Les traits fondamentaux de la religion chinoise
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Les traits fondamentaux de la religion chinoise
Les traits fondamentaux de la religion chinoise
Vincent Goossaert
La Chine rend caduque toute tentative de quantifier l'importance des différentes religions dans le monde. En effet, tandis que l'on peut assez aisément estimer le nombre de musulmans ou de chrétiens, le cinquième de l'humanité que représentent les Chinois ne se laisse pas classer dans une de nos catégories habituelles. Si on les interroge aujourd'hui, ils se diront généralement athées, surtout en République populaire. Il s'agit là moins d'une conviction que d'un réflexe acquis au cours d'un siècle de répression des « superstitions » par l'État. Les mêmes personnes n'en gardent pas moins de nombreuses pratiques religieuses, comme nous l'explique Vincent Goossaert qui a publié en 2000, chez Albin Michel, Dans les temples de la Chine. Histoire des cultes, vie des communautés.
Traditionnellement, en Chine, on se dit confucianiste quand on est lettré, bouddhiste quand on est dévot, et seuls les prêtres taoïstes se reconnaissent comme tels. En fait, les trois religions de la Chine – confucianisme, bouddhisme et taoïsme – qui ont été, pendant plus de mille cinq cents ans, reconnues par l'État impérial comme les trois formes de l'orthodoxie religieuse, ne fonctionnent pas comme des églises auxquelles les fidèles appartiennent de manière exclusive, mais comme des formes spécialisées, institutionnalisées à l'intérieur d'un ensemble plus large, la religion chinoise.
La religion chinoise
Pour comprendre la religion en Chine, il faut donc quitter le modèle occidental des Églises avec les dénominations concurrentes auxquelles chacun est rattaché. C'est pourtant ce modèle occidental qui explique la politique religieuse des différents régimes politiques de la Chine moderne – le Parti communiste en Chine populaire, le Kuomin tang à Taiwan. Par exemple, la Chine populaire reconnaît cinq religions, les trois susnommées, auxquelles s'ajoutent l'islam et le christianisme, qui font des conversions, mais restent largement minoritaires. Ces religions peuvent exister séparément de la société, avec leurs séminaires, leurs monastères…, tandis que l'organisation des temples locaux et leurs célébrations ne sont pas reconnues par l'État.
La religion chinoise, même si elle n'est pas reconnue ni par l'État chinois ni par la communauté internationale qui n'y voit pas une « grande religion mondiale », existe bien néanmoins. Elle est sans nom, parce que sans aucune structure institutionnelle, sans hiérarchie, sans autorité dogmatique, mais possède néanmoins une histoire, qui est à la fois celle de l'absorption de traditions locales (taoïsme, confucianisme) ou étrangères (bouddhisme), et de résistance aux emprises des églises et des organisations centralisées.
Du point de vue des idées, la religion chinoise se fonde sur une conception de l'univers comme un tout organique, sans création/événement, sans division entre âme et matière. Sa cosmologie se fonde sur les cycles naturels et explique le fonctionnement et l'évolution permanente du monde par le jeu et la combinaison de symboles : yin et yang, cinq phases. Chaque être possède en soi tous les ingrédients de l'univers, et chaque vie se déroule suivant les mêmes lois qui expliquent le fonctionnement du cosmos. Tous les êtres vivants peuvent se purifier par la vertu ou l'ascèse et acquérir, avant ou après la mort, une force spirituelle qui leur permet de ne pas se dissoudre dans l'oubli de la mort, de rester présent dans le monde et de continuer à y intervenir. Après la mort, on devient ancêtre – pour ceux qui ont rempli leurs devoirs moraux – mais aussi, pour ceux qui ont une force spirituelle particulière, divinité ayant un rang dans la bureaucratie céleste, ou démon – les victimes de malemort, les défunts animés par un désir de vengeance exceptionnelle. Ces trois catégories : ancêtre, dieu, démon permettent de classer les êtres de l'au-delà, et de déterminer les types d'offrandes à effectuer, mais elles ne sont pas absolues ; en réalité, les ancêtres ou dieux des uns sont souvent les démons des autres.
Le contact entre vivants et non-vivants est possible, et même fréquent, mais doit être régulé par le rituel, afin de protéger les humains des prédations et des demandes excessives des êtres de l'au-delà, en particulier des démons. Les humains sont organisés en communautés qui vénèrent ces êtres exceptionnels, pour la plupart des saints locaux, c'est-à-dire des héros qui, du fait de leurs exploits et mérites, sont devenus divinités. Tout rapport au sacré, que ce soit à un ancêtre ou à un saint, se plie à certaines règles de purification. La relation entre une communauté humaine et sa divinité est contractuelle et mutuellement bénéficiaire : la première loge le dieu – dans un temple, qui doit être la plus belle demeure de la communauté – et le nourrit par les offrandes appropriées, en échange de quoi il la protège.
Les « trois religions »
En sus de cette religion communautaire, il existe aussi trois traditions de perfection individuelle, institutionnalisées à l'intérieur de la religion chinoise : confucianisme, taoïsme, bouddhisme. Les deux premiers apparaissent à la même époque, vers les VIe-Ve siècles avant notre ère, tandis que le bouddhisme s'acclimate en Chine à partir du premier siècle de notre ère. Tous trois sont plus tardifs que l'organisation fondamentale de la religion chinoise, que l'on trouve dès la haute Antiquité. Bien que mises sur un même plan, ces trois traditions sont d'inspiration différente. Le bouddhisme est une religion missionnaire tandis que le taoïsme, si lié à la langue et au terrain de la Chine, ne s'est que très peu exporté. Quant au confucianisme, certains lui nient même le statut de religion : prenant son nom occidental de Confucius – les Chinois disent « la religion des serviteurs de l'État » – c'est une doctrine de perfection morale. Il a connu, entre les XIe et XIIIe siècles, un renouvellement dans le sens d'un approfondissement métaphysique – le néoconfucianisme – empruntant beaucoup au bouddhisme et au taoïsme tout en voulant les évacuer. Il demeure caractérisé par une tension entre son statut d'idéologie officielle et sa nature de voie de perfection ascétique. Aujourd'hui, le rituel confucianiste a presque disparu, et les intellectuels « néo-néoconfucianistes », souvent proches des milieux protestants, affirment adhérer à une éthique, et non une religion. Ce point de vue contemporain, que l'on peut qualifier de fondamentaliste, ne peut s'appliquer au confucianisme tel qu'il a fonctionné pendant deux millénaires comme partie intégrante de la religion chinoise.
Chacune des trois religions institutionnalisées est définie par trois éléments : un clergé, avec des monastères où ses membres sont formés et ordonnés ; un canon, à savoir des écritures saintes qui définissent son orthodoxie ; une liturgie. Elles sont mises à la disposition de l'ensemble de la société chinoise : chaque fidèle ou chaque communauté de temple peut demander à un bouddhiste, un taoïste ou un confucianiste de venir effectuer un rituel ou dispenser un enseignement, ce qui ne veut pas dire que la personne ou la communauté en question est confucianiste, taoïste ou bouddhiste. Les trois religions ont bien essayé, depuis deux millénaires, de réguler la vie des temples et les mœurs des gens suivant leurs propres conceptions, mais ces tentatives n'ont été que médiocrement couronnées de succès. Certes, chacune a pu faire passer des notions fondamentales qui ont été universellement adoptées : la morale sociale confucéenne, la notion bouddhique de rétribution des actes qui explique les réincarnations, la notion taoïste de la transcendance par et avec le corps – lesquelles, non propres à la doctrine d'une religion, sont partagées par l'ensemble de la religion chinoise. En revanche, sur d'autres points tout aussi importants, la résistance de la religion chinoise et de ses cultes locaux face aux emprises des trois religions institutionnalisées s'est avérée très efficace. Ainsi, bouddhisme et taoïsme n'ont jamais réussi à abolir les offrandes de viande aux divinités, tandis que le confucianisme n'a pu imposer sa vision puriste des cultes locaux – sans bâtiment, sans icône, sans fêtes ni musique. En conséquence, il serait vain de classer les temples en bouddhistes, taoïstes ou confucianistes. Si un petit nombre d'établissements, monastères ou ermitages, sont contrôlés par les clergés de ces trois religions pour leur propre usage, la très grande majorité des temples chinois est tout à fait indépendante d'eux. Un bon nombre d'entre eux employait des bouddhistes ou taoïstes comme gardiens du lieu, mais dans un rapport de subordination aux dirigeants laïcs de la communauté de culte. On trouve aussi dans les temples des spécialistes qui ne sont pas organisés en clergé, notamment les médiums ou chamans, régulièrement possédés par la divinité, en état de transe, et donnant des oracles, répondant aux questions et guérissant par des talismans. On trouve encore des devins et géomanciens, qui aident les fidèles dans les pratiques de divination, omniprésentes dans la vie quotidienne.
Les différentes formes d'organisation religieuse
On peut, pour les besoins de la description, distinguer deux formes d'organisation religieuse en Chine : obligatoire et volontaire. Chacun appartient de manière obligatoire à la communauté de culte de sa famille ou lignage, du territoire sur lequel il vit – temple de quartier ou de village – et de sa corporation de métier. La communauté familiale est consacrée au culte aux ancêtres, collectif, dirigé par les fils aînés. Il a lieu de manière habituelle au sein de la famille, dans l'habitation commune où un autel est réservé aux ancêtres. Par ailleurs les grands lignages, à savoir les ensembles des descendants d'un même ancêtre, où qu'ils se trouvent, se forment à partir du XIIe siècle et constituent parfois des organisations immenses et puissantes, possédant un temple à part et des fondations : écoles, cimetière.
