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Tunisie belle et rebelle

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Message  Yacoub Dim 01 Mai 2016, 14:27

La chanteuse tunisienne imène cherif enlève le voile arabo-islamique et renoue avec sa vraie identité amazigh .

Originaire de la ville amazigh de #Sousse ,la chanteuse à toujours chanté avec le dialecte tunisien qui est à 99% composé de termes amazighs.

Aujourd’hui elle à déclaré qu elle est fière d être libérée du joug islamiste,fière de sa tunisianité & amazighité et prête à apprendre le Tamazight pour ces futurs chansons . Bravo.

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https://www.youtube.com/watch?v=NVoOIBLQ7kU

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Message  Yacoub Dim 01 Mai 2016, 15:23

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Message  Yacoub Ven 03 Juin 2016, 11:19

Les islamistes tunisiens au sommet (sommeil ?) de la modernité

Tunisie belle et rebelle Yamina-Zoghlami
Yamina Zoghlami

Yamina Zoghlami est contre l’égalité de l’héritage mais plaide pour une loi qui allonge le congé de maternité.

Pour être «au sommet de la modernité», les islamistes tunisiens se réapproprient des concepts et des mots, les subvertissent et les retournent contre ceux qui les ont forgés.

Par Monia Kallel *

La députée Yamina Zoghlami a opposé un non catégorique au projet de loi sur l’égalité de l’héritage. Et elle n’est pas la seule. Porte-voix de ses nombreux frères et sœurs (Nahdaouis et non Nahdaouis, j’allais dire «progressistes»), elle a investi toutes les chaînes télévisée et avancé l’argument passe-partout : «Ce n’est pas encore le moment !!!». Quelques jours après, elle juge, dans une autre annonce publique, que le moment est venu pour voter une loi qui allonge le congé de maternité, la Tunisienne aura droit à 4 mois au lieu de 2.

Les féministes en mode islamiste

L’idée paraît pertinente et utile, ce qui l’est moins c’est «l’esprit des lois» qui sont proposées et/ou rejetées par nos députés. Il y a d’abord le timing qui est loin d’être anodin. Il est clair que le 2e projet, le congé de maternité, est venu récupérer le premier, le refus de l’égalité, afin de montrer que Mme Zoghlami est «au sommet de la modernité». C’est ainsi qu’elle se définit dans une interview «accordée» à une chaîne de radio locale (le 31/6 :2016).

Grâce à un discours bien huilé et avec son habituelle éloquence, elle essaie d’expliquer que non seulement il n’y a ni contradiction, ni le moindre écart entre ses deux prises de positions, mais qu’elle se bat pour les droits de la Tunisienne qui souffre de l’injustice et assume presque seule les lourdes charges familiales. Elle précise qu’elle compte sur la coalition regroupant toutes les femmes parlementaires, même si, s’étonne-t-elle, les accords ne sont pas toujours possibles…

L’interviewée construit une argumentation en usant de procédés bien connus chez les «féministes» islamiques et/ou islamistes. Ce mouvement, en plein essor, est en passe de devenir un système bien structuré grâce à l’engagement de militantes-théoriciennes qui en fixent les principes fondateurs, les modalités d’action et la rhétorique. Il s’agit de se réapproprier des concepts et des mots, de les subvertir et de les retourner contre ceux qui les ont forgés.

Modernité, liberté, égalité, laïcité… reviennent fréquemment dans la bouche (et sous les plumes) de cette nouvelle génération de militantes qui se disent «au sommet de la modernité» tout en bafouant les principes inhérents à la modernité; qui se revendiquent «féministes» tout en s’écartant de la cause première : la déconstruction du patriarcat pour laquelle des femmes (et des hommes) se sont battues au risque de leur confort, de leur réputation et de leur vie.

Axé sur les rapports hiérarchiques (dominants/dominés), le système patriarcal s’est construit et s’est maintenu par la jonction du politique et du religieux, et par l’utilisation du «sexe faible» dont il a fait son pilier, sa victime et sa proie.

En ayant l’air de plaider la cause de leurs consoeurs, les féministes en mode islamiste ou islamique ne font que renforcer le système qui a écrasé et continue à écraser la femme. Être la fille de, l’épouse de, ou (plus gratifiant encore) la mère de… est le modèle sur lequel ont reposé tous les pouvoirs et qui a fonctionné dans toutes les sociétés traditionnelles (d’Orient et d’Occident), avant l’avènement de la modernité.

L’accord entre islamisme et modernité

La modernité s’est forgée à partir d’un ensemble de valeurs, liberté, égalité, laïcité, qui stipule nécessairement l’émancipation, c’est-à-dire la nette séparation de l’ancien système, l’individu se substitue à la communauté, le citoyen au sujet (ou au fidèle), la raison à la croyance, la loi à la foi qui relève, désormais, du domaine privé.

L’histoire universelle de la lutte contre le patriarcat – histoire qui est aussi vieille et aussi tenace que lui – révèle deux points cruciaux : l’autonomie mentale ou morale de la femme passe par son autonomie économique, et ses acquis, tout comme son statut social, sont d’une extrême fragilité. Ils sont difficiles à redresser, mais très faciles à dilapider…
Le projet de loi relatif au congé de maternité doit être pensé et discuté d’une manière rationnelle. Cette loi sert-elle vraiment la femme tunisienne, tant au niveau du recrutement qu’au niveau de sa promotion? Dans quelle mesure contribue-t-elle à l’équilibre de la famille, et de l’enfant? Va-t-elle dans le sens de l’égalité (que stipule la modernité) et du partage des tâches au sein du couple?

Dans les États modernes et les pays riches, les femmes qui choisissent de mettre au monde un enfant, dans ou hors mariage, bénéficient d’avantages (financiers) très nombreux qui sont appuyés par un long congé renouvelable (pouvant aller jusqu’à deux ans). Elles bénéficient également d’un cadre juridique propice, notamment le congé de paternité, qui les engage dans une société égalitaire où tous les individus ont les mêmes droits et les mêmes chances.

Dans la situation économique désastreuse de la Tunisie post-troïka, le projet de loi sur le congé de maternité, qui ne se comprend qu’en fonction du rejet de la loi sur l’égalité de l’héritage, s’inscrit dans le vaste programme de l’accord entre islamisme et modernité; un accord qui se pense, se structure et se diffuse à grande échelle (qui dépasse et inclut à la fois Madame la députée et ses frères islamistes) et par d’énormes moyens; le congrès d’Ennadha vient de le montrer.

Les médias constituent un support et un canal précieux pour les promoteurs du projet. L’idée de la fusion entre deux projets de société que tout sépare y passe avec une étonnante rapidité. Il suffit, pour se faire, d’ajouter aux mots larges, liberté, modernité, laïcité, des mots encore plus larges, identité, racines, particularité, culture…

C’est avec les mêmes procédés, la même logique et la même crispation identitaire que les rationalistes, les philosophes et les libres penseurs arabo-musulmans ont été jugés et condamnés : des môtazilites aux réformistes politiques en passant par Ibn-Rochd dont les livres et la lumineuse théorie de «l’intellect actif» ont migré vers l’Occident où ils ont semé la première graine de la modernité.

En terre d’islam l’orthodoxie politico-religieuse a toujours su /pu étouffer toutes les voix dissonantes. Mais la marche de la modernité est irrévocablement entamée; et l’histoire montre que la Tunisie, ce petit pays aux grands hommes, y a toujours pris une part active.

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Message  Manouche Ven 03 Juin 2016, 11:26

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Message  Yacoub Jeu 25 Aoû 2016, 12:32

ultrafiltre2 a écrit:justement ce matin j'ai regardé un peu la situation politique en Tunisie et je t'avoue que je ne comprend rien (c'est très complexe)
en aparté pour les règles du football américain il existe un super beau pavé à télécharger là the rule book-c'est une vraie science (et pour certains une religion à part entière)- c'est très complexe aussi mais là pour la politique en Tunisie il n'y a pas de livres disponibles sur le net qui aident à comprendre quelque chose
Cher et Noble Ami, je te conseille de lire les livres de Marzouki

Arabes si vous parlez

Arabes, si vous parliez…
COLLECTION
ISLAMIE
Lieu Commun

Moncef Marzouki

Arabes, si vous parliez…

ISLAMIE

COLLECTION DIRIGÉE

PAR JEAN-PIERRE PÉRONCEL-HUGOZ
Lieu Commun

A ma fille Nadia.

Aux écoliers de nos campagnes.

Le calife Omar dit en assemblée:

« Et si je vous apprenais que j’ai vu deux individus forniquer … que décideriez-vous? Le gendre de Mahomet, le futur imam Ali, lui répondit : “Que le prince des croyants amène, comme le veut la loi islamique, deux témoins oculaires, ou il recevra comme il est écrit, quatre-vingts coups de fouet pour diffamation.” Omar se tut. Car la loi doit toujours l’emporter sur le fait du prince. »

(Apologue de la tradition arabe)

« La démocratie est le musée des œuvres imparfaites, dormant entre l’inachevé et l’inaccompli. Il ne faut pas lui demander d’être superbe. C’est déjà beaucoup qu’on multiplie les esquisses ou les ébauches. La vouloir, c’est déjà la réussir, même moche, bancale et bossue. »

Michel Jobert

(in magazine Arabies, février 1987, Paris)

PRÉAMBULE

L’autocélébration et l’auto diffamation sont, aujourd’hui, les deux principaux désordres de la psycho1ogie collective arabe. Ces deux attitudes, coexistant parfois simultanément, tirent leur force de beaucoup de réalités, mais aussi de nombreux fantasmes.

