La Prédication selon les religions
Forum Religion : Le Forum des Religions Pluriel :: ○ Science / Histoire :: Histoire/Religion :: Histo religieuse
Page 1 sur 2
Page 1 sur 2 • 1, 2
La Prédication selon les religions
La Prédication selon les religions
(Forum Religion)
La prédication est l'action de parler publiquement des choses de Dieu aux non-croyants et d'enseigner les croyants (on dit prêcher). Le mot provient du Bas-latin ecclésiastique prædicere (en français : « dire devant »).
Origine
La prédication, composé de l’enseignement de la bible, est l’un des éléments essentiels de la réunion chrétienne (1 Corinthiens 14:26). Jésus a consacré une partie importante de son ministère à prêcher (Luc 8:1;Marc 2:2; Matthieu 4:23). C’est ainsi la responsabilité principale qu’il a confié aux pasteurs et missionnaires (Matthieu 28:20). Le livre des Actes relate certaines des interventions de Pierre et Paul de Tarse. Dans les siècles suivants, on peut retenir parmi les orateurs chrétiens marquants :
•Athanase d'Alexandrie (298-373)
•Hilaire de Poitiers (315-367)
•Grégoire de Nazianze (330-350)
•Ambroise de Milan (340-397)
•Jean Chrysostome (345-407), Chrysostome étant emprunté du grec et signifiant « Bouche d'or »
•Augustin d'Hippone (354-430)
•Cyrille d'Alexandrie, 381-444
•Pierre Chrysologue (406-451), Chrysologue étant emprunté du grec et signifiant « Parole d'or »
Selon les écrits du Nouveau Testament, la forme que prend la prédication peut changer selon le type d'apostolat et de l'endroit où il est prêché. L'action de prêcher est, comparablement, totalement indépendante du jour de la semaine, voire du moment de la journée. De plus, le Nouveau Testament ne requiert pas du prédicateur qu'il soit consacré.
(Forum Religion)
La prédication est l'action de parler publiquement des choses de Dieu aux non-croyants et d'enseigner les croyants (on dit prêcher). Le mot provient du Bas-latin ecclésiastique prædicere (en français : « dire devant »).
Origine
La prédication, composé de l’enseignement de la bible, est l’un des éléments essentiels de la réunion chrétienne (1 Corinthiens 14:26). Jésus a consacré une partie importante de son ministère à prêcher (Luc 8:1;Marc 2:2; Matthieu 4:23). C’est ainsi la responsabilité principale qu’il a confié aux pasteurs et missionnaires (Matthieu 28:20). Le livre des Actes relate certaines des interventions de Pierre et Paul de Tarse. Dans les siècles suivants, on peut retenir parmi les orateurs chrétiens marquants :
•Athanase d'Alexandrie (298-373)
•Hilaire de Poitiers (315-367)
•Grégoire de Nazianze (330-350)
•Ambroise de Milan (340-397)
•Jean Chrysostome (345-407), Chrysostome étant emprunté du grec et signifiant « Bouche d'or »
•Augustin d'Hippone (354-430)
•Cyrille d'Alexandrie, 381-444
•Pierre Chrysologue (406-451), Chrysologue étant emprunté du grec et signifiant « Parole d'or »
Selon les écrits du Nouveau Testament, la forme que prend la prédication peut changer selon le type d'apostolat et de l'endroit où il est prêché. L'action de prêcher est, comparablement, totalement indépendante du jour de la semaine, voire du moment de la journée. De plus, le Nouveau Testament ne requiert pas du prédicateur qu'il soit consacré.
Re: La Prédication selon les religions
Dans l'Église catholique
Durant la messe, dont la première partie est une 'Liturgie de la Parole' avec lectures bibliques, l'homélie est un commentaire de ces textes bibliques fait en préparation à l'eucharistie, moment-clé de la liturgie catholique.
Prédicateurs catholiques notables
•Saint Léon, pape († 461)
•Saint Grégoire Ier, pape (540-604)
•Saint Jean Damascène (650-749)
•Saint Paschase Radbert († 865)
•Saint Bernard de Clairvaux (1090-1153)
•Saint Dominique (1170-1221)
•Saint François d'Assise (1185-1226)
•Saint Antoine de Padoue (1195-1231)
•Saint Bonaventure (1221-1274)
•Saint Thomas d'Aquin (1225-1274)
•Saint Vincent Ferrier (1350-1419)
•Jean de Gerson (1363-1429)
•Saint Bernardin de Sienne (1380-1444)
•Saint François Borgia (1510-1572)
•Saint Robert Bellarmin (1542-1621)
•Saint François de Sales (1567-1622)
•Saint Vincent de Paul (1581-1660)
•Saint Jean-François Régis (1597-1640)
•Saint Jean Eudes (1601-1680)
•Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704)
•Louis Bourdaloue (1632-1704)
•Esprit Fléchier (1632-1710)
•Fénelon (1651-1715)
•Saint Louis-Marie Grignion de Montfort (1683-1716)
•Henri Lacordaire (1802-1861)
•Félix Dupanloup (1802-1878)
Durant la messe, dont la première partie est une 'Liturgie de la Parole' avec lectures bibliques, l'homélie est un commentaire de ces textes bibliques fait en préparation à l'eucharistie, moment-clé de la liturgie catholique.
Prédicateurs catholiques notables
•Saint Léon, pape († 461)
•Saint Grégoire Ier, pape (540-604)
•Saint Jean Damascène (650-749)
•Saint Paschase Radbert († 865)
•Saint Bernard de Clairvaux (1090-1153)
•Saint Dominique (1170-1221)
•Saint François d'Assise (1185-1226)
•Saint Antoine de Padoue (1195-1231)
•Saint Bonaventure (1221-1274)
•Saint Thomas d'Aquin (1225-1274)
•Saint Vincent Ferrier (1350-1419)
•Jean de Gerson (1363-1429)
•Saint Bernardin de Sienne (1380-1444)
•Saint François Borgia (1510-1572)
•Saint Robert Bellarmin (1542-1621)
•Saint François de Sales (1567-1622)
•Saint Vincent de Paul (1581-1660)
•Saint Jean-François Régis (1597-1640)
•Saint Jean Eudes (1601-1680)
•Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704)
•Louis Bourdaloue (1632-1704)
•Esprit Fléchier (1632-1710)
•Fénelon (1651-1715)
•Saint Louis-Marie Grignion de Montfort (1683-1716)
•Henri Lacordaire (1802-1861)
•Félix Dupanloup (1802-1878)
Re: La Prédication selon les religions
Léon Ier (pape)
Gaule Sixte III 440
Cet article ne cite pas suffisamment ses sources (octobre 2011). Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant les références utiles à sa vérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références » (modifier l'article, comment ajouter mes sources ?).
Saint Léon Ier le Grand, pape de 440 à 461, et docteur de l'Église.
Ses origines sont mal connues. Né en Toscane ou à Rome entre 390 et 400, fils d'un dénommé Quintianus, il est archidiacre de Rome sous le pontificat de Célestin Ier (422/432) puis de Sixte III (432/440) dont il est l'homme de confiance. À la mort de ce dernier, le 19 août 440, Léon est en Gaule à la demande de la cour de Ravenne afin d'arbitrer un conflit entre le patrice Aetius et le préfet du prétoire Albinus. Sa réputation et son influence sont si grandes qu'il est élu pape par le peuple romain pendant son absence en Gaule. Il rentre à Rome en septembre pour être sacré le 29 septembre. Il a pour conseiller saint Pierre Chrysologue.
Sa personnalité
C'est un pape relativement avare de confidences sur sa personne, contrairement à nombre de ses successeurs. De son pontificat, on ne connaît que son activité pastorale et théologique. Il ignore probablement le grec, ne goûte guère la philosophie et les auteurs classiques dont on ne trouve quasiment pas de citations dans la centaine de sermons que l'on possède de lui. Mais Léon Ier possède au plus haut point la conscience de la dignité de sa fonction d'évêque de Rome. Il justifie la primauté de l'évêque de Rome par sa qualité de successeur de Pierre.
De fait, il privilégie de façon claire la fonction plutôt que la personne qui l'assume. Ce principe ne sera plus réellement remis en question avant 1054. D'ailleurs, en 445, l'empereur Valentinien III reconnaît officiellement la primauté du pape à la suite de la condamnation de l'évêque d'Arles Hilaire. Il est énergique et serein, tenace et résolu.
Ses positions
Sa juridiction
Il exerce sa juridiction sur trois zones. Tout d'abord la ville de Rome et l'Italie où il réprime la secte des manichéens et le pélagianisme. En 443, il rassemble à Rome de nombreux évêques et prêtres pour mettre en garde contre les sectes et inviter ceux qui le souhaitent à se rétracter de leurs erreurs. Beaucoup, semble-t-il, se rétractent ; quant aux récalcitrants ils sont sanctionnés. Léon oblige aussi les évêques à assister chaque année au synode de Rome. Il leur rappelle les conditions d'admission à l'épiscopat. Sur la Gaule, l'Espagne et l'Afrique du Nord ensuite où il encourage la lutte contre le priscillianisme, invitant l'évêque d'Astorga à réunir un concile contre cette hérésie. De même il exprime sa réprobation à Hilaire d'Arles qui s'arroge un pouvoir sur les évêques de Gaule. Enfin en Orient, où l’évêque de Thessalonique devient son vicaire, Léon exerce sa juridiction sur les régions balkaniques.
Sa pensée théologique
Christologie
Les innombrables querelles sur la personne et la nature du Christ permettent à Léon Ier d'en imposer aux théologiens byzantins. Dans le Tome à Flavien[1], lettre publiée le 13 juin 449 et adressée au patriarche de Constantinople, il exprime de façon magistrale la doctrine de l'unicité de la personne du Christ subsistant en deux natures distinctes et réfute ainsi clairement le monophysisme. Théodose II convoque un concile à Éphèse en 449 mais Eutychès empêche les représentants du pape de prendre la parole (le brigandage d'Éphèse)[2]. Le triomphe d'Eutychès est de courte durée car, après la mort accidentelle de Théodose II, la nouvelle impératrice Pulchérie et son mari Marcien, favorables à l'orthodoxie, convoquent un nouveau concile à Chalcédoine (451). Léon Ier fait triompher son point de vue et, à la lecture de son Tome à Flavien, l'assemblée se lève, s'écriant : « C'est Pierre qui parle par la bouche de Léon ». Si le triomphe doctrinal est complet, il en va différemment sur le plan politique où Léon Ier accuse un échec avec le 28e canon du concile qui affirme l'égalité de droit des sièges de Rome et de Constantinople, les deux villes étant cités impériales. Pour Léon, c'est inacceptable car sa primauté, estime-t-il, vient non pas du prestige de la ville mais de sa qualité de successeur de Pierre. Cette tension, source de bien des conflits dans l'avenir, reste pour l'instant contenue car Léon Ier est conscient de l'importance pour la papauté d'être présente à Constantinople.
Liturgie
La foi permet à celui qui entend la lecture de l'Évangile d'être présent spirituellement à l'événement. Il est commémoré, mais l'action du Christ est rendue présente et agissante. La célébration des mystères est une source de joie, en même temps qu'un moyen pour affermir la foi des fidèles.
Morale
Chaque Sermon part de la contemplation du Mystère célébré, et aboutit à une parénèse, une exhortation morale. Le Christ est sacramentum et exemplum : il procure la grâce par la vertu de son action, et trace le chemin à suivre.
Son action politique
Léon Ier et Attila, peinture de Raphaël (peintre)
L'action politique de Léon Ier n'est pas négligeable. L'épisode le plus célèbre est la rencontre avec Attila en 452 à Mantoue où le pape persuade le conquérant de faire demi-tour. Il est vrai que l'intervention de l'empereur Marcien sur les arrières des Huns n'est sans doute pas étrangère au retrait d'Attila, plus sans doute que le pouvoir de persuasion du pape. En 455 il lui est impossible d'empêcher le deuxième pillage de Rome par Genséric et ses Vandales. Mais il parvient quand même à négocier que la ville ne soit pas incendiée et qu'il n'y ait ni meurtres, ni viols, ni violences.
Héritage
Saint Léon meurt le 10 novembre 461. Il est enseveli sous le portique de la basilique vaticane. Il est, avec Grégoire Ier et Nicolas Ier (non officiel), le seul pape auquel a été attribué le qualificatif de « grand ». Il est fêté le 10 novembre.
Nous possédons de lui 173 lettres qui sont autant de documents sur la vie de l'Église et de la papauté. Il est aussi le premier pape dont nous ayons les Sermons, 97 en tout, prononcés généralement lors des grandes fêtes de l'année liturgique, ou des temps privilégiés. D'une grande simplicité, clairs, souvent assez courts, ils exposent les mystères du Christ, préconisent le jeûne et la générosité et prêchent le dogme de l'Incarnation tel qu'il est défini au concile de Chalcédoine. Certains expliquent aussi sa conception du rôle du souverain pontife lequel est l'héritier de l'autorité conférée par Jésus à Pierre. Ce dernier, selon Léon Ier, est toujours présent dans l'Église et transmet à son successeur son autorité suprême. C'est pourquoi seul le siège apostolique, le siège de l'Apôtre, c'est-à-dire Rome, doit recevoir la mission de diriger l'Église universelle (catholique). Il considère qu'à la grandeur passée de la cité impériale doit succéder l'humilité de la Rome des apôtres Pierre et Paul.
Saint Léon a permis le premier missel qui, modifié, est dévenu le Sacramentaire léonien, compilation de textes liturgiques des Ve, VIe et VIIe siècles. Le Sacramentaire léonien contient probablement des éléments qui remontent à saint Léon.
Léon est le sujet d'une tragédie de Juliana Cornelia de Lannoy, intitulée Léon le Grand (1767). Louis de Wohl, dans Le trône du monde (1946), réédité sous le titre Attila le Hun, fait intervenir Aetius, Attila, Honoria et Léon Ier dans ce roman historique.
Gaule Sixte III 440
Cet article ne cite pas suffisamment ses sources (octobre 2011). Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant les références utiles à sa vérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références » (modifier l'article, comment ajouter mes sources ?).
Léon Ier
Le 45e pape Léon Ier
Biographie
Naissance
390
Toscane
Décès
11 novembre 461
Rome
Pape de l’Église catholique
Élection au pontificat
29 septembre 440
Fin du pontificat
10 novembre 461
Saint Léon Ier le Grand, pape de 440 à 461, et docteur de l'Église.
Ses origines sont mal connues. Né en Toscane ou à Rome entre 390 et 400, fils d'un dénommé Quintianus, il est archidiacre de Rome sous le pontificat de Célestin Ier (422/432) puis de Sixte III (432/440) dont il est l'homme de confiance. À la mort de ce dernier, le 19 août 440, Léon est en Gaule à la demande de la cour de Ravenne afin d'arbitrer un conflit entre le patrice Aetius et le préfet du prétoire Albinus. Sa réputation et son influence sont si grandes qu'il est élu pape par le peuple romain pendant son absence en Gaule. Il rentre à Rome en septembre pour être sacré le 29 septembre. Il a pour conseiller saint Pierre Chrysologue.
Sa personnalité
C'est un pape relativement avare de confidences sur sa personne, contrairement à nombre de ses successeurs. De son pontificat, on ne connaît que son activité pastorale et théologique. Il ignore probablement le grec, ne goûte guère la philosophie et les auteurs classiques dont on ne trouve quasiment pas de citations dans la centaine de sermons que l'on possède de lui. Mais Léon Ier possède au plus haut point la conscience de la dignité de sa fonction d'évêque de Rome. Il justifie la primauté de l'évêque de Rome par sa qualité de successeur de Pierre.
De fait, il privilégie de façon claire la fonction plutôt que la personne qui l'assume. Ce principe ne sera plus réellement remis en question avant 1054. D'ailleurs, en 445, l'empereur Valentinien III reconnaît officiellement la primauté du pape à la suite de la condamnation de l'évêque d'Arles Hilaire. Il est énergique et serein, tenace et résolu.
Ses positions
Sa juridiction
Il exerce sa juridiction sur trois zones. Tout d'abord la ville de Rome et l'Italie où il réprime la secte des manichéens et le pélagianisme. En 443, il rassemble à Rome de nombreux évêques et prêtres pour mettre en garde contre les sectes et inviter ceux qui le souhaitent à se rétracter de leurs erreurs. Beaucoup, semble-t-il, se rétractent ; quant aux récalcitrants ils sont sanctionnés. Léon oblige aussi les évêques à assister chaque année au synode de Rome. Il leur rappelle les conditions d'admission à l'épiscopat. Sur la Gaule, l'Espagne et l'Afrique du Nord ensuite où il encourage la lutte contre le priscillianisme, invitant l'évêque d'Astorga à réunir un concile contre cette hérésie. De même il exprime sa réprobation à Hilaire d'Arles qui s'arroge un pouvoir sur les évêques de Gaule. Enfin en Orient, où l’évêque de Thessalonique devient son vicaire, Léon exerce sa juridiction sur les régions balkaniques.
Sa pensée théologique
Christologie
Les innombrables querelles sur la personne et la nature du Christ permettent à Léon Ier d'en imposer aux théologiens byzantins. Dans le Tome à Flavien[1], lettre publiée le 13 juin 449 et adressée au patriarche de Constantinople, il exprime de façon magistrale la doctrine de l'unicité de la personne du Christ subsistant en deux natures distinctes et réfute ainsi clairement le monophysisme. Théodose II convoque un concile à Éphèse en 449 mais Eutychès empêche les représentants du pape de prendre la parole (le brigandage d'Éphèse)[2]. Le triomphe d'Eutychès est de courte durée car, après la mort accidentelle de Théodose II, la nouvelle impératrice Pulchérie et son mari Marcien, favorables à l'orthodoxie, convoquent un nouveau concile à Chalcédoine (451). Léon Ier fait triompher son point de vue et, à la lecture de son Tome à Flavien, l'assemblée se lève, s'écriant : « C'est Pierre qui parle par la bouche de Léon ». Si le triomphe doctrinal est complet, il en va différemment sur le plan politique où Léon Ier accuse un échec avec le 28e canon du concile qui affirme l'égalité de droit des sièges de Rome et de Constantinople, les deux villes étant cités impériales. Pour Léon, c'est inacceptable car sa primauté, estime-t-il, vient non pas du prestige de la ville mais de sa qualité de successeur de Pierre. Cette tension, source de bien des conflits dans l'avenir, reste pour l'instant contenue car Léon Ier est conscient de l'importance pour la papauté d'être présente à Constantinople.
Liturgie
La foi permet à celui qui entend la lecture de l'Évangile d'être présent spirituellement à l'événement. Il est commémoré, mais l'action du Christ est rendue présente et agissante. La célébration des mystères est une source de joie, en même temps qu'un moyen pour affermir la foi des fidèles.
Morale
Chaque Sermon part de la contemplation du Mystère célébré, et aboutit à une parénèse, une exhortation morale. Le Christ est sacramentum et exemplum : il procure la grâce par la vertu de son action, et trace le chemin à suivre.
Son action politique
Léon Ier et Attila, peinture de Raphaël (peintre)
L'action politique de Léon Ier n'est pas négligeable. L'épisode le plus célèbre est la rencontre avec Attila en 452 à Mantoue où le pape persuade le conquérant de faire demi-tour. Il est vrai que l'intervention de l'empereur Marcien sur les arrières des Huns n'est sans doute pas étrangère au retrait d'Attila, plus sans doute que le pouvoir de persuasion du pape. En 455 il lui est impossible d'empêcher le deuxième pillage de Rome par Genséric et ses Vandales. Mais il parvient quand même à négocier que la ville ne soit pas incendiée et qu'il n'y ait ni meurtres, ni viols, ni violences.
Héritage
Saint Léon meurt le 10 novembre 461. Il est enseveli sous le portique de la basilique vaticane. Il est, avec Grégoire Ier et Nicolas Ier (non officiel), le seul pape auquel a été attribué le qualificatif de « grand ». Il est fêté le 10 novembre.
Nous possédons de lui 173 lettres qui sont autant de documents sur la vie de l'Église et de la papauté. Il est aussi le premier pape dont nous ayons les Sermons, 97 en tout, prononcés généralement lors des grandes fêtes de l'année liturgique, ou des temps privilégiés. D'une grande simplicité, clairs, souvent assez courts, ils exposent les mystères du Christ, préconisent le jeûne et la générosité et prêchent le dogme de l'Incarnation tel qu'il est défini au concile de Chalcédoine. Certains expliquent aussi sa conception du rôle du souverain pontife lequel est l'héritier de l'autorité conférée par Jésus à Pierre. Ce dernier, selon Léon Ier, est toujours présent dans l'Église et transmet à son successeur son autorité suprême. C'est pourquoi seul le siège apostolique, le siège de l'Apôtre, c'est-à-dire Rome, doit recevoir la mission de diriger l'Église universelle (catholique). Il considère qu'à la grandeur passée de la cité impériale doit succéder l'humilité de la Rome des apôtres Pierre et Paul.
Saint Léon a permis le premier missel qui, modifié, est dévenu le Sacramentaire léonien, compilation de textes liturgiques des Ve, VIe et VIIe siècles. Le Sacramentaire léonien contient probablement des éléments qui remontent à saint Léon.
Léon est le sujet d'une tragédie de Juliana Cornelia de Lannoy, intitulée Léon le Grand (1767). Louis de Wohl, dans Le trône du monde (1946), réédité sous le titre Attila le Hun, fait intervenir Aetius, Attila, Honoria et Léon Ier dans ce roman historique.
Re: La Prédication selon les religions
Grégoire Ier
Pélage II 590 604
Saint Grégoire Ier
Consécration épiscopale
3 septembre 590
Consultez la documentation du modèle
Grégoire Ier, dit le Grand, auteur des Dialogues (né vers 540, mort le 12 mars 604), devient le 64e pape en 590.
Docteur de l'Église, il est l'un des quatre Pères de l'Église d'Occident, avec saint Ambroise, saint Augustin et saint Jérôme. Son influence durant le Moyen Âge fut considérable.
C'est en son honneur que, deux siècles après sa mort, le Chant messin est appelé « chant grégorien » (sans que l'on sache avec certitude son rôle dans l'évolution et la diffusion du chant liturgique).
Depuis le concile Vatican II, l'Église catholique le célèbre le 3 septembre (auparavant le 12 mars).
Biographie
Débuts
Grégoire est né à Rome vers 540, au moment de la reconquête de l'Italie par Justinien, d'une famille chrétienne et patricienne, de la branche Anicia. Son père, le sénateur Gordien, est administrateur d'un des sept arrondissements de Rome. Deux de ses sœurs sont honorées saintes (Tharsilla et Æmiliane), et il avait parmi ses ancêtres le pape Félix III. Sa mère, Sylvie, est elle aussi honorée sainte[1].
Il est éduqué dans le climat de renouveau culturel suscité en Italie par la Pragmatica sanctio, et excelle, « selon le témoignage de Grégoire de Tours, dans l'étude de la grammaire, de la dialectique et de la rhétorique[2] ». En 572, il est nommé préfet de la ville, ce qui lui permet de s'initier à l'administration publique, et devient ainsi le premier magistrat de Rome. Il utilise ses aptitudes pour réorganiser le « patrimoine de Saint-Pierre ». En 574, il souscrit à l'acte par lequel Laurent, évêque de Milan, reconnaît la condamnation des « Trois Chapitres » par le IIe Concile de Constantinople de 553.
Vers 574-575, il adopte la vie monastique et transforme en monastère dédié à saint André la demeure familiale située sur le mont Cælius. Il nomme pour abbé le moine Valentien. On ne sait pas si Grégoire assuma personnellement la direction de la communauté. Ayant hérité de grandes richesses à la mort de son père, il fonde aussi six monastères en Sicile. On ne sait pas si Grégoire et ses moines adoptèrent la règle de saint Benoît, mais « on ne saurait cependant douter de l'harmonie fondamentale existant entre l'idéal monastique de Benoît et celle du grand pontife[2]. »
À Constantinople
Grégoire est ordonné diacre par le pape Pélage II (ou peut-être par Benoît Ier, mais c'est moins probable) avant d'être envoyé à Constantinople comme apocrisiaire (représentant permanent). Il s'y rend accompagné de quelques frères, et y résidera jusqu'à la fin de 585 ou le début de 586, « sans songer, d'ailleurs, à apprendre le grec ni à s'initier à la théologie orientale[3] ». Il se plaint d'ailleurs de trouver difficilement des interprètes à Constantinople, capables de bien traduire en grec les documents latins[4]. Cela montre qu'entre les cultures latine et hellénique de la chrétienté il existait déjà des clivages au sein de l'Église nicéenne, cinq siècles avant la séparation formelle qui donnera naissance aux Églises catholique et orthodoxes.
C'est à Constantinople qu'il rédigea sa plus importante œuvre exégétique, l'Expositio in Job. Il se fit aussi remarquer par une controverse avec Eutychès, le patriarche de Constantinople, à propos de la résurrection des corps. En effet, Grégoire défendait la thèse traditionnelle de l'Église nicéenne sur la résurrection des corps, tandis qu'Eutychès « appliquait au dogme nicéen le principe de l'hylémorphisme aristotélicien[2] ».
À la demande du pape, Grégoire attira aussi l'attention de l'empereur Byzantin Maurice sur l'invasion lombarde en Italie.
De retour à Rome, Grégoire reprit la vie monastique. Il joua aussi le rôle de secrétaire et conseiller de Pélage II. À ce titre, il rédige l’Épître III de Pélage, où il soutient la légitimité de la condamnation des Trois Chapitres par le concile de Constantinople de 553.
Pélage II meurt de la peste le 7 février 590.
Pape
Le pape Grégoire Ier.
Saint Grégoire le Grand, par Domenico Fetti, Palais des beaux-arts de Lille.
Grégoire « est élu pape par l'acclamation unanime du clergé et du peuple[3] ». Il essaie de se dérober, faisant même appel à l'empereur, mais c'est en vain. Il est consacré pape à Saint-Pierre, le 3 septembre 590. Cet épisode est raconté dans la Légende dorée.
Au même moment, meurt le roi des Lombards Authari. Agilulf, un arien, lui succède et conformément à la coutume, il épouse la veuve de son prédécesseur Théodelinde de Bavière. Celle-ci se révélera une alliée influente du nouveau pape et amènera le roi au catholicisme.
Grégoire Ier est le premier Pape à être considéré par l'Orient avec respect, car il est fidèle à l'Empire romain, ne donne pas de sens politique à la primauté romaine (le primus inter pares honorifique reconnu par les Pères de l'Église et les Conciles œcuméniques) et est un auteur prolifique dont les ouvrages sont appréciés par les Orientaux. Aussi saint Grégoire Ier est-il toujours vénéré par l'Église orthodoxe jusqu'à aujourd'hui. Selon Cyprien de Carthage[5], depuis l'invasion des Lombards en Italie, l'« Évêque des Évêques » représente davantage l'Empire romain dans la péninsule, que l'empereur de Constantinople, absorbé par la défense des frontières de Syrie et du Danube, et qui ne peut envoyer que sporadiquement des troupes et des subsides, le plus souvent insuffisants. En outre, la ville est ravagée par la peste, le Tibre déborde.
Grégoire doit donc à la fois veiller à rassurer les fidèles (certains croient que la fin du monde est arrivée) et utiliser ses talents d'administrateur pour veiller au ravitaillement de la ville. Dans l'ensemble de son pontificat, on notera une importante réforme administrative à l'avantage des populations rurales, ainsi que la restructuration du patrimoine de toutes les églises d'Occident, afin d'en faire « des témoins de la pauvreté évangélique et des instruments de défense et de protection du monde agricole contre toute forme d'injustice publique ou privée[6]. ». Ses lettres nous le montrent appliqué à défendre le patrimoine de Saint-Pierre, territoire non-continu resté sous juridiction romaine mais éparpillé à travers l'Italie, les côtes d'Illyrie à la Sicile, et que les Lombards avaient démembré, ruiné et désorganisé. On l'y voit revendiquer les terres aliénées ou envahies, nommer des intendants, leur tracer les règles à suivre, leur imposer les mesures nécessaires pour la perception et la centralisation des revenus. En somme, il se comporte en Exarque impérial, et en quelques années, la papauté se trouve en possession d'un revenu régulier et de ressources abondantes, devenant l'une des premières puissances financières de l'Occident. Enfin, il associe les moines à l'action pontificale, non seulement en fondant de nouveaux monastères dans la « ville éternelle », mais également en octroyant à quantité d'entre eux des privilèges d'exemption qui les placent directement sous l'autorité du Saint Siège[7].
Durant son pontificat, Grégoire adopte une « attitude d'attente et de négociation avec les Lombards[8] ». Non satisfait des mesures prises par l'Empereur Maurice (« J'attends plus de la miséricorde de Jésus de qui vient la justice que de votre piété », écrit-il à l'empereur[9]), il prend lui-même les choses en main, en signant en 595 une trêve avec Agilulf. En 598, il favorise une nouvelle trêve, entre l'exarque Callinicos et le roi lombard. Maurice trouve ce comportement « prétentieux »[10]. Grégoire se défend en argumentant : « Si j'avais voulu me prêter à la destruction des Lombards lorsque j'étais apocrisiaire à Constantinople, ce peuple n'aurait plus aujourd'hui ni roi, ni comtes ; il serait en proie à une irrémédiable confusion ; mais, comme je crains Dieu, je n'ai voulu me prêter à la perte de qui que ce soit[11] ». Grâce à ses contacts avec Théodelinde, la reine franque des Lombards, un mouvement progressif de conversions au christianisme nicéen s'amorça parmi ceux-ci[12].
Le geste le plus important de Grégoire Ier par rapport à l'évangélisation est l'envoi en mission, en 596, de saint Augustin de Cantorbéry, accompagné de quarante moines du monastère du mont Cælius, afin de restaurer le christianisme en Grande-Bretagne. En effet, sous l’empire, la Bretagne avait été quelque peu christianisée, mais les Saxons avaient envahi l’île et repoussé vers l’ouest les chrétiens bretons[13]. Grégoire fait aussi racheter aux Saxons de jeunes esclaves bretons pour les faire élever dans des monastères. Le grand historien Edward Gibbon dira : « César avait eu besoin de six légions pour conquérir la Grande-Bretagne. Grégoire y réussit avec quarante moines[14] ». Dans une lettre adressée à un missionnaire en partance pour la Grande-Bretagne païenne, en 601, Grégoire Ier donnait cet ordre : « Les temples abritant les idoles dudit pays ne seront pas détruits ; seules les idoles se trouvant à l’intérieur le seront [...]. Si lesdits temples sont en bon état, il conviendra de remplacer le culte des démons par le service du vrai Dieu[15] ». Augustin devint le premier archevêque de Cantorbéry. Considérée par le grand historien médiéval Henri Pirenne comme « un chef-d’œuvre de tact, de raison et de méthode[16] », la conversion de l'Angleterre à l'Église nicéenne repose sur des consignes prudentes et réfléchies. Les missionnaires n'arrivent dans le pays qu'après en avoir étudié la langue, les mœurs et la religion. Ils se gardent de heurter les préjugés, de rechercher des succès trop rapides ou d'ambitionner le martyre. Ils gagnent la confiance avant de gagner les âmes. Au bout de 60 ans, les Anglo-Saxons étaient non seulement devenus chrétiens, mais ils l'étaient au point de fournir à l'Église des missionnaires dignes de ceux qui les avaient convertis, tel Saint-Boniface qui entreprendra au début du VIIIe siècle l'évangélisation de la Germanie païenne d'au delà du Rhin.
La conversion de l'Angleterre marque une étape décisive dans l'histoire de la papauté. Fondation directe du Pape, l'Église anglo-saxonne se trouve placée dès le début sous l'obédience immédiate et la direction de Rome. Elle n'a rien d'une Église nationale ; elle est apostolique dans toute la force du terme. Et l'Église d'outre-Rhin, qu'elle va organiser, recevra d'elle le même caractère. À cette époque, l'Église nicéenne se tourne vers l'Europe du Nord pour convertir les peuples : Rome au-delà du Rhin et de la Manche vers la Grande-Bretagne, l'Irlande et la Germanie, Byzance au-delà du Danube, chez les Thraco-Romains, les Bulgares et les Slaves.
Mort
Vitrail représentant Grégoire Ier. .
Grégoire Ier meurt le 12 mars 604 et est inhumé au niveau du portique de l'Église Saint-Pierre de Rome. Cinquante ans plus tard, ses restes furent transférés sous un autel, qui lui fut dédié, à l'intérieur de la basilique, ce qui officialisa sa sainteté.
Écrits
Grégoire a laissé de nombreux écrits, dans divers domaines : un grand nombre de lettres, des commentaires et homélies sur la Parole, et quelques autres écrits. Il est spécialement connu pour être l'auteur des Dialogues (plusieurs volumes de la collection « Sources Chrétiennes », éd. Cerf). Il nous y rapporte en son livre II les seules informations biographiques que nous ayons sur saint Benoît, fondateur de la vie bénédictine et figure majeure du monachisme occidental.
Correspondance
Le Registrum epistolarum est composé de 814 lettres réparties en 14 livres, qui correspondent aux années du pontificat grégorien (590-604)[17]. C'est une composition assez hétéroclite : lettres spirituelles, lettres officielles à lire en public, ordonnances portant sur des questions de gouvernement, formulaires de nomination et de confirmation de charges, formulaires d'autorisation et de privilège, deux lettres à Théodelinde, datées de 593[18] etc. Cependant, certaines lettres permettent de tracer un portrait assez riche et précis du monde rural de la fin du VIe siècle.
Commentaires et homélies
L’Expositio in Job ou Moralia in Job (morales sur Job) est son œuvre exégétique la plus importante. Commencée à Constantinople, d'abord sous forme d'entretiens destinés aux frères de sa communauté, puis poursuivie sous forme de dictée, elle fut réorganisée et achevée à Rome, vers 595. Elle comporte 35 livres. « Par une œuvre qui est plus une catéchèse biblique qu'une construction scientifique, il a tracé les lignes essentielles de la théologie morale classique[19] ».
Grégoire le Grand par maître Théodoric, couvent Sainte-Agnès, Prague.
Homiliæ in Evangelium est un recueil de 40 homélies reproduit sa prédication durant les deux premières années de son pontificat. « Elles constituent un modèle de prédication populaire, remplie d'enseignement moral et mystique exposé sous une forme simple et naturelle, renforcé souvent par des exemples s'adressant à la grande masse des fidèles[20]. » P. Batiffol les considère comme « des modèles de l'éloquence pastorale et la prédication liturgique[21] ».
Homeliæ in Hiezechihelem sont 22 homélies sur le livre d'Ézéchiel, rédigées vers 593–594, alors qu'Agilulf menace d'assiéger Rome. Elles sont d'un niveau plus élevé que les homélies sur l'évangile. Le premier livre, dédié à Marinien de Syracuse, traite du charisme prophétique. Il s'adresse principalement aux prédicateurs et aux évêques. Le second livre, qui s'adresse aux moines de Coelius, commente la structure du Temple de Jérusalem. Par la symbolique des nombres, il explique la voie d'accès au silence contemplatif.
Plusieurs autres écrits n'ont pas été rédigés directement de la main de Grégoire. Ainsi, Expositiones in Canticum Canticorum, concernant les huit premiers versets du texte du Cantique des cantiques, et in librum primum Regum, qui commente 1S 1-16, sont deux textes qui ont été dictés de mémoire par le moine Claude, d'après ce qu'il avait entendu de Grégoire. L'attribution de ces œuvres à Grégoire est d'ailleurs contestée par de Vogüé dans l'édition des Sources Chrétiennes. Elles seraient l'œuvre de Pierre de Cava[22].
D'autres commentaires, sur les proverbes, les prophètes, l'Heptateuque, ont été rédigés de la même manière. Ces écrits sont malheureusement perdus aujourd'hui.
Autres écrits
Représentation du XVIIe siècle.
La réforme liturgique de Grégoire est décrite dans le Livre des sacrements. « Il rassembla en un seul livre le Codex de Gélase concernant la liturgie de la messe. Il y retrancha beaucoup de choses, en modifia quelques-unes et en ajouta certaines. Il institua ce livre : Livre des sacrements[23] ». Nous ne possédons cependant pas la version originale. Celle que l'on a actuellement est le texte envoyé par Adrien Ier à Charlemagne, vers 785-786, et contient plusieurs enrichissements reflétant des ajouts faits entre temps à la pratique liturgique usuelle. La tradition attribue aussi à Grégoire un Antiphonarium.
Le Pastoral (Regulae pastoralis liber), adressé à Jean IV, archevêque de Ravenne, traite en quatre livres de la vie pastorale, du gouvernement des âmes, de la prédication, de la vie spirituelle du pasteur. Grégoire exhorte l'évêque à un renouvellement personnel continu, afin que sa parole soit toujours incisive et efficace. L'ouvrage est traduit en grec dès 602 et sert de livre central pour la formation du clergé au Moyen Âge. Il demeure un classique de la vie spirituelle.
Les Dialogues témoignent de la sainteté d'évêques, moines, prêtres et gens du peuple, contemporains de Grégoire. Ils relatent des miracles opérés par de saints personnages en Italie. Le second livre constitue la principale source biographique que l'on a sur Benoît de Nursie. Le quatrième livre évoque des manifestations extraordinaires démontrant l'immortalité de l'âme humaine.
Penseur spirituel et théologien
Réforme liturgique
Légende de l'origine du chant grégorien, d'après le frontispice de l'édition vaticane :« Le très Saint Grégoire se répandait en prières, pour que le Seigneur lui accorde la musique à donner sur les textes liturgiques. L'Esprit Saint descendit alors sur lui sous la forme d'une colombe, et son cœur fut éclairé. Il commença aussitôt à chanter, et voici comment :... » (Suit l'Introït du premier dimanche de l'Avent.)
Légende de l'origine du chant grégorien, d'après le frontispice de l'édition vaticane :« Le très Saint Grégoire se répandait en prières, pour que le Seigneur lui accorde la musique à donner sur les textes liturgiques. L'Esprit Saint descendit alors sur lui sous la forme d'une colombe, et son cœur fut éclairé. Il commença aussitôt à chanter, et voici comment :... » (Suit l'Introït du premier dimanche de l'Avent.)
Grégoire Ier dictant un chant Illustration d'un antiphonaire du XIe siècle.
Grégoire Ier dictant un chant
Illustration d'un antiphonaire du XIe siècle.
Grégoire est la figure éponyme de réformes liturgiques qu'il ne réalisa probablement jamais avec l'ampleur qu'on lui attribua par la suite (voir Histoire du rite romain). Le chant grégorien qui porte son nom ne lui doit rien directement. Cette attribution est la conséquence d'une légende hagiographique racontant comment il composa les propres de la Messe. En réalité, le chant grégorien résulte des réformes de Chrodegang de Metz et de Charlemagne, qui aligna le chant gallican sur la pratique romaine un siècle plus tard.
Influence sur la théologie
Grégoire propose la mise en place d'une pédagogie chrétienne « où la formation grammaticale, dialectique et rhétorique se baserait, non plus sur des textes profanes, comme cela se faisait encore de son temps, mais sur des textes sacrés[24] ». Cette voie sera par la suite suivie par d'autres, notamment Isidore de Séville, Julien II de Tolède et Bède.
Ses ouvrages théologiques resteront, jusqu'à la fin du Moyen Âge, l'une des autorités les plus souvent citées dans la prédication et l'enseignement, où il prend place après saint Augustin d'Hippone, dont il simplifie parfois la pensée, non sans l'enrichir d'autre part en l'adaptant à la mentalité des temps nouveaux. Il n'est cependant pas un théologien original, en ce sens qu'il reprend surtout la doctrine commune. C'est que l'époque des grandes controverses dogmatique est passée. « Il reprend l'enseignement d'Augustin sur la grâce, la prédestination, le sort des enfants morts sans baptême ; il reprend et précise la catéchèse traditionnelle sur les sacrements, la discipline pénitentielle, les bonnes œuvres, le culte des saints[25] ».
D'un point de vue exégétique, il utilise les procédés de la rhétorique classique. Bien qu'il ne néglige pas le sens littéral de l'Écriture, il le dépasse pour s'élever à l'allégorie. Ainsi, dans son homélie sur Ézéchiel, il s'attarde principalement sur la cause ou l'hypothèse dont l'objet sont les personnes ou les faits historiques. En général, dans son discours, « les antinomies se résolvent grâce à l'unité qui permet de dire que l'Église est à la fois visible et invisible, humaine et divine, active et contemplative, présente dans le monde et plongée dans la réalité future[26] ». Mais Grégoire est avant tout un moraliste. « Par une œuvre qui est plus une catéchèse biblique qu'une construction scientifique, il a tracé les lignes essentielles de la théologie morale classique[25] ». D'ailleurs, le fait que l'Expositio in Job ait reçu, de son vivant, le titre de Moralia in Job en témoigne. Sa pensée a également contribué à une classification des vices et vertus, ainsi que des dons du Saint-Esprit, classification dont les prédicateurs et les artistes du Moyen Âge feront grand cas.
