à tour comme bienfaisants et funestes, protecteurs et ennemis.
Les lions ailés, sentinelles vigilantes à la porte des palais, sont des nirgalli, et leur chef de file est le grand dieu Nergal. Les taureaux ailés à têtes humaines sont appelés, tantôt sedi « génies », d'après la nature de leur essence, tantôt alpi « taureaux », d'après leur figure. On leur donnait aussi parfois le nom de kirubi. La description des kerubim dans la Bible, a des rapports frappants avec la représentation des taureaux assyriens (Chérubins).
Taureau ailé à tête humaine, génie tutélaire qui gardait
l'entrée du palais de sargon, à Khorsabad. (VIIe s. av. J.-C.; Louvre).
Les prières des fiers monarques d'Assur s'adressent fréquemment aux êtres surnaturels qui, par suite d'une opération magique, sont censés habiter dans les corps de pierre des kirubi. Assarhaddon dit à la fin de l'inscription d'un cylindre de terre cuite déposé dans les fondations de son palais :
« Dans ce palais, que le génie propice, le colosse propice, gardien des pas de ma royauté, qui réjouit ma majesté, perpétue sa présence à toujours, et jamais ses bras (de la majesté du roi) ne perdront leur force. »
Et un peu auparavant, quand il parle des travaux du palais :
«Les portes de bois de sapin aux panneaux solides, je les ai bandées de zones d'argent et d'airain, et j'en ai garni les baies de génies, de colosses de pierre, qui, comme les êtres qu'ils représentent, bouleversent (d'effroi) la poitrine du méchant, protégeant les pas, conduisant à leur accomplissement les démarches du roi qui les a formés; à droite et à gauche, j'ai fait exécuter leurs verrous. »
Les deux taureaux de la porte du temple de la fameuse ziggurat de Babylone (L'architecture en Mésopotamie), sont enregistrés dans les listes divines parmi les personnages secondaires composent la cour de Marduk, le dieu de ce temple, avec ses « deux portiers et les quatre chiens du dieu. Les mêmes listes donnent les noms des « deux taureaux de la porte de la déesse Damkîna », son épouse, comme des «-six taureaux » des trois portes « du Soleil ».
Les nombreuses images de taureaux et de lions ailés que les fouilles modernes ont mises au jour, achèvent de nous édifier sur le rôle et les formes peu variées de ces êtres fantastiques. Les uns, à tête humaine et à griffes de lion, ont des bras. Voyez ceux dont Botta enrichit en son temps le musée du Louvre. Il en est qui ont cinq pattes, ou plutôt l'une des quatre pattes est figurée deux fois, afin que le spectateur en voie toujours quatre, de quelque côté qu'il envisage le monstre. Les ailes déployées partent des épaules et s'élèvent en arrière au-dessus de la croupe; la tête est coiffée d'une tiare cylindrique ornée de plumes et de rosaces, et ceinte, à sa partie inférieure, de la double rangées de cornes, emblème de la force matérielle. Ces taureaux ont à peu près deux fois la hauteur d'un homme de grande taille.
Tête de démon assyrien.
Un petit bas-relief conservé aussi à Paris, représente un quadrupède ailé, se rapprochant des grands taureaux dont nous venons de nous entretenir, mais avec des attributs tout spéciaux. Le monstre a le corps et les pattes de devant d'un lion; les pattes de derrière, armées de serres puissantes sont celles de l'aigle; il a des oreilles de bœuf, des cornes d'aegagre; l'œil, la face et le bec entrouverts ressemblent à ceux du perroquet ou du faucon. Une crinière hérissée orne son cou fièrement cambré comme celui du cheval, et s'étend tout le long de l'épine dorsale jusqu'à la croupe; la queue, pareille à celle du lion, se redresse et se termine en trois touffes épaisses; enfin, de grandes ailes, à plumes imbriquées, qui prennent naissance au-dessus des pattes de devant, se développent en éventail. Tel est le bizarre assemblage dont on a formé un animal symbolique participant â la fois du griffon, de la chimère et du sphinx, tels que les Grecs ont figuré ces êtres fabuleux.
Les schedi et les lamassi à deux pieds sont plus fréquents encore que les quadrupèdes. Au British Museum, on en voit deux qui tiennent un bouquetin et un cerf et sont vêtus d'une sorte de chape qui descend jusqu'aux talons : sauf les ailes, ils sont entièrement humains. D'autres ont des becs d'aigle comme le dieu Nisruk, leur chef suprême. En voici un qui tient par la crinière deux chevaux ailés - comme le Pégase de la mythologie hellénique; un autre est en adoration devant l'arbre de vie; un troisième à quatre ailes, saisit par les pattes de derrière deux lions ailés à tête humaine. Le plus souvent, ils tiennent de la main droite élevée la pomme de pin, et de la gauche abaissée le panier mystique qui figure toujours, dans les scènes religieuses, à la main d'un des officiants. Qu'on prenne la peine, en un mot, de jeter un coup d'oeil sur les représentations qui décorent les cylindres en pierre dure, et l'on sera surpris de la variété infinie des scènes où figurent ces génies, et de la bizarre fécondité de l'esprit assyrien qui les a inventés; on comprendra aussi, en même temps, les difficultés qu'éprouve aujourd'hui l'archéologue pour retrouver l'idée qui a présidé à une conception de ce genre et la signification originaire de pareils symboles.
Au-dessous de ces schedi, de ces lamassi, de ces kirubi qui sont les grands lions ailés, les grands taureaux ailés et les êtres fantastiques du cycle de Nergal et de Nisruk, les textes religieux mentionnent d'autres esprits moins puissants, d'un ordre inférieur, mais essentiellement mauvais, les génies du mal ou démons proprement dits. Il y eu a d'innombrables légions.Dans chaque groupe, ces êtres sont au nombre de sept; ils vont sept par sept, revêtant les formes les plus grotesques et les déguisements les plus propres à tromper l'homme à la perte duquel ils s'acharnent. Les plus puissants et les plus redoutables sont ceux qui ont un caractère cosmique, dont l'action s'exerce sur l'ordre général de la nature et qui peuvent le troubler par leur méchanceté. Dans une formule, on place dans le ciel sept mauvais esprits, « sept fantômes de flammes », sept démons, « des sphères ignées »,qui forment exactement la contre-partie des sept dieux des planètes, investis du gouvernement de l'univers. Une autre formule mentionne les sept esprits de l'abîme : ce sont certainement les sept maskin ou « tendeurs de pièges », démons qui résident au fond de l'Océan et qui dépassent tous les autres en puissance et en terreur.
Ils sont sept; ils sont sept.
Au plus profond de l'Océan, ils sont sept; perturbateurs du ciel, ils sont sept.
Au plus profond de l'Océan, dans la retraite secrète, ils grandissent.
Ils ne sont ni mâles ni femelles;
eux, en chaîne ils s'étendent;
ils n'ont pas d'épouse, ils ne produisent pas d'enfant.
Ils ne connaissent ni le bon ordre, ni la générosité bienfaisante; ils n'écoutent ni prière ni supplication.
Vermine qui grandit dans la montagne, ils sont les ennemis d'Êa;
ils sont les agents de destruction des dieux.
Renversant la selle du cavalier, ils s'établissent sur les routes.
Ils sont ennemis; ils sont ennemis.
Ils sont sept, ils sont sept, ils sont sept (bis).
Ces monstres font leur demeure habituelle dans les lieux incultes, malsains et sauvages; c'est de là qu'ils viennent rôder dans les endroits habités pour tourmenter les humains. Issus de l'aral, l'empire ténébreux de Mul-ge, les diables affectionnent particulièrement les ténèbres, et c'est pendant la nuit, surtout, qu'ils attaquent l'humain et rôdent autour des habitations pour y semer l'épouvante.
Dieu à tête d'aigle, découvert à Nimrud
On nous dit que « l'utuq habite le désert, le mas se tient sur les sommets, le gigim erre dans le désert, le telal se glisse dans les villes. Mais c'est surtout le désert qui est leur réceptacle. A chaque instant, dans les textes magiques, il est question des démons qui guettent l'homme du fond du désert; les exorcismes, nous l'avons vu, ont pour objet de les repousser dans ces solitudes privées de vie. L'habitation des démons dans le désert était, du reste, une croyance générale en Syrie aussi bien qu'en Mésopotamie, et les prophètes d'Israël eux-mêmes ont adopté cette opinion populaire. Quand Isaïe décrit la dévastation d'Edom, il dit :
« Les épines croîtront dans ses palais, les ronces et les chardons dans ses forteresses; ce sera la demeure des chacals, le repaire des autruches.
Les animaux du désert, y rencontreront les chiens sauvages, et les démons s'appelleront les uns les autres; là seulement Lilith fera sa demeure et trouvera son lieu de repos. »
A la suite de ces démons actifs, à la puissance desquels on attribue tout mal, prennent rang ceux qui, sans avoir une action aussi directe, se manifestent par des apparitions effrayantes et sont dans un étroit rapport avec les ombres des morts enfermées sous la terre, dans les sombres demeures du pays immuable, qui correspond exactement au schéol des anciens Hébreux.
Tels sont « le innin et l'uruku énormes », sortes de lémures et de larves.
Mais les trois principaux êtres de cette classe sont le fantôme (labartu), le spectre (labassu) et le vampire (ahharu). Les deux premiers épouvantent seulement par leur aspect le vampire « attaque l'homme. »
Un des démons femelles les plus importants et les plus dangereux est Lilith qui a persisté dans la démonologie rabbinique et même arabe. On la trouve, mentionnée dans la prophétie contre Édom.
Chez les rabbins des bas temps du judaïsme, la Lilith est une strige, une sorte de lamie ou d'empuse qui enlève les petits enfants pour les mettre à mort; dans les livres des Mendaïtes, elle est, de même, censée s'introduire auprès du lit des femmes en couches pour tuer les nouveau-nés. Dans les mêmes écrits comme dans la littérature magique des assyro-babyloniens, Lilith est un démon d'impureté dont les criminels amusements donnent naissance à des démons lascifs, les hengê et les séirim : ce sont les faunes et les satyres de la mythologie assyrienne.
Re: La religion assyro-babylonienne
La mort et l'au-delà en Mésopotamie
« Les Babyloniens, dit Hérodote, embaument leurs morts dans du miel; leurs lamentations funèbres sont à peu près les mêmes que celles des Égyptiens. »
Malgré ce que ce témoignage a de vague et d'invraisemblable, c'est à peu près tout ce que nous savons des usages funéraires des Assyriens et des Babyloniens.
Les sculpteurs de Ninive et de Babylone ont évité de reproduire des cérémonies funèbres sur les bas-reliefs des palais, de même que jamais, dans leurs batailles, ils n'ont fait figurer un Assyrien tombant sous les coups de l'ennemi; ne dirait-on pas qu'ils aient voulu faire croire aux générations futures que la mort était impuissante à moissonner les rangs des fils d'Assur et que la protection de leurs dieux, les avait, comme Achille, rendus invulnérables. Aussi, tandis que la vallée du Nil est pleine de tombeaux, que nous retrouvons les cadavres embaumés des anciens Égyptiens, leurs hypogées richement décorés de peintures et de bas-reliefs, les ruines de la Mésopotamie n'offrent-elles rien d'analogue? Il y a bien ici aussi de grandes nécropoles, souvent placées à la périphéries des villes, mais les sépultures n'ont pas le caractère spectaculaire de celles que l'on rencontre en Égypte. Parfois il s'agissait de simples fosses, d'autres fois on a affaire à de vrais tombeaux maçonnés, dotés même à l'occasion de plusieurs chambres funéraires. Le statut social des défunts expliquait ces différences, que l'on note aussi dans le mobilier funéraire qui les accompagnait. Les rois se faisaient inhumer dans leur palais.
On a la preuve que l'embaumement était pratiqué en Mésopotamie comme en Égypte; le corps était étendu sur une natte, la tête reposant sur un coussin, les membres et le buste enveloppés de bandelettes enduites de bitume. On déposait à côté du défunt les objets qui lui avaient été chers pendant la vie : le cylindre qui lui avait servi de cachet, ses armes si c'était un guerrier; des bijoux, des boîtes à fard et à parfums quand c'étaient des femmes. De grandes jarres d'argile remplies de liqueurs fermentées, des écuelles dans lesquelles on a recueilli des noyaux de dattes, des os de sangliers et de poulet, des arêtes de poisson, étaient l'image symbolique de la nourriture de la substance invisible et surnaturelle qui survivait à la tombe; on déposait enfin, dès l'antiquité la plus reculée, des statuettes funéraires, comme en Égypte, à côté du cadavre : c'était des images d'Allat en terre cuite.
Allāt on a camel. Bas-relief from Taif, Saudi Arabia, around 100 AD
Allāt-Minerva. Statue of the 2nd century AD from
As-Suwayda, Syria. National Museum of Damascus
Le caveau funéraire était inviolable et sacré; c'était un crime de laisser un cadavre sans sépulture et de profaner un cercueil. La plus grande calamité qui pût accabler un mortel, c'était que son corps demeurât abandonné et exposé à devenir la pâture des chiens et des chacals. Aussi avait-on pris des précautions inouïes pour empêcher qu'une cause, même toute naturelle, vint troubler dans son éternel sommeil la dépouille sans vie déposée dans la tombe : les ingénieux artifices auxquels se livrèrent dans ce but les architectes chaldéens contrastent avec la pauvreté monumentale du tombeau, et méritent, à cause de cela, de fixer un instant notre attention. Le voyageur anglais Taylor a décrit minutieusement la grande nécropole d'Ur, et voici comment Perrot et Chipiez ont résumé les observations de cet auteur :
« Le sommet de ces buttes qui ont servi de cimetière aux plus vieilles cités, est pavé en briques cuites; la masse de la colline artificielle est faite de cercueils empilés, que séparent des cloisons et des lits de cette même matière. Pour assurer la conservation des corps et des objets ensevelis avec eux, il fallait rejeter promptement au dehors tous les liquides qui naîtraient de la corruption des cadavres, et, que verseraient les chutes de pluie; on avait donc ménagé des suites nombreuses de drains disposés dans le sens vertical; c'était une vraie canalisation. De longs conduits de terre cuite partent du dallage supérieur, sur lequel ils s'ouvrent par une étroite embouchure ; ils sont composés d'une série de tubes ou de manchons qui ont chacun environ 0,60 m de haut, et 0,45 m de diamètre; il y en a quelquefois jusqu'à quarante de superposés. Les tubes sont lutés par une mince couche de bitume. Pour les rendre plus résistants, on leur a donné une légère courbure concave et on les a remplis de tessons; cette garniture intérieure n'empêche pas le passage des eaux, mais elle appuie et soutient la paroi. Celle-ci n'est d'ailleurs pas, extérieurement, en contact avec la brique; dans toute sa hauteur, le conduit n'est entouré que de ces mêmes tessons. Ces débris de poterie ont du jeu; ils ne pèsent pas lourd; avec le cylindre qu'ils protègent, ils forment ainsi, de place en place, au milieu de la construction compacte, comme des cages carrées, comme des cheminées, larges d'environ 1,20 m. Toutes les précautions avaient été prises pour capter les eaux que les orages jetteraient sur les terrasses. On ne s'est pas contenté de l'orifice qui s'ouvre, au sommet de chaque colonne de tubes, entre les briques du pavage; tout le chapeau conique dont il fait partie est percé de petits trous qui en font une sorte de passoire. L'humidité qui aurait réussi à filtrer entre les joints des dalles serait ainsi recueillie; s'il était encore quelques gouttes qui ne parvenaient pas à pénétrer dans l'intérieur des drains, elles glisseraient entre tous ces morceaux de vases. Tant par les tubes mêmes que par les interstices de cette enveloppe, tous les liquides qu'il s'agissait d'éliminer arriveraient sans difficulté jusqu'au niveau du sol; là, sans doute, ils devaient être recueillis dans des canaux en pente qui les emportaient au loin, canaux que dissimule aujourd'hui l'amas de décombres où se cache et disparaît le pied de toutes ces buttes. Ce qui prouve que les dispositions avaient été bien calculées, c'est que le résultat voulu s'est trouvé atteint; grâce à ce drainage, ces tertres funéraires, quoique abandonnés à eux-mêmes, sont restés, jusqu'à nos jours, parfaitement secs. Ce ne sont pas seulement les cercueils qui s'y sont conservés intacts, avec les objets de terre cuite ou de métal qu'ils contenaient, ce sont aussi les squelettes. Ceux-ci se réduisent en poussière quand on y touche; mais an moment où l'on ouvrait la caisse de terre cuite qui les renferme, ils semblaient n'avoir pas souffert de l'action du temps ». (P. et Ch, Histoire de l'art, t. II).
