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La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie»

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Message  Arlitto Lun 07 Mar 2016, 14:37

Rappel du premier message :

La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie» 


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Les orthodoxes russes privilégient d'ordinaire la croix à huit branches, aussi appelée crucifixion. 
 

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L'axe vertical de la croix est coupé de trois branches horizontales. La branche intermédiaire, la plus longue est reservée aux bras étendus du Crucifié. La branche supérieure représente l'inscription en grec, latin et hébreu que Pilate avait ordonné de clouer à la croix, selon la coutume romaine qui rendait ainsi public le motif de la peine.
 

Contrairement à la tradition catholique qui représente les pieds du Christ cloué d'un seul clou, l'iconographie orthodoxe suit la tradition selon laquelle les pieds du Christ ont été cloués séparement, ce que sont venus confirmer les études réalisées sur le Suaire de Turin.
 

La branche horizontale inférieure de la croix sert ainsi d'appui aux pieds du Crucifié. L'une de ses extrémités est surélevée, montrant le ciel où est reçu le Bon Laron, l'autre extrémité indiquant l'enfer qui attend le mauvais laron, celui qui ne se repentit point.
 

Sous la croix est souvent figuré un crвne, la tête d'Adam, qui selon la tradition aurait été enterré à l'endroit même de la Crucifixion du Christ. Depuis la croix s'écoule le sang du Christ, rendant vie à Adam, à l'homme, à l'humanité. 
 

Auprès de la croix, se tiennent la Mère de Dieu et l'apôtre Jean, le disciple bien-aimé. Sont également souvent représentés les instruments de la Passion, la lance, transpersant le côté du Christ, l'éponge vinaigrée donnée au Seigneur par le soldat romain. 
 

On trouve parfois des représentations de la croix avec une demi-lune. Ce symbole, que l'on associe parfois à la victoire du Christianisme sur l'Islam était cependant connu bien avant les affrontements entre chrétiens et musulmans et signifie ici l'alliance de la croix et de l'ancre, symbole d'espérance. La demi-lune symbolise aussi la coupe de l'Eucharistie et le sang du Christ offert pour le rachat des péchés humains. On trouve aussi la croix et la demi-lune sur les coupoles des églises consacrées à la Mère de Dieu : la lune symbolise ici la Mère de Dieu, la Croix rappelle le Christ, soleil de vérité. 

Priez puis silence ...
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Message  Arlitto Lun 07 Mar 2016, 15:07

LITURGIE DE LA PAROLE OU LITURGIE DES CATECHUMENES

Les deux principales Liturgies de l'Eglise Orthodoxe
La Liturgie selon saint Jean Chrysostome, la plus célébrée au cours de l'année et que nous avons retenue pour cette étude, ainsi que la liturgie de saint Basile le Grand, sont les deux principales liturgies de l'Eglise Orthodoxe. Elles se différencient uniquement par le canon eucharistique.
Sens général de la Divine Liturgie
« Le Christ est essentiellement le Rédempteur ; Il est venu dans ce monde pour racheter les pécheurs. La Divine Liturgie est mystère de la Rédemption. La Rédemption exige d'abord qu'on meure à ce monde des péchés. C'est pourquoi la Liturgie est d'abord et premièrement mystère de la Passion. Cette forme est seule appropriée à la condition de l'humanité encore dominée ou menacée par les péchés. Cette humanité doit encore mourir aux péchés avec le Seigneur, mais si elle est morte mystiquement, elle vit aussi avec le Christ pour Dieu ; elle est ressuscitée sacramentellement. C'est pourquoi la Divine Liturgie doit être aussi le sacrement de la Résurrection ». (O.CASEL : «Faites ceci en mémoire de moi », Cerf, Coll. Lex Orandi, 1962, p. 174.) La Divine Liturgie comprend deux parties : La Liturgie de la Parole ou Liturgie des catéchumènes, que nous allons étudier à présent, et la liturgie des fidèles, que nous verrons plus loin.
LITURGIE DE LA PAROLE OU LITURGIE DES CATECHUMENES
Liturgie de la Parole
« De même que la Proscomidie correspondait à la vie initiale du Christ, à sa naissance, révélée seulement aux anges et à quelques hommes (...) de même la Liturgie de la Parole correspond à sa vie publique, parmi les hommes qu'il a catéchisés par la parole de vérité » (Nicolas GOGOL : « Méditations sur la Divine Liturgie », D.D.B. 1952). Pendant son déroulement, on entend des lectures des Epîtres, ou des Actes des Apôtres, et de l'Evangile. Autrefois les catéchumènes, personnes qui viennent recevoir un enseignement pour se préparer au baptême, se retiraient au moment de la Liturgie des fidèles car ils n'avaient pas le droit d'assister au « mystère », c'est-à-dire à la communion au sang et au corps du Christ réservée, comme aujourd'hui encore, aux seuls baptisés.
1 PRIERES DEVANT L'AUTEL
La Liturgie des catéchumènes commence par l'invocation au Saint-Esprit dite à voix basse par le prêtre : «Roi céleste, Paraclet., Esprit de vérité, partout présent et remplissant tout, Trésor de biens et donateur de vie, viens et demeure en nous, purifie nous de toute souillure et sauve nos âmes, Toi qui es bonté.»
Cette prière est dite pour signifier que l'Eglise vit toujours de la venue du Saint-Esprit à la Pentecôte. Elle perpétue la présence de Dieu sur terre jusqu'au second et glorieux avènement. Tout acte de la vie chrétienne commence par cette prière afin que la force de l'Esprit nous accompagne.
2 ENARXIS - PRELUDE
Doxologie initiale :
Le prêtre tenant l'Evangile à deux mains trace le signe de la croix au-dessus de l'autel et dit très haut : «Béni soit le Règne du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles». « Puisque c'est par l'Incarnation du Fils qu'éclata au monde l'évidence du mystère de la Trinité, c'est pour cette raison-là précisément que l'invocation de la Trinité précède et illumine le début de chacun des actes sacrés et que tout fidèle doit, après s'être détaché de tout, se placer, d'emblée, dans le royaume de la Trinité» (N. GOGOL, op. cit). A cette invocation, le chœur répond : «Amen». Par ce mot les fidèles expriment leur entière adhésion à ce qui vient d'être dit. C'est plus qu'une simple affirmation, c'est un acte de foi.
Première grande Litanie ou Ecténie
Elle commence sur une demande instante afin que la paix nous soit accordée : «En paix prions le Seigneur».
Il s'agit, en premier lieu, de s'établir dans un état de paix intérieure. Celui qui va prendre part à la sainte Liturgie doit bannir de son esprit tout tumulte ( ... ) Il doit se mettre devant Dieu dans un état de calme, d'attention confiante, de concentration sur «l'unique nécessaire».
Et voici aussitôt une seconde demande : "
La paix que nous avions déjà demandée est autre chose qu'un état d'âme, une situation psychologique produite par notre effort. C'est une paix qui vient «d'en haut» ( ... ) un don de Dieu ( ... ) D'autre part nous reconnaissons que la paix divine et le « salut » de notre âme sont intimement liés. La paix est un signe de la présence et de l'action du «Sauveur» en nous.
Voici enfin une troisième demande de paix
"Pour la paix du monde entier, la stabilité des saintes Eglises de Dieu et l'union de tous, prions le Seigneur".
(...) Nous prions pour la paix de l'univers (...) et pour que tous les hommes s'unissent dans un même amour. » (Un moine de l'Eglise d'Orient : « l'offrande liturgique» coll. Foi Vivante, éd. Cerf, 19 88, p. 1314. )
Tout au long de la Liturgie, les grandes et les petites ecténies se terminent par une commémoration de la Mère de Dieu et de tous les saints, suivie d'une prière secrète dite par le prêtre et d'une ecphonèse qui conclut la prière. Il s'agit d'une exclamation sous forme de louange de la Sainte Trinité, une doxologie trinitaire à laquelle le chœur répond par «Amen».
Les trois antiennes
«séparées par deux petites ecténies elles constituent comme autant de parvis que nous franchissons avant d'entrer dans le mystère. L'homme ne peut accéder à la Présence de Dieu qu'à travers une préparation progressive.»
Pendant la troisième antienne qui est le chant des Béatitudes les célébrants s'inclinent par trois fois devant l'autel, le prêtre prend l'Evangile et le remet au diacre.
3 LA PETITE ENTREE
Les célébrants sortent par la porte nord du sanctuaire. Le diacre en premier, porte l'Evangile à hauteur du front. Il est précédé du porte cierge, la procession se rend devant les portes saintes. Elle symbolise la venue de Jésus Lui-même venu prêcher parmi le peuple. L'Evangile représente la Parole de Dieu. Le grand cierge devant l'Evangile symbolise « la lumière qui est venue dans le monde », le Christ Lui-même, Verbe de Dieu. Les fidèles s'inclinent devant Lui. Le prêtre ayant prononcé à voix basse une prière afin que la liturgie soit en union avec la Liturgie céleste, il bénit l'entrée et embrasse l'Evangile.
4 CHANTS ET LECTURES
Pendant que le chœur chante les tropaires et le kondakion propres du jour ou de la fête, le prêtre récite à voix basse la prière du Trisagion auquel succède l'hymne du Trisagion chanté par le chœur.
Le Trisagion
l'hymne trois fois sainte, est une prière trinitaire qui puise ses origines dans le chant des anges entendu par le prophète Isaïe (Is, 6, 18). Plus de 7 siècles plus tard, il est à nouveau entendu par l'apôtre Jean lors de la révélation qu'il eut à Patmos (Apoc. 4,8).
Cette prière est commentée au cours des Vêpres de la Pentecôte : «Venez, peuples adorons la divinité en trois personnes, le Fils dans le Père avec le Saint-Esprit. Car hors du temps, le Père engendra le Fils éternel avec Lui sur le même trône. Et l'Esprit Saint glorifié avec le Fils était dans le Père, Puissance unique, Etre unique, Divinité unique que nous adorons tous et nous disons :
Saint Dieu qui créas l'univers par le Fils et la synergie du Saint-Esprit, Saint Fort, par qui nous avons connu le Père et par qui l'Esprit Saint est venu dans le monde, Saint Immortel, Esprit consolateur qui procèdes du Père et reposes dans le Fils, Trinité Sainte, gloire à Toi.»
Cérémonie du trône et Lectures
Avant la proclamation du prokiménon, le diacre invite le prêtre à bénir le trône de l'évêque. Puis, le diacre ayant demandé notre attention, le lecteur placé au milieu de la nef chante le prokiménon et lit l'Apôtre du jour.
Au cours de cette lecture et pendant l'Alléluia qui suit, le diacre encense l'autel, le sanctuaire, l'iconostase et le peuple, «préparant ainsi, avant la lecture de l'Evangile la venue de la Parole, présence divine, et rappelle que pour entendre les paroles évangéliques, une purification spirituelle du cœur est nécessaire».
L'homélie :
Après la lecture de l'Evangile le prêtre prononce une homélie. «Pendant celle-ci, l'Esprit-Saint, par l'intermédiaire du prêtre, ouvre l'esprit des fidèles « à l'intelligence des Ecritures». Elle n'est donc pas une simple explication de la Parole qui vient d'être proclamée mais bien la prédication de l'Evangile lui-même. En l'écoutant nous devrions ressentir ce qu'ont éprouvé les disciples d'Emmaüs : «Notre cœur n'était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait et expliquait les Ecritures». (Lc, 24, 32) »
5 PRIERES POUR TOUTE L'EGLISE
A présent «le diacre invite la foule à prier. Le prêtre de son côté prie à voix basse, à part soi, pour que les prières des fidèles soient accueillies par Dieu. Puis, en prononçant à haute voix la doxologie finale, il les associe eux aussi à cette louange de Dieu. Quelle est la prière du peuple, spécialement opportune après l'Evangile ? C'est la prière pour ceux qui sont fidèles à l'Evangile, pour ceux qui imitent la générosité du Christ figuré par l'Evangile,» (Saint Nicolas CABASILAS : «Explication de la Divine Liturgie», coll. Sources Chrétiennes n° 4 bis, éd. Cerf, 1967, p. 159. )
l'antimension
Pendant cette prière le prêtre déplie l'antimension sur l'autel. « L'antimension nappe contenant des reliques et consacrée par l'évêque, est un autel portatif. Il rappelle que l'Eglise n'est sur terre qu'en pèlerinage, en Exode, et elle ne peut s'y fixer. Sa vraie patrie est la Nouvelle Terre Promise, le Royaume des cieux vers lequel elle est en marche. Sur l'antimension est représenté l'ensevelissement du Christ, pour rappeler que l'autel représente le saint Tombeau, duquel le Christ est ressuscité pour faire rayonner la vie sur tout l'univers».
La Liturgie de la Parole se termine par une prière pour les catéchumènes et le renvoi de ceux-ci.
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Message  Arlitto Lun 07 Mar 2016, 15:13