Il reprend la classification des rêves de Macrobe et la transforme en distinguant les rêves dus à la nourriture et à la faim, ceux envoyés par les démons, et ceux d'origine divine[27].
Considéré comme un des Pères de l'Église, il a également toujours été compté parmi les Docteurs de l'Église.
Attributs
Saint Grégoire écrivant sous l'inspiration de la colombe du Saint-Esprit (Registrum Gregorii, Xe siècle).
Pélage II 590 604
Saint Grégoire Ier
Le pape Grégoire Ier
Saint de l'Église catholique.
Biographie
Naissance
vers 540
Rome
Ordre religieux
Ordre de Saint-Benoît
Décès
12 mars 604
Rome
Pape de l’Église catholique
Élection au pontificat
3 septembre 590
Fin du pontificat
12 mars 604
Consécration épiscopale
3 septembre 590
Consultez la documentation du modèle
Grégoire Ier, dit le Grand, auteur des Dialogues (né vers 540, mort le 12 mars 604), devient le 64e pape en 590.
Docteur de l'Église, il est l'un des quatre Pères de l'Église d'Occident, avec saint Ambroise, saint Augustin et saint Jérôme. Son influence durant le Moyen Âge fut considérable.
C'est en son honneur que, deux siècles après sa mort, le Chant messin est appelé « chant grégorien » (sans que l'on sache avec certitude son rôle dans l'évolution et la diffusion du chant liturgique).
Depuis le concile Vatican II, l'Église catholique le célèbre le 3 septembre (auparavant le 12 mars).
Biographie
Débuts
Grégoire est né à Rome vers 540, au moment de la reconquête de l'Italie par Justinien, d'une famille chrétienne et patricienne, de la branche Anicia. Son père, le sénateur Gordien, est administrateur d'un des sept arrondissements de Rome. Deux de ses sœurs sont honorées saintes (Tharsilla et Æmiliane), et il avait parmi ses ancêtres le pape Félix III. Sa mère, Sylvie, est elle aussi honorée sainte[1].
Il est éduqué dans le climat de renouveau culturel suscité en Italie par la Pragmatica sanctio, et excelle, « selon le témoignage de Grégoire de Tours, dans l'étude de la grammaire, de la dialectique et de la rhétorique[2] ». En 572, il est nommé préfet de la ville, ce qui lui permet de s'initier à l'administration publique, et devient ainsi le premier magistrat de Rome. Il utilise ses aptitudes pour réorganiser le « patrimoine de Saint-Pierre ». En 574, il souscrit à l'acte par lequel Laurent, évêque de Milan, reconnaît la condamnation des « Trois Chapitres » par le IIe Concile de Constantinople de 553.
Vers 574-575, il adopte la vie monastique et transforme en monastère dédié à saint André la demeure familiale située sur le mont Cælius. Il nomme pour abbé le moine Valentien. On ne sait pas si Grégoire assuma personnellement la direction de la communauté. Ayant hérité de grandes richesses à la mort de son père, il fonde aussi six monastères en Sicile. On ne sait pas si Grégoire et ses moines adoptèrent la règle de saint Benoît, mais « on ne saurait cependant douter de l'harmonie fondamentale existant entre l'idéal monastique de Benoît et celle du grand pontife[2]. »
À Constantinople
Grégoire est ordonné diacre par le pape Pélage II (ou peut-être par Benoît Ier, mais c'est moins probable) avant d'être envoyé à Constantinople comme apocrisiaire (représentant permanent). Il s'y rend accompagné de quelques frères, et y résidera jusqu'à la fin de 585 ou le début de 586, « sans songer, d'ailleurs, à apprendre le grec ni à s'initier à la théologie orientale[3] ». Il se plaint d'ailleurs de trouver difficilement des interprètes à Constantinople, capables de bien traduire en grec les documents latins[4]. Cela montre qu'entre les cultures latine et hellénique de la chrétienté il existait déjà des clivages au sein de l'Église nicéenne, cinq siècles avant la séparation formelle qui donnera naissance aux Églises catholique et orthodoxes.
C'est à Constantinople qu'il rédigea sa plus importante œuvre exégétique, l'Expositio in Job. Il se fit aussi remarquer par une controverse avec Eutychès, le patriarche de Constantinople, à propos de la résurrection des corps. En effet, Grégoire défendait la thèse traditionnelle de l'Église nicéenne sur la résurrection des corps, tandis qu'Eutychès « appliquait au dogme nicéen le principe de l'hylémorphisme aristotélicien[2] ».
À la demande du pape, Grégoire attira aussi l'attention de l'empereur Byzantin Maurice sur l'invasion lombarde en Italie.
De retour à Rome, Grégoire reprit la vie monastique. Il joua aussi le rôle de secrétaire et conseiller de Pélage II. À ce titre, il rédige l’Épître III de Pélage, où il soutient la légitimité de la condamnation des Trois Chapitres par le concile de Constantinople de 553.
Pélage II meurt de la peste le 7 février 590.
Pape
Le pape Grégoire Ier.
Saint Grégoire le Grand, par Domenico Fetti, Palais des beaux-arts de Lille.
Grégoire « est élu pape par l'acclamation unanime du clergé et du peuple[3] ». Il essaie de se dérober, faisant même appel à l'empereur, mais c'est en vain. Il est consacré pape à Saint-Pierre, le 3 septembre 590. Cet épisode est raconté dans la Légende dorée.
Au même moment, meurt le roi des Lombards Authari. Agilulf, un arien, lui succède et conformément à la coutume, il épouse la veuve de son prédécesseur Théodelinde de Bavière. Celle-ci se révélera une alliée influente du nouveau pape et amènera le roi au catholicisme.
Grégoire Ier est le premier Pape à être considéré par l'Orient avec respect, car il est fidèle à l'Empire romain, ne donne pas de sens politique à la primauté romaine (le primus inter pares honorifique reconnu par les Pères de l'Église et les Conciles œcuméniques) et est un auteur prolifique dont les ouvrages sont appréciés par les Orientaux. Aussi saint Grégoire Ier est-il toujours vénéré par l'Église orthodoxe jusqu'à aujourd'hui. Selon Cyprien de Carthage[5], depuis l'invasion des Lombards en Italie, l'« Évêque des Évêques » représente davantage l'Empire romain dans la péninsule, que l'empereur de Constantinople, absorbé par la défense des frontières de Syrie et du Danube, et qui ne peut envoyer que sporadiquement des troupes et des subsides, le plus souvent insuffisants. En outre, la ville est ravagée par la peste, le Tibre déborde.
Grégoire doit donc à la fois veiller à rassurer les fidèles (certains croient que la fin du monde est arrivée) et utiliser ses talents d'administrateur pour veiller au ravitaillement de la ville. Dans l'ensemble de son pontificat, on notera une importante réforme administrative à l'avantage des populations rurales, ainsi que la restructuration du patrimoine de toutes les églises d'Occident, afin d'en faire « des témoins de la pauvreté évangélique et des instruments de défense et de protection du monde agricole contre toute forme d'injustice publique ou privée[6]. ». Ses lettres nous le montrent appliqué à défendre le patrimoine de Saint-Pierre, territoire non-continu resté sous juridiction romaine mais éparpillé à travers l'Italie, les côtes d'Illyrie à la Sicile, et que les Lombards avaient démembré, ruiné et désorganisé. On l'y voit revendiquer les terres aliénées ou envahies, nommer des intendants, leur tracer les règles à suivre, leur imposer les mesures nécessaires pour la perception et la centralisation des revenus. En somme, il se comporte en Exarque impérial, et en quelques années, la papauté se trouve en possession d'un revenu régulier et de ressources abondantes, devenant l'une des premières puissances financières de l'Occident. Enfin, il associe les moines à l'action pontificale, non seulement en fondant de nouveaux monastères dans la « ville éternelle », mais également en octroyant à quantité d'entre eux des privilèges d'exemption qui les placent directement sous l'autorité du Saint Siège[7].
Durant son pontificat, Grégoire adopte une « attitude d'attente et de négociation avec les Lombards[8] ». Non satisfait des mesures prises par l'Empereur Maurice (« J'attends plus de la miséricorde de Jésus de qui vient la justice que de votre piété », écrit-il à l'empereur[9]), il prend lui-même les choses en main, en signant en 595 une trêve avec Agilulf. En 598, il favorise une nouvelle trêve, entre l'exarque Callinicos et le roi lombard. Maurice trouve ce comportement « prétentieux »[10]. Grégoire se défend en argumentant : « Si j'avais voulu me prêter à la destruction des Lombards lorsque j'étais apocrisiaire à Constantinople, ce peuple n'aurait plus aujourd'hui ni roi, ni comtes ; il serait en proie à une irrémédiable confusion ; mais, comme je crains Dieu, je n'ai voulu me prêter à la perte de qui que ce soit[11] ». Grâce à ses contacts avec Théodelinde, la reine franque des Lombards, un mouvement progressif de conversions au christianisme nicéen s'amorça parmi ceux-ci[12].
Le geste le plus important de Grégoire Ier par rapport à l'évangélisation est l'envoi en mission, en 596, de saint Augustin de Cantorbéry, accompagné de quarante moines du monastère du mont Cælius, afin de restaurer le christianisme en Grande-Bretagne. En effet, sous l’empire, la Bretagne avait été quelque peu christianisée, mais les Saxons avaient envahi l’île et repoussé vers l’ouest les chrétiens bretons[13]. Grégoire fait aussi racheter aux Saxons de jeunes esclaves bretons pour les faire élever dans des monastères. Le grand historien Edward Gibbon dira : « César avait eu besoin de six légions pour conquérir la Grande-Bretagne. Grégoire y réussit avec quarante moines[14] ». Dans une lettre adressée à un missionnaire en partance pour la Grande-Bretagne païenne, en 601, Grégoire Ier donnait cet ordre : « Les temples abritant les idoles dudit pays ne seront pas détruits ; seules les idoles se trouvant à l’intérieur le seront [...]. Si lesdits temples sont en bon état, il conviendra de remplacer le culte des démons par le service du vrai Dieu[15] ». Augustin devint le premier archevêque de Cantorbéry. Considérée par le grand historien médiéval Henri Pirenne comme « un chef-d’œuvre de tact, de raison et de méthode[16] », la conversion de l'Angleterre à l'Église nicéenne repose sur des consignes prudentes et réfléchies. Les missionnaires n'arrivent dans le pays qu'après en avoir étudié la langue, les mœurs et la religion. Ils se gardent de heurter les préjugés, de rechercher des succès trop rapides ou d'ambitionner le martyre. Ils gagnent la confiance avant de gagner les âmes. Au bout de 60 ans, les Anglo-Saxons étaient non seulement devenus chrétiens, mais ils l'étaient au point de fournir à l'Église des missionnaires dignes de ceux qui les avaient convertis, tel Saint-Boniface qui entreprendra au début du VIIIe siècle l'évangélisation de la Germanie païenne d'au delà du Rhin.
La conversion de l'Angleterre marque une étape décisive dans l'histoire de la papauté. Fondation directe du Pape, l'Église anglo-saxonne se trouve placée dès le début sous l'obédience immédiate et la direction de Rome. Elle n'a rien d'une Église nationale ; elle est apostolique dans toute la force du terme. Et l'Église d'outre-Rhin, qu'elle va organiser, recevra d'elle le même caractère. À cette époque, l'Église nicéenne se tourne vers l'Europe du Nord pour convertir les peuples : Rome au-delà du Rhin et de la Manche vers la Grande-Bretagne, l'Irlande et la Germanie, Byzance au-delà du Danube, chez les Thraco-Romains, les Bulgares et les Slaves.
Mort
Vitrail représentant Grégoire Ier. .
Grégoire Ier meurt le 12 mars 604 et est inhumé au niveau du portique de l'Église Saint-Pierre de Rome. Cinquante ans plus tard, ses restes furent transférés sous un autel, qui lui fut dédié, à l'intérieur de la basilique, ce qui officialisa sa sainteté.
Écrits
Grégoire a laissé de nombreux écrits, dans divers domaines : un grand nombre de lettres, des commentaires et homélies sur la Parole, et quelques autres écrits. Il est spécialement connu pour être l'auteur des Dialogues (plusieurs volumes de la collection « Sources Chrétiennes », éd. Cerf). Il nous y rapporte en son livre II les seules informations biographiques que nous ayons sur saint Benoît, fondateur de la vie bénédictine et figure majeure du monachisme occidental.
Correspondance
Le Registrum epistolarum est composé de 814 lettres réparties en 14 livres, qui correspondent aux années du pontificat grégorien (590-604)[17]. C'est une composition assez hétéroclite : lettres spirituelles, lettres officielles à lire en public, ordonnances portant sur des questions de gouvernement, formulaires de nomination et de confirmation de charges, formulaires d'autorisation et de privilège, deux lettres à Théodelinde, datées de 593[18] etc. Cependant, certaines lettres permettent de tracer un portrait assez riche et précis du monde rural de la fin du VIe siècle.
Commentaires et homélies
L’Expositio in Job ou Moralia in Job (morales sur Job) est son œuvre exégétique la plus importante. Commencée à Constantinople, d'abord sous forme d'entretiens destinés aux frères de sa communauté, puis poursuivie sous forme de dictée, elle fut réorganisée et achevée à Rome, vers 595. Elle comporte 35 livres. « Par une œuvre qui est plus une catéchèse biblique qu'une construction scientifique, il a tracé les lignes essentielles de la théologie morale classique[19] ».
Grégoire le Grand par maître Théodoric, couvent Sainte-Agnès, Prague.
Homiliæ in Evangelium est un recueil de 40 homélies reproduit sa prédication durant les deux premières années de son pontificat. « Elles constituent un modèle de prédication populaire, remplie d'enseignement moral et mystique exposé sous une forme simple et naturelle, renforcé souvent par des exemples s'adressant à la grande masse des fidèles[20]. » P. Batiffol les considère comme « des modèles de l'éloquence pastorale et la prédication liturgique[21] ».
Homeliæ in Hiezechihelem sont 22 homélies sur le livre d'Ézéchiel, rédigées vers 593–594, alors qu'Agilulf menace d'assiéger Rome. Elles sont d'un niveau plus élevé que les homélies sur l'évangile. Le premier livre, dédié à Marinien de Syracuse, traite du charisme prophétique. Il s'adresse principalement aux prédicateurs et aux évêques. Le second livre, qui s'adresse aux moines de Coelius, commente la structure du Temple de Jérusalem. Par la symbolique des nombres, il explique la voie d'accès au silence contemplatif.
Plusieurs autres écrits n'ont pas été rédigés directement de la main de Grégoire. Ainsi, Expositiones in Canticum Canticorum, concernant les huit premiers versets du texte du Cantique des cantiques, et in librum primum Regum, qui commente 1S 1-16, sont deux textes qui ont été dictés de mémoire par le moine Claude, d'après ce qu'il avait entendu de Grégoire. L'attribution de ces œuvres à Grégoire est d'ailleurs contestée par de Vogüé dans l'édition des Sources Chrétiennes. Elles seraient l'œuvre de Pierre de Cava[22].
D'autres commentaires, sur les proverbes, les prophètes, l'Heptateuque, ont été rédigés de la même manière. Ces écrits sont malheureusement perdus aujourd'hui.
Autres écrits
Représentation du XVIIe siècle.
La réforme liturgique de Grégoire est décrite dans le Livre des sacrements. « Il rassembla en un seul livre le Codex de Gélase concernant la liturgie de la messe. Il y retrancha beaucoup de choses, en modifia quelques-unes et en ajouta certaines. Il institua ce livre : Livre des sacrements[23] ». Nous ne possédons cependant pas la version originale. Celle que l'on a actuellement est le texte envoyé par Adrien Ier à Charlemagne, vers 785-786, et contient plusieurs enrichissements reflétant des ajouts faits entre temps à la pratique liturgique usuelle. La tradition attribue aussi à Grégoire un Antiphonarium.
Le Pastoral (Regulae pastoralis liber), adressé à Jean IV, archevêque de Ravenne, traite en quatre livres de la vie pastorale, du gouvernement des âmes, de la prédication, de la vie spirituelle du pasteur. Grégoire exhorte l'évêque à un renouvellement personnel continu, afin que sa parole soit toujours incisive et efficace. L'ouvrage est traduit en grec dès 602 et sert de livre central pour la formation du clergé au Moyen Âge. Il demeure un classique de la vie spirituelle.
Les Dialogues témoignent de la sainteté d'évêques, moines, prêtres et gens du peuple, contemporains de Grégoire. Ils relatent des miracles opérés par de saints personnages en Italie. Le second livre constitue la principale source biographique que l'on a sur Benoît de Nursie. Le quatrième livre évoque des manifestations extraordinaires démontrant l'immortalité de l'âme humaine.
Penseur spirituel et théologien
Réforme liturgique
Légende de l'origine du chant grégorien, d'après le frontispice de l'édition vaticane :« Le très Saint Grégoire se répandait en prières, pour que le Seigneur lui accorde la musique à donner sur les textes liturgiques. L'Esprit Saint descendit alors sur lui sous la forme d'une colombe, et son cœur fut éclairé. Il commença aussitôt à chanter, et voici comment :... » (Suit l'Introït du premier dimanche de l'Avent.)
Légende de l'origine du chant grégorien, d'après le frontispice de l'édition vaticane :« Le très Saint Grégoire se répandait en prières, pour que le Seigneur lui accorde la musique à donner sur les textes liturgiques. L'Esprit Saint descendit alors sur lui sous la forme d'une colombe, et son cœur fut éclairé. Il commença aussitôt à chanter, et voici comment :... » (Suit l'Introït du premier dimanche de l'Avent.)
Grégoire Ier dictant un chant Illustration d'un antiphonaire du XIe siècle.
Grégoire Ier dictant un chant
Illustration d'un antiphonaire du XIe siècle.
Grégoire est la figure éponyme de réformes liturgiques qu'il ne réalisa probablement jamais avec l'ampleur qu'on lui attribua par la suite (voir Histoire du rite romain). Le chant grégorien qui porte son nom ne lui doit rien directement. Cette attribution est la conséquence d'une légende hagiographique racontant comment il composa les propres de la Messe. En réalité, le chant grégorien résulte des réformes de Chrodegang de Metz et de Charlemagne, qui aligna le chant gallican sur la pratique romaine un siècle plus tard.
Influence sur la théologie
Grégoire propose la mise en place d'une pédagogie chrétienne « où la formation grammaticale, dialectique et rhétorique se baserait, non plus sur des textes profanes, comme cela se faisait encore de son temps, mais sur des textes sacrés[24] ». Cette voie sera par la suite suivie par d'autres, notamment Isidore de Séville, Julien II de Tolède et Bède.
Ses ouvrages théologiques resteront, jusqu'à la fin du Moyen Âge, l'une des autorités les plus souvent citées dans la prédication et l'enseignement, où il prend place après saint Augustin d'Hippone, dont il simplifie parfois la pensée, non sans l'enrichir d'autre part en l'adaptant à la mentalité des temps nouveaux. Il n'est cependant pas un théologien original, en ce sens qu'il reprend surtout la doctrine commune. C'est que l'époque des grandes controverses dogmatique est passée. « Il reprend l'enseignement d'Augustin sur la grâce, la prédestination, le sort des enfants morts sans baptême ; il reprend et précise la catéchèse traditionnelle sur les sacrements, la discipline pénitentielle, les bonnes œuvres, le culte des saints[25] ».
D'un point de vue exégétique, il utilise les procédés de la rhétorique classique. Bien qu'il ne néglige pas le sens littéral de l'Écriture, il le dépasse pour s'élever à l'allégorie. Ainsi, dans son homélie sur Ézéchiel, il s'attarde principalement sur la cause ou l'hypothèse dont l'objet sont les personnes ou les faits historiques. En général, dans son discours, « les antinomies se résolvent grâce à l'unité qui permet de dire que l'Église est à la fois visible et invisible, humaine et divine, active et contemplative, présente dans le monde et plongée dans la réalité future[26] ». Mais Grégoire est avant tout un moraliste. « Par une œuvre qui est plus une catéchèse biblique qu'une construction scientifique, il a tracé les lignes essentielles de la théologie morale classique[25] ». D'ailleurs, le fait que l'Expositio in Job ait reçu, de son vivant, le titre de Moralia in Job en témoigne. Sa pensée a également contribué à une classification des vices et vertus, ainsi que des dons du Saint-Esprit, classification dont les prédicateurs et les artistes du Moyen Âge feront grand cas.
Il reprend la classification des rêves de Macrobe et la transforme en distinguant les rêves dus à la nourriture et à la faim, ceux envoyés par les démons, et ceux d'origine divine[27].
Considéré comme un des Pères de l'Église, il a également toujours été compté parmi les Docteurs de l'Église.
Attributs
Saint Grégoire écrivant sous l'inspiration de la colombe du Saint-Esprit (Registrum Gregorii, Xe siècle).
Re: La Prédication selon les religions
Dans le protestantisme
Le culte protestant est centré sur la lecture de la Bible et sur la prédication. Dans une vision probablement influencée par le méthodisme, la prédication se veut être un rapprochement du modèle biblique tel que présenté dans le livre des Actes des Apôtres : elle consiste principalement en une présentation des Écrits bibliques et, à partir de celle-ci, une leçon sur un sujet particulier. Elle suit sans aucun doute la conception néotestamentaire de l'apostolat, selon laquelle certains convertis se voient conférés par Dieu, par l'action du Saint Esprit, les dons nécessaires pour prêcher l'Évangile (voir notamment la lettre (ou épître) de Paul aux Éphésiens, 4:11, et passages similaires), dans une dynamique déclarée de la prédication à tous (comprenez l'ensemble de la terre – Matthieu 28:19). Cette conception de l'apostolat s'enracine dans la visée de l'Évangile selon laquelle l'évangélisation consiste à obéir à la Grande Commission (Évangile selon Matthieu, 28:19), autrement dit au fait que le Christ a envoyé ses disciples pour faire d'autres disciples, simplement en prêchant la Bonne Nouvelle du Royaume des Cieux (ou du Règne de Dieu ; c'est ainsi que l'Évangile chrétien se décrit lui-même) par la conviction, l'humilité et la simplicité de cœur (voir Matthieu 10:7-14).
Prédicateurs protestants connus
•Martin Luther (1483-1546)
•Jean Calvin (1509-1564)
•Pierre Du Bosc (1623-1692)
•John Wesley (1703-1791)
•Dwight L. Moody (1837-1899)
•William Marrion Branham (1909-1965)
•Clément Le Cossec (1921-2001)
Culte protestant
Temple Protestantisme Bible
Le culte est un moment d'une durée plus ou moins longue que le chrétien passe avec Dieu. C'est le moment privilégié où le fidèle se présente à Dieu et lui rend honneur. C'est aussi le temps de se rendre disponible à la Parole de Dieu, et à se laisser changer par elle. Ce culte peut être communautaire, individuel ou familial. Notons que les mots "culte" et "temple", qui concernent généralement le protestantisme francophone sont presque un contresens puisqu'à l'origine ils désignent un rite sacrificiel dans un bâtiment contenant un espace sacré, ce qui est à l'opposé de la pratique protestante.
Les valeurs protestantes du culte
Dans la logique protestante, le culte et l'Église sont la même chose : les deux se définissent comme une convocation par Dieu de personnes singulières qui, ayant répondu à cet appel, forment l'Église (du grec ἐκκλησία, l'assemblée). Le culte est simplement une des formes de cette « Église » qui n'est pas d'abord une institution, mais un mouvement permanent. Des personnes viennent, se reconnaissent (ou non) comme frères et sœurs, trouvent de la nourriture, et repartent.
Le culte protestant ne se pratique pas exclusivement dans un temple (appelé plutôt église chez les luthériens), qui n'est pas considéré comme un bâtiment sacré, mais comme un lieu communautaire. Il ne comporte aucun aspect sacrificiel, à la différence de la messe catholique.
De multiples formes
Le culte communautaire
Le culte communautaire est celui de l'assemblée paroissiale ou congrégation réunie généralement le dimanche matin (ou le samedi pour les adventistes). Dans la grande diversité protestante, le culte comprend, d'une façon plus ou moins planifiée, certains des éléments suivants, selon les Églises :
•un temps d'accueil ;
•un temps de reconsécration à Dieu (repentance, retour à Dieu, conversion) ;
•un temps de louange, qui peut prendre plusieurs formes : chants (Hymnes et louanges, gospel, etc.), lecture de la Bible, témoignages, etc. ;
•élément central et presque toujours présent, dans tous les courants protestants, la prédication, commentaire inspiré d'un ou plusieurs textes bibliques ;
•un temps de prière, généralement spontanée (une ou plusieurs personnes s'adressent à Dieu) dans les Églises évangéliques, ou liturgique dans les Églises luthéro-réformées (un officiant s'adresse à Dieu pour toute la communauté) ;
•un temps d'envoi, qui clôture le temps de culte, souvent par un chant.
Articles détaillés : liturgie luthérienne, liturgie réformée et liturgie anglicane.
Les baptêmes sont toujours célébrés au cours d'un culte. La sainte cène, ou repas du Seigneur, n'est pas célébrée hebdomadairement par toutes les Églises.
Les textes bibliques proposés (liste de la Fédération protestante) pour le dimanche sont actuellement communs avec ceux de l'année liturgique catholique. Toutefois, si les luthériens suivent assez systématiquement le lectionnaire œcuménique, les réformés conservent la tradition qui consiste à choisir librement les textes bibliques sur lesquels porteront la prédication. Dans certains temples, des cycles de prédication sont organisés qui permettent de suivre des parcours bibliques à des occasions particulières.
Le culte communautaire est généralement présidé par un ministre : pasteur ou prédicateur laïc, mais certaines Églises (ou certaines circonstances) permettent un autre fonctionnement plus collégial ou plus spontané.
Dans le culte communautaire, une plus ou moins grande place est laissée, selon les diverses théologies, à une liturgie plus ou moins structurée, consistant en prières liturgiques ou spontanées (louange, repentance, intercession, consécration à Dieu), en affirmations de foi (annonce de la grâce ou du pardon de Dieu, confession de foi, témoignage personnel), en chants spirituels (notamment les psaumes dans la tradition réformée).
Certaines dénominations (Église adventiste du septième jour) incluent dans leur moment communautaire du culte, un temps d'étude et de partage de la Bible.
Le culte individuel
Selon la pensée protestante, Dieu est toujours disponible pour passer un temps avec nous, à quel moment que ce soit. Ainsi, toute personne peut s'adresser à Lui dans un esprit de prière et de reconnaissance. Le culte individuel consiste généralement en louanges, lecture personnelle de la Bible et en prière qui lui répond, prière généralement spontanée. Il existe des listes de lectures quotidiennes et des livrets de commentaires brefs pour aider le croyant dans ce culte.
culte familial
À mi-chemin entre ces deux formes, le culte familial consiste en lecture et commentaire bibliques et en prière et chant, sous la présidence du chef de famille, le matin, le soir, ou avant un repas familial.
Le culte protestant est centré sur la lecture de la Bible et sur la prédication. Dans une vision probablement influencée par le méthodisme, la prédication se veut être un rapprochement du modèle biblique tel que présenté dans le livre des Actes des Apôtres : elle consiste principalement en une présentation des Écrits bibliques et, à partir de celle-ci, une leçon sur un sujet particulier. Elle suit sans aucun doute la conception néotestamentaire de l'apostolat, selon laquelle certains convertis se voient conférés par Dieu, par l'action du Saint Esprit, les dons nécessaires pour prêcher l'Évangile (voir notamment la lettre (ou épître) de Paul aux Éphésiens, 4:11, et passages similaires), dans une dynamique déclarée de la prédication à tous (comprenez l'ensemble de la terre – Matthieu 28:19). Cette conception de l'apostolat s'enracine dans la visée de l'Évangile selon laquelle l'évangélisation consiste à obéir à la Grande Commission (Évangile selon Matthieu, 28:19), autrement dit au fait que le Christ a envoyé ses disciples pour faire d'autres disciples, simplement en prêchant la Bonne Nouvelle du Royaume des Cieux (ou du Règne de Dieu ; c'est ainsi que l'Évangile chrétien se décrit lui-même) par la conviction, l'humilité et la simplicité de cœur (voir Matthieu 10:7-14).
Prédicateurs protestants connus
•Martin Luther (1483-1546)
•Jean Calvin (1509-1564)
•Pierre Du Bosc (1623-1692)
•John Wesley (1703-1791)
•Dwight L. Moody (1837-1899)
•William Marrion Branham (1909-1965)
•Clément Le Cossec (1921-2001)
Culte protestant
Temple Protestantisme Bible
Le culte est un moment d'une durée plus ou moins longue que le chrétien passe avec Dieu. C'est le moment privilégié où le fidèle se présente à Dieu et lui rend honneur. C'est aussi le temps de se rendre disponible à la Parole de Dieu, et à se laisser changer par elle. Ce culte peut être communautaire, individuel ou familial. Notons que les mots "culte" et "temple", qui concernent généralement le protestantisme francophone sont presque un contresens puisqu'à l'origine ils désignent un rite sacrificiel dans un bâtiment contenant un espace sacré, ce qui est à l'opposé de la pratique protestante.
Les valeurs protestantes du culte
Dans la logique protestante, le culte et l'Église sont la même chose : les deux se définissent comme une convocation par Dieu de personnes singulières qui, ayant répondu à cet appel, forment l'Église (du grec ἐκκλησία, l'assemblée). Le culte est simplement une des formes de cette « Église » qui n'est pas d'abord une institution, mais un mouvement permanent. Des personnes viennent, se reconnaissent (ou non) comme frères et sœurs, trouvent de la nourriture, et repartent.
Le culte protestant ne se pratique pas exclusivement dans un temple (appelé plutôt église chez les luthériens), qui n'est pas considéré comme un bâtiment sacré, mais comme un lieu communautaire. Il ne comporte aucun aspect sacrificiel, à la différence de la messe catholique.
De multiples formes
Le culte communautaire
Le culte communautaire est celui de l'assemblée paroissiale ou congrégation réunie généralement le dimanche matin (ou le samedi pour les adventistes). Dans la grande diversité protestante, le culte comprend, d'une façon plus ou moins planifiée, certains des éléments suivants, selon les Églises :
•un temps d'accueil ;
•un temps de reconsécration à Dieu (repentance, retour à Dieu, conversion) ;
•un temps de louange, qui peut prendre plusieurs formes : chants (Hymnes et louanges, gospel, etc.), lecture de la Bible, témoignages, etc. ;
•élément central et presque toujours présent, dans tous les courants protestants, la prédication, commentaire inspiré d'un ou plusieurs textes bibliques ;
•un temps de prière, généralement spontanée (une ou plusieurs personnes s'adressent à Dieu) dans les Églises évangéliques, ou liturgique dans les Églises luthéro-réformées (un officiant s'adresse à Dieu pour toute la communauté) ;
•un temps d'envoi, qui clôture le temps de culte, souvent par un chant.
Articles détaillés : liturgie luthérienne, liturgie réformée et liturgie anglicane.
Les baptêmes sont toujours célébrés au cours d'un culte. La sainte cène, ou repas du Seigneur, n'est pas célébrée hebdomadairement par toutes les Églises.
Les textes bibliques proposés (liste de la Fédération protestante) pour le dimanche sont actuellement communs avec ceux de l'année liturgique catholique. Toutefois, si les luthériens suivent assez systématiquement le lectionnaire œcuménique, les réformés conservent la tradition qui consiste à choisir librement les textes bibliques sur lesquels porteront la prédication. Dans certains temples, des cycles de prédication sont organisés qui permettent de suivre des parcours bibliques à des occasions particulières.
Le culte communautaire est généralement présidé par un ministre : pasteur ou prédicateur laïc, mais certaines Églises (ou certaines circonstances) permettent un autre fonctionnement plus collégial ou plus spontané.
Dans le culte communautaire, une plus ou moins grande place est laissée, selon les diverses théologies, à une liturgie plus ou moins structurée, consistant en prières liturgiques ou spontanées (louange, repentance, intercession, consécration à Dieu), en affirmations de foi (annonce de la grâce ou du pardon de Dieu, confession de foi, témoignage personnel), en chants spirituels (notamment les psaumes dans la tradition réformée).
Certaines dénominations (Église adventiste du septième jour) incluent dans leur moment communautaire du culte, un temps d'étude et de partage de la Bible.
Le culte individuel
Selon la pensée protestante, Dieu est toujours disponible pour passer un temps avec nous, à quel moment que ce soit. Ainsi, toute personne peut s'adresser à Lui dans un esprit de prière et de reconnaissance. Le culte individuel consiste généralement en louanges, lecture personnelle de la Bible et en prière qui lui répond, prière généralement spontanée. Il existe des listes de lectures quotidiennes et des livrets de commentaires brefs pour aider le croyant dans ce culte.
culte familial
À mi-chemin entre ces deux formes, le culte familial consiste en lecture et commentaire bibliques et en prière et chant, sous la présidence du chef de famille, le matin, le soir, ou avant un repas familial.
Re: La Prédication selon les religions
Martin Luther
Eisleben 1483 1546
Des informations de cet article ou section devraient être mieux reliées aux sources mentionnées dans la bibliographie, sources ou liens externes (indiquez la date de pose grâce au paramètre date). Améliorez sa vérifiabilité en les associant par des références à l'aide d'appels de notes.
Martin Luther
Martin Luther en 1528 par Lucas Cranach l'Ancien.
Nom de naissance
Martin Luther
Naissance
10 novembre 1483
Eisleben,
Électorat de Saxe
Décès
18 février 1546 (à 62 ans)
Eisleben,
Électorat de Saxe
Activité principale
Religieux augustin
Théologien
Réformateur religieux
Auteur
Langue d’écriture
Allemand
Mouvement
Réforme protestante
Luthéranisme
Genres
Essai
Sermon
Pamphlet
Traduction
Martin Luther Prononciation du titre dans sa version originale Écouter, né le 10 novembre 1483 à Eisleben, dans l'électorat de Saxe[1] et mort le 18 février 1546 dans la même ville, est un frère augustin[2] théologien, professeur d'université, père du protestantisme[3],[4],[5],[6] et réformateur de l'Église dont les idées exercèrent une grande influence sur la Réforme protestante, qui changea le cours de la civilisation occidentale[7].
Très préoccupé par son salut, il découvre la force libératrice de la foi en Jésus reçue à travers la Bible dans l'épître de Paul aux Romains[8]. Selon Luther , le salut de l'âme est un libre don de Dieu, reçu par la repentance sincère et la foi authentique en Jésus-Christ comme le Messie, sans intercession possible de l'Église. Il défie l'autorité papale en tenant la Bible pour seule source légitime d'autorité chrétienne[9].
Le 3 janvier 1521, il reçoit la bulle Decet romanum pontificem qui lui signifie son excommunication. Après les nombreux débats théologiques du haut clergé, l'empereur du Saint-Empire romain germanique et roi d'Espagne, Charles Quint, convoque Martin Luther en 1521 devant la diète de Worms. Un sauf-conduit lui est accordé afin qu'il puisse s'y rendre sans risque. Devant la diète de Worms, il refuse de se rétracter, se déclarant convaincu par le témoignage de l'Écriture et s'estimant soumis à l'autorité de la Bible plutôt qu'à celle de la hiérarchie ecclésiastique. L'édit de Worms décide alors de mettre Martin Luther et ses disciples au ban de l'Empire.
Il est accueilli par son ami l'électeur de Saxe Frédéric III le Sage au château de la Wartbourg, où il compose ses textes les plus connus et les plus diffusés.
Martin Luther est également connu pour avoir effectué une traduction de la Bible en allemand dont l'influence culturelle est primordiale, tant pour les fondements de la langue allemande que pour la fixation des principes généraux de l'art de la traduction.
Certaines de ses prises de position sur les Juifs de son temps furent mal interprétées et récupérées par les nazis[10],[11]. Pour cette raison, et pour les aspects révolutionnaires de sa théologie, son héritage a suscité et continue de susciter de multiples controverses[12].
Biographie
Jeunesse
Martin Luther est né à Eisleben (dans l'électorat de Saxe, aujourd'hui en Saxe-Anhalt) le 10 novembre 1483. Il est le fils aîné de Hans Luther et de Marguerite Zidler. Son père, paysan d'origine, devient mineur dans une mine de cuivre de la région de Mansfeld, puis exploitant d'une mine de cuivre et d'une fonderie, ce qui lui permet d'acquérir le statut de bourgeois puis de magistrat. Martin Luther a plusieurs frères et sœurs, et se sent particulièrement proche de son frère Jacob[13].
Hans Luther, ambitieux pour lui-même et pour sa famille, est déterminé à voir son fils aîné devenir juriste. Il envoie Martin suivre ses études primaires et secondaires dans les écoles latines de Mansfeld, puis à Magdebourg et à Eisenach. Ces trois écoles se focalisent sur le trivium : la grammaire, la rhétorique et la logique. Luther comparera plus tard sa scolarisation au purgatoire, puis à l'enfer[14].
En 1501, à l'âge de dix-huit ans, il entre à l'université d'Erfurt, où il obtient un diplôme de bachelier en 1502 et une maîtrise en 1505. Il a alors l'intention d'étudier le droit, comme le souhaite son père, dans la même université mais il abandonne presque aussitôt, avec l'idée que le droit relève de l'incertitude[15].
Luther se sent attiré par la théologie et la philosophie, et exprime un intérêt particulier envers Aristote, Guillaume d'Ockham et Gabriel Biel[15]. Il est influencé par deux tuteurs, Bartholomaeus Arnoldi von Usingen et Jodocus Trutfetter, qui lui apprennent à remettre en question les plus grands penseurs[15] et à tout analyser par l'expérimentation[16]. Cependant, la philosophie lui semble insatisfaisante, prometteuse quant à la raison mais sans rapport avec l'amour de Dieu. Pour lui, la raison ne saurait attirer les hommes vers Dieu, ce qui l'amène à une vision ambivalente d'Aristote en raison de l'importance que ce dernier accorde à la raison[16]. Selon Luther, la raison peut être utilisée afin de remettre en question les hommes et les institutions, mais non pas Dieu lui-même : l'homme ne peut étudier Dieu qu'à travers la révélation divine et, par conséquent, les textes saints sont essentiels[16].
Il quitte l'université et entre dans une confrérie augustinienne à Erfurt le 17 juillet 1505[17]. Plus tard, il attribuera cette évolution à un événement : le 2 juillet 1505, il retournait à cheval à Erfurt après un congé dans sa famille. Pendant un orage, la foudre frappa près de lui. Par la suite, il avouera à son père sa peur de la mort et du jugement divin en s'écriant : "Au secours, sainte Anne, je vais devenir moine !"[18] (ou « Sainte Anne, sauve-moi et je me ferai moine ! »). Il en vient à considérer son appel à l'aide comme une promesse qu'il ne pourra briser.
Un ami impute cette décision à la douleur de Luther lors de la perte de deux de ses amis. Luther lui-même semble attristé. Il dit, le soir de son dîner de départ : « En ce jour, vous me voyez, et puis, plus jamais[16]. »
Son père est furieux de ce qu'il considère comme du gâchis[19].« Le maître des Arts va devenir un fainéant », dit-il[20].
Maison de Luther à Wittemberg.
Vie conventuelle
Membre de l'ordre mendiant des Augustins[21], Martin essaie au couvent des Augustins d'Erfurt de rechercher dans l'ascèse (mortifications, jeûnes, veilles) la promesse de son salut tout en restant persuadé qu'il n'y parviendra jamais. En même temps, il continue à étudier la théologie et bientôt commence à l'enseigner : ordonné prêtre en 1507, il est désigné pour enseigner la philosophie au couvent d'Erfurt. Docteur en théologie en 1512, il occupe par la suite la chaire d'enseignement biblique à l'université de Wittemberg, ville où il est, à partir de 1514, prédicateur de l'Église. Enseignement, prédication et recherche personnelle sont désormais ses trois activités principales.
Vers la Réforme
Église de la Toussaint de Wittemberg.