L’autocélébration chante les gloires d’un peuple qui a donné au monde l’une de ses principales reIigions, l’une de ses plus prestigieuses cultures et l’une de ses plus riches langues. Elle remarque que cette nation, par les neuf millions de kilomètres carrés qu’elle occupe, au confluent de l’Asie, l’Europe et l’Afrique, par ses deux cent cinquante millions d’hommes en l’an 2000, par la jeunesse de sa population et par ses nombreuses ressources minérales et agricoles, a tout à espérer de l’avenir.

Mais l’autocélébration oublie tout le reste, et ce reste, c’est l’auto diffamation qui va le rappeler — et avec quelle délectation morbide! Nulle autre nation n’a peut-être poussé aussi loin le mépris de soi. Le mot « arabe » est devenu péjoratif, non pas seulement dans la bouche de certains étrangers, mais dans celle

11
ARABES, SI VOUS PARLIEZ...

de nos propres concitoyens de l’« Arabie1 ». Cette attitude, détestable s’il en est, d’auto dénigrement, d’auto mortification, gomme tous les acquis et toutes les espérances pour ne prendre en compte que l’étendue de nos échecs. Il est vrai que ceux-ci sont si nombreux...

On peut les grouper en trois rubriques sur le plan culturel, à la différence des Japonais, Russes, Chinois et Indiens, nous avons échoué à notre examen de paysage vers la modernité. A force de vouloir tout concilier, nous n’avons su ni rester fidèles à notre civilisation ancestrale, ni devenir les «locomotives» de la nouvelle culture universelle. N’ayant su ni pu choisir, notre présent comme notre avenir semblent devoir se décider sans nous.

Quant à l’unité arabe, seul moyen de donner à la nation de ce nom son poids réel d ans le monde et les moyens de sa politique, l’échec est encore plus patent. Non seulement nous n’avons pas avancé d’un pas depuis un siècle, mais nous avons régressé partout, puisque la balkanisation guette au Liban, en Syrie, en Irak, au Soudan, au Sahara, etc. En échouant dans notre marche vers l’unité, c’est tout notre développement social, culturel et économique que nous avons jusqu’à présent compromis.

Le troisième échec est encore plus douloureux, car il touche directement chaque Arabe l’échec de la liberté.

Dans les années 1950 et 1960, les maîtres-mots dans la conscience collective étaient « nationalisme » et « socialisme ». Par nationalisme, on entendait tout aussi bien la quête de l’indépendance des pays que leur unification, ultime étape de leur libération. Socialisme rimait avec utopie la justice sociale, le développement planifié, etc. Un seul mot manquait terriblement à l’appel « démocratie ».

PRÉAMBULE

Certes, on l’évoquait de temps à autre pour... s’en gausser. La démocratie, c’étaient les libertés formelles... le cirque publicitaire des élections américaines... les maffiosi de l’électoralisme. C’est ainsi que les générations grandies sous les mots-bannières, « nationalisme et socialisme », ont mis en place les régimes arabes actuels. Joli résultat !

Les machines ont fonctionné un temps, puis se sont rapidement grippées. L’autoritarisme, au nom du nationalisme ou du socialisme, a partout démobilisé, éliminé, bloqué les forces vives de la nation. Nous eûmes dès lors tous les autres échecs en prime guerre perdues contre Israël, dilapidation des richesses naturelles, zizanies de personnes entre les capitales, etc.

Pour l’esprit d’auto diffamation, ces ratages signent notre déchéance, voire notre fin en tant que nation. La poésie arabe des dernières vingt années est une poésie de fin de monde, d’Apocalypse, un chant lugubre pour une nation défunte.

L’Irakien Abdelhouahab El-Bayati (né en 1926) a rencontré à L’hôtellerie du destiné :

« La Lune aveugle dans le ventre du Poisson

et toi, éloigné du pays natal,

tu ne vis pas, tu ne meurs pas.

Le Feu des Mages s’est éteint. »

Tandis que le Syrien Adonis (né en 1930) avoue dans les Chants de Mit yar le Damascène :

« J’ai livré aux rocs et aux échos

ma bannière d’appels étranglés.

Je l’ai livrée à un fortin de poussière

à la fierté du refus

et de la défaite. »

A y regarder de plus près, on se rend compte que cet autodénigrement n’est en fait qu’une forme camouflée et inversée d’un immense orgueil blessé. Pourtant, consciemment ou non, ce que les Arabes commencent à chercher aujourd’hui, c’est à être efficaces, eux qui ont si longtemps confondu le verbe et l’action.

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ARABES, SI VOUS PARLIEZ...
Dès lors, un autre discours va peut-être voir le jour: celui de la contestation, de l’autocritique. Dire que cette prise en compte de la réalité et cette recherche de l’efficacité vont représenter un processus long et douloureux, serait une lapalissade.

Ce livre n’est qu’un symptôme de ce nouvel état d’esprit arabe, encore en herbe. Il ne constitue ni une étude « objective » de notre réalité, ni, je l’espère, un témoignage entaché de trop de subjectivité, mais bien la rencontre entre un engagement et des données jusqu’ici tragiquement résistantes au changement. Le fait de le publier en français, et hors de l’Arabie, en dit long sur les conditions de cette résistance.

Outre une totale liberté, s’exprimer à l’extérieur peut présenter un double avantage:

— Expliquer aux non-Arabes ce que nous sommes, les introduire dans notre monde, les inviter à vivre nos problèmes avec nous. Ce faisant, l’espoir est de faire tomber quelques préjugés, d’améliorer nos échanges d’hommes embarqués sur la même galère, et condamnés, ou à se connaître, à se reconnaître, ou à se détruire.

— Participer à la cristallisation de ce nouvel état d’esprit encore confus sur le monde arabe. Dans cette opération, les Arabes établis en territoire et en langue étrangers peuvent jouer un grand rôle, comme au temps de la Nahda, notre trop brève renaissance culturelle au XIXe siècle.

Si une petite partie au moins de ces objectifs s’avère atteinte, ce travail ne sera peut-être pas un coup d’épée dans l’eau.

LES DEUX CONTESTATIONS

Été 1982. Des centaines de milliers d’Israéliens dans les rues de pour protester contre... les massacres d’Arabes à Sabra et Chatila, au Liban.

Printemps 1986. On manifeste partout en Europe, et même aux États-Unis, contre le bombardement américain de Tripoli de Libye. Seuls les Arabes n’ont pas le droit d’exprimer leur opinion, eux les premiers intéressés.

Dans les deux cas, les rues des capitales arabes sont sévèrement gardées, et les velléités de manifestation ici et là sont sévèrement réprimées.

Comme les lampions de la fête, on a vu s’éteindre partout les rares journaux ayant tenté d’enfreindre les tabous. Rien d’étonnant à ce que la presse arabe de niveau international s’exile à Paris ou à Londres pour pouvoir dire, parfois au prix de la mort et du sabotage, des vérités qui sont pourtant bien connues dans le monde arabe.

La presse, ce faisant, entérine le deuxième échec de la nation arabe

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ARABES, SI VOUS PARLIEZ...

. Après le pain, c’est la liberté que ses fils doivent aller quémander ailleurs. Pour pouvoir dire certaines vérités, la pensée arabe a dû s’exiler, non seulement dans des lieux étrangers, mais dans des langues étrangères. Nulle autre grande civilisation ne donne semblable image d’elle-même : exiler jusqu’à sa propre langue, jadis instrument puissant de la science et de la philosophie, presque chaque fois qu’il s’agit d’exprimer l’essentiel.

Tout se passe comme si un formidable barrage politico-culturel était mis en place pour empêcher le non-dit de venir à fleur de conscience. Ceci fait que ce qui couve dans la marmite arabe reste encore mal saisi, et par les Arabes eux-mêmes, et par les observateurs « objectifs ». La langue de bois des médias officiels, l’arabophobie (ou, quand elle existe, l’arabophiie) des médias occidentaux ne font qu’ajouter à la confusion générale. L’absence d’un débat libre interne au monde arabe a, par exemple, faussé la conscience que les gens ont d’eux-mêmes et de leurs problèmes. C’est ainsi qu’on les voit passer alternativement de l’abattement et de la sur culpabiisation à l’exaltation d’une fausse et bien surprenante supériorité magique, s’appuyant plus sur la grandeur des ancêtres que sur celle de leurs descendants. Peu de chose sourd de ces déchirements de la conscience.

Les étrangers, et spécialement les Occidentaux n’ayant devant eux que le discours officiel ou les « coups de gueule » des extrémistes de tout bord, finissent par n’avoir qu’une idée tout aussi hallucinatoire de la réalité arabe : régime matamoresque et terrorisme avec, en prime, couscous et thé à la menthe, sont les grands paradigmes autour desquels se construit une image somme toute falote.

Rien ne peut sortir de bon de cette double méconnaissance. Sevrés de leur mémoire collective, de leur droit à la réflexion, à l’évaluation, à la confrontation des idées, les Arabes sont amenés à multiplier les conduites d’échec. De plus, voyant leur image, déjà si difficile à mettre au point, se refléter dans le miroir

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LES DEUX CONTESTATIONS

hideux de tous les ostracismes, les Arabes ne peuvent que s’engager davantage dans toutes les impasses du nationalisme, du racisme ou de telle ou telle forme d’intégrisme.

Aujourd’hui, l’auto diffamation comme l’autosatisfaction paraissent avoir épuisé tous leurs maléfices. Ce qui est exigé, c’est l’autocritique, cet autre nom de la maturité.