LA LITURGIE DES FIDELES

La deuxième partie de la Liturgie est appelée Liturgie des Fidèles. C'est pourquoi elle commence par une invitation faite par le diacre, tourné vers l'autel, à leur intention :
«Et nous, les fidèles, encore et encore prions le Seigneur».
Les fidèles, qui représentent le peuple des baptisés, sont appelés par la prière commune à se préparer à l'offrande eucharistique. Autrefois, les portes de l'église restaient fermées, afin de signifier que l'Eglise n'est plus de ce monde, étant le corps du Christ. Cependant, si elle se sépare du monde, elle le fait pour le monde afin d'apporter le sacrifice du Christ « pour tous et pour tout », comme nous l'explicitera la longue prière de l'anaphore.
1) PRIERES POUR LES FIDELES
La Liturgie des Fidèles débute par deux prières que prononce le prêtre. Elles sont précédées chacune d'une courte ecténie dite par le diacre. Dans la première prière, le prêtre demande pour lui et pour les autres célébrants la grâce de Dieu pour célébrer dignement le Saint Sacrifice de l'Eucharistie. Dans la seconde, il prie particulièrement pour les fidèles, afin qu'ils soient jugés dignes de participer aux Saints Mystères.
2) LA GRANDE ENTREE
La Grande Entrée est un des moments les plus solennels de la Liturgie. Elle est marquée par un grand encensement, la procession des offrandes et par le chant des chérubins.
Actes et prières des célébrants
Le prêtre commence par dire une prière qui lui est tout spécialement destinée. C'est la seule prière de toute la Liturgie que le prêtre prononce à sa propre intention, et non pour tous ceux qui composent l'assemblée ecclésiale :
«Je Te supplie donc, Toi seul es bon et bienveillant, abaisse ton regard sur le pécheur et l'indigne serviteur que je suis, purifie mon âme et mon cœur de toute pensée mauvaise et donne-moi la force, par la puissance de ton Esprit-Saint, de me tenir revêtu de la grâce du sacerdoce devant ta sainte table que voici, et de consacrer ton Corps saint et sans tache, et ton Sang précieux. Je viens à Toi inclinant la tête et je Te supplie, ne détourne pas de moi ta Face et ne me rejette pas du nombre de tes enfants, mais rends-moi digne, tout pécheur et indigne serviteur que je suis, de T'offrir ces dons».
Puis le prêtre s'adresse au Christ pour affirmer que nos dons qui vont être portés vers l'autel, sont une offrande effectuée par le Christ Lui-même. Car, comme il est dit ensuite, «c'est Toi qui offres et qui es offert, Toi qui reçois et qui es distribué».
Nous pouvons offrir cette offrande parce que le Christ, Lui-même, s'est offert en sacrifice une fois pour toute, et que Son sacrifice contient tous les nôtres. C'est parce que le prêtre est revêtu du sacerdoce du Christ qu'il peut lui seul opérer le sacrement de l'Eucharistie et manifester, non pas sa séparation d'avec l'assemblée, mais son unité avec elle. C'est pourquoi le prêtre demande d'être secouru et d'être «revêtu de la puissance de l'Esprit-Saint».
Le grand gncensement
Après cette prière, et précédé du diacre qui tient à la main un cierge allumé, le prêtre fait le grand encensement de l'autel, de tout le sanctuaire puis de toute l'église, en récitant secrètement le psaume 50 et les tropaires de pénitence.
Rentrés au sanctuaire et après avoir encensé l'autel, les célébrants font trois métanies devant l'autel en baisant celui-ci après la seconde. Puis, se retournant vers les fidèles, ils s'inclinent devant eux et se rendent à la prothèse. Le prêtre enlève l'aër qui recouvre le calice et la patène, et le met sur les épaules du diacre. Celui-ci reçoit la patène des mains du prêtre qui prend lui-même le calice.
La procession
A présent commence la procession des dons qui sont d'abord portés à travers l'église. Les célébrants s'arrêtent au milieu de la nef et se tournent vers le peuple. Le prêtre demande au Seigneur qu'il se souvienne des Pasteurs de l'Eglise, des gouvernants, des fondateurs du lieu où se déroule la Liturgie, des défunts et de tous les chrétiens orthodoxes.
Cette entrée solennelle accompagnée par le porte-cierge et le second diacre qui encense les saints dons pendant toute la procession, signifie, aussi, notre propre mouvement de montée vers le Royaume de Dieu.
Le chant des Chérubins
Dès les prières et l'encensement qui précèdent la procession d'entrée, le chœur chante l'hymne des Chérubins
«Nous, qui dans ce mystère représentons les chérubins, et chantons l'hymne trois fois sainte, à la vivifiante Trinité, déposons maintenant, tous les soucis de ce monde».
«La prière de la petite entrée évoquait l'entrée des anges unie à la notre. Dans la grande entrée, nous faisons plus. Nous déclarons que, mystérieusement, par une grâce divine, nous sommes devenus les figures, les représentants des anges.» (Un moine de l'Eglise d'Orient, L'offrande liturgique, coll. Foi Vivante, éd. Cerf, 1988, P31)
Avec eux nous glorifions la Sainte Trinité car «voici que le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, le Christ notre Dieu, s'avance pour être sacrifié et donné en nourriture à ses fidèles. C'est pourquoi, en cette minute transformante, nous devons écarter tout souci mondain, nous dépouiller de tout ce qui ne regarde pas Dieu.» (Idem Op. cit. P31)
Quand le prêtre et le diacre entrent dans le sanctuaire, la chœur entonne à nouveau : «Pour recevoir le Roi de toutes choses, invisiblement escorté par les armées des anges. Alléluia, Alléluia, Alléluia !»
3) L'ENTREE DES SAINTS DONS
«L'entrée des saints dons dans le sanctuaire symbolise le transfert du Corps du Seigneur au saint Tombeau. C'est pourquoi les portes saintes se referment et le rideau est tiré. Elle évoque également l'entrée du Christ, notre Grand Prêtre, dans le sanctuaire céleste.»
Le prêtre dépose le pain et le vin sur l'autel en les offrant à Dieu, pour rappeler que le Corps du Seigneur fut déposé au Tombeau comme sur un autel et offert en sacrifice pour le salut du monde.
Puis le prêtre enlève les voiles du calice et de la patène et les dépose pliés sur l'autel. Il prend alors l'aër des épaules du diacre, l'encense et recouvre les saints dons en disant : «Le noble Joseph, descendit de la Croix ton Corps très pur, l'enveloppa d'un linceul immaculé, l'oignit d'aromates et le déposa dans un sépulcre neuf.»
4) ECTENIE
Le diacre sort par la porte nord du sanctuaire pour se tenir devant les Portes Saintes tourné vers l'iconostase. Elevant son étole de la main droite, il prononce une longue ecténie.
Puis les Portes Saintes s'ouvrent, le prêtre prononce l'ecphonèse de la prière et dit : «Paix à tous.»
Le choeur répond: «Et à ton esprit.»
5) LE BAISER DE PAIX
Le diacre proclame :
«Aimons-nous les uns les autres, afin que dans un même esprit nous confessions.»
Le chœur :
«Le Père, le Fils et le Saint-Esprit, Trinité consubstantielle et indivisible.»
Cet élément liturgique du baiser de paix était anciennement partagé entre tous les membres de l'assemblée, alors qu'aujourd'hui, seuls les prêtres et les diacres se donnent l'accolade en se saluant ainsi : «Le Christ es parmi nous». Tandis que l'interpellé répond «Il l'est et le demeurera».
Cet amour que l'on nous demande de partager est radicalement nouveau. Car le Christ nous recommande non seulement de nous aimer les uns les autres, mais aussi d'aimer nos ennemis. Cette dernière proposition, qui semble irréalisable, a été cependant rendue accessible à tout homme grâce à l'Incarnation de Jésus-Christ. Celui-ci nous a en effet révélé cet amour total, qui est dans la nature de Dieu même, par ses discours, par tous ses actes, et qui culmine dans son sacrifice volontaire sur la Croix où il priait pour ses bourreaux. A Sa suite, les saints de l'Eglise ont fait preuve de ce même amour pour leurs ennemis, depuis saint Etienne le protomartyr qui tout en étant lapidé priait pour ses bourreaux jusqu'à saint Silouane de l'Athos dont la prière pour le monde entier englobait même ses ennemis. Ainsi tous les saints ont témoigné par leur vie et leurs œuvres que ce commandement d'amour total est réalisable.
De même, tout homme uni au Christ reçoit de Lui cet Amour, croît en lui et peut, à son tour, offrir cet Amour. «A cela tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres». Seul l'amour du Christ dont nous sommes embrasés va nous rendre frères en Christ.
«Le baiser de paix est également placé à cet endroit de la Liturgie, avant le début du Sacrifice, pour obéir au précepte du Seigneur, qui nous demande de nous réconcilier avec nos frères avant de présenter notre offrande.»
6) LE SYMBOLE DE LA FOI
Avant la lecture du symbole de la foi, le diacre prononce ces mots
«Les Portes! Les Portes! Soyons attentifs dans la sagesse !»
«Cette exclamation s'adressait jadis aux portiers qui devaient veiller à ce qu'aucun païen n'entre dans l'église. Elle s'adresse aujourd'hui à tous les fidèles pour qu'ils gardent les portes de leur cœur qu'ils viennent de convertir à la charité parfaite, contre toute intrusion de l'ennemi. Que seule y demeure la présence de Dieu. Le Seigneur nous a recommandé dans l'Evangile de fermer la porte de notre chambre et de prier dans le secret. Nous sommes invités à fermer «certaines» portes de notre cœur.» «Et inversement, il y a des portes qu'il faut de manière invisible, ouvrir dans notre cœur. «Soyons attentifs!» dit le texte de la Sainte Liturgie. Devenons ouverts et attentifs aux paroles et aux inspirations qui viennent de Dieu. Le Seigneur adresse à chacun de nous la phrase qu'il prononça sur un malade
« Ephpheta! Ouvre-toi »(Op. cit P36)
« Pendant la récitation du symbole de la foi le prêtre agite sur le pain et le vin de la communion l'aër qui recouvrait la coupe. Ce balancement du voile au-dessus du pain et du vin est considéré comme le symbole du souffle du Saint-Esprit, du vent qui emplit la maison lors de la Pentecôte. On est en train de prononcer les paroles de la confession de foi. Or on ne peut confesser comme il le faut la foi chrétienne si, au même moment, le Saint-Esprit ne souffle pas sur nous. Si son inspiration fait défaut, nous pourrons bien lire des formules correctes, mais le rite sera un rite mort, stérile. Que le Saint-Esprit vienne donc animer et vivifier les paroles que nous disons! » (Op. cit P37)
Dans l'Eglise primitive et encore aujourd'hui, la confession solennelle de la foi achevait la préparation des catéchumènes à leur entrée baptismale dans l'Eglise. Depuis le VIème siècle, elle est introduite dans la Liturgie pour mieux signifier la liaison entre l'unité de la foi de tous les participants de l'Eglise, et son accomplissement par l'Eucharistie. «Nous tous qui communions au Pain et au Calice uniques, réunissons-nous les uns les autres dans la communion de l'Unique Esprit.» (Prière Eucharistique de saint Basile.)
«Le texte du Credo est une icône de la Trinité, il nous apprend à adorer le Dieu Un et trois fois Saint. En méditant le symbole de la foi, nous l'imprimons dans nos cœurs pour qu'il devienne notre souffle. Dire «je crois», c'est là mon adhésion libre et personnelle à la foi chrétienne. Mais en même temps, chacun de nous participe à la foi de l'Eglise tout entière. Par notre confession, nous sommes unis à Dieu et aux chrétiens du monde entier, ceux de tous les temps et de tous les lieux, pour les siècles des siècles.» (Le Credo de Nicée-Constantinople, catéchèse orthodoxe, éd. du Cerf 1987, 4ème de couverture)
Le Credo, après avoir confessé que Dieu est Unique. présente les trois Personnes de la Trinité :
Le Père, Première Personne de la Trinité, est source unique de la divinité, Il est le principe de l'unité des trois Personnes divines et le créateur de toutes choses ;
Le Fils, Deuxième Personne de la Trinité qui partage l'éternité avec le Père, engendré et non créé, est l'artisan de la création, par son Incarnation, par sa Passion volontaire, sa Résurrection et sa montée au ciel, il est le rédempteur du genre humain et nous attendons son retour définitif ;
Le Saint-Esprit, Troisième Personne de la Trinité qui procède du Père est consubstantiel (de même substance) que le Père et le Fils et partage donc leur éternité, c'est Lui qui donne la vie à toute chose.
Puis nous confessons aussi notre foi dans le Mystère de l'Eglise, qui, comme le Christ est divino-humaine et fondée par Lui ; et en un seul baptême, car le baptême est indélébile et rien ne peut le dissoudre.
Nous affirmons également notre croyance en la résurrection des morts dont la Résurrection du Christ fut le prémisse et en la vie à venir, c'est à dire en la vie éternelle.
7) LE CANON EUCHARISTIQUE OU ANAPHORE
Présentation générale
Les différentes parties de la Liturgie que nous avons vu précédemment : petite entrée, lectures, grande entrée, confession de foi, nous ont conduits par un mouvement ascensionnel à cette partie capitale de la Liturgie que l'on appelle canon eucharistique ou anaphore. Le terme canon eucharistique vient du grec : «canon» signifiant règle ou loi, et eucharistie signifiant «action de grâce». Ainsi, le canon eucharistique obéit à une règle fixe qui lui donne sa structure.
Le mot grec anaphore signifie élévation et manifeste bien le mouvement général de cette prière eucharistique au cours de laquelle les fidèles, tout en élevant leur offrande, s'élèvent eux-mêmes vers Dieu, afin qu'en retour Dieu envoie son Esprit-Saint sur eux et sur les dons.
Structure
La structure de cette prière forme un ensemble d'une unité profonde. Elle correspond aux trois bénédictions (berakoth) que faisait Israël après le repas juif. C'est cette même prière de remerciement qu'a prononcé le Christ le soir du Jeudi Saint après avoir pris le pain et le calice. Les trois parties de cette prière revêtent à présent, dans l'Eglise, un caractère trinitaire :
La première partie est une prière de remerciement pour la création s'adressant au Père;
La deuxième partie est un mémorial reconnaissant (anamnèse) de l'œuvre rédemptrice et libératrice du Fils.
La troisième partie est une supplication, ou invocation, ou épiclèse pour la descente du Saint-Esprit afin que, par Lui, nous recevions la «plénitude du Royaume» (Cette distinction en trois parties est tirée de «Dieu est vivant», éd. du Cert. p 321)
Déroulement
L'anaphore débute par un appel du diacre : «Tenons-nous bien ! Tenons-nous avec crainte ! Soyons attentifs à offrir en paix la sainte oblation.» Le diacre nous appelle à nous tenir comme il convient devant Dieu : avec piété et sainteté, crainte et audace confiante, attitudes spirituelles de la paix intérieure propice à la louange de Dieu.
Le chœur répond : «L'offrande de paix, le sacrifice de louange.»
Non seulement nous offrons dans la paix, mais c'est la paix elle-même que nous offrons en guise de présent et de second sacrifice. Car nous offrons la miséricorde à Celui qui a dit : «Je veux la miséricorde et non le sacrifice.» Or, la miséricorde est un fruit de la solide et authentique paix. Car lorsque nulle passion ne trouble l'âme, rien n'empêche celle-ci d'être remplie de miséricorde. Mais (nous offrons) aussi un « sacrifice de louange ». (St Nicolas CABASILAS op. cit. P171)
Le prêtre s'avance sur l'ambon et donne la bénédiction en disant :
«Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l'amour de Dieu le Père, et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous.»
Cette formule trinitaire de saint Paul (Il Cor. 13, 13) utilisée ici, n'a pas l'ordre habituel de l'énonciation des trois personnes de la Sainte Trinité. Ici, la bénédiction commence par invoquer le Christ, par communiquer sa grâce. Ceci parce que la grâce nous vient du Seigneur Jésus, et parce que c'est Lui qui nous révèle l'amour du Père, et qui nous communique le Saint-Esprit.
A cette bénédiction, le chœur répond par : «Et avec ton esprit.» Le prêtre : «Elevons nos cœurs.»
Le chœur : «Nous les avons vers le Seigneur.»
Par cette réponse, l'élévation (l'anaphore) est déjà manifestée. Cette exhortation à tenir haut les cœurs nous rappelle que l'Eucharistie ne s'accomplit pas sur la terre mais au ciel. Comme membres du Christ ressuscité nous sommes avec Lui, déjà assis à la droite de Dieu. «Nous autres, morts à cause de nos fautes, Dieu nous a vivifiés avec le Christ, et il nous a ressuscité avec Lui, et fait asseoir dans les cieux en Jésus-Christ.» (Éphès, 2, 56).
Le prêtre : «Rendons grâce au Seigneur»
Le chœur : "Il est digne et juste" (d'adorer le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit; Trinité consubstantielle et indivisible). (Cette partie entre parenthèses est parfois omise).
8) LA PRIERE EUCHARISTIQUE
Etant rentré dans le sanctuaire, le prêtre commence la prière eucharistique. Dans cette prière d'action de grâce, nous exprimons notre reconnaissance à Dieu «pour tout». Nous nous souvenons devant Lui de tout ce qu'il a fait à notre égard. «Du néant tu nous as amenés à l'être». Il a relevé les hommes après la chute. Il ne cesse d'agir pour nous porter jusqu'au royaume à venir. «Pour cela nous Te rendons grâce, à Toi et à ton Fils unique et à ton Esprit-Saint ; pour tous les bienfaits connus ou ignorés de nous, manifestés ou cachés, répandus sur nous».Pour toute cette bonté répandue sur nous chaque jour sous une infinité de formes.
«Mais notre action de grâce se précise, devient plus immédiate et plus concrète «Nous te rendons grâce aussi pour cette liturgie que tu as daigné recevoir de nos mains, bien que Tu aies pour te servir des milliers d'archanges...». Une adoration plus digne que la nôtre pourrait être offerte à Dieu par les puissances célestes seules.. Mais Dieu accepte ce que nous lui présentons de nos mains pécheresses.» (Un moine de l'Eglise d'Orient Op. cit. P41-42)
Par ces paroles d'action de grâce, nous reconnaissons également l'œuvre du Créateur, nous lui exprimons notre reconnaissance, en tant que créatures qui, désormais, grâce au sacrifice du Christ, vont être appelées et capables de transfigurer le monde et d'être elles-mêmes déifiées et «participantes de la nature divine» (St Grégoire Palamas).
Cette vocation de l'homme une fois affirmée, nous sommes d'autant plus conscients de notre nature pécheresse. Cependant nous sommes à même de le reconnaître parce que nous avons accès auprès du Père et que nous sommes faits participants du Royaume futur : «Tu n'as pas cessé d'agir jusqu'à ce que tu nous aies élevés au ciel et fait don de ton Royaume à venir.»
Le prêtre termine la prière par ces quatre mots «Chantant, clamant, criant l'hymne triomphale et disant»
«A travers ces quatre termes, la tradition chrétienne a vu une allusion aux cris des quatre «vivants» de la vision d'Ézechiel (Éz. 1, 6ss) et de l'Apocalypse (Apoc. 4, 67) qui symbolisent à la fois les Puissances angéliques qui portent le rayonnement de la Gloire de Dieu vers les quatre points cardinaux, c'est à dire dans le cosmos tout entier et les quatre Evangélistes qui portent le message du Verbe aux extrémités de la terre. C'est pourquoi, tandis que le célébrant prononce cette formule, le diacre marque la patène d'un signe de croix en touchant les bords en quatre points, avec les branches de l'astérisque qui couvre les saints dons.»
Le chœur entonne alors le chant des Séraphins : «Saint, saint, saint, le Seigneur Sabaoth. Le ciel et la terre sont remplis de ta Gloire. Hosanna au plus haut des cieux ! Béni est celui qui vient au Nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux !»
« Le chant triomphal des séraphins, qui fut entendu des prophètes dans leurs saintes visions et repris par le chœur tout entier, entraîne les pensées des fidèles en prière vers les cieux invisibles.» (Nicolas Gogol op.cit.)
9) L'ANAMNESE
Anamnèse est un mot grec signifiant «souvenir, mémoire, acte rendant actuel un événement passé cri le rappelant non seulement à la mémoire des hommes, mais aussi de Dieu.»
Le récit de la Sainte Cène qui va suivre maintenant, sera le récit de l'institution, c'est à dire ce que Jésus a fait la veille de sa mort, au cours du dernier repas du Jeudi Saint, récit qui nous est rapporté dans les Evangiles de saint Matthieu (26, 26-28), saint Marc (14, 22-25) et saint Luc (21, 19-20), ainsi que chez saint Paul (II Cor. 23-25).
Le prêtre : «Nous joignant à ces bienheureuses puissances, nous aussi, Maître, ami des hommes, nous clamons et disons : Tu es saint, Tu es parfaitement saint, Toi et ton Fils unique et ton Esprit Saint. Tu es saint. Tu es parfaitement saint, magnifique est ta gloire. Toi qui as aimé le monde jusqu'à donner ton Fils unique afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. Il est venu et Il a accompli tout ton dessein à notre égard. La nuit où Il fut livré, ou plutôt se livra Lui-même pour la vie du monde, Il prit un pain dans ses mains saintes, pures et immaculées, rendit grâce, le bénit, le sanctifia, le rompit et le donna à ses saints disciples et apôtres en disant : Prenez et mangez, ceci est mon corps qui est rompu pour vous, en rémission des péchés.»
En même temps, le prêtre montre le pain de la main droite, Le chœur répond : «Amen.»
Puis, tout en désignant le calice le prêtre dit «De même, Il prit le calice après le repas en disant : Buvez-en tous, ceci est mon Sang, le Sang de la Nouvelle Alliance, qui est répandu pour vous et pour la multitude, en rémission des péchés.» De nouveau, le chœur répond par «Amen»
«En offrant le pain et le vin, Jésus-Christ devient l'offrande du sacrifice, remplaçant toutes les victimes immolées et tous les holocaustes (Hébr. 9, 11-28). Comme Abraham, mis à l'épreuve, avait dressé un autel et offert son fils à Dieu en sacrifice (Gen.22, 1-18), de même Jésus s'offre Lui-même à son Père. Le Sacrifice de la Croix est de toute éternité, reçu et accepté par le Père, pour la vie du monde.» (catéchèse orthodoxe, t2, la Résurrection, éd. Cerf P101)
Nous comprenons mieux pourquoi dans nos églises sont unis l'autel et la croix. C'est le Saint-Esprit reçu par l'Eglise à la Pentecôte, qui nous permet de réunir sur nos autels le repas eucharistique et le sacrifice de la Croix dans la lumière de la Résurrection du Christ.
A présent le prêtre fait mémoire de tout ce que Jésus a fait pour nous : «Commémorant donc ce commandement salutaire, et tout ce qui a été fait pour nous : la Croix, le Tombeau, la Résurrection au troisième jour, l'Ascension au ciel, le Siège à la droite, le second et glorieux Nouvel Avènement.»
«Ainsi pendant la Divine Liturgie, on ne participe pas seulement à l'unique sacrifice du Sauveur mais encore à sa Résurrection, à son Ascension et à son retour glorieux à la fin des temps. «Il est caractéristique, écrivait l'archimandrite Cyprien, que la commémoration s'étende à tous les temps et pas seulement au passé. Dans la commémoration eucharistique, se mêlent les frontières du passé, du présent et de l'avenir. Le service eucharistique, en paroles et non sanglant, est hors du temps, non soumis aux lois de nos perceptions sensibles et de notre logique. Nous nous souvenons, dans notre liturgie, même de l'avenir ». (Evkaristia, Ymca Press, 1946, p230-231)
Puis le prêtre termine par : «Ce qui est à Toi, le tenant de Toi, nous te l'offrons pour tout et en tout.»
Ces dernières paroles prononcées sont l'anaphore proprement dite, c'est à dire l'offrande que le célébrant offre à Dieu, en remerciement de l'offrande du Christ, en obéissance à cet ordre ainsi qu'en mémorial reconnaissant (Faites ceci en mémoire de moi).
Au moment où ces paroles sont prononcées le diacre en croisant les mains prend la patène de la main droite et le calice de la main gauche, il les élève en faisant un signe de croix au-dessus de l'autel, et le chœur entonne : «Nous te chantons, nous te bénissons, nous Te rendons grâce, Seigneur, et nous Te prions, ô notre Dieu.»
10) L'EPICLESE
L'anaphore se conclut par l'épiclèse. C'est un mot grec qui signifie «invocation». Il s'agit en effet de la demande faite par le prêtre au Père d'envoyer son Saint-Esprit «sur nous et sur les dons qui sont présentés ici», et de faire du pain et du vin le corps et le sang du Christ.
La Liturgie est traversée dès son début par les demandes à Dieu de l'envoi du Saint-Esprit, pour que ce dernier transfigure les dons et les êtres qui vont les recevoir.
«La transformation du pain et du vin en Corps et Sang du Christ n'est pas une œuvre de magie sacerdotale. Le texte de la Liturgie dit : «... les changeant par ton Saint-Esprit». Ce changement, réponse de Dieu à notre prière, n'est pas un but en lui-même. Il est opéré «afin qu'ils deviennent pour ceux qui les reçoivent purification de l'âme, rémission des péchés », et aussi « communion de ton Saint-Esprit» Tout se fait par l'Esprit et dans l'Esprit. » (Un moine de l'Eglise d'orient, op. cit. p. 48.)
En effet «la matière n'est pas imperméable à l'action du Saint-Esprit, et la communion au Pain et au Vin n'aurait aucun sens si ces dons n'avaient été changés par l'action de l'Esprit en Corps et Sang du Christ Ressuscité». (Dieu est vivant, op. cit. P326.)
«Et voici une remarque très importante. Le prêtre a dit : «Envoie ton Esprit-Saint sur nous et sur les dons...» Il n'a pas demandé que l'Esprit vienne d'abord sur les dons, mais qu'Il vienne premièrement sur nous. C'est là le moment de Pentecôte dans la Liturgie Eucharistique. L'Esprit vient dans nos cœurs avant de venir sur les éléments matériels, pain et vin, objets d'offrande et de consécration.» (Un moine de l'Eglise d'orient, op. cit. p. 48-49)
«Je crois encore que ceci même est ton Corps très pur et que ceci même est ton Sang précieux» ; disons-nous plus tard à la prière avant la communion. Mais «le but de l'Eucharistie n'est pas de transformer du pain et du vin, c'est de communier avec le Christ devenu notre nourriture, notre vie ; c'est la manifestation de l'Eglise comme Corps du Christ. » (Alexandre SCHMEMANN, l'Eucharistie, Sacrement du Royaume, p. 250).
La Liturgie de saint Basile est très explicite à ce sujet : «Et nous tous, qui communions au pain unique et au même calice, fais que nous soyons unis les uns aux autres dans la communion de l'unique Esprit Saint ». (Dans certains usages russes après «nous te chantons» le prêtre dit par trois fois à voix basse et en élevant les mains, une prière préalable d'invocation de l'Esprit-Saint : «Seigneur, qui, à la troisième heure, as envoyé ton très Saint-Esprit sur tes apôtres, ne nous le retire pas dans ta bonté, mais rénove-nous, nous qui T'implorons». et le diacre, en réponse dit les versets du Psaume 50 : «Créé en moi un cœur pur, ô Dieu, et renouvelle en ma poitrine un esprit droit. Ne me rejette pas loin de ta face, et ne retire pas de moi ton Esprit-Saint.»)
Ainsi préparés pour l'épiclèse, le prêtre prononce à voix haute «Nous T'offrons encore ce culte spirituel et non sanglant, et nous T'invoquons, nous Te prions et nous Te supplions : envoie ton Esprit Saint sur nous et sur les dons qui sont présentés ici»
Le diacre désignant le Pain «Bénis, Père, le saint Pain».
Le prêtre bénissant le Pain «Et fais de ce Pain, Corps précieux de ton Christ.»
Le diacre, parfois avec le chœur, et parfois toute l'assemblée (selon les usages locaux) : «Amen»
Puis désignant le calice, le diacre dit : «Bénis, Père, le saint calice»
Le prêtre en bénissant : «Et ce qui est dans ce calice Sang précieux de ton Christ»
Le diacre seul (ou voir ci-dessus) : «Amen»
Le diacre désignant le Pain et le Vin : «Bénis, Père, l'un et l'autre.»
Le prêtre faisant un signe de croix «Les changeant par ton Esprit-Saint.»
Le diacre seul (ou voir ci-dessus) : «Amen, Amen, Amen.»
Le prêtre : «Afin qu'ils deviennent pour ceux qui les reçoivent sobriété de l'âme, rémission des péchés, communion de ton Saint-Esprit, plénitude du Royaume des cieux, confiance en Toi, et non jugement ou condamnation. Nous T'offrons encore ce culte raisonnable pour ceux qui ont trouvé le repos dans la foi : les Ancêtres, les Pères, les Patriarches, les Prophètes, les Apôtres, les Prédicateurs, les Evangélistes, les Martyrs, les Confesseurs, les Ascètes et pour toute âme juste décédée dans la foi.»
Le prêtre va maintenant inclure dans son action de grâce l'Eglise tout entière : celle des défunts et des vivants, avec une place toute particulière à la Mère de Dieu, celle qui fut «le Temple incarné et que l'Eglise exalte comme plus glorieuse que les saints et même que les puissances angéliques.» (La Divine Liturgie de saint Jean Chrysostome, éd. Cerf, p. 67)
Le prêtre encense l'autel et les saints dons en commémorant la Mère de Dieu : « Et en premier lieu pour notre très sainte, immaculée, toute bénie et glorieuse Souveraine, la Mère de Dieu, et toujours Vierge, Marie.»
Le chœur répond par un chant de louange à la Mère de Dieu «Il est digne en vérité de Te célébrer, ô Mère de Dieu, Bienheureuse et très pure et Mère de notre Dieu. Toi, plus vénérable que les Chérubins, et plus glorieuse incomparablement que les Séraphins. Qui, sans tache, enfantas Dieu le Verbe, Toi, véritablement Mère de Dieu, nous T'exaltons.»
Le prêtre continue de commémorer les saints et en particulier les saints du jour, les défunts et tous les vivants.
«Le prêtre conclut : «Et souviens-toi de tous ceux à qui chacun de nous pense, et souviens-toi de tous et de toutes.» Le chœur répète : «Et de tous et de toutes.» Voyons bien tout ce qu'implique cette phrase. Elle exprime l'universalité de la prière de l'Eglise et de notre prière personnelle. Nous n'excluons personne de notre prière. Nous ouvrons nos bras, nous les tendons vers tous les besoins, vers toutes les détresses. A vous tous, à vous toutes, nous appartenons, nous nous unissons.» (Un moine de l'Eglise d'orient, op. cit., P54)
Enfin le prêtre intercède pour tous les besoins humains et la prière eucharistique se conclut par une doxologie trinitaire.
C'est donc l'Eglise tout entière, terrestre et céleste qui se retrouve dans l'unité de la foi et la communion du Saint-Esprit, grâce au mystère de l'Eucharistie. Cette unité de tous dans le Corps du Christ nous permet de recevoir la bénédiction qui conclut la prière de l'anaphore : «Que les miséricordes de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ soient avec vous tous.» Le chœur : «Et avec ton esprit.»
La nécessité d'avoir à présenter la Divine Liturgie en différentes parties, ne doit pas nous faire oublier le lien essentiel qui les relie toutes entre elles : à savoir la montée de l'Eglise, du peuple de Dieu vers le Royaum ; ce Royaume qui nous est manifesté et légué au cours de cette cène mystique.
Tout le mouvement ascensionnel de la Liturgie nous a menés jusqu'à cette invocation du Saint-Esprit sur les Saints Dons, qui va nous permettre de communier avec le Christ, devenu notre nourriture, notre Vie.
11) PRIERES PREPARATOIRES A LA COMMUNION
A la fin du canon eucharistique, le prêtre ayant béni l'assemblées, le diacre sort par la porte Nord et prononce une ecténie qui est proche de celle qui est dite avant la confession de foi, mais, à présent, on prie pour les «dons précieux, offerts et sanctifiés», car, depuis lors, a eu lieu la consécration eucharistique.
Pendant ce temps le prêtre dit à voix basse :
«C'est à Toi, Maître, ami des hommes, que nous confions notre vie tout entière et notre espoir. Nous T'invoquons, nous Te prions et nous Te supplions : rends-nous dignes de participer aux célestes et redoutables Mystères de cette table spirituelle et sacrée, avec une conscience pure, en rémission des péchés, pour le pardon de nos transgressions, pour la communion du Saint-Esprit et l'héritage du Royaume des cieux, afin que nous ayons la confiance de venir à Toi, sans encourir de jugement ou de condamnation.»
Puis le diacre termine les demandes par :
«Ayant demandé l'unité de la foi et la communion du Saint-Esprit, confions-nous nous-mêmes, confions-nous les uns les autres, confions toute notre vie au Christ, notre Dieu.»
L'unité de la Foi, c'est cette certitude intérieure, inébranlable, sans hésitation, stable, à l'abri de remous extérieurs, du cœur de cet homme qui croit et qui sait où il va, en toute quiétude. «Quant à la communion du Saint-Esprit, elle signifie la grâce de cet Esprit. On l'appelle «communion» parce que le Seigneur, ayant abattu par sa croix, le «mur de séparation» (Éphès. 4, 13) entre Dieu et nous, ceux qui, jusqu'alors étaient séparés, et n'avaient rien de commun, devaient désormais s'accorder et rester en communion : la venue du Saint-Esprit sur les Apôtres a produit cet effet... » (N. Cabasilas, op. cit. P119-121). Pour «se confier à Dieu», il faut de l'assurance. Or, l'assurance, c'est une conscience pure qui la produit «lorsqu'en paix dans notre cœur, nous nous occupons des intérêts de Dieu» sans nous soucier des nôtres. Tel le «lys des champs» nous oublions alors tout ce qui nous ramènerait à nous-mêmes pour nous abandonner à Dieu qui sait mieux que nous ce dont nous avons besoin.»
La prière du Seigneur
Le prêtre dit à haute voix : «Et rends-nous dignes, Maître, d'oser en toute confiance et sans encourir de
condamnation t'appeler Père, toi le Dieu céleste et dire :»
Selon la coutume locale soit le chœur, soit l'assemblée, soit le président de l'assemblée récite le «Notre Père».
«Pour toute la tradition chrétienne, le «Notre Père» est la prière par excellence des baptisés, de ceux qui ne sont plus à l'égard de Dieu des esclaves craintifs mais des fils adoptifs auxquels l'Esprit-Saint inspire une confiance toute filiale à l'égard de leur Père céleste.»
« Après quoi le prêtre souhaite à tous la paix, Il vient de leur rappeler par la prière leur titre de noblesse en nommant Dieu leur Père : voici maintenant qu'il les invite à le reconnaître aussi pour leur souverain Maître et à montrer à son égard des sentiments de serviteur en inclinant la tête devant lui en faisant, par cette attitude, profession d'être à son service. Ils s'inclinent, en effet, non pas seulement comme des êtres nés serviteurs le font devant leur Maître, leur Créateur et leur Dieu, mais comme des serviteurs achetés s'inclinent devant Celui qui les a acquis au prix du sang de son Fils unique ; en vertu de ce sang, il nous possède à double titre : il nous a acquis comme esclaves et en même temps il a fait de nous ses enfants. Car c'est le même et unique sang qui a renforcé et multiplié les liens de notre servitude et qui a opéré l'adoption divine. » (Idem, P221).
Pendant que les fidèles inclinent la tête, le prêtre prononce une prière d'action de grâces et de préparation à la communion, qui s'adresse à tous les fidèles, car, dès son origine, l'Eglise a considéré la communion comme l'accomplissement par chacun de ses membres de sa vocation chrétienne et de sa qualité de membre du Corps du Christ, Il faut bien reconnaître comme le souligne très fortement A. Schmémann tout au long de son livre : «L'Eucharistie, Sacrement du Royaume », qu'au cours des temps cette attitude communautaire s'est transformée en un acte individuel, privé, chacun communiant pour sa sanctification propre et non plus pour la participation à la réalisation de l'Eglise ; il nous faut redevenir très conscients du fait que ces deux aspects ne doivent jamais être séparés.
En effet, depuis le début de la Liturgie des fidèles, rien n'indique qu'il y ait deux catégories de fidèles : les communiants et les non-communiants. Dans l'Eglise ancienne, ceux qui ne communiaient pas : catéchumènes, pénitents étaient renvoyés après la Liturgie de la Parole. Seuls restaient pour la partie eucharistique de la Liturgie ceux qui étaient admis à communier. La prière suivante et celles qui précèdent la communion vont nous le confirmer :
«Nous te rendons grâce, ô Roi invisible, Toi qui par ta puissance incommensurable as tout créé et qui, par l'abondance de ta miséricorde as tout amené du néant à l'être. Toi-même, Maître, abaisse ton regard du haut du ciel sur ceux qui ont la tête inclinée non devant la chair et le sang, mais devant Toi, Dieu redoutable. Toi donc, Maître, répartis entre nous tous les dons posés ici pour notre bien, selon le besoin propre de chacun...»
12) COMMUNION
Rites et prières préparatoires
Le prêtre dit tout bas la prière suivante :
«Sois attentif, Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu, du haut de ta sainte Demeure et du trône de gloire de ton Royaume, et viens nous sanctifier. Toi qui sièges au ciel avec le Père et qui es invisiblement présent ici avec nous. Daigne nous distribuer de ta main puissante ton Corps immaculé et ton Sang précieux, et, par nous, à tout le peuple.»
«Il nous faut devenir capable, par les yeux de la foi et de l'amour, de voir le Seigneur Jésus Lui-même venir vers chacun de nous et, comme il le fit avec ses disciples, nous présenter les Saints Dons à travers lesquels il se donne. Ce n'est pas le prêtre qui nous donne la communion, c'est, au-delà du prêtre, le Seigneur, qui, à la fois, offre et est offert et qui s'approche personnellement de nous.» (Un moine de l'Eglise d'Orient, L'Offrande Liturgique, op.cit.)
Pendant la prière du prêtre, le diacre a croisé l'orarion sur sa poitrine, il devient ainsi semblable aux Séraphins «qui disposent leurs ailes en forme de croix, sur leur sein» afin de se voiler la face devant l'éclat de la Lumière Divine.
Après quoi le prêtre proclame :
«Les Saints Dons aux saints !»
«Le Corps du Seigneur, mêlé à la divinité, est Dieu. De même, le fer mis dans le feu devient feu et rien ne peut le toucher ni l'approcher sans être détruit et consumé : seul le feu peut voisiner avec le feu, seuls des charbons ardents peuvent être en contact avec des braises sans en subir de dommage. C'est ainsi que toute âme purifiée par le feu de l'Esprit, devenue feu et esprit, est capable d'entrer en contact avec le corps immaculé du Christ. Mais l'âme non initiée à cet Esprit ne saurait s'approcher jusque là, ni fixer cet éclair divin, et vivre en cette éblouissante lumière» (Saint MACAIRE d'EGYPTE, Homélie 52, 6). Cette sainteté requise pour la communion aux Saints Mystères n'est pas cependant la sainteté consommée, mais celle d'hommes qui ont reçu au baptême le don divin et s'efforçant chaque jour humblement de le faire fructifier dans leur vie.
Aussi les fidèles par le chant du chœur : «Un Seul est Saint, un seul est Seigneur, Jésus-Christ à la gloire de Dieu le Père. Amen», répondent qu'ils ne sont pas saints : «Car personne n'a de soi-même la sainteté, et elle n'est pas le résultat de la vertu humaine, mais tous la reçoivent du Seigneur et par le Seigneur.» (N. CABASILAS op. cit. P 225).
A présent le diacre rentre dans le sanctuaire et se place à la droite du prêtre. Le chœur entonne le verset de la communion propre au jour ou à la fête. Puis, tandis que le chœur continue à entonner des chants, des lectures de psaumes et des prières de préparation à la communion, dans le sanctuaire le prêtre partage en quatre parts l'Agneau qui avait été préalablement incisé en forme de croix (lors de la proscomidie). Il dispose ces parts sur la patène, en haut, en bas, à droite et à gauche. En accomplissant ce rite il dit :
«L'Agneau de Dieu est fractionné et partagé, Il est fractionné mais non divisé, Il est toujours nourriture et ne s'épuise jamais, mais il sanctifie ceux qui y communient.»
«Ce à quoi nous allons communier est un pain rompu, le Corps du Sauveur brisé dans sa Passion. Ce que nous allons boire est un vin versé, le Sang du Seigneur répandu sur la Croix. Nous ne renouvelons pas physiquement le Sacrifice du Golgotha, mais nous participons spirituellement à ce Sacrifice. Toute communion eucharistique est une immolation de celui qui communie. Le communiant se laisse pénétrer par un glaive de feu. Il meurt à lui-même et naît de nouveau comme un homme changé.» (Un moine de l'Eglise d'Orient, L'Offrande Liturgique, op. cit)
Le prêtre prend la part marquée des lettres IC et la met dans le calice en disant : «Plénitude du Saint-Esprit.» Le diacre répond : «Amen» Puis le prêtre partage la part marquée des lettres XC en autant de parcelles qu'il y a de communiants dans le sanctuaire. Sur la demande du diacre il bénit le Zéon constitué d'eau chaude en disant :
«Bénie est la chaleur de ta sainteté en tout temps, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen»
Le diacre verse l'eau chaude dans le calice et dit «Chaleur de la foi pleine du Saint-Esprit. Amen»
«Cette eau, qui, à la fois, est de l'eau et participe à la nature du feu, signifie l'Esprit-Saint, qui est aussi parfois appelée eau et qui apparut comme du feu lorsqu'il tomba sur les disciples du Christ. Le moment présent de la sainte Liturgie signifie ce triomphe de la Pentecôte : alors, le Saint-Esprit descendit après que tous les mystères du Christ eurent été accomplis; maintenant, les dons sacrés ayant atteint leur suprême perfection on y ajoute cette eau.» (N. Cabasilas op. cit. P229).
La communion du clergé
Les célébrants se prosternent ensemble au pied de l'autel et demandent pardon pour leurs fautes. Ils reçoivent d'abord le pain dans leur main droite. Le diacre reçoit la parcelle des mains du prêtre. Le prêtre se donne la parcelle en la prenant de sa main gauche pour la déposer dans sa droite. Avant de consommer le Saint Corps, tous disent la prière de communion, puis ils communient au calice par trois fois : le prêtre d'abord, le diacre ensuite.
«En communiant dans le sanctuaire fermé, les prêtres et les ministres figurent les apôtres qui furent, dans le Tombeau, les premiers témoins de la Résurrection. Etant ainsi comme illuminés par la lumière de la Résurrection, ils donnent cette grâce au peuple, à l'ouverture des Portes Saintes.»
Quand le clergé a communié, le prêtre fractionne les deux parts de l'Agneau restant sur la patène et marquées des lettres NI et KA. suivant le nombre des communiants. Il les immerge dans le calice qu'il recouvre du voile de communion, et sur lequel il dépose la cuiller.
La communion des fidèles
Les Portes Saintes s'ouvrent dans le silence devant les fidèles prosternés. Le diacre présente le calice et appelle toute l'assemblée à la communion en disant :
«Avec crainte de Dieu, foi et amour, approchez.»
«Vêtu de son orarion croisé comme leurs ailes devant la face des Séraphins, le diacre, portant le Saint Corps et le précieux Sang du Christ, ressemble au Séraphin portant le charbon ardent devant Isaïe. Le chœur entonne un chant qui affirme la présence du Seigneur : «Amen, amen. Béni soit celui qui vient au Nom du Seigneur »
Les fidèles, à présent, s'approchent du calice tour à tour. Le prêtre, aidé du diacre, leur donne la communion sous les deux espèces avec la cuiller en nommant chacun par son nom.
De même que le Séraphin au moyen d'une pincette a déposé sur les lèvres du prophète Isaïe un charbon ardent
pour les purifier, de même le prêtre, au moyen d'une cuillère dont le nom liturgique est «pincette» dépose sur les lèvres de celui qui communie, le Charbon Ardent par excellence qu'est le Christ Lui même, pour le purifier et le vivifier du Feu de l'Esprit-Saint».
«Ce qui m'est donné est le Corps et le Sang du Seigneur Jésus. Sous les signes physiques, il y a la réalité, la présence de mon Sauveur et de son action rédemptrice. Je participe à l'offrande et au sacrifice du Golgotha. Les saints Dons que je reçois sont l'expression du pardon de mes péchés, que l'Agneau immolé a ôtés de moi et pris sur Lui-même. Je suis rendu pur par son sang, lavé et plongé dans son sang, comme les parcelles de ce pain que le prêtre verse dans la coupe. Et ce Don m'est un gage de vie éternelle, car l'Agneau immolé auquel je participe est aussi l'Agneau réssuscité le troisième jour. Pâques inclut la Résurrection tout autant que la Crucifixion du Sauveur. Je communie à la Résurrection». (L'Offrande liturgique op. cit. P61-62)
Action de grâces
Quand la communion des fidèles est terminée, le prêtre remet le calice sur l'autel. Le diacre procède alors à l'immersion des parcelles restées sur la patène dans le Sang du Christ que contient encore le calice. Ces parcelles représentent la Vierge, les saints, les vivants et les morts qui ont été mentionnés lors de la proscomidie. Pendant que le diacre accomplit ce rite, il dit les tropaires de la Résurrection. Au moment où il immerge la parcelle de la Mère de Dieu, il dit le tropaire suivant :«Illumine, illumine-toi, nouvelle Jérusalem ! Car la gloire du Seigneur s'est levée sur toi. Exulte maintenant et tressaille d'allégresse, ô Sion. Et toi, toute pure Mère de Dieu, réjouis-toi de la Résurrection de ton Fils».
«Le Christ ressuscité en répandant sur l'Eglise, Nouvelle Jérusalem, le feu de son Esprit-Saint, accomplit définitivement la théophanie annoncée dans Isaïe 60, 1-3».
Le diacre termine le dépôt des parcelles en essuyant soigneusement la patène au-dessus du calice avec l'éponge en disant : «Lave, Seigneur, par ton Sang précieux et les prières de tes saints les péchés de ceux dont il a été fait mémoire ici.»
Ce rite manifeste visiblement l'intercession pour nos proches, vivants et défunts. Tous ceux dont les noms ont été mentionnés lorsque le prêtre détachait des parcelles des prosphores apportées par les fidèles, se trouvent à présent, par cette immersion, associés au mystère de la Rédemption.
Le prêtre, de l'ambon, bénit le peuple en disant : «0 Dieu, sauve ton peuple et bénis ton héritage.»
Le chœur répond par un chant tiré de l'office de la Pentecôte, ce qui rappelle que chaque communion est aussi une réception du Saint-Esprit, une Pentecôte permanente : «Nous avons vu la vraie lumière, nous avons reçu l'Esprit céleste, nous avons trouvé la foi véritable, adorons l'indivisible Trinité car c'est Elle qui nous a sauvés.»
Le prêtre rentre dans le sanctuaire pour accomplir avec le diacre le transfert des Saints Dons de l'autel à la table de préparation. Le diacre pose l'astérisque sur la patène et recouvre le tout de son voile. De même il recouvre le calice. Puis le prêtre, par trois fois, encense les Saints Dons en accompagnant cet encensement par ces paroles :
«Sois exalté, ô Dieu, au-dessus des cieux et ta gloire resplendira sur toute la terre.»
Le prêtre évoque ici la montée du Seigneur auprès de son Père pour y être glorifié, exalté : c'est le thème de l'Ascension. Avant de s'élever au Ciel, le Christ n'avait-il pas dit : «Il est avantageux pour vous que je m'en aille! Si je ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra point à vous ; mais si je m'en vais je vous l'enverrai.» (Jn 16, 7) Dans la seconde partie du verset, le prêtre appelle l'Esprit de la Pentecôte qui doit déferler sur l'Eglise pour accomplir une œuvre de transfiguration qui se révélera dans toute sa plénitude au jour du dernier avènement.
Le prêtre prend le calice et l'élève en geste de bénédiction en disant : «Béni soit notre Dieu.» Et tourné vers le peuple il dit : «En tout temps, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles».
Le chœur chante un hymne d'action de grâces. Le diacre sort du sanctuaire, décroise son orarion pour dire une dernière ecténie ; le prêtre dit alors la prière d'action de grâces en pliant l'antimension et en traçant un signe de croix avec l'Evangéliaire qu'il tient à deux mains.
13) CONCLUSION
Renvoi des fidèles, bénédiction et congé
Le prêtre après cette prière sort par les Portes Saintes et, s'étant rendu au milieu de l'église, il dit à haute voix : «Sortons en paix.» Par ces mots et la prière de conclusion qui suit il donne le renvoi des fidèles qui marque, non pas la sortie de l'église, mais l'entrée de l'Eglise dans le monde. Comme le dit le Père Schmemann, «le temps de la mission» commence au moment où la Liturgie s'achève.
Puis le diacre, qui pendant la prière s'était tenu incliné devant l'icône du Sauveur, rentre dans le sanctuaire par la porte Nord et demande au prêtre sa bénédiction avant de consommer les Saints Dons. Le prêtre prononce la prière de la consommation des Dons et, tandis que le diacre se rend à la table de préparation pour consommer le contenu du calice, le prêtre bénit le peuple, prend la croix, sort par les Portes Saintes, et, tourné vers le peuple donne le congé. Les fidèles baisent la croix et prennent un morceau de pain béni, appelé antidoron, provenant des prosphores de la proscomidie et évoquant les agapes primitives.
La fin rapide et concise de la Liturgie rompt avec la lente progression de l'office jusqu'à la communion.
Les communiants participants à présent au Royaume sont en quelque sorte sortis du temps pour entrer dans l'éternité. «Et de même que l'avènement du Fils de l'homme sera comme l'éclair qui part de ]'Orient et se montre jusqu'en Occident» (cf. Matth. 24, 27), de même la communion aux Saints Mystères nous met en présence du Seigneur sans délai.
Cette rapidité et cette allégresse n'est pas sans rappeler la Nuit Pascale, où, après avoir vécu le Grand Carême et les offices majestueux de la Semaine Sainte, la lumière et la joie de la Résurrection nous illumine tout à coup de sa fraîcheur et de sa jeunesse éternelle.
Tous les extraits de la Divine Liturgie de St Jean Chrysostome sont tirés d'une traduction du P. Boris Bobrinskoy sous la direction du Métropolite Damaskinos de Suisse aux Editions Tertios.
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Message  Arlitto Lun 07 Mar 2016, 15:13