Tels étaient les soins qu'on donnait à la sépulture.
Les Assyro-Babyloniens croyaient que le monument funéraire était hanté par l'âme immatérielle (ekimu) qui s'était dégagée du corps au moment de la mort.
Si la tombe était respectée, l'ekim devenait pour les parents, amis ou voisins du défunt, un démon protecteur qui veillait sur eux et les protégeait, en reconnaissance de leur piété; si la tombe était violée par la faute des parents ou des amis, ceux-ci étaient accablés de maux par l'ekim errant et malheureux.
Le plus grand malheur qui pût arriver à l'homme, c'était d'être privé de sépulture; son âme repoussée par les autres âmes, privée de libations et de sacrifices, se trouvait accablée de maux et en proie à l'action pernicieuse des mauvais esprits.
Aussi, quand les monarques assyriens veulent se venger de leurs ennemis, ils vont violer les tombeaux de leurs familles et jeter au vent les cendres de leurs pères. Dans sa campagne contre Suse, Assurbanipal raconte ainsi qu'il saccagea la nécropole royale :
« Les tombeaux de leurs rois anciens et récents, de ces rois qui n'avaient, pas redouté Assur et Ishtar, mes seigneurs, et qui avaient fait la guerre aux rois, mes pères, je les renversai, je les démolis et je les exposai à la lumière du soleil;puis, j'emportai leurs cadavres en Assyrie. Je laissai leurs ombres sans sépulture, je les privai des offrandes de ceux qui leur devaient des libations. »
Ce que nous venons de raconter, d'après les documents originaux, est suffisamment éloquent pour que nous ne puissions tenir aucun compte ni de ce qu'Hérodote rapporte au sujet du tombeau gigantesque que la reine Nitocris se serait fait élever à grands frais à l'une des portes de Babylone, ni de ce que raconte Diodore d'après Ctésias, du tombeau de Ninus, ni enfin des traditions populaires recueillies par Strabon au sujet du monument de Tarse en Cilicie, connu sous la fausse dénomination de « Tombeau de Sardanapale ». Mais nous sommes naturellement conduits à nous demander sous l'empire de quelles idées de piété et de religion les Mésopotamiens honoraient les mânes de leurs ancêtres, quelle était la nature de cet ekim qui se dégage du corps après la mort, quelles étaient, en un mot, la doctrine des Assyro-Babyloniens sur l'autre vie.
Problème philosophique important qui a une connexion immédiate avec une question passionnément agitée autrefois par divers auteurs : celle de la croyance des Sémites et en particulier des Hébreux à l'immortalité de l'âme. Les inscriptions cunéiformes sont venues apporter un argument irréfutable en faveur de cette thèse. Le document mythologique qui raconte la descente de la déesse Ishtar aux enfers pour y chercher son amant. Tammuz a été, sous ce point de vue spécial, interprété par J. Halévy, et ce sont les conclusions mêmes de ce auteurs que nous allons analyser ici.
D'après ce fragment de poème épique et quelques passages des textes magiques, on voit que les Mésopotamiens se représentaient les Enfers comme une sorte d'immense forteresse, placée sous l'écorce terrestre et limitée de toutes parts par les eaux fangeuses de l'Océan qui recèlent les fondements de la terre.
Ce lieu de retraite des morts porte le nom d'aral (arallu) ou de « pays où l'on ne voit rien » (mat la namari), ce qui coïncide avec le sens du terme grec d'hadès; on l'appelle aussi « le pays sans retour, d'où l'on ne revient jamais, » (mat la tayarti). Le gouvernement de ce monde des ténèbres éternelles est entre les mains d'un couple divin composé de Nergal, le dieu de la force et de la guerre, et son épouse Allat, qui n'est que la manifestation infernale d'Ishtar ou Astarté, mais qui est parfois donnée comme la sœur de cette déesse.
Comme l'enfer de Dante, la forteresse est environnée de sept puissantes murailles, sur le modèle des sept sphères planétaires : c'est le résultat de l'influence des doctrines astrologiques sur cet aspect de la religion.
Dans chacune de ces murailles est pratiquée une porte unique qu'un portier incorruptible ferme au verrou dès qu'une nouvelle ombre en a franchi le seuil. L'entrée principale de l'aral, celle à laquelle est préposé le dieu Negab, « le grand portier du monde », est située à l'Occident, au pied de la grande montagne qui, de ce côté, fait pendant à la « montagne de l'Orient » où la mythologie babylonienne place le lieu de l'assemblée des dieux, ou l'Olympe.
Dans un curieux fragment de texte, il est parlé de cette montagne infernale qu'on représente même comme la mère de Mul-ge, le dieu de l'abîme. Sept dieux président aux sept enceintes concentriques de l'enfer et sont appelés « fils du seigneur infernal »; il y a en outre « douze dieux de bronze placés à l'intérieur de la clôture de bronze, » et de chaque côté des portés de ce rempart de métal, le dernier de tous, veillent des taureaux de bronze à face humaine, comme ceux des portes des palais. » Le taureau de droite est invoqué comme il suit :
« Ô grand taureau, taureau très grand, qui piétines aux portes élevées, qui ouvres l'accès à l'intérieur, qui ouvres largement les canaux, qui sers de base ait dieu Serah, le moissonneur des champs, mes mains élevées ont sacrifié devant toi. »
Le taureau de gauche de la même porte est invoqué à son tour :
« Tu es le taureau engendré par le dieu Zî; c'est toi qui portes les zones de la demeure souterraine où résident les morts; pour l'éternité le dieu Nin-izzida t'a placé.
Les grandes portes, les clôtures, les barrières, las portes ... qui établissent les divisions du ciel et de la ferre... qu'il les garde! »
Quand la porte est définitivement franchie, c'est à Mul-ge que s'adresse la prière de celui qui a été forcé de pénétrer dans son empire :
« Pasteur véritable, pasteur sublime! Mul-ge, pasteur véritable, seigneur de la totalité des pays, pasteur véritable, seigneur de l'armée des anges, pasteur véritable! »
Le malheureux solliciteur adresse tour à tour ses supplications aux grands archanges, les ministres du roi des ombres et aux autres dieux tels que Ea, roi de l'Océan, Silik-mulu-hi, nom sacro-saint de Marduk, Im, l'inondateur, Oud, le vaillant, et cent autres.
Laissons maintenant pénétrer dans ce lieu d'horreur, Ishtar, la fille de Sin, la sœur d'Allat :
Vers la maison qu'habite Irkalla,
[Et] dont le soir n'a point de matin,
[Vers le pays] d'où il n'y a pas de retour,
[Dont les habitants], privés de lumière,
[Ont la poussière] pour nourriture, la boue pour aliment,
Une tunique à ailes [pour vête]ment,
[Ne voient point le jour], sont assis dans les ténèbres. [Dans la maison] où je veux entrer,
[Demeurent] les (anciens) possesseurs de couronnes,
[Les por]teurs de couronnes qui dominaient la terre aux temps antiques.
Dont Anu et Bel ont perpétué les noms et la mémoire.
Là aussi ont été consolidés les fondements da la terre, là confluent les eaux puissantes. Dans la maison de poussière où je veux entrer,
Demeurent le seigneur et le noble,
Demeurent le roi et l'homme puissant;
Demeurent les gardiens de l'abîme des grands dieux;
Demeure Etana, demeure Ner.
...
« Que vers la terre d'où l'on ne revient pas, la terre des ténèbres! Ishtar, fille de Sin, dirige son esprit! »
Et Ishtar, fille de Sin, dirigea son esprit (selon cette demande du fils), vers la maison de l'obscurité, la demeure du dieu Irkalla, vers la maison où l'on entre, mais dont on ne sort pas; vers la route où l'on s'achemine sans retour,
vers la maison, où, pour celui qui entre, la cécité remplace la lumière.
C'est l'endroit de ceux qui sont affamés de poussière et, qui mangent de la boue; la lumière n'y est pas vue, ou reste dans l'obscurité. Comme des oiseaux, ils sont vêtus d'ailes.
Sur la porte et le verrou, s'étend la poussière. Ishtar en s'approchant du pays sans retour
fit connaître son désir au gardien de la porte :
« Gardien de céans, ouvre ta porte!
ouvre ta porte pour que j'entre.
Si tu n'ouvres pas ta porte et que je n'entre pas, j'enfoncerai la porte, je briserai les verrous
je démolirai le seuil, je franchirai les portes;
je ferai échapper les morts sous forme de loups-garous vivants; et au nombre des vivants s'associeront les morts (aussi ranimés). »
Le gardien ouvrit la bouche et parla
et exposa ceci à Ishtar, la grande déesse :
« Tiens-toi tranquille, déesse, ne te fâche pas.
Je veux t'obéir et t'annoncer à la reine des grands dieu. »
Et le gardien entra et dit à Allat :
« Maîtresse de céans, ta sœur Ishtar [veut entrer]; elle méprise la grande défense [de l'Enfer]. » Allat, la maîtresse, ouvrit sa bouche :
« Nous sommes comme l'herbe coupée, [eux sont] du bronze
nous sommes comme la plante fanée, [eux sont] comme l'arbre fleurissant. Que m'apporte son courroux? que m'apporte la colère de son foie? (Ishtar) - « Maîtresse de céans, je [ne veux pas me quereller] avec toi,
je voudrais me manger moi-même comme du pain, je voudrais boire [mon sang] comme
du vin.
Laisse-moi pleurer sur les époux qui ont quitté leurs épouses;
laisse-moi pleurer sur les épouses que leurs époux ont abandonnées; laisse-moi pleurer sur le petit enfant qui a été moissonné avant le temps. » (Allat) - « Va, gardien, ouvre-lui ta porte,
et mets-la nue, comme le veulent les antiques usages. Le gardien alla, et lui ouvrit la porte
« Entre, Déesse, que ta volonté se fasse,
que le palais de la terre sans retour s'étale devant toi. »
Il la fit entrer dans la première porte, la toucha et lui enleva la grande tiare de sa tête.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-lu la brande tiare de ma tête?
- Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
il la fit entrer dans la seconde porte, la toucha et lui enleva ses boucles d'oreilles.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-tu mes boucles d'oreilles?
- Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
Il la fit entrer dans la troisième porte, la Loucha, lui enleva les opales de son cou.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-tu les opales de mon cou?
- Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
Il la lit entrer dans la quatrième porte, la toucha, lui enleva les tuniques de son corps. « - Pourquoi gardien, m'enlèves-tu les tuniques de mon corps?
- Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
II la fit entrer dans la, cinquième porte, la toucha, lui enleva la ceinture en pierres précieuses de sa taille.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-tu la ceinture en pierres précieuses de ma taille? - Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
Il la fit entrer dans la sixième porte, la toucha et lui enleva les anneaux de ses pieds et de
ses mains.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-tu les anneaux de mes pieds et de mes mains?
- Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
Il la fit entrer dans la septième porte, la toucha et lui enleva le voile qui couvrait sa pudeur.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-tu le voile qui couvre ma pudeur?
- Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. » Après qu'Ishtar fut descendue dans le pays sans retour,
Allat la regarda et se moqua d'elle à sa face.
lshtar ne se possédant plus se rua sur elle.
Allat ouvrit sa bouche et parla;
Au dieu qui fixe les destinées (Namtar) elle fit connaître ses volontés : « Va, dieu des destinées, (écoute mes ordres).
Emmène-la, de soixante (maladies accable) Ishtar.
La maladie des yeux (sur ses yeux),
La maladie des côtés (sur ses côtés),
La maladie des pieds (sur ses pieds), La maladie du cœur (sur son cœur), La maladie de la tète (sur sa tête),
Et sur tous ses membres (répands la torpeur).
Après qu'Ishtar, la déesse, eut été enfermée dans le sanctuaire éternel,
Le taureau n'allait plus vers la vache, et l'âne ne voulait plus l'ânesse, L'épouse ne voulait plus de l'époux,
Le guerrier résistait aux ordres de son maître, Et l'épouse repoussait les bras de son mari.
Le dieu Papsukal (Nabu), le serviteur des grands dieux, se déchira le visage en présence de
Shamash (le soleil) :
« Redoute, Shamash, l'accomplissement du destin. »
Shamash s'en alla devant Sin (la lune), son père, qui envoya,
Vers le dieu Êa, un messager de malheur :
« Ishtar est descendue sous la terre et n'en est point remontée.
Depuis qu'Ishtar est descendue aux Enfers,
Le taureau ne va plus à la vache, et l'âne ne veut plus de l'ânesse, L'épouse ne veut plus de l'époux, Le guerrier résiste aux ordres de son maître.
Et l'épouse repousse les bras de son mari. »
Le dieu Êa, dans la profondeur de son cœur, fit un projet,
Et créa Uddusnamir (renouvellement de la lumière), le cerbère « Va, Uddusnamir, dirige ton esprit vers la porte de l'Enfer, Et les sept portes de l'Aral s'ouvriront devant toi;
Qu'Allat te voie et qu'elle se montre à ta face,
Après que son cœur se sera calmé et qu'elle aura apaisé son foie, Notifie-lui la volonté des grands dieux,
Élève tes têtes vers l'outre de la résurrection, et lais attention (à lui dire)
Eh! déesse, que l'on me donne l'outre de la résurrection, et que j'y puisse boire! »
Lorsqu'Allat entendit. cela,
Elle se frappa la hanche et se mordit le pouce
« Tu m'as demandé une chose qu'on ne demande pas;
Va, Uddusnamir, je te lierai avec un lieu solide.
Que le ciment des fondations de la ville soit ta nourriture Que la mare des cloaques de la ville soit ta boisson ; Que l'ombre du rempart soit ta couverture, Que les créneaux soient ta demeure : Que le seuil soit ton unique siège! Que la faim, la soif oppressent ta gorge! Allat ouvrit la bouche et parla; A Namtar, son ministre, elle exprima sa volonté :
« Va, Namtar, pénètre dans le palais de l'Éternité (la demeure d'Êa), Ornes-en les colonnes avec des pierres précieuses; Fais sortir le dieu des Anunnaks, et assieds-le sur le trône d'or.