La communauté territoriale rassemble de fait tous les habitants d'un même territoire – lequel ne correspond pas à la géographie administrative – dont les limites bien précises sont marquées par les processions. Le temple du territoire organise une fête annuelle pour l'anniversaire de sa divinité, qui est l'occasion d'offrandes monumentales, consommées ensuite lors du banquet communautaire, ainsi que de spectacles – opéra, foire – et de rituels par des prêtres bouddhiques ou taoïstes. Tous les habitants du territoire, sauf les résidents de passage, doivent payer leur contribution à l'organisation de la fête et les convertis chrétiens et musulmans qui s'y refusent créent des tensions parfois violentes. Les corporations de métiers organisées autour du culte de leur saint patron fonctionnaient selon le même principe mais, contrairement aux familles et aux communautés territoriales, elles ont largement disparu au cours du XXe siècle.
Par ailleurs, des communautés de culte volontaires se forment librement. En effet, les formes « obligatoires » de la religion permettent de valider les structures sociales et d'assurer la cohésion des groupes, mais ne laissent que peu de place aux besoins spirituels des individus. Du moment qu'il satisfait à ses obligations, chacun peut se joindre à toutes sortes d'organisations religieuses, ce qui ne pose pas problème – sauf en cas d'adhésion à certains mouvements sectaires. Ainsi s'explique qu'on puisse trouver dans une même famille des adeptes de différents groupes religieux sans que cela ne surprenne quiconque. On trouve donc de très nombreuses associations de culte, autour d'un simple brûle-encens et d'une statue ou tablette de la divinité, placés chez le chef du groupe, ou dans un temple si le groupe est assez riche. Elles se forment souvent après un miracle ou une guérison. Les associations de pèlerinage se rendent chaque année sur une montagne sainte. Les troupes de jeunes hommes formés aux arts martiaux pratiquent la danse du dragon pour les processions et servent aussi de milice locale ; d'autres troupes proposent des spectacles lors des fêtes. Des associations charitables se forment aussi dans les temples pour donner du thé aux pèlerins, faire la charité aux pauvres ou offrir tel type d'offrande coûteuse. Elles permettent aussi aux femmes de se créer un espace propre, et certaines partent entre elles en pèlerinage et passent la nuit dans les temples.
Depuis le XIXe siècle, l'une des formes majeures des associations religieuses est le groupe d'écriture inspirée. Cette technique, qui rappelle le spiritisme occidental mais est beaucoup plus largement acceptée que lui, est courante en Chine depuis au moins le XIIe siècle : elle permet la révélation directe des dieux par l'intermédiaire d'un médium – un jeune enfant ou une personne illettrée, de préférence – sur papier ou dans du sable. Les messages sont copiés et interprétés par un adulte, puis souvent publiés. Parmi les révélations, on trouve des écritures saintes, des poèmes, des conseils personnels, des recettes médicales, et surtout des traités de morale. Tous ces textes accordent un rôle fondamental à la morale traditionnelle – piété filiale, rejet de l'alcool, de la drogue, de la débauche et du jeu – et les groupes qui les diffusent pratiquent activement la charité ; ils nourrissent les pauvres en organisant des soupes populaires, offrent vêtements et cercueils pour fournir aux pauvres un enterrement décent, collectent de l'argent pour secourir les victimes de catastrophes naturelles et distribuent des médicaments pendant les épidémies.
Enfin existent aussi des groupes religieux moins bien intégrés socialement, sociétés secrètes – alliances jurées – et mouvements sectaires. Ces derniers, très actifs depuis le XVIe siècle, offrent une sorte de pot-pourri facilement accessible des doctrines de salut bouddhique, confucianiste et taoïste : comme les membres des clergés, les prédicateurs sectaires guérissent les gens, leur enseignent les arts martiaux, les techniques de maîtrise du corps et de longévité, la méditation, mais de façon beaucoup plus prosélyte. De plus, ils se présentent comme une voie de salut exclusive, contredisant en cela l'inspiration englobante de la religion chinoise. Les prédicateurs sectaires reprennent des idées millénaristes – seuls les élus seront sauvés – qui traversent périodiquement la société chinoise depuis l'Antiquité. De fait, certains groupes de ce type basculent dans la rébellion armée, et l'ensemble du monde sectaire a été persécuté par l'État depuis le XVIe siècle, et ce jusqu'à aujourd'hui. Cependant, la plupart d'entre eux sont paisibles et se fondent dans le paysage ; ils contrôlent aujourd'hui la situation dans certaines campagnes où la religion traditionnelle des temples a disparu.
En effet, de manière générale, moins la religion traditionnelle des temples et la présence bouddhique et taoïste sont actives, et plus les mouvements sectaires sont florissants. Tel est le cas dans les communautés chinoises de l'expansion, hors de Chine même, mais aussi et surtout en Chine où des groupes tels que le Falun gong, qui enseigne des techniques du corps traditionnelles, mais au travers d'une organisation et d'une idéologie sectaire, peuvent recruter des millions de membres.
La destruction de la religion chinoise a été très importante : il existait environ un million de temples au début du XXe siècle, au tout début d'une série de politiques antireligieuses qui ont fait disparaître la grande majorité d'entre eux, avec tout leur patrimoine architectural et artistique. On a surtout préservé les grands monastères, aujourd'hui ouverts, alors que les temples populaires demeurent dans un statut ambigu en Chine populaire.
Vincent Goossaert
http://www.clio.fr/bibliotheque/les_traits_fondamentaux_de_la_religion_chinoise.asp[/b][/i]
Vincent Goossaert
La Chine rend caduque toute tentative de quantifier l'importance des différentes religions dans le monde. En effet, tandis que l'on peut assez aisément estimer le nombre de musulmans ou de chrétiens, le cinquième de l'humanité que représentent les Chinois ne se laisse pas classer dans une de nos catégories habituelles. Si on les interroge aujourd'hui, ils se diront généralement athées, surtout en République populaire. Il s'agit là moins d'une conviction que d'un réflexe acquis au cours d'un siècle de répression des « superstitions » par l'État. Les mêmes personnes n'en gardent pas moins de nombreuses pratiques religieuses, comme nous l'explique Vincent Goossaert qui a publié en 2000, chez Albin Michel, Dans les temples de la Chine. Histoire des cultes, vie des communautés.
Traditionnellement, en Chine, on se dit confucianiste quand on est lettré, bouddhiste quand on est dévot, et seuls les prêtres taoïstes se reconnaissent comme tels. En fait, les trois religions de la Chine – confucianisme, bouddhisme et taoïsme – qui ont été, pendant plus de mille cinq cents ans, reconnues par l'État impérial comme les trois formes de l'orthodoxie religieuse, ne fonctionnent pas comme des églises auxquelles les fidèles appartiennent de manière exclusive, mais comme des formes spécialisées, institutionnalisées à l'intérieur d'un ensemble plus large, la religion chinoise.
La religion chinoise
Pour comprendre la religion en Chine, il faut donc quitter le modèle occidental des Églises avec les dénominations concurrentes auxquelles chacun est rattaché. C'est pourtant ce modèle occidental qui explique la politique religieuse des différents régimes politiques de la Chine moderne – le Parti communiste en Chine populaire, le Kuomin tang à Taiwan. Par exemple, la Chine populaire reconnaît cinq religions, les trois susnommées, auxquelles s'ajoutent l'islam et le christianisme, qui font des conversions, mais restent largement minoritaires. Ces religions peuvent exister séparément de la société, avec leurs séminaires, leurs monastères…, tandis que l'organisation des temples locaux et leurs célébrations ne sont pas reconnues par l'État.
La religion chinoise, même si elle n'est pas reconnue ni par l'État chinois ni par la communauté internationale qui n'y voit pas une « grande religion mondiale », existe bien néanmoins. Elle est sans nom, parce que sans aucune structure institutionnelle, sans hiérarchie, sans autorité dogmatique, mais possède néanmoins une histoire, qui est à la fois celle de l'absorption de traditions locales (taoïsme, confucianisme) ou étrangères (bouddhisme), et de résistance aux emprises des églises et des organisations centralisées.
Du point de vue des idées, la religion chinoise se fonde sur une conception de l'univers comme un tout organique, sans création/événement, sans division entre âme et matière. Sa cosmologie se fonde sur les cycles naturels et explique le fonctionnement et l'évolution permanente du monde par le jeu et la combinaison de symboles : yin et yang, cinq phases. Chaque être possède en soi tous les ingrédients de l'univers, et chaque vie se déroule suivant les mêmes lois qui expliquent le fonctionnement du cosmos. Tous les êtres vivants peuvent se purifier par la vertu ou l'ascèse et acquérir, avant ou après la mort, une force spirituelle qui leur permet de ne pas se dissoudre dans l'oubli de la mort, de rester présent dans le monde et de continuer à y intervenir. Après la mort, on devient ancêtre – pour ceux qui ont rempli leurs devoirs moraux – mais aussi, pour ceux qui ont une force spirituelle particulière, divinité ayant un rang dans la bureaucratie céleste, ou démon – les victimes de malemort, les défunts animés par un désir de vengeance exceptionnelle. Ces trois catégories : ancêtre, dieu, démon permettent de classer les êtres de l'au-delà, et de déterminer les types d'offrandes à effectuer, mais elles ne sont pas absolues ; en réalité, les ancêtres ou dieux des uns sont souvent les démons des autres.