Les débuts de la vie
Pureté rituelle et purification spirituelle

De nos jours, étant donné les conditions très hygiéniques des hôpitaux et des maternités, certains ne comprennent plus, parmi les chrétiens orthodoxes, pourquoi il faudrait encore observer les relevailles et la purification de l'accouchée, ainsi que la quarantaine qui exclut la nouvelle maman de la communion eucharistique.
Ces pratiques, ainsi que les prières qui les accompagnent, en particulier dans le cas de fausses couches, ont été contestées récemment par une cinquantaine de femmes réunies en une conférence internationale et inter orthodoxe, intitulée " Les femmes dans la vie de l'Eglise ", qui s'est tenue à Constantinople, du 10 au 17 mai 1997, au siège du Patriarcat Œcuménique. Le patriarche Bartholomé, qui avait ouvert leurs travaux, a déclaré ensuite que " leurs discussions ont été très précieuses et serviront notre sainte Eglise orthodoxe ".
Mais il ne faut pas en déduire qu'il en sortira une directive générale : le patriarche s'informe, il écoute les uns et les autres, il consultera les évêques et les théologiens. Aux liturgistes il demandera peut-être une meilleure formulation des prières en question. Il pourrait aussi tenir compte de l'avis des pasteurs, car ce sont eux, en définitive, qui ont le contact le plus direct avec les mamans, par l'administration du baptême. En effet, les prières qui sont dites sur la mère et sur l'enfant au cours des premières étapes de l'initiation chrétienne, et que le prêtre aurait tendance à omettre à cause de certains détails anachroniques, sont justement réclamées par les plus fidèles paroissiennes, après leur délivrance ou bien, le huitième jour après la naissance, pour l'imposition du nom chrétien, C'est qu'elles n'en connaissent pas forcément le contenu exact, souvent expédié dans une langue liturgique ancienne, mais qu'elles se fient à l'intercession de l'Eglise en leur faveur, dans leur situation particulière.
Si l'on ne retient que l'aspect positif de ces prières, le rituel complet du Baptême fait dire au prêtre sur la mère, au jour de sa délivrance
" Garde-la, Seigneur, ainsi que l'enfant qu'elle a fait naître, à l'ombre de tes ailes protège-la. " " Accorde-lui un prompt rétablissement. Guéris ses douleurs, donne à son âme et à son corps vigueur et santé, délivre ses entrailles de toutes sortes de complications. Accélère le rétablissement de son corps affaibli, et fais que son nouveau-né puisse un jour se prosterner dans le temple terrestre préparé pour la gloire de ton saint nom. "
Le huitième jour, le prêtre dit : " Que la lumière de ton visage brille sur cet enfant, que la Croix de ton Fils unique soit imprimée dans son cœur. Donne-lui d'être agrégé en temps voulu à ta sainte Eglise et de parvenir à la perfection par la communion aux redoutables mystères de ton Christ. " Puis le prêtre prend l'enfant dans ses bras, comme le fit jadis le vieillard Siméon recevant l'Emmanuel dans le Temple, et chante l'hymne de la Présentation ou Chandeleur.
Le quarantième jour, il dit encore : " Seigneur qui protèges les enfants, bénis maintenant ce nouveau-né et ceux qui ont charge de lui. Rends-le digne, en temps opportun, de renaître par l'Eau et par l'Esprit. Agrège-le au saint troupeau de tes spirituelles brebis. " Puis il prend l'enfant et trace, avec lui, un signe de croix devant les portes de la nef en disant : " Le serviteur (la servante) de Dieu N. entre dans l'Eglise au nom du Père et du Fils et du saint Esprit... " ce qu'il répète au milieu de la nef et devant les portes saintes de l'iconostase. Après quoi il chante le cantique de Siméon et rend l'enfant au parrain.
Le sens des quarante jours
Quarante jours, ce n'est pas seulement une " quarantaine ", c'est-à-dire une exclusion imposée à la mère ou à l'enfant, à cause d'un risque éventuel de contagion, mais c'est aussi un " carême ", une période de purification spirituelle. Car, pour la maman chrétienne qui ne se sent plus liée aux normes de la pureté rituelle, dans le climat d'hygiène du monde actuel, il peut subsister le désir de purification spirituelle, pour accompagner son enfant dans la démarche qui aboutira au baptême. Le nourrisson n'en étant pas capable, c'est elle qui l'accomplit à sa place.
En cela, elle rejoint la lutte victorieuse de Moïse et d'Elie, qui se sont purifiés, tous les deux, quarante jours dans le désert, avant les théophanies de l'Horeb ou du Sinaï, c'est-à-dire avant leur rencontre personnelle avec Dieu.
Quarante jours, c'est aussi le temps que le Christ ressuscité a attendu avant d'élever sa nature humaine, bien que toute pure, à la droite du Père saint, dans le mystère de l'Ascension.
Le même temps de purification, par le Carême, nous permet d'accéder à la sainte Pâque du Seigneur, son passage parmi nous et notre communion avec lui.
Et quarante jours après leur trépas nous sollicitons la miséricorde de Dieu envers les défunts.
La plénitude du Christ
Ce n'est donc pas de façon négative qu'il faut envisager les étapes de l'initiation chrétienne, qui sont purification de la mère aussi bien que de l'enfant. Après neuf mois d'une gestation amoureuse qui débouche sur la vie terrestre d'un nouveau petit d'homme, la femme est appelée à se préparer, avec autant d'amour, elle et son enfant, à la seconde naissance par l'Eau et par l'Esprit, à l'onction chrismale de la confirmation, qui imprimera en lui le sceau du don spirituel et divin, à la participation aux mystères du Christ, comme anticipation du banquet céleste qui ne sera plus célébré par des signes, mais par la communion, plus réelle encore, avec lui dans son Royaume.
Car aux enfants sont données, avec le baptême, également la confirmation et la communion, parce que ce n'est pas un problème intellectuel mais vital : on n'attend pas qu'ils atteignent l'âge de raison pour leur communiquer le don de l'Esprit, ni le signe de leur appartenance à l'Eglise, la communion au Sang rédempteur du Christ, dont, une fois sevrés, ils recevront aussi le Corps. Tout cela repose sur la foi des parents, autant que sur leur espérance et leur amour. La mère n'attend pas que l'enfant ait l'âge de raison pour lui demander s'il veut être allaité au sein ou avec telle ou telle marque de lait. De même pour les sacrements : la mère choisit pour son enfant ce qu'il y a de meilleur. De la table des grands, il prendra l'essentiel, dès le départ. Des vérités de la foi, il cueillera petit à petit ce qui est adapté à son intelligence, et sa croissance dans l'Eglise se fera comme au sein d'une famille. Mais il y sera considéré avec respect, comme un adulte, parce que membre du Corps, dans la ligne de cette " maturité qui convient à la plénitude du Christ " (Ephésiens 4, I 3).
A l'origine de la vie
La connaissance de l'embryologie ne date pas du 20e siècle dans l'Eglise orthodoxe : déjà au 14e siècle, un moine de Constantinople, Nicéphore Calliste Xanthopoulos, en donnait la preuve lorsqu'il mettait en parallèle la formation de l'embryon et la décomposition du corps après la mort. Le samedi des Défunts, à l'approche du grand Carême, il écrit en effet dans son Synaxaire : " Nous faisons mémoire des défunts le troisième jour après la mort, parce que ce jour-là l'homme change d'aspect ; le neuvième jour, parce que tout se décompose à l'exception du cœur ; et le quarantième jour, parce que le cœur se décompose lui aussi. " Et il ajoute cette constatation surprenante : " C'est l'inverse de ce qu'on observe dans la formation de l'enfant à naître, puisque le troisième jour se dessine le cœur, que le neuvième jour prend consistance la chair et que le quarantième jour se modèle une forme complète. "
La science moderne nous enseigne que l'embryon, à partir du troisième mois, prend les formes de l'espèce humaine. Les théologiens et les moralistes se sont souvent demandé à partir de quand cette forme reçoit une âme et devient un être humain. Au 3e siècle, Origène, un exégète alexandrin, émettait l'hypothèse selon laquelle Dieu aurait créé d'avance toutes les âmes et les distribuerait au fur et à mesure de la génération des corps. Influencé par la croyance orientale en la transmigration des âmes, il pensait que seules les âmes ayant péché dans l'immatérialité s'incarnaient dans un corps, pour une épreuve terrestre qui devait les ramener à l'Eternité bienheureuse.
De nos jours, médecins et théologiens orthodoxes s'orientent vers une idée plus générale de l'union de l'âme et du corps dans l'être humain. Cette union n'est pas distribuée au fur et à mesure, mais a été donnée une fois pour toutes. C'est ce qui ressort d'un symposium de bio-éthique tenu à Paris les 8 et 9 mai 1997, à l'Institut Saint-Serge.
L'âme fait partie du programme initial
De même que le Créateur a donné aux végétaux, arbres et plantes, puis aux animaux, poissons, reptiles, oiseaux et mammifères, la possibilité de se reproduire par des semences qui portent un programme de vie selon les différentes espèces, avec la faculté de s'améliorer ou d'évoluer, de même a-t-il mis dans le premier couple humain non seulement la semence féconde, mais, avec cette semence capable de programmer toute vie humaine, l'image de sa Tri-unité : un esprit à la ressemblance du Sien, la parole et la raison à l'image du Verbe, une âme qui puisse l'appeler Père et parvenir à la filiation divine.
Particularité de l'individu
A ce programme initial et commun, qui est propre à l'ensemble de l'espèce humaine, s'ajoute ce que l'immense amour de sa paternité divine envers tous les êtres humains peut donner à chacun de particularité, de note individuelle, qu'il s'agisse de l'âme et de l'intelligence, aussi bien que des traits du visage ou des empreintes digitales. Et l'on constate avec admiration que cette inventivité du Créateur ne se limite pas à l'espèce humaine, mais que chaque espèce animale ou végétale produit à l'infini la même diversité, de sorte qu'il n'y a pas, à l'intérieur d'une même espèce, deux animaux, deux plantes, qui se ressemblent.
La libéralité du Créateur
Quelle que soit l'étape de la vie humaine dans le fruit du sein, on ne peut donc pas le considérer comme négligeable, puisqu'il fait partie du dessein initial et providentiel du Créateur envers l'espèce comme envers l'individu. Mais, en même temps, il n'est pas sacrilège de se placer dans l'optique généreuse du Créateur lui-même, qui permet à l'arbre de produire des milliers de fruits pour qu'au moins l'un d'eux perpétue l'espèce en devenant un nouvel arbre, qui donne aux ovipares ou aux mammifères la possibilité d'une ponte abondante ou d'une portée nombreuse, en prévision de la mortalité juvénile ou de la sélection des plus forts.
Contraception et avortement
On comprendra qu'il n'y ait " pas de directive générale de la hiérarchie orthodoxe en ce qui concerne la contraception et l'avortement. D'abord il faut préciser que, à l'inverse de l'Eglise catholique-romaine et de son magistère centralisé, il n'existe pas " une " Eglise orthodoxe, mais " des " Eglises locales confessant la même foi orthodoxe, celles de Constantinople, d'Antioche, d'Alexandrie, de Jérusalem, de Moscou, etc. On ne peut donc pas parler de " la " hiérarchie orthodoxe comme d'une entité morale universaliste qui aurait le droit de décider " ex cathedra " de la conduite à tenir par tous les hommes, croyants ou incroyants, baptisés ou non. Et même, parmi les baptisés, c'est uniquement à ceux qui suivent en profondeur l'enseignement de l'Evangile qu'il faudrait proposer le haut idéal en question, pour que la vérité proclamée au-delà des Alpes le soit aussi en deçà.
Le problème mérite d'être replacé à un niveau supérieur. Au dessein d'amour fou et sans limites du Créateur la réponse naturelle du croyant est aussi un amour fou et sans limites. D'ailleurs les Eglises orthodoxes sont originaires de l'Orient, de cet Orient où la fécondité est considérée comme une bénédiction du Seigneur. En cela, elles sont héritières d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, à qui Dieu a promis une postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel. En outre, au Proche-Orient, la fécondité des couples chrétiens est hautement souhaitable, pour maintenir l'équilibre entre les communautés.
Les baptisés sont des adultes
Et surtout, pour répondre à ceux qui pourraient se réjouir ou s'étonner de ce qu'il n'y ait pas de directive générale concernant la contraception et l'avortement, de la part d'un magistère universel de l'Eglise orthodoxe au singulier, il convient de rappeler que, dans nos Eglises, les baptisés orthodoxes sont considérés comme des adultes au regard de la foi. Ayant reçu le baptême, la confirmation et la communion, ils sont des membres à part entière de la communauté ecclésiale en union avec l'évêque, et non pas de grands enfants qui attendent les directives d'un prêtre ou de la hiérarchie. Etant des adultes, c'est en leur âme et conscience qu'ils prennent leurs décisions dans les cas difficiles, non en violation de la Loi, mais comme membres de l'Eglise, " en vertu de l'économie divine " , c'est-à-dire en se conformant, de façon exceptionnelle, à la miséricorde du Sauveur.
La notion d' " économie " : la Loi et la Miséricorde
Ce principe de l'" économie " est celui que l'Eglise applique dans le cas du divorce et du remariage. II tire sa légitimité du conseil que donne saint Paul dans la première Epître aux Corinthiens (7,9). En soi, un second mariage passe pour incompatible avec la portée immense du premier sacrement, qui introduit dans le mystère d'union entre le Christ et son Eglise. Mais, selon la parole de l'Apôtre, " si les veufs ne peuvent se contenir, qu'ils se marient ; car il vaut mieux se marier que de brûler. " De nos jours, dans le cas des divorcés, on peut considérer le remariage comme une seconde chance de contracter un vrai mariage en Christ, lorsque le premier s'est avéré un échec.
En ce qui concerne le divorce, la doctrine orthodoxe considère que le mariage, étant un sacrement, appartient à la vie éternelle du royaume de Dieu. Pour cette raison il crée un lien éternel, au-delà de la mort, entre les conjoints, s'ils le désirent, si " cela leur est donné " , comme dit le Christ en Matthieu 19,11. Toutefois le sacrement de mariage n'est pas un acte magique, mais un don de la grâce. Si la grâce n'a pas été " reçue " et si le péché est entré dans le couple au point de détruire le mariage, l'Eglise, appliquant le principe de l'économie, par miséricorde du Christ entérine le divorce prononcé par l'autorité civile. Mais, pas plus que le veuvage, cela ne donne droit automatiquement au remariage, ni aux sacrements. C'est l'affaire de l'évêque, qui juge en fonction de l'âge et des circonstances. L'Eglise autorise aussi les troisièmes noces, mais pas au-delà.
En résumé, qu'il s'agisse du remariage ou de la limitation des naissances, il convient de se laisser guider par l'attelage du Décalogue et de l'Evangile. Le Christ n'est pas venu pour détruire la Loi, pour l'abolir, mais pour l'accomplir, c'est-à-dire pour la rendre plus parfaite. Car " la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ " (Jean I , I 7).
La première Loi n'était pas capable de nous sauver : aussi le Fils de Dieu s'est laissé mettre à mort pour nous " gracier " , pour nous rendre à la vie. Sa grâce envers nous est amour et miséricorde : un amour descendant, condescendant, compatissant. Il tient compte de notre misère et ne veut pas nous assommer sous la Loi.
Et nous qui jouissons de cette bienveillance, nous donnons notre réponse dans un amour montant, qui implique l'action de grâces et le don de soi. Qu'il s'agisse pour les fidèles de choisir ou pour l'Eglise de juger, le principe d'économie s'applique toujours dans le dépassement de la Loi, dans la miséricorde et le respect de la vie, de la vie à naître mais aussi de la vie qu'on mène, afin que tous les croyants trouvent la paix sur terre et l'accès au royaume des cieux.
Avignon, le 1er novembre 1997
Père Denis Guillaume
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Message  Arlitto Lun 07 Mar 2016, 15:13

LA FETE DE PAQUES DANS L’EGLISE ORTHODOXE

Métropolite Stephanos de Tallinn

Ce qui caractérise l’Eglise orthodoxe dans sa manière d’être tout comme dans toutes ses expressions, c’est la certitude de l’irruption victorieuse de la vie éternelle dans le monde, qui s’accomplit dans la résurrection du Christ. L’Eglise orthodoxe confesse et proclame avec force que la vie s’est manifestée dans le Christ véritablement Dieu devenu véritablement Homme et qu’elle est communiquée dans sa mort et dans sa résurrection. Si le Christ n’est pas ressuscité, dit Saint Paul dans la 1ère lettre aux Corinthiens ( 15,17-20 ), alors toute notre prédication est vaine et votre foi est vaine.