Fais boire à Ishtar les eaux de résurrection et ramène-la en ma présence. » Namtar alla, ouvrit le palais de l'Éternité; il en orna les colonnes avec des pierres précieuses ; il fit sortir le dieu des Anunnaks et le fit asseoir sur un trône d'or. Il fit boire à Ishtar les eaux de résurrection et il l'emmena. Il la fit sortir par la première porte et lui restitua le voile de sa pudeur;
il la fit sortir par la seconde porte et il lui restitua les anneaux de ses mains et de ses pieds;
il la fit sortir par la troisième porte et lui restitua la ceinture en pierres précieuses de sa taille;
il la fit sortir par la quatrième porte et lui restitua les tuniques de son corps, il la fit sortir par la cinquième porte et lui restitua les opales de son cou, il la fit sortir par la sixième porte et lui restitua les boucles de ses oreilles, il la lit sortir par la septième porte et lui restitua la grande tiare de sa tête. Puis Ishtar ne refusa pas sa libération, et retourna sur la terre supérieure ...
« Les Babyloniens, dit Hérodote, embaument leurs morts dans du miel; leurs lamentations funèbres sont à peu près les mêmes que celles des Égyptiens. »
Malgré ce que ce témoignage a de vague et d'invraisemblable, c'est à peu près tout ce que nous savons des usages funéraires des Assyriens et des Babyloniens.
Les sculpteurs de Ninive et de Babylone ont évité de reproduire des cérémonies funèbres sur les bas-reliefs des palais, de même que jamais, dans leurs batailles, ils n'ont fait figurer un Assyrien tombant sous les coups de l'ennemi; ne dirait-on pas qu'ils aient voulu faire croire aux générations futures que la mort était impuissante à moissonner les rangs des fils d'Assur et que la protection de leurs dieux, les avait, comme Achille, rendus invulnérables. Aussi, tandis que la vallée du Nil est pleine de tombeaux, que nous retrouvons les cadavres embaumés des anciens Égyptiens, leurs hypogées richement décorés de peintures et de bas-reliefs, les ruines de la Mésopotamie n'offrent-elles rien d'analogue? Il y a bien ici aussi de grandes nécropoles, souvent placées à la périphéries des villes, mais les sépultures n'ont pas le caractère spectaculaire de celles que l'on rencontre en Égypte. Parfois il s'agissait de simples fosses, d'autres fois on a affaire à de vrais tombeaux maçonnés, dotés même à l'occasion de plusieurs chambres funéraires. Le statut social des défunts expliquait ces différences, que l'on note aussi dans le mobilier funéraire qui les accompagnait. Les rois se faisaient inhumer dans leur palais.
On a la preuve que l'embaumement était pratiqué en Mésopotamie comme en Égypte; le corps était étendu sur une natte, la tête reposant sur un coussin, les membres et le buste enveloppés de bandelettes enduites de bitume. On déposait à côté du défunt les objets qui lui avaient été chers pendant la vie : le cylindre qui lui avait servi de cachet, ses armes si c'était un guerrier; des bijoux, des boîtes à fard et à parfums quand c'étaient des femmes. De grandes jarres d'argile remplies de liqueurs fermentées, des écuelles dans lesquelles on a recueilli des noyaux de dattes, des os de sangliers et de poulet, des arêtes de poisson, étaient l'image symbolique de la nourriture de la substance invisible et surnaturelle qui survivait à la tombe; on déposait enfin, dès l'antiquité la plus reculée, des statuettes funéraires, comme en Égypte, à côté du cadavre : c'était des images d'Allat en terre cuite.
Allāt on a camel. Bas-relief from Taif, Saudi Arabia, around 100 AD
Allāt-Minerva. Statue of the 2nd century AD from
As-Suwayda, Syria. National Museum of Damascus
Le caveau funéraire était inviolable et sacré; c'était un crime de laisser un cadavre sans sépulture et de profaner un cercueil. La plus grande calamité qui pût accabler un mortel, c'était que son corps demeurât abandonné et exposé à devenir la pâture des chiens et des chacals. Aussi avait-on pris des précautions inouïes pour empêcher qu'une cause, même toute naturelle, vint troubler dans son éternel sommeil la dépouille sans vie déposée dans la tombe : les ingénieux artifices auxquels se livrèrent dans ce but les architectes chaldéens contrastent avec la pauvreté monumentale du tombeau, et méritent, à cause de cela, de fixer un instant notre attention. Le voyageur anglais Taylor a décrit minutieusement la grande nécropole d'Ur, et voici comment Perrot et Chipiez ont résumé les observations de cet auteur :
« Le sommet de ces buttes qui ont servi de cimetière aux plus vieilles cités, est pavé en briques cuites; la masse de la colline artificielle est faite de cercueils empilés, que séparent des cloisons et des lits de cette même matière. Pour assurer la conservation des corps et des objets ensevelis avec eux, il fallait rejeter promptement au dehors tous les liquides qui naîtraient de la corruption des cadavres, et, que verseraient les chutes de pluie; on avait donc ménagé des suites nombreuses de drains disposés dans le sens vertical; c'était une vraie canalisation. De longs conduits de terre cuite partent du dallage supérieur, sur lequel ils s'ouvrent par une étroite embouchure ; ils sont composés d'une série de tubes ou de manchons qui ont chacun environ 0,60 m de haut, et 0,45 m de diamètre; il y en a quelquefois jusqu'à quarante de superposés. Les tubes sont lutés par une mince couche de bitume. Pour les rendre plus résistants, on leur a donné une légère courbure concave et on les a remplis de tessons; cette garniture intérieure n'empêche pas le passage des eaux, mais elle appuie et soutient la paroi. Celle-ci n'est d'ailleurs pas, extérieurement, en contact avec la brique; dans toute sa hauteur, le conduit n'est entouré que de ces mêmes tessons. Ces débris de poterie ont du jeu; ils ne pèsent pas lourd; avec le cylindre qu'ils protègent, ils forment ainsi, de place en place, au milieu de la construction compacte, comme des cages carrées, comme des cheminées, larges d'environ 1,20 m. Toutes les précautions avaient été prises pour capter les eaux que les orages jetteraient sur les terrasses. On ne s'est pas contenté de l'orifice qui s'ouvre, au sommet de chaque colonne de tubes, entre les briques du pavage; tout le chapeau conique dont il fait partie est percé de petits trous qui en font une sorte de passoire. L'humidité qui aurait réussi à filtrer entre les joints des dalles serait ainsi recueillie; s'il était encore quelques gouttes qui ne parvenaient pas à pénétrer dans l'intérieur des drains, elles glisseraient entre tous ces morceaux de vases. Tant par les tubes mêmes que par les interstices de cette enveloppe, tous les liquides qu'il s'agissait d'éliminer arriveraient sans difficulté jusqu'au niveau du sol; là, sans doute, ils devaient être recueillis dans des canaux en pente qui les emportaient au loin, canaux que dissimule aujourd'hui l'amas de décombres où se cache et disparaît le pied de toutes ces buttes. Ce qui prouve que les dispositions avaient été bien calculées, c'est que le résultat voulu s'est trouvé atteint; grâce à ce drainage, ces tertres funéraires, quoique abandonnés à eux-mêmes, sont restés, jusqu'à nos jours, parfaitement secs. Ce ne sont pas seulement les cercueils qui s'y sont conservés intacts, avec les objets de terre cuite ou de métal qu'ils contenaient, ce sont aussi les squelettes. Ceux-ci se réduisent en poussière quand on y touche; mais an moment où l'on ouvrait la caisse de terre cuite qui les renferme, ils semblaient n'avoir pas souffert de l'action du temps ». (P. et Ch, Histoire de l'art, t. II).
Tels étaient les soins qu'on donnait à la sépulture.
Les Assyro-Babyloniens croyaient que le monument funéraire était hanté par l'âme immatérielle (ekimu) qui s'était dégagée du corps au moment de la mort.
Si la tombe était respectée, l'ekim devenait pour les parents, amis ou voisins du défunt, un démon protecteur qui veillait sur eux et les protégeait, en reconnaissance de leur piété; si la tombe était violée par la faute des parents ou des amis, ceux-ci étaient accablés de maux par l'ekim errant et malheureux.
Le plus grand malheur qui pût arriver à l'homme, c'était d'être privé de sépulture; son âme repoussée par les autres âmes, privée de libations et de sacrifices, se trouvait accablée de maux et en proie à l'action pernicieuse des mauvais esprits.
Aussi, quand les monarques assyriens veulent se venger de leurs ennemis, ils vont violer les tombeaux de leurs familles et jeter au vent les cendres de leurs pères. Dans sa campagne contre Suse, Assurbanipal raconte ainsi qu'il saccagea la nécropole royale :
« Les tombeaux de leurs rois anciens et récents, de ces rois qui n'avaient, pas redouté Assur et Ishtar, mes seigneurs, et qui avaient fait la guerre aux rois, mes pères, je les renversai, je les démolis et je les exposai à la lumière du soleil;puis, j'emportai leurs cadavres en Assyrie. Je laissai leurs ombres sans sépulture, je les privai des offrandes de ceux qui leur devaient des libations. »
Ce que nous venons de raconter, d'après les documents originaux, est suffisamment éloquent pour que nous ne puissions tenir aucun compte ni de ce qu'Hérodote rapporte au sujet du tombeau gigantesque que la reine Nitocris se serait fait élever à grands frais à l'une des portes de Babylone, ni de ce que raconte Diodore d'après Ctésias, du tombeau de Ninus, ni enfin des traditions populaires recueillies par Strabon au sujet du monument de Tarse en Cilicie, connu sous la fausse dénomination de « Tombeau de Sardanapale ». Mais nous sommes naturellement conduits à nous demander sous l'empire de quelles idées de piété et de religion les Mésopotamiens honoraient les mânes de leurs ancêtres, quelle était la nature de cet ekim qui se dégage du corps après la mort, quelles étaient, en un mot, la doctrine des Assyro-Babyloniens sur l'autre vie.
Problème philosophique important qui a une connexion immédiate avec une question passionnément agitée autrefois par divers auteurs : celle de la croyance des Sémites et en particulier des Hébreux à l'immortalité de l'âme. Les inscriptions cunéiformes sont venues apporter un argument irréfutable en faveur de cette thèse. Le document mythologique qui raconte la descente de la déesse Ishtar aux enfers pour y chercher son amant. Tammuz a été, sous ce point de vue spécial, interprété par J. Halévy, et ce sont les conclusions mêmes de ce auteurs que nous allons analyser ici.
D'après ce fragment de poème épique et quelques passages des textes magiques, on voit que les Mésopotamiens se représentaient les Enfers comme une sorte d'immense forteresse, placée sous l'écorce terrestre et limitée de toutes parts par les eaux fangeuses de l'Océan qui recèlent les fondements de la terre.
Ce lieu de retraite des morts porte le nom d'aral (arallu) ou de « pays où l'on ne voit rien » (mat la namari), ce qui coïncide avec le sens du terme grec d'hadès; on l'appelle aussi « le pays sans retour, d'où l'on ne revient jamais, » (mat la tayarti). Le gouvernement de ce monde des ténèbres éternelles est entre les mains d'un couple divin composé de Nergal, le dieu de la force et de la guerre, et son épouse Allat, qui n'est que la manifestation infernale d'Ishtar ou Astarté, mais qui est parfois donnée comme la sœur de cette déesse.
Comme l'enfer de Dante, la forteresse est environnée de sept puissantes murailles, sur le modèle des sept sphères planétaires : c'est le résultat de l'influence des doctrines astrologiques sur cet aspect de la religion.
Dans chacune de ces murailles est pratiquée une porte unique qu'un portier incorruptible ferme au verrou dès qu'une nouvelle ombre en a franchi le seuil. L'entrée principale de l'aral, celle à laquelle est préposé le dieu Negab, « le grand portier du monde », est située à l'Occident, au pied de la grande montagne qui, de ce côté, fait pendant à la « montagne de l'Orient » où la mythologie babylonienne place le lieu de l'assemblée des dieux, ou l'Olympe.
Dans un curieux fragment de texte, il est parlé de cette montagne infernale qu'on représente même comme la mère de Mul-ge, le dieu de l'abîme. Sept dieux président aux sept enceintes concentriques de l'enfer et sont appelés « fils du seigneur infernal »; il y a en outre « douze dieux de bronze placés à l'intérieur de la clôture de bronze, » et de chaque côté des portés de ce rempart de métal, le dernier de tous, veillent des taureaux de bronze à face humaine, comme ceux des portes des palais. » Le taureau de droite est invoqué comme il suit :
« Ô grand taureau, taureau très grand, qui piétines aux portes élevées, qui ouvres l'accès à l'intérieur, qui ouvres largement les canaux, qui sers de base ait dieu Serah, le moissonneur des champs, mes mains élevées ont sacrifié devant toi. »
Le taureau de gauche de la même porte est invoqué à son tour :
« Tu es le taureau engendré par le dieu Zî; c'est toi qui portes les zones de la demeure souterraine où résident les morts; pour l'éternité le dieu Nin-izzida t'a placé.
Les grandes portes, les clôtures, les barrières, las portes ... qui établissent les divisions du ciel et de la ferre... qu'il les garde! »
Quand la porte est définitivement franchie, c'est à Mul-ge que s'adresse la prière de celui qui a été forcé de pénétrer dans son empire :
« Pasteur véritable, pasteur sublime! Mul-ge, pasteur véritable, seigneur de la totalité des pays, pasteur véritable, seigneur de l'armée des anges, pasteur véritable! »
Le malheureux solliciteur adresse tour à tour ses supplications aux grands archanges, les ministres du roi des ombres et aux autres dieux tels que Ea, roi de l'Océan, Silik-mulu-hi, nom sacro-saint de Marduk, Im, l'inondateur, Oud, le vaillant, et cent autres.
Laissons maintenant pénétrer dans ce lieu d'horreur, Ishtar, la fille de Sin, la sœur d'Allat :
Vers la maison qu'habite Irkalla,
[Et] dont le soir n'a point de matin,
[Vers le pays] d'où il n'y a pas de retour,
[Dont les habitants], privés de lumière,
[Ont la poussière] pour nourriture, la boue pour aliment,
Une tunique à ailes [pour vête]ment,
[Ne voient point le jour], sont assis dans les ténèbres. [Dans la maison] où je veux entrer,
[Demeurent] les (anciens) possesseurs de couronnes,
[Les por]teurs de couronnes qui dominaient la terre aux temps antiques.
Dont Anu et Bel ont perpétué les noms et la mémoire.
Là aussi ont été consolidés les fondements da la terre, là confluent les eaux puissantes. Dans la maison de poussière où je veux entrer,
Demeurent le seigneur et le noble,
Demeurent le roi et l'homme puissant;
Demeurent les gardiens de l'abîme des grands dieux;
Demeure Etana, demeure Ner.
...
« Que vers la terre d'où l'on ne revient pas, la terre des ténèbres! Ishtar, fille de Sin, dirige son esprit! »
Et Ishtar, fille de Sin, dirigea son esprit (selon cette demande du fils), vers la maison de l'obscurité, la demeure du dieu Irkalla, vers la maison où l'on entre, mais dont on ne sort pas; vers la route où l'on s'achemine sans retour,
vers la maison, où, pour celui qui entre, la cécité remplace la lumière.
C'est l'endroit de ceux qui sont affamés de poussière et, qui mangent de la boue; la lumière n'y est pas vue, ou reste dans l'obscurité. Comme des oiseaux, ils sont vêtus d'ailes.
Sur la porte et le verrou, s'étend la poussière. Ishtar en s'approchant du pays sans retour
fit connaître son désir au gardien de la porte :
« Gardien de céans, ouvre ta porte!
ouvre ta porte pour que j'entre.