Le contact entre vivants et non-vivants est possible, et même fréquent, mais doit être régulé par le rituel, afin de protéger les humains des prédations et des demandes excessives des êtres de l'au-delà, en particulier des démons. Les humains sont organisés en communautés qui vénèrent ces êtres exceptionnels, pour la plupart des saints locaux, c'est-à-dire des héros qui, du fait de leurs exploits et mérites, sont devenus divinités. Tout rapport au sacré, que ce soit à un ancêtre ou à un saint, se plie à certaines règles de purification. La relation entre une communauté humaine et sa divinité est contractuelle et mutuellement bénéficiaire : la première loge le dieu – dans un temple, qui doit être la plus belle demeure de la communauté – et le nourrit par les offrandes appropriées, en échange de quoi il la protège.
Les « trois religions »
En sus de cette religion communautaire, il existe aussi trois traditions de perfection individuelle, institutionnalisées à l'intérieur de la religion chinoise : confucianisme, taoïsme, bouddhisme. Les deux premiers apparaissent à la même époque, vers les VIe-Ve siècles avant notre ère, tandis que le bouddhisme s'acclimate en Chine à partir du premier siècle de notre ère. Tous trois sont plus tardifs que l'organisation fondamentale de la religion chinoise, que l'on trouve dès la haute Antiquité. Bien que mises sur un même plan, ces trois traditions sont d'inspiration différente. Le bouddhisme est une religion missionnaire tandis que le taoïsme, si lié à la langue et au terrain de la Chine, ne s'est que très peu exporté. Quant au confucianisme, certains lui nient même le statut de religion : prenant son nom occidental de Confucius – les Chinois disent « la religion des serviteurs de l'État » – c'est une doctrine de perfection morale. Il a connu, entre les XIe et XIIIe siècles, un renouvellement dans le sens d'un approfondissement métaphysique – le néoconfucianisme – empruntant beaucoup au bouddhisme et au taoïsme tout en voulant les évacuer. Il demeure caractérisé par une tension entre son statut d'idéologie officielle et sa nature de voie de perfection ascétique. Aujourd'hui, le rituel confucianiste a presque disparu, et les intellectuels « néo-néoconfucianistes », souvent proches des milieux protestants, affirment adhérer à une éthique, et non une religion. Ce point de vue contemporain, que l'on peut qualifier de fondamentaliste, ne peut s'appliquer au confucianisme tel qu'il a fonctionné pendant deux millénaires comme partie intégrante de la religion chinoise.
Chacune des trois religions institutionnalisées est définie par trois éléments : un clergé, avec des monastères où ses membres sont formés et ordonnés ; un canon, à savoir des écritures saintes qui définissent son orthodoxie ; une liturgie. Elles sont mises à la disposition de l'ensemble de la société chinoise : chaque fidèle ou chaque communauté de temple peut demander à un bouddhiste, un taoïste ou un confucianiste de venir effectuer un rituel ou dispenser un enseignement, ce qui ne veut pas dire que la personne ou la communauté en question est confucianiste, taoïste ou bouddhiste. Les trois religions ont bien essayé, depuis deux millénaires, de réguler la vie des temples et les mœurs des gens suivant leurs propres conceptions, mais ces tentatives n'ont été que médiocrement couronnées de succès. Certes, chacune a pu faire passer des notions fondamentales qui ont été universellement adoptées : la morale sociale confucéenne, la notion bouddhique de rétribution des actes qui explique les réincarnations, la notion taoïste de la transcendance par et avec le corps – lesquelles, non propres à la doctrine d'une religion, sont partagées par l'ensemble de la religion chinoise. En revanche, sur d'autres points tout aussi importants, la résistance de la religion chinoise et de ses cultes locaux face aux emprises des trois religions institutionnalisées s'est avérée très efficace. Ainsi, bouddhisme et taoïsme n'ont jamais réussi à abolir les offrandes de viande aux divinités, tandis que le confucianisme n'a pu imposer sa vision puriste des cultes locaux – sans bâtiment, sans icône, sans fêtes ni musique. En conséquence, il serait vain de classer les temples en bouddhistes, taoïstes ou confucianistes. Si un petit nombre d'établissements, monastères ou ermitages, sont contrôlés par les clergés de ces trois religions pour leur propre usage, la très grande majorité des temples chinois est tout à fait indépendante d'eux. Un bon nombre d'entre eux employait des bouddhistes ou taoïstes comme gardiens du lieu, mais dans un rapport de subordination aux dirigeants laïcs de la communauté de culte. On trouve aussi dans les temples des spécialistes qui ne sont pas organisés en clergé, notamment les médiums ou chamans, régulièrement possédés par la divinité, en état de transe, et donnant des oracles, répondant aux questions et guérissant par des talismans. On trouve encore des devins et géomanciens, qui aident les fidèles dans les pratiques de divination, omniprésentes dans la vie quotidienne.
Les différentes formes d'organisation religieuse
On peut, pour les besoins de la description, distinguer deux formes d'organisation religieuse en Chine : obligatoire et volontaire. Chacun appartient de manière obligatoire à la communauté de culte de sa famille ou lignage, du territoire sur lequel il vit – temple de quartier ou de village – et de sa corporation de métier. La communauté familiale est consacrée au culte aux ancêtres, collectif, dirigé par les fils aînés. Il a lieu de manière habituelle au sein de la famille, dans l'habitation commune où un autel est réservé aux ancêtres. Par ailleurs les grands lignages, à savoir les ensembles des descendants d'un même ancêtre, où qu'ils se trouvent, se forment à partir du XIIe siècle et constituent parfois des organisations immenses et puissantes, possédant un temple à part et des fondations : écoles, cimetière.
La communauté territoriale rassemble de fait tous les habitants d'un même territoire – lequel ne correspond pas à la géographie administrative – dont les limites bien précises sont marquées par les processions. Le temple du territoire organise une fête annuelle pour l'anniversaire de sa divinité, qui est l'occasion d'offrandes monumentales, consommées ensuite lors du banquet communautaire, ainsi que de spectacles – opéra, foire – et de rituels par des prêtres bouddhiques ou taoïstes. Tous les habitants du territoire, sauf les résidents de passage, doivent payer leur contribution à l'organisation de la fête et les convertis chrétiens et musulmans qui s'y refusent créent des tensions parfois violentes. Les corporations de métiers organisées autour du culte de leur saint patron fonctionnaient selon le même principe mais, contrairement aux familles et aux communautés territoriales, elles ont largement disparu au cours du XXe siècle.
Par ailleurs, des communautés de culte volontaires se forment librement. En effet, les formes « obligatoires » de la religion permettent de valider les structures sociales et d'assurer la cohésion des groupes, mais ne laissent que peu de place aux besoins spirituels des individus. Du moment qu'il satisfait à ses obligations, chacun peut se joindre à toutes sortes d'organisations religieuses, ce qui ne pose pas problème – sauf en cas d'adhésion à certains mouvements sectaires. Ainsi s'explique qu'on puisse trouver dans une même famille des adeptes de différents groupes religieux sans que cela ne surprenne quiconque. On trouve donc de très nombreuses associations de culte, autour d'un simple brûle-encens et d'une statue ou tablette de la divinité, placés chez le chef du groupe, ou dans un temple si le groupe est assez riche. Elles se forment souvent après un miracle ou une guérison. Les associations de pèlerinage se rendent chaque année sur une montagne sainte. Les troupes de jeunes hommes formés aux arts martiaux pratiquent la danse du dragon pour les processions et servent aussi de milice locale ; d'autres troupes proposent des spectacles lors des fêtes. Des associations charitables se forment aussi dans les temples pour donner du thé aux pèlerins, faire la charité aux pauvres ou offrir tel type d'offrande coûteuse. Elles permettent aussi aux femmes de se créer un espace propre, et certaines partent entre elles en pèlerinage et passent la nuit dans les temples.
Depuis le XIXe siècle, l'une des formes majeures des associations religieuses est le groupe d'écriture inspirée. Cette technique, qui rappelle le spiritisme occidental mais est beaucoup plus largement acceptée que lui, est courante en Chine depuis au moins le XIIe siècle : elle permet la révélation directe des dieux par l'intermédiaire d'un médium – un jeune enfant ou une personne illettrée, de préférence – sur papier ou dans du sable. Les messages sont copiés et interprétés par un adulte, puis souvent publiés. Parmi les révélations, on trouve des écritures saintes, des poèmes, des conseils personnels, des recettes médicales, et surtout des traités de morale. Tous ces textes accordent un rôle fondamental à la morale traditionnelle – piété filiale, rejet de l'alcool, de la drogue, de la débauche et du jeu – et les groupes qui les diffusent pratiquent activement la charité ; ils nourrissent les pauvres en organisant des soupes populaires, offrent vêtements et cercueils pour fournir aux pauvres un enterrement décent, collectent de l'argent pour secourir les victimes de catastrophes naturelles et distribuent des médicaments pendant les épidémies.
Enfin existent aussi des groupes religieux moins bien intégrés socialement, sociétés secrètes – alliances jurées – et mouvements sectaires. Ces derniers, très actifs depuis le XVIe siècle, offrent une sorte de pot-pourri facilement accessible des doctrines de salut bouddhique, confucianiste et taoïste : comme les membres des clergés, les prédicateurs sectaires guérissent les gens, leur enseignent les arts martiaux, les techniques de maîtrise du corps et de longévité, la méditation, mais de façon beaucoup plus prosélyte. De plus, ils se présentent comme une voie de salut exclusive, contredisant en cela l'inspiration englobante de la religion chinoise. Les prédicateurs sectaires reprennent des idées millénaristes – seuls les élus seront sauvés – qui traversent périodiquement la société chinoise depuis l'Antiquité. De fait, certains groupes de ce type basculent dans la rébellion armée, et l'ensemble du monde sectaire a été persécuté par l'État depuis le XVIe siècle, et ce jusqu'à aujourd'hui. Cependant, la plupart d'entre eux sont paisibles et se fondent dans le paysage ; ils contrôlent aujourd'hui la situation dans certaines campagnes où la religion traditionnelle des temples a disparu.