En nous connaissant nous-mêmes et en nous faisant connaître, dans notre réalité si complexe d’hommes en butte à tous les problèmes que connaissent les hommes, nous approcherons plus sûrement de ces objectifs qui semblent nous fuir à mesure qu’on croit les toucher du bout des doigts. Cette réalité complexe est aujourd’hui sous-tendue par la prise de conscience de certaines vérités, plus ou moins formulées, mais qui semblent conquérir chaque jour davantage le champ de conscience arabe.

Désillusion, amertume, inquiétude, confusion sont encore les maîtres-mots. Les belles certitudes, les grandes espérances des années 50 et 60 et qui avaient pour nom Arabisme, Socialisme, Tiers-Mondisme, etc., ont pris un rude coup de vieux, et peu de nous attendent d’elles aujourd’hui plus que des lendemains qui déchantent.

Tous les régimes arabes font face aujourd’hui à une double contestation : l’intégriste et la démocratique.

La première met en cause les choix modernistes de ces régimes, mais sans sérieusement contester leurs méthodes autoritaires.

La seconde conteste surtout ces méthodes autoritaires sans mettre en cause leurs choix modernistes.

Cette contestation démocratique est un phénomène nouveau. De plus, elle a absorbé toute la contestation nationaliste ou de gauche du quart de siècle écoulé.

Tout se passe comme si les mouvements politiques modernistes de l’Arabie prenaient conscience, à cette étape de l’expérience politique arabe, que seule la démocratie pouvait nous sortir de nos cercles vicieux.

Ce que la contestation démocratique met en cause
17

ARABES, SI VOUS PARLIEZ...

un peu partout, c’est la trinité : un homme, un parti, une doctrine. Que ce système ait permis de rassembler les énergies, de mettre au point les bases de l’État, de réduire les forces centrifuges si puissantes en Arabie, n’empêche plus les Arabes de mesurer la gravité de ses effets pervers : lourde tutelle sur la société, exclusion des forces vives, déresponsabilisation collective, révoltes cycliques, perte d’efficacité, etc.

Confusément, les Arabes cherchent la solution de rechange. La flambée islamique est l’une des manifestations de cette recherche éperdue mais elle a fort peu de chances de mener à une issue. On ne guérit p as du totalitarisme par un super totalitarisme. Aussi, derrière ce dernier coup de poker de la vieille tendance dictatoriale, se profile l’espérance démocratique.

Par ses excès mêmes, par ses échecs répétés, par l’impossibilité où il se trouve de s’auto réguler, le vieux système totalitaire pave dans le cœur et les esprits le chemin de la démocratie. Dire que celle-ci est inéluctable, comme on prétendait hier que le socialisme triompherait inexorablement, serait se leurrer une fois de plus. Rien n’est plus improbable que la démocratie en Arabie, mais rien n’est pius urgent aussi.

Les problèmes sont devenus beaucoup trop complexes pour être réglés par une poignée de gens qui se sont institués tuteurs perpétuels d’une société, qui plus est, en mutation.

Presque partout, malgré le carcan des censures, des structures vides, de la violence quotidienne, s’organisent peu ou prou, la prise de conscience, la prise de parole et il y a peu de chance qu’un tel processus puisse être endigue.


DÉTRESSES QUOTIDIENNES

«Docteur, j’ai mal à la tête ! »

Cela je l’ai entendu, avec une fréquence quasi obsédante, depuis que je pratique dans les hôpitaux de Tunisie.

Dans notre jargon médical, nous appelons ce symptôme banal « céphalées ». Mes maîtres m’ont enseigné qu’il est exceptionnellement significatif d’une lésion organique, qu’il est le plus souvent signe d’une perturbation psychologique et qu’il fait partie de ces maladies courantes dites psychosomatiques. Je l’enseigne à mes propres étudiants, tout en faisant peu de cas, je l’avoue, de ce que recouvre l’aspect psychologique de la définition.

Un jour, frappé par l’extraordinaire répétition de ce symptôme, j’ai dû me départir d’une rigueur médicale de bon aloi et je me suis vu obligé de me demander : mais qu’est-ce que cela signifie ? Psychologique... psychosomatique... socio-psychologique, etc. sont des termes fourre-tout, des poubelles sémantiques où le clinicien jette d’habitude tout ce qui

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ARABES, SI VOUS PARLIEZ…

échappe à son entendement. Aussi me suis-je astreint à une saine méfiance devant tout ce qui porte ce label. Tout malade se plaignant de la tête subissait donc un examen « policier », une batterie d’examens complémentaires plus ou moins poussés (et très coûteux), repartait avec une ordonnance où la posologie était calculée, avec un rien de perfectionnisme. De la bonne médecine scientifique et technique, en somme.

Mais revoilà le malade et sa litanie.

« Docteur, j’ai si mal à la tête, et vos médicaments, pardon!»

Je fus donc bien obligé de réfléchir, et surtout d’écouter encore.


Humiliation

« Docteur, j’ai mal à la tête. »

J’expédie l’examen neurologique et je « cuisine » le malade. La vertu cathartique de la parole a été reconnue bien avant saint Freud. Et l’homme ne demande que cela... Parler... Enfin, parler à quelqu’un qui soit disposé à l’écouter.

Les mots se pressent dans sa bouche et la voix tremble. J’ai du mal à suivre. Il tourne d’abord autour du pot, puis c’est l’aveu.

Une histoire banale

Un accrochage à Mobylette avec une bourgeoise dans sa grosse voiture. Un homme en uniforme arrive sur les lieux. La bourgeoise a raison... Mercedes contre Mobylette, Mercedes a raison... Mobylette proteste... L’homme en uniforme s’énerve... Vlan, une g rosse gifle pour apprendre à Mobylette le respect de l’ordre des choses.

« Depuis lors, docteur, j’ai terriblement mal à la tête... Cela fait des mois. »

Brusquement, il se met à sangloter. La gifle continue quelque part à lui brûler le cerveau. Un souvenir-éclair me traverse l’es p rit. Mon père, durant la lutte pour l’indépendance de la Tunisie, avant 1956,

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DÉTRESSES QUOTIDIENNES

fut pris dans une rafle à l’entrée de Gabès et collé contre le mur.

Le colloque singulier colonisé-colonisateur s’engagea dans « le cadre de la confrontation des cultures », comme on dirait dans la jargon actuel. Le soldat de la colonisation lui balança un soufflet qui entra dans la mythologie de notre famille. Combien d’années durant mon père eut-il mal à la tête ? Je ne l’ai jamais su réellement mais nous avons vécu longtemps, mes frères et moi, dans la hantise du soufflet. Le père n’arrêtait pas de nous répéter:

« Étudie, mon fils, a fin que personne ne te gifle jamais ! »

Gifle, gifle... Qu’associer à ce terrible mot: indignité, humiliation, dépréciation de soi, amertume, h aine, volonté de vengeance, désir de détruire, de s’autodétruire? J’ai cru que mon père oublierait. il n a jamais oublié. Pourtant, cela s’était passé avant ma naissance, mais il en parlait tout le temps. Le jour où je lui ai annoncé que j’étais reçu à l’internat dans un prestigieux hôpital de France, il porta la main à sa joue gauche et dit en souriant: «elle» est enfin vengée. Qui vengera l’humiliation de l’homme à la Mobylette, qui se mouche très fort en hoquetant? N’a-t-on pas d it que les pires des injustices sont celles que vous ont subir vos proches, vos semblables?

Mais, me suis-je dit en l’écoutant, pourquoi tant d’histoires, tant de dégâts pour une humiliation de plus? Est-ce une question de forme ou de dose? Après tout, l’humiliation est certainement la chose la mieux partagée et la plus fréquente dans nos pays humiliation de l’homme cour é à genoux, le front contre terre, implorant un Dieu juste mais terrifiant, humiliation du colonisé, du néo-colonisé, de la femme par l’homme, de l’enfant par le père, du quidam par le flic, le rond-de-cuir et les autres « serviteurs » de l’Etat.

Si l’Arabe poursuit cette quête obsessionnelle de la dignité comme l’unique objectif de sa vie, si la fierté est, de tous les biens magiques, celui qu’il chérit le

21

ARABES, SI VOUS PARLIEZ...
plus, n’est-ce pas parce qu’il vit dans un univers mental et social d’où la dignité est bannie à jamais et où la fierté n’est donnée qu’à celui qui a le plus grand pouvoir d’humilier?

L’homme, le nez dans son mouchoir, hoquète toujours. Je l’écoute en silence, ne sachant que faire, tout en essayant de cacher mon émotion. Puis c’est le passage à l’acte. Il faut en finir : le Mur des lamentations, ce n est pas ici...

Je rédige une ordonnance bidon. Comment lui dire qu’on n’a pas encore inventé la pilule anti-humiliation, et que de toutes les façons elle ne serait pas autorisée dans les pays arabes ?...


Misère


« Docteur, j’ai mal à la tête. »

Son safsari2’ est si troué, si sale... Elle a aux pieds des sandales en caoutchouc bleu, son tatouage sur le front dit son origine, sa misère, son ignorance.

Je l’examine. Tout est en ordre. Je n’ai pas besoin de lui tirer les vers du nez. Seigneur, que les gens ont donc soif de parler, d’être écoutés ! Un reste de pudeur la fait tourner autour du pot, puis c’est l’aveu.

« Docteur... Si vous saviez, mon mari a été chassé de l’usine après un accident. J ‘ai quatre enfants. Nous vivons à six dans une chambre... Au pain et à l’eau presque tout le temps. C’est qu’avec trente dinars par mois3 !

Incrédule, je la reprends

— Trente dinars.., allons, vous exagérez.