De fait, si le Christ n’est pas ressuscité, la mort aura toujours le dernier mot. Mais si le Christ est ressuscité alors tous les évènements de l’existence humaine sont métamorphosés. Pâques n’est pas uniquement, comme aimerait bien le prétendre notre société sécularisée, la commémoration d’un simple souvenir extérieur sans autre signification spirituelle. Le mystère pascal c’est tout autre chose . Il ne peut se comprendre que comme l’accomplissement total et définitif de l’Alliance, promise déjà dans le livre de la Genèse, par laquelle Dieu devient pour les hommes totalement leur et les hommes deviennent pour lui totalement siens. Il ne s’agit là ni d’un contrat juridique entre Dieu et l’homme ni même d’un idéal moral. C’est, d’abord et plus que tout, une réalité mystérieuse et spirituelle par laquelle toute l’humanité est arrachée à la mort et redonnée au Père céleste. Pour cette raison, l’événement de Pâques ne peut en aucun cas être saisi en dehors de la foi en Christ, sous la conduite permanente de l’Esprit Saint.


Cette empreinte pascale qui marque si profondément les chrétiens orthodoxes est beaucoup moins le produit d’une mentalité particulière ou d’un caractère ethnique que l’expression d’une âme commune forgée avant tout par les célébrations du rite byzantin, lesquelles donnent notamment aux célébrations pascales une importance et une splendeur inégalée. L’expérience liturgique intérieure ainsi acquise, qui dépasse de loin une simple émotion subjective, communique la certitude intime de la victoire du Christ et fait participer chacun, d’une manière personnelle, à sa propre vision des mystères de Dieu. A travers le vécu liturgique des célébrations de la Semaine Sainte le fidèle orthodoxe reçoit la conviction que la mort est absorbée par la vie et que le sens ultime de toutes choses lui est révélé dans la lumière glorieuse qui jaillit du visage de Jésus ressuscité. Pâques, c’est la certitude que Dieu a créé le monde pour la résurrection, pour que tous les êtres participent à sa joie et soient illuminés de sa splendeur. C’est à juste titre donc que les chrétiens orthodoxes se plaisent à définir Pâques comme la fête des fêtes.


Croire véritablement en Christ et adhérer de tout son être à lui, c’est affirmer que le fondement sur lequel Dieu a établi toutes choses est bien la puissance cachée de la Résurrection ; dessein merveilleusement fidèle, qui révèle le don de Vie depuis son jaillissement originel jusqu’à son accomplissement par la Croix de Jésus ; dessein pleinement réussi aussi, une fois pour toutes, dans cette humanité assumée par le Fils de Dieu incarné sur la terre et qui a pour but final la communion de chaque être à la vie même de la Sainte Trinité.


C’est pourquoi, l’événement du mystère pascal ne peut se vivre que dans l’Eglise car il restera à jamais, en son sein, l’avènement de l’amour vainqueur de la mort.
Pâques 2003.
+STEPHANOS, Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie.
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Message  Arlitto Lun 07 Mar 2016, 15:13

LA DISCIPLINE CANONIQUE

DE L'EGLISE ORTHODOXE

 

Si je crois vraiment, comme je l'affirme si souvent dans le Credo, "en l'Eglise", je ne peux pas ignorer, que cela me plaise ou me dérange, les textes que l'Eglise a rédigés au cours des siècles et que l'on appelle les canons. Ces derniers ont pour finalité de définir les limites de la vraie vie, que le chrétien ne peut dépasser sans sortir de cet acte générateur par lequel le Père céleste le traite comme son Fils unique, c'est-à-dire lui fait le don divinisant de son saint Esprit. Les canons ecclésistiques nous tracent le chemin à parcourir afin que notre vie dans l'Eglise ne soit pas une vie sociale naturelle, pour que nous dépassions l'autonomie de notre individualité naturelle en acquérant le saint Esprit, en faisant l'expérience de la déification. (...) Mais pour cela nous devons éviter deux erreurs. L'une consisterait à dire que le passé est dépassé, qu'en ce début de troisième millénaire, il est grand temps d'effectuer un aggiornamento. Penser ainsi, ce serait méconnaître complètement la dimension diachronique et synthétique, sans rupture à travers le temps de la Tradition ecclésiale et de l'unité de l'Eglise. Si les canons ecclésaistiques nous parlent avant tout des conditions de possibilité de notre divinisation dans l'être-en-communion de l'Eglise, la vraie vie dont ils parlent, c'est aussi bien la vraie vie pour nous, si éloignés que nous soyons de leurs auteurs dans le temps. Cependant il y a une seconde erreur dont il faut se garder : il ne faut pas massacrer les chrétiens à coup de canons en les mitraillant fanatiquement par une application automatique des canons. En 2003, allons-nous excommunier un chrétien qui quitte l'église avant l'anaphore sans motif de santé ? Un meurtrier qui s'est repenti, le priverons-nous de communion jusqu'à la fin de sa vie, et durant sept ans quelqu'un qui a commis un adultère ? Le bon usage des canons consistera à considérer que si, dans l'Antiquité, la sainte Eglise, pourtant si bonne, si maternelle, s'est montrée si sévère, c'est que, de nos jours encore, le péché est extrêmement graveet que, par conséquent, nous devons le traiter comme tel, même si ce doit être en appliquant des peines moins longues. Parce que jadis l'Eglise ne donnait pas la communion avant sept ans à quelqu'un qui avait commis un adultère ou jusqu'à la fin de sa vie à un meurtrier, nous n'avons pas le droit, aujourd'hui encore, de nous contenter d'avouer en confession de tels péchés et de communier tout de suite après la confession." Père André Borrély, in Orthodoxes à Marseille octobre-novembre 2002.

1.- Christ est ressuscité, tenons-nous droits !
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Message  Arlitto Lun 07 Mar 2016, 15:14

LA VALEUR DU SACREMENT DE LA CONFESSION


Le sacrement de la confession représente une grande valeur dans la vie du chrétien parce que :


1. Elle est un moyen de délivrance qui le conduit au salut par le repentir. « Le Seigneur, est-il écrit dans Ezéchiel 18/23, ne veut pas la mort du pécheur jusqu’à ce qu’il se détourne de ses mauvais chemins et qu’il vive ». Ce retour vers la volonté de Dieu est communion avec Lui et une renaissance spirituelle de l’homme dans son entièreté.


2. Elle est un authentique moyen de guérison des blessures de l’âme et aide à réguler l’équilibre psychologique de la personne. Les tristesses, les angoisses journalières, les problèmes personnels, sociologiques et familiaux provoquent de nombreuses confrontations jusque dans l’intimité des êtres. Un bon confesseur aidera les personnes de sortir de leurs impasses personnelles. Le but est de retrouver la santé de l’âme et l’accomplissement de l’homme.


3. Elle est pour l’homme un signe de progrès spirituel et moral parce qu’elle contribue à choisir des attitudes de vie conformes à la volonté de Dieu. En cela le confesseur apparaît comme un conseiller de vie. Il garantit à celui qui se confesse la paix intérieure de l’âme. Il enseigne à distinguer le bien du mal et l’encourage à faire face aux problèmes quotidiens de l’existence. Il lui évite de commettre des fautes. Il lui apprend à fuir les passions et à le rendre plus vertueux.


4. Elle est un moyen de sanctification parce que celui qui se confesse avec droiture reçoit la grâce divine qui le fait renaître spirituellement. Par la confession on reçoit la paix et l’amour de Dieu et on est fortifié dans sa lutte contre le mal.


5. Elle apaise la conscience. Prendre la décision de se corriger contribue en effet de manière décisive à se libérer de son sentiment de culpabilité. Par la confession, l’homme fait appel à la miséricorde divine et reçoit des conseils pour rendre meilleure sa propre vie.


6. Elle apprend à l’homme à se connaître lui-même. Le sacrement de la confession nous permet de prendre conscience de nous-même afin de nous libérer de notre égoïsme et de retrouver notre harmonie interne, sans laquelle nous ne pouvons nous défaire de nos culpabilités et de nos passions. Ce retour sincère vers la libération des passions et vers la voie de la pratique des vertus nous aide à retrouver notre pureté spirituelle, conséquence du pardon de nos péchés.


Saint Grégoire de Nysse écrit à propos de la valeur de la confession : « Les Saintes Ecritures accordent à la confession une double signification, qui est tantôt rachat des péchés et tantôt action de grâces. Ainsi, cette double signification nous ouvre le chemin d’une vie vertueuse. En effet, le rachat nous sépare du mal et l’affaiblit en nous et l’action de grâces fait fructifier en nous la reconnaissance qui revient à Dieu pour ses bienfaits. Autrement dit : si tu es angoissé par le souvenir de quelque péché, la récitation du psaume 51(50) te pousse vers la purification par le vrai repentir. Et si par contre ta vie évolue vers le meilleur, alors il te consolide dans cette voie en t’exhortant à exprimer ta gratitude à Dieu ».

+Archimandrite Damien ZAFIRIS
in EPHIMERIOS, Athènes, janvier 2004, page15.
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Message  Arlitto Lun 07 Mar 2016, 15:14

POURQUOI LES ORTHODOXES ALLUMENT-ILS DES LAMPES A HUILE ?


Une des habitudes qu’ont les chrétiens orthodoxes pour adorer Dieu et exprimer leur piété, c’est d’allumer des lampes à huile tant à l’église qu’à la maison.

Il y a pour cela plusieurs raisons.


Nous allumons la lampe à huile pour signifier que notre foi est Lumière. Le Christ a dit : « Je suis la Lumière du monde ». La lumière de la lampe à huile nous rappelle celle avec laquelle le Christ illumine nos âmes.
Nous allumons la lampe à huile pour nous rappeler que toute notre existence doit être lumineuse comme celle des Saints, que Saint Paul qualifie de « fils de lumière ».


Nous allumons la lampe à huile pour nous protéger de nos actes mauvais et de nos sombres passions. Sa lumière dissipe les ténèbres de notre être intérieur en nous renvoie à la voie lumineuse de l’Evangile.
Nous allumons la lampe à huile en signe de reconnaissance envers Dieu. Ainsi nous le remercions de nous garder en vie, en bonne santé et nous Lui rendons grâce pour son infini Amour, par lequel le salut est donné à tous.


Nous allumons la lampe à huile pour qu’elle soit une protection contre les puissances du Mal, qui nous harcèlent sans cesse et plus particulièrement au moment de notre prière en essayant de nous détourner de Dieu. Les démons aiment les ténèbres et sont effrayés par la lumière, tant par celle du Christ que par celle de ceux qui aiment le Christ.


Nous allumons la lampe à huile pour nous rappeler que nous devons nous imposer des sacrifices de toutes sortes. De la même manière que la mèche se consume par la flamme de la lampe, de la même manière notre volonté doit se laisser consumer par la flamme de l’amour du Christ et se soumettre toujours à la volonté de Dieu.


Nous allumons la lampe à huile pour apprendre que, de la même manière qu’elle ne peut s’allumer sans nos mains, ainsi aussi la lampe à huile de notre cœur ne peut s’allumer sans les mains de Dieu. Les efforts de nos vertus sont pareils à la mèche et l’huile. Pour s’allumer et éclairer, elles ont besoin du « feu » de l’Esprit Saint.
Traduit du grec.
Texte du Rév. Diacre Georges GEKA in Edition de la Métropole de Nicopolis, Grèce – Preveza 1992.
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Message  Arlitto Lun 07 Mar 2016, 15:14

Monachisme

Apport de la vie monastique à la vie du chrétien orthodoxe dans le monde

 
Le peu que je puisse dire, c'est ce que peut apporter la vie monastique à tout chrétien pour comprendre ce que signifie «agir en orthodoxe aujourd'hui». Je dis la vie monastique et non les moines car il y a l'illusion chez beaucoup de chrétiens que les moines doivent être des saints. Or St Jean Climaque dit que le monastère est «un hôpital de l'âme» et dans un hôpital on y met des malades.

Si vous sentez que vous volez sur la voie de la perfection, que les qualités spirituelles et morales sont pour vous faciles à acquérir, si en vous regardant dans la glace le matin vous voyez des ailes vous pousser, alors dites-vous que la vie monastique n'est pas pour vous. Si, par contre vous retombez toujours dans les mêmes erreurs, si vous vous débattez dans des passions dont vous n'arrivez pas à sortir, vous pouvez vous dire «peut-être il serait temps de me retirer dans un monastère».

Que fait-on dans un monastère ? Un Père du désert répondait : «on tombe et on se relève, on tombe et on se relève». Comprendre la vie monastique comme cela évite beaucoup de quiproquo, d'illusions, de déceptions aussi. Les moines sont des hommes pécheurs, mais le monastère nous enseigne comment le chrétien doit être le témoin de l'immense miséricorde de Dieu pour tous les hommes
Les soldats destinés à arrêter le Christ étaient revenus en disant : «nous ne l'avons pas arrêté car aucun homme n'a parlé comme cet homme». Le Christ était le Verbe de Dieu. Pour nous, il ne s'agit pas forcément de parler, mais il faudrait que tous ceux qui côtoient un chrétien puissent dire : «aucun homme n'a aimé comme cet homme». Comment peut-on parvenir à cet amour qui n'est pas celui d'un sentimentalisme ? Trois paroles de l'Evangile sont ici essentielles pour la vie monastique.

La première parole : «vous dans le monde mais vous n'êtes pas du monde». Tout chrétien est dans le monde mais n'est pas du monde. Tout chrétien doit s'engager mais non pas adhérer. Ce sont le mollusques qui adhèrent et lorsque nous nous transformons en arapède, que nous nous cramponnons à telle idée, telle activité ou tel parti nous devenons esclaves d'une idéologie fut-elle splendide, nous sommes pour les uns et nous devenons contre les autres. Notre programme social disait Koniakoff, c'est la Sainte Trinité et je crois que pour tout chrétien ce devrait être l'unique programme social. Le moine témoigne qu'il est, comme dit Evagre le Pontique «séparé de tout et uni à tous». Le premier témoignage du moine et de la vie monastique sur ce qu'est agir en chrétien est «d'être pour tous et pour chacun». Pour l'anecdote, lors d'une catéchèse, j'ai pu voir côte-à-côte parmi les auditeurs, une responsable du parti communiste et une élue du front national. Cela à pu choquer certains, mais c'est une forme de témoignage que puissent venir vers nous toutes sortes de personnes, des bien-pensants, des honnêtes gens, mais aussi des personnes de tous bords, des marginaux, des délinquants, des toxicomanes, des prostituées, tous ceux que l'on peut trouver dans cette société qui souffre et qui se cherche. La communauté chrétienne est nécessaire. «Nous sommes là, comme dit Monseigneur Antoine (Bloom), pour nous éclairer, nous réchauffer, mais nous ne devons pas oublier que dehors il fait froid et qu'il fait nuit et que c'est là que nous devons apporter un peu de chaleur et de lumière».

La deuxième parole de l'Evangile qui paraît plus qu'essentielle, c'est «ne jugez pas et vous ne serez pas jugé». Il y a dans les apophtegmes l'anecdote suivante. Un moine qui avait vécu rien moins que saintement et qui avait été sur beaucoup de plans un mauvais moine, se mourrait tout joyeux. Et pour donner une leçon à ses frères le père higoumène lui dit :»Mais enfin nous savons tous la vie que tu as menée ; pourquoi es-tu si joyeux, pourquoi n'es-tu pas troublé ?». Et le moine de répondre : «quand je vais paraître devant le Christ je lui dirai, Seigneur j'ai fait tout ce que tu as interdit de faire. Mais toutefois durant ma vie je n'ai jamais jugé personne. Et comme tu as dit ne jugez pas et vous ne serez pas jugé, j'ai confiance en ta parole». Qui de nous pourrait dire cela. Je vais mettre un peu les pieds dans le plat. Vous savez que nous orthodoxes, sommes divisés. Nous ne sommes pas divisés en juridiction et cela est une richesse et c'est très beau de pouvoir entendre chanter la liturgie en grec ou en slavon, mais nous sommes très divisés parce que nous sommes très cancaniers. Faites l'expérience : allez dans une paroisse, une communauté, un monastère même, et vous verrez comment vous y entendrez d'une manière plaisante, ironique, acerbe quelquefois, démolir d'autres communautés fraternelles. Nous nous aimons bien, nous sympathisons et c'est presque un jeu entre nous, de se critiquer, de faire des remarques. Pour le témoignage que nous donnons de l'Eglise à l'extérieur, c'est désastreux. Combien de fois des jeunes un peu en marge que j'envoyais à droite et à gauche pour s'ouvrir à l'Orthodoxie, revenaient quelque peu déçus de cela. Peut-être que la vie monastique nous apprends cela, non pas parce que les moines ne jugent pas, ils sont les premiers à le faire hélas, mais parce que c'est un élément aussi de la vie monastique : ne pas juger.

Enfin une troisième parole de l'Evangile ou plutôt une parabole se révèle importante. Le Christ dit : «tu aimeras ton prochain comme toi-même» et on lui demande : qui est mon prochain ? Au lieu de dire c'est tel ou tel le Christ répond indirectement : « un homme descendait de Jérusalem à Jéricho il tombe dans les mains de brigands ...» Le prochain c'est celui que nous rencontrons sur notre route, dans la situation que Dieu a voulu ou permis pour nous. Nous voulons bien servir Dieu mais nous voulons le servir selon nos propres projets. Nous voulons bien en chrétien, en orthodoxe, mais selon notre propre vision des choses. Non, ce n'est pas nous qui proposons à Dieu le service qu'on doit lui rendre, c'est Dieu qui nous appelle. C'est à nous de dire «que Ta volonté soit faite». Je crois que la vie monastique nous enseigne aussi cela. Le moine n'a aucune fonction ; celle de la prière bien sûr, mais c'est aussi celle de tout chrétien. Le moine, beaucoup de Pères l'ont dit, est soldat du Christ. Nous n'aimons plus beaucoup ces images militaires avec raison car le soldat, n'est pas toujours quelqu'un de recommandable, mais recommandable ou non, c'est quelqu'un de toujours disponible à la vie, à la mort, toujours prêt à servir. Agir en chrétien, en orthodoxe aujourd'hui c'est aussi être toujours disponible pour le service du Christ et des frères. Non pas vouloir faire ceci ou cela, mais savoir répondre présent à qui en a besoin. Selon le mot du prophète Isaïe «si tu donnes ton pain à l'affamé, si tu rassasies de joie l'âme défaillante alors ta lumière s'élèvera au sein de l'obscurité et les ténèbres deviendront comme la clarté du midi». C'est cela agir en chrétien, en orthodoxe, et ce n'est pas facile.

Archimandrite Victor, higoumène du monastère de la Dormition de la Mère de Dieu à 05 La Faurie (France).
Intervention aux Journées régionales orthodoxes, organisée par la Fraternité orthodoxe locale en Avignon mai 1998
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Message  Arlitto Lun 07 Mar 2016, 15:15

QU'EST-CE QU'UN MOINE ? PAR UN LAIC


Jean-Claude POLET


La revue Louvain, revue mensuelle de l'Université catholique de Louvain-la-Neuve (Belgique), dans son numéro d'avril 1999, a publié un dossier spécial sur la vie monastique. Vocation paradoxale du renoncement, surtout en cette fin de 2Oème siècle tellement dominée par le consumérisme, le monachisme vise à sauver les valeurs spirituelles du salut du mande" et à "les actualiser de façon à intérioriser le monde, le faire pénétrer dans le cœur où la prière et, avec elle, la présence de l'Esprit Saint le transfigurent', écrit dans le liminaire de ce numéro Jean-Claude POLET, laïc orthodoxe, qui est également l'auteur de l'un des articles que comprend ce dossier et que le Service orthodoxe de presse reproduit ici. Jean-Claude POLET est professeur de littérature comparée à l'université de Louvain-la Neuve et à celle de Namur (Belgique). II est le maître d'œuvre d'une vaste anthologie en cours d'achèvement, Le Patrimoine littéraire européen : douze volumes rassemblant en langue française tes textes les plus représentatifs de la culture européenne - de l'Atlantique à l'Oural et des origines au 2Oème siècle (SOP 192.17). Il est également membre du comité de rédaction de la revue de l'association SaintSilouane-l'Athonite qui paraît annuellement sous le titre Buisson Ardent. Cahiers Saint Silouane, aux éditions Le Sel de la Terre, à Lausanne (Suisse).


L'imaginaire collectif, la littérature et les arts et tout l'écho que leur valent les trompettes de la Renommée, ont diffusé et recèlent encore, bien plus que la sociologie de l'Histoire ne le permettrait, des trésors d'illustrations et de figurines représentant des moines tantôt gros-lards, pleins de bière, de liqueurs et de fromage, grippe-sous, filous, bénisseurs, fausses bonnes sœurs, forniqueurs, bourriques, tyranniques, sataniques, tantôt frustrés, châtrés, pisse-froid, compassés, cassants, impuissants, machiavéliques ou tout ce que tantôt les matoiseries du bon sens, tantôt les rigueurs normatives du juste milieu produisent dans les arsenaux de la conscience moyenne. Pour significative et instructive qu'elle soit, car elle met bien en évidence les extrêmes tensions de l'ascèse et son rejet satirique, cette typologie caricaturale, qui aura toujours cours dans les lieux communs - où se bâtit le grand cirque du rire - et dans le petit cercle de la dérision que font tourner les complaisances du parti pris, n'a plus de place aujourd'hui dans les milieux où le sérieux de l'intelligence et la science entendent serrer de près la réalité et la vérité des faits humains.

