L’archéologie et les anges
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L’archéologie et les anges
L’archéologie et les anges
Les anges ou « messagers » de Dieu n’ont d’intérêt pour l’archéologue que dans la mesure où ils correspondent à des figures concrètes! L’archéologue, en effet, ne découvre pas des « idées » mais leurs représentations.
La hiérarchie d’anges la mieux connue dans l’Écriture et la tradition chrétienne, est sans conteste celle des chérubins. L’iconographie chrétienne les représente comme de jolies têtes d’enfants, rondes et rosées, munies d’une ou deux paires d’ailes. Dans le langage populaire on leur fait référence pour dire qu’une personne est jolie, gracieuse ou encore qu’on l’affectionne de façon particulière. Mais les découvertes archéologiques nous ont encore ici réservé quelques surprises!
Une première remarque doit être tirée à partir de la découverte des textes anciens. Le mot chérubin n’est évidemment pas d’origine française! Il est tout simplement la transcription dukerûbîm hébreu, le pluriel de kerûb; en toute logique, nous devrions plutôt dire un « chérub » et non « chérubin », si nous voulons désigner un seul de ces anges. Nous savons maintenant que ce terme hébreu correspond au karîbu des textes mésopotamiens, qui désigne un génie (ou un esprit) dont la fonction est de garder quelque chose où d’intercéder pour quelqu’un. Le verbe (karâbu) dont dérive le nom signifie « prier, bénir, saluer… ». L’archéologie nous a fait connaître plusieurs de ces génies qui sont toujours représentés comme des être hybrides réunissant des éléments de corps d’un homme, d’un animal et d’un oiseau. Des taureaux à têtes humaines et munis d’ailes sont postés dans les portes des villes, des palais et des temples, comme leurs gardiens fidèles. On peut en voir de magnifiques exemplaires dans les grands musées d’Europe! On les appelait des lamassu.
Mais à quoi pouvait ressembler les chérubins? Étant donné leur fonction, dans le Proche-Orient ancien, on les a rapprochés du sphinx (et de la sphinge), qui n’est rien d’autre qu’un lion ailé à tête humaine (si ce lion ailé a une tête d’oiseau, on l’appelle un griffon). En effet cette figure est connue dans tout le Proche-Orient depuis le IIIe millénaire; on le rencontre ensuite en Grèce et même en Italie, chez les Étrusques.
En Égypte, le sphinx symbolise la force; c’est pourquoi le pharaon se fera souvent représenter sous la forme d’un sphinx. Mais c’est surtout comme gardien des portes des villes, des temples et des palais qu’on nous le fait connaître. On entrait parfois dans un temple en passant d’abord par une allée bordée de nombreux sphinx. Cette fonction est connue en Mésopotamie et chez les Hittites, en Asie Mineure.
Partout où on le rencontre, sauf en Mésopotamie, on le trouve aussi comme gardien des trônes des rois et des dieux. Dans cette fonction, on le représente en paire, constituant même le siège sur lequel le roi et le dieu s’assied. Le corps et quatre des pattes de ces lions particuliers servent de siège, leurs têtes, d’accoudoirs, et leurs ailes relevées et courbées, de dossier. Le personnage qui s’assied sur ce type de trône est littéralement assis sur des sphinx, comme enveloppé dans leur force protectrice. En Phénicie, on a fait la découverte d’un bon nombre d’un type particulier de ces trônes à sphinx, sur lesquels personne ne peut s’asseoir : le siège est à la fois trop étroit et de plus fortement incliné vers le bas! Par contre, sur le dossier ou sur son socle, on sculpte les symboles d’une divinité. Ainsi, de façon invisible, tel dieu ou telle déesse y prend place en roi ou reine.
Cependant leur fonction la plus largement et la plus souvent représentée, à toutes les époques de l’Antiquité, est nettement celle de gardien de l’arbre sacré, en général le palmier, qui est presque toujours présenté sous sa forme très stylisée, où l’on devine à peine les branches et les régimes de dattes : nous l’appelons une « palmette ». C’est ainsi que sur une foule d’objets (poteries, supports à bassins, plaquettes décoratives, fresques, etc.) nous voyons deux sphinx (ou sphinges) flanquant une palmette. L’arbre sacré, symbole de la fertilité et de la vie en tant que don divin, est perpétuellement confié à la garde de ces génies protecteurs.
Si nous nous tournons maintenant vers les principaux textes de l’Ancien Testament mentionnant les chérubins, nous devons bien retenir les traits suivants. Tout d’abord, en Ez 28,14, on assimile le roi de Tyr, fort du caractère invincible de sa ville, à un chérubin directement qualifié de génie protecteur, ce qui confère au roi une quasi nature divine!