— Sur la tête de mes enfants, Sidi docteur... Rien que trente dinars. » J’imagine cette femme harassée par les quatre affamés; il faut unp antalon au petit, il ne va quand même pas aller les fesses nues, mais où


DÉTRESSES QUOTIDIENNES



trouver l’argent du charbon pour le quanoun4, et le pain ne va-t-il pas augmenter ? Comment résoudre la quadrature du cercle et comment une telle femme n’aurait-elle pas mal à la tête? Le chiffre me transperce. Trente dinars, c’est à peu près mon budget mensuel en journaux et hebdomadaires! Maudite femme! Non seulement elle me pose un problème sans solution, mais de plus elle me culpabilise. Je lui aurais bien refusé d’un geste noble le prix de la consultation, mais nous sommes en hôpital et ma prestation est gratuite.

Je fais une longue prescription de vitamines à des doses importantes et je lui dis d’en donner aux petits. Ils sont sûrement dénutris, et mal réveillés en classe. Je la chasse presque. Trente dinars pour six personnes. Dire que je trouve mon salaire dérisoire !

Je reviens à mon bureau et je m’assois, accablé. Quand est-ce qu’ils inventeront la pilule anti-misère?


Frustration

« Docteur, j’ai mal à la tête. »

Elle n’a que 18 ans. Elle est jolie malgré ses hardes.

L’examen est strictement normal. Elle aussi ne demande qu’à parler.

« Mon père me séquestre. Il ne veut pas que j’étudie, que je travaille, mon frère aîné me surveille,je suis la bonne à tout faire. Alors, je fais des crises, je cogne ma tête contre le mur. Quand je hurle trop, ma mère m’asperge avec un seau d’eau froide. Après chaque crise, je reste prostrée plusieurs jours, avec cet horrible mal de crâne comme seul compagnon. »

J’ai toujours été frappé par la fréquence des troubles psychosomatiques chez les femmes, et pour cause. Dans notre société, ce n’est pas le cheval qui est la plus belle conqête de l’homme, mais la femme. Certaines « privilégiées » se débrouillent pour naître à la


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fois femme et ouvrière qui plus est, tout en appartenant à une minorité ethnique souffre-douleur de la majorité! Allez vous étonner après cela qu’elles fournissent le gros contingent des affligés de la céphalée. Quand elles expriment ce malaise de tout leur être toute cette souf rance, la science médicale (masculine) a pour elles un diagnostic fin prêt : hystérie. Ce terme péjoratif est aujourd’hui synonyme de simulation, de mensonge... de féminité... Ô racisme, quand tu nous prends ! Certes, notre pays à de quoi être fier, en ce qui concerne l’émancipation juridique des femmes, mais entre l’émancipation dans la loi et l’émancipation dans la vie, il y a encore un gouffre immense.

Des centaines de femmes ont défilé dans mon bureau. Elles m’ont paru ligotées, prisonnières, non par l’autorité d’un code juridique aboli depuis plus d’un quart de siècle par Bourguiba, mais par des liens autrement plus redoutables car moins visibles : l’autoritarisme du mari, l’absence d’autonomie, l’esclavage familial, la mésentente à l’intérieur du cou p le. Ajoutez à cela l’effarante pauvreté de toutes ces femmes des faubourgs de Tunis et vous aurez une explication plausible de ce terrible mal de tête dont elles souffrent presque toutes. Mais il y a pire. Il y a le tabou des tabous... La sexualité subie et non vécue. Je n’aborde que très exceptionnellement ce point, et pourtant il est là, tapi au fond de leur être meurtri.

Comment peut être vécue la sexualité, par les femmes, dans notre société arabe, quand le terme « faire l’amour » signifie aussi dans le parler courant dominer, arnaquer, écraser, soumettre et surtout humilier?

J’ai la question au bord des lèvres. Mais je laisse tomber. A quoi bon, et que puis-je leur apporter? Peut-être certaines avaient-elles la même question sur le bout de la langue et, elles aussi, effrayées et découragées, ont-elles préféré continuer à se taire?

Je prescris à la fille un antidépresseur, en me disant que je lui prescrirais volontiers une pilule de liberté... Je la raccompagne à la porte, ,en me disant: avec toutes ces bonnes femmes, on n est pas près de manquer de travail
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DÉTRESSES QUOTIDIENNES
. Il me faut songer sérieusement à installer à mon compte. Ah! les belles villas en perspective!


Aliénation
« Docteur, j’ai mal à la tête.

— Tiens, je l’aurais parié! » C’est qu’avec l’habitude, je vois venir les maux au premier coup d’oeil. Une femme encore jeune, jolie, habillée à peu près correctement. De quoi pourrait-elle se plaindre, sinon de la migraine? Examen normal: passons. Son histoire me fait rire. Une note d’humour dans cette interminable litanie de misère, c’est toujours cela de gagné. Mademoiselle a mal à la tête depuis qu’elle aime. Suit une histoire très compliquée d’amour impossible avec une foule de jaloux qui empêchent les tourtereaux de convoler en justes noces, une cascade d’intrigues à rebondissements.

Je l’écoute fasciné, car j’ai vite réalisé qu’elle vivait un amour type feuilleton égyptien, ce genre qui a lassé tous les Arabes à l’exception des responsables des programmes (plutôt irresponsables) de nos télévisions. La fameuse formule « la religion est l’opium des peuples » est à revoir impérativement au profit des séries cairotes. Ce qui me frappe, c’est la perfection de l’identification à l’héroïne-eau-de-rose, habituée de ce genre de navets où immanquablement une riche aime un pauvre (à moins que ce ne soit l’inverse) et puis vas-y que je te refuse le mariage, pour te marier à un homme plus âgé, mais « convenable », etc. (voir la suite à la télévision de Tunis, d’Alexandrie ou d’Amman cette semaine, ou l’année prochaine).

En y repensant, je me dis qu’il n’y a là rien de très amusant: Dans les bidonvilles, ils ont tous la machine à illusion. Ils voient les grosses voitures, les fauteuils moelleux. Les servantes se montent le bourrichon, comme les bourgeoises, ajoutant à leur malheur vrai des raisons factices d’être encore plus malheureuses. Il n’y a pas que la vie misérable qui donne mal à

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la tête: une culture de pacotille y aide grandement.

Naguère, on voyait partout un slogan publicitaire vantant les prodiges d’une marque d’essence (c’était l’époque de la vitesse autorisée) : « Mettez un tigre dans votre moteur. »

Une main arabe inspirée avait ajouté sur l’affiche, avec ô combien de raison : « A quoi bon, si vous avez un âne au volant? »

Chaque fois que je passe devant un téléviseur et que je réalise les capacités prodigieuses de cet appareil pour cultiver, libérer, aider l’homme, je me rappelle cette pub et son additif spontané.

Eh ! oui, à quoi bon bénéficier d’un tel prodige, s’il y a...

Urgent : mettre au point une pilule antitélévision.


Ecologie ! Ecologie!

« Docteur, j’ai mal à la tête. »

L’homme paraît pourtant solide, et l’examen est absolument normal. L’origine de sa migraine est simple, elle a pour nom : bruit; à l’atelier et chez lui.

Le bruit, ce toxique des toxiques, je l’ai plus d’une fois retrouvé lors de l’interrogatoire. Certains vous le jettent à la figure d’emblée avec une agressivité qui en dit long sur eut souffrance.

Les pays arabes sont certainement parmi les plus bruyants au monde. Les klaxons vous écrasent les tympans, la télévision du voisin vous martèle le crâne, les ateliers d’usine paraissent spécialement conçus pour un maximum de bruit. Les humains participent à la cacophonie du mieux qu’ils peuvent. A l’hôpital, j’ai un mal de chien à faire admettre aux infirmiers de ne pas s’interpeller en hurlant. Comme ils font la sourde oreille, c’est moi qui me mets à hurler pour leur intimer l’ordre de ne pas hurler... Quand les malades s’en mêlent pour demander silence en vociférant à leur tour, la situation devient franchement cocasse, et vous décidez de remettre au lendemain votre décision de démissionner tout en partant d’un

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éclat de rire sonore. Situation identique à la poste, à la douane, à la gare. L’été, le monde arabe passe au tam-tam. Mariages obligent. Alors, allez trouver le sommeil entre le concert des noces de la petite dernière des voisins, le solo de derbouka5 de l’insomniaque d’à-côté et la disco-partie pour fêter le bac du grand boutonneux d’au-dessus.

Nous sommes devenus un peuple hurleur, klaxonneur, derboukeur, gesticuleur, tapageur, de vrais spécialistes du bruit en tout genre et en tous décibels. A ce fait, il y a certes plusieurs explications : notre tempérament à la fois bédouin et méditerranéen, l’encombrement des villes et j’en passe. Mais j’en ajouterais un autre la volonté politique. Tout peuple a besoin de pain et de jeux, comme on le sait. Il faut donc bien à notre frustration un exutoire, surtout en saison chaude. Donc, qu’ils hurlent dans leur micro leurs chansons tristes, du moment que cela leur fait croire qu’ils sont en fête ! Alors qu’ils ne sont que les dindons de la farce. Faudra-t-il bientôt adjoindre des boules Quiès à toute ordonnance ?

A la pollution par le bruit et le gaz des voitures, se surajoute un autre facteur tout aussi grave : l’entassement. Quelqu’un a dit très justement que les humains ont ceci de commun avec les pommes de terre qu’ils pourrissent tout aussi vite quand on les empile les uns sur les autres.

Or nous sommes empilés les uns sur les autres, et la « pourriture » des humains a pour symptômes malaise, tension nerveuse, stress, céphalées, bref souffrances.