 Hypocrisie, vice, ténèbres et lâcheté ?
Les reproches anciens sont passés, comme la crainte révérencielle. II n'est plus question d'entrer au couvent comme en résidence surveillée, en purgatoire, ou comme on trouve refuge dans un asile d'aliénés sociaux ou mentaux. Le monachisme est souvent traité à présent, face à la rareté des vocations religieuses et à la normalisation du paraître des moines, comme un problème à poser en termes anthropologiques, comme un mode spécial du comportement humain, suffisamment universel, du moins dans les sociétés marquées par les grandes traditions spirituelles ou religieuses, pour être considérés comme un aspect ou un stade de l'évolution de l'humanité.
Mais il est vrai que la conscience moyenne, qui ne sait que ce qu'elle connaît ou ce qu'elle vit, qui ne connaît que ce qu'elle voit, qui ne vit que ce qu'elle éprouve, qui n'éprouve que ce qu'elle sent, qui ne sent que ce qui la touche, continue, par nature pourrait-on dire, à se poser d'énormes questions sur ce qui, malgré tout, lui parait énorme, et qu'elle peut encore être tentée, par simple jugeote, de trouver même avec toute la prudence et les réserves d'usage, que ce n'est tout de même pas normal d'être moine, et que, aujourd'hui peut-être moins, selon toute apparence, mais dans le passé sans doute beaucoup plus, en sachant tout ce qu'on a dit, écrit et appris, il devait quand même y avoir des dessous là-dessous et - il y a suffisamment d'exemples attestés - pas toujours propres.
Démission ?
Face au fait monastique, même quand ce n'est plus la condamnation, le mépris ou le soupçon de toutes les hypocrisies et de tous les refoulements, cela reste l'incompréhension. Comment ? Renoncer à jouir de "tout ce qui est bon" dans une vie par ailleurs prodigue en difficultés voire en malheurs, renoncer à obéir aux imprescriptibles nécessités qu'impose notre Mère Nature pour vivre dans la constante fréquentation de gens que l'on n'a pas choisis ou dans un enclos d'ermite, n'est-ce pas fuir les responsabilités de l'autonomie, n'est-ce pas abandonner lâchement les défis de l'indépendance et les aventures de la liberté, n'est-ce pas se réfugier - quel que soit le label de normalité que vaille encore en Occident l'attestation d'enracinements chrétiens - dans un milieu qui, à l'égal des sectes, n'a d'autres propos que de procurer sécurité matérielle, promotion symbolique, sublimation spirituelle à des êtres trop faibles pour affronter le monde "comme tout le monde" ? Inauthenticité, inutilité, parasitisme et illusion. Illusion plus ou moins durable, plus ou moins consciente, plus ou moins confortable, mais illusion et, plus profondément, trahison de la condition humaine dans son essence, scandaleuse indifférence pour tous les défis de l'histoire contemporaine, notamment sinon même surtout les défis humanitaires, c'est-à-dire les plus purs, les plus gratuits, ceux qui devraient être les plus mobilisateurs pour ces hommes et pour ces femmes censément dévoués corps et âme aux causes les plus élevées de l'Evangile.
 Une des orientations cardinales de l'harmonie ?
Le questionnement ne va pas toujours aussi loin dans le rejet. Quelquefois même, et c'est assez fréquent chez ceux qui partagent une certaine vision "écologiste" de l'existence, on reconnaît dans les règles monastiques, singulièrement dans les formes de l'ascèse qui proposent l'idéal de la sobriété, une des mesures cardinales de l'harmonie, qui convient assez bien à la moyenne des tempéraments et à la culture moyenne des Européens. Cela va du "bon pain des moines" et de toute l'agriculture biologique aux divers naturismes, aux médecines douces et aux multiples méditations "transcendantales" ou "orientales", en passant par les régimes diététiques et les psychothérapies de la sérénité. Il est plus d'un touriste, baptisé ou non, passé par un monastère, qui y a apprécié le calme, l'accueil, la simplicité des moines, la beauté des chants, des cérémonies, et le bon goût de tout. Le côté "bon vieux temps" ramène à l'enfance, à l'innocence, à la nature. Certains ne seraient peut-être pas loin de penser que l'équilibre éthique du monde moderne pourrait trouver de stimulantes exemplifications dans l'idéal d'intériorisation scrupuleusement réciproque du propre et du communautaire que préconisent les sociétés monastiques.
 Un être de silence pour la prière ?
Devenir moine, au témoignage des intéressés et à l'évidence, c'est estimer que la prière est l'activité supérieure de l'homme, à laquelle tout doit être ordonné, autour de quoi tout doit tourner. Prière personnelle, prière liturgique, alternativement et respectivement identiques. Car la vraie prière, la prière pure, le lieu mystérieux où elle est, au fin fond de tout, l'appel, la substance et la fin de ce qu'elle cherche, c'est, dans le silence absolu de tout, la divine présence, cela que l'on ne chercherait pas si on ne l'avait déjà trouvé dans la préférence absolue de la prière. La prière, c'est le désir, l'espérance et l'expérience de la présence de Dieu, la découverte de Dieu en soi et dans les autres. Il n'y a pas de religion sans prière ; il n'y a de haute spiritualité que de la prière. Prier, c'est faire ainsi, en soi, d'une certaine manière, toute la place à l'Autre. Là comme en tout ce qui touche l'approche de l'Autre et la reconnaissance de la beauté de ce qu'il est en soi, tout est dans la manière. Et il est des manières qui touchent, et d'autres qui, quelle que soit la fin de l'envoi, ne touchent pas. La prière, c'est la réalisation de l'Amour absolu, impossible en effet et corporellement et affectivement - Eros, devant cet impossible, appelle Thanatos - possible seulement spirituellement.
Cet engagement à ne vouloir que la prière, c'est-à-dire l'union à Dieu, a pour conséquence, puisque Dieu est tout en tous, l'ouverture aux autres, la communion avec l'humanité et la création tout entière, pas seulement présente et proche mais universelle et totale, passée et à venir. En cela, la prière est le parvis de la Paix, qui anime le cœur de toutes les religions et constelle les références de toutes les spiritualités.
 Une vie d'ascèse ?
Tous les moines le diront : la prière est à elle-même sa propre ascèse et elle suffit à tout. Cependant, la pesante nature, toujours égale à elle-même, et les lourdeurs de la conscience moyenne, en chacun récurrentes, invitent à l'ascèse corporelle et mentale: méthodes, techniques, moyens divers, physiques et psychiques, largement éprouvés, pour obtenir la maîtrise du corps, c'est-à-dire pour disposer librement de toutes les énergies mobilisables du corps et de l'âme afin de focaliser l'attention et l'acuité de l'esprit sur la prière et sa finalité, Dieu. L'ascèse monastique a pour propos de contrôler aussi bien que possible les besoins du corps et les passions de l'âme, non pour la gloire de l'exploit athlétique ou l'exaltation de la volonté, mais en défiance de toute complaisance esthétique ou égotiste, dans le seul but de faire en soi toute la place à l'Autre. Toute ascèse fondée sur un autre motif ou d'autres mobiles parait au moine illusion, orgueil ou vanité, car l'ascèse est le moyen et non la fin. Elle est cependant, de tous les moyens volontaires, le meilleur et le plus élevé : elle a, à ce titre, l'honneur de rappeler que la sainteté est et doit être constamment désirée et plus que désirée, voulue et, plus que voulue, laborieusement, tenacement, inflexiblement travaillée.
 Un être de kénose pour le salut du monde ?
L'ascèse et la prière, l'ascèse de la prière, pour un moine chrétien, n'a pas de finalité généralement spiritualiste ou mystique, universellement religieuse ou anthropologiquement idéale. Ascèse et prière sont ancrées dans les mystères les plus fondamentaux inhérents à l'évangile de la Résurrection du Christ. Le moine chrétien n'est rien qu'un homme ou une femme qui prend le message chrétien absolument au sérieux, avec tout le radicalisme d'engagement qui s'ensuit, et qui accepte de prendre les moyens de cette fin. II croit que le mouvement de l'être au monde - la finalité de tout ce qui est dans l'état ou' ii se trouve - a pour modèle absolu, radical et définitif, et pour destination, de devenir réponse adéquate, comme d'une réciproque à son théorème, au mouvement de Dieu au monde que le Christ a effectué. Ce mouvement qu'on appelle la kénose, - consiste pour Dieu à s'être incarné, c'est-à-dire à avoir fait en lui toute la place à l'Homme et, ce faisant, à le faire participer à sa divinité dans toute la mesure de son être. II s'agit pour l'homme qui prend au sérieux l'Evangile de la Résurrection et le met en pratique, d'expérimenter existentiellement la réciproque de ce théorème en faisant en lui toute la place à Dieu, en espérant, par la prière, qu'il la prenne.
 Un témoin prophétique du Christ ?
Ce réalisme du salut et ce radicalisme de la sainteté sont, on l'a vu, par bien des côtés étrangers, voire suspects aux prudences de la conscience moyenne et aux médiations nécessaires à la conscience collective, toutes deux très généralement rassurées par les bienséances, les conformismes et les cléricalismes. Les instances institutionnelles de l'Eglise, souvent encombrées de leurs organigrammes, ont ainsi périodiquement connu des tensions voire des conflits avec le monde monastique ; régulièrement aussi, elles ont été contestées, réformées ou distancées par les audaces des moines. Pour ces raisons, en réalité structurelles, ceux-ci ont toujours entendu préserver leur autonomie de gestion et leur liberté d'expression au service de la communion ecclésiale et de la fidélité à l'Evangile. Les moines sont ainsi, de façon prophétique, et dans la tension d'un dialogue de vérité constamment fidèle et constamment novateur, garants de l'orthodoxie, au sens non confessionnel du mot, de la conscience chrétienne dans sa plénitude. Pierre de touche de tous les renouveaux, le monachisme chrétien est le lieu ou' se rassemblent tous ceux qui incarnent, pour eux-mêmes et ensemble, la réciproque du premier théorème du christianisme, l'incarnation, dont la Résurrection est le bouquet, et la Trinité, l'origine.
 Au nom de tous, pour tous
Tout homme est moine, par la solitude où il commence et où il finit - "on se retrouve seul..." - par la nécessité de l'ascèse où sa santé et sa conscience, éthique et esthétique, l'invitent - sobriété et mesure en toutes choses -, par l'espérance infinie, jusqu'au désespoir infini, où la limitation et la contingence de son être le portent, à vouloir être reçu tel quel, tout entier et absolument par l'Autre, et par la nécessité conjointe, pour y parvenir, d'offrir et d'ouvrir en soi toute la place à l'Autre, auxquelles répond le mystère de la kénose chrétienne, celle du Christ, puis, par lui, avec lui et en lui, réciproquement, celle de l'humanité tout entière portée par la prière de tous ceux qui adorent en esprit et en vérité.

SOP 239, juin 1999 (les intertitres sont du SOP)
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Message  Arlitto Lun 07 Mar 2016, 15:16

LE PETIT MANUEL
DU MOINE ORTHODOXE


PREFACE

L’Eglise en général, nous pouvons la définir comme « cette vie de Dieu dans les hommes » pour reprendre ici l’excellente définition de Khomiakov . Vie qui nous fait connaître Dieu comme communion des trois Personnes et c’est la raison pour laquelle l’Eglise orthodoxe, Eglise absolue de la Sainte Trinité, sera ressentie surtout comme communauté eucharistique, agapè, où la vie en Christ s’exprime dans une expérience réelle de service et de fraternité ; où la spiritualité est normalement celle du martyr, véritable état mystique où l’homme, s’identifiant au Crucifié, éprouve dans une indicible métamorphose, la plénitude de la Résurrection . C’est cela qui, en la rendant si sensible au cœur, assure la continuité de l’Orthodoxie : le fil rouge de ses martyrs et le fil d’or des transfigurés, dont les Pères du Désert en sont parmi les exemples les plus parlants .
Cela est d’autant plus important à souligner que l’homme de notre temps oublie qu’il existe . Il oublie que les autres existent . Il oublie que le monde existe . Il vit dans un temps dévoreur où chaque instant dévore déjà l’instant suivant ; où il n’y a en quelque sorte jamais de présent . Bref, il oublie Dieu !
Pourtant, écrit Olivier Clément, « l’homme d’aujourd’hui pressent le mystère, mais très certainement autrement : peut-être dans le froid de sa solitude ; peut-être dans une tendresse désespérée qui fait que dans son regard il y a de l’amour et du chagrin » .
C’est précisément cela que tend à nous déchiffrer dans sa finalité le vécu des moines : la transformation de la tristesse pour la mort en tristesse pour Dieu ; le silence devant le destin en cri de Jacob ; le jaillissement de la lumière de la Résurrection au cœur même de la liberté de l’homme, dans la grandeur et la folie de l’homme, dans son expérience du paradis et de l’enfer .
Etouffer ses passions, choisir définitivement, pleinement, totalement la voie qui mène à Dieu, déraciner du plus profond de son être les germes du mal, s’ouvrir sur l’amour fou de Dieu et partant, puisque l’un ne vas pas sans l’autre, sur l’amour des autres, tel est le programme que propose la spiritualité de l’Eglise orthodoxe. Tel est aussi le but que poursuit ce petit manuel : rappeler qu’on n’édifie pas une vie sur la négation puisque l’enseignement du Christ est en tous points le contraire de la négation ; oser dire qu’il ne faut pas craindre la liberté mais qu’il faut aller jusqu’au bout de celle-là même qui butte sur l’ultime esclavage, autrement dit la mort pour ensuite entrer totalement dans l’expérience de la seule vraie transgression, qui est la Résurrection !
Puisse ce modeste ouvrage, écrit dans une intention très pédagogique, nous aider à sortir de l’indifférence et de la dérision qui sont l’écume de notre civilisation . « Mon désir terrestre, écrit Saint Ignace d’Antioche ( in Rom.7/2-3 ), a été crucifié ; il n’y a plus en moi de feu pour aimer la matière, mais en moi une eau vive qui murmure et qui dit au-dessus de moi : viens vers le Père . Je ne me plais plus à une nourriture de corruption ni aux plaisirs de cette vie ; c’est le pain de Dieu que je veux qui est la chair de Jésus-Christ de la race de David ; et pour boisson, je veux son Sang qui est Amour incorruptible » .
L’union avec le Ressuscité !... Un mystère qui finalement s’accomplit dans les seules personnes humaines et qui se manifeste surtout par un besoin impérieux de participer à la vie divine par un acte libre, conscient, volontaire lequel nous engage dans une extraordinaire aventure spirituelle .
Une extraordinaire aventure spirituelle en effet que ne cessent de nous proposer inlassablement jusqu’à la fin des temps ces hommes ivres de Dieu que sont les moines .

LES FONDEMENTS DE L’ASCESE ORTHODOXE

Ascèse de l’enseignement du Christ
L’ascèse orthodoxe est une ascèse qui a pour base fondamentale les commandements du Christ, auxquels on se consacre totalement à tel point qu’ils deviennent la seule loi pour toute l’existence. Et si l’on se demande quelles sont ces lois, on répondra, en premier lieu, d’aimer le Seigneur Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses pensées et de toutes ses forces, et en second lieu, d’aimer son prochain comme soi-même (Mc 12, 30-31. Mt 22, 40. Ga 5, 14).
Tel est le but de l’ascèse chrétienne dont nous allons maintenant aborder quelques aspects, en fonction de notre vie spirituelle fondée ainsi en Dieu.
Combat conscient de l’homme et don de l’Esprit Saint
L’ascèse est un combat conscient de l’homme, du libre choix de l’homme pour atteindre la perfection. Mais la perfection, en tant que telle, n’est pas contenue dans la nature de l’homme : c’est pourquoi il n’est pas possible de l’atteindre uniquement avec le concours des seules forces de l’homme, contenues dans leurs propres limitations. La perfection ne peut se réaliser qu’en Dieu ; elle est un don de l’Esprit Saint.
En tant que telle, l’ascèse n’est jamais un but en soi. Elle est toujours un moyen, une expression de notre liberté et une vie en vue de son acquisition. C’est un exercice pour un combat conscient qui devient, avec le temps, science, technique.
Mais pour que ce combat soit victorieux et ne succombe pas à la corruption, il faut qu’il soit scellé par la grâce. En ce sens, l’ascèse peut être définie comme la recherche d’un symphonie, d’un accord de notre volonté et de notre vie avec la volonté et la vie même de Dieu. Cette symphonie s’exprime et se pratique essentiellement dans la prière et c’est la raison pour laquelle la prière se situe au sommet de toute l’activité ascétique ; elle est le centre duquel toute autre action puise sa force et sa validation.
Dans la prière, l’ascèse orthodoxe atteint la perfection de son expression parce qu’elle fait participer l’être, à travers l’Esprit Saint, à la vie divine. L’ascète va donc consacrer à la prière son attention la plus soutenue.

Arriver à la prière pure : l’ascète quitte tout et par cet abandon entre dans l’essence du renoncement monastique.
Il importe de rappeler que le moine, du point de vue de sa foi, ne diffère pas des autres chrétiens. Sa vie témoigne d’une certaine façon de vivre, mais elle n’a pas d’autre source que les commandements du Christ auxquels tous les baptisés adhèrent par l’ascèse. Tout chrétien orthodoxe devrait être un ascète et chaque fois donc que nous parlons de l’essence du monachisme, nous touchons à quelque chose qui concerne tous les chrétiens orthodoxes.
La vie monastique : une troisième grâce
Est-il possible d’édifier une vie sur la base de la négation ? Non, bien sûr, car l’enseignement du Christ est en tous points positif, parce que l’amour et, en général, la vie en Dieu ne peuvent pas être autre chose qu’un engagement positif de tout l’être.
Quand rayonne l’amour de Dieu, il ne peut exister de négation consciente visant à vaincre telle ou telle passion : quand on aime réellement, quand l’amour du Christ devient en l’homme une seconde nature, il ne lui faut plus se séparer du lien qui l’unit au monde des choses, ni de l’esclavage des passions, car il en est libéré. Au départ, chaque énergie spirituelle de l’homme qui s’inscrit dans cette lignée et qui se conforme à l’enseignement du Christ n’exige de lui aucune violence, mais manifeste consciemment l’amour.
« Nous savons que nous sommes de Dieu et que le monde entier se trouve sous la coupe du Malin » (1 Jn 5, 19) : le mal consiste en ce que l’homme soit devenu l’esclave du péché. Sa libération et sa renaissance ne se réalisent que par l’union entre le Divin et l’humain consommée en Christ.
Il est nécessaire de dire que pour certains la négation de ce monde donne du monachisme une image au caractère morose, triste et sombre. Mais cette image est erronée. Saint Théodore Studite définit la vie monastique comme une « troisième grâce », la première étant la Loi de Moïse, la seconde « la grâce après grâce » (Jn 3, 16.) et la troisième « la vie monastique » en tant que vie céleste, réalisation et possession du transcendant dans le présent, dans l’actuel.
Acquérir la vision de Dieu
Toute vie monastique n’a de sens que dans la mesure où elle est tournée vers la vision de Dieu. Le moine désire ardemment posséder en lui la lumière du Thabor. Aussi, avant d’aller plus loin, il est bon au préalable d’analyser brièvement ce que signifie, pour l’Orthodoxie, l’expérience spirituelle de la déification.
L’expérience spirituelle de la déification

« Dieu est devenu homme pour que l’homme devienne Dieu en Lui » affirme saint Athanase. « Dans mon royaume, dit le Christ dans le canon des matines du Jeudi saint, Je serai Dieu et vous serez dieux avec moi » (4ème ode, 3ème tropaire ). Ainsi donc, l’union avec Dieu, but final de la rédemption, est un mystère qui s’accomplit dans les personnes humaines. Librement elles renoncent à tout ce qui leur est propre par nature pour se réaliser pleinement dans la grâce, pour atteindre la « théosis », en d’autres termes la divinisation, toute notion de sainteté dans l’Orthodoxie étant intimement liée à celle de la Grâce.

Le saint est un homme qu’habite la Grâce. Cette dernière n’est pas, dans la théologie des Pères grecs, considérée comme un effet « créé » : elle est Dieu lui-même se rendant participable. Elle est l’énergie même de la Divinité – en quelque sorte les rayons du Soleil – se communiquant dans l’Esprit Saint. La notion de la Grâce s’identifie en Orient avec celle de la participation. La Grâce est une communion à la vie divine pour saint Cyrille d’Alexandrie : « Adam, avant la chute, préservait en lui-même, pure et sans souillure, l’illumination que Dieu lui avait accordée et ne prostituait pas la dignité de sa nature ; ainsi le Fils illumine, en tant que Créateur, puisqu’il est lui-même la Lumière véritable, tandis que la créature est illuminée par participation à la Lumière et ainsi reçoit le nom de Lumière et devient Lumière, en s’élevant vers la surnaturel par la Grâce de Celui qui l’a glorifiée et qui la couronne de dignités variées » (Cyrille d’Alexandrie, Commentaire sur Jean, 1, 9).
Pour saint Grégoire Palamas, la Lumière divine est une donnée pour l’expérience mystique : c’est le caractère visible de la Divinité, des énergies dans lesquelles Dieu se communique et se révèle à ceux qui ont purifié leur cœur : « Celui qui participe à l’énergie divine (…) devient lui-même, en quelque sorte Lumière ; il est uni à la Lumière et avec la Lumière il voit en pleine conscience tout ce qui reste caché à ceux qui n’ont pas cette grâce ; il surpasse ainsi non seulement les sens corporels, mais aussi tout ce qui peut être connu (par l’intelligence) (…) car les cœurs purs voient Dieu (…) qui, étant la Lumière habite en eux et se révèle à ceux qui l’aiment, à ses bien-aimés… » (Grégoire PALAMAS, Sermon pour la fête de la Présentation au Temple de la Mère de Dieu, éd. Sophocles, P.176-177).
C’est pourquoi l’union à Dieu, la vision lumineuse est pour l’homme à la fois pleinement objective, pleinement consciente, pleinement personnelle, parce que tout être humain porte en lui l’image du Créateur, de sa participation libre à la vie divine : « l’homme, dès l’origine de la création, reçut le contrôle de ses désirs et pouvait suivre librement les inclinations de son choix, parce que la Déité, dont il est l’image, est libre » (Cyrille d’Alexandrie, Hom. Que Dieu n’est pas l’auteur du mal, 6, PG 31, 344 B).
Cette union en effet ne se résout jamais en une intégration de la personne humaine dans l’Infini divin : elle est, au contraire, l’accomplissement de sa destinée libre et personnelle. De là également l’insistance des spirituels byzantins sur la nécessité d’une rencontre personnelle avec le Christ, lieu où, par excellence, ont convergé, une fois pour toutes, l’expérience de l’homme par Dieu et celle de Dieu par l’homme : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi », proclame saint Paul.
Vu d’en-bas, un saint ne cesse jamais de lutter, assumant le mal universel, traversant l’agonie de Gethsémani, s’épanouissant en charité cosmique ; mais vu d’en-haut, il est tout tissé de lumière. La vie spirituelle conduit à la contemplation ineffable où la Lumière devient l’objet mais aussi le moyen de la vision ; c’est cette luminosité des corps pneumatisés que nous montre l’icône : « Tu es devenue belle, mon âme, en t’approchant de Ma Lumière, ton approche a attiré sur toi la participation de Ma beauté. S’étant approchée de la Lumière, l’âme devient Lumière. » (Grégoire de Nysse, P.G. 44, 869 A.)
La théologie de la Lumière est donc inhérente à la spiritualité orthodoxe : l’une est impossible sans l’autre. Derrière cette doctrine, on trouve l’idée fondamentale de l’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, la Sainte Trinité. Les saints sont ceux qui expriment en eux la Trinité. Le thème constant de saint Jean l’Evangéliste est l’union personnelle et organique entre Dieu et l’homme ; pour saint Paul, la vie chrétienne est avant tout « vie en Christ ». Le mystère de la Rédemption signifie donc la récapitulation de notre nature par le Christ, Nouvel Adam, et dans le Christ. Le mystère de la Pentecôte nous rappelle que l’œuvre de notre déification s’accomplit en nous par le Saint Esprit, Donateur de la Grâce. La double économie du Verbe et du Paraclet a pour but l’union des êtres créés avec Dieu. Ici, cependant, Créateur et créature ne fusionnent pas en un seul être, car, dans la théologie mystique orthodoxe, l’homme ne perd jamais sa propre intégrité ; même déifié il reste distinct, mais non séparé de Dieu : l’homme déifié ne perd pas son libre arbitre mais c’est aussi librement, par amour, qu’il se conforme à la volonté de Dieu. L’homme ne devient pas Dieu par nature, mais il est seulement « créé dieu », un dieu par grâce. L’Eglise orthodoxe écarte de cette façon toute forme de panthéisme.
Mais plus une personne progresse dans la voie de l’union, plus elle est consciente ; et cette conscience dans la vie spirituelle s’appelle connaissance qui, dans les degrés supérieurs de la voie mystique, se manifeste pleinement comme la connaissance parfaite de la Trinité.
« La prière, dit Evagre le Pontique, est une ascension de l’intelligence vers Dieu. Prie premièrement pour être purifié des passions, deuxièmement pour être délivré de l’ignorance, troisièmement pour être délivré de toute tentation et déréliction. Dans ta prière, cherche uniquement la justice et le Royaume (Cf. Mt 6, 33), c'est-à-dire la vertu et la gnosis, la connaissance, et tout le reste te sera donné en plus. Si tu es théologien, tu prieras vraiment, et si tu pries vraiment, tu es théologien. Et théologien est celui qui, s’étant purifié et ayant dépassé les contemplations des êtres, contemple Dieu » (Evagre le Pontique, cité dans Petite philocalie de la prière du cœur, pp. 40-43).
Pour atteindre cela, il faut être constamment dans l’état de veille, se comporter comme des fils de Lumière : « Comportez-vous en fils de Lumière » (Ep 5, 9). La gnosis est de ce fait une expérience de la Lumière incréée, cette expérience elle-même étant Lumière, car il est dit dans le psaume : « Dans ta Lumière nous verrons la Lumière. » (Ps 35, 10).
Pour saint Syméon le Nouveau Théologien, l’expérience de la Lumière, qui est la vie spirituelle consciente ou gnosis, révèle la présence de la Grâce acquise par la personne : « Nous ne parlons pas des choses que nous ignorons, dit-il, mais de ce qui nous est connu nous rendons témoignage. Car la Lumière brille déjà dans les ténèbres, dans la nuit et dans le jour, dans nos cœurs et dans nos esprits. Elle nous illumine, cette Lumière sans déclin, sans changement, inaltérable, jamais éclipsée ; elle parle, elle agit, elle vit et elle vivifie, elle transforme en Lumière ceux qu’elle illumine. Dieu est Lumière et ceux qu’Il rend dignes de Le voir Le voient comme Lumière ; ceux qui l’ont reçu, l’ont reçu comme Lumière. Car la Lumière de Sa gloire précède Sa face et il est impossible qu’Il apparaisse autrement que dans la Lumière. Ceux qui n’ont pas vu cette Lumière n’ont pas vu Dieu, car Dieu est Lumière. Ceux qui n’ont point reçu cette Lumière, n’ont pas encore reçu la grâce, car en recevant la grâce, on reçoit la Lumière divine et Dieu… » (Syméon le Nouveau Théologien, Homélie LXXIX, 2, SC n° , p).
« Nous avons vu la Lumière véritable, nous avons reçu l’Esprit céleste, nous avons trouvé la vraie foi dans l’adoration de la Trinité indivisible car c’est elle qui nous a sauvés », chantons-nous à la fin de la célébration eucharistique.
La déification qui se réalise à travers l’illumination de tout l’être par laquelle Dieu se révèle et qui surpasse de ce fait le sens et l’intelligence de la personne humaine n’est plus uniquement une extase, un état passager qui ravit, qui arrache l’être humain à son expérience habituelle, mais une vie consciente, nous le répétons, dans la Lumière divine, dans la communion incessante avec Dieu.
Dans son livre La théologie mystique de l’Eglise d’Orient, V. Lossky nous présente, à ce sujet, un passage tiré des Révélations de saint Séraphin de Sarov, écrites au début du XIXème siècle. Mieux que tous les exposés théologiques, il nous fera comprendre en quoi consiste cette certitude, cette gnose ou conscience de l’union avec Dieu. Voici cet entretien échangé par une matinée d’hiver dans la forêt avec l’un de ses disciples : 
« Je ne comprends pas, tout de même, comment on peut avoir la certitude d’être dans l’Esprit de Dieu. Comment pourrai-je reconnaître en moi-même, d’une façon sûre, sa manifestation ?
- Je vous ai déjà dit, fit le Père Séraphin, que c’est bien simple. Je vous ai longuement parlé de l’état dans lequel se trouvent ceux qui sont dans l’Esprit de Dieu ; je vous ai expliqué aussi comment il faut reconnaître sa présence en nous… Que vous faut-il donc encore, mon ami ?
- Il faut que je comprenne mieux tout ce que vous m’avez dit.
- Mon ami, nous sommes tous deux en ce moment dans l’Esprit de Dieu… Pourquoi ne voulez-vous pas me regarder ?
- Je ne peux pas vous regarder, mon Père, répondis-je, vos yeux projettent des éclairs ; votre visage est devenu plus éblouissant que le soleil et j’ai mal aux yeux en vous regardant.
- Ne craignez rien, dit-il, en ce moment, vous êtes devenu aussi clair que moi. Vous êtes aussi à présent dans la plénitude de l’Esprit de Dieu ; autrement, vous ne pourriez me voir tel que vous me voyez.
Et, penché vers moi, il me dit tout bas à l’oreille :
- Rendez donc grâce au Seigneur Dieu pour sa bonté infinie envers nous. Comme vous l’avez remarqué, je n’ai même pas fait le signe de croix ; il a suffi seulement que j’eusse prié Dieu en pensée, dans mon cœur, disant intérieurement : Seigneur, rends-le digne de voir clairement de ses yeux corporels cette descente de ton Esprit, dont Tu favorises tes serviteurs, lorsque Tu daignes leur apparaître dans la Lumière magnifique de Ta Gloire. Et, comme vous le voyez, mon ami, le Seigneur exauça immédiatement cette prière de l’humble Séraphin…Combien devons-nous être reconnaissants à Dieu pour ce don ineffable accordé à nous deux ! Mêmes les Pères du désert n’ont pas toujours eu de telles manifestations de sa bonté. C’est que la Grâce de Dieu, telle une mère pleine de tendresse envers ses enfants, daigna consoler votre cœur meurtri, par l’intercession de la Mère de Dieu Elle-même… Pourquoi donc, mon ami, ne voulez-vous pas me regarder droit en face ? Regardez franchement, sans crainte : le Seigneur est avec nous.
Encouragé par ces paroles, je regardai et fus saisi d’une frayeur pieuse. Imaginez-vous au milieu du soleil, dans l’éclat de ses rayons éblouissants de midi, la face de l’homme qui vous parle. Vous voyez le mouvement de ses lèvres, l’expression changeante de ses yeux, vous entendez sa voix, vous sentez ses mains qui vous tiennent par les épaules, mais vous ne voyez ni ces mains ni le corps de votre interlocuteur – rien que la lumière resplendissante qui se propage loin, à quelques toises à l’entour, éclairant par son éclat le pré couvert de neige et les flocons blancs qui ne cessent de tomber… » (Cité dans Vladimir Lossky, Théologie mystique de l’Eglise d’Orient, Foi Vivante, Cerf, 1990, p.225-227.