En effet, de manière générale, moins la religion traditionnelle des temples et la présence bouddhique et taoïste sont actives, et plus les mouvements sectaires sont florissants. Tel est le cas dans les communautés chinoises de l'expansion, hors de Chine même, mais aussi et surtout en Chine où des groupes tels que le Falun gong, qui enseigne des techniques du corps traditionnelles, mais au travers d'une organisation et d'une idéologie sectaire, peuvent recruter des millions de membres.
La destruction de la religion chinoise a été très importante : il existait environ un million de temples au début du XXe siècle, au tout début d'une série de politiques antireligieuses qui ont fait disparaître la grande majorité d'entre eux, avec tout leur patrimoine architectural et artistique. On a surtout préservé les grands monastères, aujourd'hui ouverts, alors que les temples populaires demeurent dans un statut ambigu en Chine populaire.
Vincent Goossaert
http://www.clio.fr/bibliotheque/les_traits_fondamentaux_de_la_religion_chinoise.asp[/b][/i]
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Psaumes 33:13 Du haut des cieux YHWH regarde, il voit tous les enfants des hommes ; 14 du lieu de sa demeure, il observe tous les habitants de la terre, 15 lui qui forme leur coeur à tous, qui est attentif à toutes leurs actions.
Ne devez rien à personne, sinon de vous aimer les uns les autres ; car celui qui aime son semblable a accompli [la] loi. Romains 13:8
Re: Les traits fondamentaux de la religion chinoise
Histoire du taoïsme et des religions chinoises
Conférence de John Lagerwey
Texte intégral
http://asr.revues.org/pdf/574Signaler ce document
1Avec trois doctorants travaillant sur l’histoire et la pratique du « chamanisme » en Chine, nous avons décidé d’examiner l’ensemble des textes ayant trait à ces questions, préparés pour le colloque international « Rituel, panthéons et techniques : histoire de la religion chinoise avant les Tang » tenu à Paris en décembre 2006 (voir Annuaire précédent), en particulier les textes en chinois de Lin Fu-shih, « The image and status of shamans in ancient China » et Li Jianmin, « They shall expel demons:etiology, the medical canon and the transformation of medical techniques before the Tang »1.
2Lin Fu-shih montre surtout comment l’image et le statut du chaman (wu en chinois) s’est dégradé tout au long de la période des Royaumes combattants (481 à 222 av. J.-C.) et des Han (206 av. à 220 apr. J.-C.). Autant ils avaient occupé une place de choix dans la société royale des Shang (ca. 1600 à 1045 av. J.-C.) et des Zhou (1045 à 256 av. J.-C.), autant la désintégration de la royauté Zhou, qui avait été basée essentiellement sur le lien de sang, conduisit à la mise en cause et des dieux et des spécialistes qui les desservaient. Maint texte de l’époque des Royaumes combattants exprime un scepticisme foncier à l’égard des dieux, et les chamans sont de plus en plus tournés en dérision. L’élite intellectuelle s’investit désormais dans la culture de soi (yangsheng) etl’étude de l’histoire et de la nature humaine. Parallèllement, elle produit les textes philosophiques qui seront déterminants pour toute l’histoire de la pensée chinoise : c’est l’« âge axial » de la Chine.
3Du reste, les chamans sont loin d’être les seuls spécialistes du rapport au monde invisible qui sont mis en cause à cette époque : les devins aussi – ceux qui auguraient l’avenir par la scapulomancie ou l’achilléomancie – sont de moins en moins écoutés dans les cours princières, du moins à en juger par les récits de divination consignés dans les Chroniques de Zuo étudiés par Marc Kalinowski dans son essai pour le colloque sus-mentionné. Ayant fait remarquer que les conseillers des princes – ceux justement qui raisonnent en termes d’histoire et de nature humaine – rivalisent avec les devins, il affirme ceci :
4Si les textes de l’époque sont donc quasiment tous négatifs à l’égard des spécialistes de la religion archaïque, en voie de disparition avec la société qu’elle avait servie, ils nous donnent tout de même des aperçus précieux de leurs fonctions sociales. Le Zhuangzi (ive siècle avant notre ère), par exemple, dit qu’« au pays de Zheng, il y avait un chaman divin du nom de Jixian qui savait tout de la vie et de la mort des gens, de la préservation et de la perte, de la longévité et de la mortalité, sachant prédire l’année, le mois, la semaine et le jour comme s’il était lui-même un esprit ». Xunzi (ca. 313 à 238) affirme qu’« observer le yin et le yang, interpréter les augures, deviner avec la tortue ou l’achillée, conduire les exorcismes, dire la bonne aventure, deviner par les cinq types de signes et comprendre tout ce qui a trait à la bonne et la mauvaise fortune –, ce sont les responsabilités des chamanesses bossues et des chamans estropiés ». Remplissant les multiples fonctions de guérisseurs, de faiseurs de pluie, de sacrificateurs, d’exorcistes et de devins, le terme qui les désigne, wu, est souvent associé à d’autres termes comme yi, médecin, shi, scribe-astrologue, et zhu, invocateur. Si, à la fin de l’époque, la médecine s’étant libérée de son lien organique avec la guérison rituelle traditionnelle, on oppose plutôt le chaman au médecin, allant jusqu’à affirmer que la foi aux chamans est une de « six maladies inguérissables », jusqu’alors le wuyi pouvait très bien être une seule et même personne, comme c’était visiblement le cas aussi pour le « chaman-devin » (wushi) et l’« invocateur-chaman » (zhuwu)3.
5Pour comprendre le rôle du chaman dans la religion des Zhou, un texte en particulier est très souvent sollicité, à savoir le Zhouli (Rites des Zhou), un texte prescriptif et idéalisant qui daterait, sous sa forme actuelle, des Han, mais comporterait néanmoins des éléments authentiques de la période royale. Dans ce texte, non seulement on distingue très clairement entre l’invocateur et le chaman, mais l’on attribue encore des fonctions rituelles très différentes aux chamans et aux chamanesses : à celles-ci on fait surtout appel pour les danses de pluie, tandis que ceux-là interviennent dans les sacrifices territoriaux adressés aux dieux des monts et rivières. Chaman et chamanesse participent comme exorcistes aux rites funéraires, allant l’un au devant du roi et l’autre de la reine afin de les protéger de la pollution de la mort ; arrivés au lieu de deuil, ils restent cependant dehors, tandis que l’invocateur entre dans le temple des ancêtres où a lieu le rituel. Sans doute le chaman était-il trop lié à la négativité pour entrer dans le temple des ancêtres.
6Si, de manière générale dans les trois Classiques rituels (Sanli), le chaman est relégué à une place inférieure à celle de l’invocateur, la raison en est, au moins pour partie, que le chaman (ou la chamanesse) est lié à la possession : les textes disent pudiquement qu’il « fait descendre les dieux » (jiangshen), ou qu’il « accueille les dieux » (jieshen), mais c’est très clairement de possession qu’il s’agit, et la possession était en conflit patent avec l’idéal de l’homme qui prenait en main son destin par les pratiques de culture de soi. Il y avait certainement d’autres raisons pour le mépris grandissant dont faisaient l’objet les chamans : le fait qu’ils soient, de par leur métier, liés à tout ce qui est néfaste – la mort, la sécheresse, les désastres –, mais aussi, à en juger par le témoignage de Xunzi, qu’ils étaient – pouvaient être ? – des bossus ou des estropiés. Enfin, tout cela allait ensemble : il fallait des êtres anormaux pour écarter l’anormalité et même pour frayer avec les dieux, qui étaient souvent des êtres hybrides, « autres ». Mais l’altérité du chaman ne nous paraît pas être à même d’expliquer l’acharnement de l’élite éduquée à son encontre, car cette altérité a dû toujours exister. Ce qui avait changé, c’est que l’élite ne croyait plus ni à l’efficacité de leurs rites ni aux dieux anciens. Comme le disait le philosophe Han Feizi (280 à 233) :
7Il n’empêche que les premières dynasties impériales, les Qin (221 à 206) puis les Han occidentaux (206 av. à 8 apr. J.-C.), vont créer un bureau des chamans afin d’assurer les sacrifices à un grand nombre de dieux. Ce qui est surtout intéressant, c’est que la plupart de ces chamans sont désignés comme étant de telle ou telle région : de Liang, de Qin, de Jing et ainsi de suite. Ceci s’explique par le fait que, chaque région de l’empire ayant ses divinités propres et l’empereur se devant de sacrifier aux principaux dieux de son territoire, il ne pouvait pas encore se passer de ces représentants de la religion régionale. In fine, ce seront les moines taoïstes et bouddhistes vivant dans des monastères financés par l’État qui permettront à celui-ci de ne plus avoir recours aux services des chamans. Mais ces deux religions « universelles » n’existaient pas encore à l’époque des Han occidentaux et le réseau de monastères ne verra le jour qu’au ve siècle de notre ère, et ne se stabilisera qu’à partir de la fondation des Tang en 618.
8En attendant, les chamans continuaient à travailler dans la société locale et dans les états régionaux – et non seulement les chamans, les devins aussi. Dans la partie de son article sus-cité sur les découvertes archéologiques, M. Kalinowski décrit une série de divinations et de sacrifices effectués pour un membre du clan royal de l’état de Chu entre 318 et 316 avant notre ère4.