Certains font remonter les idées réformatrices de Luther à un séjour qu'il a fait à Rome en 1510-1511 pour les affaires de son ordre. Ce n'est apparemment pas le cas, et les abus ecclésiastiques de l'époque ne semblent pas l'émouvoir outre mesure. Plus importants sont son obsession du salut et ses travaux sur les épîtres de Paul. Il ressent en lui de multiples tendances vers le mal, et toutes les pratiques que lui offre l'Église, messes, confessions, jeûnes, etc. ne lui permettent pas de se libérer de ce sentiment de culpabilité. C'est sa compréhension nouvelle de l'épître de Paul aux Romains qui lui procure le soulagement. Il écrira : « Alors je commençai à comprendre que la « justice de Dieu » est celle par laquelle le juste vit du don de Dieu, à savoir de la foi, et que la signification (de la lettre de Paul aux Romains au chapitre 1, 17) était celle-ci : par l'Évangile nous est révélée la justice de Dieu..., par laquelle le Dieu miséricordieux nous justifie par la foi... Alors je me sentis un homme né de nouveau et entré, les portes grandes ouvertes, dans le paradis même. À l'instant même, l'Écriture m'apparut sous un autre visage »[22]. Il découvre que seule la foi sauve, que seule la confiance placée en Jésus qui nous aime malgré notre péché libère vraiment. Luther en arrive à se dire que l'homme doit accepter son état de pécheur et qu'il est fatalement imparfait devant Dieu, ce qui n'empêche pas la pénitence. En revanche, vouloir résoudre le problème du péché par des indulgences, le plus souvent monnayées, est pour lui une pratique incompatible avec la piété et une façon trop facile d'éluder les vrais problèmes.
Portes en bronze des 95 thèses de Luther
Le conflit avec la papauté éclate en 1517, à propos de l'indulgence décrétée par le pape Léon X pour favoriser la construction de la basilique Saint-Pierre, indulgence soutenue dans le Saint-Empire par l'archevêque-électeur de Mayence Albert de Brandebourg. Le 31 octobre, Luther écrit à l'archevêque pour lui demander de ne pas cautionner cette indulgence et joint à sa lettre les 95 thèses. Comme l'affirme son contemporain Philippe Mélanchthon, le 31 octobre 1517 il aurait placardé sur les portes de l'église de la Toussaint de Wittemberg ses 95 thèses condamnant violemment le commerce des indulgences pratiqué par l’Église catholique, et plus durement encore les pratiques du haut clergé — principalement de la papauté. Ces 95 Thèses, également appelées Thèses de Wittemberg, sont imprimées à la fin de l'année. Il s'insurge contre l'imposition de dogmes tels que celui du Purgatoire. Dès lors, cette controverse entre théologiens (donc universitaires) devient une affaire publique et politique. Luther est dénoncé à Rome par l'archevêque Albrecht. Le pape Léon X lui ordonne de se rétracter par la bulle pontificale Exsurge Domine, mais Luther la brûle en public et rompt avec l'Église catholique, en 1521. Un an plus tard commence contre lui un long procès qui aboutira à son excommunication.
Entre-temps, l'empereur Maximilien meurt et son petit-fils Charles Quint lui succède. Le nouvel empereur est un prince flamand. Il règne depuis trois ans sur l'Espagne et les récentes colonies américaines, la majeure partie de l'Italie et les Pays-Bas bourguignons. Il est âgé de dix-neuf ans et ne parle pas l'allemand.
Mise en œuvre de la Réforme
Face à Martin Luther, Rome choisit l'affrontement, méconnaissant l'adversaire et sa pugnacité, et sans doute aussi la situation politique allemande[réf. nécessaire]. Le procès menant à son excommunication, loin d'affirmer le catholicisme, ne fait qu'accélérer le processus de la Réforme.
L'excommunication et la mise au ban du Saint-Empire
En octobre 1518, Martin Luther est convoqué à Augsbourg, où le cardinal Cajetan, nonce apostolique, est chargé d'obtenir sa rétractation. Peine perdue. Après cet échec, Léon X décide d'adopter une attitude plus conciliante : il nomme Karl von Miltitz nonce apostolique et le charge de remettre à Frédéric le Sage, dont Luther est le sujet, la Rose d'or qu'il convoite depuis trois ans, espérant ainsi le convaincre de faire cesser les attaques de Luther contre la pratique des indulgences. Les 5 et 6 janvier 1519, Miltitz rencontre Luther à Altenbourg. Il obtient de sa part l'engagement de ne plus s'exprimer sur la question des indulgences et promet de son côté d'imposer le silence à ses adversaires Johann Tetzel et Albert de Brandebourg. À la suite de cette entrevue, Luther écrit au pape une lettre qu'il remet à Miltitz. De nouvelles rencontres ont lieu entre les deux hommes, le 9 octobre 1519 à Liebenwerda puis en octobre 1520 à Lichtenburg, près de Wittenberg, mais la rupture avec Rome est déjà consommée. C'est qu'entretemps Luther a aggravé son cas : en juillet 1519, lors de sa controverse avec Johann Eck (Disputatio de Leipzig), qui sera l'organisateur de la Contre-Réforme dans l'Empire, il met en cause l'infaillibilité des conciles. En juin 1520, Rome publie la bulle Exsurge Domine le menaçant d'excommunication, tandis que ses livres sont brûlés. Luther réagit en brûlant, le 10 décembre, à la fois la bulle papale et le droit canonique. L'excommunication, désormais inévitable, est prononcée le 3 janvier 1521 (bulle Decet Romanum Pontificem).
L'empereur Charles Quint vers 1522
Reste maintenant à mettre Luther au ban du Saint-Empire, ce qui ne peut se faire qu'après accord des États de l'Empire. Dans ce but Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique et roi d'Espagne, convoque Martin Luther en avril 1521 devant la diète de Worms (Rhénanie-Palatinat). Un sauf-conduit lui est accordé afin qu'il puisse s'y rendre en toute sécurité. Mais face à l'empereur, Luther refuse à nouveau de se plier aux exigences de l'Église, et il proclame notamment :
« Votre Majesté sérénissime et Vos Seigneuries m'ont demandé une réponse simple. La voici sans détour et sans artifice. À moins qu'on ne me convainque de mon erreur par des attestations de l'Écriture ou par des raisons évidentes — car je ne crois ni au pape ni aux conciles seuls puisqu'il est évident qu'ils se sont souvent trompés et contredits — je suis lié par les textes de l'Écriture que j'ai cités, et ma conscience est captive de la Parole de Dieu ; je ne peux ni ne veux me rétracter en rien, car il n'est ni sûr, ni honnête d'agir contre sa propre conscience. Me voici donc en ce jour. Je ne puis faire autrement. Que Dieu me soit en aide[23]. »
Sa mise au ban de l'Empire est alors prononcée.
Les appuis politiques
Luther est mis au ban de l'Empire, ce qui signifie que n'importe qui peut le mettre à mort impunément. Mais il dispose cependant, outre d'un soutien populaire assez large, de divers appuis politiques, tels celui du landgrave de Hesse et surtout celui du prince-électeur de Saxe Frédéric III le Sage.
Aussitôt sa condamnation prononcée, l'électeur de Saxe Frédéric III le Sage, craignant qu'il ne lui arrive malheur, l' « extrait » : plus précisément, des hommes de confiance de Frédéric III enlèvent Luther alors qu'il traverse la forêt de Thuringe le 4 mai 1521[24], à l'époque où il réside au château d'Altenstein, chez Burghard II Hund von Wenkheim, Frédéric III le met à l'abri dans le château de la Wartbourg, près d'Eisenach. Luther y demeure jusqu'au 6 mars 1522 sous le pseudonyme de chevalier Georges. C'est ici qu'il commence sa traduction de la Bible, d'abord celle du Nouveau Testament. La tradition veut qu'il ait laissé une trace de son passage : un jour où le diable venait une fois de plus le tourmenter, l'empêchant de travailler, il lança son encrier contre le démon, ce qui occasionna une tache sur le mur, encore visible aujourd'hui. Après moins de deux ans de clandestinité, il revient de son propre chef au cloître de Wittemberg, qu'il ne quittera plus guère désormais, et où il ne sera plus vraiment inquiété.
La Réforme se répand dans les principautés voisines, façonnant une sorte d'unité allemande que Charles Quint ne peut combattre, empêtré qu'il est dans ses guerres contre la France.
Lors de la diète de Spire, en avril 1529, le souverain tente de reprendre les choses en main, mais il se heurte à six princes et quatorze villes qui protestent d'en appeler à un concile si Charles Quint veut revenir à l'édit de Worms. La diète d'Augsbourg de 1530, au cours de laquelle Philippe Mélanchthon lit la Confession d'Augsbourg, confirme la résistance des princes protestants, qui forment la ligue de Smalkalde en 1531.
Les détracteurs de Martin Luther lui ont souvent fait grief de ce soutien des princes en lui reprochant d'avoir instauré une religion qui n'est pas celle du peuple. Ils lui reprochent surtout son comportement pendant la guerre des Paysans allemands (1524-1525), révolte provoquée par la misère mais liée aussi à la question religieuse et à des préoccupations proches des siennes ; plusieurs chefs du mouvement sont anabaptistes). En avril 1525, en des termes très durs, Luther se prononce pour une répression impitoyable de la révolte. Il y aura en tout plus de 100 000 morts. Pour Luther, se révolter contre son souverain équivaut à se révolter contre Dieu lui-même : Dieu a donné à certains le « privilège » de gouverner et, même quand ils se révèlent injustes, Dieu n'a pu se tromper. Si le peuple est gouverné par un souverain cruel, il s'agit d'une punition divine.
Développement du protestantisme
Initiateur d’une quête théologique personnelle, préférant l'augustinisme à la scolastique, axée sur l'Écriture et la figure majeure du Christ, et mettant l'accent sur le salut par la foi, Martin Luther se retrouve malgré lui à la tête d’une nouvelle Église, qu’il lui faut organiser rapidement pour éviter tout débordement. En 1522 à Wittemberg, pendant que lui-même était retenu au château de Wartbourg, l'enthousiaste Andreas Bodenstein von Karlstadt avait profondément éradiqué de la messe toutes les allusions sacrificielles, pratiqué la communion sous les deux espèces et incité à mépriser les dévotions populaires et les images. Luther n'en demandait pas tant : selon lui, il importait d'éviter de heurter les faibles, seule la parole persuasive était de mise.
Bien que spontanément conservateur, et ne voulant pas qu'on se réclame du nom de luthérien mais de celui de chrétien, Luther est condamné à faire évoluer la nouvelle Église, dans un sens qui l’éloignera de plus en plus des traditions romaines. Il faut aussi la doter d’outils pédagogiques[25], ce qui sera fait en 1529 avec Le Petit Catéchisme, à l’usage du peuple, et le Grand Catéchisme, destiné aux pasteurs. Entre temps, de nombreux changements avaient déjà eu lieu : suppression de la plupart des sacrements — seuls sont conservés le baptême et l’eucharistie —, ainsi que la confession (que Luther supprimera par la suite de la liste des sacrements, mais dont la pratique continuera dans de nombreux endroits), suppression des vœux monastiques et du célibat des prêtres, élection des pasteurs par des communautés locales, messe en allemand (1526) etc.
Concernant ses rapports avec les autres courants de la réforme protestante, Luther s'oppose à Zwingli (avec qui la rupture est définitive au colloque de Marbourg, en 1529) mais finit par se réconcilier avec les strasbourgeois (ainsi que Bâle et Augsbourg), avec la Concorde de Wittemberg, à laquelle souscriront plus tard encore d'autres réformateurs, comme Jean Calvin, ou Guy de Brès.
Bien que désapprouvant les moines qui s'étaient hâtés de quitter son propre couvent de Wittenberg, Luther, au terme d'une réflexion critique sur les vœux monastiques, se marie lui-même en 1525 avec une ancienne religieuse, Catherine de Bora, dont il aura six enfants.
Les pamphlets
Les sorciers
La chasse aux sorcières et sorciers exista dans les régions tant protestantes que catholiques romaines de l'Europe centrale, pendant et après la Réforme. Luther, et plus tard Jean Calvin, y apportèrent leur soutien. Ils se fondaient sur les mots de la Bible (Exode 22:17) « tu n'accepteras pas de laisser vivre une sorcière ». Luther alla jusqu'à en parler dans certains de ses sermons (celui du 6 mai 1526 WA 16, 551f., et aussi WA 3, 1179f, WA 29, 520f). Dans celui du 25 août 1538, il dit : « vous ne devez pas avoir de pitié pour les sorcières, quant à moi je les brûlerais » (WA 22, 782 ff.). Il estimait que la sorcellerie était un péché allant à l'encontre du deuxième commandement.
Les incarnations de l'Antéchrist
Au cours des Guerres austro-turques (1521 – 1543), Luther instrumentalise la menace de l'impérialisme ottoman pour servir ses visées politico-religieuses. Il faut, selon lui, vaincre d'abord les « Turcs de l'intérieur », c'est-à-dire les papistes, pour être en mesure de repousser le Grand Turc de Constantinople, ces deux fléaux n'étant que deux incarnations différentes de l'Antéchrist. Toutefois, avec le siège de Vienne, le danger commence à peser sur l'Europe centrale, et son attitude se met alors à évoluer. Dans un nouveau pamphlet : Vom Kriege wider die Türken, il affirme que le pape n'a jusque-là fait qu'utiliser la menace ottomane comme prétexte pour faire de l'argent et vendre des indulgences. Luther explique l'échec des résistances à l'expansion ottomane par la doctrine augustinienne des deux royaumes : il n'appartient pas à l'Église de faire la guerre ou de la diriger : allusion à peine voilée à l'évêque hongrois Pál Tomori, qui, en tant que général, est alors responsable de la défaite de Mohàcs ; la résistance contre les Turcs est l'affaire des seules autorités temporelles, auxquelles chacun doit se soumettre, mais qui n'ont aucune prérogative en matière de foi. Cette argumentation anéantit toute possibilité d'appeler à une croisade. Luther ne justifie la guerre contre les Turcs que dans la mesure où il s'agit d'une guerre défensive et appelle à des tractations réciproques.
Luther marque encore plus nettement cette distinction entre l'ordre spirituel et l'ordre temporel dans son « Appel à la mobilisation contre les Turcs » (Heerpredigt wider die Türken), publié à l'automne 1529, où il dénonce les ennemis du Christ (« Feinde Christi »), agite les signes eschatologiques du Jugement dernier et fait un devoir aux chrétiens de « frapper sans crainte » (« getrost dreinzuschlagen »). Par ce ton nouveau, il entend ôter tout fondement aux reproches qu'on lui a faits de servir la cause des hérétiques en divisant la chrétienté[26].
C'est ainsi qu'à l'encontre de son précepte : « Brûler les hérétiques est contre la volonté du Saint Esprit » (« Ketzer verbrennen ist wider den Willen des Heiligen Geistes », 1519), il approuve la répression de l'anabaptisme. En 1535, princes catholiques et protestants de Rhénanie se liguent pour écraser la théocratie de Münster.
Luther publie encore d'autres pamphlets : Des Juifs et de leurs mensonges (Von den Juden und ihren Lügen, 1543), Contre la papauté de Rome, inspirée du Diable (Wider das Papsttum zu Rom, vom Teufel gestiftet, 1545).
Luther et les juifs
Luther a longtemps prêché une attitude humaine et tolérante envers les Juifs, mais uniquement dans la mesure où ils accepteraient de reconnaître Jésus-Christ. En soi, le judaïsme est un crime à éradiquer et, si les Juifs ne se sont pas massivement convertis au christianisme, c'est parce qu'il leur a été mal enseigné.
Devant l'échec de ses tentatives en ce sens, Luther adopte vers la fin de son existence une attitude de plus en plus judéophobe. En 1543, trois ans avant sa mort, il publie Des Juifs et de leurs mensonges, pamphlet d'une extrême violence où il prône des solutions telles que brûler les synagogues, abattre les maisons des Juifs, détruire leurs écrits, confisquer leur argent et tuer les rabbins qui enseigneraient le judaïsme. Cette prise de position contribuera au maintien d'un fort antijudaïsme en Allemagne, qui connaîtra son apogée sous le Troisième Reich, époque où le pamphlet de Luther deviendra un best-seller. Au sujet de ce texte, Karl Jaspers a pu écrire : « Là, vous avez déjà l'ensemble du programme nazi[27] »
Quelques mois plus tard, dans Vom Schem Hamphoras und das Geschlecht Christi (Du nom de Hamphoras et de la lignée du Christ), Luther assimile les Juifs au diable.
Les dernières années
Luther vit ses dernières années à Wittenberg (maison de Luther). Il est affecté par la gravelle et connaît plusieurs périodes de dépression et d'angoisse (1527, 1528, 1537, 1538) dues à la mort de sa fille Madeleine ou aux querelles entre protestants. Considéré par certains[Qui ?] comme un vieillard acariâtre, il n'a rien perdu de sa pugnacité. Son adversaire principal reste le pape, pour lequel il n'a pas de termes assez durs.
Martin Luther s'éteint après avoir confirmé sa foi, alors qu'il est à Eisleben, sa ville natale, afin de régler un différend entre les comtes de Mansfeld.
Martin Luther et Philippe Mélanchthon reposent à l'église de la Toussaint de Wittemberg.
Théologie
Éléments fondamentaux et évolution
Article détaillé : Cinq solae.
La théologie luthérienne, qui se caractérise par sa complexité, est souvent résumée par les quatre Sola/Solus :
•sola scriptura : la « sainte Écriture seule » représente la source de toute foi et de toute connaissance que l'homme peut avoir de Dieu : c'est elle, par conséquent, qui constitue la norme critique de tout discours et de toute action chrétienne ;
•sola gratia : la « grâce seule » compte sans qu'interviennent les tentatives de l'homme pour atteindre son propre salut ;
•sola fide : c'est par la « foi seule », uniquement si l'homme croit dans le Christ, sans aucune œuvre de sa part, que l'on peut atteindre le salut ;
•solus Christus : le « Christ seul », vraiment homme et vraiment Dieu, permet par son sacrifice vicarial sur la croix la justification et la guérison qui sont transmises par l’Évangile et par le sacrement de l'Eucharistie. Ce dernier principe est le fondement des trois autres.
Critique du monachisme
Dans sa volonté de réhabiliter le corps et la vie, Luther condamne la vie monastique. Avec Dein Ruf ist dein Beruf (Ta vocation est ton métier), il suggère que la vocation de tout un chacun n'est pas de chercher Dieu dans un couvent mais de s'incarner dans le monde. La traduction de son exhortation est délicate : en allemand, der Ruf signifie « appel » (du verbe rufen, appeler) ; Beruf est à la fois « métier » et « vocation ». Le jeu de mots signifierait alors : « Tu es appelé à vivre une profession. »
« Libère-moi selon ta justice » (Psaume 31)
Article détaillé : Sola fide.
Dieu accueille l'homme pécheur qui s'abandonne à lui. Le seul lien possible entre Dieu et les hommes est la foi. Les actes ne peuvent donc rien à eux seuls : il ne sert à rien d'être charitable, généreux, pieux... si l'on n'a pas la foi. Il faut d'abord s'abandonner à Dieu pour ressentir la foi ; les actes viendront ensuite d'eux-mêmes, ainsi que le salut. La théologie luthérienne est théocentrée (elle se concentre sur le Père) alors que le catholicisme de l'époque est principalement dirigé vers le Christ intercesseur.
L'autorité de l'Évangile
L'homme n'a qu'un seul guide infaillible pour trouver le bon chemin : la Parole de Dieu, l'Écriture seule, qui lui révèle le Christ. L'homme est sauvé par la pure grâce seule et par le moyen de la foi seule. La religion est une affaire personnelle et non dictée par le pouvoir en place. Cette sotériologie repose sur le rôle de la Loi et de l'Évangile. La personne du Saint-Esprit par la Loi convainc l'homme pécheur et le conduit vers la repentance, et l'Évangile fait naître la foi qui saisit le pardon, la vie et le salut que le Christ lui a acquis sur la croix.
Le sommeil des âmes
Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou incomplète. Votre aide est la bienvenue !
Traduction de la Bible
La traduction de la Bible en allemand, langue vernaculaire qu'a effectuée Luther, rapproche le peuple des Saintes Écritures et a un impact culturel primordial, en permettant la large diffusion d'une norme de la langue allemande écrite et en donnant des principes généraux sur la traduction[28]. Elle a notamment une large influence sur la traduction anglaise connue sous le nom de Bible du roi Jacques[29].
Bible en allemand de Luther
Au début, Luther n'a que peu d'égard pour les Livres d'Esther, l'Épître aux Hébreux, l'Épître de Jacques, l'Épître de Jude, et le Livre de l'Apocalypse. Il appelle l'Épître de Jacques « une épître de paille » ; il trouve que ces livres se réfèrent peu au Christ et à Son œuvre salutaire. Il a également des paroles dures à l'égard du Livre de l'Apocalypse, disant qu'il ne peut « en aucune manière ressentir que le Saint Esprit avait pu produire ce livre »
Il met en doute l'apostolicité des épîtres aux Hébreux, de Jacques, de Jude, et de l'Apocalypse rappelant que leur canonicité n'était pas universellement acceptée dans la première Église (ce sont les antilegomena). Cependant, Luther ne les retire pas de ses éditions des Saintes Écritures. Ses points de vue sur certains de ces livres changeront des années plus tard.
Luther choisit de placer les apocryphes bibliques entre l'Ancien et le Nouveau Testament. Ces livres qui sont ajoutés aux livres canoniques se trouvent dans la Septante grecque mais non dans les textes massorétiques hébreux. Luther laisse largement leur traduction aux soins de Philippe Mélanchthon et Justus Jonas. Ces livres ne figurent pas dans la table des matières de son édition de l'Ancien Testament de 1523, et on leur a attribué le titre couramment utilisé d'« Apocryphes ». Ces Livres sont considérés comme étant inférieurs aux Saintes Écritures, mais ils sont utiles et bons à lire dans la version de 1534.
Luther et la musique
Admirateur de la musique sous toutes les formes et compositeur de chants religieux, Luther introduit dans l'Église évangélique les cantiques à une ou deux voix, en langue vulgaire, chantés par l'assemblée des fidèles. Sous le nom de chorals, ces cantiques deviennent le centre de la liturgie protestante, et leur influence sur le développement de la musique allemande se fait sentir durant de longues années. Luther prend une place essentielle dans l'œuvre de Jean-Sébastien Bach qui utilisera ses textes pour 38 cantates. La plus connue de ses hymnes, Ein' feste Burg (« C'est un rempart que notre Dieu »), reste populaire parmi les luthériens et d'autres protestants aujourd'hui[30].
Musée
•Maison de Luther (XVe siècle), cloître de l'Université de Wittemberg où Luther vécut plus de 35 ans. Le musée est à ce jour le plus grand musée du monde de la Réforme protestante et le bâtiment est reconnu site du patrimoine mondial depuis 1994.
•On peut aussi visiter le château de la Wartbourg (en allemand : Wartburg), situé sur une colline au sud-ouest d'Eisenach en Thuringe, qui conserve le souvenir du séjour de Luther en 1521-1522 et de la traduction en allemand de la Bible qu'il y a commencé. Le site est aussi inscrit au patrimoine mondial depuis 1999.
Hommage
•L'astéroïde (7100) Martin Luther a été nommé en son hommage.
Principaux ouvrages
•Du serf arbitre, suivi de Diatribe d'Érasme sur le libre-arbitre, Gallimard, 2001 (ISBN 2070414698).
•Gorgées d'évangile, Bergers et Mages (ISBN 2-85304-131-X).
•Luther, les grands écrits réformateurs, GF-Flammarion, 1999 (ISBN 2-08070-661-6).
•De la liberté du chrétien, Seuil, 1996 (ISBN 2-02026-285-1).
•Les Quatre-Vingt-Quinze-Thèses, Oberlin (ISBN 2-85369-253-1).
•Sur le roc de la parole, Bergers et Mages, (ISBN 2-85304-122-0).
•Le Petit Catéchisme (1529).
•Des Juifs et de leurs mensonges, Belles Lettres, 2013 (ISBN 225133971X).
•Mémoires, traduits et mis en ordre par Jules Michelet, Mercure de France, 2006.
•Œuvres, Gallimard, Bibliothèque De La Pléiade, 1999. (ISBN 2070113256)
Eisleben 1483 1546
Des informations de cet article ou section devraient être mieux reliées aux sources mentionnées dans la bibliographie, sources ou liens externes (indiquez la date de pose grâce au paramètre date). Améliorez sa vérifiabilité en les associant par des références à l'aide d'appels de notes.
Martin Luther
Martin Luther en 1528 par Lucas Cranach l'Ancien.
Nom de naissance
Martin Luther
Naissance
10 novembre 1483
Eisleben,
Électorat de Saxe
Décès
18 février 1546 (à 62 ans)
Eisleben,
Électorat de Saxe
Activité principale
Religieux augustin
Théologien
Réformateur religieux
Auteur
Langue d’écriture
Allemand
Mouvement
Réforme protestante
Luthéranisme
Genres
Essai
Sermon
Pamphlet
Traduction
Martin Luther Prononciation du titre dans sa version originale Écouter, né le 10 novembre 1483 à Eisleben, dans l'électorat de Saxe[1] et mort le 18 février 1546 dans la même ville, est un frère augustin[2] théologien, professeur d'université, père du protestantisme[3],[4],[5],[6] et réformateur de l'Église dont les idées exercèrent une grande influence sur la Réforme protestante, qui changea le cours de la civilisation occidentale[7].
Très préoccupé par son salut, il découvre la force libératrice de la foi en Jésus reçue à travers la Bible dans l'épître de Paul aux Romains[8]. Selon Luther , le salut de l'âme est un libre don de Dieu, reçu par la repentance sincère et la foi authentique en Jésus-Christ comme le Messie, sans intercession possible de l'Église. Il défie l'autorité papale en tenant la Bible pour seule source légitime d'autorité chrétienne[9].
Le 3 janvier 1521, il reçoit la bulle Decet romanum pontificem qui lui signifie son excommunication. Après les nombreux débats théologiques du haut clergé, l'empereur du Saint-Empire romain germanique et roi d'Espagne, Charles Quint, convoque Martin Luther en 1521 devant la diète de Worms. Un sauf-conduit lui est accordé afin qu'il puisse s'y rendre sans risque. Devant la diète de Worms, il refuse de se rétracter, se déclarant convaincu par le témoignage de l'Écriture et s'estimant soumis à l'autorité de la Bible plutôt qu'à celle de la hiérarchie ecclésiastique. L'édit de Worms décide alors de mettre Martin Luther et ses disciples au ban de l'Empire.
Il est accueilli par son ami l'électeur de Saxe Frédéric III le Sage au château de la Wartbourg, où il compose ses textes les plus connus et les plus diffusés.
Martin Luther est également connu pour avoir effectué une traduction de la Bible en allemand dont l'influence culturelle est primordiale, tant pour les fondements de la langue allemande que pour la fixation des principes généraux de l'art de la traduction.
Certaines de ses prises de position sur les Juifs de son temps furent mal interprétées et récupérées par les nazis[10],[11]. Pour cette raison, et pour les aspects révolutionnaires de sa théologie, son héritage a suscité et continue de susciter de multiples controverses[12].
Biographie
Jeunesse
Martin Luther est né à Eisleben (dans l'électorat de Saxe, aujourd'hui en Saxe-Anhalt) le 10 novembre 1483. Il est le fils aîné de Hans Luther et de Marguerite Zidler. Son père, paysan d'origine, devient mineur dans une mine de cuivre de la région de Mansfeld, puis exploitant d'une mine de cuivre et d'une fonderie, ce qui lui permet d'acquérir le statut de bourgeois puis de magistrat. Martin Luther a plusieurs frères et sœurs, et se sent particulièrement proche de son frère Jacob[13].
Hans Luther, ambitieux pour lui-même et pour sa famille, est déterminé à voir son fils aîné devenir juriste. Il envoie Martin suivre ses études primaires et secondaires dans les écoles latines de Mansfeld, puis à Magdebourg et à Eisenach. Ces trois écoles se focalisent sur le trivium : la grammaire, la rhétorique et la logique. Luther comparera plus tard sa scolarisation au purgatoire, puis à l'enfer[14].
En 1501, à l'âge de dix-huit ans, il entre à l'université d'Erfurt, où il obtient un diplôme de bachelier en 1502 et une maîtrise en 1505. Il a alors l'intention d'étudier le droit, comme le souhaite son père, dans la même université mais il abandonne presque aussitôt, avec l'idée que le droit relève de l'incertitude[15].
Luther se sent attiré par la théologie et la philosophie, et exprime un intérêt particulier envers Aristote, Guillaume d'Ockham et Gabriel Biel[15]. Il est influencé par deux tuteurs, Bartholomaeus Arnoldi von Usingen et Jodocus Trutfetter, qui lui apprennent à remettre en question les plus grands penseurs[15] et à tout analyser par l'expérimentation[16]. Cependant, la philosophie lui semble insatisfaisante, prometteuse quant à la raison mais sans rapport avec l'amour de Dieu. Pour lui, la raison ne saurait attirer les hommes vers Dieu, ce qui l'amène à une vision ambivalente d'Aristote en raison de l'importance que ce dernier accorde à la raison[16]. Selon Luther, la raison peut être utilisée afin de remettre en question les hommes et les institutions, mais non pas Dieu lui-même : l'homme ne peut étudier Dieu qu'à travers la révélation divine et, par conséquent, les textes saints sont essentiels[16].
Il quitte l'université et entre dans une confrérie augustinienne à Erfurt le 17 juillet 1505[17]. Plus tard, il attribuera cette évolution à un événement : le 2 juillet 1505, il retournait à cheval à Erfurt après un congé dans sa famille. Pendant un orage, la foudre frappa près de lui. Par la suite, il avouera à son père sa peur de la mort et du jugement divin en s'écriant : "Au secours, sainte Anne, je vais devenir moine !"[18] (ou « Sainte Anne, sauve-moi et je me ferai moine ! »). Il en vient à considérer son appel à l'aide comme une promesse qu'il ne pourra briser.
Un ami impute cette décision à la douleur de Luther lors de la perte de deux de ses amis. Luther lui-même semble attristé. Il dit, le soir de son dîner de départ : « En ce jour, vous me voyez, et puis, plus jamais[16]. »
Son père est furieux de ce qu'il considère comme du gâchis[19].« Le maître des Arts va devenir un fainéant », dit-il[20].
Maison de Luther à Wittemberg.
Vie conventuelle
Membre de l'ordre mendiant des Augustins[21], Martin essaie au couvent des Augustins d'Erfurt de rechercher dans l'ascèse (mortifications, jeûnes, veilles) la promesse de son salut tout en restant persuadé qu'il n'y parviendra jamais. En même temps, il continue à étudier la théologie et bientôt commence à l'enseigner : ordonné prêtre en 1507, il est désigné pour enseigner la philosophie au couvent d'Erfurt. Docteur en théologie en 1512, il occupe par la suite la chaire d'enseignement biblique à l'université de Wittemberg, ville où il est, à partir de 1514, prédicateur de l'Église. Enseignement, prédication et recherche personnelle sont désormais ses trois activités principales.
Vers la Réforme
Église de la Toussaint de Wittemberg.
Certains font remonter les idées réformatrices de Luther à un séjour qu'il a fait à Rome en 1510-1511 pour les affaires de son ordre. Ce n'est apparemment pas le cas, et les abus ecclésiastiques de l'époque ne semblent pas l'émouvoir outre mesure. Plus importants sont son obsession du salut et ses travaux sur les épîtres de Paul. Il ressent en lui de multiples tendances vers le mal, et toutes les pratiques que lui offre l'Église, messes, confessions, jeûnes, etc. ne lui permettent pas de se libérer de ce sentiment de culpabilité. C'est sa compréhension nouvelle de l'épître de Paul aux Romains qui lui procure le soulagement. Il écrira : « Alors je commençai à comprendre que la « justice de Dieu » est celle par laquelle le juste vit du don de Dieu, à savoir de la foi, et que la signification (de la lettre de Paul aux Romains au chapitre 1, 17) était celle-ci : par l'Évangile nous est révélée la justice de Dieu..., par laquelle le Dieu miséricordieux nous justifie par la foi... Alors je me sentis un homme né de nouveau et entré, les portes grandes ouvertes, dans le paradis même. À l'instant même, l'Écriture m'apparut sous un autre visage »[22]. Il découvre que seule la foi sauve, que seule la confiance placée en Jésus qui nous aime malgré notre péché libère vraiment. Luther en arrive à se dire que l'homme doit accepter son état de pécheur et qu'il est fatalement imparfait devant Dieu, ce qui n'empêche pas la pénitence. En revanche, vouloir résoudre le problème du péché par des indulgences, le plus souvent monnayées, est pour lui une pratique incompatible avec la piété et une façon trop facile d'éluder les vrais problèmes.
Portes en bronze des 95 thèses de Luther
Le conflit avec la papauté éclate en 1517, à propos de l'indulgence décrétée par le pape Léon X pour favoriser la construction de la basilique Saint-Pierre, indulgence soutenue dans le Saint-Empire par l'archevêque-électeur de Mayence Albert de Brandebourg. Le 31 octobre, Luther écrit à l'archevêque pour lui demander de ne pas cautionner cette indulgence et joint à sa lettre les 95 thèses. Comme l'affirme son contemporain Philippe Mélanchthon, le 31 octobre 1517 il aurait placardé sur les portes de l'église de la Toussaint de Wittemberg ses 95 thèses condamnant violemment le commerce des indulgences pratiqué par l’Église catholique, et plus durement encore les pratiques du haut clergé — principalement de la papauté. Ces 95 Thèses, également appelées Thèses de Wittemberg, sont imprimées à la fin de l'année. Il s'insurge contre l'imposition de dogmes tels que celui du Purgatoire. Dès lors, cette controverse entre théologiens (donc universitaires) devient une affaire publique et politique. Luther est dénoncé à Rome par l'archevêque Albrecht. Le pape Léon X lui ordonne de se rétracter par la bulle pontificale Exsurge Domine, mais Luther la brûle en public et rompt avec l'Église catholique, en 1521. Un an plus tard commence contre lui un long procès qui aboutira à son excommunication.
Entre-temps, l'empereur Maximilien meurt et son petit-fils Charles Quint lui succède. Le nouvel empereur est un prince flamand. Il règne depuis trois ans sur l'Espagne et les récentes colonies américaines, la majeure partie de l'Italie et les Pays-Bas bourguignons. Il est âgé de dix-neuf ans et ne parle pas l'allemand.
Mise en œuvre de la Réforme
Face à Martin Luther, Rome choisit l'affrontement, méconnaissant l'adversaire et sa pugnacité, et sans doute aussi la situation politique allemande[réf. nécessaire]. Le procès menant à son excommunication, loin d'affirmer le catholicisme, ne fait qu'accélérer le processus de la Réforme.
L'excommunication et la mise au ban du Saint-Empire
En octobre 1518, Martin Luther est convoqué à Augsbourg, où le cardinal Cajetan, nonce apostolique, est chargé d'obtenir sa rétractation. Peine perdue. Après cet échec, Léon X décide d'adopter une attitude plus conciliante : il nomme Karl von Miltitz nonce apostolique et le charge de remettre à Frédéric le Sage, dont Luther est le sujet, la Rose d'or qu'il convoite depuis trois ans, espérant ainsi le convaincre de faire cesser les attaques de Luther contre la pratique des indulgences. Les 5 et 6 janvier 1519, Miltitz rencontre Luther à Altenbourg. Il obtient de sa part l'engagement de ne plus s'exprimer sur la question des indulgences et promet de son côté d'imposer le silence à ses adversaires Johann Tetzel et Albert de Brandebourg. À la suite de cette entrevue, Luther écrit au pape une lettre qu'il remet à Miltitz. De nouvelles rencontres ont lieu entre les deux hommes, le 9 octobre 1519 à Liebenwerda puis en octobre 1520 à Lichtenburg, près de Wittenberg, mais la rupture avec Rome est déjà consommée. C'est qu'entretemps Luther a aggravé son cas : en juillet 1519, lors de sa controverse avec Johann Eck (Disputatio de Leipzig), qui sera l'organisateur de la Contre-Réforme dans l'Empire, il met en cause l'infaillibilité des conciles. En juin 1520, Rome publie la bulle Exsurge Domine le menaçant d'excommunication, tandis que ses livres sont brûlés. Luther réagit en brûlant, le 10 décembre, à la fois la bulle papale et le droit canonique. L'excommunication, désormais inévitable, est prononcée le 3 janvier 1521 (bulle Decet Romanum Pontificem).
L'empereur Charles Quint vers 1522
Reste maintenant à mettre Luther au ban du Saint-Empire, ce qui ne peut se faire qu'après accord des États de l'Empire. Dans ce but Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique et roi d'Espagne, convoque Martin Luther en avril 1521 devant la diète de Worms (Rhénanie-Palatinat). Un sauf-conduit lui est accordé afin qu'il puisse s'y rendre en toute sécurité. Mais face à l'empereur, Luther refuse à nouveau de se plier aux exigences de l'Église, et il proclame notamment :
« Votre Majesté sérénissime et Vos Seigneuries m'ont demandé une réponse simple. La voici sans détour et sans artifice. À moins qu'on ne me convainque de mon erreur par des attestations de l'Écriture ou par des raisons évidentes — car je ne crois ni au pape ni aux conciles seuls puisqu'il est évident qu'ils se sont souvent trompés et contredits — je suis lié par les textes de l'Écriture que j'ai cités, et ma conscience est captive de la Parole de Dieu ; je ne peux ni ne veux me rétracter en rien, car il n'est ni sûr, ni honnête d'agir contre sa propre conscience. Me voici donc en ce jour. Je ne puis faire autrement. Que Dieu me soit en aide[23]. »
Sa mise au ban de l'Empire est alors prononcée.
Les appuis politiques
Luther est mis au ban de l'Empire, ce qui signifie que n'importe qui peut le mettre à mort impunément. Mais il dispose cependant, outre d'un soutien populaire assez large, de divers appuis politiques, tels celui du landgrave de Hesse et surtout celui du prince-électeur de Saxe Frédéric III le Sage.
Aussitôt sa condamnation prononcée, l'électeur de Saxe Frédéric III le Sage, craignant qu'il ne lui arrive malheur, l' « extrait » : plus précisément, des hommes de confiance de Frédéric III enlèvent Luther alors qu'il traverse la forêt de Thuringe le 4 mai 1521[24], à l'époque où il réside au château d'Altenstein, chez Burghard II Hund von Wenkheim, Frédéric III le met à l'abri dans le château de la Wartbourg, près d'Eisenach. Luther y demeure jusqu'au 6 mars 1522 sous le pseudonyme de chevalier Georges. C'est ici qu'il commence sa traduction de la Bible, d'abord celle du Nouveau Testament. La tradition veut qu'il ait laissé une trace de son passage : un jour où le diable venait une fois de plus le tourmenter, l'empêchant de travailler, il lança son encrier contre le démon, ce qui occasionna une tache sur le mur, encore visible aujourd'hui. Après moins de deux ans de clandestinité, il revient de son propre chef au cloître de Wittemberg, qu'il ne quittera plus guère désormais, et où il ne sera plus vraiment inquiété.
La Réforme se répand dans les principautés voisines, façonnant une sorte d'unité allemande que Charles Quint ne peut combattre, empêtré qu'il est dans ses guerres contre la France.
Lors de la diète de Spire, en avril 1529, le souverain tente de reprendre les choses en main, mais il se heurte à six princes et quatorze villes qui protestent d'en appeler à un concile si Charles Quint veut revenir à l'édit de Worms. La diète d'Augsbourg de 1530, au cours de laquelle Philippe Mélanchthon lit la Confession d'Augsbourg, confirme la résistance des princes protestants, qui forment la ligue de Smalkalde en 1531.
Les détracteurs de Martin Luther lui ont souvent fait grief de ce soutien des princes en lui reprochant d'avoir instauré une religion qui n'est pas celle du peuple. Ils lui reprochent surtout son comportement pendant la guerre des Paysans allemands (1524-1525), révolte provoquée par la misère mais liée aussi à la question religieuse et à des préoccupations proches des siennes ; plusieurs chefs du mouvement sont anabaptistes). En avril 1525, en des termes très durs, Luther se prononce pour une répression impitoyable de la révolte. Il y aura en tout plus de 100 000 morts. Pour Luther, se révolter contre son souverain équivaut à se révolter contre Dieu lui-même : Dieu a donné à certains le « privilège » de gouverner et, même quand ils se révèlent injustes, Dieu n'a pu se tromper. Si le peuple est gouverné par un souverain cruel, il s'agit d'une punition divine.