Si tu n'ouvres pas ta porte et que je n'entre pas, j'enfoncerai la porte, je briserai les verrous
je démolirai le seuil, je franchirai les portes;
je ferai échapper les morts sous forme de loups-garous vivants; et au nombre des vivants s'associeront les morts (aussi ranimés). »
Le gardien ouvrit la bouche et parla
et exposa ceci à Ishtar, la grande déesse :
« Tiens-toi tranquille, déesse, ne te fâche pas.
Je veux t'obéir et t'annoncer à la reine des grands dieu. »
Et le gardien entra et dit à Allat :
« Maîtresse de céans, ta sœur Ishtar [veut entrer]; elle méprise la grande défense [de l'Enfer]. » Allat, la maîtresse, ouvrit sa bouche :
« Nous sommes comme l'herbe coupée, [eux sont] du bronze
nous sommes comme la plante fanée, [eux sont] comme l'arbre fleurissant. Que m'apporte son courroux? que m'apporte la colère de son foie? (Ishtar) - « Maîtresse de céans, je [ne veux pas me quereller] avec toi,
je voudrais me manger moi-même comme du pain, je voudrais boire [mon sang] comme
du vin.
Laisse-moi pleurer sur les époux qui ont quitté leurs épouses;
laisse-moi pleurer sur les épouses que leurs époux ont abandonnées; laisse-moi pleurer sur le petit enfant qui a été moissonné avant le temps. » (Allat) - « Va, gardien, ouvre-lui ta porte,
et mets-la nue, comme le veulent les antiques usages. Le gardien alla, et lui ouvrit la porte
« Entre, Déesse, que ta volonté se fasse,
que le palais de la terre sans retour s'étale devant toi. »
Il la fit entrer dans la première porte, la toucha et lui enleva la grande tiare de sa tête.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-lu la brande tiare de ma tête?
- Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
il la fit entrer dans la seconde porte, la toucha et lui enleva ses boucles d'oreilles.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-tu mes boucles d'oreilles?
- Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
Il la fit entrer dans la troisième porte, la Loucha, lui enleva les opales de son cou.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-tu les opales de mon cou?
- Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
Il la lit entrer dans la quatrième porte, la toucha, lui enleva les tuniques de son corps. « - Pourquoi gardien, m'enlèves-tu les tuniques de mon corps?
- Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
II la fit entrer dans la, cinquième porte, la toucha, lui enleva la ceinture en pierres précieuses de sa taille.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-tu la ceinture en pierres précieuses de ma taille? - Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
Il la fit entrer dans la sixième porte, la toucha et lui enleva les anneaux de ses pieds et de
ses mains.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-tu les anneaux de mes pieds et de mes mains?
- Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. »
Il la fit entrer dans la septième porte, la toucha et lui enleva le voile qui couvrait sa pudeur.
« - Pourquoi, gardien, m'enlèves-tu le voile qui couvre ma pudeur?
- Entre, Déesse, car ainsi le veulent les lois de la Souveraine infernale. » Après qu'Ishtar fut descendue dans le pays sans retour,
Allat la regarda et se moqua d'elle à sa face.
lshtar ne se possédant plus se rua sur elle.
Allat ouvrit sa bouche et parla;
Au dieu qui fixe les destinées (Namtar) elle fit connaître ses volontés : « Va, dieu des destinées, (écoute mes ordres).
Emmène-la, de soixante (maladies accable) Ishtar.
La maladie des yeux (sur ses yeux),
La maladie des côtés (sur ses côtés),
La maladie des pieds (sur ses pieds), La maladie du cœur (sur son cœur), La maladie de la tète (sur sa tête),
Et sur tous ses membres (répands la torpeur).
Après qu'Ishtar, la déesse, eut été enfermée dans le sanctuaire éternel,
Le taureau n'allait plus vers la vache, et l'âne ne voulait plus l'ânesse, L'épouse ne voulait plus de l'époux,
Le guerrier résistait aux ordres de son maître, Et l'épouse repoussait les bras de son mari.
Le dieu Papsukal (Nabu), le serviteur des grands dieux, se déchira le visage en présence de
Shamash (le soleil) :
« Redoute, Shamash, l'accomplissement du destin. »
Shamash s'en alla devant Sin (la lune), son père, qui envoya,
Vers le dieu Êa, un messager de malheur :
« Ishtar est descendue sous la terre et n'en est point remontée.
Depuis qu'Ishtar est descendue aux Enfers,
Le taureau ne va plus à la vache, et l'âne ne veut plus de l'ânesse, L'épouse ne veut plus de l'époux, Le guerrier résiste aux ordres de son maître.
Et l'épouse repousse les bras de son mari. »
Le dieu Êa, dans la profondeur de son cœur, fit un projet,
Et créa Uddusnamir (renouvellement de la lumière), le cerbère « Va, Uddusnamir, dirige ton esprit vers la porte de l'Enfer, Et les sept portes de l'Aral s'ouvriront devant toi;
Qu'Allat te voie et qu'elle se montre à ta face,
Après que son cœur se sera calmé et qu'elle aura apaisé son foie, Notifie-lui la volonté des grands dieux,
Élève tes têtes vers l'outre de la résurrection, et lais attention (à lui dire)
Eh! déesse, que l'on me donne l'outre de la résurrection, et que j'y puisse boire! »
Lorsqu'Allat entendit. cela,
Elle se frappa la hanche et se mordit le pouce
« Tu m'as demandé une chose qu'on ne demande pas;
Va, Uddusnamir, je te lierai avec un lieu solide.
Que le ciment des fondations de la ville soit ta nourriture Que la mare des cloaques de la ville soit ta boisson ; Que l'ombre du rempart soit ta couverture, Que les créneaux soient ta demeure : Que le seuil soit ton unique siège! Que la faim, la soif oppressent ta gorge! Allat ouvrit la bouche et parla; A Namtar, son ministre, elle exprima sa volonté :
« Va, Namtar, pénètre dans le palais de l'Éternité (la demeure d'Êa), Ornes-en les colonnes avec des pierres précieuses; Fais sortir le dieu des Anunnaks, et assieds-le sur le trône d'or.
Fais boire à Ishtar les eaux de résurrection et ramène-la en ma présence. » Namtar alla, ouvrit le palais de l'Éternité; il en orna les colonnes avec des pierres précieuses ; il fit sortir le dieu des Anunnaks et le fit asseoir sur un trône d'or. Il fit boire à Ishtar les eaux de résurrection et il l'emmena. Il la fit sortir par la première porte et lui restitua le voile de sa pudeur;
il la fit sortir par la seconde porte et il lui restitua les anneaux de ses mains et de ses pieds;
il la fit sortir par la troisième porte et lui restitua la ceinture en pierres précieuses de sa taille;
il la fit sortir par la quatrième porte et lui restitua les tuniques de son corps, il la fit sortir par la cinquième porte et lui restitua les opales de son cou, il la fit sortir par la sixième porte et lui restitua les boucles de ses oreilles, il la lit sortir par la septième porte et lui restitua la grande tiare de sa tête. Puis Ishtar ne refusa pas sa libération, et retourna sur la terre supérieure ...
Re: La religion assyro-babylonienne
Dans la conception de l'enfer assyrien, telle qu'elle ressort de ce morceau poétique, on ne rencontre aucune idée morale de rémunération, aucune distribution de récompenses ni de peines; les tristesses de l'aral paraissent être les mêmes pour tous les humains, quelle qu'ait été leur conduite pendant leur vie.
D'autres passages des textes religieux paraissent pourtant nous autoriser à croire que les justes ne menaient pas éternellement cette vie de privations et de souffrances qui caractérise l'aral. On parle de bienheureux qui reposent sur des lits, buvant, un breuvage sacré, probablement ce qu'on appelle, dans d'autres textes et dans les livres des Mendaïtes : « les eaux de la vie ; » ils sont, eux, installés dans « la demeure de la félicité et de la vie. »
Il semble aussi que la vie des bienheureux qui habitent sur la montagne d'argent, opposée à la montagne de l'aral, soit la continuation de celle qu'ils ont menée sur la terre; le guerrier, par exemple, environné des trophées et du butin qu'il a pris au combat, donne de grands festins à ses amis; le sang qu'il a versé sur le champ de bataille équivaut à la vie la plus sainte et rachète toutes les fautes qu'il a pu commettre.
Ainsi, il se rafraîchit à la source des eaux de la vie, eaux vivifiantes, si souvent célébrées encore dans les livres sacrés des Mendaïtes; il est l'objet de la sollicitude de tous les siens qui lui prodiguent les marques de tendresse. Dans le poème d'lsdubar, on voit ce héros qui prend, comme Ishtar, la résolution de descendre au pays des ombres pour revoir son ami Eabani, mis à mort par Ishtar; il s'encourage lui-même à faire cette tentative imprudente et cherche à se rendre compte par avance des choses étranges qui vont s'offrir à sa vue.
« Couché sur le lit funèbre
Et buvant l'eau pure,
le guerrier tué dans la bataille, je le verrai.
Son père et sa mère soutenant sa tête,
Et sa femme se penchant au-dessus de lui,
Le guerrier dont le corps repose sur le champ de bataille, je le verrai.
L'homme dont l'âme (ekimmu) n'est pas couchée dans la terre,
L'homme dont l'âme est privée de demeure, Je le verrai. »
La félicité du juste, réclamée par la conscience humaine, est encore plus nettement exprimée dans ces deux fragments d'un hymne religieux :
Lave tes mains, purifie tes mains ;
Les dieux, tes aînés, se laveront les mains, se purifieront les mains;
Mange la nourriture pure dans des bassins purs,
Bois l'eau pure dans des vases purs;
Prépare-toi à jouir de la paix du juste!
...
On a apporté l'eau pure.
Anat, la grande épouse d'Anu,
Êa t'a tenu dans ses bras sacrés;
Ea t'a transféré dans un lieu de sainteté;
Il t'a transféré de ses mains sacrées;
Il t'a transféré au milieu de miel et de graisse,
Il a versé dans ta bouche l'eau magique,
Et la vertu de l'eau t'a ouvert la bouche ...
Il y a, dans tous ces textes, comme une idée vague de Paradis ou de Champs-Élysées opposés au Tartare, car la récompense du juste entraîne logiquement le châtiment du méchant. Il est aussi question de résurrection, et Marduk, avec son épouse Zarpanit, sont souvent appelés « celui » ou « celle qui fait revivre les morts. »
Dans le poème même de la descente d'lshtar aux enfers, bien que l'aral soit le lieu d'où l'on ne revient pas, la mort n'est pas absolument irrévocable, et le mythe admet le cas exceptionnel d'une résurrection. Les grands dieux du ciel peuvent agir directement sur les puissances infernales et les forcer à délivrer une ombre, quand le retour de celle-ci sur la terre est jugé nécessaire. Le monde dépérissait par suite de l'absence d'Ishtar partie pour rejoindre son fils et son amant Tammuz ; les dieux enjoignent à Allat de la délivrer; on l'asperge avec les eaux de la vie, on lui en fait boire et elle renaît. Cette renaissance était-elle admise quand il s'agissait de simples mortels, et en quoi consistait-elle pour ces ombres encore à demi-matérielles, qu'on nous représente voltigeant comme des oiseaux et se nourrissant de poussière?
Plaque dite des Enfers. - La scène est divisée en quatre registres : en haut. des emblèmes
de divinités; au-dessous, suite de génies à tête de lion, qui s'efforcent de chasser les maladies;
au centre, le malade couché sur son lit, entre deux divinités à corps de poisson (figures d'Ea?);
à la partie inférieure, un démon agenouillé sur un cheval, lui-même porté sur une barque,
s'avance sur le fleuve infernal, figuré par des poissons. (Plaque en bronze d'époque assyrienne).
Une plaque de bronze (image ci-dessus) retrace en un tableau d'ensemble la vie des enfers, et il est nécessaire que nous en donnions ici une description sommaire.
L'une des faces est occupée tout entière par un quadrupède à quatre ailes et à griffes d'aigle qui, dressé sur ses pattes de derrière, semble vouloir s'élancer par-dessus la plaque contre laquelle il s'appuie, Sa tête passe par-dessus le bord comme par-dessus la crête d'un mur. La face de ce monstre rugissant et féroce, aux yeux flamboyants, domine la scène suivante qui se déroule en quatre bandes horizontales sur la seconde face.
Ces quatre registres superposés ne sont autre chose que les cieux, la terre et les enfers.
En haut, on voit les représentations symboliques des astres. Plus bas, une file de sept personnages vêtus de longues robes, et ayant des têtes d'animaux parmi lesquelles on peut distinguer un lion, un dogue, un ours, un bélier, un cheval, un aigle, un serpent : ce sont les génies célestes appelés igighs. Au-dessous, une scène funéraire qui se passe sans doute sur la terre.
Deux personnages à tête humaine, coiffés d'une peau de poisson, comme le dieu Anu, sont debout au chevet du lit d'un mort étendu et comme emmailloté dans une gaine à momie. Plus loin, deux génies à tête de lion et de chacal paraissent se menacer de leurs poignards, tandis qu'un homme semble s'éloigner de cette scène d'horreur. Le tableau représenté au quatrième registre, baigne dans les flots de l'Océan qui, d'après la donnée mythologique des Babyloniens, recèle les fondements de la terre.
Un monstre hideux, à figure bestiale et humaine à la fois, avec des ailes et des griffes d'aigle, une queue en tête de serpent, est debout sur la rive de l'Océan sur lequel vogue une barque :
c'est la barque d'une divinité (elippu), expression souvent employée dans les textes religieux, qui rappelle la barque du nautonier Charon, dans la mythologie grecque. Dans la barque, est un cheval qui porte sur son dos une divinité gigantesque, à tête de lion, rugissante et tenant dans ses mains deux serpents, tandis que des lionceaux bondissent coutre sa poitrine pour sucer le lait de ses mamelles. Enfin, devant cet horrible monstre, sont des débris de toutes sortes, des membres coupés, des vases, et comme les restes d'un festin.
Voilà bien, sur cette petite plaque de bronze, la figure du monde tel que se le représentait l'imagination mésopotamienne : les dieux et les puissances sidérales, les anges et les démons, Ighigs et Annunaks; la terre et les humains avec les êtres surnaturels qui ont une action directe sur eux : les morts, protégés par certains démons, attaqués par d'autres, d'après la conception philosophique du bien et du mal et cet antagonisme des deux principes qui fait le fond de la religion assyro-babylonienne. Anui protège les morts comme l'Osiris égyptien; le fleuve sou terrain, qui fait penser au Styx et à l'Achéron, nous reporte aussi vers le Nil souterrain de l'Ament.
D'autres passages des textes religieux paraissent pourtant nous autoriser à croire que les justes ne menaient pas éternellement cette vie de privations et de souffrances qui caractérise l'aral. On parle de bienheureux qui reposent sur des lits, buvant, un breuvage sacré, probablement ce qu'on appelle, dans d'autres textes et dans les livres des Mendaïtes : « les eaux de la vie ; » ils sont, eux, installés dans « la demeure de la félicité et de la vie. »
Il semble aussi que la vie des bienheureux qui habitent sur la montagne d'argent, opposée à la montagne de l'aral, soit la continuation de celle qu'ils ont menée sur la terre; le guerrier, par exemple, environné des trophées et du butin qu'il a pris au combat, donne de grands festins à ses amis; le sang qu'il a versé sur le champ de bataille équivaut à la vie la plus sainte et rachète toutes les fautes qu'il a pu commettre.