Ces divers facteurs peuvent se surajouter et leurs effets se multiplier. Les cages à poules champignonnent. Imaginez l’état psychologique de familles maghrébines, donc bruyantes car ayant beaucoup de jeunes, suspendues les unes sur les autres, dans ces clapiers où aucune isolation n’a été prévue (trop


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chère), et, dites-moi, quelle vie peuvent espérer ces gens? Oui, la maladie psychosomatique a un grand avenir dans nos pays : curieux que les architectes et les promoteurs ne demandent pas encore de commissions et une ristourne aux neuropsychiatres! A moins que ces derniers ne leur aient déjà graissé la patte sans que je le sache. Auquel cas j’exige ma part et réparation...

Dans toutes les villes arabes surpeuplées par la surnatalité et par l’exode rural, les gens sont malades de frustration, d’agressivité, d’humiliation. Ils sont mal dans leur peau, car ils vivent dans des structures sociales étouffantes, stérilisantes, décourageantes. Ne peuvent survivre dans cette jungle ou règnent l’argent, le passe-droit, la pistonite, la gabegie, l’absence de conscience professionnelle, que les membres de cette bourgeoisie qui a fleuri durant la dernière décennie des indépendances comme une plante vénéneuse et dont on dira un jour qu’elle fut, non la plus bête, mais la plus vulgaire du monde. Chez nous, les rapports humains sont avant tout régis par la force et l’argent. En plus, nous sommes écrasés par l’affairisme et l’autoritarisme, le trafic d’influence et l’injustice.

Certes, il est illusoire de croire qu’un urbanisme intelligent et humain, un cadre de vie physique protégé, des relations humaines pacifiées et un niveau de vie et de culture décent feraient disparaître, zpsofacto, les désordres nerveux. D’autres sociétés plus développées n’ont pu en venir à bout, et le mythe « homme sain dans une société saine » a souvent accouché des plus hideux totalitarismes. Mais, entre courir le mythe dangereux et accepter une réalité pathologique et pathogène entretenue par des comportements, des intérêts catégoriels sordides, une épaisse inconscience, il y a un gouffre, et un champ immense de travail et de réflexion.

Un proverbe arabe dit : « Trop de malheur finit par faire rire. » Alors rions de cette bourgeoisie grossière et vorace, sans charme ni discrétion, que le mal-développement a sécrétée partout dans le tiers monde, et dont nous possédons d’un bout à l’autre de l’Arabie,

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DÉTRESSES QUOTIDIENNES


de l’Atlantique au Golfe, de sacrés échantillons.

La chute, je l’emprunte à Tahar El Fazaa et Slaheddine Triki6. L’histoire est trop belle pour ne pas être vraie.

Une grosse bourgeoise arabe aux cheveux teints, portant une fourrure imitation, descend de sa luxueuse voiture étrangère. Elle est en train d’orner de tout le clin9Uaflt son énorme villa (arabesques, toit de chaume, taïences sur le mur extérieur, etc.). Aujourd’hui, elle veut mettre la dernière main à la décoration. Impériale, elle intime l’ordre au vendeur:

« Des plantes, des plantes, je veux des plantes.

— Mais lesquelles, madame?

— Peu importe, ce que je veux, c’est des plantes à la dernière mode! »


LA QUESTION INTERDITE


Pourquoi sommes-nous sous-développés?

Aussi ahurissant que cela puisse paraître, cette question clé n’a jamais été correctement posée, et encore moins sérieusement discutée. Elle est certes sous-jacente à tout le débat idéologique en cours dans nos sociétés depuis la fin du XIXe siècle, c’est-à-dire depuis cette fameuse Nahda ou Renaissance arabe.

Mais observez comment, à peine la question esquissée, on passe tout de suite à la réponse : il faut revenir à la « vraie » religion, embrasser le « vrai » marxisme, adopter la « vraie » modernité, etc. La « vraie » question reste, en fait, en suspens, certains allant même jusqu’à lui dénier toute pertinence. Sous-développés par rapport à quoi, questionnent-ils ? Par rapport à la pollution japon aise, à son taux de suicide d’enfants, àl’alcoolisme français, à la violence américaine, au formidable taux de névroses, psychoses, divorces, suicides des peuples occidentaux, à leur dénatalité, à leur famille nucléaire, voire monoparentale, à une civilisation de loisirs abêtissants avec ses Disneylands, tous les mêmes en Amérique, au Japon, bientôt en France ?

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Or, la réponse est simple:

Nous sommes d’abord sous-développés par rapport à ce que ces sociétés humaines plus avancées ont su réaliser: une espérance de vie plus longue, une meilleure gestion des richesses et de la matière grise, une créativité qui semble s’emballer chaque jour davantage.

Nous sommes sous-développés par rapport aux objectifs communs à toute l’espèce, à Cet horizon lointain d’une humanité désaliénée et pacifiée, et vers lequel les peuples avancés ont marché d’un pas plus vif que nous.

Nous sommes sous-développés par rapport à nos propres ancêtres qui surent créer, à partir une vaste synthèse, une des grandes cultures de leur temps, et qui ne se sont pas cru obligés de vivoter misérablement sur le le g s de leurs anciens ou d’embrasser servilement les cultures dominantes de leur époque.

La question n’est cependant pas d’argumenter ces évidences, elle est bien de savoir comment nous en sommes arrivés là... Comment une antique (et si jeune) nation, dominatrice, créatrice, féconde, qui a donné au monde Avicenne, Averroès, Hallaj, Ibn Arabi, Ibn Khaldoun, et j’en oublie, est devenue si stérile, si dominée, si vaincue culturellement ? Et économiquement.

Plus nous émergerons du sous-développement, àl’instar d’un mala e qui sort d’une encéphalite, plus nous recouvrerons notre lucidité, et moins on passera du constat à la solution magique et aux excuses. On s’arrêtera longtemps sur les causes de cette catastrophe culturelle. Je formule l’hypothèse que les historiens, économistes et sociologues arabes de la fin du XXe siècle et du début du XXIe débarrassés de la phraséologie produite par un esprit encore largement contaminé et malade, se pencheront avec une rigueur scientifique sans faille sur la grande question : mais qu’est-ce qui s’est passé pour nous à partir du XIIe siècle, voire avant ? J’imagine qu’ils ne s’arrêteront pas àla grande explication e ‘esprit léthargique: «à


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LA QUESTION INTERDITE

cause de l’éloignement de la vraie religion », ou àcause de ces « maudits colonisateurs », et que leurs débats tourneront autour d’autres hypothèses et d’autres problématiques.

On reviendra d’abord à Ibn Khaldoun : les civilisations sont mortelles, mais comment dégénèrent-elles? Comment et pourquoi avons-nous dégénéré ? L’affaiblissement de l’esprit de clan, de l’esprit guerrier? Soit, mais y a-t-il eu d’autres mécanismes ? Connaissant, de par mon métier, le formidable fardeau génétique qu’entraîne la consanguinité chez nous, je serais tenté d’avancer l’hypothèse que les tribus bédouines, fer de lance de nos conquêtes, ont peut-être perdu beaucoup de leur vigueur à cause de ce facteur, mais il n’y a pas qu’une vision biologique de la catastrophe. Plusieurs autres niveaux de lecture peuvent être esquissés.

Lecture économiste: structures de production archaïques et dépassées, déplacement du centre économique du monde vers les nouvelles routes atlantiques.

Lecture éthologique : comme les espèces animales, les sociétés humaines ne sauraient s’accroître et s ‘étendre indéfiniment. Elles créent automatiquement les conditions de leur autolimitation, en faisant lever par exemple autour d’elles des ennemis régulateurs. La catastrophe serait alors, non un accident, mais une fatalité qui frappera demain ceux qui nous dominent aujourd’hui.

Lecture moralisatrice : perte du sens de l’effort, avachissement dû à un excès de raffinement, goût prononcé pour le confort et le repos après les grandes épopées.

On pourrait continuer longtemps à glisser les tentatives d’explication. Probablement la catastrophe est-elle le résultat de paramètres multiples, chacun d’entre eux étant affecté d’un coefficient x ayant joué d’une façon y dans des conditions elles-mêmes variées. Aussi suis-je dubitatif quant à la possibilité de résoudre un jour l’énigme. Encore faut-il que le problème
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ARABES, SI VOUS PARLIEZ...

soit posé et non éludé. Reste que parmi tous ces paramètres interagissant d’une façon très complexe, j’en isole un qui me paraît avoir été déterminant : le drame de la liberté.

L’action et la réaction

Nous avons été, et nous restons d’abord et avant tout une culture du non-dit: répression, censure, autocensure, langue de bois, mensonge par omission, dénégation, falsification, refoulement, etc., autant de techniques utilisées, et avec quel succès, pour que le non-dit le demeure.

A bien y réfléchir, on se dit qu’il n’y a là que du très banal et que, de plus, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Crier au scandale, c’est faire preuve, soit de mauvaise foi, soit de naïveté. Toutes les sociétés ont expérimenté, à un moment ou un autre, ce refus bougon de se débarrasser de tout un carcan idéologique et structurel, faisant taire avec violence toute résistance. Que l’on pense à l’Occident de l’Inquisition et de toutes les réactions dont certaines ne sont pas si vieilles. Toutes les sociétés ont dû, néanmoins, un jour ou l’autre, franchir le Rubicon, s’accommoder de ce non-dit, voire en faire la matrice de multiples renaissances, d’une nouvelle orthodoxie.