Nous rencontrons encore les chérubins à la fin du récit de la chute du premier homme. Puisqu’il a désobéi à Dieu en mangeant du fruit de l’« arbre de la connaissance du bien et du mal », il est chassé du paradis, où croît toujours l’« arbre de vie » (sans doute un palmier); pour que l’homme n’y ait plus accès, Dieu place devant ce jardin deux chérubins! (Gn 3,24). On pouvait voir sur les murs intérieurs du temple de Salomon des chérubins flanquant des palmettes (1 R 6,29); le même motif décoratif était sculpté sur les portes intérieures du temple (1 R 6,32.35), et sur les bases roulantes des bassins à purification dans la cour du temple (1 R 7,36).
Surtout, c’est en relation avec l’arbre d’alliance que sont mentionnés les chérubins. Il est remarquable de noter que Yahvé porte alors le nom très développé de : « Yahvé des armées siégeant sur les chérubins » (1 S 4,4; 2 S 6,2; 2 R 19,15; Ps 80,2; 99,1; etc.); on dira même de façon plus réaliste qu’il « chevauche les chérubins » (2 S 22,11). Quand Salomon eut terminé la construction du temple, il fit installer l’arche dans la salle la plus sacrée de ce lieu saint, confiée à la garde de deux chérubins (1 R 6,23-28). Si Yahvé est désormais invisiblement ou mystérieusement présent dans le saint des saints, sur ce symbole de sa présence qu’est l’arche (1 R 8,1ss) et si nous nous rappelons son titre de « siégeant sur les chérubins », on peut facilement se représenter l’arche comme un trône (vide) à sphinx, assorti de son tabouret, ce qui lui confère ainsi son caractère de coffret, auquel il est aussi fait allusion (entre autres pour déposer les tables de la loi : v. 8-9).
Il est inutile d’insister : ce que l’archéologie nous révèle de la fonction et de la forme du sphinx, nous y reconnaissons facilement ce génie protecteur appelé karîbu en Mésopotamie, et kérûb/kérubîm en Israël. Les témoignages écrits et figurés sont trop en consonance pour que nous puissions en douter. Tout en restant fidèle à un seul Dieu, Yahvé, Israël a voulu que son Dieu, de même que son roi, soient protégés par ce génie puissant entre tous! Et que dire de l’« arbre de vie », symbole si évocateur que toute vie est un don direct de ce même Dieu! Par l’usage d’un tel symbole, Israël n’a pas voulu affaiblir sa foi monothéiste.
Les anges ou « messagers » de Dieu n’ont d’intérêt pour l’archéologue que dans la mesure où ils correspondent à des figures concrètes! L’archéologue, en effet, ne découvre pas des « idées » mais leurs représentations.
La hiérarchie d’anges la mieux connue dans l’Écriture et la tradition chrétienne, est sans conteste celle des chérubins. L’iconographie chrétienne les représente comme de jolies têtes d’enfants, rondes et rosées, munies d’une ou deux paires d’ailes. Dans le langage populaire on leur fait référence pour dire qu’une personne est jolie, gracieuse ou encore qu’on l’affectionne de façon particulière. Mais les découvertes archéologiques nous ont encore ici réservé quelques surprises!
Ivoire de Samarie du VIIIe siècle : un chérub passant.
Musée d’Israël (Jérusalem)
Musée d’Israël (Jérusalem)
Une première remarque doit être tirée à partir de la découverte des textes anciens. Le mot chérubin n’est évidemment pas d’origine française! Il est tout simplement la transcription dukerûbîm hébreu, le pluriel de kerûb; en toute logique, nous devrions plutôt dire un « chérub » et non « chérubin », si nous voulons désigner un seul de ces anges. Nous savons maintenant que ce terme hébreu correspond au karîbu des textes mésopotamiens, qui désigne un génie (ou un esprit) dont la fonction est de garder quelque chose où d’intercéder pour quelqu’un. Le verbe (karâbu) dont dérive le nom signifie « prier, bénir, saluer… ». L’archéologie nous a fait connaître plusieurs de ces génies qui sont toujours représentés comme des être hybrides réunissant des éléments de corps d’un homme, d’un animal et d’un oiseau. Des taureaux à têtes humaines et munis d’ailes sont postés dans les portes des villes, des palais et des temples, comme leurs gardiens fidèles. On peut en voir de magnifiques exemplaires dans les grands musées d’Europe! On les appelait des lamassu.
Mais à quoi pouvait ressembler les chérubins? Étant donné leur fonction, dans le Proche-Orient ancien, on les a rapprochés du sphinx (et de la sphinge), qui n’est rien d’autre qu’un lion ailé à tête humaine (si ce lion ailé a une tête d’oiseau, on l’appelle un griffon). En effet cette figure est connue dans tout le Proche-Orient depuis le IIIe millénaire; on le rencontre ensuite en Grèce et même en Italie, chez les Étrusques.
En Égypte, le sphinx symbolise la force; c’est pourquoi le pharaon se fera souvent représenter sous la forme d’un sphinx. Mais c’est surtout comme gardien des portes des villes, des temples et des palais qu’on nous le fait connaître. On entrait parfois dans un temple en passant d’abord par une allée bordée de nombreux sphinx. Cette fonction est connue en Mésopotamie et chez les Hittites, en Asie Mineure.