9Le terme wu-chaman n’apparaît pas dans ces textes5, mais cela n’a pas empêché que leurs fonctions de sacrificateurs et d’exorcistes aient été assurées, et ce envers un panthéon considérable composé d’ancêtres (y compris mythiques et lointains) et de dieux (du sol, des voyages, de la maison, du destin, de l’eau, des « innocents » morts en bas âge). Il y est notamment question de saidao, « prière du sacrifice d’action de grâce », et de jie, mot classique pour « libérer, exorciser »6. Par contre, dans les textes d’« alliance jurée » (mengshu) de Houma (début du ve siècle avant notre ère) le wu-chaman est mentionné en compagnie des autres spécialistes de la religion antique :
10Mais les textes à cet égard les plus intéressants sont quatorze fiches de bambou issues d’une série de divinations et de sacrifices effectués en l’an 79 de notre ère pour le compte d’une femme d’abord malade, puis décédée. Huit de ces fiches sont des « écrits contractuels » rédigés pour que la défunte puisse les emporter dans sa tombe et prouver ainsi au Seigneur du Ciel que tous les sacrifices promis durant sa maladie mortelle avaient bel et bien été effectués et qu’elle et sa famille s’étaient donc acquittés de leurs « dettes » à l’égard des dieux. Les six autres sont des « récits contractuels » qui précisent qu’il a été « ordonné au chaman de déposer les offrandes de viande séchée et de bière, ainsi que cela avait été promis lors de la prière pour la défunte mère Xuning »8. Ainsi, dans ces textes, le wu était le sacrificateur engagé par la famille pour effectuer les sacrifices très probablement déterminés au préalable par divination.
11Les destinataires de cette séquence de sacrifices méritent aussi que l’on s’y attarde : le dieu du foyer, le dieu du sol « de la famille extérieure (celle de la défunte) pour demander des enfants, au sud-ouest », le dieu du sol de la famille patronymique, le directeur du destin et les défunts de la famille (les grands-parents paternels, le père de la défunte et les enfants mâles et femelles morts en bas âge), le dieu du sol « protecteur officiel, dans le nord-est », « au bord de l’eau », le dieu de la fête la et « la personne noble Guo »9. Sans entrer dans trop de détails, on pourrait dire qu’il s’agit d’un « panthéon domestique » : trois dieux du sol directement liés aux familles concernées ; le dieu du foyer et de l’eau, très certainement liés tous deux, entre autres, à la cuisine ; le dieu du destin, chargé de veiller à ce que chaque membre de la famille jouisse de sa durée de vie prédestinée (et rien de plus) ; le dieu de la fête de fin d’année dont la fonction est de « chasser l’ancien et accueillir le nouveau » ; enfin, l’« homme providentiel », qui peut voler au secours de la famille en cas de détresse. Particulièrement intéressante est l’opposition entre les dieux du sol du sud-ouest et du nord-est, directions correspondant respectivement à la porte des Hommes (renmen) et à celle des Revenants (guimen) : l’un, lié à la famille de la mère, préside aux naissances ; l’autre, lié à l’État, protège le village (de ses morts ?)10.
12Deux choses encore ont retenu notre attention, à savoir le terme « récit contractuel » (quanci) et le terme « blâme » (zhe). En effet, les contrats écrits vont jouer un rôle central dans le taoïsme religieux né au iie siècle de notre ère, et le mot ci en particulier, qui indique à l’origine un texte gravé sur bambou, sera repris dans ce même taoïsme des Maîtres célestes, où il désignera le document qui identifie quelqu’un s’apprêtant à recevoir, le lendemain, un « registre » (lu)lui donnant autorité sur des généraux11. Quant au mot zhe, les quatorze fiches terminent toutes par la phrase : « Puissent les vivants ne pas avoir de dettes (zhai), ni les morts de blâme (zhe). Le contrat est parfaitement clair». Harper démontre l’origine juridique de ces phrases12, que l’on retrouve par ailleurs presque telles quelles dans l’un des textes qui attirent de plus en plus d’attention comme texte-clef pour comprendre l’émergence du taoïsme, à savoir le Taiping jing (Livre de la grande paix), que Li Jianmin cite in extenso :
15C’est ici qu’il convient de citer deux explications aux Classiques rituels fournies par le plus grand commentateur de l’époque, Zheng Xuan (127 à 200). D’abord, à propos des divinités domestiques mentionnées dans le Liji (Livre des rites), il dit ceci :
16Ailleurs, dans son commentaire sur le Grand invocateur (taizhu) dans le Zhouli, il explique ainsi le terme cezhu, « invocation sur tablettes inscrites15 » : « Invoquer moyennant des tablettes inscrites a pour but d’envoyer au loin les maladies-crimes (zuiji) ». Le mot zui, « crime », est le strict équivalent de zhe, « blâme ». Par la suite, dans le taoïsme, le terme standard pour la confession des péchés sera xiezui, « s’excuser pour ses fautes ».
17S’il fallait, pour guérir les maladies, faire un rituel de « libération », c’est parce que la maladie était le résultat d’une possession. L’idée que la maladie pouvait être causée par les âmes de défunts proches ou par des malemorts était ancienne, puisqu’on la rencontre déjà à l’époque Shang. Sous les Han, cette notion ancienne est théorisée dans les termes de la cosmologie-physiologie nouvelle, comme on peut le voir dans le Maijing (Classique sur le pouls) par Wang Shuhe (né en 180 de notre ère) :
21Qu’en conclure ? Qu’au cours des Han se met en place un système d’exorcisme‑guérison qui conjugue pratiques de la bureaucratie impériale – inspections, rapports écrits, interrogations avec torture – et pratiques sacrificielles et exorcistes « chamaniques » transformées par les traditions individualisantes de la culture de soi : auto-inspection, attitudes rituelles de sincérité, de révérence et de déférence17 et pratiques visant l’immortalité. C’est ce système religieux qui finira par permettre aux taoïstes (daoshi) de prendre la place qu’occupaient encore les chamans en l’an 79, ou en tout cas de se poser en alternative aux chamans décriés depuis plus de six siècles déjà.
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Notes
1 Articles parus dans J. Lagerwey, M. Kalinowski (éd.), Early Chinese Religion Part I. Shang-Han (1250 BC-220 AD), Brill, Leyde 2009, t. 1, p. 397-458, et t. 2, p. 1103‑1155 respectivement.
2 M. Kalinowski, « La divination sous les Zhou Orientaux (770-256 avant notre ère). Textes transmis et découvertes archéologiques récentes », in J. Lagerwey (éd.), Religion et société en Chine ancienne et médiévale, Éditions du Cerf, Paris 2008, p. 101–164.
3 Voir Li Ling, Zhongguo fangshu xukao (Dongfang, Pékin 2000), p. 77.
4 Ce sont des documents dits « de Baoshan ».
5 Le terme wu apparaît deux fois mais pour désigner un destinataire de sacrifices, sans doute, comme déjà à l’époque Shang, un chaman divinisé. Voir Li Ling, Zhongguo fangshu xukao, p.63.
6 Baoshan Chujian (Wenwu, Pékin 1991), p. 13 et 32.
7 Ibid., voir aussiS. Weld, « The Covenant Texts from Houma and Wenxian », dansE. Shaugnessy (éd.), New Sources of Early Chinese History: an Introduction to the Reading of Inscriptions and Manuscripts, Berkeley 1997, p. 146.
8 Voir D. Harper, « Contracts with the Spirit World in Han Common Religion », Cahiers d’Extrême-Asie 14 (2004), p. 243.
9 Ibid., p. 234-245.
10 Ce sont des interprétations personnelles, qui demanderaient à être justifiées une à une dans un autre cadre. Pour le sud-ouest dans la maison, renvoyons cependant au célèbre article de Marcel Granet, « Le dépôt de l’enfant sur le sol », Revue archéologique (1921).
11 Voir mon « Zhengyi Registers », Institute of Chinese Studies Visiting Professor Lecture Series (I), Journal of Chinese Studies, Special Issue (Chinese University of Hong Kong), p. 35-88.
12 D. Harper, « Contracts with the Spirit World in Han Common Religion », p. 235, notes 29 et 30.
13 Cité dans Li Jianmin, « They shall expel demons:etiology, the medical canon and the transformation of medical techniques before the Tang », p. 1127.
14 On trouve déjà ce terme dans un des « livres de jours » (rishu) du début des Han : l’Empereur rouge (Chidi) étant la divinité chargée des punitions dans la Prison céleste, les « jours de descente de l’Empereur rouge » sont des jours inauspicieux pour presque tout ; voir Liu Tseng-kuei, « Taboos: an aspect of belief in the Qin and Han », in J. Lagerwey, M. Kalinowski (éd.), Early Chinese Religion Part I. Shang-Han (1250 BC-220 AD), t. 2, p. 881-948.
15 Il n’y a guère de différence de sens entre le mot ce ici et le mot ci (dans quanci) ci-dessus.
16 Voir mon article : « Deux écrits taoïstes anciens », Cahiers d’Extrême-Asie 14 (2004), p. 163 ; cf. p. 162, n. 64, où j’attire l’attention sur le fait que le gouvernement des Han conduisait une inspection générale des autorités locales au même huitième mois. Citant le Simin yueling (Ordonnances mensuelles des peuples des quatre directions), Liu Tseng-kuei mentionne qu’au même mois les gens devaient « sacrifier aux dieux vénérables auxquels ils avaient rendu un culte de manière régulière pendant l’année ». Il y avait donc convergence calendaire entre les pratiques gouvernementales et religieuses, que ce soit celles des familles qui adhéraient à la religion « commune » ou celles d’individus devenus « taoïstes ».