Ce Rubicon, nous ne l’avons pas encore franchi. Certes, il faut d’abord qu’une société élabore sa vision du monde, codifie son expérience, et s’y tienne. Farouchement. Maintenir cette structure d’équilibre est pour elle, en dépit de tout dysfonctionnement, une question vitale. Il appartiendra à une certaine forme d’esprit, qu’on qualifiera si on veut de réactionnaire, de se faire le chien de garde de la demeure, mais le monde bouge au sein et en dehors de la structure et le déséquilibre, le désordre, le délitement, la mort, même si elle doit être suivie par une renaissance, pointent. Du coup, répression-censure, autocensure, an ue de bois, mensonges par omission, dénégation, refoulement, etc. s’élaborent comme tech-

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LA QUESTION INTERDITE


niques permettant de maintenir l’équilibre menacé.

Ces efforts s’avéreront pourtant insuffisants. Aussi faut-il une autre forme d’esprit pour gérer le chaos et le désordre créateur. Le drame de la société arabe serait-il d’avoir donné toujours la priorité au frein sur l’accélérateur?

Or, il n’y a pas de création sans liberté, c’est un truisme; voyons comment cela fonctionne et pourquoi, en ne le faisant pas fonctionner chez nous, nous avons dégénéré.

Il y a quelque chose de proprement fascinant dans l’activité de l’esprit en sa forme occidentale. Il accumule, détruit, reconstruit, à une vitesse vertigineuse, une quantité incroyable d’informations. C’est un vrai jeu de massacre, mais qui permet d’avancer, et quelle avance!

L’esprit pèse les étoiles, sonde les cratères noirs des astres, détermine les caractéristiques des quarks, des quasars et des pulsars, spécule sur l’âge de l’Univers et sur la structure des cellules humaines. Dans le domaine des sciences humaines, la révolution est, là aussi, permanente. Discussion permanente sur la psychanalyse, le marxisme, la linguistique, la psychiatrie, etc.

Le désordre est ici loi, le foisonnement, la caractéristique, l’évaluation critique, une espèce de sélecteur culturel qui élimine sans cesse les idées faibles, débiles, non viab1es. En comparaison du marais stagnant de notre pensée arabe, c’est l’océan en tempête.

Bien sûr, il n’en a pas été toujours ainsi. Que l’on se souvienne de la scholastique et de la férocité de Galilée, raillant tous les adeptes aveugles, sourds et sans voix de la sainte Bible (où tout est écrit) ou du grand ancêtre Aristote. Ces docteurs de la foi et de l’héritage que Galilée a immortalisés dans ses dialogues, ces fiers porte-drapeaux de la fonction conservatrice de l’esprit ont perdu la bataille. Ils ont fait monter Giordano Bruno sur le bûcher, emprisonné Galilée, réduit Des-cartes à l’état de réfugié, craché abondamment sur Darwin, mais ils ont perdu. Et ce n’est pas seulement la

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science qui s’est développée en Occident, mais toutes les formes de pensée et de création philosophie, sciences humaines, arts, etc.

Cette bataille où l’esprit s’affranchit de trop pesantes certitudes magiques, nous, Arabes, l’avons livrée, mais l’avons perdue. Hallaj le mystique mésopotamien crucifié, les rationalistes Ibn-el-Mougafaa et Abdelhamid El Kateb massacrés par ordre des califes de Damas ou Bagdad, le grand Averroès exilé d’Espagne au Sud marocain n’ont pas été les marchepieds de la libération, mais les martyrs de l’échec. Cet échec, nous en payons aujourd’hui encore le terrible prix.

LE GAULÉE DE L’ISLAM

Souvenons-nous Averroès naît à Cordoue en 1126 et meurt à Marrakech en 1198. Il est sans conteste le plus haut philosophe du Moyen Age chrétien et musulman.

Etait-il « simplement » un brillant commentateur d’Aristote ou utilisa-t-il le grand nom grec pour faire passer nombre de ses idées à lui? J e dois dire que rien dans ses commentaires n’interpelle la curiosité d’un Arabe du xxe siècle. Là, par contre, où celui-ci va tendre l’oreille, c’est quand Averroès se met à vouloir concilier la sensibilité et la raison, la foi et la science, la religion et la liberté. Tiens, tiens, déjà ce fameux débat ! Il faut dire qu’il est, neuf siècles plus tard, toujours au centre de l’équation culturelle arabe.

Pour avoir « timidement » revendiqué le droit à l’interprétation des dogmes, pour avoir valorisé la raison et démontré en quoi celle-ci ne pouvait que renforcer la foi, mais en la débarrassant de ses scories (anthropomorphisme, irrationalité, illogismes, etc.), Averroès finit rejeté et persécuté.

Pourtant, il n’est pas, loin s’en faut, un scientiste extrémiste. Il est certes le défenseur de la raison, tout

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ARABES, SI VOUS PARLIEZ…
en sachant lui reconnaître les limites inhérentes, dit-il, tant aux capacités de l’homme qu’à l’objet de sa quête (la connaissance totale). Mais ces balises repérées, il n’est rien qui puisse lui être soustrait. C’était de toute façon trop peu pour les théologiens et autres vieux turbans.

Averroès fut attaqué par les tenants de l’orthodoxie étroite. A l’instar de Gaulée quelques siècles plus tard, il connaîtra l’opprobre, l’exclusion, l’exil.

Ce qui fascine chez Averroès, ce n’est pas tant sa « modernité », mais bien le fait qu’il n’ait eu aucune descendance dans sa propre culture. On cherchera en vain des élèves, des continuateurs, des commentateurs.

C’est l’Occident qui va s’en emparer, s’en enrichir, en faire l’un des piliers invisibles de sa connaissance. Les juifs d’abord en feront leurs choux g ras. Isaac Albalag reprendra, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, la démonstration d’Averroès en essayant, lui, de réconcilier Thora et philosophie. Le Provençal Levi Ben Gerson (1288-1344), Elje del Medigo (mort en 1493 à Padoue) seront eux aussi de bons élèves israélites de celui que l’Islam établi avait dénigré et persécuté.

A l’instar de leurs confrères musulmans, les théologiens dogmatiques de la faculté de Paris rejettent en 1270 (comme ceux d’Oxford en 1277), les thèses d’Averroès. Les disciples français de ce dernier, Sieger de Brabant et Boece de Daue, sont condamnes à dire que ces choses sont vraies selon la philosophie, mais non selon la foi catholique, comme s’il existait deux vérités contraires...

Malgré cette condamnation, le virus de la rationalité est là, bien implanté : Marsile de Padoue (1328), Paolo Venoto (1408), Alessandro Achilini (1512) sont autant de porteurs sains, transmettant de siècle en siècle cette idée simple que l’homme se doit de penser et pas seulement de croire.

Certes, l’aristotélisme-averroïsme finit-il lui-même par devenir un dogme antidogme, et il faudra toute la

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LE GALILÉE DE L’ISLAM

rage caustique d’un Gaulée pour libérer la raison et de la Bible et d ‘Aristote ; mais les jalons seront posés. Les fruits de ce qui nous paraît une évidence, le droit de raisonner, que cela pi aise ou que cela ne plaise pas, que cela cadre ou ne cadre pas avec le savoir soufflé par Dieu, ces fruits mûriront, mais pas sur l’arbre de la culture arabe.

Ce destin tragique d’un homme sans postérité intellectuelle est curieusement celui d’un autre grand arabo-musulman : Ibn Khaldoun. Avec lui, l’histoire cesse d’être une hagiographie, une mythologie, pour devenir une science. Est-ce les jugements peu amènes de cet Arabo-Berbère, tant sur les Arabes que sur les Berbères, ou l’évident matérialisme de son analyse qui le feront jeter aux oubliettes ? Les deux sans doute.

Comme pour la dépouille de Ramsès Il, il faudra attendre les archéologues occidentaux du savoir, au xIxe siècle, pour exhumer et nous rendre notre éminent historien dont la statue, de facture occidentale, trône aujourd’hui au cœur de Tunis, sa ville natale ion g temps oublieuse. Je dirais même qu’une partie de l’admiration qui lui est vouée aujourd’hui est factice, car empruntée aux Européens, et en tout cas Ibn Khaldoun, comme Averroès, n’a toujours pas d’élèves arabes dignes de ce nom.

Le pire, c’est que neuf siècles après Averroès, le choix douloureux entre croire et raisonner n’a toujours pas été opéré. Averroès avait voulu couper la pomme en deux, proposer à la culture arabo-islamique un moyen terme, un espèce de modus vivendi où chacun vaquerait à ses occupations. Mais les théologiens d’hier et d’aujourd’hui ne sont p as que les gardiens de la foi. Ils sont aussi à la solde de tous les pouvoirs, même quand ils ne veulent ~as incarner directement le pouvoir. Ils sont moins les gardiens de la foi que ceux de la loi. Bondieuserie côté pile, politique côté face. Or raison rime avec liberté, foi avec autorité.

Oh! bien sûr, j’entends déjà crier au scandale! Pour nos docteurs de la foi, tout a été dit une fois pour

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ARABES, SI VOUS PARLIEZ…


toutes dans le Coran, et les Aristote de notre héritage sont des Intouchables. Nous avons, à la différence de « ces pauvres chrétiens », une « religion de progrès ». Il n’y a qu’à lire le Livre de Dieu pour trouver toutes les découvertes de la science passée et à venir...

Mais ne perdons pas de temps à discuter avec eux. Plus intéressant serait l’argument selon lequel les quatre premiers siècles de l’Islam ont été une époque d’intense création et ce à l’abri, si l’on ose dire, de l’islamisme triomphant.