Ainsi, il se rafraîchit à la source des eaux de la vie, eaux vivifiantes, si souvent célébrées encore dans les livres sacrés des Mendaïtes; il est l'objet de la sollicitude de tous les siens qui lui prodiguent les marques de tendresse. Dans le poème d'lsdubar, on voit ce héros qui prend, comme Ishtar, la résolution de descendre au pays des ombres pour revoir son ami Eabani, mis à mort par Ishtar; il s'encourage lui-même à faire cette tentative imprudente et cherche à se rendre compte par avance des choses étranges qui vont s'offrir à sa vue.
« Couché sur le lit funèbre
Et buvant l'eau pure,
le guerrier tué dans la bataille, je le verrai.
Son père et sa mère soutenant sa tête,
Et sa femme se penchant au-dessus de lui,
Le guerrier dont le corps repose sur le champ de bataille, je le verrai.
L'homme dont l'âme (ekimmu) n'est pas couchée dans la terre,
L'homme dont l'âme est privée de demeure, Je le verrai. »
La félicité du juste, réclamée par la conscience humaine, est encore plus nettement exprimée dans ces deux fragments d'un hymne religieux :
Lave tes mains, purifie tes mains ;
Les dieux, tes aînés, se laveront les mains, se purifieront les mains;
Mange la nourriture pure dans des bassins purs,
Bois l'eau pure dans des vases purs;
Prépare-toi à jouir de la paix du juste!
...
On a apporté l'eau pure.
Anat, la grande épouse d'Anu,
Êa t'a tenu dans ses bras sacrés;
Ea t'a transféré dans un lieu de sainteté;
Il t'a transféré de ses mains sacrées;
Il t'a transféré au milieu de miel et de graisse,
Il a versé dans ta bouche l'eau magique,
Et la vertu de l'eau t'a ouvert la bouche ...
Il y a, dans tous ces textes, comme une idée vague de Paradis ou de Champs-Élysées opposés au Tartare, car la récompense du juste entraîne logiquement le châtiment du méchant. Il est aussi question de résurrection, et Marduk, avec son épouse Zarpanit, sont souvent appelés « celui » ou « celle qui fait revivre les morts. »
Dans le poème même de la descente d'lshtar aux enfers, bien que l'aral soit le lieu d'où l'on ne revient pas, la mort n'est pas absolument irrévocable, et le mythe admet le cas exceptionnel d'une résurrection. Les grands dieux du ciel peuvent agir directement sur les puissances infernales et les forcer à délivrer une ombre, quand le retour de celle-ci sur la terre est jugé nécessaire. Le monde dépérissait par suite de l'absence d'Ishtar partie pour rejoindre son fils et son amant Tammuz ; les dieux enjoignent à Allat de la délivrer; on l'asperge avec les eaux de la vie, on lui en fait boire et elle renaît. Cette renaissance était-elle admise quand il s'agissait de simples mortels, et en quoi consistait-elle pour ces ombres encore à demi-matérielles, qu'on nous représente voltigeant comme des oiseaux et se nourrissant de poussière?
Plaque dite des Enfers. - La scène est divisée en quatre registres : en haut. des emblèmes
de divinités; au-dessous, suite de génies à tête de lion, qui s'efforcent de chasser les maladies;
au centre, le malade couché sur son lit, entre deux divinités à corps de poisson (figures d'Ea?);
à la partie inférieure, un démon agenouillé sur un cheval, lui-même porté sur une barque,
s'avance sur le fleuve infernal, figuré par des poissons. (Plaque en bronze d'époque assyrienne).
Une plaque de bronze (image ci-dessus) retrace en un tableau d'ensemble la vie des enfers, et il est nécessaire que nous en donnions ici une description sommaire.
L'une des faces est occupée tout entière par un quadrupède à quatre ailes et à griffes d'aigle qui, dressé sur ses pattes de derrière, semble vouloir s'élancer par-dessus la plaque contre laquelle il s'appuie, Sa tête passe par-dessus le bord comme par-dessus la crête d'un mur. La face de ce monstre rugissant et féroce, aux yeux flamboyants, domine la scène suivante qui se déroule en quatre bandes horizontales sur la seconde face.
Ces quatre registres superposés ne sont autre chose que les cieux, la terre et les enfers.
En haut, on voit les représentations symboliques des astres. Plus bas, une file de sept personnages vêtus de longues robes, et ayant des têtes d'animaux parmi lesquelles on peut distinguer un lion, un dogue, un ours, un bélier, un cheval, un aigle, un serpent : ce sont les génies célestes appelés igighs. Au-dessous, une scène funéraire qui se passe sans doute sur la terre.
Deux personnages à tête humaine, coiffés d'une peau de poisson, comme le dieu Anu, sont debout au chevet du lit d'un mort étendu et comme emmailloté dans une gaine à momie. Plus loin, deux génies à tête de lion et de chacal paraissent se menacer de leurs poignards, tandis qu'un homme semble s'éloigner de cette scène d'horreur. Le tableau représenté au quatrième registre, baigne dans les flots de l'Océan qui, d'après la donnée mythologique des Babyloniens, recèle les fondements de la terre.
Un monstre hideux, à figure bestiale et humaine à la fois, avec des ailes et des griffes d'aigle, une queue en tête de serpent, est debout sur la rive de l'Océan sur lequel vogue une barque :
c'est la barque d'une divinité (elippu), expression souvent employée dans les textes religieux, qui rappelle la barque du nautonier Charon, dans la mythologie grecque. Dans la barque, est un cheval qui porte sur son dos une divinité gigantesque, à tête de lion, rugissante et tenant dans ses mains deux serpents, tandis que des lionceaux bondissent coutre sa poitrine pour sucer le lait de ses mamelles. Enfin, devant cet horrible monstre, sont des débris de toutes sortes, des membres coupés, des vases, et comme les restes d'un festin.
Voilà bien, sur cette petite plaque de bronze, la figure du monde tel que se le représentait l'imagination mésopotamienne : les dieux et les puissances sidérales, les anges et les démons, Ighigs et Annunaks; la terre et les humains avec les êtres surnaturels qui ont une action directe sur eux : les morts, protégés par certains démons, attaqués par d'autres, d'après la conception philosophique du bien et du mal et cet antagonisme des deux principes qui fait le fond de la religion assyro-babylonienne. Anui protège les morts comme l'Osiris égyptien; le fleuve sou terrain, qui fait penser au Styx et à l'Achéron, nous reporte aussi vers le Nil souterrain de l'Ament.
Re: La religion assyro-babylonienne
Les temples et le culte
Tous les temples babyloniens et assyriens pouvaient à peu près se ramener à un type uniforme, pareil à celui qui est décrit chez Hérodote :
« Le temple-de Jupiter Bélus, dit Hérodote décrivant Babylone, existe encore de mon temps; il est percé de portes d'airain; il est carré et a deux stades de côté (370 mètres). Au centre s'élève une tour massive longue et large d'un stade (185 mètres); elle en supporte une autre, et celle-ci une autre encore, ainsi de suite jusqu'à huit. Un escalier en spirale conduit extérieurement .de tour en tour. Vers le milieu de la montée, il y a une chambre et des sièges où se reposent les visiteurs; la dernière tour est surmontée d'une chapelle spacieuse, renfermant un grand lit richement couvert, et auprès une table d'or. »
Suivant G. Perrot et Ch. Chipiez, les temples étaient des prismes quadrangulaires placés les uns au-dessus des autres, ceux offrant la plus grande surface, à la base, de telle sorte que l'édifice présentait l'aspect de terrasses en retrait les unes sur les autres. Les Assyriens appelaient ces pyramides à degrés, du nom de ziggurat. A Babylone, deux surtout de ces temples à étages étaient célèbres et sont constamment cités dans les textes cunéiformes : le E-Sagil, dont le nom a persisté jusque dans le Traité d'Agriculture nabatéenne, et le E-Zida, qu'on s'accorde à faire correspondre aux ruines actuelles de Babylone ou de Birs-Nimrud.
La ziggurat de Khorsabad a encore actuellement trois degrés complets et le commencement d'un quatrième; le premier dessine sur le sol un carré de 43 mètres 10 de coté; chaque étage avait 6 mètres 10 de hauteur, et ce qui reste de l'édifice est recouvert d'un stuc colorié où les tons varient, conformément à la description d'Hérodote. Sept couleurs différentes ont permis d'affirmer que l'édifice avait sept étages : celui du rez-de-chaussée, au-dessus de la grande terrasse fondamentale, était peint en blanc, le second en noir. le troisième en rouge pourpre, le quatrième en bleu, le cinquième en vermillon, le sixième en gris d'argent, le septième enfin était doré. Ce sont ces mêmes couleurs qu'Hérodote donne aux différents degrés de la forteresse d'Ecbatane. Chacun d'eux était consacré à l'une des grandes divinités du panthéon, et avait une signification religieuse et symbolique qui nous échappe en partie aujourd'hui.
Quelquefois, comme à Mughéir (Ur), et dans la plupart des temples de la basse Mésopotamie, les degrés supérieurs ne s'élevaient pas directement au milieu de la plate-forme carrée qui formait la base; ils étaient beaucoup plus rapprochés de l'un des côtés, de manière à présenter, sur une face, des gradins de vastes proportions, tandis que sur la face opposée ces gradins étaient très étroits. On a calculé que le temple d'Ur dont les débris ne s'élèvent qu'à 15 mètres au-dessus du sol, pouvait avoir, à l'origine, une quarantaine de mètres de hauteur. Mais les temples les plus célèbres étaient beaucoup plus élevés; les auteurs anciens sont unanimes à vanter leur prodigieuse hauteur qu'ils comparent à celle des pyramides égyptiennes. Qu'on en juge par les ruines actuelles du Birs-Nimrud qui dominent encore aujourd'hui de 71 mètres le niveau de la plaine qui les entoure; c'est à ce temple sans doute que Strabon donne un stade de hauteur en même temps qu'un stade de côté (185 mètres). La masse de la ruine de Babylone a aujourd'hui encore 40 mètres de hauteur.
Quelquefois, comme pour la ziggurat Khorsabad, on accède au sommet de l'édifice par une rampe quadrangulaire qui monte lentement en tournant en spirale, comme une vis, autour du monument, si bien que les étages ne sont pas séparés les uns des autres.
Suivant Diodore de Sicile, le sommet était occupé par des statues ou par un édicule :
« Au sommet de la montée, dit cet auteur. Sémiramis plaça trois statues d'or travaillées au marteau. »
Tout porte à croire que des chapelles étaient ménagées, à chaque étage, dans l'épaisseur de la masse, et que chacune d'elles était consacrée à la divinité stellaire dont l'emblème était la couleur de l'étage. La chapelle du sommet était recouverte d'une coupole dorée dont les feux étincelants devaient produire de loin un effet d'autant plus saisissant qu'il dominait une ville toute noircie par le bitume. Nabuchodonosor dit qu'il « fit revêtir de lames d'or ciselé, de sorte qu'elle resplen dissait comme le jour », la coupole du sanctuaire de Bel Marduk.
On a recueilli à Abu-Sharcin, au sommet d'un monticule d'éboulis, une énorme quantité de plaques d'or très minces avec les clous dorés qui les fixaient à la paroi des murs. Au surplus, nous savons, par des auteurs classiques, que le métal, étendu en feuilles servait à faire des revêtements extérieurs. Philostrate signale cet emploi du métal, confirmé encore par les textes cunéiformes :
« Les palais des rois de Babylone sont couverts en bronze, ce qui les
fait étinceler au loin; les chambres des femmes, les appartements des
hommes et les portiques ont, au lieu de peintures, des décorations en argent, en or plaqué ou même en or massif. »
Aujourd'hui, toutes ces merveilles sont ensevelies sous un linceul de sable, et des tertres de boue nous révèlent à peine leur place. Pourtant, ces collines artificielles, au milieu du désert uni comme une glace, produisent encore, surtout à certaines heures de la journée, une impression qui émeut.
Scène de présentation. - le roi Melishipak
présente sa fille à une déesse.
(Bas-relief de kudurru ou borne-limite).
C'est le matin, quand parfois la base du tertre est cachée dans les vapeurs légères qui rampent à la surface du sol et que, seul, le sommet se montre dans l'air pur au-dessus de la brume, vivement éclairé par les premiers rayons; c'est le soir, quand la silhouette du massif se découpe et s'élève en noir sur les rougeurs du couchant enflammé. On comprend alors quelle a été l'idée et l'ambition de l'architecte chaldéen quand il a créé le type de la tour à étages; on sent pourquoi il en a multiplié les exemplaires, pourquoi il les a répandus avec profusion dans toute cette contrée. Ce qui manquait à son pays, c'était la variété pittoresque de ces accidents de terrain qui font la beauté des régions voisines, de celles qui lui versent les eaux de ces fleuves dont il habitait les rives. Par son invention et son travail, il a donc voulu suppléer à cette lacune et donner à l'aspect de la Babylonie quelque chose de cette diversité que mettent ailleurs les pentes adoucies des coteaux, les âpres contours des rochers coupés à pic et les cimes pointues des monts inégaux. Ces pagodes, comme on serait tenté de les appeler, ces temples pyramidaux, ce sont des collines bâties de main d'homme. Par leur élévation apparente et par l'effort énorme qu'elles supposent, elles sont destinées à rompre la monotonie de ces vastes champs unis où elles se dressent d'un élan si hardi; en même temps, elles étonneront et cette postérité même qui ne verra plus que les faibles débris de si grands ouvrages.
Outre les grandes ziggurat ou pyramides à étages réservées aux divinités suprêmes du panthéon chaldéo-assyrien, il y avait des temples beaucoup plus petits et d'une toute autre forme, dans lesquels on honorait particulièrement les dieux secondaires. Tel est, par exemple, le temple du dieu arménien Haldia, à Musasir, et qu'on voit représenté sur un bas-relief du palais de Sargon. Ce temple s'élève sur une terrasse comme toutes les constructions assyro-babyIoniennes; la façade, qui a une grande analogie avec celle du temple grec, est ornée de six pilastres, et de boucliers votifs; elle se termine par un fronton triangulaire comme les maisons européennes. L'entrée du temple est flanquée de deux lions et de deux grandes vasques de bronze qui contenaient sans doute l'eau lustrale, comme la mer de bronze du temple de Salomon; enfin, de chaque côté de la porte du sanctuaire, sont deux génies colossaux armés de longues lances. Rien malheureusement ne peut nous donner une idée de la disposition intérieure de l'édifice.
Les inscriptions des rois proto-babyloniens parvenues jusqu'à nous, sont, presque toutes, consacrées aux restaurations de temples dont les divinités, mentionnées par leur nom suméro-akkadien, ne sont pas toujours faciles à identifier avec leurs noms assyriens. De ces textes primitifs, il résulte formellement que chacune des principales villes babyloniennes avait sa divinité spéciale et favorite, à laquelle la cité était consacrée, et qui prenait, là, le rang suprême dans la hiérarchie divine, tandis que dans d'autres cités, cette divinité n'avait plus, dans le panthéon, qu'un rang secondaire. De cette observation, il résulte, à un point de vue général, un fait important. C'est que dans l'étude de l'organisation extérieure et publique du culte national en Babylonie, il faut avoir soin de démêler le culte de chaque personnage divin dans une ville déterminée, où il était regardé comme le premier et le plus grand des dieux, quelle que fût d'ailleurs sa place dans la conception systématique et générale de la hiérarchie du panthéon babylonien.