Détail de la plaquette d’ivoire de Megiddo (XIVe siècle avant J.-C.) montrant un roi assis sur un trône à chérubins, entouré de la reine, de porteurs de cadeaux et d’une joueuse de lyre.
Musée d’Israël (Jérusalem)
Musée d’Israël (Jérusalem)
Partout où on le rencontre, sauf en Mésopotamie, on le trouve aussi comme gardien des trônes des rois et des dieux. Dans cette fonction, on le représente en paire, constituant même le siège sur lequel le roi et le dieu s’assied. Le corps et quatre des pattes de ces lions particuliers servent de siège, leurs têtes, d’accoudoirs, et leurs ailes relevées et courbées, de dossier. Le personnage qui s’assied sur ce type de trône est littéralement assis sur des sphinx, comme enveloppé dans leur force protectrice. En Phénicie, on a fait la découverte d’un bon nombre d’un type particulier de ces trônes à sphinx, sur lesquels personne ne peut s’asseoir : le siège est à la fois trop étroit et de plus fortement incliné vers le bas! Par contre, sur le dossier ou sur son socle, on sculpte les symboles d’une divinité. Ainsi, de façon invisible, tel dieu ou telle déesse y prend place en roi ou reine.
Ivoire de Gurub (Égypte) du VIIIe siècle : deux chérubins flanquant une palmette.
Cependant leur fonction la plus largement et la plus souvent représentée, à toutes les époques de l’Antiquité, est nettement celle de gardien de l’arbre sacré, en général le palmier, qui est presque toujours présenté sous sa forme très stylisée, où l’on devine à peine les branches et les régimes de dattes : nous l’appelons une « palmette ». C’est ainsi que sur une foule d’objets (poteries, supports à bassins, plaquettes décoratives, fresques, etc.) nous voyons deux sphinx (ou sphinges) flanquant une palmette. L’arbre sacré, symbole de la fertilité et de la vie en tant que don divin, est perpétuellement confié à la garde de ces génies protecteurs.
Si nous nous tournons maintenant vers les principaux textes de l’Ancien Testament mentionnant les chérubins, nous devons bien retenir les traits suivants. Tout d’abord, en Ez 28,14, on assimile le roi de Tyr, fort du caractère invincible de sa ville, à un chérubin directement qualifié de génie protecteur, ce qui confère au roi une quasi nature divine!
Nous rencontrons encore les chérubins à la fin du récit de la chute du premier homme. Puisqu’il a désobéi à Dieu en mangeant du fruit de l’« arbre de la connaissance du bien et du mal », il est chassé du paradis, où croît toujours l’« arbre de vie » (sans doute un palmier); pour que l’homme n’y ait plus accès, Dieu place devant ce jardin deux chérubins! (Gn 3,24). On pouvait voir sur les murs intérieurs du temple de Salomon des chérubins flanquant des palmettes (1 R 6,29); le même motif décoratif était sculpté sur les portes intérieures du temple (1 R 6,32.35), et sur les bases roulantes des bassins à purification dans la cour du temple (1 R 7,36).
Surtout, c’est en relation avec l’arbre d’alliance que sont mentionnés les chérubins. Il est remarquable de noter que Yahvé porte alors le nom très développé de : « Yahvé des armées siégeant sur les chérubins » (1 S 4,4; 2 S 6,2; 2 R 19,15; Ps 80,2; 99,1; etc.); on dira même de façon plus réaliste qu’il « chevauche les chérubins » (2 S 22,11). Quand Salomon eut terminé la construction du temple, il fit installer l’arche dans la salle la plus sacrée de ce lieu saint, confiée à la garde de deux chérubins (1 R 6,23-28). Si Yahvé est désormais invisiblement ou mystérieusement présent dans le saint des saints, sur ce symbole de sa présence qu’est l’arche (1 R 8,1ss) et si nous nous rappelons son titre de « siégeant sur les chérubins », on peut facilement se représenter l’arche comme un trône (vide) à sphinx, assorti de son tabouret, ce qui lui confère ainsi son caractère de coffret, auquel il est aussi fait allusion (entre autres pour déposer les tables de la loi : v. 8-9).
Il est inutile d’insister : ce que l’archéologie nous révèle de la fonction et de la forme du sphinx, nous y reconnaissons facilement ce génie protecteur appelé karîbu en Mésopotamie, et kérûb/kérubîm en Israël. Les témoignages écrits et figurés sont trop en consonance pour que nous puissions en douter. Tout en restant fidèle à un seul Dieu, Yahvé, Israël a voulu que son Dieu, de même que son roi, soient protégés par ce génie puissant entre tous! Et que dire de l’« arbre de vie », symbole si évocateur que toute vie est un don direct de ce même Dieu! Par l’usage d’un tel symbole, Israël n’a pas voulu affaiblir sa foi monothéiste.
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