Exact. Oui mais, cet Islam des premiers siècles était bel et bien la révolution. Il était la pensée créatrice dans toute sa luxuriance. La nouvelle vision du monde qu’il introduisait avait en elle une richesse certaine, qui a il ait de ce fait occuper longtemps l’esprit et permettre, dans le sillage de sa créativité joyeuse, toutes les manifestations de la culture. Puis... cela s’est épuisé. La pensée de liberté est devenue dogme et nous avons foncé tête baissée dans la catastrophe. Cet épuisement des forces vitales d’une religion, d’une idéologie, d’une forme d’art, constitue certainement l’une des lois les plus intangibles de ce monde des idées, qui m’a toujours p a ru doué d’une vie, d’une autonomie des règles de fonctionnement qui lui sont propres, et dont l’écologie, à l’instar de celle des êtres biologiques, reste à écrire.

Nous savons aujourd’hui que toute pensée devenue pouvoir sécrète ses propres anticorps. Elle dessine ses limites, met en place les mécanismes de sa propre fin, commence à mourir dès l’instant où elle commence à vivre.

Laissons de côté pour le moment cette lecture biologiste de la structure de la vie de l’esprit pour poser ce problème aux historiens, philosophes, sociologues, psychologues arabes du xxle siècle. Pourquoi et comment se fait l’épuisement vital, quand et pourquoi cela est-il arrivé chez nous ? Ou encore, pour quelles raisons très précises avons-nous perdu « la bataille de Gaulée », et de ce fait sombré dans la bêtise, l’aliénation, et la stérilité?

Par quels mécanismes totalitaires ultra perfectionnés-.

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LE GALILÉE DE L’ISLAM
la pensée conservatrice a-t-elle triomphé?

Jusqu ou faut-il remonter pour chercher les germes du conservatisme ? La bataille de la liberté fut-elle déclenchée trop tôt, ou trop tard ? Quels accidents fortuits ont-ils annulé ou fait avorter les prémices du renouveau ?

Toutes ces questions doivent être posées, et soigneusement étudiées. Et pour cause, nous sommes peut-être aujourd’hui à un carrefour tout aussi dangereux qu’il y a dix siècles. La liberté est partout en danger. Les vieux ennemis sont toujours puissants et ils n’ont aucune raison de désarmer.

Quelle que soit l’explication, le fait est certain. Quand une société — et ce fut le cas de la nôtre — pour une raison ou une autre, met les freins, elle n avance plus. Dès l’instant où elle n’avance plus, elle recule par rapport à ceux qui ont desserré les leurs et mis la liberté aux commandes.

Aussi, si nous voulons avoir un avenir, dans ce monde fascinant des idées qui nous gouverne d’une façon si étrange, la devise doit être:

Que meure cette pensée dogmatique et stérile qui arrête pas de tourner en rond et de se mordre la queue depuis plus de dix siècles, que naissent et rivalisent mille et mille conceptions du monde projets de société> écoles d’art, de littérature et de sciences I Que la liberté souffle sur notre monde musulman pour qu’il ait encore une chance de participer à l’épopée de l’esprit, à la civilisation du futur!

La liberté des idées n’est bien sûr qu’une forme de la liberté politique. Aussi sommes-nous ramenés à la question du pouvoir.

S’il est une question théorique qui mérite d’être débattue, c’est bien celle de savoir pourquoi nous avons échoué à travers notre histoire à mettre en place le pouvoir-fonction, pour subir toujours le pouvoir-privilège.

Nous savons bien maintenant, par expérience, à quel p oint le système du parti unique entraîne la démobilisation civique, déresponsabilise, aliène,
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bloque ou élimine les meilleurs, favorise la médiocrité et crée ou accentue finalement les conditions du sous-développement.

Mais quel est le rôle, dans cette tyrannie du dogme unique, parti unique, homme unique, que nous subissons depuis des siècles, de notre conception du ciel, du monde ? Pourquoi et comment les diverses tentatives de mettre au point ce pouvoir-fonction ont-elles échoué?La matrice de toute tyrannie n ‘est-elle pas incluse aussi au sein même de ce que nous tenons pour le plus sacré . la religion?

Par-dessus tout, ces facteurs négatifs vont-ils être contrebalancés par ces processus de dédifférenciation-autonomisation des structures sociales observées de nos jours, et de ce fait la démocratie pourrait-elle s’imposer? Ou bien passerons-nous d’un système pyramidal à un autre, auquel cas à quoi devrions nous imputer notre incapacité à nous organiser en réseau horizontal de cerveaux autonomes et créateurs?

Des processus complexes sont en branle, et ces processus nous ne les maîtrisons que faiblement. Nous les connaissons aussi à peine. Le propre de notre pensée a été toujours de vouloir refuser de voir les problèmes ou de vouloir apporter des solutions à des problèmes non analysés et non compris. Commençons d’abord par étaler au grand jour les vraies questions, et le premier pas vers la liberté, c’est-à-dire vers la vraie renaissance, sera esquissé.

LE SOUS-DÉVELOPPEMENT

Comment se fait-il qu’avec des cerveaux qui, individuellement, peuvent se comparer à ceux contenus dans les crânes européens, américains ou japonais, et sont donc théoriquement aussi performants et imaginatifs, oui, comment se fait-il, dis-je, que nous nous soyons débrouillés pour être une des nations historiquement les plus stériles?

Et surtout ne venez pas crier au blasphème! Regardez autour de vous, et citez-moi le nom d’un seul objet de ce siècle, le nom d’une seule école de pensée, de science ou d’art que nous ayons créés.

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Message  Yacoub Mer 23 Nov 2016, 14:53

Une robe "trop courte" ? Une ministre tunisienne se fait rhabiller… par Photoshop

Majdouline Cherni s’habillerait-elle trop court ? Le ministère tunisien de la Jeunesse et des Sports a récemment posté sur sa page Facebook des photos de la ministre dont la robe avait été manifestement rallongée de manière à ce qu’elle lui arrive sous les genoux.

La preuve ? Un coup d’œil sur la table basse : le reflet montre que les jambes de la ministre sont plus découvertes que ne veut le faire croire la photo. Sans compter que la retouche sur ses genoux ressemble surtout à un gribouillage.

La photo postée sur la page Facebook du ministère des Sports.

Voici la même photo, avec un zoom montrant le reflet des jambes de la ministre, sous la table basse.

Une recherche en ligne permet de trouver d’autres photos postées le même jour, cette fois à l’occasion d’une rencontre entre Majdouline Cherni et le président du National Automobile Club de Tunisie. Là aussi, la robe grise de la ministre est rallongée. Sur une photo notamment (ci-dessous), on voit que le haut d’un verre a été partiellement dupliqué à côté de la robe, ce qui prouve une volonté de "copier" un bout de la robe pour le "coller sur les jambes de la ministre. Pas de chance, un élément de décor a été embarqué dans la manœuvre... La robe de la ministre ne compte donc sans doute pas trois plis comme veut le faire croire la photo.

Sur cette photo postée sur la page Facebook du ministère, on voit que le haut d’un verre a été partiellement dupliqué à côté de la robe.

Voici la même photo, avec un zoom sur le verre dupliqué.

Ce photomontage est-il le fait du photographe du ministère ? A-t-il été réalisé à la demande de la ministre ? France 24 a tenté de joindre le ministère pour en savoir davantage. Aucun responsable n’était disponible pour répondre à nos questions.

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Message  Yacoub Ven 25 Nov 2016, 15:16

Tunisie: Des filles arrêtées car elles buvaient dans un bar, annonce le ministère de l'Intérieur


Deux filles en train de boire dans un bar au centre ville de Tunis, plus précisément à l'avenue Habib Bourguiba ont été arrêtées par les policiers, a annoncé le ministère de l'Intérieur sur son site, le 24 novembre.

Le ministère se targuait à travers cette révélation de la "réussite de la campagne visant à lutter contre les actes contraires aux bonnes mœurs", menée le 16, 17 et 18 novembre.

facebook

Cette annonce a intrigué beaucoup d'internautes, des commentaires indignés fusent de la part de certains journalistes, juristes, militants...

facebook

Légende: Le ministère de l’intérieur, un Ministère islamiste. Depuis quand vous occupez-vous de la vie intime des personnes? La femme est restée la hantise de la société, ses gestes, ses allers retours et ses sorties. Un gouvernement qui se mêle de la liberté des femmes. Quand Meriem fut violée par des agents de police, vous n’avez pas parlé. Vous menez des campagnes contre les femmes, et ensuite, vous allez vendre, au dollar, une fausse image devant vos “sponsors” étrangers. C’est une honte! Le pays est au fond du gouffre et votre seul tracas, c’est les bonnes mœurs!!
Où est la loi quand il s’agit de cette catégorie? Chariaa et dogmes? Merde à tous ceux qui utilisent leurs uniformes et leurs pouvoirs contre les citoyens et citoyennes au nom de Dieu. Depuis quand les bars sont interdits aux femmes? Depuis quand est-ce un crime? C’est ça le terrorisme!

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Message  Yacoub Mer 14 Déc 2016, 10:36

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Le laboratoire tunisien
Par Laurent Joffrin — 13 décembre 2016 à 17:06
Un livre d’entretiens, non dénué de certaines complaisances avec le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, permet de mieux comprendre l’exception démocratique que constitue ce pays du Maghreb.

  Le laboratoire tunisien

La Tunisie va-t-elle s’en sortir ? La seule des révolutions arabes à n’avoir pas débouché sur un bain de sang peut-elle survivre à la double épreuve du terrorisme et de la crise économique ? La question est cruciale pour l’avenir du monde musulman, et aussi pour l’Europe, dont les valeurs sont largement partagées en Tunisie, et qui subirait une défaite politique grave si ce pays, proche à tous égards, succombait à son tour à la théocratie islamiste ou bien, à l’inverse, se changeait en une dictature à l’égyptienne.