Scène d'intercession
Cette faculté pour chaque personnage divin, même d'un ordre secondaire, de devenir, dans le lieu où il recevait spécialement les adorations, le premier des dieux, est, du reste, un fait qui se reproduit dans toutes les religions panthéistes. Dans l'esprit de ces religions, en effet, l'unité divine, la substance première, est un être insaisissable, invisible, qui se manifeste dans une grande variété d'attributs, tous personnifiés, tous divinisés, et qui se réfléchit dans une multitude de symboles. Ces symboles, la nature les fournit, l'humain les observe et les imite. Des corps immenses, tels que le soleil, la lune, la terre; des phénomènes tout-puissants, tels que la foudre, les volcans, les déluges, sont les expressions les plus étendues de la divinité; mais ces expressions ne sont jamais complètes. L'humain, pas plus par la pensée que par les yeux, ne peut percevoir l'unité divine; la pluralité, inséparable de cette unité, ne lui permet de voir à la fois qu'une des faces du divin. Aussi, tout symbole, toute figure, tout nom, toute manifestation, toute émanation de la divinité, portent-ils en eux-mêmes un double caractère; positivement ils n'expriment qu'une des qualifications du divin; virtuellement, ils en font pressentir l'unité et l'étendue.
Le dieu qui, dans la ville même de Babylone et dans celle de Borsippa, était le principal objet du culte, était Bel-Marduk, avec son épouse Mylitta, la grande déesse Nature, appelée souvent Zarpanit quand on envisageait surtout le côté voluptueux de ses attributs; elle est l'analogue de l'Aphrodite ou de la Vénus de la mythologie classique. Zarpanit avait un temple magnifique au centre même de Babylone.
A Ur, le dieu de la ville, dès le temps du vieux roi Lik-Bagus, était Sin, le dieu Lune; à Sippar et à Larsam, c'était Shamash, le soleil; dans Erech (Uruk) et à Nipur, Belit Taauth, « déesse du firmament. » A Cutha on adorait Nanâ ou Anna sous le surnom de Succoth-Benoth, qui avait trait aux prostitutions en l'honneur de cette déesse. Le culte matérialiste de la Babylonie devait naturellement exciter une profonde horreur chez les adorateurs de Yahveh. De là, leurs véhémentes invectives contre les idoles des Babyloniens. De là, ces éloquentes apostrophes, qui offrent en même temps la peinture si vive d'un culte entièrement naturaliste et souvent obscène, qui n'était guère, d'ailleurs, qu'une exploitation permanente de la superstition populaire au profit de la caste sacerdotale.
« Vous verrez à Babylone, dit Baruch, des dieux d'or et d'argent que l'on porte sur les épaules, et qui se font craindre par les nations.
On emploie l'or pour ces dieux, comme on le fait pour une jeune fille qui aime la parure. On met sur leur tête des couronnes d'or, mais il arrive quelquefois que les prêtres de ces dieux leur dérobent l'or et l'argent, et s'en servent pour eux-mêmes. Ils le donnent à des femmes impudiques qu'ils entretiennent, et après que ces mêmes femmes le leur ont rendu, ils en parent encore les dieux; ils couvrent d'habits ces dieux d'argent, d'or, de bois, comme on en revêt des hommes.
L'un de ces dieux (Nabu) porte un sceptre, comme un homme qui a le gouvernement d'une province. L'autre (Bel-Marduk) a une épée ou une hache à la main, mais il ne peut s'en servir pour se défendre contre les voleurs.
Ils allument devant eux des lampes, et en plus grand nombre que pour eux-mêmes; mais ces dieux n'en peuvent voir aucune, et ils sont comme des poutres dans une maison.
Ils disent que les reptiles qui sortent de la terre leur lèchent le cœur par respect, lorsqu'ils les rongent effectivernent, eux et leurs habits.
Les prêtres vendent les offrandes et en disposent comme il leur plaît; leurs femmes en prennent aussi tout ce qu'elles veulent et le mettent en réserve, sans en rien donner aux pauvres et aux mendiants.
Ces prêtres ôtent à leurs dieux les vêtements qu'on leur a donnés, et ils en habillent leurs femmes et leurs enfants.
On voit aussi chez eux des femmes liées de vœux infâmes, et de cordons qui en sont le symbole. Elles sont assises dans les avenues, brûlant pour leurs dieux des noyaux d'olives. »
Ce témoignage de la tradition juive nous conduit à citer ce que raconte Hérodote au sujet de ce qui se passait dans le temple de Bêl à Babylone.
« On n'y voit point de statue, dit-il, et nul n'y passe la nuit, hormis une femme indigène que choisit entre toutes le dieu, à ce que rapportent ses prêtres chaldéens. Ces mêmes prêtres disent aussi, et ils ne me paraissent point dignes de foi, que le dieu parcourt le temple et se repose sur le lit, de la même manière qu'à Thèbes en Égypte, selon les Égyptiens. Car, là aussi, une femme passe la nuit dans le temple de Jupiter-Thébain, et l'on assure que ni l'une ni l'autre de ces femmes n'a commercé avec des mortels. De même à Patara en Lycie, la prêtresse du dieu, lorsqu'il est présent, car l'oracle n'est pas perpétuel, passe la nuit dans l'intérieur du temple. »
Cette assertion du voyageur grec pourrait bien n'être que l'écho de bruits calomnieux répandus sur une religion discréditée à l'époque où Hérodote passait à Babylone. Cependant il semble confirmé par une formule d'incantation magique :
« La prostituée sacrée (qadista) au cœur rebelle,
La prostituée sacrée qui abandonne son office.
La prostituée sacrée d'Anu, insoumise,
Au soir du commencement du mois incomplet. ... »
(Le reste est en grande partie mutilé).
Nous savons d'autre part qu'en Arménie, à une époque bien postérieure a la chute de la puissance assyro-babylonienne, Anaïtis ou Astarté, c'est-à-dire l'ancienne Isstar ou Zarpanit, avait un temple célèbre autour duquel se trouvait un vaste territoire cultivé par des esclaves de l'un et l'autre sexe, en qualité d'hiérodules ou serfs de la déesse. Son culte y était accompagné de prostitutions sacrées pareilles à celles de Babylone dont elles suivaient la tradition. A l'époque grecque, Anaïtis avait aussi, à Comana, en Cappadoce, un temple avec des champs que cultivaient plus de six mille hiérodules au profit des prêtres; dans tout l'Orient grec où le culte d'Astarté se répandit, c'étaient les mêmes pratiques s'abritant sous le manteau de la religion.
Tous les temples babyloniens et assyriens pouvaient à peu près se ramener à un type uniforme, pareil à celui qui est décrit chez Hérodote :
« Le temple-de Jupiter Bélus, dit Hérodote décrivant Babylone, existe encore de mon temps; il est percé de portes d'airain; il est carré et a deux stades de côté (370 mètres). Au centre s'élève une tour massive longue et large d'un stade (185 mètres); elle en supporte une autre, et celle-ci une autre encore, ainsi de suite jusqu'à huit. Un escalier en spirale conduit extérieurement .de tour en tour. Vers le milieu de la montée, il y a une chambre et des sièges où se reposent les visiteurs; la dernière tour est surmontée d'une chapelle spacieuse, renfermant un grand lit richement couvert, et auprès une table d'or. »
Suivant G. Perrot et Ch. Chipiez, les temples étaient des prismes quadrangulaires placés les uns au-dessus des autres, ceux offrant la plus grande surface, à la base, de telle sorte que l'édifice présentait l'aspect de terrasses en retrait les unes sur les autres. Les Assyriens appelaient ces pyramides à degrés, du nom de ziggurat. A Babylone, deux surtout de ces temples à étages étaient célèbres et sont constamment cités dans les textes cunéiformes : le E-Sagil, dont le nom a persisté jusque dans le Traité d'Agriculture nabatéenne, et le E-Zida, qu'on s'accorde à faire correspondre aux ruines actuelles de Babylone ou de Birs-Nimrud.
La ziggurat de Khorsabad a encore actuellement trois degrés complets et le commencement d'un quatrième; le premier dessine sur le sol un carré de 43 mètres 10 de coté; chaque étage avait 6 mètres 10 de hauteur, et ce qui reste de l'édifice est recouvert d'un stuc colorié où les tons varient, conformément à la description d'Hérodote. Sept couleurs différentes ont permis d'affirmer que l'édifice avait sept étages : celui du rez-de-chaussée, au-dessus de la grande terrasse fondamentale, était peint en blanc, le second en noir. le troisième en rouge pourpre, le quatrième en bleu, le cinquième en vermillon, le sixième en gris d'argent, le septième enfin était doré. Ce sont ces mêmes couleurs qu'Hérodote donne aux différents degrés de la forteresse d'Ecbatane. Chacun d'eux était consacré à l'une des grandes divinités du panthéon, et avait une signification religieuse et symbolique qui nous échappe en partie aujourd'hui.
Quelquefois, comme à Mughéir (Ur), et dans la plupart des temples de la basse Mésopotamie, les degrés supérieurs ne s'élevaient pas directement au milieu de la plate-forme carrée qui formait la base; ils étaient beaucoup plus rapprochés de l'un des côtés, de manière à présenter, sur une face, des gradins de vastes proportions, tandis que sur la face opposée ces gradins étaient très étroits. On a calculé que le temple d'Ur dont les débris ne s'élèvent qu'à 15 mètres au-dessus du sol, pouvait avoir, à l'origine, une quarantaine de mètres de hauteur. Mais les temples les plus célèbres étaient beaucoup plus élevés; les auteurs anciens sont unanimes à vanter leur prodigieuse hauteur qu'ils comparent à celle des pyramides égyptiennes. Qu'on en juge par les ruines actuelles du Birs-Nimrud qui dominent encore aujourd'hui de 71 mètres le niveau de la plaine qui les entoure; c'est à ce temple sans doute que Strabon donne un stade de hauteur en même temps qu'un stade de côté (185 mètres). La masse de la ruine de Babylone a aujourd'hui encore 40 mètres de hauteur.
Quelquefois, comme pour la ziggurat Khorsabad, on accède au sommet de l'édifice par une rampe quadrangulaire qui monte lentement en tournant en spirale, comme une vis, autour du monument, si bien que les étages ne sont pas séparés les uns des autres.
Suivant Diodore de Sicile, le sommet était occupé par des statues ou par un édicule :
« Au sommet de la montée, dit cet auteur. Sémiramis plaça trois statues d'or travaillées au marteau. »
Tout porte à croire que des chapelles étaient ménagées, à chaque étage, dans l'épaisseur de la masse, et que chacune d'elles était consacrée à la divinité stellaire dont l'emblème était la couleur de l'étage. La chapelle du sommet était recouverte d'une coupole dorée dont les feux étincelants devaient produire de loin un effet d'autant plus saisissant qu'il dominait une ville toute noircie par le bitume. Nabuchodonosor dit qu'il « fit revêtir de lames d'or ciselé, de sorte qu'elle resplen dissait comme le jour », la coupole du sanctuaire de Bel Marduk.
On a recueilli à Abu-Sharcin, au sommet d'un monticule d'éboulis, une énorme quantité de plaques d'or très minces avec les clous dorés qui les fixaient à la paroi des murs. Au surplus, nous savons, par des auteurs classiques, que le métal, étendu en feuilles servait à faire des revêtements extérieurs. Philostrate signale cet emploi du métal, confirmé encore par les textes cunéiformes :
« Les palais des rois de Babylone sont couverts en bronze, ce qui les
fait étinceler au loin; les chambres des femmes, les appartements des
hommes et les portiques ont, au lieu de peintures, des décorations en argent, en or plaqué ou même en or massif. »
Aujourd'hui, toutes ces merveilles sont ensevelies sous un linceul de sable, et des tertres de boue nous révèlent à peine leur place. Pourtant, ces collines artificielles, au milieu du désert uni comme une glace, produisent encore, surtout à certaines heures de la journée, une impression qui émeut.
Scène de présentation. - le roi Melishipak
présente sa fille à une déesse.
(Bas-relief de kudurru ou borne-limite).
C'est le matin, quand parfois la base du tertre est cachée dans les vapeurs légères qui rampent à la surface du sol et que, seul, le sommet se montre dans l'air pur au-dessus de la brume, vivement éclairé par les premiers rayons; c'est le soir, quand la silhouette du massif se découpe et s'élève en noir sur les rougeurs du couchant enflammé. On comprend alors quelle a été l'idée et l'ambition de l'architecte chaldéen quand il a créé le type de la tour à étages; on sent pourquoi il en a multiplié les exemplaires, pourquoi il les a répandus avec profusion dans toute cette contrée. Ce qui manquait à son pays, c'était la variété pittoresque de ces accidents de terrain qui font la beauté des régions voisines, de celles qui lui versent les eaux de ces fleuves dont il habitait les rives. Par son invention et son travail, il a donc voulu suppléer à cette lacune et donner à l'aspect de la Babylonie quelque chose de cette diversité que mettent ailleurs les pentes adoucies des coteaux, les âpres contours des rochers coupés à pic et les cimes pointues des monts inégaux. Ces pagodes, comme on serait tenté de les appeler, ces temples pyramidaux, ce sont des collines bâties de main d'homme. Par leur élévation apparente et par l'effort énorme qu'elles supposent, elles sont destinées à rompre la monotonie de ces vastes champs unis où elles se dressent d'un élan si hardi; en même temps, elles étonneront et cette postérité même qui ne verra plus que les faibles débris de si grands ouvrages.
Outre les grandes ziggurat ou pyramides à étages réservées aux divinités suprêmes du panthéon chaldéo-assyrien, il y avait des temples beaucoup plus petits et d'une toute autre forme, dans lesquels on honorait particulièrement les dieux secondaires. Tel est, par exemple, le temple du dieu arménien Haldia, à Musasir, et qu'on voit représenté sur un bas-relief du palais de Sargon. Ce temple s'élève sur une terrasse comme toutes les constructions assyro-babyIoniennes; la façade, qui a une grande analogie avec celle du temple grec, est ornée de six pilastres, et de boucliers votifs; elle se termine par un fronton triangulaire comme les maisons européennes. L'entrée du temple est flanquée de deux lions et de deux grandes vasques de bronze qui contenaient sans doute l'eau lustrale, comme la mer de bronze du temple de Salomon; enfin, de chaque côté de la porte du sanctuaire, sont deux génies colossaux armés de longues lances. Rien malheureusement ne peut nous donner une idée de la disposition intérieure de l'édifice.
Les inscriptions des rois proto-babyloniens parvenues jusqu'à nous, sont, presque toutes, consacrées aux restaurations de temples dont les divinités, mentionnées par leur nom suméro-akkadien, ne sont pas toujours faciles à identifier avec leurs noms assyriens. De ces textes primitifs, il résulte formellement que chacune des principales villes babyloniennes avait sa divinité spéciale et favorite, à laquelle la cité était consacrée, et qui prenait, là, le rang suprême dans la hiérarchie divine, tandis que dans d'autres cités, cette divinité n'avait plus, dans le panthéon, qu'un rang secondaire. De cette observation, il résulte, à un point de vue général, un fait important. C'est que dans l'étude de l'organisation extérieure et publique du culte national en Babylonie, il faut avoir soin de démêler le culte de chaque personnage divin dans une ville déterminée, où il était regardé comme le premier et le plus grand des dieux, quelle que fût d'ailleurs sa place dans la conception systématique et générale de la hiérarchie du panthéon babylonien.