On peut résumer ainsi cet entretien : le disciple ne peut plus voir en face le saint car son visage est lumineux comme un soleil.
Dans les théophanies de l’Ancien Testament, cette Lumière apparaît comme la gloire de Dieu : apparition terrifiante et insupportable pour les créatures, parce qu’extérieure, étrangère à la nature humaine avant le Christ, en dehors de l’Eglise. C’est cette première expérience que fit saint Paul sur la route de Damas : n’ayant pas encore la foi, il fut aveuglé et terrassé par la Lumière divine (Cf. Ac 9, 3-9). Par contre Marie-Madeleine a pu voir la Lumière de la Résurrection qui remplissait le tombeau vide et rendait visible tout ce qui s’y trouvait, le jour « sensible » n’ayant pas encore éclairé la terre. Pour voir la Lumière divine avec les yeux corporels, comme ce fut le cas des disciples au mont Thabor, il faut participer à cette Lumière, être transformé par elle dans une mesure plus grande ; l’homme entier, corps et âme, ayant été créé à l’image de Dieu, il faut aussi que notre corps devienne, selon l’expression de saint Paul, un corps spirituel. Notre fin dernière en effet n’est pas seulement une contemplation intellectuelle de Dieu : les bienheureux verront Dieu face à face dans la plénitude de leur nature créée.
« Souvent, dit encore saint Syméon le Nouveau Théologien, je voyais la Lumière ; parfois elle m’apparaissait à l’intérieur de moi-même, lorsque mon âme possédait la paix et le silence, ou bien alors elle ne paraissait que loin, et même elle se cachait tout à fait. J’éprouvais alors une affliction immense, croyant que jamais plus je ne la reverrais. Mais, dès que je commençais à verser des larmes, dès que je témoignais d’un complet détachement de tout, d’une absolue humilité et obéissance, la Lumière repassait à nouveau, pareille au soleil qui chasse l’épaisseur des nuages et qui se montre petit à petit, créant la joie. Lentement, Tu dissipas la ténèbre qui était en moi, Tu chassas la nuée qui me couvrait, Tu ouvris l’ouïe spirituelle, Tu purifias la prunelle des yeux de mon esprit (…). Et soudain, tu apparus comme un autre Soleil, ô ineffable condescendance divine » ( Syméon le Nouveau Théologien, Homélie XV, Sources Chrétiennes).
Pour celui qui acquiert l’amour, « les ténèbres se dissipent et la Lumière véritable paraît déjà », dit saint Jean (1 Jn 1, 8). La Lumière divine apparaît ici-bas dans le monde, dans le temps. Elle se révèle dans l’histoire mais elle n’est pas de ce monde, c’est le commencement de la parousie dans les âmes saintes, prémices de la manifestation finale lorsque Dieu apparaîtra dans Sa lumière inaccessible à tous ceux qui demeurent dans les ténèbres des passions, à ceux qui vivent attachés aux biens périssables. A ceux-là, ce jour apparaîtra soudain, inattendu, comme le feu que l’on ne peut supporter. Ceux par contre qui marchent dans la lumière ne connaîtront pas le Jour du Seigneur, car ils sont toujours avec Dieu, en Dieu.

La voie de la perfection
Pour atteindre ainsi cette perfection de l’illumination, il y a lieu de passer par trois renoncements, ainsi que le dit saint Paphnuce :
- l’abandon corporel de la richesse et de la possession des biens de ce monde.
- l’abandon des passions et des habitudes du passé, aussi bien de l’âme que du corps.
- enfin, il faut que la pensée s’écarte de toute chose visible et temporelle, et se consacre à la vision de l’invisible et de l’éternel.
Cet enseignement des trois renoncements, nous le trouvons de même chez saint Jean Climaque : « Personne, écrit-il, n’entrera au banquet nuptial céleste s’il n’a pas accompli le premier et le second et le troisième renoncement. Le premier est le renoncement de toutes choses, de toutes personnes, des parents mêmes ; le second est le renoncement à sa volonté propre ; et le troisième celui de la vaine gloire… » (Jean Climaque, Sermon, II, 14).

A ces trois renoncements correspondent trois croix et chaque renoncement est en fait l’acceptation d’une croix. Mais pour cela il faut agir avec la pleine connaissance de ses possibilités et l’expérience spirituelle suffisante. On ne peut accéder que par degrés aux hauteurs spirituelles, sinon on risque de retomber à nouveau sur terre. Pour préciser davantage, on dira que la première croix est extérieure, toute faite de tristesse et de malheurs qui viennent frapper l’homme dans sa vie terrestre ; la seconde croix est le combat intérieur contre les passions et les désirs ; la troisième est celle du total abandon en Dieu ; cette dernière croix est le fruit de la Grâce de l’Esprit Saint et dans sa forme la plus parfaite elle appartient uniquement à ceux qui ont atteint la vraie perfection.
LES TROIS PROMESSES DE LA VIE MONASTIQUE
A ces trois croix correspondent trois désirs, trois promesses que formule le moine.
1. Obéissance
L’obéissance est la base du monachisme. A son point de départ, elle se manifeste par des gestes très simples, mais, peu à peu, elle élève l’homme jusqu’à un monde que l’on ne peut pas humainement décrire. L’obéissance est un mystère révélé par l’Esprit Saint et de ce fait elle est de même mystère et vie dans l’Eglise.
A première vue, le renoncement à un choix libre ou à un jugement libre, que contient dans son exigence l’obéissance, semble s’opposer à la volonté même de Dieu qui a doté l’homme de liberté, semblable à la sienne.
Mais pour celui qui, par la foi, a fait l’expérience de l’enseignement de l’Eglise, l’obéissance apparaît comme un don indescriptible de Dieu. Le moine novice sera libéré du fardeau de ses soucis terrestres uniquement par l’obéissance : elle le conduira jusqu’à la « pureté en Dieu de la pensée ». Purifier donc sa pensée est un acte qui se réalise par l’obéissance. Aussi, conformément aux Pères, c’est l’obéissance qui, des trois promesses, doit retenir toute notre attention dans la vie du moine. Toutefois, c’est en se fondant les unes dans les autres que ces promesses – obéissance, célibat-chasteté, pauvreté – vont créer les circonstances indispensables pour atteindre le but final de l’ascèse : l’apatheia et la prière pure.
Pour saint Jean Climaque, « mère de la pureté est l’hésychia avec l’obéissance ; la libération des passions du corps qui est l’apanage de l’hésychia ne reste pas inébranlable lorsqu’elle entre en contact avec le monde ; au contraire, signe de l’obéissance, elle reste inébranlable à toute épreuve » (Jean Climaque, Discours 15, 33-35).
Mystère de l’Eglise, l’obéissance fait en sorte que les liens qui unissent le père spirituel et le moine revêtent un caractère sacré. Pour le novice, cette obéissance consiste à s’éduquer à la volonté de Dieu, pour qu’il entre dans la sphère de l’intention divine et devienne ainsi participant de la Vie divine. Pour le guide spirituel, elle est un moyen de progrès du novice par sa prière ; c’est en fin de compte la conduite même de la véritable liberté, sans laquelle il n’y a point de salut possible.
L’Ancien Païssios explique que le père spirituel, lorsqu’il reçoit un nouveau novice, ne peut à lui seul arriver à « canaliser l’eau dans le caniveau ». Aussi, dit-il, il est très important que le novice y mette aussi du sien en pratiquant une obéissance aveugle. Et il ajoute : « Pour que le problème de l’obéissance ne te pèse pas, il faut que tu saisisses le sens de l’obéissance pour le ressentir comme un besoin, et c’est alors seulement qu’elle te sauvera, car l’obéissance n’est pas un esclavage mais la liberté.
Lorsque donc tu auras compris que ton Ancien porte ta propre responsabilité et qu’il prend soin de ton salut et que tout ce qu’il fait dans ce sens c’est pour ton bien et non pour te persécuter, alors tu te réjouiras de l’entendre te dire : « Non point cela, ni cela », ou « viens ici, va là », parce que tu auras saisi que tout cela est pour ton bien, pour anticiper, grâce à son expérience ou à cause de ce qu’il a lui-même subi, tout mal qui pourrait te surprendre. Alors tu connaîtras la vraie joie quand tu obéiras ou que tu poseras diverses questions, et même avec force détails, pour ne pas en faire à ta tête ou pour éviter de tomber dans des gaffes ; il en sera de même aussi par souci d’agir avec délicatesse envers ton Ancien afin de ne point le fatiguer, tu te conformeras à ce que Dieu te demandera ; c’est de cette manière qu’intérieurement ton cœur deviendra obéissant.
Malheureusement, ce grand secret de l’obéissance ( qui est la vraie liberté ), le Malin, cet ennemi, le cache et il le présente au novice de façon tout à fait opposée. Ainsi il rend la vie difficile aussi bien au novice, qui alors se considère comme un esclave, qu’à l’Ancien, lequel ne peut plus le marteler, artisan qu’il est. Alors le novice considère que tous les instruments bienfaisants et tous les moyens qu’utilise à son endroit son Ancien, sont pour lui des supplices équivalents à ceux que subirent les martyrs du temps de Dioclétien, car c’est ainsi désormais qu’il voit son père spirituel.
Souvent aussi le novice les accepte avec joie mais alors il a la ferme conviction que Dieu le couronnera de deux couronnes, celle du bienheureux et celle du martyr. Cela n’a pas de sens ; c’est même une méthode très risible dont use à son endroit le Mauvais.
Comme il est bon pour le novice de saisir le sens de l’obéissance et ainsi de devenir un être libre ! Alors l’Ancien lui aussi peut travailler en toute liberté l’âme de son novice, et tous les deux se réjouissent et sont dans l’allégresse et ainsi, « là où deux ou trois sont réunis » (Mt 18, 10), là aussi est le Christ. Autrement, on peut se retrouver à deux ou trois avec au milieu d’eux le rusé !
« Durant tout le temps où tu seras mis à l’épreuve, écrit encore Païssios, s’il t’arrive de trouver quelque difficulté, humilie-toi devant ton Ancien et confie-lui ce qui te préoccupe. Et si cela recommence, à nouveau humilie-toi parce qu’il se pourrait qu’il ait oublié ou qu’il désire mesurer ton endurance. Et parallèlement, prie Dieu pour qu’Il te fortifie et qu’Il éclaire ton Ancien ».
Et ailleurs, il précise : « Les jeunes (novices) qui ne ressentent pas l’obéissance comme une nécessité afin d’être préservés des tentations par les conseils des Anciens, et qui au contraire agissent selon leur bon désir, seront rapidement blessés mortellement par l’ennemi et ils deviendront ses prisonniers parce que la liberté selon ce monde conduit à l’esclavage spirituel.
Tous ceux qui ont été capables de couper le fil de leur volonté propre ont aussi coupé avec une grande facilité les chaînes des passions et ont été libérés de la domination spirituelle de l’assassin (le Malin). Le moine qui n’en fait qu’à sa tête se laisse égarer » .
La plus grande réussite du Malin, c’est comment faire pour porter atteinte à la raison du novice ; de telle sorte qu’ensuite le novice finisse par s’écrouler de lui-même comme c’est la cas des coupoles lorsque l’on retire l’une des briques de son sommet.
« Ceux qui en toute simplicité confient leur être à leur père spirituel, ceux-là vont leur chemin avec sécurité et sans fatigue (car ils sont portés par les épaules de leur Ancien) et ils atteignent joyeusement le paradis . Par contre, les novices qui cherchent à éviter l’obéissance subissent le même sort que les jeunes veaux excités, qui tirent sur leur corde, tantôt de ce côté, tantôt de celui-là, jusqu’à ce qu’ils réussissent à déraciner le pieu auquel ils sont attachés ; ensuite ils sortent comme des fous des limites de leur prairie et si par hasard Dieu ne les préserve, s’il ne se trouve personne pour les retenir, ils courent tout droit à leur noyade » (Père Païssios).
« C’est pourquoi l’obéissance constitue le chapitre capital de la société monastique. Tout comme Dieu, qui est le Père de nous tous et qui nous permet de l’appeler Père, exige la discipline la plus rigoureuse auprès de ses serviteurs, ainsi, aussi, celui qui parmi les hommes est le père spirituel, et qui adapte les commandements aux lois de Dieu, exige une obéissance non controversée » (Basile le Grand, Règles ascétiques, ch.14).
Puisque donc un grand nombre embrasse la vie du célibat (entre dans les ordres monastique) alors que beaucoup de jeunes ne sont pas encore parfaits, il faut trouver un guide et un maître qui soit digne et capable de les conduire dans cette voie, afin qu’ils ne s’égarent pas dans leur ignorance. Car ainsi qu’il est dit par l’Ecclésiaste dans les saintes Ecritures : « Il vaut mieux être deux qu’un ; car l’un est vaincu plus facilement par l’ennemi qui veille sur les voies divines » (Qo 4, 9), et c’est vrai : « Malheur à celui qui est un, lorsqu’il chute, il n’y a personne pour le relever » [Grégoire de Nysse, ch.22 (de l’obéissance)].
« Si tu veux devenir un moine novice et pur, ne suis pas une voie personnelle de complaisance, mais soumets ton point de vue à ceux qui ont bêché et raboté la vigne divine pendant des années et avec labeur ; auprès d’eux tu apprendras plus facilement le travail de la vertu » [Isidore Koupcalis, Lettre 260 (à Luc le moine)].
« Si donc tu trouves, avec la grâce de Dieu, un maître d’œuvres bonnes (et tu en trouveras si tu cherches), conserve-le comme ton conseiller spirituel et n’agis pas en dehors de son avis. Car tout ce que tu feras en dehors de lui ressemblera à un vol et à un rapt des choses sacrées qui conduira, non pas à un bénéfice quelconque, mais à la mort, même si cela te paraît bon. Car si ce que tu fais est bon, pourquoi alors agir en cachette et non au grand jour ? » (Basile le Grand, Discours ascétique, § 2-4).
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La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie» - Page 5 Empty Re: La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie»

Message  Arlitto Lun 07 Mar 2016, 15:16

En un mot, par l’obéissance on acquiert l’Esprit Saint.
Le combat spirituel et ascétique du guide spirituel est plus lourd à mener que celui du novice à cause de sa grande responsabilité envers Dieu. Dans cette optique, le père spirituel s’efforcera non pas d’enlever à son disciple toute responsabilité, mais au contraire, de lui apprendre ce qu’est la vie chrétienne et la véritable liberté, qui se fixe pour objectif de vaincre toute passion. L’homme qui rend son frère esclave ou simplement fait affront à sa liberté, perd instantanément sa propre liberté parce qu’une telle manière d’agir est un éloignement de la vie divine de l’amour, à laquelle l’être humain est invité à participer.
Le moine, en se livrant lui-même de la sorte à l’esclavage volontaire, c'est-à-dire en surmontant son égoïsme, reçoit en échange la véritable liberté. Ainsi l’expérience de l’obéissance devient expérience de l’authentique liberté de Dieu en ce sens que l’homme surmonte en lui la scission profonde « des volontés en nous », conséquence de la chute originelle, alors qu’en Dieu, il n’y a qu’une seule volonté.
C’est pourquoi l’obéissance, en tant qu’acte religieux, ne pourra s’exercer que librement si elle veut se préserver toute valeur et toute signification, c'est-à-dire pour que l’homme quitte le cercle de sa volonté égocentrique et s’éloigne de la faiblesse de sa propre pensée.
Pour conclure ce premier point, nous dirons que l’obéissance se base essentiellement sur la recherche de la volonté divine. Le moine, conscient de son insuffisance à discerner directement la volonté de Dieu, s’en remet à son père spirituel, en tant que celui qui est plus capable que lui de ce discernement.
Le guide spirituel, quant à lui, ne tue pas la volonté de son disciple et ne le soumet pas à son bon vouloir, mais de façon responsable, il porte le lourd fardeau d’un service sacré, par lequel il participe à un acte divin, la création de l’homme ; toute nécessité de prendre des mesures disciplinaires ne peut que conduire la vie monastique à la décadence et à l’éloignement de son but essentiel.
C’est à saint Paul que nous devons la formation des mots obéissance et désobéissance avec une dimension nouvelle de mystère. (L’Antiquité classique ne connaît pas de sens précis à ces deux termes, qu’elle n’utilise pas, sauf une fois la LXX et une fois Platon ). « Comme par la désobéissance, écrit-il, d’un seul homme (Adam), beaucoup ont été rendus pécheurs, de même par l’obéissance d’un seul (le Christ), beaucoup seront rendus justes » (Ro 5, 19). En s’appuyant sur « le Christ obéissant jusqu’à la mort », saint Paul nous introduit dans une dimension plus profonde : celle de la réparation, de la réhabilitation qui est essentielle, pour nous faire comprendre pourquoi dans notre tradition monastique l’obéissance occupe une telle place. Car elle est la voie idéale pour le retour à Dieu, un retour total de l’homme libéré par la grâce.
2. Célibat-virginité
Le célibat, qui, en ce sens, appuie sur la notion de pureté, de virginité, en tant que vie à l’image de Jésus-Christ, est tellement peu accepté de nos jours par le monde moderne, qu’il est essentiel d’en souligner ici les fondements théologiques. L’expérience de l’Eglise a, en effet, démontré que le célibat, dans son aspect négatif ( à savoir la privation de toute fonction sexuelle ) ne nuit pas, dans la mesure où il est bien vécu, à la santé psychique et physique de l’homme, mais lui augmente cette santé et lui permet de se développer spirituellement.
Essayons tout d’abord de situer ensemble la question dans son contexte historique.
Avant le christianisme, le célibat, en général, était considéré comme un mal, aussi bien sur le plan religieux que social, parce que l’individu se dérobait à son devoir de perpétuer la race et s’opposait aux lois génétiques naturelles de l’homme. Mais cependant, dans toutes les sociétés, on trouve des tendances religieuses au célibat, comme C’est le cas des vestales à Rome ou des derviches musulmans.
Un exemple typique de l’attitude antique est celui d’Antigone de Sophocle qui exprime son effroi devant la nécessité imposée par son devoir et les dieux, de rester célibataire, vierge, tant il est vrai que les athéniens considéraient cela comme un crime. Les romains étaient encore plus sévères : les Leges Novae (Lex Julia et Papia) imposaient aux célibataires des lourdes charges, inconnues aux gens mariés.
Dans les saintes Ecritures, nous voyons dans la Genèse que Dieu crée la femme comme une aide pour l’homme et « les deux deviendront un en une seule chair » (Gn 2, 18-24), c'est-à-dire que Dieu, dans la Genèse, apparaît comme conduisant l’homme et la femme à leur union.
Quant au Seigneur Jésus, par sa présence à Cana il bénit les noces (Jn 2, 1-11), de sorte que la règle naturelle pour l’Ancien Testament est le mariage, le célibat apparaissant comme un phénomène rare ; nous trouvons cependant le cas du prophète Elie qui garde le célibat (1 R 1-17).
Le Nouveau Testament déjà nous rapporte plus de cas, mais ils constituent une petite minorité, comme par exemple la Vierge Marie, Jean-Baptiste, Jean l’Evangéliste et l’apôtre Paul.
Mais dans le Nouveau Testament se développe peu à peu l’enseignement du célibat. Le Seigneur d’abord dira que tout le monde n’est pas capable de cette résolution ; c’est seulement possible pour ceux à qui cela est donné (Mt 19, 11-12). Saint Paul ensuite qui en dégagera la valeur. Selon lui, le célibat est préférable au mariage. Le chrétien célibataire, à l’opposé du marié, pourra atteindre plus complètement la perfection, libéré de tous soucis matériels et uniquement accaparé par la vie spirituelle. Mais il avance aussi un autre argument : à cause de la persécution qui sévissait à son époque, il est plus facile au célibataire d’accepter le martyre (Cf. 1 Co 7, 1-7 et 25-35).
La condition du célibat est surtout décrite par le Seigneur en fonction du siècle à venir. Après la mort, les hommes vivent comme les anges, il n’y a plus mari ni femme (Lc 20, 34-36. Mt 20, 30. Mc 12, 15).
Dans l’Apocalypse, il est question des 144 000 vierges « qui ne se sont pas souillés avec des femmes » (Ap 14, 1-5). Il y a pour ce texte énigmatique deux exégèses possibles.
Soit il s’agit de célibataires qui sont restés vierges toute leur vie (Cf. Authos de Césarée, P.G. 106/684 ; André de Césarée, P.G. 106/344 ; Pr. Bratsiotis, Sur l’Apocalypse ). Ou bien c’est une exégèse allégorique du mot vierge qui est proposée, en ce sens que vierge est celui qui a vécu sur la terre en Christ et qui a fait de son âme l’épouse du Christ (Epoux), en dehors de toute considération de célibat ou de lien marital. Cette exégèse a été défendue comme philologiquement meilleure que la première et aussi parce qu’elle écarte l’opposition, dans le christianisme, qui pourrait naître entre le célibat et le mariage. Elle est conforme à l’explication des Pères de l’Eglise, comme c’est par exemple le cas chez saint Jean Chrysostome (Cf. Jean Chrysostome, P.G. 52/559, 402) et Clément d’Alexandrie (Cf. Clément d’Alexandrie, Stromates 7, 12), et elle se rapproche davantage de ce que sous-entend le Nouveau Testament à ce sujet ainsi que de l’enseignement de l’Eglise Orthodoxe en général.
Les Pères de l’Eglise, les auteurs ecclésiastiques et les théologiens ont exprimé divers avis sur la question. On peut dégager chez eux les points suivants :
- La condition de base pour le chrétien qui choisit le célibat est le choix de sa libre volonté et non pas parce qu’il est forcé de s’orienter dans cette voie. 
- le dévouement total pour le Christ par la décision de se consacrer exclusivement à Lui. C’est pourquoi officiellement l’Eglise Orthodoxe enseigne qu’il y a deux voies pour atteindre la perfection : le célibat et le mariage, la première étant pour la gloire du Seigneur et la seconde réalisée en Christ.

Dans le Symposium des dix vierges, saint Méthode d’Olympe (311) nous résume le point de vue de l’Eglise des premiers siècles sur la virginité. Il se base sur l’exemple à imiter de Celui qui, étant Dieu, s’est manifesté dans la chair, ce qui nous renvoie à l’enseignement de l’Eglise sur le salut compris comme déification de l’homme.
Avec saint Méthode, le thème de la virginité connaît de nouvelles dimensions. Il est le premier à avoir pleinement traité du sujet, du fait qu’il rassemble tout ce qui fut exprimé avant lui et durant son époque. On peut résumer son œuvre de la sorte :
Dans le premier discours, l’auteur affirme que la virginité est le perfectionnement du progrès moral qu’a apporté à l’humanité le salut du Christ pour le monde ; en ce sens, elle couronne l’œuvre du Christ. Plus loin, dans le deuxième discours, il montre que l’union de l’homme et de la femme, telle qu’elle est d’abord présentée dans la Genèse, ne peut être comprise qu’en Christ et dans l’Eglise, ainsi que le rapporte saint Paul. Or, par son péché, l’homme qui a chuté a perdu le paradis ; cette chute lui a causé la corruption et la mort. De ce fait, la pureté virginale est le moyen par excellence pour réhabiliter l’immortalité perdue et pour avoir un espace vital dans la Jérusalem céleste. C’est pourquoi, selon les termes du quatrième discours, elle a sa place dans le Saint des Saints et elle est le degré le plus élevé de perfection que l’homme puisse atteindre sur terre. Les vierges pures deviennent donc les fiancées de l’Epoux et lui chantent l’hymne des 144 000 vierges de l’Apocalypse, et les fiancées du Logos sont semblables à la fiancée du Cantique parce qu’elles sont l’image parfaite de l’Eglise, la Fiancée parfaite, selon les thèmes respectifs des sixième et septièmes discours.
Les onze discours terminent avec un merveilleux cantique à la gloire du Christ, que chantent les vierges en l’honneur de leur divin Fiancé et de la Fiancée, l’Eglise.
Ainsi donc Dieu, malgré la chute, a conservé la pureté originelle et a permis que certains puissent directement s’unir au Ciel sans nécessairement passer par l’étape que la chute avait souillée, celle de l’union charnelle de l’homme et de la femme. Le Symposium des dix vierges présente la virginité comme une œuvre « exceptionnellement grande », comme un mystère de l’Eglise, au même titre que le mariage.
Virginité – chasteté
Ici, il y a lieu de distinguer entre virginité et chasteté car leur sens n’est pas précisément le même. Selon la tonsure monastique, ceux qui embrassent le monachisme après le mariage (ou après avoir connu des relations extra-conjugales) promettent la chasteté, c'est-à-dire le rejet de tout commerce sexuel ; mais ceux qui n’ont pas connu de relations avec un autre corps promettent la virginité.
La chasteté ne signifie pas uniquement la victoire sur la chair en général et donc la « victoire sur la nature », mais aussi l’obtention de la perfection dont l’expression sera la stabilité en Dieu avec toute sa pensée et tout son cœur. Dans sa forme la plus parfaite, l’exercice de la chasteté surmonte la perte irréparable de la virginité corporelle et réhabilite l’homme spirituellement, dans le rang de la virginité.
Les Pères de l’Eglise en effet considèrent la virginité comme un état surnaturel. Dans sa forme la plus parfaite, ils la considèrent comme la continuité ininterrompue dans l’amour de Dieu, en tant que réalisation du commandement du Christ d’aimer Dieu « de tout son cœur, de toute sa pensée, de toute son âme et de toute sa force ». A la lumière de ce critère, chaque transgression de la pensée et du cœur correspond à une sorte de « fornication spirituelle », c'est-à-dire à une transgression de l’amour.
Ne pas souiller son corps ne signifie pas encore être vierge . Saint Basile disait : « Je ne connais pas de femme et pourtant je ne suis pas vierge », car la virginité ne se limite pas seulement à la non-immixtion des corps. Il y a d’autres formes de corruption et de souillure, soit corporelle, soit en pensée. C’est pourquoi notre Eglise distingue trois degrés spirituels dans le cas présent :
- l’état surnaturel : celui des vierges et de la chasteté monastique
- l’état naturel : le mariage
- l’état contre-nature : toute autre forme de vie sexuelle.