17 Voir M. Csikszentmihalyi, « Ethics and self-cultivation practice in early China », in J. Lagerwey, M. Kalinowski (éd.), Early Chinese Religion Part I. Shang-Han (1250 BC-220 AD), t. 1, p. 519-542. À cela il faudrait rajouter la recherche de l’immortalité et le culte des immortels – sujet que nous n’avons pas eu le temps d’explorer mais sans lequel tout le côté « surveillance et punition » divines dans le taoïsme n’aurait pas de sens. Pour s’en convaincre, il suffit de se souvenir d’une des notions clefs appliquées aux Immortels : ils se sont shijie, « libérés du cadavre ». On ne s’est pas suffisamment interrogé sur l’emploi, ici, du mot classique pour « exorciser », jie.
M John Lagerwey
Directeur d’études, École pratique des hautes études — Section des sciences religieuses
Articles du même auteur
Conférence de John Lagerwey
Texte intégral
http://asr.revues.org/pdf/574Signaler ce document
- 1 Articles parus dans J. Lagerwey, M. Kalinowski (éd.), Early Chinese Religion Part I. Shang-Han (12 (...)
1Avec trois doctorants travaillant sur l’histoire et la pratique du « chamanisme » en Chine, nous avons décidé d’examiner l’ensemble des textes ayant trait à ces questions, préparés pour le colloque international « Rituel, panthéons et techniques : histoire de la religion chinoise avant les Tang » tenu à Paris en décembre 2006 (voir Annuaire précédent), en particulier les textes en chinois de Lin Fu-shih, « The image and status of shamans in ancient China » et Li Jianmin, « They shall expel demons:etiology, the medical canon and the transformation of medical techniques before the Tang »1.
2Lin Fu-shih montre surtout comment l’image et le statut du chaman (wu en chinois) s’est dégradé tout au long de la période des Royaumes combattants (481 à 222 av. J.-C.) et des Han (206 av. à 220 apr. J.-C.). Autant ils avaient occupé une place de choix dans la société royale des Shang (ca. 1600 à 1045 av. J.-C.) et des Zhou (1045 à 256 av. J.-C.), autant la désintégration de la royauté Zhou, qui avait été basée essentiellement sur le lien de sang, conduisit à la mise en cause et des dieux et des spécialistes qui les desservaient. Maint texte de l’époque des Royaumes combattants exprime un scepticisme foncier à l’égard des dieux, et les chamans sont de plus en plus tournés en dérision. L’élite intellectuelle s’investit désormais dans la culture de soi (yangsheng) etl’étude de l’histoire et de la nature humaine. Parallèllement, elle produit les textes philosophiques qui seront déterminants pour toute l’histoire de la pensée chinoise : c’est l’« âge axial » de la Chine.
3Du reste, les chamans sont loin d’être les seuls spécialistes du rapport au monde invisible qui sont mis en cause à cette époque : les devins aussi – ceux qui auguraient l’avenir par la scapulomancie ou l’achilléomancie – sont de moins en moins écoutés dans les cours princières, du moins à en juger par les récits de divination consignés dans les Chroniques de Zuo étudiés par Marc Kalinowski dans son essai pour le colloque sus-mentionné. Ayant fait remarquer que les conseillers des princes – ceux justement qui raisonnent en termes d’histoire et de nature humaine – rivalisent avec les devins, il affirme ceci :
- 2 M. Kalinowski, « La divination sous les Zhou Orientaux (770-256 avant notre ère). Textes transmis (...)
Quand un conflit se dessine entre la prédiction d’un devin et celle d’un conseiller, la préférence va toujours à ce dernier… C’est aussi par la bouche des conseillers que s’expriment les attaques ouvertes à l’encontre des arts mantiques. Ce sont eux qui défendent l’idée que le cours des événements, aussi contingent soit-il, repose de manière quasi déterministe sur les tendances bonnes ou mauvaises des hommes et que l’usage excessif des oracles fait obstacle aux prises de décisions plutôt qu’il ne les favorise2.
- 3 Voir Li Ling, Zhongguo fangshu xukao (Dongfang, Pékin 2000), p. 77.
4Si les textes de l’époque sont donc quasiment tous négatifs à l’égard des spécialistes de la religion archaïque, en voie de disparition avec la société qu’elle avait servie, ils nous donnent tout de même des aperçus précieux de leurs fonctions sociales. Le Zhuangzi (ive siècle avant notre ère), par exemple, dit qu’« au pays de Zheng, il y avait un chaman divin du nom de Jixian qui savait tout de la vie et de la mort des gens, de la préservation et de la perte, de la longévité et de la mortalité, sachant prédire l’année, le mois, la semaine et le jour comme s’il était lui-même un esprit ». Xunzi (ca. 313 à 238) affirme qu’« observer le yin et le yang, interpréter les augures, deviner avec la tortue ou l’achillée, conduire les exorcismes, dire la bonne aventure, deviner par les cinq types de signes et comprendre tout ce qui a trait à la bonne et la mauvaise fortune –, ce sont les responsabilités des chamanesses bossues et des chamans estropiés ». Remplissant les multiples fonctions de guérisseurs, de faiseurs de pluie, de sacrificateurs, d’exorcistes et de devins, le terme qui les désigne, wu, est souvent associé à d’autres termes comme yi, médecin, shi, scribe-astrologue, et zhu, invocateur. Si, à la fin de l’époque, la médecine s’étant libérée de son lien organique avec la guérison rituelle traditionnelle, on oppose plutôt le chaman au médecin, allant jusqu’à affirmer que la foi aux chamans est une de « six maladies inguérissables », jusqu’alors le wuyi pouvait très bien être une seule et même personne, comme c’était visiblement le cas aussi pour le « chaman-devin » (wushi) et l’« invocateur-chaman » (zhuwu)3.
5Pour comprendre le rôle du chaman dans la religion des Zhou, un texte en particulier est très souvent sollicité, à savoir le Zhouli (Rites des Zhou), un texte prescriptif et idéalisant qui daterait, sous sa forme actuelle, des Han, mais comporterait néanmoins des éléments authentiques de la période royale. Dans ce texte, non seulement on distingue très clairement entre l’invocateur et le chaman, mais l’on attribue encore des fonctions rituelles très différentes aux chamans et aux chamanesses : à celles-ci on fait surtout appel pour les danses de pluie, tandis que ceux-là interviennent dans les sacrifices territoriaux adressés aux dieux des monts et rivières. Chaman et chamanesse participent comme exorcistes aux rites funéraires, allant l’un au devant du roi et l’autre de la reine afin de les protéger de la pollution de la mort ; arrivés au lieu de deuil, ils restent cependant dehors, tandis que l’invocateur entre dans le temple des ancêtres où a lieu le rituel. Sans doute le chaman était-il trop lié à la négativité pour entrer dans le temple des ancêtres.
6Si, de manière générale dans les trois Classiques rituels (Sanli), le chaman est relégué à une place inférieure à celle de l’invocateur, la raison en est, au moins pour partie, que le chaman (ou la chamanesse) est lié à la possession : les textes disent pudiquement qu’il « fait descendre les dieux » (jiangshen), ou qu’il « accueille les dieux » (jieshen), mais c’est très clairement de possession qu’il s’agit, et la possession était en conflit patent avec l’idéal de l’homme qui prenait en main son destin par les pratiques de culture de soi. Il y avait certainement d’autres raisons pour le mépris grandissant dont faisaient l’objet les chamans : le fait qu’ils soient, de par leur métier, liés à tout ce qui est néfaste – la mort, la sécheresse, les désastres –, mais aussi, à en juger par le témoignage de Xunzi, qu’ils étaient – pouvaient être ? – des bossus ou des estropiés. Enfin, tout cela allait ensemble : il fallait des êtres anormaux pour écarter l’anormalité et même pour frayer avec les dieux, qui étaient souvent des êtres hybrides, « autres ». Mais l’altérité du chaman ne nous paraît pas être à même d’expliquer l’acharnement de l’élite éduquée à son encontre, car cette altérité a dû toujours exister. Ce qui avait changé, c’est que l’élite ne croyait plus ni à l’efficacité de leurs rites ni aux dieux anciens. Comme le disait le philosophe Han Feizi (280 à 233) :
Lorsque les chamans-invocateurs prient pour quelqu’un, ils disent, « Puissiez-vous vivre dix mille ans ! » Mais la phrase « dix mille ans », ce n’est que du bruit dans les oreilles et personne n’a jamais démontré que de telles prières pouvaient ajouter ne serait-ce qu’un seul jour à la vie de quelqu’un. C’est pourquoi les gens méprisent les chamans-invocateurs.
7Il n’empêche que les premières dynasties impériales, les Qin (221 à 206) puis les Han occidentaux (206 av. à 8 apr. J.-C.), vont créer un bureau des chamans afin d’assurer les sacrifices à un grand nombre de dieux. Ce qui est surtout intéressant, c’est que la plupart de ces chamans sont désignés comme étant de telle ou telle région : de Liang, de Qin, de Jing et ainsi de suite. Ceci s’explique par le fait que, chaque région de l’empire ayant ses divinités propres et l’empereur se devant de sacrifier aux principaux dieux de son territoire, il ne pouvait pas encore se passer de ces représentants de la religion régionale. In fine, ce seront les moines taoïstes et bouddhistes vivant dans des monastères financés par l’État qui permettront à celui-ci de ne plus avoir recours aux services des chamans. Mais ces deux religions « universelles » n’existaient pas encore à l’époque des Han occidentaux et le réseau de monastères ne verra le jour qu’au ve siècle de notre ère, et ne se stabilisera qu’à partir de la fondation des Tang en 618.