Scène d'intercession
Cette faculté pour chaque personnage divin, même d'un ordre secondaire, de devenir, dans le lieu où il recevait spécialement les adorations, le premier des dieux, est, du reste, un fait qui se reproduit dans toutes les religions panthéistes. Dans l'esprit de ces religions, en effet, l'unité divine, la substance première, est un être insaisissable, invisible, qui se manifeste dans une grande variété d'attributs, tous personnifiés, tous divinisés, et qui se réfléchit dans une multitude de symboles. Ces symboles, la nature les fournit, l'humain les observe et les imite. Des corps immenses, tels que le soleil, la lune, la terre; des phénomènes tout-puissants, tels que la foudre, les volcans, les déluges, sont les expressions les plus étendues de la divinité; mais ces expressions ne sont jamais complètes. L'humain, pas plus par la pensée que par les yeux, ne peut percevoir l'unité divine; la pluralité, inséparable de cette unité, ne lui permet de voir à la fois qu'une des faces du divin. Aussi, tout symbole, toute figure, tout nom, toute manifestation, toute émanation de la divinité, portent-ils en eux-mêmes un double caractère; positivement ils n'expriment qu'une des qualifications du divin; virtuellement, ils en font pressentir l'unité et l'étendue.
Le dieu qui, dans la ville même de Babylone et dans celle de Borsippa, était le principal objet du culte, était Bel-Marduk, avec son épouse Mylitta, la grande déesse Nature, appelée souvent Zarpanit quand on envisageait surtout le côté voluptueux de ses attributs; elle est l'analogue de l'Aphrodite ou de la Vénus de la mythologie classique. Zarpanit avait un temple magnifique au centre même de Babylone.
A Ur, le dieu de la ville, dès le temps du vieux roi Lik-Bagus, était Sin, le dieu Lune; à Sippar et à Larsam, c'était Shamash, le soleil; dans Erech (Uruk) et à Nipur, Belit Taauth, « déesse du firmament. » A Cutha on adorait Nanâ ou Anna sous le surnom de Succoth-Benoth, qui avait trait aux prostitutions en l'honneur de cette déesse. Le culte matérialiste de la Babylonie devait naturellement exciter une profonde horreur chez les adorateurs de Yahveh. De là, leurs véhémentes invectives contre les idoles des Babyloniens. De là, ces éloquentes apostrophes, qui offrent en même temps la peinture si vive d'un culte entièrement naturaliste et souvent obscène, qui n'était guère, d'ailleurs, qu'une exploitation permanente de la superstition populaire au profit de la caste sacerdotale.
« Vous verrez à Babylone, dit Baruch, des dieux d'or et d'argent que l'on porte sur les épaules, et qui se font craindre par les nations.
On emploie l'or pour ces dieux, comme on le fait pour une jeune fille qui aime la parure. On met sur leur tête des couronnes d'or, mais il arrive quelquefois que les prêtres de ces dieux leur dérobent l'or et l'argent, et s'en servent pour eux-mêmes. Ils le donnent à des femmes impudiques qu'ils entretiennent, et après que ces mêmes femmes le leur ont rendu, ils en parent encore les dieux; ils couvrent d'habits ces dieux d'argent, d'or, de bois, comme on en revêt des hommes.
L'un de ces dieux (Nabu) porte un sceptre, comme un homme qui a le gouvernement d'une province. L'autre (Bel-Marduk) a une épée ou une hache à la main, mais il ne peut s'en servir pour se défendre contre les voleurs.
Ils allument devant eux des lampes, et en plus grand nombre que pour eux-mêmes; mais ces dieux n'en peuvent voir aucune, et ils sont comme des poutres dans une maison.
Ils disent que les reptiles qui sortent de la terre leur lèchent le cœur par respect, lorsqu'ils les rongent effectivernent, eux et leurs habits.
Les prêtres vendent les offrandes et en disposent comme il leur plaît; leurs femmes en prennent aussi tout ce qu'elles veulent et le mettent en réserve, sans en rien donner aux pauvres et aux mendiants.
Ces prêtres ôtent à leurs dieux les vêtements qu'on leur a donnés, et ils en habillent leurs femmes et leurs enfants.
On voit aussi chez eux des femmes liées de vœux infâmes, et de cordons qui en sont le symbole. Elles sont assises dans les avenues, brûlant pour leurs dieux des noyaux d'olives. »
Ce témoignage de la tradition juive nous conduit à citer ce que raconte Hérodote au sujet de ce qui se passait dans le temple de Bêl à Babylone.
« On n'y voit point de statue, dit-il, et nul n'y passe la nuit, hormis une femme indigène que choisit entre toutes le dieu, à ce que rapportent ses prêtres chaldéens. Ces mêmes prêtres disent aussi, et ils ne me paraissent point dignes de foi, que le dieu parcourt le temple et se repose sur le lit, de la même manière qu'à Thèbes en Égypte, selon les Égyptiens. Car, là aussi, une femme passe la nuit dans le temple de Jupiter-Thébain, et l'on assure que ni l'une ni l'autre de ces femmes n'a commercé avec des mortels. De même à Patara en Lycie, la prêtresse du dieu, lorsqu'il est présent, car l'oracle n'est pas perpétuel, passe la nuit dans l'intérieur du temple. »
Cette assertion du voyageur grec pourrait bien n'être que l'écho de bruits calomnieux répandus sur une religion discréditée à l'époque où Hérodote passait à Babylone. Cependant il semble confirmé par une formule d'incantation magique :
« La prostituée sacrée (qadista) au cœur rebelle,
La prostituée sacrée qui abandonne son office.
La prostituée sacrée d'Anu, insoumise,
Au soir du commencement du mois incomplet. ... »
(Le reste est en grande partie mutilé).
Nous savons d'autre part qu'en Arménie, à une époque bien postérieure a la chute de la puissance assyro-babylonienne, Anaïtis ou Astarté, c'est-à-dire l'ancienne Isstar ou Zarpanit, avait un temple célèbre autour duquel se trouvait un vaste territoire cultivé par des esclaves de l'un et l'autre sexe, en qualité d'hiérodules ou serfs de la déesse. Son culte y était accompagné de prostitutions sacrées pareilles à celles de Babylone dont elles suivaient la tradition. A l'époque grecque, Anaïtis avait aussi, à Comana, en Cappadoce, un temple avec des champs que cultivaient plus de six mille hiérodules au profit des prêtres; dans tout l'Orient grec où le culte d'Astarté se répandit, c'étaient les mêmes pratiques s'abritant sous le manteau de la religion.
Re: La religion assyro-babylonienne
Les Babyloniens pratiquaient donc, à l'origine au moins, les sacrifices humains; la Bible dit formellement qu'encore au VIIe siècle avant notre ère, les habitants de Sippar sacrifiaient leurs fils et leurs filles, pour honorer Adrammeleh et Anamelek.
Nous pouvons citer enfin un fragment de littérature nationale relatif aux sacrifices d'enfants.
Au seigneur suprême il s'est adressé et
l'enfant dont la tête est élevée pour l'humanité; l'enfant qui est donné pour sa vie;
la tête de l'enfant pour la tête de l'homme a été donnée
le front de l'enfant pour le front de l'homme a été donné
la poitrine de l'enfant pour la poitrine de l'homme a été donnée.
Une autre inscription dit ce qui suit :
Pour que Raman soit favorable et donne la prospérité,
Sur les hauteurs on brûle un enfant.
De sorte qu'il y avait des sacrifices d'enfants par le glaive et par le feu : les Phéniciens ont connu, comme les Assyriens, de semblables pratiques. Empressons-nous d'ajouter qu'elles semblent n'avoir été en usage qu'exceptionnellement et à l'origine. Les bas-reliefs des palais, qui représentent les rois offrant des sacrifices et des libations aux dieux, après de grandes victoires, n'offrent à nos yeux rien de semblable.
Scène de libation. - L'officiant, nu, comme le comporte
le rite, répand sa libation sur la plante sacrée, en
l'honneur d'une déesse figurée assise, la tête de face.
(Début du IIe millénaire av. J.-C.; Louvre).
La partie deutérocanonique du Livre de Daniel renferme un épisode bien connu, surtout à cause des controverses auxquelles a donné lieu son authenticité : c'est l'histoire de Bêl et du dragon.
On offrait au dieu Bêl, raconte ce texte, chaque jour douze artabes de fleur de farine, quarante brebis et six amphores de vin. Celui qui a écrit ces lignes, fait remarquer Vigouroux était parfaitement au courant des usages du culte de BeI-Marduk à Babylone. Dans le récit des sacrifices et des offrandes qu'il fit à son dieu favori, Nabuchodonosor s'exprime comme il suit :
« Je me suis prosterné avec adoration devant le dieu Marduk qui m'a engendré; je me suis incliné pour porter son joug ... je lui ai offert des victimes pures, bien plus qu'auparavant. Ainsi, le premier jour du mois, j'ai offert un bœuf gras, seize ... en sacrifices propitiatoires aux dieux du E-Sagil et de Babylone; un poisson, un oiseau, un ... produit des marais; du miel, de la crème, du lait, de l'huile épurée, de l'hydromel, la boisson fermentée de la montagne, du vin blanc, du vin des cantons de Izallam, Tuim, Çimmim, Tilbunim, Aranabanim, Çuham, E-Kubatim, Bitatim; toutes ces choses aussi abondantes que l'eau du fleuve, je les versai en cadeau dans la coupe de Marduk et de Zarpanit, mes maîtres. »
On connaît ailleurs ces files d'esclaves qui apportent devant les dieux des fruits, des pains, des colombes, des lièvres et des perdreaux, voire même des sauterelles et des oignons; on a représenté le roi Sennachérib offrant un libation, assis sur son trône, une coupe hémisphérique à la main; les monarques offrent aux dieux des lions, des taureaux, des cerfs, des chevreaux, des bisons, après de grandes chasses ou de grandes conquêtes. On leur consacre aussi des ex-votos formés d'objets précieux. Les statues des divinités étrangères étaient emmenées en captivité et déposées dans les temples assyriens, de sorte que les dieux ennemis devenaient en quelque sorte les prisonniers des dieux ninivites.
« J'ai consacré les vingt-cinq dieux de ces pays, que mes mains avaient pris, à titre d'offrandes, dans le temple de Belit, la grande épouse du dieu Assur, mon seigneur; je les ai consacrés à Anu, à Raman, à Ishtar l'assyrienne, aux dieux de ma ville d'Assur et aux déesses de mon pays. »
C'est ainsi que s'exprime Teglath-pal-asar Ier après l'une de ses campagnes en Commagène.
Nous savons que la déesse Nanâ, enlevée de son temple d'Uruk, resta pendant de longs siècles, prisonnière des Elamites, et qu'elle ne fut réinstallée dans son ancien sanctuaire que sous Assurbanipal. Enfin, les rois faisaient placer dans les temples leurs propres statues afin que, même absents, ils fussent en quelque sorte présents sous les yeux de la divinité. Là, au seuil du sanctuaire, le roi se tient immobile, les mains jointes dans cette attitude familière encore aujourd'hui aux Orientaux pour exprimer la soumission respectueuse; il est devant son dieu comme l'esclave devant son maître; son image perpétue jour et nuit sa prière et ses actions de grâce. La statue royale de granit redit incessamment à la statue en or du dieu qui l'écoute, ces paroles ciselées sur sa poitrine ou sur les plis de sa robe :
« Ô Marduk, maître des pays, écoute la parole de ma bouche : ce temple que j'ai bâti, fais que je m'enorgueillisse de sa gloire. Dans Babylone, fais que j'atteigne la vieillesse, que je sois rassasié de postérité; que je reçoive les tributs des rois de toutes les contrées du monde; fais que ma postérité gouverne l'humanité jusqu'à la consommation des siècles. »
C'est ainsi que s'exprime Nabuchodonosor quelques années avant que le sable du désert recouvre pour jamais sa ville bien-aimée et ses temples bâtis pour l'éternité; c'est dans le même sens que parlent aux dieux les inscriptions gravées sur les genoux du roi Gudea trente siècles auparavant.
Nous pouvons citer enfin un fragment de littérature nationale relatif aux sacrifices d'enfants.
Au seigneur suprême il s'est adressé et
l'enfant dont la tête est élevée pour l'humanité; l'enfant qui est donné pour sa vie;
la tête de l'enfant pour la tête de l'homme a été donnée
le front de l'enfant pour le front de l'homme a été donné
la poitrine de l'enfant pour la poitrine de l'homme a été donnée.
Une autre inscription dit ce qui suit :
Pour que Raman soit favorable et donne la prospérité,
Sur les hauteurs on brûle un enfant.
De sorte qu'il y avait des sacrifices d'enfants par le glaive et par le feu : les Phéniciens ont connu, comme les Assyriens, de semblables pratiques. Empressons-nous d'ajouter qu'elles semblent n'avoir été en usage qu'exceptionnellement et à l'origine. Les bas-reliefs des palais, qui représentent les rois offrant des sacrifices et des libations aux dieux, après de grandes victoires, n'offrent à nos yeux rien de semblable.
Scène de libation. - L'officiant, nu, comme le comporte
le rite, répand sa libation sur la plante sacrée, en
l'honneur d'une déesse figurée assise, la tête de face.
(Début du IIe millénaire av. J.-C.; Louvre).
La partie deutérocanonique du Livre de Daniel renferme un épisode bien connu, surtout à cause des controverses auxquelles a donné lieu son authenticité : c'est l'histoire de Bêl et du dragon.
On offrait au dieu Bêl, raconte ce texte, chaque jour douze artabes de fleur de farine, quarante brebis et six amphores de vin. Celui qui a écrit ces lignes, fait remarquer Vigouroux était parfaitement au courant des usages du culte de BeI-Marduk à Babylone. Dans le récit des sacrifices et des offrandes qu'il fit à son dieu favori, Nabuchodonosor s'exprime comme il suit :
« Je me suis prosterné avec adoration devant le dieu Marduk qui m'a engendré; je me suis incliné pour porter son joug ... je lui ai offert des victimes pures, bien plus qu'auparavant. Ainsi, le premier jour du mois, j'ai offert un bœuf gras, seize ... en sacrifices propitiatoires aux dieux du E-Sagil et de Babylone; un poisson, un oiseau, un ... produit des marais; du miel, de la crème, du lait, de l'huile épurée, de l'hydromel, la boisson fermentée de la montagne, du vin blanc, du vin des cantons de Izallam, Tuim, Çimmim, Tilbunim, Aranabanim, Çuham, E-Kubatim, Bitatim; toutes ces choses aussi abondantes que l'eau du fleuve, je les versai en cadeau dans la coupe de Marduk et de Zarpanit, mes maîtres. »
On connaît ailleurs ces files d'esclaves qui apportent devant les dieux des fruits, des pains, des colombes, des lièvres et des perdreaux, voire même des sauterelles et des oignons; on a représenté le roi Sennachérib offrant un libation, assis sur son trône, une coupe hémisphérique à la main; les monarques offrent aux dieux des lions, des taureaux, des cerfs, des chevreaux, des bisons, après de grandes chasses ou de grandes conquêtes. On leur consacre aussi des ex-votos formés d'objets précieux. Les statues des divinités étrangères étaient emmenées en captivité et déposées dans les temples assyriens, de sorte que les dieux ennemis devenaient en quelque sorte les prisonniers des dieux ninivites.
« J'ai consacré les vingt-cinq dieux de ces pays, que mes mains avaient pris, à titre d'offrandes, dans le temple de Belit, la grande épouse du dieu Assur, mon seigneur; je les ai consacrés à Anu, à Raman, à Ishtar l'assyrienne, aux dieux de ma ville d'Assur et aux déesses de mon pays. »
C'est ainsi que s'exprime Teglath-pal-asar Ier après l'une de ses campagnes en Commagène.