Conclusion
Aussi il est important de rappeler que la virginité et la chasteté monastiques en tant que « vie de l’homme » selon l’image de l’homme parfait qu’est le Christ, ne peuvent en aucun cas se fonder sur le rejet de la vie sexuelle, sur le rejet du mariage ou sur le mépris de l’acte par lequel « l’homme vient au monde » (Jn 16, 21).
L’Eglise, en effet, a toujours condamné ceux qui recherchent la vie monastique pour fuir le mariage ou pour le ridiculiser (Cf. Canons Apostoliques, 51). C’est pourquoi la vocation monastique sera toujours éprouvée par les Pères, car vouloir atteindre le surnaturel sans le pouvoir est cause de chute dans ce qui est contre-nature.
Toutefois, il faut distinguer dans cette vocation plusieurs degrés. Quelques-uns reçoivent une telle abondance de grâce que leur pensée et leur corps sont particulièrement et nettement sensibles à leur sanctification ; ils atteignent la virginité parfaite, la continence totale dans leur vie charnelle, tant dans leurs actes naturels que dans leurs pensées, même jusque dans leur sommeil. Sur un degré inférieur, l’âme désire uniquement la chasteté ; la pensée tend à la pureté, refuse toute réflexion charnelle.
Il n’est pas possible cependant de donner une explication totalement logique à cet état de fait : lorsqu’une âme, par une expérience authentique, a connu la douceur de l’amour du Christ, elle se sent irrésistiblement attirée par Dieu à cause de la douceur de cet amour. Elle en est toujours assoiffée, en même temps qu’elle embrasse tout l’univers. La conséquence de cette situation est la séparation, sans combat pour ainsi dire naturel, des passions sensibles par lesquelles s’éteint l’amour de Dieu, de telle sorte que la pensée, contrairement à ce qui se passe dans une vie sexuelle, se dépouille par l’énergie de l’amour divin de toute image terrestre qui traumatise l’âme. Nous rejoignons ici ce que nous avons déjà rencontré avec la nécessité d’accéder à la prière pure, c'est-à-dire l’exigence de ne pas laisser son âme s’égarer dans tout ce qui n’élève pas jusqu’à Dieu.
Pour cette raison nous affirmons que l’ascèse orthodoxe ne s’en prend pas au corps mais « contre les esprits du Mal des régions célestes » (Ep 6, 12), contre les esprits déchus qui enchaînent l’homme à ses passions, faisant de lui un être totalement insensé et soumis, avec complaisance, aux plaisirs de la chair. Au contraire, un corps pur devient vase de l’Esprit, « temple de l’Esprit Saint qui est en nous » (1 Co 6, 19). La vie de la nature logique se fonde sur l’unité des deux volontés, des deux énergies, celle de Dieu et celle de l’homme. Dans ce sens, la virginité et la chasteté ne sont pas uniquement un don de la Grâce, mais aussi une conséquence d’un combat logique, raisonnable, qui se concrétise par un « exploit spirituel » dont le principe consiste à « ne pas déposer son esprit » et qui donne à l’homme, durant ses heures d’abandon, de se comporter comme si la grâce de Dieu ne l’avait jamais abandonné.
3- Pauvreté, abandon de toute possession
Cette troisième promesse fondamentale complète tout naturellement les deux autres, afin que le moine arrive à la prière pure et imite plus parfaitement le Christ qui n’avait pas où poser la tête (Cf. Mt 8, 20), car pour atteindre la prière pure, il faut nécessairement se détacher de toute attirance matérielle.
« Vois combien grande est la virginité ; quand elle s’accompagne de sa sœur la charité (dans le sens qu’on se détache des biens en les donnant aux autres qui sont dans le besoin) ; rien de ce qui fait les difficultés de la vie ne peut la surmonter ou la soumettre. C’est la raison pour laquelle ces folles n’ont pas pu entrer dans la chambre nuptiale : elles ne possédaient pas, avec leur virginité, la charité. Cette parole mérite grande attention car, alors qu’elles avaient vaincu le plaisir, elles ne se détachèrent pas de l’argent » (Jean Chrysostome, Discours pour les dix vierges)
« Comment, en étant vierge, toi qui a renoncé à la vie mondaine et t’es crucifié pour cela, tu es amoureux de l’argent ? Si tu avais désiré une femme, ton péché eût été moindre car tu aurais simplement désiré la matière qui t’est consubstantielle. Mais l’accusation qui est maintenant portée contre toi est plus grande car tu as désiré une matière qui t’est étrangère » (Ibid., §3).
Saint Basile dit que l’argent est un appât ennemi pour l’âme, père du péché et serviteur du diable. Aussi le moine ne doit pas se laisser surprendre sous prétexte qu’il rend service aux pauvres. C’est pourquoi, plutôt que de recevoir les dons que l’on destine aux pauvres, il est préférable qu’il indique directement à celui qui veut les lui confier qui est dans la nécessité. (Cf. Basile le Grand, Lettre 42 à Chilon et à son disciple).
L’insistance ici est particulièrement mise sur la nécessité de combattre la « passion de la possession », « l’amour des richesses et des biens ». En fait, le moine ne promet pas tellement de vivre dans la pauvreté, mais surtout de libérer son esprit du désir de possession, à tel point que le fait de ne pas posséder librement le conduit jusqu’à ne plus tenir compte de son propre corps. C’est alors qu’on peut vivre réellement la vie du Royaume.
Il ne faut pas non plus caricaturer les choses. Le combat pour la pauvreté signifie qu’il faut se limiter à ce qui est essentiel pour le maintien de la vie et chacun le réalise à sa mesure et selon les circonstances. Ainsi par exemple, l’homme d’aujourd’hui n’a plus de temps libre pour ne s’y être pas exercé, afin de se consacrer à la prière et à la recherche de la vision de Dieu. C’est pourquoi le sens véritable de la pauvreté chrétienne ne peut pas être saisi par le monde. Car rechercher la pauvreté peut aussi bien se tourner vers ce qui est matériel comme vers ce qui est spirituel.
Voici des exemples pour illustrer cela :
- les hommes trouvent dans la science les vraies richesses ; mais ils ne soupçonnent pas qu’il existe une autre connaissance, supérieure celle-là, qui donne une autre richesse, inestimable pour l’homme, incomparable.
- dans la société de consommation qui est la nôtre, on pousse à l’excès le confort matériel et on perd la possibilité d’acquérir un confort spirituel d’une autre dimension. Ainsi le dynamisme matériel, qui trône dans les esprits et dans les cœurs, finit par s’exprimer même dans des modes démoniaques, tant il est vrai que l’amour de la possession finit par chasser l’amour de Dieu et du prochain.

Les trois naissances
L’analyse, même succincte, de la signification des trois promesses fondamentales nous démontre donc qu’il est absurde de chercher à les discuter. C’est pourquoi nous rappellerons simplement l’enseignement des trois naissances que nous a laissé saint Grégoire de Nazianze et qui illustre bien ce que nous avons voulu expliquer ici : « Par la première naissance selon la chair et le sang, les hommes viennent sur la terre et manifestent aussitôt leur présence ; après cela, l’homme naît (deuxième naissance) de l’Esprit pur quand la lumière (d’en haut) illumine ceux qui ont été saisis par l’eau (baptême). La troisième naissance lave en nous par les larmes et les souffrances, l’image de Dieu noircie par le mal. La première naissance provient des parents, la seconde de Dieu ; mais pour ce qui est de la troisième, tu en es toi-même le père, en te manifestant dans le monde comme une lumière bienfaitrice » (Grégoire de Nazianze, P.G. 1458-9).
Cette troisième naissance est définitive. L’homme qui a reçu la grâce et connu, après la chute, la lumière de la vie divine, se consacre sans retour à la plénitude du bien par son combat lumineux et incessant.
« Cette transformation s’exprime dans le plus profond de son être, écrit le père Sophrony, par la nostalgie , la soif de Dieu, alors qu’en même temps il se sent insatisfait par tout ce qui est sur la terre » .
LE SENS DE LA VIE MONASTIQUE
La vie monastique trouve son sens véritable sur trois principes fondamentaux :
1. Elle est une vie intérieure, parce qu’elle est un événement à l’intérieur de l’esprit : l’expérience des saints et des mystiques est l’avènement de l’Esprit. Le moine donc cherche Dieu par-dessus tout ; il voit dans ce sens le monde « en Dieu ». L’homme qui reçoit par son acte de foi la révélation, amorce avec Dieu un dialogue liturgique générateur d’unité, à l’image du Christ dans lequel ont convergé, une fois pour toutes, l’expérience de l’homme par Dieu et celle de Dieu par l’homme : c’est cette réalité christique qui précède toute expérience religieuse, qui l’actualise en Christ – « vous êtes en Moi et je suis en vous » – et l’intériorise jusqu’à la proximité divine.
Cette vocation de vie monastique vient d’en haut. Les Pères ont distingué trois formes d’appel de la part de Dieu :
- l’appel direct : exemple de saint Antoine,
- l’appel indirect à travers les épreuves voulues par Dieu qui conduisent à cette vie,
- cette autre forme d’appel qui au départ, sans grand enthousiasme, prend corps dans la pensée et la raison de l’intéressé.

2. Elle est une vie de métanoïa : « J’oublie ce qui est en arrière, je m’élance vers ce qui est devant moi… » (Ph 3, 14). La vie monastique est un élan, une tension extrême et ne connaît pas d’arrêt, car dès l’instant où l’homme se considère avoir atteint la perfection, cela signifie au contraire qu’il n’en est rien : Dieu est la seule vérité dont on ne peut jamais se lasser. Le bonheur et la paix existent réellement en Dieu. La paix de Dieu est une paix dynamique et elle seule peut l’être ainsi. « Chercher donc Dieu », signifie le demander sans cesse. Aussi, le moine ne doit jamais s’arrêter sur sa perfection intérieure : « L’on ne peut tenir un homme pour un saint tant qu’il n’a pas rendu toute pure la terre de son corps » (Pseudo-Macaire, Homélies spirituelles).
Par ailleurs, il ne doit pas espérer voir dans ce moine de façon sensible les résultats concrets de ses efforts. C’est la raison pour laquelle souvent, le monde - puisque le moine ne désire rien pour lui, ni même la vertu, car il ne recherche que Dieu seul - jugera la vie de ce dernier comme non réussie et privée de valeurs combatives.
3. Elle est une vie de doxologie angélique. Le moine, en effet, qui voit Dieu ne peut pas s’arrêter de Lui rendre louange et gloire : dans ce sens, la vie monastique renouvelle l’esprit et augmente la connaissance. Voir le monde avec les yeux du Christ, en un mot, réaliser pleinement l’union du mystère du Christ dans l’eucharistie et du mystère du Christ dans le pauvre, voilà l’œuvre du moine.
Les moines ont donné au monde la vraie science : les hymnes liturgiques et leurs méthodes ascétiques qui conduisent directement jusqu’à Dieu. Dès ici-bas, la vie monastique sera un avant-goût de la vie future : le mystère du Christ est un mystère de mort et de résurrection. Le moine meurt à lui-même et au monde pour renaître en Christ et dans le monde de Dieu.
« Quand bien même nous ne sommes pas capables de nous conformer à l’exemple rigoureux des saints Pères d’Egypte, essayons cependant d’imiter les chameaux du désert : ils se contentent de peu tandis qu’ils ploient au contraire sous de lourdes charges ; leurs genoux sont pleins de callosités à force de s’agenouiller et tout en portant des fardeaux excessifs ils suivent avec humilité le petit âne qui les précède. Ils ont aussi pour règle ceci : ils n’oublient jamais leur bienfaiteur et lui expriment à tout moment leur reconnaissance » (Père Païssios, p.198).
Bilan de l’expérience du désert
La tâche du saint, au désert, est de taire ce qu’il a vu : « Sois comme les morts, ne juge personne et apprends à te taire » (Abba Macaire). Le seul enseignement certain des anachorètes est ce silence où, volontairement, ils se sont enfermés. C’est dire qu’il n’est pas commode de dégager le bilan de cette expérience, surtout lorsque l’on sait que le geronda ( ancien ) ou starets a enseigné beaucoup plus par son exemple que par sa parole ou ses écrits.
« Mourir au monde », but fondamental de l’ascèse au désert, signifie mourir en corps et en esprit. Le corps doit être mort, c'est-à-dire cesser de réagir normalement aux besoins de la chair ; il doit dominer la soif, la faim, la fatigue, le sommeil, cela afin d’atteindre l’apatheia.
Encore une fois, apatheia signifie littéralement « qui n’a plus de sensibilité ». Il s’agit d’un état physique qui conduit naturellement à un état identique de l’âme. Aussi l’insensibilité devient impassibilité.
« L’apatheia ne consiste pas à ne point éprouver les passions, mais à ne point les accueillir » (Calliste et Ignace Xanthopoulos, Centuries, in Philocalie).
C’est donc cet homme apathique que cherche à devenir l’ascète. Dans son Echelle, saint Jean Climaque situe le corps apathique à mi-chemin, en somme, de l’homme et de l’ange.
C’est uniquement par la possession d’un tel corps que l’on pourra parvenir au terme même de l’ascèse : l’hésychia. Tout comme l’apatheia, l’hésychia est un double état : un état de vie d’abord (tranquillité), et un état correspondant de l’âme. Elle est donc une disponibilité totale de l’âme, due au « silence du cœur et des pensées », une sorte d’inconscience de soi-même comme l’apatheia est une inconscience de son corps.
« Lorsque tu pries, ne te figure pas la Divinité en toi-même, ne laisse pas ton intelligence accepter l’empreinte d’une forme quelconque ; tiens-toi en immatériel devant l’Immatériel et tu comprendras » (Evagre le Pontique, De la prière)

Alors l’ascète comprendra que « lorsque l’intellect aura déposé le vieil homme et que la prière l’aura revêtu de l’homme nouveau, il verra son état, au moment de la prière, pareil à un saphir et à la couleur du ciel. C’est ce que les anciens auxquels il se manifesta sur la montagne ont appelé le lieu de Dieu » (Ibid.).
Dans une telle expérience, le merveilleux, le surnaturel, les anges et les démons n’ont plus de place. Ce qui compte avant tout, c’est de purifier le cœur et la pensée, d’en bannir toute imagination et non de se livrer à l’imagination en s’abandonnant aux visions et aux effusions équivoques qu’elle entraîne.
Mais l’ascèse a aussi ses paradoxes : si l’on meurt au monde, pourquoi alors le redouter ou le désirer ? C’est toute l’évolution du sens de cette fuite qui, en se purifiant, achèvera ce cycle prodigieux né avec le dégoût du monde, poursuivi avec l’amour de la solitude et qui trouve sa fin dans l’extinction de tous les sentiments liés à ce monde.
« Les plus grands et les meilleurs riches de ce monde sont précisément ceux qui ne possèdent plus de liens matériels et qui sont archi pauvres, tout comme ils sont archi pauvres de passions. Ils ne possèdent rien d’inutile, ni en eux-mêmes ni en dehors d’eux-mêmes. Tout simplement ils possèdent seulement Dieu et ils sont continuellement joyeusement plongés dans la vie paradisiaque dès ici-bas, car là où se trouve Dieu, là aussi se trouve le paradis » (Père Païssios).
Autrement dit, là où il n’y a plus de place pour la consolation des hommes, là attend Dieu et sa présence inonde de joie infinie le cœur devenu trop petit pour le contenir, de celui qui par sa prière pure a fait du saint Nom de Jésus le centre et l’axe de tout son être.
La prière perpétuelle devient ainsi un état constant. L’homme se voit léger, détaché de la pesanteur terrestre, détaché de son ego. Le monde où vit l’ascète est le monde de Dieu, étonnamment vivant, car il est le monde des crucifiés, des ressuscités, un face à face étendu à l’éternité quand « Dieu vient dans l’âme et l’âme émigre en Dieu ».
Tallinn, le 8 mai 2006
+STEPHANOS,
Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie.

Ce texte a été publié par les éditions du Monastère de la Dormition de la Mère de Dieu à 05140 La Faurie (France). On peut le commander par téléphone au +33(0)4.92.58.05.84 ou par mail à l'adresse suivante 

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Message  Arlitto Lun 07 Mar 2016, 15:16

ELOGE DE LA SOLITUDE
Par St Eucher de Lyon


LETTRE A HILAIRE prêtre de Lérins
Au saint seigneur Hilaire, à la fois bienheureux par le mérite et très glorieux dans le Christ.
Eucher


Le beau geste d'Hilaire 

Après avoir dit adieu, naguère, avec un grand courage, à votre maison et à vos proches, vous aviez pénétré déjà dans les retraites profondes de la mer immense.
Mais vous avez eu plus de vertu encore pour regagner la solitude que pour y venir la première fois ! En y sollicitant une place comme étranger d'abord, vous aviez un maître et comme un guide de votre route. Vous retrouviez, en le suivant, un père pour remplacer les parents que vous aviez quittés. Mais maintenant qu'il a été appelé à la dignité pontificale, vous avez cru que vous deviez l'accompagner, et ensuite votre amour du désert vous a ramené à la solitude amie. Vous nous donnez donc un exemple plus noble et plus grand. En venant au désert, vous paraissiez vous rendre auprès d'un frère. En y revenant, c'est ce frère même que vous abandonnez et quel frère ! Et de quelle dignité ! Et entouré par vous de quelle dilection ! Et attaché à vous-même par quelle tendresse singulière ! A l'amour d'un tel homme, vous ne pouviez rien préférer, si ce n'est peut-être l'amour du désert. Et certes, par cette préférence, vous n'avez pas attesté que vous l'aimiez peu, mais que vous aimiez le désert un peu plus. Vous avez donné la preuve de la grandeur de votre amour de la solitude en triomphant pour elle d'un très grand amour. Mais qu'est-ce donc en vous, que cet amour de la solitude, si on ne l'appelle l'amour de Dieu ?
Vous avez donc observé l'ordre de la charité prescrit par la Loi , en aimant Dieu avant tout et votre prochain ensuite. Quant à lui, comme je le conçois en ma pensée, plus attentif à la seule considération de votre progrès spirituel, je pense qu'il ne fut opposé ni à votre dessein ni à votre départ. Et malgré ce qu'il y avait d'inusité en tout cela pour les personnes qui lui sont attachées, il ne voulut pas moins, j'imagine, vous renvoyer que vous ne vouliez partir. Il vous aime en effet et vous l'aimez à votre tour, mais en son amour il cherche votre bien, et si démonstrative et haute que soit sa charité à votre égard, sa cime s'étend jusqu'à votre profit.
Vous aviez déjà distribué aux pauvres toute votre fortune, pour n'être riche que dans le Christ.
Vous possédez la vertu d'un vieillard avec la jeunesse des années. On admire en vous l'esprit, l'éloquence. Mais plus que tout cela, ce que je place et ce que j'aime en vous en première ligne, c'est ce beau désir de la solitude. Aussi, comme vous me demandez souvent de répondre plus abondamment à vos lettres si étendues et si éloquentes, il faudra bien que vous, qui êtes si sage, supportiez un instant ma sottise, pendant que j'essaierai de rappeler la vérité des grâces accordées par le Seigneur à cette solitude même que vous aimez tant .

Le désert, temple de Dieu

J'appellerais volontiers le désert le temple sans limite de notre Dieu, car Celui que nous savons, avec certitude, habiter dans le silence, nous devons croire qu'Il se réjouit de la solitude. C'est là qu'Il S'est montré, le plus souvent, à ses saints et, le lieu s'y prêtant, Il n'a pas dédaigné d'y rencontrer l'homme. C'est au désert que Moïse, son visage étant illuminé de gloire, voit Dieu; au désert qu'Elie tremblant voile sa face pour ne pas voir Dieu, et bien qu'Il parcoure tous les lieux comme son domaine et qu'Il ne soit absent nulle part, il est permis toutefois de penser qu'Il daigne visiter plus spécialement la solitude du désert et du ciel. Comme on demandait à quelqu'un, dit-on, en quel lieu il estimait que Dieu se trouvât, ce dernier répondit à son interlocuteur de le suivre hardiment où il le conduirait. Il vint alors, accompagné de l'autre, dans les solitudes d'un immense désert, et lui montrant ces vastes étendues, il lui dit : "Voici où est Dieu, car on peut bien dire qu'Il est plus particulièrement aux lieux où on Le trouve plus aisément."
A l'origine des choses, quand Dieu faisait tout avec sagesse et distribuait les aptitudes utiles aux usages futurs, Il ne laissa sûrement pas cette partie de la terre dans l'inutilité et le déshonneur, mais en créant tout avec magnificence dans le présent, mais tout autant avec prévoyance pour l'avenir, Il prépara le désert pour les saints. Je crois qu'Il voulut ici l'abondance des fruits et là, en l'absence d'une nature plus indulgente, la fécondité de la sainteté, en sorte que les déserts en fussent engraissés, et alors qu'Il "arrosait du haut des cieux les montagnes" (cf. Ps 103), Il décréta que les vallées abonderaient en récoltes et que les désavantages des lieux seraient compensés en ce que l'habitant enrichirait l'habitation restée stérile.

Le paradis et le désert

Ce possesseur du paradis, qui fut aussi le transgresser du précepte divin, alors qu'il habitait un lieu plein de charmes, se montra incapable d'observer la loi que Dieu lui avait fixée (Il s'agit d'Adam). Plus son séjour était agréable, plus il fut enclin à la chute. C'est pourquoi non seulement la mort le soumit à son empire, mais elle étendit jusqu'à nous son aiguillon. En sens inverse, qu'il aille au désert celui qui aime la vie, puisque l'habitant du paradis a rencontré la mort. Mais venons-en aux exemples ultérieurs qui prouvent la Faveur constante de Dieu pour le désert.

Exemples de la Faveur de Dieu pour le désert


Moïse conduit son troupeau au désert. C'est alors qu'il voit de loin Dieu en un buisson embrasé par un feu qui ne consume pas. Non seulement il le voit, mais il l'entend. Le Seigneur lui commande d'ôter ses sandales, il déclare sacré le sol du désert : "Le lieu où tu es, lui dit-Il, est une terre sainte !" (Ex 3,1-6). Il révèle donc clairement la Gloire cachée de ce lieu. La sainteté de ce sol est confirmée par la sainteté du Témoignage divin. Et, à mon sens, il suggère secrètement et pareillement par ses paroles qu'en entrant au désert, il faut se délier des anciennes attaches et des soucis de la vie, pour avancer, affranchi des chaînes antérieures, en évitant de souiller ce lieu.
C'est là que, pour la première fois, Moïse devient l'interprète des Conversations familières de Dieu, il entend ses Paroles et il Lui répond, il s'informe de ce qu'il devra dire et faire et il en est instruit, il s'entretient, par un échange mutuel et comme usuel de discours, avec le Seigneur du ciel !
C'est là qu'il reprend sa verge, désormais douée du pouvoir des miracles. Il était entré au désert en pasteur de brebis, il en sort pasteur de peuples !
Mais voici que le peuple de Dieu doit être libéré d'Egypte et arraché aux oeuvres terrestres, que va-t-il arriver ? Ce peuple n'ira-t-il pas chercher Dieu dans les déserts et la solitude, afin de se rapprocher de Celui qui le délivrait de la servitude ? Il se portait donc au désert, rendu terrible au loin par son immensité, sous la conduite de Moïse : "Qu'elle est grande la multitude de ta douceur, ô Seigneur !" (Ps 30,20) Moïse était entré au désert et il y avait vu Dieu. Il y revient pour Le voir encore. C'était Dieu en effet qui choisissait la route de son peuple, et Il le conduisait au désert, en offrant aux voyageurs une colonne pour le jour et la nuit, tantôt rouge comme une flamme, tantôt blanche comme un nuage ! Il donnait ainsi à ses serviteurs un signe, cette sorte de masse lactée qu'Il illuminait de feux alternés. Israël, à cette lumière, suivait les rayons rutilants de loin, en sorte que le Seigneur, conduisant son peuple dans la solitude désertique, lui montrait très justement la route en Lui fournissant sa clarté ! Et ne voilà-t-Il pas que, sur le chemin des déserts, les gouffres redoutables de la mer infranchissable s'ouvrent devant ce peuple ?
Entre les flots redressés, les bataillons poussiéreux trouvent une route, sur les rivages rougissants, et contemplant les montagnes menaçantes des eaux suspendues, du fond de la vallée, le gardien du peuple traverse les étendues de la mer ! Et là ne s'arrête pas la puissance de l'oeuvre divine. Les eaux refluent en effet. Elles recouvrent le chemin qu'elles avaient ouvert et détruisent l'ennemi. La mer reprend toute sa place, afin de s'opposer, me semble-t-il, à tout retour d'Israël hors du désert. Dieu avait tracé la route parmi les flots, puis Il l'avait cachée dans la confusion des ondes, afin d'ouvrir un chemin dans la direction du désert et de le fermer en sens opposé. Tel fut le miracle de grâce accordé à ce peuple, en sa marche au désert. Mais il en obtint bien davantage, quand il y fut entré. Là, en effet, le Seigneur le restaura par un prodige inespéré, en fournissant à sa soif des eaux abondantes sorties d'un rocher et en tirant de masses pierreuses arides les ruisseaux d'une source, comme s'Il imposait, d'une main cachée, une nouvelle nature à des canaux cachés. Et il ne Lui suffit pas d'inonder la roche desséchée d'un fleuve nouveau, mais Il confère une douceur surnaturelle aux amertumes des eaux désagréables (cf. Ex 17,6). Il avait fait couler les unes, Il transforme les autres, Il ne fait pas un plus grand miracle en arrachant des eaux de la roche qu'en changeant les eaux en d'autres eaux ! Le peuple entier s'étonne de ressentir le Secours céleste aussi bien dans ces eaux qui existaient déjà qu'en celles qui n'existaient pas encore ! 
Là encore, ce peuple recueille sur le sol blanchissant un aliment venu du ciel (cf. Ex 16,14), et le Seigneur fait tomber des nuages, un pain qui ressemble à une pluie sèche ! Sur les tentes et dans les espaces qui les séparent dans le camp, la manne s'étend comme une neige et "l'homme peut manger le pain des anges" (cf. Ps 77,14). Mais comme "à chaque jour suffit sa peine" (cf. Mt 6,34), l'Indulgence divine ne fournit que la nourriture quotidienne et impose la loi de ne point penser au lendemain. C'est ainsi que jadis, quand les habitants du désert ne pouvaient trouver leur nourriture, le ciel la leur apportait !
Mais n'est-ce pas aussi au désert que les Hébreux reçurent la Loi et les Préceptes divins, quand ils eurent le bonheur de voir de près les signes inscrits par le Doigt de Dieu sur les Tables saintes ? Sortant de leur camp, ils vinrent au-devant du Seigneur, au pied de la montagne. Frappés de terreur, ils contemplèrent ce sommet du Sinaï qu'entourait de son effroi une majesté visible. Ils virent la montagne fumante d'une flamme formant barrière, puis recouverte en entier par la nuée la plus épaisse. Ils s'épouvantèrent des fulgurations éclatantes de la foudre et des roulements répétés du tonnerre mêlés aux bruits éclatants des trompettes. C'est alors que les fils d'Israël, habitant au désert, eurent l'honneur de voir le Trône de Dieu, d'entendre sa Voix. Ce fut par de tels miracles ou d'autres du même genre que cette nation fut maintenue, alors qu'elle se trouvait au désert : aliments inusités, breuvages inattendus, vêtements inusables, alors que, autour d'eux, tout demeurait dans son état habituel. Tout ce que la nature des lieux n'accordait pas à leurs besoins, la Magnificence éclatante de Dieu le leur fournissait. Il n'a rien exagéré celui de leurs saints qui a célébré tant de faveurs célestes en s'écriant : "Ce n'est pas à toute nation que le Seigneur en a fait autant." (Ps 148,20).
Faveurs spéciales, dons inouïs, c'est par ces Grâces divines que ce peuple a été restauré au désert. En vérité tout cela nous est rapporté en figure de ce qui nous arrive. Les apparences de tous ces faits sont pleines de mystères cachés. Tous nous avons été en Moïse baptisés dans la nuée et la mer, tous nous avons mangé de la nourriture spirituelle et bu de la boisson spirituelle. Mais cela n'empêche pas que ces récits, en nous offrant la foi de l'avenir, conservent la vérité du réel. Toutefois, la gloire du désert ne serait pas amoindrie même si tous ces faits devaient être élevés au rang des signes sacrés. Ce ne serait pas une moindre grâce si le prodige des vêtements corporels soustraits à l'usure n'avait d'autre sens que d'annoncer la vie future; ce serait, en effet, une haute dignité du lieu, si la félicité du siècle à venir s'y trouvait préformée dans celle des habitants du désert .
Et pourquoi les fils d'Israël ne sont-ils parvenus à la Terre promise qu'en passant par le séjour au désert ? Pourquoi, avant de posséder cette terre où coulaient le lait et le miel, ont-ils dû occuper ces étendues arides et incultes ? C'est une loi générale que le chemin vers la véritable patrie s'ouvre dans les demeures désertiques. Il faut qu'il habite une terre inhabitable, celui qui "veut voir les Biens du Seigneur dans la région des vivants" (Ps 26,13), il faut qu'il soit l'hôte de la première pour devenir le citoyen de la seconde (cf. Eph 2,19).