Développement du protestantisme
Initiateur d’une quête théologique personnelle, préférant l'augustinisme à la scolastique, axée sur l'Écriture et la figure majeure du Christ, et mettant l'accent sur le salut par la foi, Martin Luther se retrouve malgré lui à la tête d’une nouvelle Église, qu’il lui faut organiser rapidement pour éviter tout débordement. En 1522 à Wittemberg, pendant que lui-même était retenu au château de Wartbourg, l'enthousiaste Andreas Bodenstein von Karlstadt avait profondément éradiqué de la messe toutes les allusions sacrificielles, pratiqué la communion sous les deux espèces et incité à mépriser les dévotions populaires et les images. Luther n'en demandait pas tant : selon lui, il importait d'éviter de heurter les faibles, seule la parole persuasive était de mise.
Bien que spontanément conservateur, et ne voulant pas qu'on se réclame du nom de luthérien mais de celui de chrétien, Luther est condamné à faire évoluer la nouvelle Église, dans un sens qui l’éloignera de plus en plus des traditions romaines. Il faut aussi la doter d’outils pédagogiques[25], ce qui sera fait en 1529 avec Le Petit Catéchisme, à l’usage du peuple, et le Grand Catéchisme, destiné aux pasteurs. Entre temps, de nombreux changements avaient déjà eu lieu : suppression de la plupart des sacrements — seuls sont conservés le baptême et l’eucharistie —, ainsi que la confession (que Luther supprimera par la suite de la liste des sacrements, mais dont la pratique continuera dans de nombreux endroits), suppression des vœux monastiques et du célibat des prêtres, élection des pasteurs par des communautés locales, messe en allemand (1526) etc.
Concernant ses rapports avec les autres courants de la réforme protestante, Luther s'oppose à Zwingli (avec qui la rupture est définitive au colloque de Marbourg, en 1529) mais finit par se réconcilier avec les strasbourgeois (ainsi que Bâle et Augsbourg), avec la Concorde de Wittemberg, à laquelle souscriront plus tard encore d'autres réformateurs, comme Jean Calvin, ou Guy de Brès.
Bien que désapprouvant les moines qui s'étaient hâtés de quitter son propre couvent de Wittenberg, Luther, au terme d'une réflexion critique sur les vœux monastiques, se marie lui-même en 1525 avec une ancienne religieuse, Catherine de Bora, dont il aura six enfants.
Les pamphlets
Les sorciers
La chasse aux sorcières et sorciers exista dans les régions tant protestantes que catholiques romaines de l'Europe centrale, pendant et après la Réforme. Luther, et plus tard Jean Calvin, y apportèrent leur soutien. Ils se fondaient sur les mots de la Bible (Exode 22:17) « tu n'accepteras pas de laisser vivre une sorcière ». Luther alla jusqu'à en parler dans certains de ses sermons (celui du 6 mai 1526 WA 16, 551f., et aussi WA 3, 1179f, WA 29, 520f). Dans celui du 25 août 1538, il dit : « vous ne devez pas avoir de pitié pour les sorcières, quant à moi je les brûlerais » (WA 22, 782 ff.). Il estimait que la sorcellerie était un péché allant à l'encontre du deuxième commandement.
Les incarnations de l'Antéchrist
Au cours des Guerres austro-turques (1521 – 1543), Luther instrumentalise la menace de l'impérialisme ottoman pour servir ses visées politico-religieuses. Il faut, selon lui, vaincre d'abord les « Turcs de l'intérieur », c'est-à-dire les papistes, pour être en mesure de repousser le Grand Turc de Constantinople, ces deux fléaux n'étant que deux incarnations différentes de l'Antéchrist. Toutefois, avec le siège de Vienne, le danger commence à peser sur l'Europe centrale, et son attitude se met alors à évoluer. Dans un nouveau pamphlet : Vom Kriege wider die Türken, il affirme que le pape n'a jusque-là fait qu'utiliser la menace ottomane comme prétexte pour faire de l'argent et vendre des indulgences. Luther explique l'échec des résistances à l'expansion ottomane par la doctrine augustinienne des deux royaumes : il n'appartient pas à l'Église de faire la guerre ou de la diriger : allusion à peine voilée à l'évêque hongrois Pál Tomori, qui, en tant que général, est alors responsable de la défaite de Mohàcs ; la résistance contre les Turcs est l'affaire des seules autorités temporelles, auxquelles chacun doit se soumettre, mais qui n'ont aucune prérogative en matière de foi. Cette argumentation anéantit toute possibilité d'appeler à une croisade. Luther ne justifie la guerre contre les Turcs que dans la mesure où il s'agit d'une guerre défensive et appelle à des tractations réciproques.
Luther marque encore plus nettement cette distinction entre l'ordre spirituel et l'ordre temporel dans son « Appel à la mobilisation contre les Turcs » (Heerpredigt wider die Türken), publié à l'automne 1529, où il dénonce les ennemis du Christ (« Feinde Christi »), agite les signes eschatologiques du Jugement dernier et fait un devoir aux chrétiens de « frapper sans crainte » (« getrost dreinzuschlagen »). Par ce ton nouveau, il entend ôter tout fondement aux reproches qu'on lui a faits de servir la cause des hérétiques en divisant la chrétienté[26].
C'est ainsi qu'à l'encontre de son précepte : « Brûler les hérétiques est contre la volonté du Saint Esprit » (« Ketzer verbrennen ist wider den Willen des Heiligen Geistes », 1519), il approuve la répression de l'anabaptisme. En 1535, princes catholiques et protestants de Rhénanie se liguent pour écraser la théocratie de Münster.
Luther publie encore d'autres pamphlets : Des Juifs et de leurs mensonges (Von den Juden und ihren Lügen, 1543), Contre la papauté de Rome, inspirée du Diable (Wider das Papsttum zu Rom, vom Teufel gestiftet, 1545).
Luther et les juifs
Luther a longtemps prêché une attitude humaine et tolérante envers les Juifs, mais uniquement dans la mesure où ils accepteraient de reconnaître Jésus-Christ. En soi, le judaïsme est un crime à éradiquer et, si les Juifs ne se sont pas massivement convertis au christianisme, c'est parce qu'il leur a été mal enseigné.
Devant l'échec de ses tentatives en ce sens, Luther adopte vers la fin de son existence une attitude de plus en plus judéophobe. En 1543, trois ans avant sa mort, il publie Des Juifs et de leurs mensonges, pamphlet d'une extrême violence où il prône des solutions telles que brûler les synagogues, abattre les maisons des Juifs, détruire leurs écrits, confisquer leur argent et tuer les rabbins qui enseigneraient le judaïsme. Cette prise de position contribuera au maintien d'un fort antijudaïsme en Allemagne, qui connaîtra son apogée sous le Troisième Reich, époque où le pamphlet de Luther deviendra un best-seller. Au sujet de ce texte, Karl Jaspers a pu écrire : « Là, vous avez déjà l'ensemble du programme nazi[27] »
Quelques mois plus tard, dans Vom Schem Hamphoras und das Geschlecht Christi (Du nom de Hamphoras et de la lignée du Christ), Luther assimile les Juifs au diable.
Les dernières années
Luther vit ses dernières années à Wittenberg (maison de Luther). Il est affecté par la gravelle et connaît plusieurs périodes de dépression et d'angoisse (1527, 1528, 1537, 1538) dues à la mort de sa fille Madeleine ou aux querelles entre protestants. Considéré par certains[Qui ?] comme un vieillard acariâtre, il n'a rien perdu de sa pugnacité. Son adversaire principal reste le pape, pour lequel il n'a pas de termes assez durs.
Martin Luther s'éteint après avoir confirmé sa foi, alors qu'il est à Eisleben, sa ville natale, afin de régler un différend entre les comtes de Mansfeld.
Martin Luther et Philippe Mélanchthon reposent à l'église de la Toussaint de Wittemberg.
Théologie
Éléments fondamentaux et évolution
Article détaillé : Cinq solae.
La théologie luthérienne, qui se caractérise par sa complexité, est souvent résumée par les quatre Sola/Solus :
•sola scriptura : la « sainte Écriture seule » représente la source de toute foi et de toute connaissance que l'homme peut avoir de Dieu : c'est elle, par conséquent, qui constitue la norme critique de tout discours et de toute action chrétienne ;
•sola gratia : la « grâce seule » compte sans qu'interviennent les tentatives de l'homme pour atteindre son propre salut ;
•sola fide : c'est par la « foi seule », uniquement si l'homme croit dans le Christ, sans aucune œuvre de sa part, que l'on peut atteindre le salut ;
•solus Christus : le « Christ seul », vraiment homme et vraiment Dieu, permet par son sacrifice vicarial sur la croix la justification et la guérison qui sont transmises par l’Évangile et par le sacrement de l'Eucharistie. Ce dernier principe est le fondement des trois autres.
Critique du monachisme
Dans sa volonté de réhabiliter le corps et la vie, Luther condamne la vie monastique. Avec Dein Ruf ist dein Beruf (Ta vocation est ton métier), il suggère que la vocation de tout un chacun n'est pas de chercher Dieu dans un couvent mais de s'incarner dans le monde. La traduction de son exhortation est délicate : en allemand, der Ruf signifie « appel » (du verbe rufen, appeler) ; Beruf est à la fois « métier » et « vocation ». Le jeu de mots signifierait alors : « Tu es appelé à vivre une profession. »
« Libère-moi selon ta justice » (Psaume 31)
Article détaillé : Sola fide.
Dieu accueille l'homme pécheur qui s'abandonne à lui. Le seul lien possible entre Dieu et les hommes est la foi. Les actes ne peuvent donc rien à eux seuls : il ne sert à rien d'être charitable, généreux, pieux... si l'on n'a pas la foi. Il faut d'abord s'abandonner à Dieu pour ressentir la foi ; les actes viendront ensuite d'eux-mêmes, ainsi que le salut. La théologie luthérienne est théocentrée (elle se concentre sur le Père) alors que le catholicisme de l'époque est principalement dirigé vers le Christ intercesseur.
L'autorité de l'Évangile
L'homme n'a qu'un seul guide infaillible pour trouver le bon chemin : la Parole de Dieu, l'Écriture seule, qui lui révèle le Christ. L'homme est sauvé par la pure grâce seule et par le moyen de la foi seule. La religion est une affaire personnelle et non dictée par le pouvoir en place. Cette sotériologie repose sur le rôle de la Loi et de l'Évangile. La personne du Saint-Esprit par la Loi convainc l'homme pécheur et le conduit vers la repentance, et l'Évangile fait naître la foi qui saisit le pardon, la vie et le salut que le Christ lui a acquis sur la croix.
Le sommeil des âmes
Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou incomplète. Votre aide est la bienvenue !
Traduction de la Bible
La traduction de la Bible en allemand, langue vernaculaire qu'a effectuée Luther, rapproche le peuple des Saintes Écritures et a un impact culturel primordial, en permettant la large diffusion d'une norme de la langue allemande écrite et en donnant des principes généraux sur la traduction[28]. Elle a notamment une large influence sur la traduction anglaise connue sous le nom de Bible du roi Jacques[29].
Bible en allemand de Luther
Au début, Luther n'a que peu d'égard pour les Livres d'Esther, l'Épître aux Hébreux, l'Épître de Jacques, l'Épître de Jude, et le Livre de l'Apocalypse. Il appelle l'Épître de Jacques « une épître de paille » ; il trouve que ces livres se réfèrent peu au Christ et à Son œuvre salutaire. Il a également des paroles dures à l'égard du Livre de l'Apocalypse, disant qu'il ne peut « en aucune manière ressentir que le Saint Esprit avait pu produire ce livre »
Il met en doute l'apostolicité des épîtres aux Hébreux, de Jacques, de Jude, et de l'Apocalypse rappelant que leur canonicité n'était pas universellement acceptée dans la première Église (ce sont les antilegomena). Cependant, Luther ne les retire pas de ses éditions des Saintes Écritures. Ses points de vue sur certains de ces livres changeront des années plus tard.
Luther choisit de placer les apocryphes bibliques entre l'Ancien et le Nouveau Testament. Ces livres qui sont ajoutés aux livres canoniques se trouvent dans la Septante grecque mais non dans les textes massorétiques hébreux. Luther laisse largement leur traduction aux soins de Philippe Mélanchthon et Justus Jonas. Ces livres ne figurent pas dans la table des matières de son édition de l'Ancien Testament de 1523, et on leur a attribué le titre couramment utilisé d'« Apocryphes ». Ces Livres sont considérés comme étant inférieurs aux Saintes Écritures, mais ils sont utiles et bons à lire dans la version de 1534.
Luther et la musique
Admirateur de la musique sous toutes les formes et compositeur de chants religieux, Luther introduit dans l'Église évangélique les cantiques à une ou deux voix, en langue vulgaire, chantés par l'assemblée des fidèles. Sous le nom de chorals, ces cantiques deviennent le centre de la liturgie protestante, et leur influence sur le développement de la musique allemande se fait sentir durant de longues années. Luther prend une place essentielle dans l'œuvre de Jean-Sébastien Bach qui utilisera ses textes pour 38 cantates. La plus connue de ses hymnes, Ein' feste Burg (« C'est un rempart que notre Dieu »), reste populaire parmi les luthériens et d'autres protestants aujourd'hui[30].
Musée
•Maison de Luther (XVe siècle), cloître de l'Université de Wittemberg où Luther vécut plus de 35 ans. Le musée est à ce jour le plus grand musée du monde de la Réforme protestante et le bâtiment est reconnu site du patrimoine mondial depuis 1994.
•On peut aussi visiter le château de la Wartbourg (en allemand : Wartburg), situé sur une colline au sud-ouest d'Eisenach en Thuringe, qui conserve le souvenir du séjour de Luther en 1521-1522 et de la traduction en allemand de la Bible qu'il y a commencé. Le site est aussi inscrit au patrimoine mondial depuis 1999.
Hommage
•L'astéroïde (7100) Martin Luther a été nommé en son hommage.
Principaux ouvrages
•Du serf arbitre, suivi de Diatribe d'Érasme sur le libre-arbitre, Gallimard, 2001 (ISBN 2070414698).
•Gorgées d'évangile, Bergers et Mages (ISBN 2-85304-131-X).
•Luther, les grands écrits réformateurs, GF-Flammarion, 1999 (ISBN 2-08070-661-6).
•De la liberté du chrétien, Seuil, 1996 (ISBN 2-02026-285-1).
•Les Quatre-Vingt-Quinze-Thèses, Oberlin (ISBN 2-85369-253-1).
•Sur le roc de la parole, Bergers et Mages, (ISBN 2-85304-122-0).
•Le Petit Catéchisme (1529).
•Des Juifs et de leurs mensonges, Belles Lettres, 2013 (ISBN 225133971X).
•Mémoires, traduits et mis en ordre par Jules Michelet, Mercure de France, 2006.
•Œuvres, Gallimard, Bibliothèque De La Pléiade, 1999. (ISBN 2070113256)
Re: La Prédication selon les religions
Jean Calvin
Sermon Latin Noyon
Portrait de Jean Calvin
Naissance
10 juillet 1509
Noyon (Picardie,
Royaume de France
Décès
27 mai 1564 (à 54 ans)
Genève, République de Genève
Activité principale
Réformateur protestant
Théologien protestant
Écrivain
Auteur
Langue d’écriture
latin et français
Mouvement
Réforme protestante
Calvinisme
Genres
Essai
Sermon
Pamphlet
Œuvres principales
•Institution de la religion chrétienne (1536 pour la version latine, 1541 pour la version française, 1561 pour la dernière édition)
•Traité des scandales (1550)
Jean Calvin (forme re-francisée de la forme latinisée, Calvinus, du nom Jehan Cauvin), né le 10 juillet 1509 à Noyon (Picardie), et mort le 27 mai 1564, à Genève, est un théologien, un important réformateur, et un pasteur emblématique de la Réforme protestante du XVIe siècle, notamment pour son apport à la doctrine dite du calvinisme.
Après des études de droit, Calvin rompit avec l'église catholique romaine vers 1530. Du fait des persécutions contre les protestants en France, Calvin se réfugia à Bâle, en Suisse, où il publia la première édition de son œuvre maîtresse, l'Institution de la religion chrétienne en 1536. La même année, il fut recruté par Guillaume Farel pour aider à la réforme de l'église à Genève. Le conseil municipal résista à l'application des idées de Calvin et de Farel et les deux hommes furent expulsés. À l'invitation de Martin Bucer, Calvin se rendit à Strasbourg où il séjourna entre 1538 et 1541, devenant pasteur d'une église de réfugiés français et wallons. Il continua de soutenir le mouvement réformateur à Genève et fut finalement invité à revenir dans la cité genevoise en 1541.
Après son retour, Calvin introduisit une nouvelle liturgie et des idées politiques novatrices malgré l'opposition de plusieurs puissantes familles de la ville qui tentèrent de s'opposer à son autorité, en particulier au moment du procès de Michel Servet. L'arrivée de réfugiés favorables à Calvin et de nouvelles élections lui permirent néanmoins d'évincer ses opposants du conseil municipal. Calvin passa les dernières années de sa vie à promouvoir la Réforme à Genève et dans toute l'Europe.
Calvin était un écrivain apologétique infatigable et un polémiste qui provoqua de nombreuses controverses. Il échangea également des lettres cordiales et favorables avec de nombreux réformés comme Philippe Melanchthon et Heinrich Bullinger. Outre l'Institution, il rédigea des essais sur la plupart des livres de la Bible de même que des traités de théologie et des confessions de foi. Il réalisait régulièrement des sermons dans tout Genève. Calvin fut influencé par la tradition augustinienne qui le poussa à disserter sur les concepts de prédestination et de la souveraineté absolue de Dieu en ce qui concerne la rédemption et dans la damnation. Les écrits et les prêches de Calvin ont fourni la base de la branche de la théologie réformée. Les églises réformées et presbytériennes ont depuis adopté la pensée calvinienne et l'ont largement répandue.
Biographie
Jeunesse (1509-1535)
Calvin, né Jehan Cauvin[1], est né le 10 juillet 1509 dans la ville de Noyon en Picardie, une province du Royaume de France. Il était l'aîné de quatre fils ayant survécu à leur enfance. Son père, Gérard Cauvin, avait une carrière prospère en tant que notaire de la cathédrale et responsable du tribunal ecclésiastique. Sa mère, Jeanne le Franc, était la fille d'un aubergiste de Cambrai. Gérard destinait ses fils à la prêtrise.
Jean était un élève précoce. À l'âge de douze ans, il fut employé par l'évêque comme greffier et adopta la tonsure, devenant le 10 mai 1521 chapelain de l'autel Notre-Dame-de-la-Gésine de la cathédrale de Noyon[2]. Il reçut également le parrainage d'une famille influente, les Montmors[3]. Grâce à leur aide, Calvin entra au collège de la Marche à Paris où il apprit le latin avec Mathurin Cordier[4]. À la fin de ses études, il intégra le collège de Montaigu en tant qu'élève en philosophie, ayant comme condisciple Ignace de Loyola[5].
En 1525 ou 1526, Gérard retira son fils du collège de Montaigu et l'inscrivit à l'université d'Orléans pour qu'il y étudie le droit. Selon ses biographes contemporains Théodore de Bèze et Nicolas Colladon, Gérard considérait que son fils gagnerait plus d'argent comme avocat que comme prêtre[6]. Après quelques années d'études, Calvin entra à l'université de Bourges en 1529 pour suivre les enseignements de l'avocat humaniste André Alciat. Durant ses 18 mois à Bourges, Calvin apprit le grec nécessaire à l'étude du Nouveau Testament[7].
À l'automne 1533, Calvin adopta les nouvelles idées de la Réforme protestante. Calvin rapporta cette conversion à deux reprises, de façons différentes. Dans le premier récit qu'il en fit, il décrit sa conversion comme un changement soudain provoqué par Dieu. Ce récit se trouve dans les Commentaires sur le livre des Psaumes :
« Dieu par une conversion subite dompta et rangea à docilité mon cœur, qui, eu égard à l'âge, était par trop endurci en telles choses. Ayant donc reçu quelque goût et connaissance de la vraie piété, je fus immédiatement enflammé d'un si grand désir de profiter, qu'encore que je ne quittais pas entièrement les autres études, je m'y employai toutefois plus lâchement[8]. »
Dans son second rapport, il évoque un long et difficile processus intérieur, accompagné par une anxiété spirituelle et psychologique :
« Étant véhémentement consterné et éperdu pour la misère en laquelle j'étais tombé, et plus encore pour la connaissance de la mort éternelle qui m'était prochaine, je n'ai rien estimé m'être plus nécessaire, après avoir condamné en pleurs et gémissements ma façon de vivre passée que de me rendre et retirer en la Tienne… Maintenant donc, Seigneur, que reste-t-il à moi, pauvre et misérable, sinon T'offrir pour toute défense mon humble supplication que tu ne veuilles me mettre en compte cet horrible abandon et éloignement de Ta parole dont tu m'as par ta bonté merveilleuse un jour retiré[9]. »
Les historiens ont débattu de l'interprétation précise de ces rapports mais il est accepté que sa conversion correspond avec une rupture avec l'Église catholique romaine[10]. Le biographe de Calvin, Bruce Gordon a indiqué que « les deux récits ne sont pas nécessairement antithétiques ou qu'ils reflètent certaines incohérences dans la mémoire de Calvin mais qu'ils sont deux moyens d'exprimer la même réalité[11] ».
En 1532, Calvin reçut sa licence en droit et publia son premier livre, un commentaire de l'ouvrage De Clementia de Sénèque. Après des visites à Orléans et dans sa ville natale de Noyon, Calvin retourna à Paris en octobre 1533. À cette période, les tensions étaient fortes au Collège Royal (qui devint le collège de France) entre les humanistes/réformés et la direction conservatrice de la faculté. L'un des réformés, Nicolas Cop, fut élu recteur de l'université. Le 1er novembre 1533, il consacra son discours d'investiture à la nécessité d'une réforme religieuse et appela à un renouveau au sein de l'Église catholique.
Ce discours provoqua l'émoi de la faculté qui dénonça Nicolas Cop comme hérétique, obligeant celui-ci à prendre la fuite et à se réfugier en Suisse, dans la ville de Bâle. Calvin, qui était un ami proche de Cop, fut impliqué dans le scandale et dut se cacher durant un an. Il trouva refuge chez son ami Louis du Tillet à Angoulême, à Noyon (où le 4 mai 1534 il résilia les bénéfices ecclésiastiques qu'il recevait depuis sa tonsure, cet acte suggérant qu'il s'était déjà converti[12]) et à Orléans. Il fut cependant obligé de quitter la France après l'affaire des Placards au mois d'octobre 1534, au cours de laquelle, des protestants avaient placardé des écrits attaquant la messe catholique dans diverses villes, entraînant une violente réaction politique contre les protestants. En janvier 1535, Calvin rejoignit Cop à Bâle, une ville ouverte aux idées de l'influent réformateur Œcolampade[13].
Premiers essais de réforme (1536-1538)
En mars 1536, Calvin publia la première édition de son Institutio Christianae Religionis ou Institution de la religion chrétienne. L'ouvrage était une apologie ou défense de sa foi et un exposé de la position doctrinale des réformés. Il chercha également à en faire un livre d'instruction de base pour toute personne intéressée par la religion chrétienne. L'ouvrage était la première expression de sa théologie. Calvin amenda son écrit et en proposa plusieurs nouvelles éditions au long de sa vie[14]. Peu après sa publication, il quitta Bâle pour Ferrare en Italie où il devint brièvement secrétaire de Renée de France. Il retourna à Paris en juin avec son frère Antoine qui réglait les affaires de leur père. À la suite de l'édit de Coucy qui donnait six mois aux hérétiques pour se réconcilier avec la foi catholique, Calvin quitta définitivement la France. En août, il partit à destination de Strasbourg, une ville libre du Saint-Empire romain germanique et une ville-refuge pour les protestants. Mais les affrontements entre troupes françaises et impériales l'obligèrent à se détourner de son chemin et il arriva à Genève.
Calvin pensait ne pas rester à Genève, mais Guillaume Farel, un réformé français qui résidait dans la ville, lui demanda avec insistance de rester et à l'aider dans le travail de réforme de l'église. Calvin se montra d'abord très réticent, mais Farel réussit à le convaincre. Calvin se souvient de cette rencontre particulièrement intense, tel que le narre William Ramsay en 2006 :
« Alors Farel, qui travaillait avec un zèle incroyable pour promouvoir l'Évangile concentra tous ses efforts pour me garder en ville. Et lorsqu'il comprit ma détermination à étudier en privé dans quelque obscur endroit, et vit qu'il n'avait rien gagné de ses supplications, il s'abaissa aux insultes et dit que Dieu maudirait ma paix si je me retenais de lui donner de l'aide dans des temps d'aussi grande nécessité[15]. Terrifié par ses paroles et conscient de ma propre timidité et lâcheté, j'abandonnai mon voyage et tentait d'appliquer quelque don que j'avais en défense de la foi[16]. »
Calvin accepta sa tâche sans conditions préalables[17]. Les premières fonctions qui lui furent accordées sont mal connues : il reçut finalement le titre de « lecteur » signifiant probablement qu'il pouvait réaliser des lectures explicatives de la Bible. En 1537, il fut choisi pour devenir « pasteur » même s'il ne fut jamais ordonné[18]. Pour la première fois de sa vie, l'avocat-théologien assuma des fonctions pastorales comme les baptêmes, les mariages et les services religieux[19].
Guillaume Farel était le réformateur qui convainquit Calvin de rester à Genève. Portrait tiré des Icônes de Théodore de Bèze, 1580.
Tout au long de l'automne 1536, Farel rédigea une confession de foi tandis que Calvin écrivit des articles séparés sur la réorganisation de l'église à Genève. Le 16 janvier 1537, Farel et Calvin présentèrent leurs Articles concernant l'organisation de l'église et du culte à Genève devant le conseil municipal[20]. Le document décrivait la manière et la fréquence de leurs célébrations de l'eucharistie, la raison et la méthode de l'excommunication, l'importance de souscrire à la confession de foi, l'emploi des chants dans la liturgie et la révision des lois sur le mariage. Le conseil adopta le document dans la journée[21].
La réputation des deux hommes devant le conseil se détériora cependant durant l'année. Le conseil était réticent à faire appliquer les dispositions des articles car peu de citoyens avaient souscrit à cette confession de foi. Le 26 novembre, Calvin et Farel débattirent avec passion devant le conseil à ce sujet. De plus, la France cherchait à former une alliance avec Genève et comme les deux pasteurs étaient français, les membres du conseil commencèrent à mettre en question leur loyauté. Enfin une importante querelle politico-religieuse éclata lorsque Berne, l'alliée de Genève dans la réforme des églises suisses, proposa d'uniformiser les cérémonies religieuses. Une proposition imposait l'emploi de pain azyme dans l'eucharistie. Calvin et Farel ne voulaient pas suivre la direction de Berne et retardèrent l'emploi d'un tel pain jusqu'à ce qu'un synode puisse être organisé à Zurich pour trancher la question. Le conseil ordonna aux deux hommes d'utiliser du pain azyme pour le culte de Pâques et en protestation, ils refusèrent de présider la cène durant ce culte. Cela causa une émeute durant le service et le lendemain, le conseil expulsa les deux pasteurs[22].
Farel et Calvin se rendirent à Berne et Zurich pour défendre leur cause. Le synode de Zurich attribua une grande part de responsabilité à Calvin pour ne pas avoir été suffisamment conciliant avec le peuple de Genève. Il demanda cependant à Berne de servir d'intermédiaire pour obtenir la réintégration des pasteurs. Le conseil de Genève refusa d'accueillir à nouveau les deux hommes qui avaient trouvé refuge à Bâle. Par la suite, Farel fut invité à mener l'église de Neuchâtel et Calvin reçut une offre pour diriger une église de réfugiés français à Strasbourg envoyée par les réformateurs les plus influents de la ville, Martin Bucer et Wolfgang Capiton. Calvin commença par refuser car Farel n'était pas invité mais finit par accepter En septembre 1538, Calvin prit ses fonctions à Strasbourg et quelques mois plus tard, il demanda et reçut la citoyenneté de la ville[23].
Pasteur à Strasbourg (1538-1541)
L'église Saint-Nicolas de Strasbourg où Calvin prêcha en 1538. L'architecture du bâtiment fut modifiée au XIXe siècle.
Martin Bucer invita Calvin à Strasbourg après son expulsion de Genève. Illustration de Jean-Jacques Boissard.
Durant son séjour à Strasbourg, Calvin ne resta pas attaché à une église particulière et dirigea successivement l'église Saint-Nicolas, l'église Sainte-Madeleine et l'ancienne église dominicaine renommée Temple Neuf[24] (ces églises existent toujours mais aucune n'est restée en l'état). Calvin accueillait entre 400 et 500 personnes dans son église. Il prêchait ou enseignait chaque jour avec deux sermons le dimanche. La communion était célébrée chaque mois et le chant des psaumes était encouragé[25]. Il travailla également à la seconde édition de ses Institutions. Même si la première édition s'était vendue en moins d'un an, Calvin était mécontent de sa structure en forme de catéchisme.
Pour la seconde édition, publiée en 1539, Calvin abandonna ce format en faveur de la présentation systématique des principales doctrines bibliques. Le livre passa ainsi de six à dix-sept chapitres[26]. Il rédigea parallèlement un autre livre, Commentaires de l'épître aux Romains, qui fut publié en mars 1540. L'ouvrage servit de modèle pour ses futurs commentaires : il y inclut sa propre traduction latine du grec plutôt que de reprendre la Vulgate, une exégèse et une prédication expositoire (en)[27]. Dans sa lettre dédicatoire, Calvin loua le travail de ses prédécesseurs Philipp Melanchthon, Heinrich Bullinger et Martin Bucer mais prit soin de s'en démarquer et de critiquer certaines de leurs positions[28].
Durant son séjour, Calvin souscrivit également à la Concorde de Wittenberg[29] et fut chargé de défendre la Confession d'Augsbourg lors du colloque de Ratisbonne en 1540.
Les amis de Calvin le pressèrent de se marier mais ce dernier prit une posture prosaïque en écrivant à l'un de ses correspondants :
« Moi, qui ait l'air si hostile au célibat, je ne suis pas encore marié et j'ignore si jamais je le serai. Si je prends femme, ce sera pour que, mieux affranchi de nombreuses tracasseries, je puisse me consacrer au Seigneur[30]. »
Plusieurs candidates lui furent présentées dont une jeune femme d'une famille noble. Calvin accepta le mariage à contre-cœur à la condition qu'elle apprenne le français. Bien que le mariage fût prévu pour mars 1540, il restait réticent et le mariage n'eut jamais lieu. Il écrivit plus tard qu'il n'aurait jamais pensé à l'épouser « à moins que le Seigneur ne m'ait privé de ma présence d'esprit »[31]. Finalement, il épousa en août Idelette de Bure, une veuve d'un anabaptiste, converti par lui, ayant deux enfants de son premier mariage. Il eut un enfant Jacques, mort jeune[32].
Genève commença à reconsidérer l'expulsion de Calvin car la présence à l'église avait diminué et le climat politique avait changé. L'alliance entre Berne et Genève vacillait du fait des querelles territoriales. Lorsque le cardinal Jacopo Sadoleto écrivit une lettre au conseil municipal invitant Genève à revenir dans le giron catholique, le conseil chercha une autorité ecclésiastique pour lui répondre. Pierre Viret fut le premier consulté mais il refusa et le conseil demanda à Calvin. Il accepta et sa Responsio ad Sadoletum (Lettre à Sadoleto) défendit fermement la position de Genève concernant la réforme de l'église[33]. Le 21 septembre, le conseil chargea l'un de ses membres, Ami Perrin, de trouver un moyen de faire revenir Calvin. Un émissaire rencontra Calvin alors qu'il participait à une conférence chargée de résoudre des disputes religieuses à Worms. Sa première réaction à l'offre fut l'horreur sur laquelle il écrivit, « je préférerais mourir cent fois que de retourner à cette croix sur laquelle je périssais mille fois chaque jour[34] ».
Calvin écrivit également qu'il était prêt à suivre l'appel du Seigneur. Un programme fut établi dans lequel Viret serait nommé pour prendre temporairement en charge Genève tandis que Bucer et Calvin visiteraient la ville pour déterminer les étapes suivantes. Le conseil municipal pressa cependant pour la nomination immédiate de Calvin à Genève. À l'été 1541, Strasbourg décida de prêter Calvin à Genève pour six mois et Calvin prit la route le 13 septembre avec une escorte officielle et sa famille[35].
Réformes à Genève (1541-1549)
Calvin prêchait à la cathédrale Saint-Pierre de Genève, la principale église de Genève.
En soutien des propositions de réforme de Calvin, le conseil de Genève vota les Ordonnances ecclésiastiques le 20 novembre 1541. Les ordonnances définissaient quatre ordres de fonctions ministérielles : Les pasteurs pour prêcher et administrer les sacrements, les docteurs pour instruire les croyants dans la foi, les anciens pour fournir une discipline et les diacres pour prendre soin des pauvres et des nécessiteux[36]. Elles appelaient également la création d'un Consistoire, un tribunal ecclésiastique composé d'aînés laïcs et de pasteurs. Le gouvernement municipal conservait le pouvoir de convoquer des personnes devant le tribunal et le Consistoire ne pouvait juger que des affaires religieuses n'ayant pas de juridiction civile. Initialement, le tribunal avait le pouvoir d'infliger des peines dont la plus sévère était l'excommunication. Le gouvernement civil contesta cependant ce pouvoir et le 19 mars 1543, le conseil décida que toutes les condamnations seraient prises par le gouvernement[37].
En 1542, Calvin adapta un livre liturgique utilisé à Strasbourg en publiant La Forme des Prières et Chants Ecclésiastiques. Calvin reconnaissait le pouvoir de la musique et il voulait qu'elle soit utilisée pour soutenir la lecture de la Bible. Le psautier originel de Strasbourg contenait douze psaumes de Clément Marot et Calvin ajouta plusieurs autres hymnes à sa propre composition dans la version genevoise. À la fin de l'année 1542, Marot se réfugia à Genève et rédigea dix-neuf autres psaumes. Loys Bourgeois, également réfugié, vivait et enseignait la musique à Genève depuis seize ans et Calvin en profita pour intégrer ses hymnes[38]. La même année, Calvin publia le Catéchisme de l'Église de Genève, inspiré du Kurze Schrifftliche Erklärung de 1534 de Bucer. Calvin avait déjà rédigé un catéchisme durant son premier séjour à Genève qui était largement basé sur le Grand Catéchisme de Martin Luther[39].
Durant son ministère à Genève, Calvin réalisa plus de 2 000 sermons. Initialement, il prêchait deux fois le dimanche et trois fois durant la semaine. Cela se révéla trop lourd et à la fin de l'année 1542, le conseil l'autorisa à ne prêcher qu'une fois le dimanche. Cependant en octobre 1549, on lui demanda à nouveau de prêcher deux fois le dimanche et chaque jour de la semaine en alternance. Ses sermons duraient plus d'une heure et il n'utilisait pas de notes. Un greffier tentait parfois d'enregistrer ses prêches mais peu de ses sermons furent préservés avant 1549. Cette année-là, le scribe professionnel Denis Raguenier, qui avait appris ou développé un système de sténographie, fut chargé d'enregistrer tous les sermons de Calvin. Une analyse de ses prêches réalisée par T. H. L. Parker suggère que Calvin était consistant et que son style a peu évolué au cours des années[40],[41].
On ne sait que très peu de choses sur la vie privée de Calvin à Genève. Sa maison et son mobilier appartenaient au conseil. La maison était assez grande et accueillait sa famille ainsi que celle de son frère Antoine et quelques serviteurs. Le 28 juillet 1542, Idelette donna naissance à un garçon, Jacques, mais il était prématuré et mourut rapidement. Idelette tomba malade en 1545 et mourut le 29 mars 1549. Calvin ne se remaria jamais et exprima sa tristesse dans une lettre à Viret :
« J'ai été privé de la meilleure amie de ma vie, celle qui, si j'avais été ordonné, aurait volontiers partagé non seulement ma pauvreté mais également ma mort. Durant sa vie elle a été une aide fidèle de mon ministère. D'elle je n'ai jamais connu le moindre reproche[42]. »
Tout au long de sa vie à Genève, il resta en contact étroit avec ses anciens amis dont Montmor, Cordier, Cop, Farel, Melanchthon et Bullinger[43].
Opposition (1546-1553)
Article détaillé : République théocratique de Genève.
Portrait de Calvin réalisé par un anonyme.
Calvin rencontra une forte opposition à ses travaux à Genève. Vers 1546, ses adversaires se regroupèrent dans un groupe qu'il appela les libertins. Selon Calvin, ces personnes pensaient qu'après avoir été libérées par la grâce irrésistible, elles étaient exemptées des lois civiles et ecclésiastiques. Le groupe rassemblait des familles riches et politiquement puissantes de Genève[44]. À la fin du mois de janvier 1546, Pierre Ameaux, un fabricant de cartes à jouer qui avait déjà eu des problèmes avec le Consistoire, attaqua Calvin en le traitant de « picard », une expression dénotant un sentiment anti-français et l'accusa de promouvoir de fausses doctrines. Ameaux fut condamné par le conseil et forcé d'expier son crime en paradant dans la ville et en suppliant Dieu de le pardonner[45]. Quelques mois plus tard, Ami Perrin, l'homme qui avait convaincu Calvin de venir à Genève lui devint ouvertement opposé. Perrin avait épousé Françoise Favre, la fille de François Favre, un marchand allemand bien établi. L'épouse de Perrin et son beau-père avaient également eu des querelles avec le Consistoire. Le tribunal nota que de nombreux notables genevois, dont Perrin, avaient enfreint les lois contre la danse. Perrin commença par ignorer la convocation du tribunal mais, après avoir reçu une lettre de Calvin, il accepta et se présenta devant le Consistoire[46].
En 1547, l'opposition à Calvin et aux autres pasteurs français réfugiés avait grandi et constituait la majorité des syndics, les magistrats civils de Genève. Le 27 juin, une lettre de menaces anonymes en genevois fut trouvée sur la chaire de la cathédrale Saint-Pierre de Genève où Calvin prêchait. Suspectant un complot contre l'Église et l'État, le conseil nomma une commission d'enquête. Jacques Gruet, un membre genevois du groupe de Favre fut arrêté et des preuves furent découvertes dans sa maison. Sous la torture, il avoua plusieurs crimes dont la rédaction de la lettre laissée sur la chaire et qui menaçait Dieu, ses ambassadeurs et l'ordre religieux. Le tribunal civil le condamnant à mort et, avec l'approbation de Calvin, il fut décapité le 26 juillet 1547[47] , à Champel, après avoir été longuement soumis à la torture[48].
Les libertins poursuivirent leur opposition en attisant le mécontentement, en insultant les pasteurs et en défiant l'autorité du Consistoire. Le conseil encouragea les deux camps en admonestant ou en défendant alternativement Calvin et les libertins. Lorsque Perrin fut élu premier syndic en février 1552, l'autorité de Calvin sembla à son plus bas niveau. Après quelques défaites devant le conseil, Calvin se sentit battu et le 24 juillet 1553, il demanda au conseil l'autorisation de démissionner. Même si les libertins contrôlaient le conseil, sa requête fut refusée. L'opposition réalisa en effet qu'elle pouvait affaiblir l'autorité de Calvin mais qu'elle n'avait pas assez de pouvoir pour le bannir[49].
Michel Servet (1553)
Michel Servet échangea de nombreuses lettres avec Calvin jusqu'à ce que ce dernier ne le déclarât hérétique.
Le retournement de situation pour Calvin eut lieu lorsque Michel Servet, un fugitif condamné par les autorités ecclésiastiques, arriva à Genève le 13 août 1553. Servet était un médecin espagnol et un théologien protestant qui critiquait fermement les doctrines de la Trinité et le pédobaptisme[50]. En juin 1530, il affronta Œcolampade à Bâle et fut expulsé. Il se rendit à Strasbourg où il publia un pamphlet contre la Trinité. Bucer la réfuta officiellement et demanda à Servet de partir. Après être revenu à Bâle, Servet publia les Dialogues sur la Trinité en deux livres (latin : Dialogorum de Trinitate libri duo) qui provoquèrent un scandale parmi les réformés et les catholiques. L'Inquisition espagnole ordonna son arrestation[51].