- 4 Ce sont des documents dits « de Baoshan ».
8En attendant, les chamans continuaient à travailler dans la société locale et dans les états régionaux – et non seulement les chamans, les devins aussi. Dans la partie de son article sus-cité sur les découvertes archéologiques, M. Kalinowski décrit une série de divinations et de sacrifices effectués pour un membre du clan royal de l’état de Chu entre 318 et 316 avant notre ère4.
Les devins, écrit-il,exerçaient dans un cadre officiel et centralisé, selon des protocoles bien définis et en collaboration étroite avec d’autres spécialistes également appointés tels que des sacrificateurs, des exorcistes et des médecins… Les rituels divinatoires y jouent un simple rôle d’encadrement à l’intérieur d’une liturgie sacrificielle beaucoup plus englobante qui constituait la raison même de leur existence… Plus significatif encore est le fait que les registres contiennent des rapports sacrificiels qui attestent que les rites ont été accomplis conformément aux propositions des devins.
- 5 Le terme wu apparaît deux fois mais pour désigner un destinataire de sacrifices, sans doute, comme (...)
- 6 Baoshan Chujian (Wenwu, Pékin 1991), p. 13 et 32.
9Le terme wu-chaman n’apparaît pas dans ces textes5, mais cela n’a pas empêché que leurs fonctions de sacrificateurs et d’exorcistes aient été assurées, et ce envers un panthéon considérable composé d’ancêtres (y compris mythiques et lointains) et de dieux (du sol, des voyages, de la maison, du destin, de l’eau, des « innocents » morts en bas âge). Il y est notamment question de saidao, « prière du sacrifice d’action de grâce », et de jie, mot classique pour « libérer, exorciser »6. Par contre, dans les textes d’« alliance jurée » (mengshu) de Houma (début du ve siècle avant notre ère) le wu-chaman est mentionné en compagnie des autres spécialistes de la religion antique :
- 7 Ibid., voir aussiS. Weld, « The Covenant Texts from Houma and Wenxian », dansE. Shaugnessy (éd.), (...)
Si, après ce serment, j’ose ne pas demander aux chamans et aux chamanesses, aux invocateurs et aux devins d’offrir les victimes sacrificielles et la nourriture, et de sacrifier régulièrement aux souverains défunts de Jin dans leurs temples ancestraux7…
- 8 Voir D. Harper, « Contracts with the Spirit World in Han Common Religion », Cahiers d’Extrême-Asie(...)
10Mais les textes à cet égard les plus intéressants sont quatorze fiches de bambou issues d’une série de divinations et de sacrifices effectués en l’an 79 de notre ère pour le compte d’une femme d’abord malade, puis décédée. Huit de ces fiches sont des « écrits contractuels » rédigés pour que la défunte puisse les emporter dans sa tombe et prouver ainsi au Seigneur du Ciel que tous les sacrifices promis durant sa maladie mortelle avaient bel et bien été effectués et qu’elle et sa famille s’étaient donc acquittés de leurs « dettes » à l’égard des dieux. Les six autres sont des « récits contractuels » qui précisent qu’il a été « ordonné au chaman de déposer les offrandes de viande séchée et de bière, ainsi que cela avait été promis lors de la prière pour la défunte mère Xuning »8. Ainsi, dans ces textes, le wu était le sacrificateur engagé par la famille pour effectuer les sacrifices très probablement déterminés au préalable par divination.
- 9 Ibid., p. 234-245.
- 10 Ce sont des interprétations personnelles, qui demanderaient à être justifiées une à une dans un au (...)
11Les destinataires de cette séquence de sacrifices méritent aussi que l’on s’y attarde : le dieu du foyer, le dieu du sol « de la famille extérieure (celle de la défunte) pour demander des enfants, au sud-ouest », le dieu du sol de la famille patronymique, le directeur du destin et les défunts de la famille (les grands-parents paternels, le père de la défunte et les enfants mâles et femelles morts en bas âge), le dieu du sol « protecteur officiel, dans le nord-est », « au bord de l’eau », le dieu de la fête la et « la personne noble Guo »9. Sans entrer dans trop de détails, on pourrait dire qu’il s’agit d’un « panthéon domestique » : trois dieux du sol directement liés aux familles concernées ; le dieu du foyer et de l’eau, très certainement liés tous deux, entre autres, à la cuisine ; le dieu du destin, chargé de veiller à ce que chaque membre de la famille jouisse de sa durée de vie prédestinée (et rien de plus) ; le dieu de la fête de fin d’année dont la fonction est de « chasser l’ancien et accueillir le nouveau » ; enfin, l’« homme providentiel », qui peut voler au secours de la famille en cas de détresse. Particulièrement intéressante est l’opposition entre les dieux du sol du sud-ouest et du nord-est, directions correspondant respectivement à la porte des Hommes (renmen) et à celle des Revenants (guimen) : l’un, lié à la famille de la mère, préside aux naissances ; l’autre, lié à l’État, protège le village (de ses morts ?)10.
- 11 Voir mon « Zhengyi Registers », Institute of Chinese Studies Visiting Professor Lecture Series (I) (...)
- 12 D. Harper, « Contracts with the Spirit World in Han Common Religion », p. 235, notes 29 et 30.
12Deux choses encore ont retenu notre attention, à savoir le terme « récit contractuel » (quanci) et le terme « blâme » (zhe). En effet, les contrats écrits vont jouer un rôle central dans le taoïsme religieux né au iie siècle de notre ère, et le mot ci en particulier, qui indique à l’origine un texte gravé sur bambou, sera repris dans ce même taoïsme des Maîtres célestes, où il désignera le document qui identifie quelqu’un s’apprêtant à recevoir, le lendemain, un « registre » (lu)lui donnant autorité sur des généraux11. Quant au mot zhe, les quatorze fiches terminent toutes par la phrase : « Puissent les vivants ne pas avoir de dettes (zhai), ni les morts de blâme (zhe). Le contrat est parfaitement clair». Harper démontre l’origine juridique de ces phrases12, que l’on retrouve par ailleurs presque telles quelles dans l’un des textes qui attirent de plus en plus d’attention comme texte-clef pour comprendre l’émergence du taoïsme, à savoir le Taiping jing (Livre de la grande paix), que Li Jianmin cite in extenso :
13Nous avons déjà dit que le verbe jie, traduit ici par « libéré, délivré », est le terme consacré pour « exorciser ». Il s’agit donc ici de s’assurer que les morts soient délivrés des punitions de la Cour chtonienne du Grand Yin et que les vivants soient libérés de blâme et guéris. Sinon :
- 13 Cité dans Li Jianmin, « They shall expel demons:etiology, the medical canon and the transformation (...)
Les officiers du Grand Yin mandent les ancêtres, les interrogent et les punissent par bastonnade, afin qu’ils retournent chez eux dire [au malfaiteur] qu’il est maudit et sera tenu pour responsable du fardeau [de ses transgressions], que sa conviction est en cours et ne pourra plus être interrompue, et que c’est pour cela que la maladie lui a été envoyée. Une maisonnée frappée par la maladie doit être libérée du Yin (jieyin) et délivrée du blâme (jiezhe).13
14Une bonne partie de l’article de Li Jianmin consiste à montrer comment, pendant les deux premiers siècles de notre ère, se développe une nouvelle étiologie spirituelle de la maladie, avec des prescriptions rituelles en conséquence. Dans le Livre de la grande paix notamment, comme chez les Maîtres célestes, la délivrance se réalise en deux étapes : d’abord la méditation du malade sur ses fautes (siguo), ensuite l’envoi d’une pétition de confession pour « s’excuser auprès du Ciel ». Chez les Maîtres célestes, cette confession se fait par le fameux « document manuscrit des Trois Officiers » (sanguan shoushu), une confession écrite adressée aux chefs des bureaux du Ciel, de la Terre et des Eaux chargés de surveiller les hommes et noter toutes les fautes-dettes, afin qu’il les paient en années de vie.
- 14 On trouve déjà ce terme dans un des « livres de jours » (rishu) du début des Han : l’Empereur roug (...)
[…] s’il n’y a pas eu de repentance avant la date limite, s’il ne s’excuse pas auprès du Ciel (xietian), ordre sera donné à la terre de mander le corps d’entrer en terre et les âmes célestes d’être interrogées dans la Prison céleste (tianyu)14. L’investigation se poursuivra et d’autres morts s’en suivront.
15C’est ici qu’il convient de citer deux explications aux Classiques rituels fournies par le plus grand commentateur de l’époque, Zheng Xuan (127 à 200). D’abord, à propos des divinités domestiques mentionnées dans le Liji (Livre des rites), il dit ceci :
Ce ne sont pas les dieux majeurs auxquels on adresse des prières et des actions de grâce pour les grandes affaires. Se sont des dieux mineurs qui demeurent chez les gens, chargés de noter la moindre faute et d’en faire des rapports dénonciateurs.
- 15 Il n’y a guère de différence de sens entre le mot ce ici et le mot ci (dans quanci) ci-dessus.
16Ailleurs, dans son commentaire sur le Grand invocateur (taizhu) dans le Zhouli, il explique ainsi le terme cezhu, « invocation sur tablettes inscrites15 » : « Invoquer moyennant des tablettes inscrites a pour but d’envoyer au loin les maladies-crimes (zuiji) ». Le mot zui, « crime », est le strict équivalent de zhe, « blâme ». Par la suite, dans le taoïsme, le terme standard pour la confession des péchés sera xiezui, « s’excuser pour ses fautes ».