Nous savons que la déesse Nanâ, enlevée de son temple d'Uruk, resta pendant de longs siècles, prisonnière des Elamites, et qu'elle ne fut réinstallée dans son ancien sanctuaire que sous Assurbanipal. Enfin, les rois faisaient placer dans les temples leurs propres statues afin que, même absents, ils fussent en quelque sorte présents sous les yeux de la divinité. Là, au seuil du sanctuaire, le roi se tient immobile, les mains jointes dans cette attitude familière encore aujourd'hui aux Orientaux pour exprimer la soumission respectueuse; il est devant son dieu comme l'esclave devant son maître; son image perpétue jour et nuit sa prière et ses actions de grâce. La statue royale de granit redit incessamment à la statue en or du dieu qui l'écoute, ces paroles ciselées sur sa poitrine ou sur les plis de sa robe :
« Ô Marduk, maître des pays, écoute la parole de ma bouche : ce temple que j'ai bâti, fais que je m'enorgueillisse de sa gloire. Dans Babylone, fais que j'atteigne la vieillesse, que je sois rassasié de postérité; que je reçoive les tributs des rois de toutes les contrées du monde; fais que ma postérité gouverne l'humanité jusqu'à la consommation des siècles. »
C'est ainsi que s'exprime Nabuchodonosor quelques années avant que le sable du désert recouvre pour jamais sa ville bien-aimée et ses temples bâtis pour l'éternité; c'est dans le même sens que parlent aux dieux les inscriptions gravées sur les genoux du roi Gudea trente siècles auparavant.
Re: La religion assyro-babylonienne
La religion à Babylone
Babylone, dont le nom akkadien bab-ili(m) signifie la « porte du dieu » est une capitale religieuse.
Ce fut aussi en sa qualité de ville sacrée que Babylone a connu la célébrité et a étendu son rayonnement sur l’esprit humain. Malgré les différentes incursions, les grands temples de Babylone demeurèrent un centre spirituel et intellectuel jusqu’aux Sassanides.
Culte des dieux
Tout être humain est sous la dépendance d’un dieu. Les noms sont composés du patronyme d’une divinité très vénérée et d’une courte phrase. Ils sont souvent formés avec le préfixe ili, “mon dieu”.
Ce dieu personnel sert d’intermédiaire entre l’homme et les autres divinités. Le pieux Babylonien aime à faire graver le nom de son dieu sur son cylindre.
Le premier devoir religieux est la crainte de la divinité. Le second, c’est la prière et le sacrifice, sacrifices qui consiste en aliments offerts à la divinité, accompagnés de la combustion de plantes aromatiques ; les liquides sont servis en libation. Les rituels sont différents selon le but à atteindre. Le sacrifice sanglant est le plus souvent celui d’un mouton ou d’un chevreau. Les sacrifices réguliers du culte public varient suivant les ressources dont dispose temple. Les Babyloniens ne vénéraient pas la statue elle-même du dieu mais plutôt la force divine qui l’habitait.
Le dieu protecteur est en quelque sorte responsable des fautes de son protégé envers les autres dieux. Pour rentrer en grâce, on éloignera les démons par la pratique de la magie ; on retrouvera la bienveillance de son dieu par les rites d’expiation, les sacrifices, les purifications et surtout par la prière, accompagnée des attitudes et des gestes rituels.
Sippar : représentation du dieu Shamash
Culte des morts
Les Babyloniens croyaient que le royaume des morts était un endroit souterrain, sombre et noir, où les défunts étaient condamnés à séjourner restant éternellement immobiles sous l’autorité de la déesse maîtresse des lieux. En conséquence, les Babyloniens n’accordèrent pas une très grande attention aux monuments funéraires. On offrait des sacrifices alimentaires aux défunts, non tant pas pour les honorer que pour se mettre à l’abri des maléfices. Le suprême châtiment pour un homme, était la privation de sépulture, car son âme ne serait jamais en repos.
Les Temples
Les temples majeurs étaient l’Eanna à Ourouk, l’Esagil et la grande ziggourat à Babylone, l’Ezida à Borsippa, ainsi que deux temples nommés Ebabar, l’un situé à Larsa et l’autre à Sippar.
La liste des temples donne les noms de cérémonie des quarante-trois principaux centres cultuels de Babylone et les divinités à qui ils étaient dédiés. Des chapelles plus petites et des sanctuaires de plein air se trouvaient également disséminés dans les quartiers résidentiels.
L’examen des vestiges de Babylone prouve que les architectes jouissaient d’une grande liberté dans la disposition de l’édifice. Tous ces temples étaient construits selon un même plan simple : une cour centrale où l’on entre par deux côtés ; sur le troisième côté se trouve la large chapelle contenant une niche pour la statue cultuelle incarnant la présence divine. Dans les fondations de chaque temple, il était d’usage de placer des figures prophylactiques. Tous ces temples étaient recouverts d’une couche de gypse blanc, qui, dans certains cas, était peinte de motifs géométriques. Le dieu habite dans son temple avec sa femme, ses enfants et ses familiers. Les statues des dieux étaient placées à l’intérieur du sanctuaire. On y pratiquait des rites quotidiens particuliers tels l’habillage et le lavage des statues ; on les nourrissait et on les promenait. Aucun autel n’a été découvert à l’intérieur des temples de Babylone. Le sacrifices se font à l’extérieur ; seuls les prêtres et le prince peuvent entrer dans le sanctuaire en présence du dieu.
Les rois accordaient régulièrement, surtout au retour d’une campagne militaire victorieuse, des donations aux temples. Ces donations étaient matérialisées par des kudurru, sorte de bornes de propriété en pierre.
Chaque temple était desservi par un personnel composé de fonctionnaires religieux, d’administrateurs et d’ouvriers. L’enceinte du temple contenait à la fois des salles de culte et de nombreuses chambres auxiliaires et des zones d’activité économique. A côté des cours des temples se trouvaient des enclos pour les moutons et le bétail utilisés pour les sacrifices quotidiens. Dans une autre partie de la cour se trouvait les ateliers où l’or et l’argent étaient travaillés pour confectionner des bijoux pour la divinité.
Kudurru du roi kassite Melishipak II.
L’Esagil
Le plus important de tous les temples de Babylone, littéralement « Maison à la tête haute », centre cultuel de Mardouk, avec ses portes, ses cours et ses nombreux sanctuaires dont nous connaissons les noms. Ses dimensions étaient impressionnantes : il couvrait une superficie de 180 x 125 mètres et ses murs ont été par endroits conservés jusqu’à une hauteur de 10 mètres, en relativement bon état.
Tablette de l’Esagil donnant.
La partie centrale, à l’ouest, disposait d’une grande cour intérieure à partir de laquelle on pouvait accéder aux différentes ailes du bâtiment disposées tout autour. Ces ailes étaient conçues comme des salles complexes et représentaient des sanctuaires, semblables à des chapelles, dédiés aux dieux du panthéon babylonien qui y résidaient, peut-être, lors de leur visite annuelle pour la Fête du Nouvel An. Mais le Saint des saints, la chapelle de Mardouk lui-même, n’a pu être identifié.
Le clergé babylonien
Le roi est le grand prêtre du dieu national.
Les grands prêtres des principaux sanctuaires sont d’importants personnages, souvent des princes. Ils sont désignés par des présages et cet évènement est commémoré dans les noms des années. Au dessous du grand prêtre, se groupent diverses catégories de prêtres, désignées par le terme général de sangou. Le clergé se divise en trois ordres : les conjurateurs, les devins et les chantres.
Les conjurateurs rendent les dieux propices et chassent les démons.
Ils se rendent au temple, certains jours déterminés, pour offrir des sacrifices et moduler les lamentations sacrées en s’accompagnant de divers instruments à percussion. Leurs bons offices sont requis pour rebâtir un temple ou à l’occasion de présages funestes. Il existe des incantations contre tous les maux : esprits mauvais, revenants, sorciers, maux de tête, fièvres, rhumatismes.
Les devins se divisent en diverses espèces selon les phénomènes à observer.
La divination s’applique aux affaires publiques et privées. Les fonctions du devin sont héréditaires. On pratique surtout la divination à partir de l’examen du foie des animaux mais aussi à partir de phénomènes fortuits (malformation de naissance, mouvements des animaux). Les songes sont considérés comme des messages divins, ainsi que les mouvements des astres et les phénomènes atmosphériques. Ainsi en est-il des manifestations du dieu-soleil Shamash, de la déesse Ishtar (Vénus), du dieu Mardouk (Jupiter), du dieu Hadad, seigneur de l’ouragan.
Babylone, dont le nom akkadien bab-ili(m) signifie la « porte du dieu » est une capitale religieuse.
Ce fut aussi en sa qualité de ville sacrée que Babylone a connu la célébrité et a étendu son rayonnement sur l’esprit humain. Malgré les différentes incursions, les grands temples de Babylone demeurèrent un centre spirituel et intellectuel jusqu’aux Sassanides.
Culte des dieux
Tout être humain est sous la dépendance d’un dieu. Les noms sont composés du patronyme d’une divinité très vénérée et d’une courte phrase. Ils sont souvent formés avec le préfixe ili, “mon dieu”.
Ce dieu personnel sert d’intermédiaire entre l’homme et les autres divinités. Le pieux Babylonien aime à faire graver le nom de son dieu sur son cylindre.
Le premier devoir religieux est la crainte de la divinité. Le second, c’est la prière et le sacrifice, sacrifices qui consiste en aliments offerts à la divinité, accompagnés de la combustion de plantes aromatiques ; les liquides sont servis en libation. Les rituels sont différents selon le but à atteindre. Le sacrifice sanglant est le plus souvent celui d’un mouton ou d’un chevreau. Les sacrifices réguliers du culte public varient suivant les ressources dont dispose temple. Les Babyloniens ne vénéraient pas la statue elle-même du dieu mais plutôt la force divine qui l’habitait.
Le dieu protecteur est en quelque sorte responsable des fautes de son protégé envers les autres dieux. Pour rentrer en grâce, on éloignera les démons par la pratique de la magie ; on retrouvera la bienveillance de son dieu par les rites d’expiation, les sacrifices, les purifications et surtout par la prière, accompagnée des attitudes et des gestes rituels.
Sippar : représentation du dieu Shamash
Culte des morts
Les Babyloniens croyaient que le royaume des morts était un endroit souterrain, sombre et noir, où les défunts étaient condamnés à séjourner restant éternellement immobiles sous l’autorité de la déesse maîtresse des lieux. En conséquence, les Babyloniens n’accordèrent pas une très grande attention aux monuments funéraires. On offrait des sacrifices alimentaires aux défunts, non tant pas pour les honorer que pour se mettre à l’abri des maléfices. Le suprême châtiment pour un homme, était la privation de sépulture, car son âme ne serait jamais en repos.
Les Temples
Les temples majeurs étaient l’Eanna à Ourouk, l’Esagil et la grande ziggourat à Babylone, l’Ezida à Borsippa, ainsi que deux temples nommés Ebabar, l’un situé à Larsa et l’autre à Sippar.
La liste des temples donne les noms de cérémonie des quarante-trois principaux centres cultuels de Babylone et les divinités à qui ils étaient dédiés. Des chapelles plus petites et des sanctuaires de plein air se trouvaient également disséminés dans les quartiers résidentiels.
L’examen des vestiges de Babylone prouve que les architectes jouissaient d’une grande liberté dans la disposition de l’édifice. Tous ces temples étaient construits selon un même plan simple : une cour centrale où l’on entre par deux côtés ; sur le troisième côté se trouve la large chapelle contenant une niche pour la statue cultuelle incarnant la présence divine. Dans les fondations de chaque temple, il était d’usage de placer des figures prophylactiques. Tous ces temples étaient recouverts d’une couche de gypse blanc, qui, dans certains cas, était peinte de motifs géométriques. Le dieu habite dans son temple avec sa femme, ses enfants et ses familiers. Les statues des dieux étaient placées à l’intérieur du sanctuaire. On y pratiquait des rites quotidiens particuliers tels l’habillage et le lavage des statues ; on les nourrissait et on les promenait. Aucun autel n’a été découvert à l’intérieur des temples de Babylone. Le sacrifices se font à l’extérieur ; seuls les prêtres et le prince peuvent entrer dans le sanctuaire en présence du dieu.
Les rois accordaient régulièrement, surtout au retour d’une campagne militaire victorieuse, des donations aux temples. Ces donations étaient matérialisées par des kudurru, sorte de bornes de propriété en pierre.
Chaque temple était desservi par un personnel composé de fonctionnaires religieux, d’administrateurs et d’ouvriers. L’enceinte du temple contenait à la fois des salles de culte et de nombreuses chambres auxiliaires et des zones d’activité économique. A côté des cours des temples se trouvaient des enclos pour les moutons et le bétail utilisés pour les sacrifices quotidiens. Dans une autre partie de la cour se trouvait les ateliers où l’or et l’argent étaient travaillés pour confectionner des bijoux pour la divinité.
Kudurru du roi kassite Melishipak II.
L’Esagil
Le plus important de tous les temples de Babylone, littéralement « Maison à la tête haute », centre cultuel de Mardouk, avec ses portes, ses cours et ses nombreux sanctuaires dont nous connaissons les noms. Ses dimensions étaient impressionnantes : il couvrait une superficie de 180 x 125 mètres et ses murs ont été par endroits conservés jusqu’à une hauteur de 10 mètres, en relativement bon état.
Tablette de l’Esagil donnant.
La partie centrale, à l’ouest, disposait d’une grande cour intérieure à partir de laquelle on pouvait accéder aux différentes ailes du bâtiment disposées tout autour. Ces ailes étaient conçues comme des salles complexes et représentaient des sanctuaires, semblables à des chapelles, dédiés aux dieux du panthéon babylonien qui y résidaient, peut-être, lors de leur visite annuelle pour la Fête du Nouvel An. Mais le Saint des saints, la chapelle de Mardouk lui-même, n’a pu être identifié.
Le clergé babylonien
Le roi est le grand prêtre du dieu national.
Les grands prêtres des principaux sanctuaires sont d’importants personnages, souvent des princes. Ils sont désignés par des présages et cet évènement est commémoré dans les noms des années. Au dessous du grand prêtre, se groupent diverses catégories de prêtres, désignées par le terme général de sangou. Le clergé se divise en trois ordres : les conjurateurs, les devins et les chantres.
Les conjurateurs rendent les dieux propices et chassent les démons.
Ils se rendent au temple, certains jours déterminés, pour offrir des sacrifices et moduler les lamentations sacrées en s’accompagnant de divers instruments à percussion. Leurs bons offices sont requis pour rebâtir un temple ou à l’occasion de présages funestes. Il existe des incantations contre tous les maux : esprits mauvais, revenants, sorciers, maux de tête, fièvres, rhumatismes.
Les devins se divisent en diverses espèces selon les phénomènes à observer.
La divination s’applique aux affaires publiques et privées. Les fonctions du devin sont héréditaires. On pratique surtout la divination à partir de l’examen du foie des animaux mais aussi à partir de phénomènes fortuits (malformation de naissance, mouvements des animaux). Les songes sont considérés comme des messages divins, ainsi que les mouvements des astres et les phénomènes atmosphériques. Ainsi en est-il des manifestations du dieu-soleil Shamash, de la déesse Ishtar (Vénus), du dieu Mardouk (Jupiter), du dieu Hadad, seigneur de l’ouragan.
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