Calvin et Servet entrèrent en contact en 1546 par l'intermédiaire d'une connaissance commune, l'imprimeur lyonnais Jean Frellon. Ils échangèrent des lettres débattant les doctrines signées Michael Servetus et Charles d'Espeville, le pseudonyme de Calvin dans ces lettres. Calvin perdit finalement patience et refusa de répondre. Il fut particulièrement outré quand Servet lui envoya une copie de l'Institution de la religion chrétienne sévèrement annotée avec des arguments pointant les erreurs du livre. Calvin écrivit une lettre à Farel le 13 février 1546 notant que si Servet devait venir, il ne pourrait pas lui garantir un sauf-conduit, « car s'il vient et que je jouisse ici de quelque autorité, je ne souffrirai pas qu'il sorte vivant[52] ».
En 1553, Guillaume de Trie, un ami de Calvin, envoya des lettres à l'Inquisition française au sujet de Servet[53], le qualifiant d'« hispano-portugais » et le critiquant pour ses origines juives récemment découvertes[54],[55],[56] ; il écrivit encore que « son vrai nom est Michel Servet mais il se fait appeler Villeneufve et pratique la médecine. Il est resté quelque temps à Lyon mais il réside maintenant à Vienne ». Lorsque l'inquisiteur-général de France apprit que Servet se cachait à Vienne, selon Calvin sous un faux nom, il contacta le cardinal François de Tournon, le secrétaire de l'archevêque de Lyon pour qu'il supervise l'affaire. Servet fut arrêté et emmené pour être interrogé. Ses lettres à Calvin furent présentées comme preuve d'hérésie mais il nia les avoir écrites. Il déclara, après avoir juré sur la Bible, qu'il « était Michel de Villeneuve docteur en médecine d'environ 42 ans natif de Tudela du royaume de Navarre, une ville sous l'obédience de l'empereur[57] ». Le lendemain, il déclara que « …s'il n'était pas Servet, il prit la personnalité de Servet pour débattre avec Calvin »[58]. Il parvint à s'évader de prison et les autorités catholiques le condamnèrent à mort[59].
Sur la route de l'Italie, Servet s'arrêta à Genève pour des raisons inconnues, où il fut reconnu et arrêté. Le secrétaire de Calvin, Nicolas de la Fontaine, composa une liste d'accusations qui fut soumise au tribunal. Le procureur était Philibert Berthelier, un membre du groupe des libertins et fils d'un patriote genevois et les sessions furent menées par Pierre Tissot, le beau-frère de Perrin. Les libertins firent traîner le procès en longueur pour affaiblir Calvin. Le problème de cette arme contre Calvin était la réputation d'hérétique de Servet et la plupart des villes d'Europe attendaient l'issue du procès. Cela posait un dilemme pour les libertins et le 21 août, le conseil décida de demander leur avis aux autres villes suisses afin de diluer sa propre responsabilisé dans le verdict final. En attendant les réponses, le conseil demanda également à Servet s'il voulait être jugé à Vienne ou à Genève. Il supplia de pouvoir rester à Genève. Le 20 octobre, les réponses de Zurich, Berne, Bâle et Schaffhouse furent lues et le conseil condamna Servet comme hérétique. Il fut condamné au bûcher le lendemain, la même peine qu'à Vienne. Calvin et les autres ministres demandèrent qu'il fût décapité[60]. Cela fut refusé et Servet fut brûlé vif le 27 octobre 1553 sur un bûcher composé de ses propres livres sur le plateau de Champel non loin de Genève[61].
Consolidation de la Réforme (1553-1555)
Après la mort de Servet, Calvin fut célébré en défenseur de la Chrétienté mais son triomphe contre les libertins était encore à venir. Il avait toujours insisté pour que le Consistoire ait le pouvoir d'excommunication malgré la décision du conseil de lui retirer. Durant le procès de Servet, Philibert Berthelier avait demandé au conseil la permission de prendre la communion car il avait été excommunié l'année précédente pour avoir insulté un pasteur. Calvin protesta en avançant que le conseil n'avait pas autorité pour annuler l'excommunication de Berthelier. Ne connaissant pas l'issue de la dispute, il indiqua dans un sermon du 3 septembre 1553 qu'il pourrait être rejeté par les autorités. Le conseil décida de réexaminer les Ordonnances et le 18 septembre, il vota que l'excommunication était dans la juridiction du Consistoire, une décision favorable à Calvin. Berthelier fit alors appel à une autre assemblée administrative de Genève, le conseil des Deux-Cents, en novembre. Ce corps s'opposa à la décision du conseil et avança que l'arbitre final au sujet de l'excommunication devait être le conseil. L'avis des églises suisses fut demandée et finalement le 22 janvier 1555, le conseil annonça la décision des églises suisses : les Ordonnances originales devaient être conservées et le Consistoire devait recouvrer l'ensemble de ses pouvoirs[62].
La chute des libertins commença avec les élections de février 1555. À ce moment, de nombreux réfugiés français avaient reçu la citoyenneté genevoise et avec leur appui, les partisans de Calvin obtinrent la majorité des syndics et des conseillers. Les libertins complotèrent pour semer le chaos et le 16 mai, ils se mirent en route pour incendier une maison qu'ils pensaient être pleine de Français. Le syndic Henri Aulbert tenta d'intervenir en portant avec lui le sceptre symbolisant son pouvoir. Perrin fit l'erreur de s'emparer du bâton, signifiant ainsi qu'il prenait le pouvoir dans un coup d'État virtuel. L'insurrection fut stoppée dès qu'un autre syndic arriva et emmena Perrin à l'hôtel de ville. Perrin et les autres meneurs furent expulsés de la ville. Avec l'approbation de Calvin, les autres conspirateurs présents dans la ville furent arrêtés et exécutés. L'opposition à l'autorité ecclésiastique de Calvin cessa d'exister[63].
Dernières années (1555-1564)
Jean Calvin à l'âge de 53 ans. Gravure de René Boyvin
L'autorité de Calvin fut pratiquement incontestée dans les dernières années de sa vie et il disposait d'une réputation internationale en tant que réformateur distinct de Martin Luther[64]. Les deux hommes avaient initialement un respect mutuel l'un pour l'autre mais un conflit doctrinal s'était développé entre Luther et le réformateur Ulrich Zwingli de Zurich au sujet de l'eucharistie. L'opinion de Calvin sur la question força Luther à le mettre dans le camp de Zwingli. Calvin participa activement aux polémiques entre les branches luthériennes et réformées du protestantisme[65]. Au même moment, Calvin était consterné par le manque d'unité parmi les réformateurs et il se rapprocha de Bullinger en signant le Consensus Tigurinus, un concordat entre les églises de Zurich et de Genève. Il entra également en contact avec l'archevêque de Cantorbéry, Thomas Cranmer, lorsque ce dernier appela à un synode œcuménique de toutes les églises protestantes. Calvin soutenait l'idée mais Cranmer ne parvint pas à la réaliser[66].
La plus grande contribution de Calvin à la communauté anglophone fut l'accueil à Genève des exilés protestants chassés d'Angleterre par les persécutions de Marie Ire à partir de 1555. Sous la protection de la ville, ils formèrent leur propre église réformée menée par John Knox et William Whittingham et ramenèrent finalement les idées de Calvin en Angleterre et en Écosse[67]. Calvin était cependant plus intéressé par la réforme de son pays natal, la France. Il soutint la construction d'églises en distribuant des livres et en fournissant des pasteurs. Entre 1555 et 1562, plus de 100 ministres furent envoyés en France. Ces actions furent entièrement financées par l'église à Genève car le conseil refusa de s'impliquer dans les activités prosélytes. Les protestants de France étaient persécutés dans le cadre de l'Édit de Chateaubriand du roi Henri II de France et lorsque les autorités françaises se plaignirent des activités des missionnaires, Genève put nier en être responsable[68].
Le Collège Calvin est aujourd'hui un établissement d'enseignement secondaire.
À Genève, la principale préoccupation de Calvin était la création d'un collège. Le site de l'école fut choisi le 25 mars 1558 et l'établissement ouvrit le 5 juin 1556. L'école était divisée en deux parties : un collège ou schola privata et un lycée appelé académie ou schola publica. Calvin tenta de recruter deux professeurs, Mathurin Cordier, son ancien ami et latiniste basé à Lausanne et Emmanuel Tremellius, le Regius Professor of Hebrew à Cambridge. Aucun des deux n'était disponible mais il parvint à convaincre Théodore de Bèze d'être le recteur. Cinq ans après son ouverture, l'établissement accueillait 1 500 étudiants dont 300 à l'académie. Le collège devint finalement le Collège Calvin, l'une des écoles de maturité de Genève et l'académie devint l'université de Genève[69].
Tombe traditionnellement attribuée à Calvin dans le cimetière des Rois à Genève.
À l'automne 1558, Calvin fut atteint d'une fièvre. Craignant de mourir avant d'achever sa dernière révision de l'Institution, il se força à travailler. La dernière édition fut largement réécrite et Calvin considérait qu'il s'agissait d'une nouvelle œuvre. Le passage de 21 à 80 chapitres était lié au traitement élargi des passages existants plutôt qu'à l'ajout de nouveaux sujets[70]. Peu après avoir récupéré, il épuisa sa voix en prêchant ce qui causa un violent accès de toux qui fit éclater un vaisseau sanguin dans ses poumons. Sa santé déclina progressivement et il donna son dernier sermon à la cathédrale Saint-Pierre le 6 février 1564. Il rédigea son testament le 25 avril par lequel il léguait de petites sommes d'argent à sa famille et au collège. Quelques jours plus tard, les pasteurs de l'église lui rendirent visite et il fit ses adieux qui furent consignés dans Discours d'adieu aux ministres. Il y relatait sa vie à Genève, en rappelant parfois amèrement les difficultés qu'il avait rencontrées. Calvin mourut le 27 mai 1564 à l'âge de 54 ans. Son corps fut d'abord exposé mais devant l'affluence, les réformateurs craignirent d'être accusés de promouvoir le culte d'un saint. Il fut inhumé le lendemain dans une tombe anonyme du cimetière des Rois[71]. Même si l'emplacement exact de la tombe est inconnu, une pierre tombale fut ajoutée au XIXe siècle pour marquer la tombe traditionnellement considérée comme étant la sienne[72].
Théologie de Calvin
Présentation de la théologie de Calvin
Calvin développa sa théologie dans ses commentaires de la Bible ainsi que dans ses sermons et des essais mais l'expression la plus concise de sa pensée se trouve dans son œuvre maîtresse, l'Institution de la religion chrétienne. Il chercha à faire de ce livre un résumé de ses vues sur la théologie chrétienne et à ce qu'il soit lu parallèlement à ses commentaires[73]. Calvin ajouta des modifications au livre tout au long de sa vie et les versions successives montrent que sa pensée a peu évolué de sa jeunesse à sa mort[74]. La première édition de 1536 ne comptait que six chapitres. La seconde, publiée en 1539, était trois fois plus longue car il avait ajouté des chapitres sur des sujets apparaissant dans les Loci Communes de Melanchthon. En 1543, il ajouta de nouveaux passages et étendit un chapitre sur le symbole des apôtres. La dernière édition de l'Institution fut publiée en 1559. L'ouvrage comprenait quatre livres pour un total de 80 chapitres et chaque livre portait le nom d'une confession de foi : le livre 1 sur Dieu le créateur, le livre 2 sur le rédemption par Jésus-Christ, le livre 3 sur la réception de la Grâce de Dieu par le Saint-Esprit et le livre 4 sur l'Église[75].
Couverture de la dernière édition de l'Institution de la religion chrétienne qui résume sa théologie.
La première confession dans l'Institution concernait son thème central. Elle avançait que la somme de sagesse humaine comprenait deux parties, la connaissance de Dieu et de nous-mêmes[76]. Calvin affirmait que la connaissance de Dieu n'est pas inhérente à l'humanité et ne peut pas être découverte en observant la nature. La seule manière de l'obtenir est d'étudier les Écritures saintes. Calvin écrit, « Pour parvenir à Dieu le créateur il faut que les Écritures saintes nous soient guide et maîtresse[77] ». Il n'essaye pas de prouver l'autorité des Écritures mais les décrit plutôt comme autopiston ou « certaines en elles-mêmes ». Il défend l'idée de la Trinité et dans une virulente polémique avec l'Église, affirmant que les images de Dieu mènent à l'idolâtrie[78]. À la fin du premier livre, il offre sa vision de la providence en écrivant, « Que Dieu ayant créé le monde par sa vertu, le gouverne et entretient par sa providence, avec tout ce qui y est contenu[79] ». Les hommes sont incapables de comprendre complètement pourquoi Dieu réalise une action particulière mais quelles que soient les actions des bonnes ou des mauvaises personnes, leurs actes entraînent toujours l'exécution de la volonté et du jugement de Dieu[80].
Le second livre comporte plusieurs essais sur le péché originel et la chute de l'homme faisant directement référence à Augustin d'Hippone qui développa ces doctrines. Il citait fréquemment les Pères de l'Église pour défendre la cause de la Réforme et contre l'accusation que les réformateurs créaient une nouvelle théologie[81]. Dans l'esprit de Calvin, le péché commença avec la chute d'Adam et se transmit à toute l'humanité. La domination du péché est complète au point que les hommes sont poussés à commettre le mal[82]. Cette humanité déchue a donc un besoin de rédemption qui peut être trouvé dans le Christ. Cependant, avant d'exposer cette doctrine, Calvin décrivit la situation particulière des juifs vivant à l'époque de l'Ancien Testament. Dieu fit une alliance avec Abraham et la substance de cette promesse était la venue de Jésus. Par conséquent, l'ancienne Alliance n'était pas en opposition au Christ mais était plutôt la continuation de la promesse de Dieu. Calvin décrit ensuite la nouvelle Alliance en utilisant le passage du symbole des apôtres relatant la souffrance de Jésus sur la Croix et son retour pour juger les vivants et les morts. Pour Calvin, l'ensemble de l'obédience du Christ au Père enleva la discorde entre l'humanité et Dieu[83].
Dans le troisième livre, Calvin décrit comment l'union spirituelle de Christ et de l'humanité est achevée. Il définit d'abord la foi comme la connaissance ferme et certaine de Dieu en Christ. Les effets immédiats de la foi sont la repentance et la rémission du péché. Cela est suivi par une régénération spirituelle qui ramène le croyant à l'état de sainteté qui était celui d'Adam avant sa transgression. La perfection complète est cependant inaccessible dans cette vie et le croyant doit s'attendre à une lutte continuelle contre le péché[84]. Plusieurs chapitres sont ensuite consacrés au sujet de la justification par la foi seule. Il définit la justification comme « l'acceptation par laquelle Dieu nous regarde comme des justes qu'il reçut dans sa Grâce[85] ». Dans cette définition, il est clair que c'est Dieu qui initie et porte l'autorité et que les hommes n'y ont aucun rôle : Dieu est complètement souverain dans le salut[86]. Près de la fin du livre, Calvin décrit et défend la doctrine de prédestination, un concept développé par Augustin en opposition aux enseignements de Pélage. D'autres théologiens comme Thomas d'Aquin et Martin Luther ont également suivi la tradition augustinienne sur ce point. Ce principe, dans les mots de Calvin, est que « Dieu adopte certains à l'espoir de la vie et adjuge les autres à la mort éternelle[87] ».
Le dernier livre décrit ce qu'il considère être la véritable Église et ses ministres, son autorité et ses sacrements. Calvin refuse l'idée de primauté pontificale et l'accusation de schisme portée contre les réformateurs. Pour Calvin, l'Église est définie comme le corps des fidèles qui placent Christ à sa tête. Par définition, il n'y a qu'une Église « catholique » ou « universelle[88] ». Les ministres de l'Église sont décrits par un passage de l'Épître aux Éphésiens et ils regroupent les apôtres, les prophètes, les évangéliques, les pasteurs et les docteurs. Calvin considère ces trois premiers postes limités à l'époque du Nouveau Testament. Les deux dernières fonctions furent créées dans l'église à Genève. Même si Calvin respectait le travail des conciles œcuméniques, il les considérait comme étant soumis à la parole de Dieu, c'est-à-dire à l'enseignement des Écritures. Il pensait également que les autorités civiles et religieuses étaient séparées et ne devaient pas interférer les unes avec les autres[89].
Calvin définit un sacrement comme un signe terrestre associé avec une promesse à Dieu. Il n'acceptait la validité que de deux sacrements sous la nouvelle Alliance : le baptême et l'eucharistie par opposition aux sept sacrements de l'église catholique. Il rejetait complètement la doctrine catholique de la transsubstantiation et le traitement de l'eucharistie comme un sacrifice. Il refusait également la doctrine luthérienne de l'union sacramentale dans laquelle Christ était « dans, sous et avec la forme » du vin et du pain. Sa pensée était sur ce point similaire à celle de Zwingli. Plutôt que d'avoir une vision purement symbolique, Calvin nota qu'avec la participation du Saint-Esprit, la foi était nourrie et renforcée par le sacrement. Selon lui, l'eucharistie était « un secret trop haut pour le comprendre en mon esprit, ou pour l'expliquer de paroles. Et pour en dire brièvement ce qui en est, j'en sens plus par expérience, que je n'en puis entendre[90] ».
Controverses
Joachim Westphal s'opposa à la théologie de Calvin sur l'eucharistie.
La théologie de Calvin fut critiquée par d'autres théologiens. Pierre Caroli, un pasteur protestant de Lausanne accusa Calvin ainsi que Viret et Farel d'arianisme en 1536. Calvin défendit ses croyances sur la Trinité dans Confessio de Trinitate propter calumnias P. Caroli[91]. En 1551, Jérome-Hermès Bolsec, un médecin de Genève, attaqua la doctrine de prédestination de Calvin et l'accusa de faire de Dieu l'auteur du péché. Bolsec fut banni de la ville et après la mort de Calvin, il écrivit une biographie calomniant la personnalité de Calvin[92]. L'année suivante, Joachim Westphal, un pasteur gnésio-luthérien de Hambourg, condamna Calvin et Zwingli dans un pamphlet latin [93] pour hérésie du fait de leur refus d'approuver la doctrine luthérienne de l'eucharistie. Calvin lui répondit dans Defensio sanae et orthodoxae doctrinae de sacramentis en 1555[94]. En 1556 Justus Velsius, un dissident hollandais, organisa une disputatio avec Calvin durant sa visite à Francfort au cours de laquelle Velsius défendit le libre-arbitre contre la prédestination de Calvin. À la suite de l'exécution de Servet, un proche associé de Calvin, Sébastien Castellion, rompit avec lui sur le traitement des hérétiques. Dans le Traité des Hérétiques, Castellio défendit les enseignements moraux de Christ contre la vanité de la théologie[95] et il développa par la suite une théologie de la tolérance basée sur les principes bibliques[96].
Calvin et les juifs
Les historiens ont débattu de l'opinion de Calvin sur les juifs et le judaïsme. Certains ont avancé que Calvin était le moins antisémite de tous les réformateurs de l'époque en particulier en comparaison de Luther[97]. D'autres ont affirmé que Calvin était fermement dans le camp des antisémites[98]. Les spécialistes s'accordent cependant sur la distinction à faire entre les idées de Calvin sur les juifs de l'époque biblique et son attitude envers ses contemporains. Dans sa théologie, Calvin ne fait aucune différence entre l'alliance de Dieu avec Israël et la nouvelle Alliance. Il avança, « tous les enfants de la renaissance promise de Dieu, qui ont obéi aux commandements de la foi, ont appartenu à la nouvelle Alliance depuis le début des temps[99] ». Il était pourtant un partisan de la théologie de la substitution et avançait que les juifs sont un peuple rejeté qui doit embrasser Jésus pour rentrer dans l'Alliance[100].
La plupart des déclarations de Calvin sur les juifs de son époque sont polémiques. Il écrivit par exemple, « j'ai eu de nombreuses conversations avec les juifs : je n'ai jamais vu une once de piété ou un grain de vérité ou d'inventivité, non, je n'ai jamais rencontré de sens commun chez aucun juif[101] ». À cet égard, il différait peu des autres théologiens protestants et catholiques de son époque[102]. Il considérait les juifs comme un peuple déicide et des « chiens profanes », des scélérats qui « dévorent stupidement toutes les richesses de la terre avec leur cupidité insatiable[103] ».
Dans ses écrits connus, Calvin n'a consacré qu'un seul traité sur les juifs contemporains et le judaïsme[104], Réponse aux questions et objections d'un certain juif[105]. Il y avança que les juifs interprétaient mal leurs propres écritures car ils ont manqué l'unité de l'Ancien et du Nouveau Testament[106]. Calvin écrivit également que leur « obstination éperdue et indomptable mérite qu'ils soient oppressés sans mesure ni fin et qu'ils meurent dans leur misère sans la pitié de personne[107] ».
Travaux de Calvin
Le premier travail publié de Calvin fut un commentaire de De Clementia de Sénèque. Publié à ses frais en 1532, il montrait qu'il était un humaniste dans la tradition d'Érasme et possédait une connaissance approfondie des classiques[108]. Son premier ouvrage de théologie, Psychopannychia, tentait de réfuter la doctrine de sommeil de l'âme promulguée par les anabaptistes. Calvin l'écrivit probablement à la suite du discours de Cop mais il ne fut publié qu'en 1542 à Strasbourg[109].
Calvin écrivit de nombreuses lettres aux dirigeants politiques et religieux d'Europe dont celle-ci adressée au roi Édouard VI d'Angleterre.
Calvin rédigea des commentaires de la plupart des livres de la Bible. Son premier commentaire, sur l'épître aux Romains, fut publié en 1540 et il envisagea d'écrire des commentaires sur l'ensemble du Nouveau Testament. Il écrivit son second traité sur la première épître aux Corinthiens six ans plus tard mais il consacra ensuite toute son attention à l'objectif qu'il s'était fixé. En moins de quatre ans, il publia des commentaires sur toutes les épîtres de Paul et révisa également son livre sur les Romains. Il s'intéressa ensuite aux épîtres catholiques en les dédiant au roi Édouard VI d'Angleterre. En 1555, il avait achevé son travail sur le Nouveau Testament en terminant par les actes des Apôtres et les Évangiles ; il n'omit que la troisième épître de Jean et l'Apocalypse. Pour l'Ancien Testament, il rédigea des commentaires sur le Livre d'Isaïe, les livres du Pentateuque, les Psaumes et le livre de Josué. La base de ces ouvrages était formée par les conférences, qu'il donnait aux étudiants et aux ministres, qu'il retravaillait ensuite pour la publication. Cependant, à partir de 1557, il ne trouva plus le temps de continuer cette méthode et il autorisa la publication de ses discours à partir de notes sténographiées. Ces Praelectiones couvraient les petits prophètes, les livres de Daniel, de Jérémie, des Lamentations et une partie de celui d'Ézéchiel[110].
Calvin écrivit également de nombreuses lettres et traités. Son Traité des reliques, écrit en 1543 (en français), connut en grand succès, et fut traduit dans plusieurs langues ; il ridiculise le culte des reliques. À la suite de la Responsio ad Sadoletum, Calvin rédigea une lettre ouverte à la demande de Bucer à l'empereur Charles Quint en 1543, Supplex exhortatio ad Caesarem, défendant la foi réformée. Cela fut suivi par une lettre ouverte au pape, Admonitio paterna Pauli III, en 1544, dans laquelle Calvin critiquait Paul III pour son opposition à un rapprochement avec les réformateurs. Le concile de Trente entraîna l'application de nouveaux décrets contre les réformateurs et Calvin réfuta ces textes avec le Acta synodi Tridentinae cum Antidoto de 1547. Lorsque Charles-Quint essaya de trouver un compromis avec l'intérim d'Augsbourg, Bucer et Bullinger pressèrent Calvin de répondre. Il rédigea le traité Vera Christianae pacificationis et Ecclesiae reformandae ratio en 1549, dans lequel il décrivait les doctrines devant être défendues dont la justification par la foi seule[111].
Calvin fournit de nombreux documents de base pour les églises réformées dont des traités sur le catéchisme, la liturgie et l'organisation de l'église. Il rédigea également plusieurs confessions de foi pour essayer d'unifier les églises. En 1559, il ébaucha la confession de foi française, la confession de La Rochelle et le synode de Paris l'accepta avec quelques modifications. La Confessio Belgica de 1561, une confession de foi hollandaise, était en partie basée sur la confession de La Rochelle[112].
Héritage
Portrait de Calvin par le Titien
Après les morts de Calvin et de son successeur, Théodore de Bèze, le conseil municipal de Genève reprit progressivement le contrôle de fonctions auparavant dans le domaine ecclésiastique. La sécularisation fut accompagnée d'un déclin de l'église. Même l'académie de Genève fut éclipsée par les universités de Leyde et d'Heidelberg qui devinrent les nouveaux bastions des idées de Calvin, qualifiées de calvinisme pour la première fois par Joachim Westphal en 1552. En 1585, Genève, auparavant la source du mouvement réformé, était simplement devenu son symbole[113]. Calvin avait cependant toujours averti contre le fait qu'il serait décrit comme une « idole » et Genève comme la nouvelle « Jérusalem ». Il encouragea ses disciples à s'adapter à leurs environnements. Même durant son échange polémique avec Westphal, il conseilla à un groupe de réfugiés francophones installés à Wesel en Allemagne de s'intégrer avec les églises luthériennes locales. Malgré ses différends avec les luthériens, il ne niait pas qu'ils étaient membres de la véritable Église. La reconnaissance de Calvin du besoin de s'adapter aux conditions locales devint une caractéristique importante du mouvement réformateur qui s'étendait en Europe[114].
Grâce aux travaux de missionnaire de Calvin en France, son programme de réforme arriva finalement dans les provinces francophones des Pays-Bas. Le calvinisme fut adopté dans l'électorat du Palatinat sous Frédéric III et cela entraîna la formulation du catéchisme de Heidelberg en 1563. Ce dernier et la Confessio Belgica furent adoptés comme les standards confessionnels lors du premier synode de l'église réformée néerlandaise en 1571. Des dirigeants religieux, calvinistes ou sympathisants avec ses idées, s'implantèrent en Angleterre (Martin Bucer, Pierre Martyr et Jean de Lasco) et en Écosse (John Knox). Durant la Première Révolution anglaise, les puritains calvinistes rédigèrent la confession de foi de Westminster qui devint le standard des presbytériens dans le monde anglophone. Le mouvement s'étendit ensuite à d'autres parties du monde dont l'Amérique du Nord, l'Afrique du Sud et la Corée[115].
Calvin ne vécut pas pour voir son travail se transformer en mouvement international mais sa mort permit à ses idées de sortir de leur ville d'origine, de s'étendre bien au-delà de leurs frontières et de créer leur propre caractère distinct[116].
Sermon Latin Noyon
Portrait de Jean Calvin
Naissance
10 juillet 1509
Noyon (Picardie,
Royaume de France
Décès
27 mai 1564 (à 54 ans)
Genève, République de Genève
Activité principale
Réformateur protestant
Théologien protestant
Écrivain
Auteur
Langue d’écriture
latin et français
Mouvement
Réforme protestante
Calvinisme
Genres
Essai
Sermon
Pamphlet
Œuvres principales
•Institution de la religion chrétienne (1536 pour la version latine, 1541 pour la version française, 1561 pour la dernière édition)
•Traité des scandales (1550)
Jean Calvin (forme re-francisée de la forme latinisée, Calvinus, du nom Jehan Cauvin), né le 10 juillet 1509 à Noyon (Picardie), et mort le 27 mai 1564, à Genève, est un théologien, un important réformateur, et un pasteur emblématique de la Réforme protestante du XVIe siècle, notamment pour son apport à la doctrine dite du calvinisme.
Après des études de droit, Calvin rompit avec l'église catholique romaine vers 1530. Du fait des persécutions contre les protestants en France, Calvin se réfugia à Bâle, en Suisse, où il publia la première édition de son œuvre maîtresse, l'Institution de la religion chrétienne en 1536. La même année, il fut recruté par Guillaume Farel pour aider à la réforme de l'église à Genève. Le conseil municipal résista à l'application des idées de Calvin et de Farel et les deux hommes furent expulsés. À l'invitation de Martin Bucer, Calvin se rendit à Strasbourg où il séjourna entre 1538 et 1541, devenant pasteur d'une église de réfugiés français et wallons. Il continua de soutenir le mouvement réformateur à Genève et fut finalement invité à revenir dans la cité genevoise en 1541.
Après son retour, Calvin introduisit une nouvelle liturgie et des idées politiques novatrices malgré l'opposition de plusieurs puissantes familles de la ville qui tentèrent de s'opposer à son autorité, en particulier au moment du procès de Michel Servet. L'arrivée de réfugiés favorables à Calvin et de nouvelles élections lui permirent néanmoins d'évincer ses opposants du conseil municipal. Calvin passa les dernières années de sa vie à promouvoir la Réforme à Genève et dans toute l'Europe.
Calvin était un écrivain apologétique infatigable et un polémiste qui provoqua de nombreuses controverses. Il échangea également des lettres cordiales et favorables avec de nombreux réformés comme Philippe Melanchthon et Heinrich Bullinger. Outre l'Institution, il rédigea des essais sur la plupart des livres de la Bible de même que des traités de théologie et des confessions de foi. Il réalisait régulièrement des sermons dans tout Genève. Calvin fut influencé par la tradition augustinienne qui le poussa à disserter sur les concepts de prédestination et de la souveraineté absolue de Dieu en ce qui concerne la rédemption et dans la damnation. Les écrits et les prêches de Calvin ont fourni la base de la branche de la théologie réformée. Les églises réformées et presbytériennes ont depuis adopté la pensée calvinienne et l'ont largement répandue.
Biographie
Jeunesse (1509-1535)
Calvin, né Jehan Cauvin[1], est né le 10 juillet 1509 dans la ville de Noyon en Picardie, une province du Royaume de France. Il était l'aîné de quatre fils ayant survécu à leur enfance. Son père, Gérard Cauvin, avait une carrière prospère en tant que notaire de la cathédrale et responsable du tribunal ecclésiastique. Sa mère, Jeanne le Franc, était la fille d'un aubergiste de Cambrai. Gérard destinait ses fils à la prêtrise.
Jean était un élève précoce. À l'âge de douze ans, il fut employé par l'évêque comme greffier et adopta la tonsure, devenant le 10 mai 1521 chapelain de l'autel Notre-Dame-de-la-Gésine de la cathédrale de Noyon[2]. Il reçut également le parrainage d'une famille influente, les Montmors[3]. Grâce à leur aide, Calvin entra au collège de la Marche à Paris où il apprit le latin avec Mathurin Cordier[4]. À la fin de ses études, il intégra le collège de Montaigu en tant qu'élève en philosophie, ayant comme condisciple Ignace de Loyola[5].
En 1525 ou 1526, Gérard retira son fils du collège de Montaigu et l'inscrivit à l'université d'Orléans pour qu'il y étudie le droit. Selon ses biographes contemporains Théodore de Bèze et Nicolas Colladon, Gérard considérait que son fils gagnerait plus d'argent comme avocat que comme prêtre[6]. Après quelques années d'études, Calvin entra à l'université de Bourges en 1529 pour suivre les enseignements de l'avocat humaniste André Alciat. Durant ses 18 mois à Bourges, Calvin apprit le grec nécessaire à l'étude du Nouveau Testament[7].
À l'automne 1533, Calvin adopta les nouvelles idées de la Réforme protestante. Calvin rapporta cette conversion à deux reprises, de façons différentes. Dans le premier récit qu'il en fit, il décrit sa conversion comme un changement soudain provoqué par Dieu. Ce récit se trouve dans les Commentaires sur le livre des Psaumes :
« Dieu par une conversion subite dompta et rangea à docilité mon cœur, qui, eu égard à l'âge, était par trop endurci en telles choses. Ayant donc reçu quelque goût et connaissance de la vraie piété, je fus immédiatement enflammé d'un si grand désir de profiter, qu'encore que je ne quittais pas entièrement les autres études, je m'y employai toutefois plus lâchement[8]. »
Dans son second rapport, il évoque un long et difficile processus intérieur, accompagné par une anxiété spirituelle et psychologique :
« Étant véhémentement consterné et éperdu pour la misère en laquelle j'étais tombé, et plus encore pour la connaissance de la mort éternelle qui m'était prochaine, je n'ai rien estimé m'être plus nécessaire, après avoir condamné en pleurs et gémissements ma façon de vivre passée que de me rendre et retirer en la Tienne… Maintenant donc, Seigneur, que reste-t-il à moi, pauvre et misérable, sinon T'offrir pour toute défense mon humble supplication que tu ne veuilles me mettre en compte cet horrible abandon et éloignement de Ta parole dont tu m'as par ta bonté merveilleuse un jour retiré[9]. »
Les historiens ont débattu de l'interprétation précise de ces rapports mais il est accepté que sa conversion correspond avec une rupture avec l'Église catholique romaine[10]. Le biographe de Calvin, Bruce Gordon a indiqué que « les deux récits ne sont pas nécessairement antithétiques ou qu'ils reflètent certaines incohérences dans la mémoire de Calvin mais qu'ils sont deux moyens d'exprimer la même réalité[11] ».
En 1532, Calvin reçut sa licence en droit et publia son premier livre, un commentaire de l'ouvrage De Clementia de Sénèque. Après des visites à Orléans et dans sa ville natale de Noyon, Calvin retourna à Paris en octobre 1533. À cette période, les tensions étaient fortes au Collège Royal (qui devint le collège de France) entre les humanistes/réformés et la direction conservatrice de la faculté. L'un des réformés, Nicolas Cop, fut élu recteur de l'université. Le 1er novembre 1533, il consacra son discours d'investiture à la nécessité d'une réforme religieuse et appela à un renouveau au sein de l'Église catholique.
Ce discours provoqua l'émoi de la faculté qui dénonça Nicolas Cop comme hérétique, obligeant celui-ci à prendre la fuite et à se réfugier en Suisse, dans la ville de Bâle. Calvin, qui était un ami proche de Cop, fut impliqué dans le scandale et dut se cacher durant un an. Il trouva refuge chez son ami Louis du Tillet à Angoulême, à Noyon (où le 4 mai 1534 il résilia les bénéfices ecclésiastiques qu'il recevait depuis sa tonsure, cet acte suggérant qu'il s'était déjà converti[12]) et à Orléans. Il fut cependant obligé de quitter la France après l'affaire des Placards au mois d'octobre 1534, au cours de laquelle, des protestants avaient placardé des écrits attaquant la messe catholique dans diverses villes, entraînant une violente réaction politique contre les protestants. En janvier 1535, Calvin rejoignit Cop à Bâle, une ville ouverte aux idées de l'influent réformateur Œcolampade[13].
Premiers essais de réforme (1536-1538)
En mars 1536, Calvin publia la première édition de son Institutio Christianae Religionis ou Institution de la religion chrétienne. L'ouvrage était une apologie ou défense de sa foi et un exposé de la position doctrinale des réformés. Il chercha également à en faire un livre d'instruction de base pour toute personne intéressée par la religion chrétienne. L'ouvrage était la première expression de sa théologie. Calvin amenda son écrit et en proposa plusieurs nouvelles éditions au long de sa vie[14]. Peu après sa publication, il quitta Bâle pour Ferrare en Italie où il devint brièvement secrétaire de Renée de France. Il retourna à Paris en juin avec son frère Antoine qui réglait les affaires de leur père. À la suite de l'édit de Coucy qui donnait six mois aux hérétiques pour se réconcilier avec la foi catholique, Calvin quitta définitivement la France. En août, il partit à destination de Strasbourg, une ville libre du Saint-Empire romain germanique et une ville-refuge pour les protestants. Mais les affrontements entre troupes françaises et impériales l'obligèrent à se détourner de son chemin et il arriva à Genève.
Calvin pensait ne pas rester à Genève, mais Guillaume Farel, un réformé français qui résidait dans la ville, lui demanda avec insistance de rester et à l'aider dans le travail de réforme de l'église. Calvin se montra d'abord très réticent, mais Farel réussit à le convaincre. Calvin se souvient de cette rencontre particulièrement intense, tel que le narre William Ramsay en 2006 :
« Alors Farel, qui travaillait avec un zèle incroyable pour promouvoir l'Évangile concentra tous ses efforts pour me garder en ville. Et lorsqu'il comprit ma détermination à étudier en privé dans quelque obscur endroit, et vit qu'il n'avait rien gagné de ses supplications, il s'abaissa aux insultes et dit que Dieu maudirait ma paix si je me retenais de lui donner de l'aide dans des temps d'aussi grande nécessité[15]. Terrifié par ses paroles et conscient de ma propre timidité et lâcheté, j'abandonnai mon voyage et tentait d'appliquer quelque don que j'avais en défense de la foi[16]. »
Calvin accepta sa tâche sans conditions préalables[17]. Les premières fonctions qui lui furent accordées sont mal connues : il reçut finalement le titre de « lecteur » signifiant probablement qu'il pouvait réaliser des lectures explicatives de la Bible. En 1537, il fut choisi pour devenir « pasteur » même s'il ne fut jamais ordonné[18]. Pour la première fois de sa vie, l'avocat-théologien assuma des fonctions pastorales comme les baptêmes, les mariages et les services religieux[19].
Guillaume Farel était le réformateur qui convainquit Calvin de rester à Genève. Portrait tiré des Icônes de Théodore de Bèze, 1580.
Tout au long de l'automne 1536, Farel rédigea une confession de foi tandis que Calvin écrivit des articles séparés sur la réorganisation de l'église à Genève. Le 16 janvier 1537, Farel et Calvin présentèrent leurs Articles concernant l'organisation de l'église et du culte à Genève devant le conseil municipal[20]. Le document décrivait la manière et la fréquence de leurs célébrations de l'eucharistie, la raison et la méthode de l'excommunication, l'importance de souscrire à la confession de foi, l'emploi des chants dans la liturgie et la révision des lois sur le mariage. Le conseil adopta le document dans la journée[21].
La réputation des deux hommes devant le conseil se détériora cependant durant l'année. Le conseil était réticent à faire appliquer les dispositions des articles car peu de citoyens avaient souscrit à cette confession de foi. Le 26 novembre, Calvin et Farel débattirent avec passion devant le conseil à ce sujet. De plus, la France cherchait à former une alliance avec Genève et comme les deux pasteurs étaient français, les membres du conseil commencèrent à mettre en question leur loyauté. Enfin une importante querelle politico-religieuse éclata lorsque Berne, l'alliée de Genève dans la réforme des églises suisses, proposa d'uniformiser les cérémonies religieuses. Une proposition imposait l'emploi de pain azyme dans l'eucharistie. Calvin et Farel ne voulaient pas suivre la direction de Berne et retardèrent l'emploi d'un tel pain jusqu'à ce qu'un synode puisse être organisé à Zurich pour trancher la question. Le conseil ordonna aux deux hommes d'utiliser du pain azyme pour le culte de Pâques et en protestation, ils refusèrent de présider la cène durant ce culte. Cela causa une émeute durant le service et le lendemain, le conseil expulsa les deux pasteurs[22].
Farel et Calvin se rendirent à Berne et Zurich pour défendre leur cause. Le synode de Zurich attribua une grande part de responsabilité à Calvin pour ne pas avoir été suffisamment conciliant avec le peuple de Genève. Il demanda cependant à Berne de servir d'intermédiaire pour obtenir la réintégration des pasteurs. Le conseil de Genève refusa d'accueillir à nouveau les deux hommes qui avaient trouvé refuge à Bâle. Par la suite, Farel fut invité à mener l'église de Neuchâtel et Calvin reçut une offre pour diriger une église de réfugiés français à Strasbourg envoyée par les réformateurs les plus influents de la ville, Martin Bucer et Wolfgang Capiton. Calvin commença par refuser car Farel n'était pas invité mais finit par accepter En septembre 1538, Calvin prit ses fonctions à Strasbourg et quelques mois plus tard, il demanda et reçut la citoyenneté de la ville[23].
Pasteur à Strasbourg (1538-1541)
L'église Saint-Nicolas de Strasbourg où Calvin prêcha en 1538. L'architecture du bâtiment fut modifiée au XIXe siècle.
Martin Bucer invita Calvin à Strasbourg après son expulsion de Genève. Illustration de Jean-Jacques Boissard.