17S’il fallait, pour guérir les maladies, faire un rituel de « libération », c’est parce que la maladie était le résultat d’une possession. L’idée que la maladie pouvait être causée par les âmes de défunts proches ou par des malemorts était ancienne, puisqu’on la rencontre déjà à l’époque Shang. Sous les Han, cette notion ancienne est théorisée dans les termes de la cosmologie-physiologie nouvelle, comme on peut le voir dans le Maijing (Classique sur le pouls) par Wang Shuhe (né en 180 de notre ère) :
18Trois siècles plus tard, le grand taoïste Tao Hongjing (456 à 536), dans sa préface au Bencao jing (Classique de pharmacopée), ne dit pas autre chose :Les cinq viscères sont la demeure à la fois des âmes célestes et terrestres et de l’esprit-essence (jingshen). Lorsque les âmes célestes et terrestres deviennent volatiles, les cinq viscères se vident et de mauvais esprits viennent immédiatement y élire domicile.
19Mais en parallèle avec cette théorisation de la maladie comme possession se développaient les pratiques de culture de soi permettant de garder ses esprits dans son corps. Ainsi, le Baopuzi (terminé vers 317), mentionne un « Classique pour appeler les esprits du corps et guérir les cent maladies » (Hu shenshen zhi baibing jing). Ce livre n’existe plus, mais son titre nous aide à imaginer à quoi pouvaient servir des livres comme le Laozi zhong jing (Classique du Centre, de Laozi). Comme nous l’avons montré ailleurs, ce texte – que nous datons de la même époque que le Livre de la grande paix – commence par apprendre à l’adepte comment reconnaître les dizaines d’esprits qui habitent son corps, lui apprend ensuite comment les « fixer » mentalement lors d’exercices complexes liés au calendrier et culmine par la recommandation, au huitième mois de l’année, quand a lieu une inspection générale par l’Esprit jaune céleste, d’entrer dans sa « chambre tranquille » (jingshi) pendant trois jours :L’esprit-essence utilise le corps comme résidence. Lorsque le corps reçoit quelque chose de mal (xie), l’esprit-essence est en désarroi et des esprits démoniaques (guiling) entrent. Leur puissance s’accroît graduellement, et l’esprit-essence s’affaiblit. Comment cela pourrait-il ne pas conduire à la mort ?
20Le but ultime de ces pratiques était l’immortalité, comprise comme « libération du corps-cadavre » ou « maintien de l’unité » (shouyi) d’un corps animé par des esprits « corrects » (zheng) – source de vie – plutôt que miné par des esprits « incorrects », source de maladie et de mort. L’immortalité autant que la maladie-mort était le résultat d’une possession.
- 16 Voir mon article : « Deux écrits taoïstes anciens », Cahiers d’Extrême-Asie 14 (2004), p. 163 ; cf(...)
Priez-le ainsi : « Votre arrière-petit-enfant Untel aime le Dao et souhaite obtenir longue vie. Aujourd’hui, jour de l’équinoxe d’automne, Maître Huang de Xiali, émissaire de l’Empereur céleste, descend et entre dans mon corps. Il examine [les registres] et fait une inspection générale. Aucun de mes esprits ne doit s’enfuir, tous doivent venir à sa rencontre ». Appelez-les à partir du haut, trois fois par jour, neuf fois en tout, en s’arrêtant toujours à midi. Dites alors : « Directeur du registre, filles de jade Liuding, effacez-moi de la liste de la mort et faites-moi porter sur le calendrier de jade de l’immortalité. Vite, vite, selon l’ordre ! » Ce jour-là, le Seigneur de l’infini, Empereur céleste, vous donnera instruction de répondre « oui ». Alors, vous descendrez de votre lit, vous vous tournerez vers lui pour le saluer par deux fois et remercier les esprits du Ciel. Le Dao de toute votre personne est accompli16.
- 17 Voir M. Csikszentmihalyi, « Ethics and self-cultivation practice in early China », in J. Lagerwey, (...)
21Qu’en conclure ? Qu’au cours des Han se met en place un système d’exorcisme‑guérison qui conjugue pratiques de la bureaucratie impériale – inspections, rapports écrits, interrogations avec torture – et pratiques sacrificielles et exorcistes « chamaniques » transformées par les traditions individualisantes de la culture de soi : auto-inspection, attitudes rituelles de sincérité, de révérence et de déférence17 et pratiques visant l’immortalité. C’est ce système religieux qui finira par permettre aux taoïstes (daoshi) de prendre la place qu’occupaient encore les chamans en l’an 79, ou en tout cas de se poser en alternative aux chamans décriés depuis plus de six siècles déjà.
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Notes
1 Articles parus dans J. Lagerwey, M. Kalinowski (éd.), Early Chinese Religion Part I. Shang-Han (1250 BC-220 AD), Brill, Leyde 2009, t. 1, p. 397-458, et t. 2, p. 1103‑1155 respectivement.
2 M. Kalinowski, « La divination sous les Zhou Orientaux (770-256 avant notre ère). Textes transmis et découvertes archéologiques récentes », in J. Lagerwey (éd.), Religion et société en Chine ancienne et médiévale, Éditions du Cerf, Paris 2008, p. 101–164.
3 Voir Li Ling, Zhongguo fangshu xukao (Dongfang, Pékin 2000), p. 77.
4 Ce sont des documents dits « de Baoshan ».
5 Le terme wu apparaît deux fois mais pour désigner un destinataire de sacrifices, sans doute, comme déjà à l’époque Shang, un chaman divinisé. Voir Li Ling, Zhongguo fangshu xukao, p.63.
6 Baoshan Chujian (Wenwu, Pékin 1991), p. 13 et 32.
7 Ibid., voir aussiS. Weld, « The Covenant Texts from Houma and Wenxian », dansE. Shaugnessy (éd.), New Sources of Early Chinese History: an Introduction to the Reading of Inscriptions and Manuscripts, Berkeley 1997, p. 146.
8 Voir D. Harper, « Contracts with the Spirit World in Han Common Religion », Cahiers d’Extrême-Asie 14 (2004), p. 243.
9 Ibid., p. 234-245.
10 Ce sont des interprétations personnelles, qui demanderaient à être justifiées une à une dans un autre cadre. Pour le sud-ouest dans la maison, renvoyons cependant au célèbre article de Marcel Granet, « Le dépôt de l’enfant sur le sol », Revue archéologique (1921).
11 Voir mon « Zhengyi Registers », Institute of Chinese Studies Visiting Professor Lecture Series (I), Journal of Chinese Studies, Special Issue (Chinese University of Hong Kong), p. 35-88.
12 D. Harper, « Contracts with the Spirit World in Han Common Religion », p. 235, notes 29 et 30.
13 Cité dans Li Jianmin, « They shall expel demons:etiology, the medical canon and the transformation of medical techniques before the Tang », p. 1127.
14 On trouve déjà ce terme dans un des « livres de jours » (rishu) du début des Han : l’Empereur rouge (Chidi) étant la divinité chargée des punitions dans la Prison céleste, les « jours de descente de l’Empereur rouge » sont des jours inauspicieux pour presque tout ; voir Liu Tseng-kuei, « Taboos: an aspect of belief in the Qin and Han », in J. Lagerwey, M. Kalinowski (éd.), Early Chinese Religion Part I. Shang-Han (1250 BC-220 AD), t. 2, p. 881-948.
15 Il n’y a guère de différence de sens entre le mot ce ici et le mot ci (dans quanci) ci-dessus.
16 Voir mon article : « Deux écrits taoïstes anciens », Cahiers d’Extrême-Asie 14 (2004), p. 163 ; cf. p. 162, n. 64, où j’attire l’attention sur le fait que le gouvernement des Han conduisait une inspection générale des autorités locales au même huitième mois. Citant le Simin yueling (Ordonnances mensuelles des peuples des quatre directions), Liu Tseng-kuei mentionne qu’au même mois les gens devaient « sacrifier aux dieux vénérables auxquels ils avaient rendu un culte de manière régulière pendant l’année ». Il y avait donc convergence calendaire entre les pratiques gouvernementales et religieuses, que ce soit celles des familles qui adhéraient à la religion « commune » ou celles d’individus devenus « taoïstes ».
17 Voir M. Csikszentmihalyi, « Ethics and self-cultivation practice in early China », in J. Lagerwey, M. Kalinowski (éd.), Early Chinese Religion Part I. Shang-Han (1250 BC-220 AD), t. 1, p. 519-542. À cela il faudrait rajouter la recherche de l’immortalité et le culte des immortels – sujet que nous n’avons pas eu le temps d’explorer mais sans lequel tout le côté « surveillance et punition » divines dans le taoïsme n’aurait pas de sens. Pour s’en convaincre, il suffit de se souvenir d’une des notions clefs appliquées aux Immortels : ils se sont shijie, « libérés du cadavre ». On ne s’est pas suffisamment interrogé sur l’emploi, ici, du mot classique pour « exorciser », jie.
M John Lagerwey
Directeur d’études, École pratique des hautes études — Section des sciences religieuses
Articles du même auteur
- Histoire du taoïsme et des religions chinoises [Texte intégral]
Enquête sur les « dieux-ancêtres » (région hakka, Zhao’an, Huizhou)
Paru dans Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses, 115 | 2008
______________________________________________________
Psaumes 33:13 Du haut des cieux YHWH regarde, il voit tous les enfants des hommes ; 14 du lieu de sa demeure, il observe tous les habitants de la terre, 15 lui qui forme leur coeur à tous, qui est attentif à toutes leurs actions.
Ne devez rien à personne, sinon de vous aimer les uns les autres ; car celui qui aime son semblable a accompli [la] loi. Romains 13:8
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