Autres exemples, dans l'Ancien Testament

Mais laissons ces exemples : David, lui-même, ne put échapper aux embûches d'un roi hostile que par la fuite au désert (cf. I R 23). Devenu l'habitant des étendues arides de l'Idumée, il avait soif de Dieu, de tout cœur ; il se montrait à Dieu comme "assoiffé au désert sans eau et sans route" (Ps 67,3 ) et méritait ainsi de contempler, comme un saint, et la Vertu et la Gloire de Dieu.
Elie, à son tour, le plus grand des hommes du désert, ferma le ciel à la pluie, l'ouvrit aux flammes dévorantes, reçut sa nourriture par le ministère d'un oiseau, triompha des lois immuables de la mort, traversa le Jourdain entrouvert pour lui, monta emporté au ciel par un char de feu. (cf. 3 R 17-18 et 4 R 2).
Et que dire ensuite d'Elisée, disciple de cette vie et héritier de cette puissance ? N'est-ce pas lui qui a brillé par l'éclat du miracle, quand il a fendu le torrent, fait nager le fer, ressuscité un mort, multiplié les vases d'huile, et qui, enfin, a bien montré qu'il possédait deux fois la puissance de son maître, puisque celui-ci avait, de son vivant, ressuscité un défunt, tandis qu'Elisée, déjà mort, a fait de même (cf. 4 R 2,6-4,3).
Et voici encore les fils des prophètes : ils délaissaient les villes, gagnaient le Jourdain jailli d'une double source, élevaient leurs tentes dans les lieux secrets, groupées au bord du torrent (cf. 4 R 1-7). 
Toute la cohorte sainte veillait sur les rives du fleuve désert, elle était éparse sous des tentes et des habitations adaptées, et d'une vertu choisie, conservait l'esprit paternel.

Exemples tirés du Nouveau Testament

Mais voici celui dont nul des fils de la femme n'a surpassé la grandeur. N'est-ce pas dans le désert et clamant dans le désert qu'il a vécu ?
C'est au désert qu'on nous le montre donnant le baptême, au désert qu'il prêche la pénitence, au désert qu'il fait la première mention du royaume des cieux. Il a, le premier, annoncé à ses auditeurs ces choses, au lieu même où il serait le plus facile pour chacun de les obtenir. Et il serait bien juste que cet habitant intrépide du désert fût envoyé comme un ange devant la Face du Seigneur, ouvrît la porte du royaume céleste, et en qualité de précurseur et de témoin, fût digne d'entendre la Voix du Père parlant du ciel, de toucher le Fils en Le baptisant, et de voir descendre le saint Esprit.
Et enfin le Seigneur Lui-même, notre Sauveur, à peine baptisé, comme le dit l'Ecriture (cf. Mt 4,1), est conduit au désert par l'Esprit ! Et quel est donc cet Esprit ? Aucun doute que ce ne soit le saint Esprit. Mais justement, que le saint Esprit L'entraîne au désert, par là même Il le dicte, Il l'inspire en secret, et le désert devient une digne suggestion de l'Esprit saint. A peine baigné dans le fleuve mystique, Jésus ne croit rien avoir de plus pressé que de se rendre au désert. Et cependant, Lui, Il avait sanctifié les eaux sanctifiantes elles-mêmes et Il n'avait eu à purifier aucun péché de l'homme, car Il n'avait pas commis le péché et ne craignait pas le péché. Et malgré cela, Il brûlait du désir du désert, et, voulant être en tout un exemple salutaire, Il désirait pour nous ce qui n'était pas digne de Lui ! Or, si le désert était agréable à Dieu en Celui qui était affranchi de nos erreurs, combien est-il plus nécessaire à l'homme soumis à tant d'égarements ! Si l'innocence le recherchait, combien plus le pécheur doit-il le désirer !
Et c'est là aussi, loin du vacarme des foules, que le Seigneur reçoit les ministères de la Puissance divine, c'est au désert, comme s'il était déjà remonté au ciel, que les anges lui apportent leur office ! (cf. Mt 4,11).
C'est là qu'Il a repoussé les tentations insidieuses de l'ennemi antique. Là que le nouvel Adam a repoussé celui qui avait triomphé du premier Adam. Ô gloire magnifique du désert : le démon, vainqueur au paradis, est vaincu au désert !
C'est encore au désert que notre Sauveur, à l'aide de cinq pains et de deux poissons seulement, nourrit, rassasia, assouvit cinq mille hommes ! (cf. Mt 14).
C'est toujours au désert que Jésus nourrit les siens. Jadis la manne fut le signe de la Bonté divine. Mais cette fois, on remporte des fragments. Ce fut un même miracle de faire tomber la nourriture sur des affamés et de la multiplier pour des convives. Grâce à ses Dons, les aliments l'emportèrent sur les besoins du banquet. Au désert, dis-je, au désert il faut que nous accordions le mérite de tant de miracles : la vertu aurait-elle dévoilé sa puissance, si le lieu avait eu l'abondance ?
Et voici que Jésus, notre Seigneur, monte jusqu'aux sommets les plus reculés d'une montagne. Il n'emmène que trois témoins choisis avec lui. Et son visage se met à briller d'un éclat inaccoutumé ! Et c'est alors que le plus grand des apôtres, contemplant son Humanité publiquement transfigurée, crut pouvoir proclamer au désert sa Majesté, en s'écriant : "Il nous est bon d'être ici !" (Mc 9) Voulant signifier qu'il aimait la splendeur du prodige dans le mystère du désert !
Le même Jésus, notre Seigneur, comme il est écrit (Lc 5,16), se retirait en un lieu désert pour y prier.
On doit donc désormais appeler le lieu de la prière celui qu'un Dieu, en priant Dieu, a déclaré et proclame destiné à cela et duquel, la prière se faisant humble pénètre mieux les cieux, à l'aide du cadre local, parce qu'il avait les honneurs du mystère. En y priant Lui-même, Jésus, en oraison, a montré où Il voulait que nous priions quand nous nous adressons à Lui.

Exemples tirés de l'histoire récente de l'Eglise

Que dire maintenant de Jean et de Macaire et de beaucoup d'autres , dont la vie, écoulée dans les déserts, se déroulait dans les cieux, ceux-là ont approché le Seigneur autant qu'il était permis à l'homme. Ils ont été admis à l'accomplissement des œuvres divines autant qu'il était possible à des êtres de chair ! Leur esprit fixé vers les sommets pénétra dans les secrets célestes, et, avec l'aide de la grâce, ils furent élevés soit par des révélations cachées, soit par d'éclatants miracles, si haut qu'avec l'aide de la solitude ils parvinrent à ne plus toucher la terre que par le corps, alors que par l'esprit, ils possédaient déjà le ciel.

Eloge du désert

Concluons donc que cette demeure du désert est, pour ainsi dire, le siège de la foi, l'arche de la vertu, le sanctuaire de la charité, le trésor de la piété, le tabernacle de la justice. Car de même que dans une grande maison, tous les objets précieux sont enfermés en des cachettes bien closes, ainsi cette richesse des saints cachés au désert, bien enfermée derrière ses barrières propres, est mise en dépôt, pour ainsi dire, dans l'arsenal fermé de la solitude, de crainte que le contact des fréquentations humaines ne la détériore. Et c'est bien à propos que le Seigneur a non seulement caché tous ces trésors en cette partie de la demeure humaine, mais sut également, quand il le fallait, les retirer de cette cachette !
Jadis, la divine Providence témoigna, à l'égard du désert, d'une souveraine et supérieure sollicitude. Mais de nos jours encore, elle n'est pas petite. Lorsqu'en effet les habitants de la solitude reçoivent de Dieu, avec une abondance inespérée, leur nourriture, n'est-ce pas comme si elle tombait du ciel ? A eux aussi la Munificence divine accorde la manne et le Seigneur ne déploie pas moins la force de son Bras pour leur fournir, par des voies cachées, leurs aliments ! Et lorsque les rochers transpercés, par la Grâce de Dieu, font couler les eaux du milieu des pierres, n'est-ce pas exactement ce que Moïse avait fait, en frappant le rocher pour en faire jaillir les eaux ? De même, pour les vêtements, voici qu'ils ne connaissent pas l'usure, chez les habitants du vaste désert, puisque la Providence divine les remplace gratuitement, quand il le faut, en sorte qu'ils demeurent intacts, en se succédant ! Le Seigneur a nourri les siens, autrefois, au désert, et Il le fait encore maintenant ; ceux-là, durant quarante ans, et ceux-ci, aussi longtemps qu'il y aura des années !
C'est donc avec raison que le saint, enflammé du Feu divin, quitte sa demeure pour celle du désert; qu'il le préfère à ses enfants, à ses proches, à ses parents, à la société de tous les siens. C'est avec raison qu'il dit adieu à une patrie aimée, pour donner le nom de patrie temporaire à celle-ci, d'où ne l'arracheront ni la crainte, ni le regret, ni la joie, ni la peine. C'est avec raison, pour tout dire, qu'elle remplace par lui toutes les affections.

Les bienfaits du désert

Qui pourra dignement énumérer les bienfaits de la solitude et les avantages de la vertu de ses habitants ? Placés dans le monde, ils ne sont pour ainsi dire plus du monde ! Selon le mot de l'apôtre, "errants dans les déserts, sur les montagnes, dans les cavernes et les grottes de la terre", c'est bien justement que le même apôtre déclare que le monde n'est pas digne d'eux (cf. Hb 11,38).
Ils sont, en effet, étrangers au tumulte de la république humaine, séparés, tranquilles, silencieux, moins soustraits à la volonté qu'à la faculté même de pécher !
Chez les anciens, des hommes illustres de ce monde, fatigués du poids des affaires, se sont parfois réfugiés dans la philosophie comme dans leur demeure propre. Comme il est plus beau encore de se tourner vers les études de cette sagesse éclatante et plus magnifique de se plonger dans la liberté des solitudes et les secrets du désert, pour ne plus s'adonner qu'à cette philosophie, en s'y exerçant dans les déambulatoires du désert comme dans leurs gymnases particuliers ! Où donc, je le demande, la Pâque est-elle mieux observée que dans la demeure érémitique ? Mais observée surtout par les vertus, et spécialement par la continence, la continence, dis-je, qui est comme un désert du cœur. C'est au désert que Moïse a donné au jeûne quarante jours continus, et après lui, Elie, reculant l'un et l'autre les limites des forces humaines. Puis, le Seigneur voulut, à son tour, consacrer le même temps à l'abstinence, mais au désert ! Et nous ne trouvons pas que l'on ait pu remplir par le jeûne ces mêmes espaces de temps en d'autres lieux. On en vient à croire que le Seigneur a conféré à ces lieux mêmes une telle vigueur !
Où donc, je vous prie, est-il possible d'avoir plus de loisir pour goûter combien le Seigneur est suave ? Où donc une voie plus commode est-elle ouverte à qui tend à la perfection ? Où trouver un champ plus vaste pour les vertus ? Où le recueillement de l'esprit est-il plus facile pour qu'il puisse regarder autour de lui ? Où le cœur sera-t-il plus dégagé, dans ses intentions, pour s'efforcer d'adhérer à Dieu, que dans ces lieux écartés où non seulement il est aisé de trouver Dieu, mais encore de Le garder.
Quoique, souvent, au désert, on rencontre des étendues de sable fin, nulle part cependant l'on ne saurait jeter plus solidement les fondements de notre maison évangélique ! Si l'on y réside dans le sable, ce n'est pas sur le sable qu'on y construit sa demeure. Nulle part mieux que là, cet édifice n'est puissamment établi sur le roc, pour durer, en sa masse indestructible, par une stabilité immuable, en sorte que ni les vents des tempêtes, par leurs assauts, ni les flots, par leurs attaques, ne puissent le renverser ! C'est que les habitants du désert se bâtissent de tels édifices, mais dans leurs cœurs ! Ils recherchent les sommets par les bas-fonds, les hauteurs par l'humilité. Ils dédaignent et oublient les choses terrestres pour l'espoir et le désir des célestes ! Ils repoussent, préférant être pauvres, les richesses, et veulent être pauvres, afin de devenir riches. Jour et nuit, dans le travail et les veilles, ils luttent, afin d'embrasser le principe de cette vie qui ne doit pas avoir de fin. Ainsi, le désert, en son sein maternel, abrite ces véritables avares d'éternité, très prodigues de ce qui passe, indifférents au présent, mais assurés de l'avenir. Et grâce à eux, ceux en qui les siècles passés trouvent leur fin, parviennent aux siècles sans fin. En ce lieu, brûlent les saintes lois de l'homme intérieur et les règles du siècle éternel, plus subtilement qu'ailleurs. Les sentences qui frappent les crimes et les forfaits humains perdent ici leur force. Il n'y est plus question de châtier les fautes capitales. Si le cœur n'est très pur, les lois indignes le rendent coupable. Le mouvement intérieur de l'âme met toute son étude à s'enfermer dans les limites de la justice. Le cœur, se jugeant lui-même, frappe jusqu'au principe des plus léger les pensées. Que pour d'autres, il soit mal d'avoir fait le mal, pour eux il est mal de n'avoir pas fait le bien ! Mais comment pourrais-je vénérer, par un hommage juste, toutes les institutions intimes du désert ? Il y a toutefois ceci que je ne puis passer sous silence, que la force de vertu qui se trouve en ses habitants est presque aussi connue qu'elle est cachée ! A mesure qu'ils se retirent plus loin du monde et de la société des humains, dans le désir d'être inconnus, il leur est impossible de dérober leur mérite ! Plus leur vie se tourne vers le dedans, plus leur gloire éclate au dehors, par une disposition spéciale de Dieu, à mon sens, car Il veut que l'habitant de sa solitude soit caché au siècle mais ne soit pas caché comme exemple ! Telle est la lumière qui resplendit à travers l'univers entier, placée sur le candélabre du désert, et répandant de là sa clarté la plus éclatante sur les membres enténébrés du monde ! Telle est la cité qui ne peut être cachée, parce qu'elle est bâtie sur la montagne du désert et qu'elle est l'image sur terre de la céleste Jérusalem ! Si donc on est dans les ténèbres, on doit s'approcher de cette lumière, afin d'y voir clair; si l'on est en péril, il faut se diriger vers cette cité, pour être à l'abri !

Hautes faveurs mystiques au désert

O combien douces, pour ceux qui ont soif de Dieu, ces solitudes écartées ! Qu'elles sont agréables à ceux qui cherchent le Christ, ces vastes étendues, où tout se tait ! Alors l'âme joyeuse est excitée par les stimulants du silence à monter vers son Dieu; alors elle se nourrit d'ineffables extases . Nul bruit n'intervient, nulle voix ne se fait entendre, si ce n'est celle qui parle avec son Dieu ! Et lorsque le son exquis de cette voix brise le silence de la solitude et tombe sur cette âme, un frémissement plus doux que le repos même et le saint tumulte de la plus délicate conversation vient rompre cet état de quiétude paisible. Alors les choeurs fervents vont frapper le ciel de leurs hymnes suaves et l'on parvient jusqu'aux cieux à la fois par les voix et par les prières !
C'est en vain que frémit, en tournant autour de ce bercail, l'adversaire, comme un loup autour des brebis enfermées dans la bergerie ! Le loup est arrêté par les murailles. De même les ennemis sont repoussés par l'étendue du désert. "Ce n'est pas en vain que veillent ceux qui gardent la cité !" (Ps 126,1).
On est gardé là par le Christ combattant avec nous. Le peuple adoptif de Dieu est tout ensemble exposé dans l'immensité des espaces du désert et cependant clos à tous ses ennemis !
Les beaux espaces du désert sont visités par les choeurs des anges, dans la joie, et ils illuminent par de fréquentes visites les habitants de la solitude, comme par l'échelle de Jacob !
C'est là aussi que "l'Epoux repose au milieu du jour." (Can 1,6). Les habitants du désert, blessés d'amour, Le contemplent en s'écriant : "Nous avons trouvé celui que notre cœur aime et nous ne le laisserons plus s'éloigner !" (Can 3,4)
Et il ne faut pas croire, comme on le fait, qu'il est stérile et infructueux, le sol du désert, et que les rochers de la solitude brûlée soient privés de fécondité ! Là les germes se multiplient, et produisent au laboureur cent pour un. Il n'y arrive pas aisément que la semence tombe le long du chemin et soit enlevée par les oiseaux, ni qu'elle s'égare parmi les pierres, où ne trouvant pas de racines, elle sèche au lever du soleil, ni qu'elle s'échappe au milieu des épines et soit étouffée par les ronces quand elles poussent ! Le cultivateur recueillera ici une moisson abondante. Ces pierres produiront une récolte apte à engraisser les os eux-mêmes ! On y trouve le pain vivant qui est descendu du ciel. De ces rochers jaillissent des fontaines abondantes et des eaux vives qui suffisent non seulement à rassasier, mais encore à sauver. C'est là que se trouve le pré et le plaisir de l'homme intérieur. Ce désert inculte offre des agréments merveilleux, il est à la fois désert pour le corps et paradis pour l'âme !
En résumé, nulle terre ne peut se glorifier de sa fertilité, en comparaison du désert !
Est-il une terre riche en fruits ? En celle-ci, croît le froment qui "rassasie de sa graisse ceux qui en mangent" (Ps 148,14). En est-il une autre qui se réjouit de vignes chargées de raisins ? En celle-ci, se récolte surtout "le vin qui donne la vraie joie au cœur de l'homme " (Ps 103,15). Cette troisième l'emporte-t-elle par l'élevage des troupeaux ? C'est en celle-ci que paissent les plus saintes des brebis, celles dont il est dit : "Paix mes brebis !" (Jn 21,17). Cette autre se décore-t-elle de fleurs au printemps ? C'est surtout en celle-ci que brille "la fleur des champs et le lis des vallées" (Can 2,1).
Enfin, en est-il une dernière qui soit exaltée pour ses métaux précieux et charmants, ou toute rutilante de son or ? En celle-ci, les divers éclats des pierres précieuses font rayonner leurs couleurs sous une vibrante lumière. Ainsi, sur tous les points, cette terre est supérieure à toutes les autres et dans tous les biens. C'est donc à juste titre, ô terre vénérable que tu as été ou habitée ou désirée par les saints. Tu as été fertile à leur profit, puisque tu remplaçais pour eux toutes les richesses. Tu exiges un cultivateur qui cultive sa terre et non la tienne. Tu es stérile pour les vices, à tes habitants, et féconde en vertus. Quiconque a recherché tes demeures y a trouvé Dieu. Quiconque t'a cultivée a rencontré le Christ. Celui qui t'habite jouit de son Seigneur habitant en son cœur ! C'est la même chose de te posséder et d'être possédé par Dieu. Celui qui ne se refuse pas à tes espaces devient le temple de Dieu.

A la gloire de Lérins

Je dois, certes, mon respect à tous les lieux du désert que la retraite des justes a illuminés, mais j'aime et honore entre tous ma chère Lérins, qui reçoit dans son sein plein de miséricorde ceux qui lui viennent, au sortir des naufrages de ce monde orageux. Elle introduit affectueusement sous ses ombrages tous ceux qu'a dévorés l'ardente chaleur du siècle, pour qu'ils puissent reprendre haleine, en cet abri intime. Elle abonde en eaux vives, en ombrages verdoyants, en fleurs parfumées. Agréable aux yeux comme aux narines, elle s'offre à ceux qui l'habitent comme un vrai paradis.
Elle était digne d'être établie dans les célestes disciplines, sous l'autorité d'Honorat. Elle méritait d'avoir un père si grand, pour de si grandes institutions, tout rayonnant de la vigueur et de l'aspect de l'esprit apostolique. Elle méritait, en le recevant, de briller d'un tel éclat. Elle est digne de nourrir les moines les plus éminents et de produire des prêtres que l'on envie. Maintenant, elle possède son successeur, qui se nomme Maxime, illustre par cela même qu'il a mérité d'être mis à sa place. Elle a eu Loup, au nom révéré, qui nous a rappelé ce loup de la tribu de Judas. Elle a possédé son frère, Vincent, une pierre précieuse, éclatante par son éclat intérieur. Elle possède encore le vénérable Caprais que sa gravité égale aux saints d'autrefois. Elle possède enfin ces pieux vieillards qui, en leurs cellules séparées, ont introduit dans nos Gaules les pères d'Egypte. 
Quels groupes de saints, ô bon Jésus, quelles assemblées ai-je vues en ces lieux ! Là, de précieux vases d'albâtre répandaient les parfums les plus suaves. Partout, soufflait l'odeur de la vraie vie ! Leur seul aspect extérieur révélait l'état intérieur des âmes ! Ils étaient étroitement serrés dans la charité, abaissés dans l'humilité, adoucis dans la piété, affermis dans l'espérance, modestes dans leur démarche, prompts à l'obéissance, silencieux en leur rencontre, sereins dans leurs visages ! A les voir, on dirait, dès l'abord, une troupe d'anges de la paix ! Ils ne désirent rien, ne regrettent rien, si ce n'est Celui qu'ils désirent encore en Le regrettant. Au temps même où ils recherchent la vie bienheureuse, ils en jouissent, et pendant qu'ils Le poursuivent, ils L'obtiennent ! Ainsi, veulent-ils être séparés des pécheurs ?
Ils le sont. Mener une vie chaste ? Ils la mènent ! Consacrer toute leur vie à louer Dieu ? Ils l'y consacrent ! Se réjouir dans les assemblées des saints ? Ils s'y réjouissent ! Posséder le Christ ? Ils le possèdent ! Vivre de la vie du désert ? Ils en vivent manifestement ! De la sorte, par une Grâce très riche du Christ, un grand nombre des biens qu'ils désirent pour l'avenir leur sont accordés dans le présent. Ils ont déjà la réalité, alors qu'ils poursuivent l'espérance. Ils trouvent dans le travail même une magnifique récompense du travail parce qu'ils découvrent, en s'y livrant, presque tout ce qui doit en être le prix. Votre retour en leur société, très cher Hilaire, vous a apporté à vous, mais à eux aussi, le plus grand profit, puisqu'ils se réjouissent allégrement de ce retour même. 
Je vous supplie, avec eux, de ne pas oublier de prier pour mes péchés; avec eux, dis-je, dont je ne sais si vous leur avez apporté plus de joie qu'ils vous en donnent. Vous êtes maintenant le véritable Israël, vous contemplez Dieu en votre cœur, délivré que vous êtes de l'Egypte, c'est-à-dire des ténèbres du siècle, ayant passé les eaux salutaires qui ont englouti vos ennemis, suivi au désert la colonne de feu, et vous expérimentez la douceur des breuvages amers d'autrefois transformés par la croix du Christ, cette eau qui jaillit vers la vie éternelle, vous la recevez du Christ.
Vous nourrissez votre homme intérieur d'un pain venu d'en haut. Vous entendez la Voix divine, qui vous annonce votre trône. Parce que vous êtes enfermé au désert avec Israël, vous entrerez avec Jésus dans la Terre promise ! Adieu, dans le Christ, Jésus, notre Seigneur !
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