Durant son séjour à Strasbourg, Calvin ne resta pas attaché à une église particulière et dirigea successivement l'église Saint-Nicolas, l'église Sainte-Madeleine et l'ancienne église dominicaine renommée Temple Neuf[24] (ces églises existent toujours mais aucune n'est restée en l'état). Calvin accueillait entre 400 et 500 personnes dans son église. Il prêchait ou enseignait chaque jour avec deux sermons le dimanche. La communion était célébrée chaque mois et le chant des psaumes était encouragé[25]. Il travailla également à la seconde édition de ses Institutions. Même si la première édition s'était vendue en moins d'un an, Calvin était mécontent de sa structure en forme de catéchisme.
Pour la seconde édition, publiée en 1539, Calvin abandonna ce format en faveur de la présentation systématique des principales doctrines bibliques. Le livre passa ainsi de six à dix-sept chapitres[26]. Il rédigea parallèlement un autre livre, Commentaires de l'épître aux Romains, qui fut publié en mars 1540. L'ouvrage servit de modèle pour ses futurs commentaires : il y inclut sa propre traduction latine du grec plutôt que de reprendre la Vulgate, une exégèse et une prédication expositoire (en)[27]. Dans sa lettre dédicatoire, Calvin loua le travail de ses prédécesseurs Philipp Melanchthon, Heinrich Bullinger et Martin Bucer mais prit soin de s'en démarquer et de critiquer certaines de leurs positions[28].
Durant son séjour, Calvin souscrivit également à la Concorde de Wittenberg[29] et fut chargé de défendre la Confession d'Augsbourg lors du colloque de Ratisbonne en 1540.
Les amis de Calvin le pressèrent de se marier mais ce dernier prit une posture prosaïque en écrivant à l'un de ses correspondants :
« Moi, qui ait l'air si hostile au célibat, je ne suis pas encore marié et j'ignore si jamais je le serai. Si je prends femme, ce sera pour que, mieux affranchi de nombreuses tracasseries, je puisse me consacrer au Seigneur[30]. »
Plusieurs candidates lui furent présentées dont une jeune femme d'une famille noble. Calvin accepta le mariage à contre-cœur à la condition qu'elle apprenne le français. Bien que le mariage fût prévu pour mars 1540, il restait réticent et le mariage n'eut jamais lieu. Il écrivit plus tard qu'il n'aurait jamais pensé à l'épouser « à moins que le Seigneur ne m'ait privé de ma présence d'esprit »[31]. Finalement, il épousa en août Idelette de Bure, une veuve d'un anabaptiste, converti par lui, ayant deux enfants de son premier mariage. Il eut un enfant Jacques, mort jeune[32].
Genève commença à reconsidérer l'expulsion de Calvin car la présence à l'église avait diminué et le climat politique avait changé. L'alliance entre Berne et Genève vacillait du fait des querelles territoriales. Lorsque le cardinal Jacopo Sadoleto écrivit une lettre au conseil municipal invitant Genève à revenir dans le giron catholique, le conseil chercha une autorité ecclésiastique pour lui répondre. Pierre Viret fut le premier consulté mais il refusa et le conseil demanda à Calvin. Il accepta et sa Responsio ad Sadoletum (Lettre à Sadoleto) défendit fermement la position de Genève concernant la réforme de l'église[33]. Le 21 septembre, le conseil chargea l'un de ses membres, Ami Perrin, de trouver un moyen de faire revenir Calvin. Un émissaire rencontra Calvin alors qu'il participait à une conférence chargée de résoudre des disputes religieuses à Worms. Sa première réaction à l'offre fut l'horreur sur laquelle il écrivit, « je préférerais mourir cent fois que de retourner à cette croix sur laquelle je périssais mille fois chaque jour[34] ».
Calvin écrivit également qu'il était prêt à suivre l'appel du Seigneur. Un programme fut établi dans lequel Viret serait nommé pour prendre temporairement en charge Genève tandis que Bucer et Calvin visiteraient la ville pour déterminer les étapes suivantes. Le conseil municipal pressa cependant pour la nomination immédiate de Calvin à Genève. À l'été 1541, Strasbourg décida de prêter Calvin à Genève pour six mois et Calvin prit la route le 13 septembre avec une escorte officielle et sa famille[35].
Réformes à Genève (1541-1549)
Calvin prêchait à la cathédrale Saint-Pierre de Genève, la principale église de Genève.
En soutien des propositions de réforme de Calvin, le conseil de Genève vota les Ordonnances ecclésiastiques le 20 novembre 1541. Les ordonnances définissaient quatre ordres de fonctions ministérielles : Les pasteurs pour prêcher et administrer les sacrements, les docteurs pour instruire les croyants dans la foi, les anciens pour fournir une discipline et les diacres pour prendre soin des pauvres et des nécessiteux[36]. Elles appelaient également la création d'un Consistoire, un tribunal ecclésiastique composé d'aînés laïcs et de pasteurs. Le gouvernement municipal conservait le pouvoir de convoquer des personnes devant le tribunal et le Consistoire ne pouvait juger que des affaires religieuses n'ayant pas de juridiction civile. Initialement, le tribunal avait le pouvoir d'infliger des peines dont la plus sévère était l'excommunication. Le gouvernement civil contesta cependant ce pouvoir et le 19 mars 1543, le conseil décida que toutes les condamnations seraient prises par le gouvernement[37].
En 1542, Calvin adapta un livre liturgique utilisé à Strasbourg en publiant La Forme des Prières et Chants Ecclésiastiques. Calvin reconnaissait le pouvoir de la musique et il voulait qu'elle soit utilisée pour soutenir la lecture de la Bible. Le psautier originel de Strasbourg contenait douze psaumes de Clément Marot et Calvin ajouta plusieurs autres hymnes à sa propre composition dans la version genevoise. À la fin de l'année 1542, Marot se réfugia à Genève et rédigea dix-neuf autres psaumes. Loys Bourgeois, également réfugié, vivait et enseignait la musique à Genève depuis seize ans et Calvin en profita pour intégrer ses hymnes[38]. La même année, Calvin publia le Catéchisme de l'Église de Genève, inspiré du Kurze Schrifftliche Erklärung de 1534 de Bucer. Calvin avait déjà rédigé un catéchisme durant son premier séjour à Genève qui était largement basé sur le Grand Catéchisme de Martin Luther[39].
Durant son ministère à Genève, Calvin réalisa plus de 2 000 sermons. Initialement, il prêchait deux fois le dimanche et trois fois durant la semaine. Cela se révéla trop lourd et à la fin de l'année 1542, le conseil l'autorisa à ne prêcher qu'une fois le dimanche. Cependant en octobre 1549, on lui demanda à nouveau de prêcher deux fois le dimanche et chaque jour de la semaine en alternance. Ses sermons duraient plus d'une heure et il n'utilisait pas de notes. Un greffier tentait parfois d'enregistrer ses prêches mais peu de ses sermons furent préservés avant 1549. Cette année-là, le scribe professionnel Denis Raguenier, qui avait appris ou développé un système de sténographie, fut chargé d'enregistrer tous les sermons de Calvin. Une analyse de ses prêches réalisée par T. H. L. Parker suggère que Calvin était consistant et que son style a peu évolué au cours des années[40],[41].
On ne sait que très peu de choses sur la vie privée de Calvin à Genève. Sa maison et son mobilier appartenaient au conseil. La maison était assez grande et accueillait sa famille ainsi que celle de son frère Antoine et quelques serviteurs. Le 28 juillet 1542, Idelette donna naissance à un garçon, Jacques, mais il était prématuré et mourut rapidement. Idelette tomba malade en 1545 et mourut le 29 mars 1549. Calvin ne se remaria jamais et exprima sa tristesse dans une lettre à Viret :
« J'ai été privé de la meilleure amie de ma vie, celle qui, si j'avais été ordonné, aurait volontiers partagé non seulement ma pauvreté mais également ma mort. Durant sa vie elle a été une aide fidèle de mon ministère. D'elle je n'ai jamais connu le moindre reproche[42]. »
Tout au long de sa vie à Genève, il resta en contact étroit avec ses anciens amis dont Montmor, Cordier, Cop, Farel, Melanchthon et Bullinger[43].
Opposition (1546-1553)
Article détaillé : République théocratique de Genève.
Portrait de Calvin réalisé par un anonyme.
Calvin rencontra une forte opposition à ses travaux à Genève. Vers 1546, ses adversaires se regroupèrent dans un groupe qu'il appela les libertins. Selon Calvin, ces personnes pensaient qu'après avoir été libérées par la grâce irrésistible, elles étaient exemptées des lois civiles et ecclésiastiques. Le groupe rassemblait des familles riches et politiquement puissantes de Genève[44]. À la fin du mois de janvier 1546, Pierre Ameaux, un fabricant de cartes à jouer qui avait déjà eu des problèmes avec le Consistoire, attaqua Calvin en le traitant de « picard », une expression dénotant un sentiment anti-français et l'accusa de promouvoir de fausses doctrines. Ameaux fut condamné par le conseil et forcé d'expier son crime en paradant dans la ville et en suppliant Dieu de le pardonner[45]. Quelques mois plus tard, Ami Perrin, l'homme qui avait convaincu Calvin de venir à Genève lui devint ouvertement opposé. Perrin avait épousé Françoise Favre, la fille de François Favre, un marchand allemand bien établi. L'épouse de Perrin et son beau-père avaient également eu des querelles avec le Consistoire. Le tribunal nota que de nombreux notables genevois, dont Perrin, avaient enfreint les lois contre la danse. Perrin commença par ignorer la convocation du tribunal mais, après avoir reçu une lettre de Calvin, il accepta et se présenta devant le Consistoire[46].
En 1547, l'opposition à Calvin et aux autres pasteurs français réfugiés avait grandi et constituait la majorité des syndics, les magistrats civils de Genève. Le 27 juin, une lettre de menaces anonymes en genevois fut trouvée sur la chaire de la cathédrale Saint-Pierre de Genève où Calvin prêchait. Suspectant un complot contre l'Église et l'État, le conseil nomma une commission d'enquête. Jacques Gruet, un membre genevois du groupe de Favre fut arrêté et des preuves furent découvertes dans sa maison. Sous la torture, il avoua plusieurs crimes dont la rédaction de la lettre laissée sur la chaire et qui menaçait Dieu, ses ambassadeurs et l'ordre religieux. Le tribunal civil le condamnant à mort et, avec l'approbation de Calvin, il fut décapité le 26 juillet 1547[47] , à Champel, après avoir été longuement soumis à la torture[48].
Les libertins poursuivirent leur opposition en attisant le mécontentement, en insultant les pasteurs et en défiant l'autorité du Consistoire. Le conseil encouragea les deux camps en admonestant ou en défendant alternativement Calvin et les libertins. Lorsque Perrin fut élu premier syndic en février 1552, l'autorité de Calvin sembla à son plus bas niveau. Après quelques défaites devant le conseil, Calvin se sentit battu et le 24 juillet 1553, il demanda au conseil l'autorisation de démissionner. Même si les libertins contrôlaient le conseil, sa requête fut refusée. L'opposition réalisa en effet qu'elle pouvait affaiblir l'autorité de Calvin mais qu'elle n'avait pas assez de pouvoir pour le bannir[49].
Michel Servet (1553)
Michel Servet échangea de nombreuses lettres avec Calvin jusqu'à ce que ce dernier ne le déclarât hérétique.
Le retournement de situation pour Calvin eut lieu lorsque Michel Servet, un fugitif condamné par les autorités ecclésiastiques, arriva à Genève le 13 août 1553. Servet était un médecin espagnol et un théologien protestant qui critiquait fermement les doctrines de la Trinité et le pédobaptisme[50]. En juin 1530, il affronta Œcolampade à Bâle et fut expulsé. Il se rendit à Strasbourg où il publia un pamphlet contre la Trinité. Bucer la réfuta officiellement et demanda à Servet de partir. Après être revenu à Bâle, Servet publia les Dialogues sur la Trinité en deux livres (latin : Dialogorum de Trinitate libri duo) qui provoquèrent un scandale parmi les réformés et les catholiques. L'Inquisition espagnole ordonna son arrestation[51].
Calvin et Servet entrèrent en contact en 1546 par l'intermédiaire d'une connaissance commune, l'imprimeur lyonnais Jean Frellon. Ils échangèrent des lettres débattant les doctrines signées Michael Servetus et Charles d'Espeville, le pseudonyme de Calvin dans ces lettres. Calvin perdit finalement patience et refusa de répondre. Il fut particulièrement outré quand Servet lui envoya une copie de l'Institution de la religion chrétienne sévèrement annotée avec des arguments pointant les erreurs du livre. Calvin écrivit une lettre à Farel le 13 février 1546 notant que si Servet devait venir, il ne pourrait pas lui garantir un sauf-conduit, « car s'il vient et que je jouisse ici de quelque autorité, je ne souffrirai pas qu'il sorte vivant[52] ».
En 1553, Guillaume de Trie, un ami de Calvin, envoya des lettres à l'Inquisition française au sujet de Servet[53], le qualifiant d'« hispano-portugais » et le critiquant pour ses origines juives récemment découvertes[54],[55],[56] ; il écrivit encore que « son vrai nom est Michel Servet mais il se fait appeler Villeneufve et pratique la médecine. Il est resté quelque temps à Lyon mais il réside maintenant à Vienne ». Lorsque l'inquisiteur-général de France apprit que Servet se cachait à Vienne, selon Calvin sous un faux nom, il contacta le cardinal François de Tournon, le secrétaire de l'archevêque de Lyon pour qu'il supervise l'affaire. Servet fut arrêté et emmené pour être interrogé. Ses lettres à Calvin furent présentées comme preuve d'hérésie mais il nia les avoir écrites. Il déclara, après avoir juré sur la Bible, qu'il « était Michel de Villeneuve docteur en médecine d'environ 42 ans natif de Tudela du royaume de Navarre, une ville sous l'obédience de l'empereur[57] ». Le lendemain, il déclara que « …s'il n'était pas Servet, il prit la personnalité de Servet pour débattre avec Calvin »[58]. Il parvint à s'évader de prison et les autorités catholiques le condamnèrent à mort[59].
Sur la route de l'Italie, Servet s'arrêta à Genève pour des raisons inconnues, où il fut reconnu et arrêté. Le secrétaire de Calvin, Nicolas de la Fontaine, composa une liste d'accusations qui fut soumise au tribunal. Le procureur était Philibert Berthelier, un membre du groupe des libertins et fils d'un patriote genevois et les sessions furent menées par Pierre Tissot, le beau-frère de Perrin. Les libertins firent traîner le procès en longueur pour affaiblir Calvin. Le problème de cette arme contre Calvin était la réputation d'hérétique de Servet et la plupart des villes d'Europe attendaient l'issue du procès. Cela posait un dilemme pour les libertins et le 21 août, le conseil décida de demander leur avis aux autres villes suisses afin de diluer sa propre responsabilisé dans le verdict final. En attendant les réponses, le conseil demanda également à Servet s'il voulait être jugé à Vienne ou à Genève. Il supplia de pouvoir rester à Genève. Le 20 octobre, les réponses de Zurich, Berne, Bâle et Schaffhouse furent lues et le conseil condamna Servet comme hérétique. Il fut condamné au bûcher le lendemain, la même peine qu'à Vienne. Calvin et les autres ministres demandèrent qu'il fût décapité[60]. Cela fut refusé et Servet fut brûlé vif le 27 octobre 1553 sur un bûcher composé de ses propres livres sur le plateau de Champel non loin de Genève[61].
Consolidation de la Réforme (1553-1555)
Après la mort de Servet, Calvin fut célébré en défenseur de la Chrétienté mais son triomphe contre les libertins était encore à venir. Il avait toujours insisté pour que le Consistoire ait le pouvoir d'excommunication malgré la décision du conseil de lui retirer. Durant le procès de Servet, Philibert Berthelier avait demandé au conseil la permission de prendre la communion car il avait été excommunié l'année précédente pour avoir insulté un pasteur. Calvin protesta en avançant que le conseil n'avait pas autorité pour annuler l'excommunication de Berthelier. Ne connaissant pas l'issue de la dispute, il indiqua dans un sermon du 3 septembre 1553 qu'il pourrait être rejeté par les autorités. Le conseil décida de réexaminer les Ordonnances et le 18 septembre, il vota que l'excommunication était dans la juridiction du Consistoire, une décision favorable à Calvin. Berthelier fit alors appel à une autre assemblée administrative de Genève, le conseil des Deux-Cents, en novembre. Ce corps s'opposa à la décision du conseil et avança que l'arbitre final au sujet de l'excommunication devait être le conseil. L'avis des églises suisses fut demandée et finalement le 22 janvier 1555, le conseil annonça la décision des églises suisses : les Ordonnances originales devaient être conservées et le Consistoire devait recouvrer l'ensemble de ses pouvoirs[62].
La chute des libertins commença avec les élections de février 1555. À ce moment, de nombreux réfugiés français avaient reçu la citoyenneté genevoise et avec leur appui, les partisans de Calvin obtinrent la majorité des syndics et des conseillers. Les libertins complotèrent pour semer le chaos et le 16 mai, ils se mirent en route pour incendier une maison qu'ils pensaient être pleine de Français. Le syndic Henri Aulbert tenta d'intervenir en portant avec lui le sceptre symbolisant son pouvoir. Perrin fit l'erreur de s'emparer du bâton, signifiant ainsi qu'il prenait le pouvoir dans un coup d'État virtuel. L'insurrection fut stoppée dès qu'un autre syndic arriva et emmena Perrin à l'hôtel de ville. Perrin et les autres meneurs furent expulsés de la ville. Avec l'approbation de Calvin, les autres conspirateurs présents dans la ville furent arrêtés et exécutés. L'opposition à l'autorité ecclésiastique de Calvin cessa d'exister[63].
Dernières années (1555-1564)
Jean Calvin à l'âge de 53 ans. Gravure de René Boyvin
L'autorité de Calvin fut pratiquement incontestée dans les dernières années de sa vie et il disposait d'une réputation internationale en tant que réformateur distinct de Martin Luther[64]. Les deux hommes avaient initialement un respect mutuel l'un pour l'autre mais un conflit doctrinal s'était développé entre Luther et le réformateur Ulrich Zwingli de Zurich au sujet de l'eucharistie. L'opinion de Calvin sur la question força Luther à le mettre dans le camp de Zwingli. Calvin participa activement aux polémiques entre les branches luthériennes et réformées du protestantisme[65]. Au même moment, Calvin était consterné par le manque d'unité parmi les réformateurs et il se rapprocha de Bullinger en signant le Consensus Tigurinus, un concordat entre les églises de Zurich et de Genève. Il entra également en contact avec l'archevêque de Cantorbéry, Thomas Cranmer, lorsque ce dernier appela à un synode œcuménique de toutes les églises protestantes. Calvin soutenait l'idée mais Cranmer ne parvint pas à la réaliser[66].
La plus grande contribution de Calvin à la communauté anglophone fut l'accueil à Genève des exilés protestants chassés d'Angleterre par les persécutions de Marie Ire à partir de 1555. Sous la protection de la ville, ils formèrent leur propre église réformée menée par John Knox et William Whittingham et ramenèrent finalement les idées de Calvin en Angleterre et en Écosse[67]. Calvin était cependant plus intéressé par la réforme de son pays natal, la France. Il soutint la construction d'églises en distribuant des livres et en fournissant des pasteurs. Entre 1555 et 1562, plus de 100 ministres furent envoyés en France. Ces actions furent entièrement financées par l'église à Genève car le conseil refusa de s'impliquer dans les activités prosélytes. Les protestants de France étaient persécutés dans le cadre de l'Édit de Chateaubriand du roi Henri II de France et lorsque les autorités françaises se plaignirent des activités des missionnaires, Genève put nier en être responsable[68].
Le Collège Calvin est aujourd'hui un établissement d'enseignement secondaire.
À Genève, la principale préoccupation de Calvin était la création d'un collège. Le site de l'école fut choisi le 25 mars 1558 et l'établissement ouvrit le 5 juin 1556. L'école était divisée en deux parties : un collège ou schola privata et un lycée appelé académie ou schola publica. Calvin tenta de recruter deux professeurs, Mathurin Cordier, son ancien ami et latiniste basé à Lausanne et Emmanuel Tremellius, le Regius Professor of Hebrew à Cambridge. Aucun des deux n'était disponible mais il parvint à convaincre Théodore de Bèze d'être le recteur. Cinq ans après son ouverture, l'établissement accueillait 1 500 étudiants dont 300 à l'académie. Le collège devint finalement le Collège Calvin, l'une des écoles de maturité de Genève et l'académie devint l'université de Genève[69].
Tombe traditionnellement attribuée à Calvin dans le cimetière des Rois à Genève.
À l'automne 1558, Calvin fut atteint d'une fièvre. Craignant de mourir avant d'achever sa dernière révision de l'Institution, il se força à travailler. La dernière édition fut largement réécrite et Calvin considérait qu'il s'agissait d'une nouvelle œuvre. Le passage de 21 à 80 chapitres était lié au traitement élargi des passages existants plutôt qu'à l'ajout de nouveaux sujets[70]. Peu après avoir récupéré, il épuisa sa voix en prêchant ce qui causa un violent accès de toux qui fit éclater un vaisseau sanguin dans ses poumons. Sa santé déclina progressivement et il donna son dernier sermon à la cathédrale Saint-Pierre le 6 février 1564. Il rédigea son testament le 25 avril par lequel il léguait de petites sommes d'argent à sa famille et au collège. Quelques jours plus tard, les pasteurs de l'église lui rendirent visite et il fit ses adieux qui furent consignés dans Discours d'adieu aux ministres. Il y relatait sa vie à Genève, en rappelant parfois amèrement les difficultés qu'il avait rencontrées. Calvin mourut le 27 mai 1564 à l'âge de 54 ans. Son corps fut d'abord exposé mais devant l'affluence, les réformateurs craignirent d'être accusés de promouvoir le culte d'un saint. Il fut inhumé le lendemain dans une tombe anonyme du cimetière des Rois[71]. Même si l'emplacement exact de la tombe est inconnu, une pierre tombale fut ajoutée au XIXe siècle pour marquer la tombe traditionnellement considérée comme étant la sienne[72].
Théologie de Calvin
Présentation de la théologie de Calvin
Calvin développa sa théologie dans ses commentaires de la Bible ainsi que dans ses sermons et des essais mais l'expression la plus concise de sa pensée se trouve dans son œuvre maîtresse, l'Institution de la religion chrétienne. Il chercha à faire de ce livre un résumé de ses vues sur la théologie chrétienne et à ce qu'il soit lu parallèlement à ses commentaires[73]. Calvin ajouta des modifications au livre tout au long de sa vie et les versions successives montrent que sa pensée a peu évolué de sa jeunesse à sa mort[74]. La première édition de 1536 ne comptait que six chapitres. La seconde, publiée en 1539, était trois fois plus longue car il avait ajouté des chapitres sur des sujets apparaissant dans les Loci Communes de Melanchthon. En 1543, il ajouta de nouveaux passages et étendit un chapitre sur le symbole des apôtres. La dernière édition de l'Institution fut publiée en 1559. L'ouvrage comprenait quatre livres pour un total de 80 chapitres et chaque livre portait le nom d'une confession de foi : le livre 1 sur Dieu le créateur, le livre 2 sur le rédemption par Jésus-Christ, le livre 3 sur la réception de la Grâce de Dieu par le Saint-Esprit et le livre 4 sur l'Église[75].
Couverture de la dernière édition de l'Institution de la religion chrétienne qui résume sa théologie.
La première confession dans l'Institution concernait son thème central. Elle avançait que la somme de sagesse humaine comprenait deux parties, la connaissance de Dieu et de nous-mêmes[76]. Calvin affirmait que la connaissance de Dieu n'est pas inhérente à l'humanité et ne peut pas être découverte en observant la nature. La seule manière de l'obtenir est d'étudier les Écritures saintes. Calvin écrit, « Pour parvenir à Dieu le créateur il faut que les Écritures saintes nous soient guide et maîtresse[77] ». Il n'essaye pas de prouver l'autorité des Écritures mais les décrit plutôt comme autopiston ou « certaines en elles-mêmes ». Il défend l'idée de la Trinité et dans une virulente polémique avec l'Église, affirmant que les images de Dieu mènent à l'idolâtrie[78]. À la fin du premier livre, il offre sa vision de la providence en écrivant, « Que Dieu ayant créé le monde par sa vertu, le gouverne et entretient par sa providence, avec tout ce qui y est contenu[79] ». Les hommes sont incapables de comprendre complètement pourquoi Dieu réalise une action particulière mais quelles que soient les actions des bonnes ou des mauvaises personnes, leurs actes entraînent toujours l'exécution de la volonté et du jugement de Dieu[80].
Le second livre comporte plusieurs essais sur le péché originel et la chute de l'homme faisant directement référence à Augustin d'Hippone qui développa ces doctrines. Il citait fréquemment les Pères de l'Église pour défendre la cause de la Réforme et contre l'accusation que les réformateurs créaient une nouvelle théologie[81]. Dans l'esprit de Calvin, le péché commença avec la chute d'Adam et se transmit à toute l'humanité. La domination du péché est complète au point que les hommes sont poussés à commettre le mal[82]. Cette humanité déchue a donc un besoin de rédemption qui peut être trouvé dans le Christ. Cependant, avant d'exposer cette doctrine, Calvin décrivit la situation particulière des juifs vivant à l'époque de l'Ancien Testament. Dieu fit une alliance avec Abraham et la substance de cette promesse était la venue de Jésus. Par conséquent, l'ancienne Alliance n'était pas en opposition au Christ mais était plutôt la continuation de la promesse de Dieu. Calvin décrit ensuite la nouvelle Alliance en utilisant le passage du symbole des apôtres relatant la souffrance de Jésus sur la Croix et son retour pour juger les vivants et les morts. Pour Calvin, l'ensemble de l'obédience du Christ au Père enleva la discorde entre l'humanité et Dieu[83].
Dans le troisième livre, Calvin décrit comment l'union spirituelle de Christ et de l'humanité est achevée. Il définit d'abord la foi comme la connaissance ferme et certaine de Dieu en Christ. Les effets immédiats de la foi sont la repentance et la rémission du péché. Cela est suivi par une régénération spirituelle qui ramène le croyant à l'état de sainteté qui était celui d'Adam avant sa transgression. La perfection complète est cependant inaccessible dans cette vie et le croyant doit s'attendre à une lutte continuelle contre le péché[84]. Plusieurs chapitres sont ensuite consacrés au sujet de la justification par la foi seule. Il définit la justification comme « l'acceptation par laquelle Dieu nous regarde comme des justes qu'il reçut dans sa Grâce[85] ». Dans cette définition, il est clair que c'est Dieu qui initie et porte l'autorité et que les hommes n'y ont aucun rôle : Dieu est complètement souverain dans le salut[86]. Près de la fin du livre, Calvin décrit et défend la doctrine de prédestination, un concept développé par Augustin en opposition aux enseignements de Pélage. D'autres théologiens comme Thomas d'Aquin et Martin Luther ont également suivi la tradition augustinienne sur ce point. Ce principe, dans les mots de Calvin, est que « Dieu adopte certains à l'espoir de la vie et adjuge les autres à la mort éternelle[87] ».
Le dernier livre décrit ce qu'il considère être la véritable Église et ses ministres, son autorité et ses sacrements. Calvin refuse l'idée de primauté pontificale et l'accusation de schisme portée contre les réformateurs. Pour Calvin, l'Église est définie comme le corps des fidèles qui placent Christ à sa tête. Par définition, il n'y a qu'une Église « catholique » ou « universelle[88] ». Les ministres de l'Église sont décrits par un passage de l'Épître aux Éphésiens et ils regroupent les apôtres, les prophètes, les évangéliques, les pasteurs et les docteurs. Calvin considère ces trois premiers postes limités à l'époque du Nouveau Testament. Les deux dernières fonctions furent créées dans l'église à Genève. Même si Calvin respectait le travail des conciles œcuméniques, il les considérait comme étant soumis à la parole de Dieu, c'est-à-dire à l'enseignement des Écritures. Il pensait également que les autorités civiles et religieuses étaient séparées et ne devaient pas interférer les unes avec les autres[89].
Calvin définit un sacrement comme un signe terrestre associé avec une promesse à Dieu. Il n'acceptait la validité que de deux sacrements sous la nouvelle Alliance : le baptême et l'eucharistie par opposition aux sept sacrements de l'église catholique. Il rejetait complètement la doctrine catholique de la transsubstantiation et le traitement de l'eucharistie comme un sacrifice. Il refusait également la doctrine luthérienne de l'union sacramentale dans laquelle Christ était « dans, sous et avec la forme » du vin et du pain. Sa pensée était sur ce point similaire à celle de Zwingli. Plutôt que d'avoir une vision purement symbolique, Calvin nota qu'avec la participation du Saint-Esprit, la foi était nourrie et renforcée par le sacrement. Selon lui, l'eucharistie était « un secret trop haut pour le comprendre en mon esprit, ou pour l'expliquer de paroles. Et pour en dire brièvement ce qui en est, j'en sens plus par expérience, que je n'en puis entendre[90] ».
Controverses
Joachim Westphal s'opposa à la théologie de Calvin sur l'eucharistie.
La théologie de Calvin fut critiquée par d'autres théologiens. Pierre Caroli, un pasteur protestant de Lausanne accusa Calvin ainsi que Viret et Farel d'arianisme en 1536. Calvin défendit ses croyances sur la Trinité dans Confessio de Trinitate propter calumnias P. Caroli[91]. En 1551, Jérome-Hermès Bolsec, un médecin de Genève, attaqua la doctrine de prédestination de Calvin et l'accusa de faire de Dieu l'auteur du péché. Bolsec fut banni de la ville et après la mort de Calvin, il écrivit une biographie calomniant la personnalité de Calvin[92]. L'année suivante, Joachim Westphal, un pasteur gnésio-luthérien de Hambourg, condamna Calvin et Zwingli dans un pamphlet latin [93] pour hérésie du fait de leur refus d'approuver la doctrine luthérienne de l'eucharistie. Calvin lui répondit dans Defensio sanae et orthodoxae doctrinae de sacramentis en 1555[94]. En 1556 Justus Velsius, un dissident hollandais, organisa une disputatio avec Calvin durant sa visite à Francfort au cours de laquelle Velsius défendit le libre-arbitre contre la prédestination de Calvin. À la suite de l'exécution de Servet, un proche associé de Calvin, Sébastien Castellion, rompit avec lui sur le traitement des hérétiques. Dans le Traité des Hérétiques, Castellio défendit les enseignements moraux de Christ contre la vanité de la théologie[95] et il développa par la suite une théologie de la tolérance basée sur les principes bibliques[96].
Calvin et les juifs
Les historiens ont débattu de l'opinion de Calvin sur les juifs et le judaïsme. Certains ont avancé que Calvin était le moins antisémite de tous les réformateurs de l'époque en particulier en comparaison de Luther[97]. D'autres ont affirmé que Calvin était fermement dans le camp des antisémites[98]. Les spécialistes s'accordent cependant sur la distinction à faire entre les idées de Calvin sur les juifs de l'époque biblique et son attitude envers ses contemporains. Dans sa théologie, Calvin ne fait aucune différence entre l'alliance de Dieu avec Israël et la nouvelle Alliance. Il avança, « tous les enfants de la renaissance promise de Dieu, qui ont obéi aux commandements de la foi, ont appartenu à la nouvelle Alliance depuis le début des temps[99] ». Il était pourtant un partisan de la théologie de la substitution et avançait que les juifs sont un peuple rejeté qui doit embrasser Jésus pour rentrer dans l'Alliance[100].
La plupart des déclarations de Calvin sur les juifs de son époque sont polémiques. Il écrivit par exemple, « j'ai eu de nombreuses conversations avec les juifs : je n'ai jamais vu une once de piété ou un grain de vérité ou d'inventivité, non, je n'ai jamais rencontré de sens commun chez aucun juif[101] ». À cet égard, il différait peu des autres théologiens protestants et catholiques de son époque[102]. Il considérait les juifs comme un peuple déicide et des « chiens profanes », des scélérats qui « dévorent stupidement toutes les richesses de la terre avec leur cupidité insatiable[103] ».
Dans ses écrits connus, Calvin n'a consacré qu'un seul traité sur les juifs contemporains et le judaïsme[104], Réponse aux questions et objections d'un certain juif[105]. Il y avança que les juifs interprétaient mal leurs propres écritures car ils ont manqué l'unité de l'Ancien et du Nouveau Testament[106]. Calvin écrivit également que leur « obstination éperdue et indomptable mérite qu'ils soient oppressés sans mesure ni fin et qu'ils meurent dans leur misère sans la pitié de personne[107] ».
Travaux de Calvin
Le premier travail publié de Calvin fut un commentaire de De Clementia de Sénèque. Publié à ses frais en 1532, il montrait qu'il était un humaniste dans la tradition d'Érasme et possédait une connaissance approfondie des classiques[108]. Son premier ouvrage de théologie, Psychopannychia, tentait de réfuter la doctrine de sommeil de l'âme promulguée par les anabaptistes. Calvin l'écrivit probablement à la suite du discours de Cop mais il ne fut publié qu'en 1542 à Strasbourg[109].
Calvin écrivit de nombreuses lettres aux dirigeants politiques et religieux d'Europe dont celle-ci adressée au roi Édouard VI d'Angleterre.
Calvin rédigea des commentaires de la plupart des livres de la Bible. Son premier commentaire, sur l'épître aux Romains, fut publié en 1540 et il envisagea d'écrire des commentaires sur l'ensemble du Nouveau Testament. Il écrivit son second traité sur la première épître aux Corinthiens six ans plus tard mais il consacra ensuite toute son attention à l'objectif qu'il s'était fixé. En moins de quatre ans, il publia des commentaires sur toutes les épîtres de Paul et révisa également son livre sur les Romains. Il s'intéressa ensuite aux épîtres catholiques en les dédiant au roi Édouard VI d'Angleterre. En 1555, il avait achevé son travail sur le Nouveau Testament en terminant par les actes des Apôtres et les Évangiles ; il n'omit que la troisième épître de Jean et l'Apocalypse. Pour l'Ancien Testament, il rédigea des commentaires sur le Livre d'Isaïe, les livres du Pentateuque, les Psaumes et le livre de Josué. La base de ces ouvrages était formée par les conférences, qu'il donnait aux étudiants et aux ministres, qu'il retravaillait ensuite pour la publication. Cependant, à partir de 1557, il ne trouva plus le temps de continuer cette méthode et il autorisa la publication de ses discours à partir de notes sténographiées. Ces Praelectiones couvraient les petits prophètes, les livres de Daniel, de Jérémie, des Lamentations et une partie de celui d'Ézéchiel[110].
Calvin écrivit également de nombreuses lettres et traités. Son Traité des reliques, écrit en 1543 (en français), connut en grand succès, et fut traduit dans plusieurs langues ; il ridiculise le culte des reliques. À la suite de la Responsio ad Sadoletum, Calvin rédigea une lettre ouverte à la demande de Bucer à l'empereur Charles Quint en 1543, Supplex exhortatio ad Caesarem, défendant la foi réformée. Cela fut suivi par une lettre ouverte au pape, Admonitio paterna Pauli III, en 1544, dans laquelle Calvin critiquait Paul III pour son opposition à un rapprochement avec les réformateurs. Le concile de Trente entraîna l'application de nouveaux décrets contre les réformateurs et Calvin réfuta ces textes avec le Acta synodi Tridentinae cum Antidoto de 1547. Lorsque Charles-Quint essaya de trouver un compromis avec l'intérim d'Augsbourg, Bucer et Bullinger pressèrent Calvin de répondre. Il rédigea le traité Vera Christianae pacificationis et Ecclesiae reformandae ratio en 1549, dans lequel il décrivait les doctrines devant être défendues dont la justification par la foi seule[111].
Calvin fournit de nombreux documents de base pour les églises réformées dont des traités sur le catéchisme, la liturgie et l'organisation de l'église. Il rédigea également plusieurs confessions de foi pour essayer d'unifier les églises. En 1559, il ébaucha la confession de foi française, la confession de La Rochelle et le synode de Paris l'accepta avec quelques modifications. La Confessio Belgica de 1561, une confession de foi hollandaise, était en partie basée sur la confession de La Rochelle[112].
Héritage
Portrait de Calvin par le Titien
Après les morts de Calvin et de son successeur, Théodore de Bèze, le conseil municipal de Genève reprit progressivement le contrôle de fonctions auparavant dans le domaine ecclésiastique. La sécularisation fut accompagnée d'un déclin de l'église. Même l'académie de Genève fut éclipsée par les universités de Leyde et d'Heidelberg qui devinrent les nouveaux bastions des idées de Calvin, qualifiées de calvinisme pour la première fois par Joachim Westphal en 1552. En 1585, Genève, auparavant la source du mouvement réformé, était simplement devenu son symbole[113]. Calvin avait cependant toujours averti contre le fait qu'il serait décrit comme une « idole » et Genève comme la nouvelle « Jérusalem ». Il encouragea ses disciples à s'adapter à leurs environnements. Même durant son échange polémique avec Westphal, il conseilla à un groupe de réfugiés francophones installés à Wesel en Allemagne de s'intégrer avec les églises luthériennes locales. Malgré ses différends avec les luthériens, il ne niait pas qu'ils étaient membres de la véritable Église. La reconnaissance de Calvin du besoin de s'adapter aux conditions locales devint une caractéristique importante du mouvement réformateur qui s'étendait en Europe[114].
Grâce aux travaux de missionnaire de Calvin en France, son programme de réforme arriva finalement dans les provinces francophones des Pays-Bas. Le calvinisme fut adopté dans l'électorat du Palatinat sous Frédéric III et cela entraîna la formulation du catéchisme de Heidelberg en 1563. Ce dernier et la Confessio Belgica furent adoptés comme les standards confessionnels lors du premier synode de l'église réformée néerlandaise en 1571. Des dirigeants religieux, calvinistes ou sympathisants avec ses idées, s'implantèrent en Angleterre (Martin Bucer, Pierre Martyr et Jean de Lasco) et en Écosse (John Knox). Durant la Première Révolution anglaise, les puritains calvinistes rédigèrent la confession de foi de Westminster qui devint le standard des presbytériens dans le monde anglophone. Le mouvement s'étendit ensuite à d'autres parties du monde dont l'Amérique du Nord, l'Afrique du Sud et la Corée[115].
Calvin ne vécut pas pour voir son travail se transformer en mouvement international mais sa mort permit à ses idées de sortir de leur ville d'origine, de s'étendre bien au-delà de leurs frontières et de créer leur propre caractère distinct[116].
Re: La Prédication selon les religions
Dans le christianisme évangélique
La prédication est souvent appelé message. Elle occupe une place importante dans la réunion chrétienne, soit la moitié du temps, environ 45 à 60 minutes[2]. L’objectif de cet exposé est d'apporter un enseignement sur un ou des textes de la bible afin de faire grandir les croyants[3]. Ce message peut être supporté par un powerpoint, des images et des vidéos [4]. Dans certaines églises, les messages sont regroupés dans des séries thématiques[5]. Celui qui apporte le message, le prédicateur, est en général un pasteur ou un missionnaire formé dans un institut de théologie. Les prédications évangéliques sont diffusées à la radio, sur des chaines de télé (chrétiennes ou non) [6], dans Internet, sur des portails web ou sur le site web des églises [7],[8],[9] et sur des applications mobiles [10].
Prédicateurs évangéliques connus
•Billy Graham (1918)
•T.L. Osborn (1923-2013)
•Martin Luther King (1929-1968)
•David Wilkerson (1931-2011)
•Mamadou Philippe Karambiri (1947)
•Joel Osteen (1963)
La prédication est souvent appelé message. Elle occupe une place importante dans la réunion chrétienne, soit la moitié du temps, environ 45 à 60 minutes[2]. L’objectif de cet exposé est d'apporter un enseignement sur un ou des textes de la bible afin de faire grandir les croyants[3]. Ce message peut être supporté par un powerpoint, des images et des vidéos [4]. Dans certaines églises, les messages sont regroupés dans des séries thématiques[5]. Celui qui apporte le message, le prédicateur, est en général un pasteur ou un missionnaire formé dans un institut de théologie. Les prédications évangéliques sont diffusées à la radio, sur des chaines de télé (chrétiennes ou non) [6], dans Internet, sur des portails web ou sur le site web des églises [7],[8],[9] et sur des applications mobiles [10].
Prédicateurs évangéliques connus
•Billy Graham (1918)
•T.L. Osborn (1923-2013)
•Martin Luther King (1929-1968)
•David Wilkerson (1931-2011)
•Mamadou Philippe Karambiri (1947)
•Joel Osteen (1963)
Re: La Prédication selon les religions
Pasteur chrétien
Le pasteur est celui qui exerce des fonctions de gestion et d'enseignement dans une église chrétienne. Le terme est plus souvent appliqué aux ministres du culte protestant, mais il peut être utilisé dans une certaine mesure pour des serviteurs catholiques chargés de prendre soin des chrétiens de son église.