Pour éclairer cette situation dangereuse, on conseille la lecture du livre que publie le président tunisien, Béji Caïd Essebsi (et non «Ezzibi», comme l’a dit Manuel Valls lors de sa dernière visite, suscitant l’hilarité générale par cette involontaire allusion au sexe des hommes).

Ce long entretien avec Arlette Chabaud n’échappe pas à certains travers du genre : discours politique calibré, contournement de certaines questions gênantes, violon patriotique. Mais il livre aussi la vision d’un président habile et érudit, placé à l’épicentre géographique et politique des relations entre islam et démocratie.

Béji Caïd Essebsi, 90 ans, est un homme symbole. Collaborateur proche de Habib Bourguiba avant de prendre ses distances avec le vieux chef autoritaire, allié de Ben Ali avant de s’en détacher, retiré de la vie politique pendant une vingtaine d’années, il est réapparu soudain à la chute du dictateur pour présider à la transition démocratique. La victoire électorale du Parti islamiste Ennahdha l’a renvoyé à l’opposition. On pouvait penser sa carrière terminée. Son sens politique lui a permis de revenir au premier plan en lançant Nidaa Tounes («l’Appel de la Tunisie»), une vaste coalition de démocrates et d’anciens benalistes qui a fédéré toutes les forces hostiles à l’islamisme et qui a remporté les élections.

Béji Caïd Essebsi est un musulman revendiqué, assumé, placé dans la continuité de Habib Bourguiba, le père de l’indépendance, qui a modernisé son pays à marche forcée. C’est la partie la plus éloquente de son propos. L’islam tunisien, dont le centre culturel et spirituel se trouve depuis des siècles à la mosquée de Kairouan, a refusé dès l’origine les injonctions obscurantistes de l’islam intégriste. Il a d’emblée opposé une fin de non-recevoir aux exigences rétrogrades des wahhabites et des Frères musulmans.

Avec force citations du Coran, Béji Caïd Essebsi décrit son islam comme une religion égalitaire, ouverte, évolutive, acceptant la tolérance envers les autres communautés. Il reste marqué par certains préjugés très dommageables, tels la pénalisation de l’homosexualité ou la primauté masculine dans les règles de l’héritage.

Mais il se réclame aussi du «bourguibisme» qui a conféré aux femmes tunisiennes un statut beaucoup plus avancé que dans le reste du monde musulman et a créé une distinction claire entre préceptes religieux et lois civiles.

Habib Bourguiba a accepté aussi la constitution d’une vaste coalition syndicale, l’UGTT, progressiste et laïque. Ces deux forces de la société civile, le mouvement ouvrier et les organisations de femmes, main dans la main avec les juristes et les organisations de droits de l’homme, ont joué un rôle décisif dans la mise à l’écart du gouvernement islamiste de Rached Ghannouchi et la négociation d’une Constitution démocratique dont Béji Caïd Essebsi est désormais la clé de voûte. Sous son autorité, la Tunisie devient une sorte de modèle alternatif aux régimes réactionnaires se réclamant du fondamentalisme, aussi bien qu’aux dictatures nationalistes dont Bachar al-Assad perpétue la sanglante tradition en massacrant son peuple.

Modèle menacé, cible privilégiée du terrorisme, la Tunisie d’Essebsi poursuit une route semée d’embûches. Les attentats ont chassé une grande partie des touristes et ont plongé l’économie dans la stagnation relative. Du coup le gouvernement de Tunis peine à satisfaire les revendications sociales qui furent à l’origine de la révolution de 2011. Associés au gouvernement, les islamistes d’Ennahdha restent en embuscade, même s’ils affirment désormais séparer mieux religion et politique. Quoique parfois soupçonné de vouloir instaurer un pouvoir dynastique - son fils a pris la tête de Nidaa Tounes, suscitant une crise au sein du parti -, Béji Caïd Essebsi assure qu’il est là pour pérenniser les institutions démocratiques. Les choses étant ce qu’elles sont, c’est sur les épaules de ce président de 90 ans que repose l’avenir de la Tunisie, laboratoire fragile de la démocratie en terre d’islam. Avec ses protestations de modernité et ses ambiguïtés, son témoignage n’en est que plus utile.
Laurent Joffrin

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Message  Yacoub Sam 07 Jan 2017, 15:42

http://tempsreel.nouvelobs.com/histoire/20161214.OBS2650/bourguiba-1974-nous-devons-faire-evoluer-la-charia-avec-la-societe.html

Bourguiba, 1974 : "Nous devons faire évoluer la charia avec la société"
Bourguiba, 1974 : "Nous devons faire évoluer la charia avec la société" 
Habib Bourguiba, président de Tunisie, le 26 janvier 1974 à Genève. (AFP)
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En 1974, Habib Bourguiba prononce un discours qui exalte l'islam de Lumières et s'attire les foudres des autorités saoudiennes, qui dominent l'islam actuel. "Historia" a exhumé ces deux textes devenus introuvables.
L'ObsL'ObsPublié le 15 décembre 2016 à 10h09

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"Nous devons prendre l'initiative de faire évoluer les dispositions édictées par la charia en fonction de l'évolution de la société." Cette phrase choc, qui vise en l’occurrence à promouvoir l’égalité entre hommes et femmes, n’émane pas d’un révolutionnaire mais du président tunisien Habib Bourguiba. Elle a été prononcée le 18 mars 1974, en ouverture d’un colloque international portant sur "L’identité culturelle et la conscience nationale" (1).

Le magazine "Historia" a exhumé et publie ce mois-ci ce discours fondateur, devenu à peu près introuvable dans sa version "prononcée" - bien plus offensive à l’égard de l’islam que la transcription officielle qui a circulé par la suite. On y découvre une défense assumée de l’islam des Lumières, qui s’adapte à la modernité, cher à l’anthropologue Malek Chebel ou au philosophe Abdennour Pierre Bidar.

A la suite de ce discours, Bourguiba a été la cible d’une fatwa menée par les hautes autorités religieuses saoudiennes, qui l’ont accusé d’apostasie. Les deux textes publiés en exclusivité par "Historia" ont été retrouvés et (re)traduits par Hamadi Redissi, professeur de sciences politiques à l’université de Tunis et auteur de plusieurs ouvrages de référence sur la "wahhabisation du monde" (2) Extraits du discours et de la fatwa.
Discours du 18 mars 1974

Habib Bourguiba s’appuie sur le Coran pour défendre la modernité : "Je crois que nous ne parviendrions à consolider les acquis [de l'indépendance] que par l'acquisition de la science, car elle est la source de la puissance. Dieu n'a-t-il pas dit : 'Ceux qui disposent du savoir peuvent-ils être placés sur un même pied d'égalité que ceux qui en sont privés ? [39,9]'"
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Il rappelle que "Dieu accorde la liberté de choisir" : "Dieu est omniscient, mais l'homme est maître de son destin et responsable de ses actes. La preuve : 'Celui qui aura fait le poids d'un atome de bien le verra ; celui qui aura fait le poids d'un atome de mal le verra (3)' [99,7-8]."

Après avoir montré que le Coran se contredisait, il invite les musulmans à ne pas s’en tenir à la lettre d’un texte qui comporte des récits légendaires : "[Parce qu'on s'en tenait à la lettre du Coran], on croyait à partir du récit relatif au bâton de Moïse se muant en reptile rampant que la vie pouvait naître de la matière inerte. Une telle croyance a également dominé l'Europe ; elle a disparu dans les temps modernes depuis Pasteur."

Il appelle également à "faire prévaloir l'intérêt de l'Etat sur l'exercice du culte", comme l’a fait… "le Prophète" lui-même. Exemple : "Lors de la marche sur La Mecque, il [le Prophète] s'était prononcé contre le jeûne de Ramadan 'afin que nous soyons forts face à l'ennemi', leur a-t-il dit. Et il avait payé d'exemple en se désaltérant. Il a ainsi fait prévaloir l'intérêt de l'Etat sur l'exercice du culte."

Il estime enfin que "les idées nouvelles doivent être inculquées" à ce qu’il appelle les "esprits sclérosés par un savoir suranné et anachronique" : "Ainsi, si on avait dit aux contemporains du Prophète que la mer accueillerait des bateaux pesant des tonnes d'acier ou que des avions lourds survoleraient la terre, ils n'y auraient guère cru. Comme ils ne pouvaient croire aux télécommunications sous-marines et à la Terre sphérique et en rotation, parce qu'ils la voyaient plate."
Une fatwa contre Bourguiba

La fatwa menée par Abdelaziz Ibn Abdallah Ibn al-Baz (1912-1999), le même qui a prononcé la fatwa en 1990 avalisant le recours aux "infidèles" pour combattre Saddam Hussein, pointe "six abominations", parmi lesquelles : "Nier la véracité de [certains] récits [...] et affirmer qu'ils sont des fabulations", "affirmer que Muhammad était un simple d'esprit", "contester en matière d'héritage la part attribuée à la femme [...] et prétendre qu'il s'agit d'une injustice qu'il faut réparer", "rejeter la polygamie et l'interdire au peuple tunisien"…

Le texte conclut : "Ces propos attribués au président Abu Rquiba [Habib Bourguiba] relèvent de l'impiété manifeste et de l'apostasie", juge Abdelaziz Ibn Abdallah Ibn al-Baz, qui demande à "tous les chefs d'Etat islamiques de rompre toute relation politique avec lui, jusqu'à ce qu'il se repente ouvertement ou publie un démenti officiel afin que les Etats musulmans en soient informés".

>> L’intégralité du discours, de la fatwa et l'histoire de ces deux textes sont à retrouver dans le magazine "Historia", en kiosque et sur le site internet d’"Historia"

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