Origine
Dans la Bible hébraïque (Ancien Testament dans la dénomination chrétienne), le Dieu d'Israël est fréquemment comparé à un berger. « La métaphore pastorale apparaît d'abord comme un titre divin, bien avant l'institution de la monarchie, contrairement à ce que l'on considère généralement en y voyant un titre spécifiquement royal […]. L'origine de ce titre est double : il est d'abord et surtout lié à la vieille conception du Dieu des Pères qui s'est maintenu en Canaan à côté de la religion officielle des dieux El et Baal, il représente ensuite une transposition sur le nouveau Dieu YHWH d'un attribut royal cananéen. Le fait que ce titre ait été repris et amplifié avec une certaine prédilection peut s'expliquer par sa particulière aptitude à exprimer les expériences de l'exode et de la marche dans le désert […]. Désormais c'est à la fois comme Dieu de Jacob et comme Roi d'Israël que YHWH sera le berger de son peuple. » (Philippe de Robert, Le Berger d'Israël : Essai sur le thème pastoral dans l'Ancien Testament)
Le Psaume 23, un des Psaumes les plus connus et les plus cités dans les églises protestantes, en particulier au cours des cérémonies funèbres, commence par « L'Éternel (YHWH) est mon berger ».
Dans le Nouveau Testament, le mot pasteur est employé à plusieurs reprises, y compris par Jésus lui-même.
•Dans ses paraboles sur les brebis (La brebis perdue et retrouvée ; les brebis qui écoutent et reconnaissent la voix du pasteur).
•Quand Jésus parle de lui-même en tant que guide : « Je suis le bon pasteur ». Par extrapolation et dans une certaine naïveté théologique peu compatible avec les principes de laïcité propres aux protestants, il deviendrait le modèle du pasteur.
•Lorsqu'il dit par trois fois à Pierre : « Sois le pasteur de mes brebis ».
L'apôtre Paul, dans sa lettre aux Éphésiens, parle également des « pasteurs et maîtres », qui auront pour charge de « former les saints pour l’œuvre du ministère » (Ep 3.10,11). Selon ce texte, le ministère pastoral aurait donc pour fonction principale de former les chrétiens afin qu'ils puissent, chacun selon son appel, vivre ce pour quoi Dieu les a appelés.
Le mot pasteur est employé en ce sens dans le christianisme en général.
Le pastorat est un ministère donné par Dieu pour l'Église : "Et il (Dieu) a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints en vue de l’œuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ (l'Église)". Éphésiens, 4:11-12.
Catholicisme
Dans la religion catholique, le mot peut désigner, dans une certaine mesure toute personne chargée de conduire spirituellement une communauté religieuse, et est donc utilisé quelquefois pour parler du prêtre ou de l'évêque.
Protestantisme
Églises traditionnelles (multitudinistes)
Les protestants ne connaissent pas de clergé, au sens de personnes que leur fonction séparerait radicalement des fidèles ou qui seraient investies d'un pouvoir particulier. Chaque protestant se considère comme engagé dans le sacerdoce universel. S'appuyant notamment sur la première épître de Pierre (chapitre 2, verset 9), Martin Luther a développé radicalement ce principe très tôt en affirmant : « le baptême seul fait le chrétien. Tous nous sommes prêtres, sacrificateurs et rois. Tous nous avons les mêmes droits […]. L’État ecclésiastique ne doit être dans la chrétienté qu’une sainte fonction. Aussi longtemps qu’un prêtre est dans sa charge, il paît l’Église. Le jour où il est démis de ses fonctions, il n’est plus qu’un paysan. » (Manifeste à la nation allemande, 1520)
De ce fait, le pasteur, dont le titre officiel est "ministre du saint Évangile", ne saurait être comparé chez les protestants à un prêtre. Pasteur est finalement un nom d'usage, le mot propre est ministre, étymologiquement : serviteur. Le mot latin ministerium « fonction de serviteur [minister], service, fonction » a aussi donné le mot métier. Le pasteur est simplement quelqu'un dont le métier est le service du culte (prédication et sacrements), l'enseignement ainsi que la direction et l'accompagnement d'une communauté sur un territoire donné.
« Le pasteur de demain sera peut-être, en vertu de sa formation théologique, celui qui est, auprès de ses frères, le témoin de la Parole, celui qui y renvoie et cherche avec eux la voie de la fidélité au Seigneur. Cela ne signifie aucunement que tout fidèle devrait s'en remettre à lui du soin de fonder ses attitudes et ses options dans la foi. Cela signifie seulement que la lecture de la Bible n'est pas seulement naïve et qu'on ne saurait se passer de l'aide d'un technicien qui est, en même temps, homme de foi et soucieux de la vie de la communauté. Le pasteur servira ses frères en restant à sa place de serviteur de la Parole. Il ne prétendra pas savoir mieux qu'eux ce qu'ils ont à faire, mais seulement les reconduire sans cesse à la Parole[1]. »
Étant donné ses fonctions, un pasteur doit avoir satisfait à diverses conditions d'études et de diplômes. En Europe, le master en théologie (bac+5) est exigible (master professionnel, bac+5, pour les Églises luthéro-réformées en France). Les diplômes reconnus ne suffisent cependant pas pour être pasteur, il faut aussi un agrément d'une commission des ministères. Dans l'Église protestante unie de France, le pasteur doit, après son master pro, faire encore deux ans de proposanat (stage) en paroisse pour enfin être agréé (ou pas) par la commission des ministères et reconnu comme ministre.
Un cursus de formation typique pour un pasteur français est donc le suivant :
•licence en théologie, cursus de 3 ans après le baccalauréat. Les facultés habilitées sont notamment qui peut s'obtenir par exemple auprès de l'Institut protestant de Théologie ou la Faculté de théologie protestante de Strasbourg
•master professionnel, cursus de deux ans après la licence qui comporte un an d'enseignement de type master, un stage, des séminaires et la rédaction d’un mémoire. Les étudiants peuvent s’inscrire en master professionnel après avoir validé la première année du master. Au préalable ils auront également pris contact avec l’Église où ils envisagent d’exercer un ministère et qui leur aura donné son autorisation.
•proposanat de deux ans effectué dans une Église locale ou une paroisse au terme du master professionnel, et après accord de la Commission des ministères de l'Église protestante unie de France.
C'est seulement à l'issue de ce cursus que la Commission des ministères va autoriser l'ordination ou la consécration du nouveau pasteur et l'inscrire au rôle[2]. Les Luthériens, les Anglicans, les Moraves, les Méthodistes et les Adventistes pratiquent une ordination ; l'Église protestante unie de France célèbre une ordination-reconnaissance de ministère. Les protestant conservateurs (libristes ou réformés) maintiennent le concept de consécration pastorale. Dans le protestantisme historique, le pasteur est élu par un conseil presbytéral (lui-même élu par l'assemblée générale locale) en concertation avec un conseil régional (ou synodal)qui est son véritable employeur.
Le statut du pasteur est légèrement différent selon les confessions protestantes et surtout selon le régime de gouvernement de l'Église considérée :
•épiscopalien : certaines Églises luthériennes, méthodistes et quelques rares Églises réformées connaissent un ministère épiscopal personnel, qui est une fonction de l'Église et non un ordre sacramentel ;
•congrégationaliste ;
•presbytérien-synodal.
Christianisme évangélique
La conception des Évangéliques est très proche de celle des autres protestants.
Les évangéliques mettent l'accent sur le fait que le pasteur est d'abord celui qui a reçu un appel de Dieu[3]. Le chrétien ayant reçu cet appel est invité à recevoir une formation théologique dans un collège biblique pour une durée de deux à trois années en moyenne[4],[5]. La consécration pastorale se fait généralement dans une église locale.
Ouverture du ministère pastoral aux femmes
Dans la plupart des Églises protestantes, les femmes peuvent aujourd'hui être pasteurs[6].
Chez les évangéliques, le ministère pastoral féminin est présent dans certains courants baptistes et dans la majorité des églises pentecôtistes, charismatiques et néo-charismatiques.
La première femme pasteur française fut Madeleine Blocher-Saillens, reconnue pasteur de plein droit par l'Église Évangélique Baptiste Indépendante du Tabernacle, à Paris, en 1929[7].
Pasteurs protestants célèbres
(Par ordre alphabétique)
En France
•Théodore de Bèze (1519-1605, réformé)
•Madeleine Blocher-Saillens (1881-1971, baptiste)
•Marc Boegner (1881-1970, réformé)
•John Bost (1817-1881, réformé)
•Antoine Court(1695-1760, réformé)
•Joseph Doucé (1945-1990, baptiste)
•Charles Drelincourt (1595-1669, réformé)
•Laurent Drelincourt (1625-1680, réformé)
•Robert Whitaker McAll (1821-1893, réformé)
•Jean-Frédéric Oberlin (1740-1826, luthérien)
•Rabaut-Saint-Étienne (1743-1793, réformé)
•Albert Schweitzer (1875-1965, luthérien puis unitarien)
•Philipp Jacob Spener (1635-1705, luthérien piétiste)
•André Trocmé (1901-1971, réformé)
Autres pays
•Karl Barth (1886-1968, réformé) (Suisse)
•Friedrich von Bodelschwingh (père) (1831-1910, luthérien) (Allemagne)
•Dietrich Bonhoeffer (1906-1945, luthérien) (Allemagne)
•Perie Burdick (1852-1906, baptiste) (États-Unis)
•Jerry Falwell (1933-2007), télévangéliste baptiste (États-Unis)
•Joachim Gauck (1940-...), président de la République fédérale d'Allemagne (Allemagne)
•Billy Graham (né en 1918, baptiste) (États-Unis)
•Jesse Jackson (1941-aujourd'hui, baptiste, militant des droits civiques) (États-Unis)
•Mamadou Karambiri (1947-aujourd'hui, pentecôtiste) (Burkina Faso)
•John Knox (1513 ou 1514 - 1572, réformé) (Écosse)
•Abraham Kuyper (1837-1920, réformé) (Pays-Bas)
•Martin Luther King (1929-1968, baptiste) (États-Unis)
•Johann Wilhelm Meyer (1690-1767) (Suisse)
•Watchman Nee (1903-1972), méthodiste (Chine)
•Joel Osteen (1963-aujourd'hui, pentecôtiste) (États-Unis)
•Ian Paisley (1926-2014) (Royaume-Uni)
•Anton Praetorius (1560-1613, réformé) (Allemagne)
•Pat Robertson (1930-..., baptiste), télévangéliste (États-Unis)
•Louis Segond (1810-1885, réformé) (Suisse)
•Al Sharpton (1954-aujourd'hui, baptiste) (États-Unis)
•John Smyth (1570-1612, baptiste) (Angleterre)
•Nathan Söderblom (1866-1931, luthérien) (Suède)
•Desmond Tutu (1931-... , anglican) (Afrique du Sud)
•Willem Visser 't Hooft (1900-1985, réformé) (Pays-Bas)
•Rick Warren (1954-aujourd'hui, baptiste) (États-Unis)
•David Wilkerson (1931-2011, pentecôtiste) (États-Unis)
•Theodore S. Wright (1797-1847, presbytérien) (États-Unis)
•Johann David Wyss (1743-1818) (États-Unis)
•Andrew Young (1932 - ..., réformé), militant américain des droits civiques, maire d'Atlanta, ambassadeur, PDG de Walmart (États-Unis)
Dans la fiction
Romans et nouvelles
•Moby Dick, roman américain de Herman Melville, 1851 : le père Mapple.
•La Symphonie pastorale, roman d'André Gide, 1919 : le pasteur Jean Martens.
•La Confession du pasteur Burg, roman de Jacques Chessex, 1967.
•Le Pasteur détective, roman policier britannique de Ruth Rendell, 1967.
•Scorpion noir, roman policier américain de John Katzenbach, 1994.
•La Pasteure, roman norvégien de Hanne Orstavik, traduction française 2008.
•Le Bestial Serviteur du pasteur Huuskonen, de Arto Paasilinna, 2007, traduit du finnois.
•Le Cantique de l'apocalypse joyeuse, de Arto Paasilinna, 2009, traduit du finnois.
Théâtre
•Il est minuit docteur Schweitzer, pièce de Gilbert Cesbron, 1952, mettant en scène Albert Schweitzer[8].
Cinéma
•Drôle de drame, film français de Marcel Carné, 1937, avec Louis Jouvet dans le rôle d'Archibald Soper, évêque de Bedford[9].
•La Symphonie pastorale, film français de Jean Delannoy, 1946 avec Pierre Blanchar dans le rôle du pasteur Jean Martens[10].
•Il est minuit, Docteur Schweitzer, film français d'André Haguet, 1952, d'après la pièce de Gilbert Cesbron, avec Pierre Fresnay dans le rôle d'Albert Schweitzer[11].
•Robert Mitchum interpréta trois fois le rôle d'un pasteur : •La Nuit du chasseur, film américain de Charles Laughton (1955).
•Cinq Cartes à abattre, western américain d'Henry Hathaway (1968).
•La Colère de Dieu, western américain de Ralph Nelson (1972).
•Moby Dick, film américain de John Huston, 1956, avec Orson Welles dans le rôle du père Mapple.
•Major Dundee, western américain de Sam Peckinpah,1965, avec Robert. G. Armstrong dans le rôle du Révérend.
•Appelez-moi Monsieur Tibbs, film policier américain de Gordon Douglas avec Martin Landau, dans le rôle du révérend Logan Sharpe.
•Switchblade, film américain de Don Murray, 1970, avec Pat Boone dans le rôle du pasteur Wilkerson[12].
•Little Big Man, western américain d'Arthur Penn, 1970, avec Thayer David dans le rôle du révérend Pendrake.
•Buck et son complice, western américain de Sidney Poitier avec Harry Belafonte dans le rôle du prêcheur.
•Fureur apache western américain de Robert Aldrich,1972 avec Bruce Davidson dans le rôle du lieutenant Garnett DeBuin, militaire chrétien, fils d'un pasteur.
•Jeremiah Johnson western américain de Sydney Pollack,1972 avec Paul Benedict dans le rôle du révérend Linquist.
•Fanny et Alexandre, film suédois d'Ingmar Bergman, 1983, avec Jan Malmsjö dans le rôle de l'évêque Edvard Vergerus.
•L'Amour à mort, film français d'Alain Resnais, 1984, avec Fanny Ardant et André Dussollier dans les rôles des pasteurs Jérome et Judith Martignac[13].
•Pale Rider, le cavalier solitaire, 1985, western américain de et avec Clint Eastwood.
•Fashion Maman (Raising Helen), film américain de Garry Marshall, 2004, avec John Corbett dans le rôle du pasteur Dan Parker[14].
Télévision
•Colorado, série télévisée américaine (1978) de Frank Skimerhorn, interprété par Richard Crenna, The Massacre, pasteur et colonel, responsable du massacre d'une tribu cheyenne à Sand Creek en novembre 1864 (John Chivington dans l'histoire)
•Moby Dick, 1998, mini-série télévisée en trois épisodes de Franck Roddam, avec Gregory Peck dans le rôle du père Mapple.
•Les Châtaigniers du désert, téléfilm français de Caroline Huppert, 2010, avec Élodie Navarre dans le rôle d'une pastourelle
•Moby Dick, téléfilm américain, de Mike Barket, 2011, avec Donald Sutherland dans le rôle du père Mapple.
•L'Épouvantail, série télévisée américaine de James Neilson, 1964, interprété par Patrick McGoohan, pasteur durant le jour et justicier masqué durant la nuit.
•Preacher, série télévisée américaine de Seth Rogen (inspirée des comics Preacher de Garth Ennis), interprété par Dominic Cooper, pasteur malgré lui dans une petite ville du Texas.
Le pasteur est celui qui exerce des fonctions de gestion et d'enseignement dans une église chrétienne. Le terme est plus souvent appliqué aux ministres du culte protestant, mais il peut être utilisé dans une certaine mesure pour des serviteurs catholiques chargés de prendre soin des chrétiens de son église.
Origine
Dans la Bible hébraïque (Ancien Testament dans la dénomination chrétienne), le Dieu d'Israël est fréquemment comparé à un berger. « La métaphore pastorale apparaît d'abord comme un titre divin, bien avant l'institution de la monarchie, contrairement à ce que l'on considère généralement en y voyant un titre spécifiquement royal […]. L'origine de ce titre est double : il est d'abord et surtout lié à la vieille conception du Dieu des Pères qui s'est maintenu en Canaan à côté de la religion officielle des dieux El et Baal, il représente ensuite une transposition sur le nouveau Dieu YHWH d'un attribut royal cananéen. Le fait que ce titre ait été repris et amplifié avec une certaine prédilection peut s'expliquer par sa particulière aptitude à exprimer les expériences de l'exode et de la marche dans le désert […]. Désormais c'est à la fois comme Dieu de Jacob et comme Roi d'Israël que YHWH sera le berger de son peuple. » (Philippe de Robert, Le Berger d'Israël : Essai sur le thème pastoral dans l'Ancien Testament)
Le Psaume 23, un des Psaumes les plus connus et les plus cités dans les églises protestantes, en particulier au cours des cérémonies funèbres, commence par « L'Éternel (YHWH) est mon berger ».
Dans le Nouveau Testament, le mot pasteur est employé à plusieurs reprises, y compris par Jésus lui-même.
•Dans ses paraboles sur les brebis (La brebis perdue et retrouvée ; les brebis qui écoutent et reconnaissent la voix du pasteur).
•Quand Jésus parle de lui-même en tant que guide : « Je suis le bon pasteur ». Par extrapolation et dans une certaine naïveté théologique peu compatible avec les principes de laïcité propres aux protestants, il deviendrait le modèle du pasteur.
•Lorsqu'il dit par trois fois à Pierre : « Sois le pasteur de mes brebis ».
L'apôtre Paul, dans sa lettre aux Éphésiens, parle également des « pasteurs et maîtres », qui auront pour charge de « former les saints pour l’œuvre du ministère » (Ep 3.10,11). Selon ce texte, le ministère pastoral aurait donc pour fonction principale de former les chrétiens afin qu'ils puissent, chacun selon son appel, vivre ce pour quoi Dieu les a appelés.
Le mot pasteur est employé en ce sens dans le christianisme en général.
Le pastorat est un ministère donné par Dieu pour l'Église : "Et il (Dieu) a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints en vue de l’œuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ (l'Église)". Éphésiens, 4:11-12.
Catholicisme
Dans la religion catholique, le mot peut désigner, dans une certaine mesure toute personne chargée de conduire spirituellement une communauté religieuse, et est donc utilisé quelquefois pour parler du prêtre ou de l'évêque.
Protestantisme
Églises traditionnelles (multitudinistes)
Les protestants ne connaissent pas de clergé, au sens de personnes que leur fonction séparerait radicalement des fidèles ou qui seraient investies d'un pouvoir particulier. Chaque protestant se considère comme engagé dans le sacerdoce universel. S'appuyant notamment sur la première épître de Pierre (chapitre 2, verset 9), Martin Luther a développé radicalement ce principe très tôt en affirmant : « le baptême seul fait le chrétien. Tous nous sommes prêtres, sacrificateurs et rois. Tous nous avons les mêmes droits […]. L’État ecclésiastique ne doit être dans la chrétienté qu’une sainte fonction. Aussi longtemps qu’un prêtre est dans sa charge, il paît l’Église. Le jour où il est démis de ses fonctions, il n’est plus qu’un paysan. » (Manifeste à la nation allemande, 1520)
De ce fait, le pasteur, dont le titre officiel est "ministre du saint Évangile", ne saurait être comparé chez les protestants à un prêtre. Pasteur est finalement un nom d'usage, le mot propre est ministre, étymologiquement : serviteur. Le mot latin ministerium « fonction de serviteur [minister], service, fonction » a aussi donné le mot métier. Le pasteur est simplement quelqu'un dont le métier est le service du culte (prédication et sacrements), l'enseignement ainsi que la direction et l'accompagnement d'une communauté sur un territoire donné.
« Le pasteur de demain sera peut-être, en vertu de sa formation théologique, celui qui est, auprès de ses frères, le témoin de la Parole, celui qui y renvoie et cherche avec eux la voie de la fidélité au Seigneur. Cela ne signifie aucunement que tout fidèle devrait s'en remettre à lui du soin de fonder ses attitudes et ses options dans la foi. Cela signifie seulement que la lecture de la Bible n'est pas seulement naïve et qu'on ne saurait se passer de l'aide d'un technicien qui est, en même temps, homme de foi et soucieux de la vie de la communauté. Le pasteur servira ses frères en restant à sa place de serviteur de la Parole. Il ne prétendra pas savoir mieux qu'eux ce qu'ils ont à faire, mais seulement les reconduire sans cesse à la Parole[1]. »
Étant donné ses fonctions, un pasteur doit avoir satisfait à diverses conditions d'études et de diplômes. En Europe, le master en théologie (bac+5) est exigible (master professionnel, bac+5, pour les Églises luthéro-réformées en France). Les diplômes reconnus ne suffisent cependant pas pour être pasteur, il faut aussi un agrément d'une commission des ministères. Dans l'Église protestante unie de France, le pasteur doit, après son master pro, faire encore deux ans de proposanat (stage) en paroisse pour enfin être agréé (ou pas) par la commission des ministères et reconnu comme ministre.
Un cursus de formation typique pour un pasteur français est donc le suivant :
•licence en théologie, cursus de 3 ans après le baccalauréat. Les facultés habilitées sont notamment qui peut s'obtenir par exemple auprès de l'Institut protestant de Théologie ou la Faculté de théologie protestante de Strasbourg
•master professionnel, cursus de deux ans après la licence qui comporte un an d'enseignement de type master, un stage, des séminaires et la rédaction d’un mémoire. Les étudiants peuvent s’inscrire en master professionnel après avoir validé la première année du master. Au préalable ils auront également pris contact avec l’Église où ils envisagent d’exercer un ministère et qui leur aura donné son autorisation.
•proposanat de deux ans effectué dans une Église locale ou une paroisse au terme du master professionnel, et après accord de la Commission des ministères de l'Église protestante unie de France.
C'est seulement à l'issue de ce cursus que la Commission des ministères va autoriser l'ordination ou la consécration du nouveau pasteur et l'inscrire au rôle[2]. Les Luthériens, les Anglicans, les Moraves, les Méthodistes et les Adventistes pratiquent une ordination ; l'Église protestante unie de France célèbre une ordination-reconnaissance de ministère. Les protestant conservateurs (libristes ou réformés) maintiennent le concept de consécration pastorale. Dans le protestantisme historique, le pasteur est élu par un conseil presbytéral (lui-même élu par l'assemblée générale locale) en concertation avec un conseil régional (ou synodal)qui est son véritable employeur.
Le statut du pasteur est légèrement différent selon les confessions protestantes et surtout selon le régime de gouvernement de l'Église considérée :
•épiscopalien : certaines Églises luthériennes, méthodistes et quelques rares Églises réformées connaissent un ministère épiscopal personnel, qui est une fonction de l'Église et non un ordre sacramentel ;
•congrégationaliste ;
•presbytérien-synodal.
Christianisme évangélique
La conception des Évangéliques est très proche de celle des autres protestants.
Les évangéliques mettent l'accent sur le fait que le pasteur est d'abord celui qui a reçu un appel de Dieu[3]. Le chrétien ayant reçu cet appel est invité à recevoir une formation théologique dans un collège biblique pour une durée de deux à trois années en moyenne[4],[5]. La consécration pastorale se fait généralement dans une église locale.
Ouverture du ministère pastoral aux femmes
Dans la plupart des Églises protestantes, les femmes peuvent aujourd'hui être pasteurs[6].
Chez les évangéliques, le ministère pastoral féminin est présent dans certains courants baptistes et dans la majorité des églises pentecôtistes, charismatiques et néo-charismatiques.
La première femme pasteur française fut Madeleine Blocher-Saillens, reconnue pasteur de plein droit par l'Église Évangélique Baptiste Indépendante du Tabernacle, à Paris, en 1929[7].
Pasteurs protestants célèbres
(Par ordre alphabétique)
En France
•Théodore de Bèze (1519-1605, réformé)
•Madeleine Blocher-Saillens (1881-1971, baptiste)
•Marc Boegner (1881-1970, réformé)
•John Bost (1817-1881, réformé)
•Antoine Court(1695-1760, réformé)
•Joseph Doucé (1945-1990, baptiste)
•Charles Drelincourt (1595-1669, réformé)
•Laurent Drelincourt (1625-1680, réformé)
•Robert Whitaker McAll (1821-1893, réformé)
•Jean-Frédéric Oberlin (1740-1826, luthérien)
•Rabaut-Saint-Étienne (1743-1793, réformé)
•Albert Schweitzer (1875-1965, luthérien puis unitarien)
•Philipp Jacob Spener (1635-1705, luthérien piétiste)
•André Trocmé (1901-1971, réformé)
Autres pays
•Karl Barth (1886-1968, réformé) (Suisse)
•Friedrich von Bodelschwingh (père) (1831-1910, luthérien) (Allemagne)
•Dietrich Bonhoeffer (1906-1945, luthérien) (Allemagne)
•Perie Burdick (1852-1906, baptiste) (États-Unis)
•Jerry Falwell (1933-2007), télévangéliste baptiste (États-Unis)
•Joachim Gauck (1940-...), président de la République fédérale d'Allemagne (Allemagne)
•Billy Graham (né en 1918, baptiste) (États-Unis)
•Jesse Jackson (1941-aujourd'hui, baptiste, militant des droits civiques) (États-Unis)
•Mamadou Karambiri (1947-aujourd'hui, pentecôtiste) (Burkina Faso)
•John Knox (1513 ou 1514 - 1572, réformé) (Écosse)
•Abraham Kuyper (1837-1920, réformé) (Pays-Bas)
•Martin Luther King (1929-1968, baptiste) (États-Unis)
•Johann Wilhelm Meyer (1690-1767) (Suisse)
•Watchman Nee (1903-1972), méthodiste (Chine)
•Joel Osteen (1963-aujourd'hui, pentecôtiste) (États-Unis)
•Ian Paisley (1926-2014) (Royaume-Uni)
•Anton Praetorius (1560-1613, réformé) (Allemagne)
•Pat Robertson (1930-..., baptiste), télévangéliste (États-Unis)
•Louis Segond (1810-1885, réformé) (Suisse)
•Al Sharpton (1954-aujourd'hui, baptiste) (États-Unis)
•John Smyth (1570-1612, baptiste) (Angleterre)
•Nathan Söderblom (1866-1931, luthérien) (Suède)
•Desmond Tutu (1931-... , anglican) (Afrique du Sud)
•Willem Visser 't Hooft (1900-1985, réformé) (Pays-Bas)
•Rick Warren (1954-aujourd'hui, baptiste) (États-Unis)
•David Wilkerson (1931-2011, pentecôtiste) (États-Unis)
•Theodore S. Wright (1797-1847, presbytérien) (États-Unis)
•Johann David Wyss (1743-1818) (États-Unis)
•Andrew Young (1932 - ..., réformé), militant américain des droits civiques, maire d'Atlanta, ambassadeur, PDG de Walmart (États-Unis)
Dans la fiction
Romans et nouvelles
•Moby Dick, roman américain de Herman Melville, 1851 : le père Mapple.
•La Symphonie pastorale, roman d'André Gide, 1919 : le pasteur Jean Martens.
•La Confession du pasteur Burg, roman de Jacques Chessex, 1967.
•Le Pasteur détective, roman policier britannique de Ruth Rendell, 1967.
•Scorpion noir, roman policier américain de John Katzenbach, 1994.
•La Pasteure, roman norvégien de Hanne Orstavik, traduction française 2008.
•Le Bestial Serviteur du pasteur Huuskonen, de Arto Paasilinna, 2007, traduit du finnois.
•Le Cantique de l'apocalypse joyeuse, de Arto Paasilinna, 2009, traduit du finnois.
Théâtre
•Il est minuit docteur Schweitzer, pièce de Gilbert Cesbron, 1952, mettant en scène Albert Schweitzer[8].
Cinéma
•Drôle de drame, film français de Marcel Carné, 1937, avec Louis Jouvet dans le rôle d'Archibald Soper, évêque de Bedford[9].
•La Symphonie pastorale, film français de Jean Delannoy, 1946 avec Pierre Blanchar dans le rôle du pasteur Jean Martens[10].
•Il est minuit, Docteur Schweitzer, film français d'André Haguet, 1952, d'après la pièce de Gilbert Cesbron, avec Pierre Fresnay dans le rôle d'Albert Schweitzer[11].
•Robert Mitchum interpréta trois fois le rôle d'un pasteur : •La Nuit du chasseur, film américain de Charles Laughton (1955).
•Cinq Cartes à abattre, western américain d'Henry Hathaway (1968).
•La Colère de Dieu, western américain de Ralph Nelson (1972).
•Moby Dick, film américain de John Huston, 1956, avec Orson Welles dans le rôle du père Mapple.
•Major Dundee, western américain de Sam Peckinpah,1965, avec Robert. G. Armstrong dans le rôle du Révérend.
•Appelez-moi Monsieur Tibbs, film policier américain de Gordon Douglas avec Martin Landau, dans le rôle du révérend Logan Sharpe.
•Switchblade, film américain de Don Murray, 1970, avec Pat Boone dans le rôle du pasteur Wilkerson[12].
•Little Big Man, western américain d'Arthur Penn, 1970, avec Thayer David dans le rôle du révérend Pendrake.
•Buck et son complice, western américain de Sidney Poitier avec Harry Belafonte dans le rôle du prêcheur.
•Fureur apache western américain de Robert Aldrich,1972 avec Bruce Davidson dans le rôle du lieutenant Garnett DeBuin, militaire chrétien, fils d'un pasteur.
•Jeremiah Johnson western américain de Sydney Pollack,1972 avec Paul Benedict dans le rôle du révérend Linquist.
•Fanny et Alexandre, film suédois d'Ingmar Bergman, 1983, avec Jan Malmsjö dans le rôle de l'évêque Edvard Vergerus.
•L'Amour à mort, film français d'Alain Resnais, 1984, avec Fanny Ardant et André Dussollier dans les rôles des pasteurs Jérome et Judith Martignac[13].
•Pale Rider, le cavalier solitaire, 1985, western américain de et avec Clint Eastwood.
•Fashion Maman (Raising Helen), film américain de Garry Marshall, 2004, avec John Corbett dans le rôle du pasteur Dan Parker[14].
Télévision
•Colorado, série télévisée américaine (1978) de Frank Skimerhorn, interprété par Richard Crenna, The Massacre, pasteur et colonel, responsable du massacre d'une tribu cheyenne à Sand Creek en novembre 1864 (John Chivington dans l'histoire)
•Moby Dick, 1998, mini-série télévisée en trois épisodes de Franck Roddam, avec Gregory Peck dans le rôle du père Mapple.
•Les Châtaigniers du désert, téléfilm français de Caroline Huppert, 2010, avec Élodie Navarre dans le rôle d'une pastourelle
•Moby Dick, téléfilm américain, de Mike Barket, 2011, avec Donald Sutherland dans le rôle du père Mapple.
•L'Épouvantail, série télévisée américaine de James Neilson, 1964, interprété par Patrick McGoohan, pasteur durant le jour et justicier masqué durant la nuit.
•Preacher, série télévisée américaine de Seth Rogen (inspirée des comics Preacher de Garth Ennis), interprété par Dominic Cooper, pasteur malgré lui dans une petite ville du Texas.
Re: La Prédication selon les religions
Missionnaire chrétien
Jésus-Christ Évangélisation Église chrétienne
La forme ou le fond de cet article est à vérifier (indiquez la date de pose grâce au paramètre date). Améliorez-le ou discutez des points à vérifier. Si vous venez d’apposer le bandeau, merci d’indiquer ici les points à vérifier.
Saint François Xavier, missionnaire en Asie au XVIe siècle.
Un missionnaire chrétien est une personne qui, se sentant personnellement interpellée par les paroles qu'aurait dites Jésus-Christ à ses apôtres après sa Résurrection, décide de s'engager pour faire connaître Jésus-Christ et son message, soit par la prédication directe de la Bonne nouvelle des évangiles, soit par des œuvres caritatives, éducatives ou autres. Le témoignage de vie personnelle fait également partie de la mission.
Cette mission est le plus souvent soutenue et mandatée par un groupe religieux tel qu'une congrégation religieuse, une "société des missions" (vocable d'emploi fréquent chez les protestants) ou une Église chrétienne. L'annonce de l'Évangile s’adresse à des personnes, des groupes sociaux, ou des pays, où le Christ est inconnu ou méconnu. Cela inclut les régions dites "déchristianisées" (on parle alors de "mission intérieure")[1].
Du XVIe au XXe siècle les missionnaires chrétiens ont souvent accompagné les explorateurs puis la colonisation européenne[2]. Un effet collatéral de cette activité missionnaire essentiellement européenne a été la collecte d'une importante base de connaissances linguistiques et ethnographiques[3].
Origine
Si, dans le Nouveau Testament, le mot missionnaire n'apparaît pas[4], le mandat que donne Jésus-Christ à ses apôtres peut être considéré comme étant à l'origine du travail missionnaire chrétien: «Allez par le monde entier proclamer l'Evangile à toutes les créatures»[5].
Dans le christianisme, le missionnaire ou l'évangéliste est un don de Dieu pour l'Église qui est 'peuple de Dieu': «Et il (Dieu) a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints en vue de l'œuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ (l'Église)».[6]
Portrait actuel
L'engagement missionnaire est d'abord réponse à un appel perçu comme venant de Dieu. Alors que certains missionnaires sont indépendants, d'autres sont mandatés par une Église chrétienne ou un groupe religieux [7].
Histoire des missions catholiques
•Missions catholiques aux XVIe et XVIIe siècles
•Missions catholiques de 1622 à la fin du XVIIIe siècle
•Missions catholiques au XIXe et au XXe siècles
•Mission jésuite
Dans son décret Ad Gentes sur l’activité missionnaire de l'Église le concile Vatican II rappelle que tout chrétien, de par son baptême même, est appelé à être missionnaire, ne fût-ce que par le témoignage de sa vie personnelle inspirée par les valeurs de l’Évangile.
Dès le début du christianisme, les apôtres et missionnaires sont vus comme menaçant l'ordre religieux établi. Ce qui entraina des persécutions. Lorsque les premières missions outremer furent entreprises les missionnaires furent d'abord bien accueillis [8], mais lorsque leurs liens avec le pouvoir colonial apparut, comme ce fut le cas en Chine ou au Japon, les autorités les expulsèrent et les nouveaux chrétiens furent parfois persécutés. Les jésuites ont eu une grande activité missionnaire, dès le XVIe siècle, importante et innovatrice, en Amérique latine, en Inde, en Chine et Extrême-Orient et en Afrique. Des essais poussés d’inculturation ont quelquefois causé de vives querelles et controverses. La plus célèbre est la «Querelle des rites chinois» au XVIIe siècle.
Au XIXe siècle, de nombreux instituts religieux, masculins et féminins, sont fondés avec vocation missionnaire explicite, en Afrique ou ailleurs. Ainsi la fondation des Missionnaires d'Afrique (Pères Blancs) en 1868 et celle des Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d'Afrique en 1869 par le Cardinal Charles Lavigerie, ou les Pères Spiritains.
Histoire des missions protestantes
Les églises protestantes sont nées au XVIe siècle au milieu de nombreuses guerres et luttes contre les princes catholiques, ce qui ne leur a pas permis de se tourner vers la mission à cette époque[9]. IC'est seulement au cours du XVIIIe siècle qu'on assiste à de premières et timides entreprises missionnaires, en particulier de la part des Frères moraves à partir de 1732 et de la part des calvinistes nord-américains auprès des Indiens mohicans du Massachusetts à Stockbridge en 1734.
Églises multitudinistes
Plusieurs sociétés de mission voient le jour à partir de la fin du XVIIIe siècle. On peut citer: La Société des Missions de Londres (1795), Société des Missions des Pays-Bas (1797), Société des Missions d'Elberfeld (1799, qui devient la Société des missions du Rhin en 1828),le Comité Américain des Missions étrangères (1810, les Missions de Bâle (de) (1815), les Missions de Paris (1822), les Missions de Berlin (1824), les Missions de Suède (1835), les Missions d'Allemagne du Nord (1836), les Missions de Norvège (1842), la Société des missions finlandaise (1859). Initialement, ces sociétés sont fondées par des fidèles appartenant à différentes églises protestantes. Interconfessionnelles, beaucoup d'entre elles sont également supranationales, comme la société des missions de Bâle qui regroupe des Suisses, des Allemands et des Français. Mais les grandes églises fondent également leur propre société de missions : le Church Missionary Society de l'église anglicane est créé en 1799. Elle est suivie par les méthodistes en 1813, les presbytériens d'Écosse, en 1825, les luthériens d'Allemagne, en 1836, avec la Société de Leipzig.
Églises évangéliques
La BMS World Mission (en) (Société de Mission baptiste) est fondée en Angleterre en 1792 par William Carey[10]. Elle permet une expansion du mouvement vers d'autres pays. Toutefois c'est en 1960, que les évangéliques, baptistes et surtout les pentecôtistes commencent à se multiplier de façon accélérée, un peu partout au niveau mondial, pour regrouper 600 millions de personnes en 2014[11].
Missionnaires renommés
Catholiques
•Saint François Xavier
•Saints martyrs canadiens
•Bienheureux Charles de Foucauld
•Saint Paul de Tarse, apôtre
•Bienheureux Jacques-Désiré Laval
•Cardinal Charles Lavigerie
•Henri Watthé
•Auguste Chapdelaine
•Anton Docher
Protestants
•Albert Schweitzer
•John Eliot
•David Livingstone
•Robert Morrison
•Hudson Taylor
Évangéliques
•William Carey
•Alfred Saker
•Billy Graham
•T.L Osborn
Jésus-Christ Évangélisation Église chrétienne
La forme ou le fond de cet article est à vérifier (indiquez la date de pose grâce au paramètre date). Améliorez-le ou discutez des points à vérifier. Si vous venez d’apposer le bandeau, merci d’indiquer ici les points à vérifier.
Saint François Xavier, missionnaire en Asie au XVIe siècle.
Un missionnaire chrétien est une personne qui, se sentant personnellement interpellée par les paroles qu'aurait dites Jésus-Christ à ses apôtres après sa Résurrection, décide de s'engager pour faire connaître Jésus-Christ et son message, soit par la prédication directe de la Bonne nouvelle des évangiles, soit par des œuvres caritatives, éducatives ou autres. Le témoignage de vie personnelle fait également partie de la mission.
Cette mission est le plus souvent soutenue et mandatée par un groupe religieux tel qu'une congrégation religieuse, une "société des missions" (vocable d'emploi fréquent chez les protestants) ou une Église chrétienne. L'annonce de l'Évangile s’adresse à des personnes, des groupes sociaux, ou des pays, où le Christ est inconnu ou méconnu. Cela inclut les régions dites "déchristianisées" (on parle alors de "mission intérieure")[1].
Du XVIe au XXe siècle les missionnaires chrétiens ont souvent accompagné les explorateurs puis la colonisation européenne[2]. Un effet collatéral de cette activité missionnaire essentiellement européenne a été la collecte d'une importante base de connaissances linguistiques et ethnographiques[3].
Origine
Si, dans le Nouveau Testament, le mot missionnaire n'apparaît pas[4], le mandat que donne Jésus-Christ à ses apôtres peut être considéré comme étant à l'origine du travail missionnaire chrétien: «Allez par le monde entier proclamer l'Evangile à toutes les créatures»[5].
Dans le christianisme, le missionnaire ou l'évangéliste est un don de Dieu pour l'Église qui est 'peuple de Dieu': «Et il (Dieu) a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints en vue de l'œuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ (l'Église)».[6]
Portrait actuel
L'engagement missionnaire est d'abord réponse à un appel perçu comme venant de Dieu. Alors que certains missionnaires sont indépendants, d'autres sont mandatés par une Église chrétienne ou un groupe religieux [7].
Histoire des missions catholiques
•Missions catholiques aux XVIe et XVIIe siècles
•Missions catholiques de 1622 à la fin du XVIIIe siècle
•Missions catholiques au XIXe et au XXe siècles
•Mission jésuite
Dans son décret Ad Gentes sur l’activité missionnaire de l'Église le concile Vatican II rappelle que tout chrétien, de par son baptême même, est appelé à être missionnaire, ne fût-ce que par le témoignage de sa vie personnelle inspirée par les valeurs de l’Évangile.
Dès le début du christianisme, les apôtres et missionnaires sont vus comme menaçant l'ordre religieux établi. Ce qui entraina des persécutions. Lorsque les premières missions outremer furent entreprises les missionnaires furent d'abord bien accueillis [8], mais lorsque leurs liens avec le pouvoir colonial apparut, comme ce fut le cas en Chine ou au Japon, les autorités les expulsèrent et les nouveaux chrétiens furent parfois persécutés. Les jésuites ont eu une grande activité missionnaire, dès le XVIe siècle, importante et innovatrice, en Amérique latine, en Inde, en Chine et Extrême-Orient et en Afrique. Des essais poussés d’inculturation ont quelquefois causé de vives querelles et controverses. La plus célèbre est la «Querelle des rites chinois» au XVIIe siècle.
Au XIXe siècle, de nombreux instituts religieux, masculins et féminins, sont fondés avec vocation missionnaire explicite, en Afrique ou ailleurs. Ainsi la fondation des Missionnaires d'Afrique (Pères Blancs) en 1868 et celle des Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d'Afrique en 1869 par le Cardinal Charles Lavigerie, ou les Pères Spiritains.
Histoire des missions protestantes
Les églises protestantes sont nées au XVIe siècle au milieu de nombreuses guerres et luttes contre les princes catholiques, ce qui ne leur a pas permis de se tourner vers la mission à cette époque[9]. IC'est seulement au cours du XVIIIe siècle qu'on assiste à de premières et timides entreprises missionnaires, en particulier de la part des Frères moraves à partir de 1732 et de la part des calvinistes nord-américains auprès des Indiens mohicans du Massachusetts à Stockbridge en 1734.
Églises multitudinistes
Plusieurs sociétés de mission voient le jour à partir de la fin du XVIIIe siècle. On peut citer: La Société des Missions de Londres (1795), Société des Missions des Pays-Bas (1797), Société des Missions d'Elberfeld (1799, qui devient la Société des missions du Rhin en 1828),le Comité Américain des Missions étrangères (1810, les Missions de Bâle (de) (1815), les Missions de Paris (1822), les Missions de Berlin (1824), les Missions de Suède (1835), les Missions d'Allemagne du Nord (1836), les Missions de Norvège (1842), la Société des missions finlandaise (1859). Initialement, ces sociétés sont fondées par des fidèles appartenant à différentes églises protestantes. Interconfessionnelles, beaucoup d'entre elles sont également supranationales, comme la société des missions de Bâle qui regroupe des Suisses, des Allemands et des Français. Mais les grandes églises fondent également leur propre société de missions : le Church Missionary Society de l'église anglicane est créé en 1799. Elle est suivie par les méthodistes en 1813, les presbytériens d'Écosse, en 1825, les luthériens d'Allemagne, en 1836, avec la Société de Leipzig.
Églises évangéliques
La BMS World Mission (en) (Société de Mission baptiste) est fondée en Angleterre en 1792 par William Carey[10]. Elle permet une expansion du mouvement vers d'autres pays. Toutefois c'est en 1960, que les évangéliques, baptistes et surtout les pentecôtistes commencent à se multiplier de façon accélérée, un peu partout au niveau mondial, pour regrouper 600 millions de personnes en 2014[11].
Missionnaires renommés
Catholiques
•Saint François Xavier
•Saints martyrs canadiens
•Bienheureux Charles de Foucauld
•Saint Paul de Tarse, apôtre
•Bienheureux Jacques-Désiré Laval
•Cardinal Charles Lavigerie
•Henri Watthé
•Auguste Chapdelaine
•Anton Docher
Protestants
•Albert Schweitzer
•John Eliot
•David Livingstone
•Robert Morrison
•Hudson Taylor
Évangéliques
•William Carey
•Alfred Saker
•Billy Graham
•T.L Osborn
Re: La Prédication selon les religions
Billy Graham
William Franklin « Billy » Graham, Jr. (né le 7 novembre 1918) à Charlotte (Caroline du Nord) est un théologien et prédicateur chrétien évangélique américain.
Œuvre missionnaire
Célèbre télévangéliste, il met l'accent sur la conversion et le pardon des péchés par Jésus-Christ.
Il a obtenu de nombreuses récompenses, dont en 1982 le Prix Templeton.
Dans le sondage Gallup 2002 sur les hommes les plus admirés aux États-Unis, le prédicateur Billy Graham arrive en sixième position. Depuis 1948, c’est la quarante-cinquième fois qu’il figure dans cette liste : la popularité de Billy Graham a ainsi traversé plusieurs périodes de l’histoire de l’Amérique contemporaine.
Il a notamment affirmé : « Après avoir visionné La Passion du Christ, j'ai eu l'impression que je m'y trouvais. J'ai fondu en larmes. Je ne sais pas s'il y a déjà eu une présentation de la mort et de la résurrection de Jésus plus graphique et animée ».
Billy Graham en 1966
Généralités
Nom de naissance
William Franklin Graham Jr.
Date de naissance
7 novembre 1918 (97 ans)
Lieu de naissance
Charlotte (Caroline du Nord), États-Unis
Nationalité
Américain
Pays de résidence
États-Unis
Diplôme
Théologie, Trinity Bible College, 1940. Anthropologie, Wheaton College, 1943.
Spiritualité
Religion
Christianisme évangélique
Courant
Baptisme
Fonctions
Service
Missionnaire
Activité(s)
Évangélisation
Autre(s) activité(s)
Fondateur de la Billy Graham Evangelistic Association
Vie personnelle
Conjoint(e)
Ruth Graham
Enfant(s)
5
Relations avec la politique
Le président Ronald Reagan et la première dame Nancy Reagan rencontrent Graham au déjeuner national de prière, 1981
Billy Graham rencontre le président Barack Obama à Montreat, avril 2010
Graham a eu des rapports privilégiés avec divers personnages haut placés américains, dont plusieurs présidents américains.
Le 25 avril 2010, le président Barack Obama a rendu visite à Graham, dans sa maison de Montreat, en Caroline de Nord, et ils ont eu un temps de prière[2].
Publications
•La mort, point final ou deux points ?, 1989, Éditeur : Ebv, (ISBN 3765576220)
•Les anges, agents secrets de Dieu, 1976, Éditeur : 7ici, (ISBN 2-905093-02-1)
•Avis de tempête, Éditeur : Vida, (ISBN 0-8297-1887-7)
•La paix avec Dieu, Éditeur : Groupes Missionnaires, (ISBN 2-88050-000-1)
•Christ ressuscité, Éditeur : Groupes Missionnaires, GM1545-20
•Christ revient, Éditeur : Groupes Missionnaires, GM1545-12
•Tel que je suis, Éditeur : Eternity Publishing, (ISBN 2-9511515-7-8)
William Franklin « Billy » Graham, Jr. (né le 7 novembre 1918) à Charlotte (Caroline du Nord) est un théologien et prédicateur chrétien évangélique américain.
Œuvre missionnaire
Célèbre télévangéliste, il met l'accent sur la conversion et le pardon des péchés par Jésus-Christ.
Il a obtenu de nombreuses récompenses, dont en 1982 le Prix Templeton.
Dans le sondage Gallup 2002 sur les hommes les plus admirés aux États-Unis, le prédicateur Billy Graham arrive en sixième position. Depuis 1948, c’est la quarante-cinquième fois qu’il figure dans cette liste : la popularité de Billy Graham a ainsi traversé plusieurs périodes de l’histoire de l’Amérique contemporaine.
Il a notamment affirmé : « Après avoir visionné La Passion du Christ, j'ai eu l'impression que je m'y trouvais. J'ai fondu en larmes. Je ne sais pas s'il y a déjà eu une présentation de la mort et de la résurrection de Jésus plus graphique et animée ».
Billy Graham en 1966
Généralités
Nom de naissance
William Franklin Graham Jr.
Date de naissance
7 novembre 1918 (97 ans)
Lieu de naissance
Charlotte (Caroline du Nord), États-Unis
Nationalité
Américain
Pays de résidence
États-Unis
Diplôme
Théologie, Trinity Bible College, 1940. Anthropologie, Wheaton College, 1943.
Spiritualité
Religion
Christianisme évangélique
Courant
Baptisme
Fonctions
Service
Missionnaire
Activité(s)
Évangélisation
Autre(s) activité(s)
Fondateur de la Billy Graham Evangelistic Association
Vie personnelle
Conjoint(e)
Ruth Graham
Enfant(s)
5
Relations avec la politique
Le président Ronald Reagan et la première dame Nancy Reagan rencontrent Graham au déjeuner national de prière, 1981
Billy Graham rencontre le président Barack Obama à Montreat, avril 2010
Graham a eu des rapports privilégiés avec divers personnages haut placés américains, dont plusieurs présidents américains.
Le 25 avril 2010, le président Barack Obama a rendu visite à Graham, dans sa maison de Montreat, en Caroline de Nord, et ils ont eu un temps de prière[2].
Publications
•La mort, point final ou deux points ?, 1989, Éditeur : Ebv, (ISBN 3765576220)
•Les anges, agents secrets de Dieu, 1976, Éditeur : 7ici, (ISBN 2-905093-02-1)
•Avis de tempête, Éditeur : Vida, (ISBN 0-8297-1887-7)
•La paix avec Dieu, Éditeur : Groupes Missionnaires, (ISBN 2-88050-000-1)
•Christ ressuscité, Éditeur : Groupes Missionnaires, GM1545-20
•Christ revient, Éditeur : Groupes Missionnaires, GM1545-12
•Tel que je suis, Éditeur : Eternity Publishing, (ISBN 2-9511515-7-8)
Re: La Prédication selon les religions
Prêcher accompagne inséparablement le mouvement de toute l’histoire de l’Église. Bernard Huck nous propose un bref survol se focalisant sur trois points essentiels : la rhétorique, la théologie et le politique.
Les plus anciennes traces du culte chrétien font état de la prédication. L'apologiste Justin au IIème siècle, dans sa défense du christianisme dédiée aux empereurs Marc Aurèle et Lucius Verus, décrit ainsi la rencontre chrétienne : “Le jour qu'on appelle le Jour du soleil, tous, dans les villes ou à la campagne, se réunissent dans un même lieu ; on lit les Mémoires des apôtres et les écrits des prophètes, autant que le temps le permet. Quand le lecteur a fini, celui qui préside fait un discours pour instruire, pour exhorter à l'imitation de ces beaux enseignements” (Apol. 67.3). Le Nouveau Testament lui-même a quelques échos de notre prédication classique dans les premiers chapitres du livre des Actes, et même l'épître aux Hébreux où alternent sans cesse textes de l'Écriture, exégèse et exhortations circonstanciées. Plus avant encore, Jésus dans la synagogue de Nazareth lit, debout, un passage d'Ésaïe, puis il s'assied et le commente, adoptant sans doute une pratique habituelle dans les synagogues.
Cette tradition s'est poursuivie au cours des siècles ; la lecture de l'Écriture et son commentaire sont restés plus ou moins au centre du culte chrétien. Mais le fond et la forme de ce “commentaire” ont beaucoup varié. Suivre l'évolution de la prédication au long de l'histoire de l'Église est une aventure passionnante, car cette évolution suit les évènements, qu'ils soient sociaux, culturels, et même politiques et économiques. Ce qui n'est pas étonnant, si elle se veut vivante, liée au vécu des auditeurs, répondant à leur quotidien, comme les discours des prophètes d'autrefois. Ce lien entre la dynamique de l'histoire des peuples et la prédication nous aide d'ailleurs à mieux comprendre notre prédication d'aujourd'hui.
Tentons une approche de cette histoire mouvementée. Nous pourrions suivre un parcours linéaire classique, mais il sera intéressant de relever quelques “points chauds” qui ont fortement influencé la prédication au cours des temps, et restent déterminants aujourd'hui.
1. RHÉTORIQUE ET PRÉDICATION
Dès l'origine, la prédication a du se situer au sein des discours contemporains et marquer son originalité. La rhétorique, art du discours persuasif, a marqué toute la culture antique et même toute la culture intellectuelle occidentale jusqu'au XIXème siècle. La tentation était grande au premier siècle de s'y conformer pour être efficace. Paul lui-même au début de la première épître aux Corinthiens fait face au problème et affirme sa différence : “Ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d'Esprit et de puissance, afin que votre foi fut fondée non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. Cependant, c'est une sagesse que nous prêchons...” (1 Co 2.4-6). Le vocabulaire qui va peu à peu se préciser pour évoquer la prédication est significatif. Elle se définit dans les textes anciens comme “homélie”, du grec homilia qui désigne une conversation amicale (Ac 20.11, 24.26), comme le mot latin sermo.
Augustin au IVème siècle est parmi ceux qui ont le plus travaillé cette question. Il le pouvait, ayant étudié la rhétorique pendant dix ans et l'ayant enseignée pendant treize ans. Dans son traité De doctrina christiana, au livre IV, il reprend, certes, les analyses et les catégories de Cicéron concernant l'art de la persuasion par la parole, mais en montrant bien que leur application à la prédication oblige à des déséquilibres et des recentrages. Le fond est à privilégier sur la forme, l'éloquence à séparer de la rhétorique, sur le modèle biblique et celui des Pères de l'Église, dont il faut s'imprégner, plutôt que des grands orateurs païens. La matière de la prédication relève toujours du “sublime”, c'est à dire de l'Écriture, ce qui engendre une démarche rhétorique particulière : la primauté de ce que l'on doit dire sur la manière de le dire. Augustin relèvera aussi l'importance de la vie du prédicateur et de la prière : “Être orant avant d'être orateur”.
Parole de Dieu destinée au peuple de Dieu, la prédication dès les origines s'est voulue populaire, c'est dire comprise et appréciée par les auditoires les plus divers et les plus composites. Les prédications d'Augustin ont souvent désorienté les analystes à cet égard; Comment un ancien professeur de rhétorique pouvait-il se permettre des discours aussi peu structurés, pour ne pas dire désordonnés ? En fait, on s'est rendu compte que le discours dans son ensemble était solidement composé, mais accessible, ou mieux, en pleine symbiose avec la foule qui écoutait et ses réactions spontanées, son manque de suite dans les idées, ses jugements immédiats, ses enthousiasmes et ses déceptions (on applaudissait, on murmurait, on s'endormait et on se réveillait soudain). Pas d'élitisme, mais un moment où le sublime de la Parole de Dieu se communiquait clairement et simplement à tous.
Dans la bouche d'Augustin comme dans celle de la plupart des Pères, un genre nouveau se met en place pour l'annonce de la Parole : le genre tractatus (qui traduit le grec homilia). C'est le “commentaire oral d'un livre ou d'un passage de l'Écriture, présenté sous forme de sermon au peuple”. Il s'agit toujours d'un commentaire exégétique de l'Écriture, mais entrecoupé d'interpellations, d'anecdotes, d'exhortations directes, de remarques édifiantes. Les ouvrages d'exégèse rédigés avec soin et édités existaient (Augustin les désigne par le mot expositio), mais la plus grande partie des commentaires bibliques relève de ce genre tractatus, et cela jusqu'au XVIème siècle. C'est à cette époque que Mélanchton, imprégné de rhétorique comme tous les humanistes de ce temps et les Réformateurs, créera un nouveau genre rhétorique, le genre “didascalique”, caractéristique du ministre le plus important de la nouvelle révolution théologique et ecclésiale : le prédicateur et docteur en Écriture Sainte.
Ces quelques aperçus sont loin de couvrir l'ensemble du problème, mais ils en résument, me semble-t-il, l'essentiel. De quoi nous faire réfléchir sur le face à face actuel avec les sciences de la communication, s'étendant aujourd'hui aux images et aux sons véhiculés par la multiplicité des médias ! Deux mille ans d'expériences devraient nous être utiles... Mais une autre problématique a encore pesé tout au long des siècles sur la prédication : les luttes et les changements théologiques.
2. THÉOLOGIE ET PRÉDICATION
La prédication apparaît souvent comme de la théologie de seconde zone dont l'intérêt n'est pas primordial. C'est ainsi qu'au début du XIXème siècle à Genève, les prédications de Calvin qui “encombraient” les rayons de la bibliothèque (42 volumes !) ont été vendues au poids ! Richard Stauffer, préparant sa thèse de doctorat sur les prédications de Calvin a eu toutes les peines du monde à en rassembler l'essentiel. On ne pouvait pas concevoir que ces longs discours de vulgarisation pour le commun peuple aient quelque intérêt, alors qu'on avait tout dans l'Institution et les traités. On en revient aujourd'hui, et les thèses sur les 12 recueils de sermons se multiplient. Pourquoi donc ? Parce qu'on s'est enfin rendu compte que les prédications étaient des témoins privilégiés de la théologie de l'Église à telle époque et dans tel milieu. Non pas celle de tel cercle intellectuel restreint ou de tel auteur, mais celle qui s'est vraiment imposée et a imprégné la pensée de tout un peuple. Au long des siècle, les théologiens remarquables ont été aussi de grands prédicateurs, tout autant marqués par leur époque, que marquant les esprits.
Parmi les Pères, les prédications d'Origène comme celles d'Augustin sont catéchétiques, témoins de cet effort surhumain pour enseigner les foules qui rejoignent en masse l'Église, maintenant que le christianisme est officiel et bientôt obligatoire. C'est l'Écriture qu'il faut exposer et dont il faut clarifier le sens. Origène a bien distingué les trois sens de l'Écriture : littéral, spirituel et moral. Les prédications de Jean Chrysostome comme d'Augustin se veulent attachées à l'Écriture, et ce lien Écritures – prédication subsistera au long des siècles, même s'il a été plusieurs fois très malmené.
La relation entre théologie et prédication se vérifie surtout lors des périodes de réformes et de réveils. Tout renouveau théologique se traduit par un renouveau de la prédication. Ainsi la naissance des ordres mendiants au Moyen-Âge, en réaction à la mondanisation du clergé, et bien sûr, la Réformation du XVIème siècle, dont tous les grands noms ont été des prédicateurs prolixes et appréciés.
Ce qui frappe, c'est qu'il faut parler d'une révolution dans la prédication plutôt que d'une réforme. Le fond et la forme changent complètement. Le Réveil piétiste des XVIIème et XVIIIème siècles en est un bel exemple. Aux longues prédications érudites et dogmatiques, voire politiques de l'orthodoxie luthérienne succèdent des prédications plus courtes, fortement attachées à l'Écriture, interpellant les auditeurs en leur quotidien et leur vie spirituelle personnelle. Les prédications bouleversent les foules et sont le fer de lance d'une théologie renouvelée ; non pas nouvelle, affirment les prédicateurs piétistes, mais retournant aux sources, et de l'Évangile, et de Luther.
Quand la prédication devient insipide, rituelle, qu'elle ne suscite plus d'intérêt, il faut se poser des questions, non seulement sur la qualité de la formation homilétique du prédicateur, mais aussi et surtout sur la nature de sa théologie. Le succès n'est pas toujours signe d'orthodoxie, c'est vrai, mais l'Évangile scripturaire ne laisse jamais indifférent, et le Saint-Esprit enflamme, convainc et rend éloquent qui il veut. Lorsqu'une redécouverte théologique, une formulation nouvelle et heureuse de l'Évangile éternel se traduisent en prédication, c'est qu'elles atteignent leur but : une vivification du peuple de Dieu. La théologie ne reste pas prisonnière d'ouvrages rares et chers, ou d'une élite intellectuelle qui seule l'apprécie. C'est une des grandes leçons de l'histoire.
3. POLITIQUE ET PRÉDICATION
Il nous faut prendre ici le mot “politique” dans son sens le plus large, c'est à dire au masculin : le politique, c'est à dire tout ce qui concerne l'organisation et la vie des communautés humaines. La prédication est bien liée au politique, si elle se veut prophétie au sens biblique du terme, c'est dire parole de Dieu pour l'ici et maintenant des hommes. L'histoire le vérifie constamment.
Quand au IVème siècle le christianisme est devenu religion d'État et que les foules païennes ont envahi les Églises, la prédication s'est chargée de l'éducation de masse, nous l'avons dit, mais elle est aussi devenue une partie importante du grand spectacle cultuel qu'il fallait organiser pour intéresser ces masses et les captiver. Le prédicateur s'est donc mué en orateur à succès, l'Église en salle de spectacle et l'auditoire en public ; un public qui pouvait se manifester bruyamment par des applaudissement, ou des murmures... On ne gère pas en effet de la même façon une petite assemblée de professants inquiets de la persécution et une multitude pratiquement obligée d'assister à un culte. Le cadre oblige la forme, mais aussi le fond.
Après la chute de la civilisation gallo-romaine, le raz de marée barbare, l'Europe plus ou moins christianisée était à reconquérir par l'Église. De plus, de grandes régions étaient encore totalement païennes. La prédication est donc devenue missionnaire. Il a fallu forger une langue propre à transmettre le message à ces populations. Une langue vernaculaire, mais aussi littéraire tout en restant populaire. Une langue qui s'efforce de traduire les données bibliques, mais aussi les aspirations religieuses profondes du peuple. Les prédications des mystiques rhénans en sont un bel exemple. Le latin continuait à être employé dans les cercles intellectuels, mais ce n'est pas lui qui pouvait toucher les gens, c'est leur langue commune, celle de la prédication. Les thèmes de la prédication seront catéchétiques : le Credo, le Notre Père, les deux commandements d'amour, le Décalogue, bases de la catéchèse pour bien des siècles. Ces thèmes correspondent aussi aux préoccupations qui agitent ces foules : l'enfer et le purgatoire aux XIème et XIIème siècles, puis la passion du Christ.
Cette prédication participe aussi aux soubresauts de l'histoire politique d'un monde qui se construit : les croisades ; le combat contre les hérésies. D'abord instrument d'éducation sociale, elle devient un élément central de la vie publique.
La Réforme poursuivra dans ce sens. Les foules de Genève, Wittenberg, Strasbourg, Zurich qui devenaient soudain réformées étaient à évangéliser et rééduquer complètement sur le plan spirituel comme sur les plans social et politique. Cela passait par la prédication. À Genève, il était pratiquement obligatoire d'y assister.
Le réveil méthodiste du XVIIIème siècle dans les pays anglophones a eu des conséquences politiques et sociales considérables. Au grand scandale de ses collègues anglicans, Wesley se mit à prêcher dans la rue, en plein air. Ce n'était pas de tout repos ! Mais les foules besogneuses dont le niveau de moralité et de culture était déplorable, venaient l'écouter. Les prisons et les bars se vidaient, la vie économique se transformait. Le réveil issu de Genève dans nos pays francophones a eu un impact culturel effectif dans la France du XIXème siècle. La Société les Livres Religieux de Toulouse qui a édité et diffusé des milliers d'ouvrages, des brochures aussi bien que des livres d'érudition, avait pour but non seulement l'évangélisation, mais aussi de relever le niveau culturel des Français en les encourageant à lire. Elle éditait notamment des sermons qui étaient lus chaque dimanche dans les groupes de “réveillés” qui n'avaient pas de pasteur. Il est possible de multiplier les exemples.
Les textes de prédication populaire sont un nouveau matériel de recherche pour les historiens. Ils permettent de pénétrer ainsi la pensée d'un peuple à un moment donné de l'histoire, ses opinions sur les évènements, sa manière d'y répondre d'espérer ou de désespérer. Longtemps négligée, la prédication est redécouverte comme incarnant les préoccupations, les convictions, voir l'âme d'un peuple.
Le prédicateur en effet reflète les attentes, les questions voir les valeurs d'un peuple, tout autant qu'il cherche à l'enseigner, à donner des réponses à ses problèmes éventuellement à le faire évoluer. La rhétorique a mis en évidence ce phénomène en montrant la nécessité pour un orateur d'un “accord” avec son auditoire s'il veut être écouté. Pour être compris, il se doit aussi de puiser dans le fond commun culturel du monde où il vit. C'est là un fait dont il faut être conscient si l'on veut le maîtriser et l'utiliser à bon escient. Ce peut être un piège s'il demeure inconscient. Le lien de la prédication au “politique” n'est donc pas seulement dû à la volonté du prédicateur de répondre aux problèmes concrets de son auditoire, il est aussi indispensable s'il veut convaincre et être compris.
Une analyse de la prédication d'aujourd'hui dans cette perspective serait fort intéressante, mais difficile, car on manque de recul. Ce n'est pas le cas dans la démarche historique. Les siècles qui ont passé ont permis d'affiner l'analyse, ainsi que la multiplicité des approches. Il est d'autre part plus facile d'être lucide et de prononcer des jugements sur des personnages et des situations éloignés. Mais les mêmes processus perdurent. Les mettre en évidence dans l'histoire peut être salutaire pour juger de notre prédication aujourd'hui. “Il n'y a rien de nouveau sous le soleil !” a dit le sage (Ec 1.9).
Bernard Huck
Les plus anciennes traces du culte chrétien font état de la prédication. L'apologiste Justin au IIème siècle, dans sa défense du christianisme dédiée aux empereurs Marc Aurèle et Lucius Verus, décrit ainsi la rencontre chrétienne : “Le jour qu'on appelle le Jour du soleil, tous, dans les villes ou à la campagne, se réunissent dans un même lieu ; on lit les Mémoires des apôtres et les écrits des prophètes, autant que le temps le permet. Quand le lecteur a fini, celui qui préside fait un discours pour instruire, pour exhorter à l'imitation de ces beaux enseignements” (Apol. 67.3). Le Nouveau Testament lui-même a quelques échos de notre prédication classique dans les premiers chapitres du livre des Actes, et même l'épître aux Hébreux où alternent sans cesse textes de l'Écriture, exégèse et exhortations circonstanciées. Plus avant encore, Jésus dans la synagogue de Nazareth lit, debout, un passage d'Ésaïe, puis il s'assied et le commente, adoptant sans doute une pratique habituelle dans les synagogues.
Cette tradition s'est poursuivie au cours des siècles ; la lecture de l'Écriture et son commentaire sont restés plus ou moins au centre du culte chrétien. Mais le fond et la forme de ce “commentaire” ont beaucoup varié. Suivre l'évolution de la prédication au long de l'histoire de l'Église est une aventure passionnante, car cette évolution suit les évènements, qu'ils soient sociaux, culturels, et même politiques et économiques. Ce qui n'est pas étonnant, si elle se veut vivante, liée au vécu des auditeurs, répondant à leur quotidien, comme les discours des prophètes d'autrefois. Ce lien entre la dynamique de l'histoire des peuples et la prédication nous aide d'ailleurs à mieux comprendre notre prédication d'aujourd'hui.
Tentons une approche de cette histoire mouvementée. Nous pourrions suivre un parcours linéaire classique, mais il sera intéressant de relever quelques “points chauds” qui ont fortement influencé la prédication au cours des temps, et restent déterminants aujourd'hui.
1. RHÉTORIQUE ET PRÉDICATION
Dès l'origine, la prédication a du se situer au sein des discours contemporains et marquer son originalité. La rhétorique, art du discours persuasif, a marqué toute la culture antique et même toute la culture intellectuelle occidentale jusqu'au XIXème siècle. La tentation était grande au premier siècle de s'y conformer pour être efficace. Paul lui-même au début de la première épître aux Corinthiens fait face au problème et affirme sa différence : “Ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d'Esprit et de puissance, afin que votre foi fut fondée non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. Cependant, c'est une sagesse que nous prêchons...” (1 Co 2.4-6). Le vocabulaire qui va peu à peu se préciser pour évoquer la prédication est significatif. Elle se définit dans les textes anciens comme “homélie”, du grec homilia qui désigne une conversation amicale (Ac 20.11, 24.26), comme le mot latin sermo.
Augustin au IVème siècle est parmi ceux qui ont le plus travaillé cette question. Il le pouvait, ayant étudié la rhétorique pendant dix ans et l'ayant enseignée pendant treize ans. Dans son traité De doctrina christiana, au livre IV, il reprend, certes, les analyses et les catégories de Cicéron concernant l'art de la persuasion par la parole, mais en montrant bien que leur application à la prédication oblige à des déséquilibres et des recentrages. Le fond est à privilégier sur la forme, l'éloquence à séparer de la rhétorique, sur le modèle biblique et celui des Pères de l'Église, dont il faut s'imprégner, plutôt que des grands orateurs païens. La matière de la prédication relève toujours du “sublime”, c'est à dire de l'Écriture, ce qui engendre une démarche rhétorique particulière : la primauté de ce que l'on doit dire sur la manière de le dire. Augustin relèvera aussi l'importance de la vie du prédicateur et de la prière : “Être orant avant d'être orateur”.
Parole de Dieu destinée au peuple de Dieu, la prédication dès les origines s'est voulue populaire, c'est dire comprise et appréciée par les auditoires les plus divers et les plus composites. Les prédications d'Augustin ont souvent désorienté les analystes à cet égard; Comment un ancien professeur de rhétorique pouvait-il se permettre des discours aussi peu structurés, pour ne pas dire désordonnés ? En fait, on s'est rendu compte que le discours dans son ensemble était solidement composé, mais accessible, ou mieux, en pleine symbiose avec la foule qui écoutait et ses réactions spontanées, son manque de suite dans les idées, ses jugements immédiats, ses enthousiasmes et ses déceptions (on applaudissait, on murmurait, on s'endormait et on se réveillait soudain). Pas d'élitisme, mais un moment où le sublime de la Parole de Dieu se communiquait clairement et simplement à tous.
Dans la bouche d'Augustin comme dans celle de la plupart des Pères, un genre nouveau se met en place pour l'annonce de la Parole : le genre tractatus (qui traduit le grec homilia). C'est le “commentaire oral d'un livre ou d'un passage de l'Écriture, présenté sous forme de sermon au peuple”. Il s'agit toujours d'un commentaire exégétique de l'Écriture, mais entrecoupé d'interpellations, d'anecdotes, d'exhortations directes, de remarques édifiantes. Les ouvrages d'exégèse rédigés avec soin et édités existaient (Augustin les désigne par le mot expositio), mais la plus grande partie des commentaires bibliques relève de ce genre tractatus, et cela jusqu'au XVIème siècle. C'est à cette époque que Mélanchton, imprégné de rhétorique comme tous les humanistes de ce temps et les Réformateurs, créera un nouveau genre rhétorique, le genre “didascalique”, caractéristique du ministre le plus important de la nouvelle révolution théologique et ecclésiale : le prédicateur et docteur en Écriture Sainte.
Ces quelques aperçus sont loin de couvrir l'ensemble du problème, mais ils en résument, me semble-t-il, l'essentiel. De quoi nous faire réfléchir sur le face à face actuel avec les sciences de la communication, s'étendant aujourd'hui aux images et aux sons véhiculés par la multiplicité des médias ! Deux mille ans d'expériences devraient nous être utiles... Mais une autre problématique a encore pesé tout au long des siècles sur la prédication : les luttes et les changements théologiques.
2. THÉOLOGIE ET PRÉDICATION
La prédication apparaît souvent comme de la théologie de seconde zone dont l'intérêt n'est pas primordial. C'est ainsi qu'au début du XIXème siècle à Genève, les prédications de Calvin qui “encombraient” les rayons de la bibliothèque (42 volumes !) ont été vendues au poids ! Richard Stauffer, préparant sa thèse de doctorat sur les prédications de Calvin a eu toutes les peines du monde à en rassembler l'essentiel. On ne pouvait pas concevoir que ces longs discours de vulgarisation pour le commun peuple aient quelque intérêt, alors qu'on avait tout dans l'Institution et les traités. On en revient aujourd'hui, et les thèses sur les 12 recueils de sermons se multiplient. Pourquoi donc ? Parce qu'on s'est enfin rendu compte que les prédications étaient des témoins privilégiés de la théologie de l'Église à telle époque et dans tel milieu. Non pas celle de tel cercle intellectuel restreint ou de tel auteur, mais celle qui s'est vraiment imposée et a imprégné la pensée de tout un peuple. Au long des siècle, les théologiens remarquables ont été aussi de grands prédicateurs, tout autant marqués par leur époque, que marquant les esprits.
Parmi les Pères, les prédications d'Origène comme celles d'Augustin sont catéchétiques, témoins de cet effort surhumain pour enseigner les foules qui rejoignent en masse l'Église, maintenant que le christianisme est officiel et bientôt obligatoire. C'est l'Écriture qu'il faut exposer et dont il faut clarifier le sens. Origène a bien distingué les trois sens de l'Écriture : littéral, spirituel et moral. Les prédications de Jean Chrysostome comme d'Augustin se veulent attachées à l'Écriture, et ce lien Écritures – prédication subsistera au long des siècles, même s'il a été plusieurs fois très malmené.
La relation entre théologie et prédication se vérifie surtout lors des périodes de réformes et de réveils. Tout renouveau théologique se traduit par un renouveau de la prédication. Ainsi la naissance des ordres mendiants au Moyen-Âge, en réaction à la mondanisation du clergé, et bien sûr, la Réformation du XVIème siècle, dont tous les grands noms ont été des prédicateurs prolixes et appréciés.
Ce qui frappe, c'est qu'il faut parler d'une révolution dans la prédication plutôt que d'une réforme. Le fond et la forme changent complètement. Le Réveil piétiste des XVIIème et XVIIIème siècles en est un bel exemple. Aux longues prédications érudites et dogmatiques, voire politiques de l'orthodoxie luthérienne succèdent des prédications plus courtes, fortement attachées à l'Écriture, interpellant les auditeurs en leur quotidien et leur vie spirituelle personnelle. Les prédications bouleversent les foules et sont le fer de lance d'une théologie renouvelée ; non pas nouvelle, affirment les prédicateurs piétistes, mais retournant aux sources, et de l'Évangile, et de Luther.
Quand la prédication devient insipide, rituelle, qu'elle ne suscite plus d'intérêt, il faut se poser des questions, non seulement sur la qualité de la formation homilétique du prédicateur, mais aussi et surtout sur la nature de sa théologie. Le succès n'est pas toujours signe d'orthodoxie, c'est vrai, mais l'Évangile scripturaire ne laisse jamais indifférent, et le Saint-Esprit enflamme, convainc et rend éloquent qui il veut. Lorsqu'une redécouverte théologique, une formulation nouvelle et heureuse de l'Évangile éternel se traduisent en prédication, c'est qu'elles atteignent leur but : une vivification du peuple de Dieu. La théologie ne reste pas prisonnière d'ouvrages rares et chers, ou d'une élite intellectuelle qui seule l'apprécie. C'est une des grandes leçons de l'histoire.
3. POLITIQUE ET PRÉDICATION
Il nous faut prendre ici le mot “politique” dans son sens le plus large, c'est à dire au masculin : le politique, c'est à dire tout ce qui concerne l'organisation et la vie des communautés humaines. La prédication est bien liée au politique, si elle se veut prophétie au sens biblique du terme, c'est dire parole de Dieu pour l'ici et maintenant des hommes. L'histoire le vérifie constamment.
Quand au IVème siècle le christianisme est devenu religion d'État et que les foules païennes ont envahi les Églises, la prédication s'est chargée de l'éducation de masse, nous l'avons dit, mais elle est aussi devenue une partie importante du grand spectacle cultuel qu'il fallait organiser pour intéresser ces masses et les captiver. Le prédicateur s'est donc mué en orateur à succès, l'Église en salle de spectacle et l'auditoire en public ; un public qui pouvait se manifester bruyamment par des applaudissement, ou des murmures... On ne gère pas en effet de la même façon une petite assemblée de professants inquiets de la persécution et une multitude pratiquement obligée d'assister à un culte. Le cadre oblige la forme, mais aussi le fond.
Après la chute de la civilisation gallo-romaine, le raz de marée barbare, l'Europe plus ou moins christianisée était à reconquérir par l'Église. De plus, de grandes régions étaient encore totalement païennes. La prédication est donc devenue missionnaire. Il a fallu forger une langue propre à transmettre le message à ces populations. Une langue vernaculaire, mais aussi littéraire tout en restant populaire. Une langue qui s'efforce de traduire les données bibliques, mais aussi les aspirations religieuses profondes du peuple. Les prédications des mystiques rhénans en sont un bel exemple. Le latin continuait à être employé dans les cercles intellectuels, mais ce n'est pas lui qui pouvait toucher les gens, c'est leur langue commune, celle de la prédication. Les thèmes de la prédication seront catéchétiques : le Credo, le Notre Père, les deux commandements d'amour, le Décalogue, bases de la catéchèse pour bien des siècles. Ces thèmes correspondent aussi aux préoccupations qui agitent ces foules : l'enfer et le purgatoire aux XIème et XIIème siècles, puis la passion du Christ.
Cette prédication participe aussi aux soubresauts de l'histoire politique d'un monde qui se construit : les croisades ; le combat contre les hérésies. D'abord instrument d'éducation sociale, elle devient un élément central de la vie publique.
La Réforme poursuivra dans ce sens. Les foules de Genève, Wittenberg, Strasbourg, Zurich qui devenaient soudain réformées étaient à évangéliser et rééduquer complètement sur le plan spirituel comme sur les plans social et politique. Cela passait par la prédication. À Genève, il était pratiquement obligatoire d'y assister.
Le réveil méthodiste du XVIIIème siècle dans les pays anglophones a eu des conséquences politiques et sociales considérables. Au grand scandale de ses collègues anglicans, Wesley se mit à prêcher dans la rue, en plein air. Ce n'était pas de tout repos ! Mais les foules besogneuses dont le niveau de moralité et de culture était déplorable, venaient l'écouter. Les prisons et les bars se vidaient, la vie économique se transformait. Le réveil issu de Genève dans nos pays francophones a eu un impact culturel effectif dans la France du XIXème siècle. La Société les Livres Religieux de Toulouse qui a édité et diffusé des milliers d'ouvrages, des brochures aussi bien que des livres d'érudition, avait pour but non seulement l'évangélisation, mais aussi de relever le niveau culturel des Français en les encourageant à lire. Elle éditait notamment des sermons qui étaient lus chaque dimanche dans les groupes de “réveillés” qui n'avaient pas de pasteur. Il est possible de multiplier les exemples.
Les textes de prédication populaire sont un nouveau matériel de recherche pour les historiens. Ils permettent de pénétrer ainsi la pensée d'un peuple à un moment donné de l'histoire, ses opinions sur les évènements, sa manière d'y répondre d'espérer ou de désespérer. Longtemps négligée, la prédication est redécouverte comme incarnant les préoccupations, les convictions, voir l'âme d'un peuple.
Le prédicateur en effet reflète les attentes, les questions voir les valeurs d'un peuple, tout autant qu'il cherche à l'enseigner, à donner des réponses à ses problèmes éventuellement à le faire évoluer. La rhétorique a mis en évidence ce phénomène en montrant la nécessité pour un orateur d'un “accord” avec son auditoire s'il veut être écouté. Pour être compris, il se doit aussi de puiser dans le fond commun culturel du monde où il vit. C'est là un fait dont il faut être conscient si l'on veut le maîtriser et l'utiliser à bon escient. Ce peut être un piège s'il demeure inconscient. Le lien de la prédication au “politique” n'est donc pas seulement dû à la volonté du prédicateur de répondre aux problèmes concrets de son auditoire, il est aussi indispensable s'il veut convaincre et être compris.
Une analyse de la prédication d'aujourd'hui dans cette perspective serait fort intéressante, mais difficile, car on manque de recul. Ce n'est pas le cas dans la démarche historique. Les siècles qui ont passé ont permis d'affiner l'analyse, ainsi que la multiplicité des approches. Il est d'autre part plus facile d'être lucide et de prononcer des jugements sur des personnages et des situations éloignés. Mais les mêmes processus perdurent. Les mettre en évidence dans l'histoire peut être salutaire pour juger de notre prédication aujourd'hui. “Il n'y a rien de nouveau sous le soleil !” a dit le sage (Ec 1.9).
Bernard Huck
Page 1 sur 2 • 1, 2
Sujets similaires
» Melchisédek selon les religions
» Qui est l’Archange Michaël selon les "religions" ???
» Qui sont GOG et/de MAGOG, selon les "religions" ?
» Babylone la Grande, selon les religions
» Pourquoi le nom de Dieu a-t-il été oublié selon les "religions" ?
» Qui est l’Archange Michaël selon les "religions" ???
» Qui sont GOG et/de MAGOG, selon les "religions" ?
» Babylone la Grande, selon les religions
» Pourquoi le nom de Dieu a-t-il été oublié selon les "religions" ?
Forum Religion : Le Forum des Religions Pluriel :: ○ Science / Histoire :: Histoire/Religion :: Histo religieuse
Page 1 sur 2
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum