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Le sexe et religion

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Message  Arlitto Sam 26 Mar 2016, 10:33

Le sexe et religion la grande hypocrisie

Le chrétien et la sexualité



NDLR: Nous avons fait un effort pour ne pas choquer par les propos et l’ensemble de ce qui est dit est appuyé avec la Parole de Dieu. Toutefois, nous suggérons aux personnes  non mariées qui se pensent susceptibles d’avoir une oppression à la lecture de ce contenu de ne pas poursuivre la lecture. 


Avec l’émancipation et la libéralisation des mœurs, nous vivons le contre coup de siècles d’obscurantisme et d’hypocrisie en matière de sexualité. Cet aspect des plus intimes de l’humain a longtemps connu une négation totale. Il était considéré comme l’expression animale, bestiale de l’être. Cela vient en partie de la mauvaise interprétation du verset suivant : « Dieu les bénit et Dieu leur dit : soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la » (Genèse 1 :28). Pour beaucoup de religieux, la relation sexuelle ne devait avoir pour unique but que la procréation.Le reste, c’est à dire l’attirance et le désir sexuel, n’était pas de Dieu mais du malin.


S’en suivit une grande période d’hypocrisie et de frustration pour les hommes mais surtout au niveau de la gente féminine. La misogynie ambiante refusait à la femme le droit d’être épanouie sexuellement puisqu’elle n’était là que pour donner des héritiers males. L’excision et l’infibulation étaient, et sont encore aujourd’hui, les façons les plus simples et les plus radicales au regard des hommes pour annihiler toute forme de plaisir féminin. Cet état d’esprit est encore fortement ancré dans les mentalités de certains pays maghrébins, subsahariens ou encore asiatiques. En Europe, la clitoridectomie était pratiquée dès le XVIIIème siècle et avait pour but, selon les médecins de l’époque, de soigner entre autres l’hystérie féminine. Selon les adeptes de ces mutilations d’hier et d’aujourd’hui, et ce toutes croyances et religions confondues, cela réduirait la libido féminine et aiderait les femmes à résister aux actes sexuels «illicites».  En réponse à ces pratiques surannées et à l’obscurantisme religieux, l’Europe, notamment par l’entremise du philosophe français Charles Fourrier (1772-1837), revendiqua le droit à l’hédonisme, à l’érotisme et au libertinage.  Les pays occidentaux acquirent peu à peu « la liberté sexuelle » en se débarrassant des carcans religieux. Désormais, ce qui compte c’est l’obtention du plaisir, seul ou à plusieurs. Cette libéralisation des mœurs a pris une telle ampleur que tout l’espace public est dédié à l’érotisme. Ce qui était autrefois tabou est désormais exhibé en place publique. Et à ce jeu, l’égalité hommes-femmes est parfaite. Beaucoup de nouveaux convertis ayant vécu dans l’impudicité dans le monde sont dans la confusion une fois mariés dans le Seigneur. En effet, entre les souvenirs et les mauvaises habitudes du passé et le souci de garder le lit conjugal exempt de toute souillure (Hébreux 13 :4), ils peinent à trouver l’équilibre et l’épanouissement dans cet aspect de la vie de couple.


La sexualité est un thème largement abordé dans la Bible puisqu’elle fait partie intégrante de la vie de chaque homme. La Parole de Dieu nous enseigne qu’elle doit avoir lieu dans un cadre précis : le mariage et uniquement le mariage (Ephésiens 5 :22-31). « N’avez-vous pas lu que le Créateur, au commencement, fit l’homme et la femme et qu’Il dit : C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme et les deux deviendront une seule chair» Matthieu 19 :3.
Mais avant d’aller plus loin, il nous faut définir ce qu’est une relation sexuelle. Selon le site internet teljeunes.com, c’est un échange de caresses entre des partenaires qui cherchent à se procurer une excitation et un plaisir sexuel mutuel. Elle ne se limite pas uniquement à l’acte de la pénétration, ni à l’atteinte absolue d’un orgasme qui est le plus haut point du plaisir sexuel ; elle inclut les baisers, les touchers, les caresses, l’exploration du corps de son/sa partenaire, la relation orale, la masturbation réciproque.


Les Écrits scripturaires ne sont pas très prolixes à ce sujet, comme d’ailleurs pour tout ce qui a attrait au sexe en général. Cependant, par les histoires qui nous sont relatées nous pouvons aisément définir comment Dieu définit une relation sexuelle saine. Pour répondre à cette question, il faut nous plonger dans les profondeurs de la Parole et du livre du Cantique des Cantiques. Ce livre est souvent considéré comme une bible dans la Bible, celle des relations amoureuses. Des pasteurs suggèrent même à leurs ouailles d’en lire des extraits afin d’attiser et augmenter leur libido, une sorte de porno chic à la sauce chrétienne. Or le livre des Cantiques n’est pas un kamasutra hébraïque ou chrétien, mais un hymne rédigé par deux amoureux : Salomon et la femme Sulamite. Les descriptions, métaphores et figures de styles utilisées traduisent la profondeur et la puissance de leur amour et leur désir l’un pour l’autre. Les quatre premiers chapitres ne sont que mots doux, caresses et baisers. Les descriptions que chacun fait de l’autre montrent qu’ils se connaissent parfaitement jusque dans les endroits les plus intimes de leurs corps. On peut estimer que ce n’est qu’au chapitre cinq qu’ils n’ont fait qu’ « une seule chair » : « Je suis entré dans mon jardin, ô ma sœur, ma fiancée ; j’ai récolté ma myrrhe et mon baume, j’ai mangé de mes rayons de miel, j’ai bu de mon vin et mon lait… » (Cantique 5 :1).  Quant à Isaac et Rebecca, ils badinaient, c’est à dire qu’ils plaisantaient avec légèreté sous les fenêtres d’Abimélec roi des Philistins (Genèse 26 :8-9), non comme un frère et une sœur peuvent le faire mais comme deux amoureux. C’est en les observant s’amuser qu’Abimélec comprit le lien qui les unissait. Après la lecture du livre des Cantiques, on en conclut que la Bible approuve la définition donnée plus haut sauf sur les relations bucco-génitales que nous aborderons plus en détail un peu plus loin dans l’article.


Pour ce qui concerne la masturbation solitaire dans le cadre du mariage ou encore en dehors de celui-ci, elle ne doit pas être pratiquée. « Il n’y a pas de mal à se faire du bien » entend-on dire ! Cet argument utilisé par les païens est hélas validé par des chrétiens qui sont pourtant censés se sanctifier corps, âme et esprit (1 Thessaloniciens 5 :23). Or il faut savoir que pour à peine une minute de plaisir, on gagne un allé simple pour l’enfer s’il n’y a pas de repentance sincère. Cet acte est une réponse à une pulsion sexuelle induite par l’imagination, par la vue d’une personne, d’une image, d’un film, ou encore la lecture d’un livre ayant suscité la convoitise qui, nous vous le rappelons, est un péché (Exode 20 :17). Cela revient donc à dire que quelqu’un qui se masturbe a une relation sexuelle avec lui-même. Si cette personne est célibataire, elle commet la fornication et si elle est mariée, c’est un adultère.


« Mais chacun est tenté parce que sa propre convoitise l’attire et le séduit. Puis la convoitise, lorsqu’elle a conçu, enfante le péché ; et le péché, parvenu à son terme engendre la mort » (Jacques 1 :14-15).


Nous l’aurons compris, la pénétration n’est pas indispensable pour atteindre un orgasme puisque les caresses peuvent être un moyen de l’atteindre. La chair est extrêmement faible, c’est pourquoi il est très fortement déconseillé aux fiancés de se toucher et de s’embrasser. J’ai coutume de dire que le sexe c’est comme un paquet de chips : une fois entamé on ne peut plus s’arrêter jusqu’à ce que le paquet soit vide. L’excitation prenant le pas sur la raison, il est difficile de s’arrêter.

« Car l’amour est fort comme la mort, La jalousie est inflexible comme le séjour des morts» (Cantiques 8 :6). Ce verset est la démonstration parfaite de ce que l’amour peut susciter comme effet s’il n’est pas correctement encadré par la Parole.


Pierre et surtout Paul ne cessèrent d’interpeller les lecteurs de leurs épîtres au sujet de la sexualité dans le mariage  et en dehors de celui-ci. Ils mirent en garde contre la fornication, l’impureté, l’inconduite, l’homosexualité ou encore le travestissement … « C’est suffisant, en effet, d’avoir, dans le passé, accompli la volonté des païens en marchant dans le dérèglement, les convoitises, l’ivrognerie, les orgies, les beuveries et l’idolâtrie criminelle. Ils trouvent étrange que vous ne couriez pas avec eux vers ce débordement de débauche, et ils vous calomnient » (1 Pierre 4 :3). Conscients de l’origine et de la culture (romaine, hellénistique) des nouveaux convertis de l’époque, ils étaient donc lucides sur le fait que beaucoup avaient participé à des rituels orgiaques en l’honneur de divinités telles que Diane ou Aphrodite. Les contemporains grecs et romains de Paul estimaient qu’il était tout à fait normal qu’un maître ait des relations sexuelles avec son esclave ou une personne autre que son époux/épouse officiel(le). Ces pratiques n’étaient d’ailleurs pas considérées comme de l’adultère. De plus, la prostitution n’était pas proscrite mais institutionnalisée. Quant à l’homosexualité, elle était ouvertement pratiquée et encouragée du moment que « l’homme libre » était actif. L’empereur romain Néron (37-68) est un très bon exemple des mœurs de cette époque. D’abord amant du prince Othon (32-69), il prendra successivement pour femmes Octavie (40-62) puis Poppée (30-65) et épousera en 66, « par amour », son nubile esclave Sporus. Par la suite, Néron assuma complètement sa bisexualité en se travestissant en femme pour épouser le viril affranchi Doryphore.

Est-il encore besoin de rappeler que le Seigneur hait toutes ces pratiques que le monde actuel plébiscite de nouveau ? Même si le libertinage, l’adultère et l’homosexualité sont aujourd’hui monnaie courante, nous ne dévons en aucun cas nous adonner à de telles perversions. En effet Dieu nous donne par sa grâce la  force de fuir cette impudicité ambiante pour se maintenir dans la sanctification (1 Corinthiens 6 :18).
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Message  Arlitto Sam 26 Mar 2016, 10:33

QUE LE LIT CONJUGAL SOIT EXEMPT DE TOUTE SOUILLURE !

 « Que le mariage soit honoré de tous, et le lit conjugal exempt de souillure, car Dieu jugera les impudiques et les adultères » Hébreux 13 :4.
La sexualité dans le cadre du mariage doit être sanctifiée. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces deux mots ne sont pas incompatibles. Nous devons donc veiller afin de ne pas souiller le temple que nous sommes par des pratiques et des pensées qui ne conviennent pas à des enfants de Dieu. « Ce que Dieu veut c’est votre sanctification ; c’est que vous vous absteniez de l’inconduite ; c’est que chacun de vous sache tenir son corps dans la sainteté et l’honnêteté, sans se livrer à une convoitise passionnée comme le font les païens qui ne connaissent pas Dieu » 1 Thessaloniciens 4 :3-5.




Le sexe et religion  Couple





La Parole énumère clairement, notamment dans le livre du Lévitique aux chapitres 18 à 20, certaines pratiques sexuelles illicites  à savoir  la zoophilie, l’homosexualité et l’inceste. Aussi, certaines personnes estiment que du moment qu’elles s’abstiennent de ces comportements, elles peuvent se permettre de faire plein d’autre choses que la Bible ne mentionne pas. Ceux qui adoptent ce point de vue sont en tort et font preuve d’une hypocrisie manifeste car il est évident que la Parole ne donne pas une liste exhaustive de tous les péchés ; autrement il faudrait des encyclopédies entières pour tous les citer. Par exemple, la Bible ne mentionne nulle part la cocaïne et pourtant il est clair que Dieu la proscrit non seulement parce que la loi  de notre société réprime son usage, or il nous faut être soumis aux autorités (Tite 3 :1), mais aussi parce que les Ecritures disent que nous ne devons pas nous enivrer (Ephésiens 5 :18). Que l’on sache, il n’y a pas que le vin qui enivre…

Si les apôtres ne mentionnaient pas nommément certaines pratiques c’est tout simplement parce qu’ils n’avaient pas besoin de le faire pour que leur auditoire comprenne. En effet, quand Paul interpella les disciples de Rome sur le fait que « leurs femmes ont remplacé les relations naturelles par des actes contre nature » (Romains 1 :26) il visait les épouses de leurs contemporains. Elles pratiquaient la s........ et les actes bucco-génitaux (fellation, cunnilingus), même si cela ne convenaient pas à leur rang, pour garder leurs maris à la maison. De plus, les romaines souhaitaient pour beaucoup une émancipation sexuelle et avaient donc un rôle actif dans la relation sexuelle avec leur conjoint, leurs esclaves ou des prostitués. La société romaine considérait que la sexualité était une récréation physique et « les hommes n’étaient gênés par aucune forme de pénétration phallique ni, de fait, par la masturbation. On pensaitgénéralement qu’un homme pouvait jouir de tels plaisirs autant qu’il voulait tant qu’il n’offensait pas la dignité d’une Romaine mariée à un autre romain ou celle d’un fils de citoyens romain ». Mais ces activités étaient considérées comme dégradantes si elles étaient accomplies avec des citoyens romains car c’était l’apanage des prostitués et des esclaves. Paul utilisait donc les interdits romains pour enseigner ce qui était convenable de faire dans le cadre des relations intimes. Pour les nouveaux convertis, le mariage revêtait ainsi un nouveau statut. Ce n’était plus un contrat social dénué généralement de tous sentiments amoureux, dont le but premier était la pérennité de la lignée, mais désormais le cadre de l’épanouissement personnel avec leur conjoint uniquement.


LA NATURE NOUS ENSEIGNE !
« Leurs femmes ont remplacé les relations naturelles par des actes contre nature » (Romains 1 :26). Qu’entend Paul par « relations naturelles » et « actes contre nature » ? Les mots « naturelles » et « nature » sont dérivés du grec « phusis » et signifie : produit par la nature, inné, naturel, agréable à la nature, gouverné par les instincts de la nature. On en conclut donc que les femmes romaines avaient remplacé ce qui était inné, gouverné par l’instinct, par des actes ayant subi une modification de l’homme. Faisons un peu de zoologie et d’anthropomorphisme et voyons ce qui se passe dans la nature. Après la parade amoureuse, temps de séduction qui peut s’apparenter aux préliminaires chez l’homme, nombre d’animaux, mammifères ou non, s’accouplent de manière interne c’est à dire par les voies génitales. Certes, on observe chez certains animaux comme les dauphins et les bonobos, des relations anales du type male/male, mais les spécialistes ne voient dans ce comportement qu’un but social. Est-ce là une raison de les imiter ? Bien sûr que non ! La pénétration vaginale est donc dans l’ordre naturel des choses. Les autres sortes de pénétration, qu’elles soient anales ou buccales, sont des modifications de l’usage naturel.

Le comportement de nos chers contemporains nous rappelle à bien des égards les comportements des romains à l’époque antique. Nous vivons dans un temps où  l’on se croit tout permis. On considère que tous les fantasmes sont réalisables. Ce n’est pas ce que la Bible nous enseigne.

« Celui qui ferme les yeux pour se livrer à des pensées perverses, Celui qui se mord les lèvres, a déjà consommé le mal » Proverbes 16 :30.
Le corps de l’autre est devenu un objet utile à l’obtention d’un plaisir personnel et purement égoïste. Une grande dissociation est faite entre le plaisir et l’amour. Cela est dû principalement à la banalisation de l’érotisme, de la pornographie et parfois même de la zoophilie. Cela vous paraît exagéré ? Et pourtant la campagne publicitaire de la marque Orangina est une parfaite illustration de cette tendance. Les concepteurs de ces spots ont érotisé des animaux en les représentant dans des positions plus qu’équivoques. Au risque de paraître alarmiste, ces réclames tapageuses préparent nos chers enfants à la banalisation de la zoophilie.

Ce que Dieu reprouvait chez les cananéens, les égyptiens, les babyloniens, les romains, les éphésiens ou encore les corinthiens, Il le réprouve tout autant de nos jours. Ces moments d’intimiténe sont pas voués à l’assouvissement de plaisirs personnels, induits par la convoitise de la chair, où seul son propre orgasme compte. Nous ne pouvons pas aller avec notre conjoint comme certains vont avec les prostitués. Cet acte réservé aux couples hétérosexuels et mariés n’est pas une fin en soi mais une continuité de la relation amoureuse. Tout comme dans les autres aspects du mariage, l’homme et la femme ne doivent faire qu’un. Cette fusion ne s’obtient pas par la mise en place de jeux sexuels, l’utilisation d’accessoires pour se stimuler, la recherche de positions sophistiquées ou  encore par l’accomplissement d’un fantasme (convoitise) comme nous l’enseigne le monde, mais par une communion où chacun cherchera le bien de l’autre. L’amour c’est un don de soi pour obtenir le bonheur de l’autre (Jean 3 :16 ; Jean 15 :13 ; 1 Corinthiens 13 :5). Ainsi l’acte sexuel, s’il est fait avec amour, peut être tout à fait satisfaisant dans la simplicité. C’est donc à cela que chaque enfant de Dieu doit aspirer.
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Message  Arlitto Sam 26 Mar 2016, 10:34

Le syndrome de l'hypocrisie sexuelle arabe 1/2  

"Dans le monde arabe, l'hypocrisie sexuelle est un mode de vie" explique Joumana Haddad, journaliste et poétesse libanaise. 

Dans le monde arabe, l'hypocrisie sexuelle est un mode de vie" explique Joumana Haddad, journaliste et poétesse libanaise.
Joumana Haddad est une journaliste, poétesse et écrivaine libanaise. En 2009, elle a créé le magazine Jasad, premier magazine du monde arabe consacré au corps et à l’érotisme. Elle est également l’auteur de « J’ai tué Schéhérazade. Confessions d’une femme arabe en colère », un manifeste féministe paru en 2010, en anglais. Je retranscris ci-dessous intégralement le texte d’une conférence en anglais qu’elle a donnée, mercredi 6 avril, à l’Université américaine de Beyrouth sur le thème : « L’hypocrisie sexuelle comme mode de vie dans le monde arabe ».

« Disons-le d’entrée de jeu : le sexe est un pêché. Le sexe est mal. Le sexe est interdit. Le sexe est immoral. Et certains rajouteront même : le sexe est dégoûtant.
Voilà comment la grande majorité des gens est élevée dans le monde arabe – dans notre soi-disant vingtième-et-unième siècle. Et quand je dis vaste majorité je ne fais aucune généralisation abusive.
Le sexe n’est pas seulement un pêché, mais c’est le pêché originel. Par conséquent, c’est le plus important et le pire de tous - du moins à en croire la littérature promue par les trois religions monothéistes.
Peu importe que le sexe soit la raison de l’existence du genre humain – nous devons encore le considérer comme le pêché fondateur. Nous devons continuer à croire que Dieu aurait sûrement inventé une autre manière pour permettre aux hommes et aux femmes de procréer… s’il n’y avait pas eu cette malicieuse Eve! Car qui est le principal responsable de cette épouvantable erreur ? La femme, bien sûr.
Donc le sexe est mal, interdit, dégoûtant. Et c’est bien pire, bien plus interdit, bien plus immoral et bien plus dégoûtant quand cela concerne les femmes et, dans notre cas, les femmes arabes.
Ce qui nous amène au sujet de mon intervention : l’hypocrisie sexuelle et la politique du « deux poids deux mesures » dans le monde arabe. Inutile de préciser qu’une courte intervention est largement insuffisante pour traiter de toutes les causes et symptômes du syndrome de l’hypocrisie sexuelle arabe.

Mon premier point concerne la pratique des crimes d’honneur. Laissez-moi vous présenter Maha. Maha était une jordanienne de 24 ans qui s’est rendue coupable de tomber enceinte après avoir été violée par son voisin. Elle a donc été tuée par son frère pour avoir sali l’honneur de la famille. Elle a été poignardée à plusieurs reprises au visage, dans le cou et le dos. Et a été suspendue à un croc de boucher.
Le voisin coupable s’est contenté de nier les faits. Et la cour jordanienne a condamné le frère à 6 mois de prison.

Pour justifier la légèreté de la peine, la cour affirma que l’acte était dû à l’état de rage dans lequel se trouvait le frère – ce qui l’aurait conduit à agir de manière irrationnelle.
La cour considéra aussi que le « comportement honteux » de la femme s’éloignait des traditions de la société jordanienne et portait atteinte à l’honneur et à la réputation de sa famille.
De fait, la loi jordanienne condamne les hommes à des peines « allégées » s’ils tuent une femme de leur famille qui les a déshonorés. Par deux fois, le gouvernement a essayé d’annuler cette disposition. Mais elle a été maintenue par la chambre basse du Parlement.
Donc, pour faire court, si une femme ose avoir des relations sexuelles hors mariage - qu’elle l’ait voulu ou non, comme dans le cas de Maha - elle doit mourir. Mais si un homme tue sa sœur, il est condamné à 6 mois de prison.
Le problème ne concerne-t-il que la Jordanie ? On le souhaiterait.

Le Fonds pour la population des Nations-Unies estime que 5000 filles par an sont victimes de crimes d’honneur perpétrés par des membres de leur propre famille. Mais de nombreux groupes de femmes au Moyen-Orient pensent que le nombre des victimes est en réalité quatre fois supèrieur.

De toute évidence, les crimes d’honneur s’appliquent aux femmes, mais pas aux hommes. Avez-vous jamais entendu parler d’une femme arabe qui aurait tranché la gorge de son frère parce qu’il avait eu une relation sexuelle hors mariage ? Brisons-là. Certaines questions n’appellent pas de réponse.

Mon deuxième point concerne la célébration de la virginité. De nombreuses femmes arabes doivent demeurer vierges jusqu’au mariage. Dans un monde normal, cela passerait pour une blague de mauvais goût mais ce n’est pas le cas.
Pas dans un monde arabe où un intérêt énorme est porté à la chasteté des femmes et à leur comportement moralement irréprochable.
Pas dans un monde arabe où les hommes sont supposés accumuler les expériences sexuelles (plus il y en a, mieux c’est, forcément) mais où les femmes doivent attendre patiemment le "vainqueur" (ultimate blessed conquerer) à qui elles donneront leur vagin immaculé.
Pas dans un monde arabe où la notion d’honneur est intimement liée à ce qu’il y a entre les jambes d’une femme. Et où les corps des femmes sont considérés comme étant une propriété de l’homme.
Pas dans un monde arabe où les femmes sont considérées comme étant des êtres humains surnaturels qui naissent et grandissent sans besoins sexuels, pulsions ou fantasmes.
Pas dans un monde arabe où tellement de gens se sont entichés des concepts de vertu et de pureté.

Où tout cela nous conduit-il ? Entre autres choses, à la reconstruction chirurgicale de l’hymen (une pratique qui est largement appréciée au Liban et dans d’autres pays) ou à l’utilisation d’hymens artificiels – comme ceux qui sont fabriqués en chine et qui ont presque causé un incident diplomatique entre l’Egypte et la Chine.

Les hymens en plastique à 30 dollars qui permettent aux femmes de « réparer » leur pureté ont provoqué l’ire de nombreux religieux égyptiens qui ont demandé l’interdiction du produit. En le considérant comme une mutilation des valeurs et des traditions arabes.
Mais d’après moi, le plus douloureux, c’est la façon dont les femmes acceptent cette humiliation et tolèrent les compromis en ce qui concerne leurs droits. De nombreuses jeunes mariées sont même emmenées par leur propre mère chez le gynécologue afin de re-fabriquer leur hymen.

Je le répète : si nous vivions dans un monde normal, cela passerait pour une blague de mauvais goût. Mais vous ne me verrez pas rire de sitôt.
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Message  Arlitto Sam 26 Mar 2016, 10:35

Le syndrome de l'hypocrisie sexuelle arabe 2/2 

"Dans le monde arabe, l'hypocrisie sexuelle est un mode de vie" explique Joumana Haddad, journaliste et poétesse libanaise.
Joumana Haddad est une journaliste, poétesse et écrivaine libanaise. En 2009, elle a créé le magazine Jasad, premier magazine du monde arabe consacré au corps et à l’érotisme. Elle est également l’auteur de « J’ai tué Schéhérazade. Confessions d’une femme arabe en colère », un manifeste féministe paru en 2010, en anglais. Je retranscris ci-dessous intégralement le texte d’une conférence en anglais qu’elle a donnée, mercredi 6 avril, à l’Université américaine de Beyrouth sur le thème : « L’hypocrisie sexuelle comme mode de vie dans le monde arabe ».


Mon troisième point concerne la discrimination envers les femmes écrivains qui traitent de la sexualité. De fait, la plupart des hommes arabes peuvent écrire assez librement sur le sexe tandis que les femmes sont toujours accusées d’être «scandaleuses ».
Pour comprendre cela, il faut mentionner l’opération de démolition castratrice qui a été menée sans discontinuer contre la langue arabe.

Voyez-vous, la langue arabe se flatte d’être riche en allégories, symboles et synonymes. Donc pourquoi prendre le risque de dire « seins » quand on peut broder infiniment sur les « collines » ou les « montagnes » – selon la taille du soutien-gorge ?
Pourquoi heurter la sensibilité du lecteur en mentionnant le pénis, quand on peut dire « colonne », « pipe » ou toutes autres métaphores phalliques ? Pourquoi utiliser le mot « clitoris » quand on peut utiliser son imagination pour le nommer « fleur de paradis » ou « lèvres du paradis » ?

Ne vous méprenez pas sur la nature de mes sarcasmes. J’adore les images. Mais une métaphore doit être un choix. Pas une imposition.
Tous ces doubles discours, toutes ces limites que de nombreux écrivains arabes ont dû affronter et affrontent toujours s’appliquent beaucoup plus tyranniquement aux femmes qu’aux hommes. Et dans de nombreux cas, elles ne s’appliquent pas du tout aux hommes.
Car dans notre cher monde arabe les hommes ont le droit de parler inconditionnellement de leurs organes génitaux. Et ils sont également autorisés à parler de ceux de la femme – en cadeau bonus.

Tandis que la femme - à quelques exceptions prés - doit se contenter d’être la réceptrice des mots de l’homme. Le sujet passif du texte de l’homme. Car elle n’est pas née pour s’exprimer – mais plutôt pour « être exprimée ». C’est pour cette raison que de nombreux critiques réservent le mot « audacieuse » aux femmes écrivains.

Si une femme commet une transgression, elle est « audacieuse ». Si un homme commet une transgression, c’est banal car cela signifie qu’il traite de tous les aspects de la vie dans ses textes.
Si une femme parle de sexe, entre autres choses, elle sera inévitablement décrite comme une « audacieuse » auteure érotique.

Si un homme écrit sur le même sujet, ce sera simplement un sujet parmi d’autres. Donc quand allons- nous, dans le monde arabe, arrêter de parler du corps et du sexe en utilisant des métaphores tortueuses ou de terribles clichés ?
Quand allons-nous défier la lâche censure – et la lâche auto-censure - qui impose une réécriture tragi-comique des mots et une dissociation hypocrite et pathétique entre ce que nous pensons et ce que nous disons ?
Les femmes doivent prendre leurs responsabilités. Mesdames et messieurs, il est temps que les femmes cessent de se plaindre et se décident à faire quelque chose en prenant leurs responsabilités.
Et quelle est la responsabilité de la femme arabe, dans cette discussion ? Quelle est sa responsabilité au regard de l’hypocrisie sexuelle dont elle est la victime et au regard des obstacles mis à son libre-arbitre ?
A mon avis, sa responsabilité consiste à refuser de se faire laver le cerveau par un tas de personnes qui veulent la tenir à distance et utilisent le sexe comme un moyen de la contrôler.

Sa responsabilité consiste à réaliser qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond avec tous les diktats de ces religions qui sont principalement représentées par des dieux et des figures masculines : popes, cheikhs, ayatollahs, prêtres, prophètes…
Sa responsabilité consiste à croire en son droit à mener une vie sexuelle normale. Une vie sexuelle qui n’e soit pas freinée par l’ignorance, l’éducation patriarcale, les tabous sexistes ou les interdictions stupides.

Sa responsabilité consiste à éduquer ses filles et ses fils de façon à permettre aux générations futures d’avoir un plus grand respect et une plus grande compréhension pour le corps et la sexualité – au lieu de tous les complexes absurdes qui sont les nôtres aujourd’hui.
Concernant les gens qui lui diraient qu’en tant que femme arabe, elle doit chercher le salut chaque fois qu’elle a une relation sexuelle hors mariage ou sans but reproductif, elle devrait les laisser à leurs convictions ridicules. Après tout, c’est leur seule consolation dans la vie !

Quant à ceux qui l’accuseraient d’être contaminée par l’Occident si elle réclame son droit au libre-arbitre, elle devrait simplement leur demander de relire la déclaration des droits de l’homme, adoptée par la plupart - si ce n’est par tous - les pays arabes. La liberté n’est pas un monopole occidental.

Pour conclure, je dirais qu’être arabe aujourd’hui signifie, pour beaucoup mais heureusement pas pour tous, que vous devez être un hypocrite. Cela signifie que vous ne pouvez pas vivre, penser et dire ce que vous voulez vraiment vivre, penser et dire - honnêtement, spontanément et sans arrières pensées.

Nous sommes une grande nation arabe schizophrène, dont la grande majorité est rassemblée derrière la bannière de l’ignorance, de l’arriération et du mensonge.
Je pourrais continuer sans fin sur ce sujet. Je pourrais vous parler des manifestantes égyptiennes qui ont récemment été obligées de passer des tests de virginité. Ou de la championne de boxe libanaise sur qui son père a tiré il y a deux jours à Berlin parce qu’elle avait quitté la maison pour vivre avec son compagnon.

Ou de cette étudiante saoudienne qui a été étranglée par son grand frère qui avait découvert qu’elle tchattait avec un homme sur Facebook. Ou des 8000 femmes qui sont victimes chaque jour de mutilations sexuelles, et sont ainsi privées de leur droit au plaisir sexuel. Ou de la duplicité avec laquelle ont traite les droits des homosexuels arabes.

Mais ne remuons pas le couteau dans une plaie déjà bien ouverte. Et bien saignante.
Mesdames et messieurs, le sexe n’est pas mal. Ce qui est mal c’est notre attitude misogyne du « deux poids deux mesures ». Le sexe n’est pas dégoûtant. Ce qui est dégoûtant ce sont nos valeurs sexistes. Le sexe n’est pas immoral. Ce qui est immoral, c’est notre épouvantable hypocrisie.

Donc nous devons y faire face. Et essayer de nous en sortir.

Merci. »
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Le sexe et religion  Empty Re: Le sexe et religion

Message  Arlitto Sam 26 Mar 2016, 10:37

Taoïsme

Jouissance, volupté et longévité


La gestion de la sexualité dans le taoïsme passe par une régulation des forces yin et yang entre partenaires masculin et féminin. Son but : favoriser l’équilibre interne de chacun, afin de régénérer sa vitalité.


Depuis l’Antiquité, deux sources nourrissent la Chine sédentaire : le confucianisme et le taoïsme. Le premier considère la vie en société comme essentielle et place la vertu d’humanité au sommet de ses préoccupations ; le second, plus intime, se donne la joie de vivre le plus possible comme objectif primordial. À la base de ces deux enseignements, se trouve l’idée qu’à chaque être vivant est attribué à sa naissance un lot, une durée de vie. Cette sorte de capital « énergétique » se manifeste extérieurement par une place dans sa famille et dans la société ; et intérieurement par une incarnation physique, une santé spécifique.

Un exercice sérieux, total

Si le confucianisme va se porter sur la gestion sociale de ce capital de départ, le taoïsme lui va chercher à le développer au niveau personnel. C’est pourquoi tous les arts physiques chinois se sont épanouis sous son obédience. Tous, en effet, ont le même objectif : yang sheng ; littéralement, « nourrir le vivre », qui ne connaît ni début ni fin, un trésor dont chacun des 10 000 êtres vivants porte une parcelle en lui. Seul l’être humain, qu’aucune destinée religieuse ne différencie des autres créatures vivantes, a une particularité spécifique : la conscience qu’il a de cette réalité, et donc la possibilité d’agir sur ce capital reçu à la naissance, en le diminuant par une conduite dissolue ou en le renforçant par une conduite appropriée. C’est dans ce cadre que se construit la vision taoïste de la sexualité.

Tout ce qui existe résulte d’un entrecroisement du yin et du yang - ces composants déterminent pour chaque être des propensions spécifiques. L’éclair, par exemple, violent et intense, est bien plus chargé de yang que la montagne ; il lui manque la durable stabilité. La montagne, de son côté, a besoin de la pluie féconde que l’éclair déclenche pour se couvrir de verdure. Il en est de même pour les humains en général, et pour leur comportement sexuel en particulier. La manifestation masculine de la sexualité sera plus yang, extérieure, rapide, superficielle ; et sa forme féminine plus yin, intérieure, lente et profonde. Mais le yin et le yang ne sont pas l’homme et la femme, ce ne sont que des essences, des fluides dont chaque sexe est porteur. C’est pourquoi leur réunion est favorable à cet échange, mais à la double condition que cet échange se produise et qu’alors il soit régulé. La sexualité devient un exercice sérieux, total, mobilisant tout ce que nous sommes pour une régulation et une augmentation de la vitalité.

Pour cela, la jouissance de chacun des partenaires est essentielle. Mais pour qu’elle ait lieu, il faut que soit prise en compte la différence avec laquelle chacun y parvient. La jouissance masculine est yang, simple, directe, « mécanique » ; la jouissance féminine est yin, plus profonde, plus mystérieuse. Le premier enseignement de la sexualité taoïste est que l’homme doit provoquer la jouissance de sa partenaire s’il veut bénéficier des bienfaits du « Tao de l’art d’aimer » (lire plus loin).

Stratégies et bienfaits

On comprend mieux alors pourquoi les enseignements de la sexualité taoïste s’adressent majoritairement aux hommes : parce que la régulation de la sexualité est un domaine où les hommes ont beaucoup plus à apprendre que les femmes. Cela ne tient à aucun primat du yang, mais simplement à la conjonction de deux faits : tous les êtres vivants, qu’ils soient hommes ou femmes, parce qu’ils sont vivants, chauds, mobiles, sont naturellement du côté du yang et, pour des raisons bien plus culturelles que naturelles, les hommes sont plus réceptifs aux conduites yang et les femmes aux conduites yin. La sagesse chinoise en a tiré une conclusion efficace, trop souvent négligée tant par les Occidentaux que par les Chinois : la stratégie yang, naturelle chez tous les vivants, n’a pas besoin d’être cultivée. C’est la stratégie yin, moins « évidente » mais plus efficace, qui doit être mise en œuvre résolument, car elle est source de multiples bienfaits.

La « voie de la souplesse »

Cette prise de position, qui est également à la base du judo - dit la « voie de la souplesse » ou la « voie du yin » -, fonde la gestion taoïste de la sexualité, dans une optique de régénération de la vitalité. Celle-ci est exposée dans le Su Nu Jing, littéralement le Classique de la fille de candeur. Cet ouvrage fondateur se présente sous la forme d’un dialogue entre Huang Di, l’Empereur jaune - personnage mythologique à l’origine de la nation chinoise et au cœur de la tradition taoïste - avec Su Nu, littéralement la « fille de candeur », son instructrice dans l’art d’utiliser la sexualité bien tempérée pour atteindre la longévité. De ce vieux classique, Jolan Chang, un taoïste chinois, a tiré une adaptation moderne : Le Tao de l’art d’aimer (Calmann-Lévy, 1994), un ouvrage que tout homme découvre toujours trop tard et qui devrait être glissé sur la table de nuit des jeunes adolescents, afin de découvrir la sexualité sous un jour moins angoissant. Son idée de base est la dissociation entre jouissance et éjaculation : pour que l’échange des essences yin et yang se fasse, l’orgasme des deux partenaires est nécessaire ; mais pour qu’il soit énergétiquement vivifiant, il faut qu’ils y parviennent sans qu’il y ait éjaculation.

Une « habitude néfaste »

La femme doit pour cela développer en elle sa composante yang pour émettre son essence yin vers l’homme qui, de son côté, doit privilégier sa composante yin pour la recevoir. Chacun a besoin de la jouissance de l’autre pour augmenter son harmonie interne. Jolan Chang le spécifie bien : « C’est par habitude que nous qualifions l’éjaculation de point suprême du plaisir masculin, habitude néfaste, dans laquelle les puritanismes ont enraciné le sentiment tragique qui encombre la sexualité occidentale. à la “petite mort”, le taoïsme oppose la grande vie cosmique que la maîtrise de l’éjaculation permet à chacun d’approcher. On lit en effet dans le Su Nu Jing : “On croit en général que l’homme tire un grand plaisir de l’éjaculation. Mais lorsqu’il apprendra l’art taoïste d’aimer, il éjaculera de moins en moins. Son plaisir n’en diminuera-t-il pas ?” À quoi son interlocuteur répond : “Absolument pas. Après l’éjaculation, l’homme est fatigué, ses oreilles bourdonnent, ses yeux sont alourdis et il aspire au sommeil. Il a soif et ses membres sont inertes et ankylosés. Pendant l’éjaculation, il éprouve un bref instant de joie, mais il en résulte ensuite de longues heures de lassitude. Ce n’est pas vraiment de la volupté. Si au contraire, l’homme réduit et contrôle son éjaculation, son corps en sera fortifié, son esprit s’en trouvera ragaillardi, son ouïe plus fine et sa vue plus perçante. En maîtrisant la sensation que lui procure l’éjaculation, l’amour qu’il éprouve pour la femme grandit. C’est comme s’il ne pouvait la posséder en suffisance. Comment peut-on dire que ceci n’est pas une infinie volupté ?” »
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Message  Arlitto Sam 26 Mar 2016, 10:37

Antiquité

Quand la prostitution était sacrée


Dans les civilisations antiques, plaisir sexuel et sentiment religieux vont souvent de pair : les textes anciens évoquent les hiéroglyphes, des femmes aux mœurs libres œuvrant dans les temples. Une tradition condamnée par la Bible hébraïque.


Quelle ne fut pas la surprise des Anglais, au XVIIIe siècle, lorsqu'ils découvrirent l'existence, dans les temples hindous de l'Inde, d'une prostitution à caractère sacré : les servantes des dieux (dévadâsî) appartenaient à un époux divin qu'elles étaient tenues de divertir par leurs talents artistiques (chants, danses) et, pour que la jouissance soit parfaite, de combler charnellement. Mais leur divin mari étant par nature absent, c'était à ses invités qu'elles devaient offrir un avant-goût des plaisirs qui les attendaient dans l'au-delà, après la mort. Cette pratique perdura jusqu'à la fin du XIXe siècle. Non-exclusive au monde indien, on la trouve mentionnée dès la plus Haute-Antiquité dans d'autres civilisations, et en particulier dans le Proche-Orient ancien, où elle semble trouver sa lointaine origine.

C'est ainsi qu'Hérodote, au Ve siècle avant notre ère, évoque dans son Enquête (I, 199), « la plus honteuse coutume des Babyloniens. Il faut que chaque femme du pays, une fois dans sa vie, s'unisse à un homme étranger dans le temple d'Aphrodite (...). Lorsqu'une femme est assise là, elle doit attendre pour retourner chez elle qu'un étranger lui ait jetée de l'argent sur les genoux et se soit uni à elle à l'intérieur du temple (...). Lorsqu'elle s'est unie à l'homme, elle a acquitté son devoir à l'égard de la déesse et peut revenir chez elle ». Si cette coutume - dont l'historien grec a toutefois largement exagéré l'importance - est « honteuse » à ses yeux, c'est peut-être qu'il en ignorait les tenants et les aboutissants.

L'art de l'amour charnel

En effet, pour les Mésopotamiens - qui occupaient l'Irak actuel et dont la culture a rayonné dans tout le Proche-Orient antique, en particulier grâce à l'aura de la mythique Babylone -, rien de plus naturel que la sexualité, sur laquelle ils portaient un regard décomplexé, pour ne pas dire laudatif. Dans la célèbre Épopée de Gilgamesh, n'est-ce pas une prostituée, bien nommée Lajoyeuse (1), qui va civiliser l'un des protagonistes, le faisant passer de l'état de bête à celui d'homme par son art de l'amour ? Et puisque les Mésopotamiens ne concevaient pas leurs dieux autrement que comme des hommes « au superlatif », selon l'historien Jean Bottéro, ils les imaginaient très spontanément s'adonnant à une sexualité pas toujours sage...

La mythologie des Sumériens, qui furent parmi les premiers habitants de la Mésopotamie, relate notamment que le dieu Enlil, l'une des divinités suprêmes du panthéon, poursuivit de ses assiduités la jeune déesse Ninlil, la viola et la mit enceinte. Puni par l'assemblée des dieux, Enlil ne se priva pourtant pas de recommencer. Et que penser des amours de la déesse Inanna - plus tard appelée Ishtar puis rattachée à cette Aphrodite mentionnée par Hérodote ? Divinité féminine la plus importante en Mésopotamie, elle règne sur l'amour - mais que l'on se garde d'imaginer là un sentiment platonique : c'est bien l'amour physique, éminemment charnel et passionnel qu'elle régente. Elle-même est une déesse torride, insatiable dans ses ébats, n'hésitant pas à harceler sexuellement mortels et immortels, au travers de propos pour le moins explicites : « Quant à moi, à ma vulve, tertre rebondi, moi, jouvencelle, qui me labourera ? Ma vulve, ce terrain humide que je suis, moi, reine, qui y mettra ses bœufs (de labour) ? (...) Laboure-moi donc la vulve, ô homme de mon cœur ! »

Il n'est pas étonnant, dès lors, de relever l'existence de prières adressées par des hommes ou des femmes à la sensuelle déesse, dans le but de parvenir à leurs fins. Savoureuses par leur langage cru, elles montrent aussi qu'à cette époque, plaisir sexuel et sentiment religieux n'avaient rien d'antinomique : « Prends-moi ! N'aie pas peur ! Bande sans crainte ! Par ordre d'Ishtar, de Shamash, d'Ea et d'Asalluhi [d'autres dieux du panthéon] ! Cette recette n'est pas de moi : c'est celle-là même d'Ishtar, déesse de l'amour ! On recueillera quelques poils arrachés à un bouc en rut, un peu de son sperme (...) ; on amalgamera le tout ensemble pour le fixer aux lombes de l'amant, après avoir récité sept fois, par-dessus, la susdite prière. »Des multiples histoires d'amour d'Ishtar, la littérature mésopotamienne a surtout retenu celle qu'elle vécut avec Dumuzi (nommé Tammuz aux époques plus tardives), héros qui accéda au rang divin. Les textes révèlent une jeune déesse totalement subjuguée par son amant, constamment dans l'attente de l'étreinte ardente qui les unira.

Mariage sacré et fertilité

Cette folle passion a inspiré un rite religieux particulièrement important aux IIIe et IIe millénaires avant notre ère : le mariage sacré, dit hiérogamie. Censé mimer les amours d'Ishtar et de Dumuzi, il avait apparemment lieu - du moins aux époques les plus anciennes - lors de la fête du Nouvel An : le roi avait alors pour mission d'épouser la belle Inanna-Ishtar, incarnée ici-bas par sa représentante humaine. Les épousailles se concrétisaient par une véritable union sexuelle, célébrée ensuite dans la liesse populaire par un banquet, de la musique et des chants. La rencontre charnelle entre le roi et la déesse de l'amour était censée apporter fertilité au peuple et au pays. S'il était gage de récoltes abondantes, le mariage sacré témoignait aussi de l'approbation du pouvoir du roi par les dieux, ce que confirme un poème, La Bénédiction de Shulgi, un souverain de la fin du IIIe millénaire : « Lorsque le seigneur, le pasteur Dumuzi, couché près de [moi], la sainte Inanna, aura pétri mon sein laiteux et succulent, lorsqu'il aura porté la main sur ma sainte vulve (...). Lorsque, pareil à son bateau élancé, il y aura porté la vie, lorsqu'il m'aura caressée sur le lit : alors, je le caresserai et lui décréterai une destinée heureuse ! »

Une infidélité au Dieu d'Israël

On peut se demander qui, au moment de la cérémonie, assumait le rôle d'Ishtar. D'aucuns estiment qu'il s'agissait de la reine ; mais d'autres historiens penchent plutôt en faveur d'une prostituée sacrée, la hiérodule. Plusieurs documents font allusion à des pratiques sexuelles dans les temples - notamment un qui mentionne une prêtresse pratiquant la s........ pour éviter de tomber enceinte - et le vocabulaire relatif à la prostitution, cité dans Le Code de lois du roi Hammourabi de Babylone (XVIIIe siècle avant notre ère), est très riche : le terme kulmashitu ou qadishtu, en particulier, semble faire référence à des femmes aux mœurs libres œuvrant dans des temples.

Plus tard, la Bible, qui a pris naissance sur ces terres baignées de l'antique culture babylonienne, évoquera à son tour le phénomène de la prostitution sacrée. Ainsi, en Deutéronome 23, 18 : « Il n'y aura pas de prostituée sacrée parmi les filles d'Israël, ni de prostitué sacré parmi les fils d'Israël », ou en 2 Rois 23, 7, qui raconte comment le roi Josias « démolit les maisons des prostitués sacrés, qui étaient dans le temple de Yahvé et où les femmes tissaient des voiles pour Ashéra [une déesse] ». Faisant référence aux prostituées du temple de Samarie, Michée (2, 7) promet la colère de Yahvé. Mais la femme d'Osée est cependant une prostituée des cultes cananéens de fécondité, que le prophète a épousée sur ordre de Yahvé, car, dit-il, « le pays ne fait que se prostituer en se détournant de [moi] » (Osée 1, 2). La métaphore est ici particulièrement claire : la prostitution est assimilée à l'infidélité pure et simple envers le Dieu d'Israël. L'anathème le plus fort est jeté sur cette pratique.

La rédemption salvatrice

Et pourtant... Ne peut-on pas trouver, dans Le Cantique des Cantiques, d'étranges résonances entre ce magnifique chant d'amour et ceux qui sont entonnés par les hiérodules lors du mariage sacré : « Embrasse-moi à pleine bouche : tes caresses sont bien meilleures que le vin, (...) ta personne est un parfum qui embaume : les jeunes femmes sont folles de toi ! Entraîne-moi à ta suite : courons ! Le roi m'a introduite en sa chambre : folâtrons, jouissons de toi ! Ah, que l'on a raison de t'aimer ! » (1, 2-4) ? Il est vrai que l'exégèse biblique a interprété ce poème comme une métaphore de l'amour de Dieu envers son peuple. Un amour indéfectible, si l'on en croit le Nouveau Testament : né d'une vierge, Jésus aurait pu éprouver un mépris total envers les femmes faisant commerce de leur corps. Mais d'expliquer au contraire que « les publicains et les prostituées arrivent avant vous [les pharisiens qui observent scrupuleusement la Loi] au Royaume de Dieu » (Matthieu, 21, 31). Pécheresse suprême, la femme de mauvaise vie peut, à condition de se repentir, faire partie des élus. C'est d'ailleurs à Marie-Madeleine, prostituée consolée par sa foi, que Jésus ressuscité apparaît en premier lieu. La Madeleine et le Christ, ou l'ultime association entre la prostitution et le sacré ?

(1) Les traductions des langues de la Mésopotamie (sumérien et akkadien), des textes mythologiques et du Cantique des Cantiques sont empruntées à Jean Bottéro.

Pour aller plus loin

• Au commencement étaient les dieux, Jean Bottéro (Tallandier/L'Histoire, 2004).
• Le Mariage sacré, de Sumer à Babylone, Samuel Noah Kramer, traduction Jean Bottéro (Berg International, 1991).
• Histoire de la sexualité, Michel Foucault (Gallimard, 1994).
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Message  Arlitto Sam 26 Mar 2016, 10:38

Le sexe et les religions

L'obsession de la virginité


Dans les traditions religieuses, des déesses mères à Marie, la femme sacrée est vouée à une virginité éternelle. Aujourd'hui, si toutes les religions prescrivent la chasteté pré-maritale, c'est chez les musulmans et les évangélistes que cette quête de pureté est la plus exaltée.


Aussi loin que l'on remonte dans le temps, les déesses vierges ont toujours existé. C'est sous cet aspect que, de l'Inde à la Méditerranée, incarnant toutes les formes de fécondité, elles acquirent une influence dominante. Lorsque s'affirma le rôle du mâle dans la génération, des époux leur furent adjoints, mais qui n'étaient que leurs serviteurs. Régnant sur la nature entière, ces déesses conservèrent leur aspect à la fois maternel et virginal. Ainsi, Ishtar, Astarté et Anat, divinités de la fertilité et de l'amour du Proche-Orient sont-elles qualifiées de vierges, bien que ces Grandes Mères (Magna Mater) aient toutes des amants et un ou plusieurs fils. Dans ce cas précis, « être vierge » n'est pas synonyme de chasteté, mais désigne une femme qui n'est pas mariée ; être vierge dans le monde ancien se rapporte donc à une qualité. Mais pas seulement : c'est aussi une attitude psychologique et un état subjectif. Ainsi, en dépit d'une sexualité vivante et plurielle et de grossesses successives, ces déesses demeurent-elles vierges. Inscrites dans un système matriarcal, elles sont avant tout maîtresses d'elles-mêmes, donc libres de refuser ou d'accepter les demandes des hommes. Un aspect singulier, très éloigné de la tradition chrétienne, qui a pourtant survécu occasionnellement : Élisabeth Ière, surnommée la « reine vierge », collectionna les favoris. Mais l'acception du terme laisse entendre, ici, qu'aucun homme jamais ne la posséda (ou ne la déposséda d'elle-même).

Un pouvoir quasi magique
Pour Esther Harding, psychologue jungienne, la déesse mère vierge « est une par essence, elle n'est pas la simple réplique féminine d'un dieu mâle, elle possède son caractère propre, elle est l'ancienne et l'éternelle, la mère de Dieu ; le dieu qui lui est associé est son fils, elle le précède nécessairement. Elle possède sa divinité de plein droit ». Ainsi, Neith l'Égyptienne, créatrice de sa propre existence, qui se suffit à elle-même et qui engendre le dieu soleil Rê, sans partenaire mâle.
On retrouve cet état virginal dans les divinités et figures mythologiques guerrières (ou chasseresses) de l'Antiquité, comme Artémis, vouée à une virginité éternelle - elle rejette quant à elle tout contact amoureux -, Hippolythe, la reine des Amazones, Athéna ou encore Neith, armée de son bouclier et de ses flèches. La chasteté sacrée est ici le symbole de leur autonomie, elle n'a pas de connotation morale. Si ces déesses repoussent les hommes, c'est aussi pour conserver leur puissance extérieure et intérieure. Car la virginité présente un autre avantage pour le monde classique - dont héritera la chrétienté : elle confère un pouvoir quasi magique, celui de la force et de la pureté rituelle. Voilà pourquoi Héra, épouse de Zeus, mère de famille et divinité protectrice des femmes, se baignait chaque année dans la fontaine de Kanathos, afin de retrouver son pucelage.

« Une chapelle consacrée »
Dans le christianisme, Marie réunit tous les rôles attribués dans l'Antiquité aux déesses : mère, vierge, guerrière dominant les plantes et les animaux. Mais elle seule possède une virginité perpétuelle, et une impeccabilité absolue. En effet, pour les Pères de l'Église, la femme est la cause de la Chute, la tentatrice, que l'on range aux côtés de Satan. D'où l'impératif des premiers siècles de la chrétienté d'exempter la mère du Christ d'une sexualité abhorrée et d'affirmer sa pureté virginale. Le fils du Père ne peut être né que d'une matrice pure. Intacte, Marie est garante de la divinité de son fils et sa maternité virginale, la condition implicite de l'établissement du dogme.
Marie apparaît aussi comme la seconde ou nouvelle Ève, la mère du nouvel Adam dont le sacrifice rachète l'humanité déchue. Elle-même répare la désobéissance d'Ève et « libère ainsi par sa foi tout ce que son prototype avait tenu prisonnier », explique l'anthropologue des religions Edwin Oliver James. En 431, au concile d'Éphèse, où la Sainte Vierge est reconnue à la fois mère du Christ et Théotokos, mère de Dieu (c'est-à-dire mère à la fois de l'homme et du verbe de Dieu incarné), elle est proclamée « innocente et sans péché, inviolée, sans tache, qui a fleuri comme un lis parmi les épines... ignorante des mauvais penchants d'Ève ». Co-redemptrice, sa préservation de la souillure du péché originel est directement corrélée à la perfection inhérente à la personne du Christ. « Ô Marie, écrit saint Cyrille d'Alexandrie, véritable trésor de tout l'univers, couronne de la virginité... temple incorruptible. »
L'Église déclare définitivement sa virginité perpétuelle, qui a fait l'objet de débats théologiques, ante partum, in partu et post partum - avant, pendant et après - la naissance du Sauveur. C'est ainsi que le corps de la Vierge Marie devient, selon le philosophe Michel Cazenave, « temple de Dieu, une chapelle consacrée, une couche sanctifiée, et ses entrailles le trône où Jésus peut siéger ». Et la virginité chrétienne va prendre une dimension mystique, quasi prophétique : on vérifiera à plusieurs reprises l'hymen de Jeanne d'Arc, Dieu ne pouvant inspirer et parler qu'à une « pucelle ». Cette intégrité physique et spirituelle lui confèrera cette même puissance qui animait les guerrières antiques. Et le respect fidèle des troupes dont elle prendra la tête.

L'opprobre familial
Se « refaire une virginité » : c'est au sens propre que certaines communautés entendent aujourd'hui cette injonction. Par peur des représailles et de l'opprobre familial, des centaines de jeunes filles musulmanes se rendent chaque année dans les hôpitaux pour une réfection de l'hymen. Grâce à cette opération, le drap sera bien taché de sang le soir des noces. Un recours de plus en plus fréquent ces vingt dernières années, depuis que les jeunes Maghrébines nées en France sont l'objet d'un double message, celui du respect des traditions de leurs parents et celui de la liberté des moeurs prônée par la société occidentale. « Comme d'autres formes d'artifices, constate le philosophe Malek Chebel, la réfection d'hymen permet de sauver la face. » Sans oublier ces « certificats de virginité » que les médecins sont de plus en plus réticents à rédiger, malgré la pression des familles, y trouvant une atteinte à la dignité des femmes. Un conservatisme dont le Coran ne contient aucune trace, ni dans les prescriptions, ni dans les jugements de valeur. « La virginité relève de la tradition. Elle est l'équivalent d'un "livret de famille", explique Malek Chebel. À l'origine, elle représentait une forme de contrôle sur la fécondité de l'épouse et sur la descendance. Elle n'avait pas de connotation morale. Aujourd'hui, on peut y lire une volonté de culpabilisation des filles, surveillées de près par leur mère, afin de préserver l'honneur de la famille. »

Bals et « anneau de pureté »
Mais cette exigence de la virginité est loin de ne concerner que le monde musulman. En témoignent ces « bals des vierges » créés il y a une dizaine d'années aux États-Unis par Randy Wilson, un dirigeant du Family Research Council, prêcheur évangéliste et père de 7 enfants. Lors de ces soirées qui évoquent un mariage collectif, des jeunes filles, arrivant au bras de leur père, portent des robes longues et dansent autour d'une pièce montée. Parfois pré-pubères (certaines ont 8 ou 9 ans tout au plus), elles viennent ici y faire voeux de chasteté jusqu'à leurs noces, devant leur père qui s'engage à son tour... à ne pas tromper leur mère. Nombre d'entre eux glissent même un « anneau de pureté » au doigt de leur progéniture, dans un curieux rituel au parfum incestueux. Pourtant, si ces « bals de pureté » se répandent au sein des mouvements chrétiens conservateurs, les jeunes adeptes de l'abstinence finissent souvent par « craquer », comme le confirme une étude des universités de Columbia et de Yale parue en 2005. Enfin, dans les discours religieux et politiques - ceux de la génération Bush par exemple - bannissant le recours au préservatif, la virginité est aussi prescrite comme protection contre le VIH.

Une régulation sociétale de la sexualité

Si elle rend la femme inaccessible et, d'une certaine manière, la protège d'une sexualité non-choisie ou trop précoce, la virginité fut longtemps une manière pour les hommes de s'assurer de la paternité de leurs enfants. Et donc de préserver la lignée. Une régulation de la sexualité établie par la société, qui a longtemps mis la jeune fille à la merci de la virginité hyménale (alors que l'hymen peut se rompre en dehors d'un rapport sexuel). Dans la Grèce ancienne, perdre son pucelage avant le mariage équivaut à être déshonorée et laissée-pour-compte, tradition que l'on retrouve dans la civilisation chrétienne. À la fin de XIXe siècle, la virginité, symbole d'innocence sexuelle, est toujours considérée comme un état naturel et nécessaire pour les femmes célibataires. Et sa perte, un signe évident de corruption morale. Avec la libération sexuelle des années 1970, un rejet de la virginité obligée s'est fait jour chez les femmes qui ont choisi d'adopter un comportement plus « masculin ». Depuis les années 1990 pourtant, la virginité connaît une nouvelle vogue, surtout aux États-Unis, chez les jeunes, filles comme garçons.

POUR ALLER PLUS LOIN

* Les Mystères de la femme, Esther Harding (Payot, 2001).
* Le Culte de la déesse mère dans l'histoire des religions, Edwin Oliver James (Le Mail, 1989).
* Louanges à la Vierge, Michel Cazenave (Imprimerie nationale, 1996).
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Message  Arlitto Sam 26 Mar 2016, 10:38

Le sexe et les religions

L'ambivalence du judaïsme


Perpétuer l'espèce ou plaider la satisfaction du désir sexuel : la tradition juive a constamment oscillé entre la nécessité de réserver la sexualité à la procréation et la légitimation du plaisir.

La langue française a un lexique assez riche pour dire l'acte sexuel, l'expression la plus belle étant encore « faire l'amour ». Dans la langue de la Bible, la première occurrence se trouve dès le début de la Genèse, où l'amour est lié à la « connaissance » : « Et Adam connut sa femme Ève. » Rachi, le commentateur champenois et le plus illustre exégète biblique, ne s'en tient pas au sens commun, qui serait, on en conviendra, un peu idiot (on voit mal le premier homme faire la connaissance de sa promise au détour d'une rue). Il traduit « connaître » par « faire l'amour » précisément. Comme si on atteignait, dans l'acte d'amour, un degré supérieur de la connaissance. Comme si le désir du conjoint n'était pas un besoin physique, mais au contraire une forme d'accomplissement. Comme si, enfin, la connaissance de l'autre conférait à l'acte sexuel une dignité particulière.

Accouplement, rire et jeu
La deuxième occurrence est aussi dans la Genèse. C'est Isaac, dont la femme est convoitée par le roi Abimelekh, qui se ravise quand il aperçoit le patriarche « qui rit avec sa femme Rebecca ». Le rire, là encore, est une légèreté interprétée par le commentateur français - très français pour le coup - comme une union charnelle. De l'accouplement sexuel considéré comme un mélange de rire et de jeu.
Troisième occurrence, également dans la Genèse, c'est Joseph, en prise avec les tentatives de séduction de la femme de Potiphar, qui résiste - c'est même ce qui lui vaut, d'après les textes midrashiques, le titre de « saint », sans doute parce que la tradition tient qu'il n'y a rien de plus irrésistible et de plus difficile à dominer qu'un désir sexuel. Le texte dit : « Il n'y a rien dont mon maître Potiphar m'ait écarté, si ce n'est son pain. » Rachi, qui était vigneron et aurait pu être boulanger, traduit le « pain » par l'« épouse ». Cette métaphore nourricière pour désigner la femme est étrange, et en même temps évocatrice de substance, d'éternité, de sainteté aussi (dans le mobilier du Temple de Jérusalem, le pain dit « de proposition » devait être « en permanence » devant l'Arche sainte).

De belles histoires d'amour
Dans le Talmud et dans la littérature rabbinique, il y a un autre mot, beaucoup plus prosaïque, c'est tachmich, qu'on pourrait traduire par « usage » ou « service ». C'est évidemment moins poétique. La connaissance ? Le rire ? Le jeu ? Le pain ? L'usage ? Dans son approche de la sexualité, la tradition juive a constamment oscillé entre ces métaphores, évoluant aussi entre une position très stricte, réservant la sexualité aux seules nécessités de la procréation - « Croissez et multipliez-vous » est un impératif, un commandement, une Mitzva - et une attitude plus ouverte, plaidant pour une légitimité et même un droit au plaisir.
La Bible est traversée de belles histoires d'amour. Celle d'Isaac et de Rebecca. « Vayeehaveha » - « et il l'aima », avec cette sonorité poétique attachée à cette conjugaison particulière de l'hébreu. Et le texte ajoute, ce qui aurait plu au grand Sigmund s'il avait eu le loisir de lire la Bible autrement qu'en en feuilletant les pages : « Et il se consola de la perte de sa mère. »Celle de Jacob et de Rachel, le récit d'un coup de foudre devant un puits, avec le beau jeune homme qui fait boire les chameaux de sa dulcinée avant de travailler quatorze ans auprès de son oncle Laban et pouvoir convoler en justes noces : « Et ces années furent aux yeux de Jacob comme quelques jours tant il l'aimait. »

Des unions illicites
L'amour et la procréation se trouvent liés dans la Bible. Tout comme le mariage et la « sanctification » (on appelle le mariage kiddouchin). L'érotisme n'est pas condamné, qu'il soit pur objet de satisfaction ou qu'il préserve la continuité des générations, mais il est toujours quelque part sublimé. Tout Le Cantique des Cantiques est travaillé par l'idée d'une sanctification des relations entre l'amant et sa bien-aimée, comme métaphore des liens entre Dieu et sa créature, ou entre Dieu et la communauté d'Israël.
La Bible n'ignore pas néanmoins les unions sexuelles illicites. Celle de Judah et de Tamar. Judah, le fils de Jacob, condamné parce qu'il s'est offert les faveurs d'une prostituée rencontrée sur les routes, et dont il découvre que cette femme n'est autre que sa propre bru. Celle aussi de David et Bethsabée, des amours adultérines qui valent au souverain les admonestations du prophète Nathan, lequel décrète qu'il n'est pas digne de construire le Temple de Jérusalem.
L'onanisme est banni. Onan, qui devait épouser la veuve de son frère et lui donner une descendance, et qui préfère « verser sa semence par terre » mourra par sa faute. L'homosexualité est dénoncée comme une « abomination » - les exégètes les plus ouverts précisent en même temps que l'homosexuel n'est pas taxé d'« abominable », c'est l'acte qui est condamné, pas celui qui s'y adonne (lire en p. 40 à 43). La vie sexuelle du couple se trouve rythmée par les commandements de la nidda, période de règles de l'épouse pendant lesquelles est prescrite une abstinence sexuelle. La sexualité est bornée, limitée, encadrée. Nulle vision naïve dans cette approche, aucune confiance dans des vertus supposées naturelles, ou une innocence présumée.

Un acte privé
Le Talmud énonce qu'« en matière de sexualité, il n'y a pas de fiabilité ». Rien n'est garanti, tout est possible, et même le pire. Simplement, la notion de péché n'est pas directement associée à la pratique sexuelle, pas de manière originelle. L'attitude est constamment ambivalente. La sexualité a pour vocation première de perpétuer l'espèce, et en même temps le plaisir sexuel n'est pas prohibé. Seules des manifestations publiques sont naturellement interdites. Même s'il y a un récit dans le Talmud d'un élève caché sous le lit de son maître. Surpris et sermonné, l'élève répond en toute franchise qu'il veut tout apprendre de son rabbi, comment il lace ses chaussures, comment il faut se nourrir, et aussi comment il faut honorer son épouse : « C'est la Torah que je suis venu apprendre ! » J'imagine que ce récit - joli, au demeurant - n'est pas divulgué dans les écoles talmudiques pour l'édification des jeunes rabbis. Pris à la lettre, cela ferait quelques dégâts !
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Message  Arlitto Sam 26 Mar 2016, 10:39

Le sexe et les religions

« C'est du manque que naît le désir »
Macha Fogel 

Nombreuses sont encore les femmes juives à respecter l'abstinence lors de leurs règles et des sept jours suivants. Bain rituel, petits cadeaux et attentions : le douzième jour, la nuit des retrouvailles avec l'époux est minutieusement préparée.

«Pourquoi la Torah demande-t-elle que la femme soit impure pendant sept jours ? Parce que son mari pourrait se lasser d'elle. C'est pourquoi la Torah déclare : "Qu'elle demeure impure pendant sept jours, afin qu'elle soit ensuite aussi chère à son mari qu'au jour du dais nuptial" » : voilà comment, dans l'Asie mineure du IIe siècle, rabbi Méïr, l'un des grands sages de sa génération, décrit, dans le Traité Nida (31b), ce qui ressemble à une recette juive de bonheur conjugal. Nombreuses sont toujours aujourd'hui les femmes juives à respecter dans leur couple ce commandement qui leur est tout spécialement adressé. Durant les cinq jours des règles et les sept jours suivants, mari et femme s'abstiennent de tout rapport sexuel. À la nuit du douzième jour, la femme se rend au miqwe, le bain rituel. Là, elle s'immerge trois fois dans l'eau de pluie de ce bassin spécial. Au sortir : les retrouvailles - cela tombe bien, le jour de l'ovulation. Tant que la femme ne s'est pas rituellement trempée, point de baisers ni de caresses langoureuses... Les plus orthodoxes séparent leurs lits et s'interdisent tout contact. Mais cultivent l'impatience de leur désir. « Pendant douze jours, nous nous manquons », explique avec spontanéité Myriam (1), jeune femme dont le mari est rabbin dans l'ouest de Paris. Car bien entendu, « tout ce qui est interdit donne envie ». « Mais cette séparation n'est pas vécue comme une frustration trop dure à supporter, continue Myriam. On sait qu'elle permettra de mieux se retrouver. Alors, on compte les jours. »

« Un très bel orgasme »
Le docteur José Soussana, sexologue à La Roche-sur-Yon, et qui a participé à la rédaction d'un Manuel de sexologie (2), renchérit : « C'est du manque que naît le désir ; cette période de séparation ne peut pas être envisagée comme une thérapie pour un couple qui ne connaît plus le désir, mais pour un homme et une femme qui s'entendent bien, c'est une manière d'entretenir la flamme. C'est l'occasion pour eux, durant cette séparation momentanée, de se chercher dans la complicité du regard, avant de se rencontrer dans la proximité du geste. » Et le jour dit, que se passe-t-il ? « L'ambiance des retrouvailles est formidable, explique Clara (1), coquette psychologue clinicienne d'une cinquantaine d'années. La veille, je préviens mon mari que je vais aller au miqwe. Lui, il dit en riant : "Ah, bonne nouvelle !" » Bouquet de fleurs, boîte de chocolats, restaurant, nuit à l'hôtel, nouvelle lingerie... Le mari pense à de petites surprises pour sa femme, qui de son côté, prend le temps de se reposer, de se préparer : épilation, crèmes, massages, hammam, bain moussant... Selon les goûts de chacune. « Chaque mois, l'homme et la femme essayent de se surprendre, tout en s'appliquant à se rappeler ce qui plaît le mieux à l'autre. La femme, notamment, apprend à chaque fois un peu mieux à connaître sa propre intimité », raconte Myriam. Il faut dire aussi que c'est un commandement, pour l'homme juif, que de « réjouir sa femme » ; il s'y est engagé le jour de son mariage, sous le dais nuptial. Et la nuit des retrouvailles venue : « C'est un très bel orgasme », conclut Clara. « Mais pas seulement », ajoute-t-elle. Pas seulement ? Cette règle de vie ne serait donc pas une simple formule prodromique pour Viagra juif ? « Le rituel du miqwe nous rend matures, il nous installe dans une relation d'adultes. Il nous rappelle que nous ne sommes pas de petits enfants tout puissants, qui peuvent toujours obtenir tout, tout de suite ! », ainsi parle la psychologue. Il s'agit donc de considérer l'acte sexuel comme un lien entre deux êtres, et non comme l'assouvissement d'un besoin, qui devrait toujours être immédiat. C'est aussi l'avis du docteur Soussana : « Cette pratique cherche certainement à empêcher le mari et la femme de s'utiliser l'un l'autre comme de simples objets sexuels. » Anna (1), une jeune femme juive pratiquante, qui habite dans le XIXe arrondissement de Paris, développe cette idée : « Grâce à la Loi, l'amour est nourri par autre chose que l'acte physique, puisque pendant les jours de séparation, nous sommes bien obligés de nous aimer autrement. Du coup, quand le mari et la femme couchent ensemble, ce n'est pas seulement une manière pour eux d'assouvir un désir venu de l'extérieur, comme cela peut arriver parfois : l'homme revient à la maison émoustillé par une publicité, la femme par une plaisanterie avec un collègue de bureau, et dans leur lit, ils utilisent chacun le corps de l'autre pour se satisfaire. » Contre la réification du partenaire, privilégier la rencontre. Mais pourquoi décider d'instaurer une séparation justement pendant les règles et les sept jours qui les suivent ? Est-ce à dire que la femme est impure, souillée, pendant tout ce temps-là ? Clara s'agace : « Ce mot "impureté" fait se dresser mes cheveux sur la tête ! C'est pourtant en ces termes qu'on enseigne souvent, malheureusement, les lois de la vie conjugale aux jeunes filles pratiquantes... » Et c'est sans doute ainsi qu'elles sont parfois vécues, quand il n'y a pas d'amour dans le couple et qu'il ne reste donc qu'une Loi et une tradition difficiles à appliquer.

Se rappeler sa propre finitude
Cette impureté n'est pourtant que « symbolique », se récrient en cœur Anna et Clara. Lorsque la femme a ses règles, la possibilité d'une vie s'évanouit, puisque l'ovulation n'a pas eu lieu. Les femmes s'immergent pour lutter contre cet évanouissement. « Et non pour se nettoyer d'une tache, d'une saleté », selon Anna. Il s'agit surtout de se rappeler sa propre finitude, expliquent les rabbins (3) : les règles représentent une imperfection du système de reproduction humain, qui n'est pas toujours « en état de marche ». De la même manière, cette séparation mensuelle, qui renouvelle constamment le lien conjugal, rappelle aux époux l'imperfection de leur sexualité humaine. Retour nostalgique, donc, grâce à l'immersion dans le bassin du miqwe, à la perfection et au bien-être des eaux qui nous ont baignés autrefois, dans une matrice accomplie. La femme sortie des eaux est bien source universelle de coutumes et de représentations.

(1) Les prénoms ont été modifiés.
(2) Patrice Lopès et François-Xavier Pondat, Manuel de sexologie (Masson, 2007).
(3) Lire Arié Kaplan, Les Eaux d'Éden (Kountrass, 2006).
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Message  Arlitto Sam 26 Mar 2016, 10:40

Le sexe et les religions

Une histoire du refoulement chrétien
Jennifer Schwarz

En sacralisant le couple, les Évangiles célèbrent la sexualité comme un rite intime. La pensée augustinienne et le monachisme occidental vont ensuite réduire le sexe au « péché de la chair ». Une éducation culpabilisante qui marquera des générations de catholiques.


Que nous disent les Évangiles sur la question de la sexualité ?
Jésus accomplit son premier miracle à l'occasion d'un mariage (Jean 2). Les noces de Cana sont une fête où le vin du bonheur doit couler en abondance. L'humanité de l'Évangile est sexuée et heureuse de l'être. Mais le mariage est une fête qui implique un engagement durable, plus définitif encore que dans la tradition juive (Matthieu 19, 4). Jésus considère le couple comme générique de l'humanité (Genèse 1 : « Homme et femme Il les fit... et les deux ne feront qu'une seule chair. »). C'est pourquoi il dépasse la Loi, qui admet la répudiation et dénonce surtout la « dureté du coeur » de celui ou celle qui abandonne. Cette fermeté de principe tranche avec la compassion avec laquelle il traite les femmes écrasées par la rigueur d'une loi toujours interprétée par l'homme. Par exemple, Jésus sauve la vie d'une femme adultère, traînée hors de la ville pour être lapidée : « Que celui qui n'a jamais pêché jette la première pierre » (Jean 8). Implicitement, il replace le problème de la faute sexuelle dans une perspective de justice. S'il y a une femme adultère, c'est bien qu'il y a eu un homme... Il ne condamne pas non plus la femme samaritaine (Jean 4), qui a eu cinq maris et vit avec un sixième. C'est même à elle qu'il révèle pour la première fois qu'il est le Messie. C'est à la fois une célébration de la tendresse et un hommage rendu à la femme méprisée.

Les Évangiles évoquent-ils la question de la sexualité de manière plus directe ?
Par pudeur, le Christ compare le Royaume des cieux à un festin de noces, mais il ne parle jamais du comment de la sexualité. Il ne dit jamais ce qui devrait ou ne devrait pas se passer dans le lit des époux. Dans les Évangiles, tout ce qui est un don gratuit doit rester secret (Matthieu 6) : l'aumône, le jeûne, la prière. Un des rares théologiens médiévaux qui ne sera pas obsédé par le péché sexuel, Rupert de Deutz, comparera l'union des corps à la prière qui doit se faire en secret. La sexualité est un rite. Le couple constitué est sacré. Le voisin doit le respecter, même en pensée (Matthieu 5, 27-28). A fortiori l'homme de Dieu.

Ne jamais parler du comment de la sexualité, n'est-ce pas une manière de la nier ?
Non. Même Ovide dit, dans L'Art d'aimer (1), que pour garder sa dignité, le rite de l'éros devait rester secret. Que le Christ ne parle jamais du comment de la sexualité n'est pas la nier mais l'humaniser. L'amour dont parle les Évangiles englobe l'éros (le plaisir d'aimer), mais il le transcende souvent en agapè (l'amour pour l'autre). Les Béatitudes (Matthieu 5, Luc 6) parlent de bonheur, de justice, de charité, pas d'extase amoureuse.

Saint Paul va-t-il jouer un rôle important dans le refoulement de la sexualité ?
Sur la longue durée, il faut distinguer le message de Paul et son instrumentalisation. De son temps, le port de Corinthe comptait plus de 10 000 prostituées. En revanche, dans les milieux juifs hellénisés, oserait-on dire « platonisés », l'influence stoïcienne était forte, en réaction contre l'érotisme ambiant et débridé. Dans ce contexte, saint Paul a pour mission d'implanter durablement des communautés en Grèce et à Rome. Il est donc très soucieux de décence ; les fidèles doivent renoncer à la fornication, à l'inceste, aux scandales (1 Corinthiens 5). Le responsable d'une communauté doit être « mari d'une seule femme » (Tite 1, 6). En termes de morale conjugale, enfin, quand Paul écrit « Femmes, soyez soumises à vos maris », il n'écrit rien de neuf dans la Méditerranée de son temps. Mais lorsqu'il dit : « Maris, aimez vos femmes comme le Christ aime son Église » (Éphésiens 5, 22-23), il parle d'un engagement mystique très neuf qui sera ensuite perverti. Pendant des siècles et jusqu'au Code Napoléon, l'homme utilisera comme une aubaine la formule paulinienne : « Le mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l'Église » (Éphésiens 5, 23).

Plus tard, la réception de ce message va se faire différemment dans l'Empire chrétien d'Orient et d'Occident...
Après la paix constantinienne (IVe siècle), les moeurs de l'Orient et de l'Occident bientôt envahi par les barbares se dissocient culturellement. Beaucoup d'évêques d'Orient sont mariés et fils d'évêques. Ils respectent leurs mères, leurs filles et leurs épouses. Mais conceptuellement, ils admirent la virginité parce qu'en bons disciples de Platon et d'Aristote, ils sont scandalisés par le cycle de la génération et de la corruption. À quoi rime un monde fait pour se générer puis mourir, se générer à nouveau puis mourir encore ? C'est une absurdité pour les Pères grecs. Afin d'y échapper, Grégoire de Nysse, pourtant marié, reconnaît, sans l'adopter, que la meilleure solution serait de rester vierge. Mais avec humour, il juge suspects ceux qui parlent des splendeurs de la virginité avec un étrange acharnement. Les Pères philosophes sont heureux en famille, mais ils voudraient que l'essentiel de la vie consiste à s'élever au-dessus du terrain mortel, jusqu'à la pureté de l'ange. Un écrit apocryphe de la fin du Ve siècle, attribué à Denys l'Aréopagite, décrit ainsi les montées vers Dieu de l'âme purifiée. Son influence sur le Moyen-Âge oriental et occidental sera considérable. Il permet de comprendre, dans sa pureté d'intention, la spiritualité du moine.

En Occident, c'est l'influence de saint Augustin qui va jouer un rôle déterminant. Quelle fut sa spécificité ?
Africain d'origine, à une époque où l'implantation chrétienne est forte dans l'Afrique romaine, Augustin ne se convertit que tardivement, après avoir mené à bien une carrière de rhéteur qui le conduira à Milan, alors capitale de l'empire d'Occident. De ses années d'études à Carthage, il garde le souvenir d'une vie de débauche, menée jusqu'au dégoût et au rejet des femmes. Partagé entre son admiration pour sa mère, sainte Monique, et son attachement à une compagne qui partagera sa vie pendant quatorze ans et lui donnera un fils - mais dont il ne cite même pas le nom -, il reste aussi fasciné et horrifié tout à la fois par le manichéisme dont il ne s'est affranchi qu'à l'âge de 28 ans ; l'homme, a-t-il longtemps admis, n'est pas maître des forces du bien et du mal. Depuis le péché originel, pense-t-il, dans un contexte d'invasion barbare, l'humanité est en danger de condamnation imminente. La femme en est la cause puisqu'Ève a cueilli la pomme la première. Alors que le Christ ne parle jamais du péché d'Ève, Augustin inscrit quasi génétiquement ce péché dans la nature humaine et, plus gravement, dans la nature de la femme. Cette certitude, ancrée dans la pensée médiévale, sera dogmatisée par une longue série de théologiens, depuis saint Anselme, au XIIe siècle, jusqu'à saint Thomas qui, au XIIIe siècle, renforcera le préjugé par la doctrine de la loi naturelle, sur laquelle les théologiens chrétiens n'auront aucun mal à s'accorder avec ceux de l'islam, puisque les uns et les autres, tous masculins, se référeront au second récit de la Genèse.

L'influence intellectuelle d'Augustin va donc marquer de façon indélébile l'Occident ?
Saint Augustin a immensément écrit, dans un très beau latin. Son oeuvre sera minutieusement recueillie et plus tard, recopiée par les moines bénédictins. C'est ainsi que son influence s'étendra sur toute l'ère du premier monachisme bénédictin, jusqu'au tournant du IXe et du Xe siècle, au moment de la réforme qui triomphe dans l'abbaye bénédictine de Cluny.

Quel rapport avec la sexualité ?
Malgré les mises en garde conciliaires, le clergé du premier Moyen-Âge occidental est loin d'avoir le détachement des anges. Au moment des invasions normandes et des razzias sarrasines, de nombreux évêques mariés sont des seigneurs de guerre, défenseurs armés de leurs villes. Transmis à leurs fils, leurs évêchés deviennent des fiefs héréditaires et militaires. Rome elle-même est aux mains de papes plus ou moins brigands, soumis à l'influence de leurs maîtresses ou de leurs mères. C'est en réaction à cela que triomphe la réforme clunisienne. L'oeuvre de Cluny sera immense, mais au prix du sacrifice de la femme. Chaste, le moine bénédictin ne l'est pas toujours en pensée, puisqu'il prend la femme en horreur et en fascination. Un siècle plus tard, la réforme cistercienne se veut plus radicale encore. Les écrits sur les femmes, non seulement misogynes mais morbides, traduisent à l'évidence les frustrations de moines qui répriment leur sexualité. Malgré cela, le succès des ordres monastiques est tel qu'au XIe siècle, le pape Grégoire VII décide d'organiser l'Église occidentale comme un grand monastère. Désormais, évêques et curés sont sommés de renvoyer leurs épouses et de vivre en communauté. Cette réforme mettra des décennies, des siècles à s'imposer.

Aux alentours du XIIe siècle, par une sorte de sublimation, l'image de la Vierge apparaît...
Oui. Nous atteignons l'époque des croisades. Paradoxalement, saint Bernard, le grand réformateur cistercien, qui s'insurge contre le laxisme des prêtres, est aussi le génie qui invente une prière de tendresse : l'Ave Maria. Dans le milieu des clercs qui dévalorise la femme de tous les jours, l'idéal féminin est sublimé en elle. Alors qu'en Orient orthodoxe, la Vierge représente l'humanité entière portant Dieu, la Théotokos, en Occident, naît et prend son essor l'image de l'« Immaculée Conception », accueillante mais née différente de toutes les autres femmes. Bientôt, l'Église institutionnelle s'identifie à la Vierge Marie, mère de Dieu, mère du Christ, mère du peuple, couronnée aux portails des cathédrales. Dans la tradition catholique, cette conception durera jusqu'à sa dogmatisation au milieu du XXe siècle. Dans la tradition réformée, Luther dénoncera un danger d'idolâtrie mariale, sans réfuter la virginité du coeur, qui permet d'accueillir le miracle d'un Dieu incarné.

Nous parvenons aux moments tragiques qui suivent la peste noire, les misères de la guerre de Cent ans, la poussée inexorable de l'islam puis la chute de Constantinople. Une névrose collective semble alors s'emparer de certains clercs, qui prennent les femmes pour cibles de leurs hantises. Pourquoi ?
Beaucoup de clercs vivent alors dans des cercles universitaires de plus en plus fermés et fondamentalistes. Ce qui est hors-norme doit être éradiqué. L'Inquisition mise en place au XIIIe siècle pour lutter contre les hérésies prend en horreur les savoirs des femmes. Elle se fonde sur une idée de la raison, empruntée à une mauvaise transmission des catégories d'Aristote. Depuis des siècles déjà, les hommes redoutaient les sages-femmes, des herboristes capables de transmettre par oral les secrets de filtres d'amour ou de stérilité. Les lieux de transmission féminine, les lavoirs, les arbres magiques, les lieux d'accouchement, étaient tabous pour l'homme. Seuls les confesseurs avaient écho de ces secrets hérités d'anciens savoirs romains ou préhistoriques. Croyant christianiser les campagnes, ils les condamnaient comme superstitions. À partir du XIVe siècle, les papes eux-mêmes accréditent la fable des sabbats de sorcières. On forme alors des experts en démonologie, inexorablement logiques à partir de postulats absurdes. On sait quels ravages provoquèrent ces hantises - dont la perversité sexuelle est parfois évidente - et quel nombre effrayant de bûchers furent dressés dans toutes les confessions chrétiennes - catholiques, orthodoxes et réformées - et ceci jusqu'au milieu du XVIIIe siècle.

Père de la réforme protestante, Luther est considéré comme un émancipateur. Néanmoins, le luthéranisme semble parfois plus sévère que le catholicisme, pouvez-nous expliquer cette contradiction apparente ?
À l'origine, Luther est un moine augustinien obsédé par l'idée d'enfer. Il ne croit pas au purgatoire, cette sorte de « session de rattrapage » qui, grâce à l'indulgence divine, permet d'espérer un accès différé au Paradis après des années de purification. En monnayant les années d'indulgence de façon éhontée, la papauté de son temps a ruiné cette idée de justice miséricordieuse. Devenu l'émancipateur des crédules, Luther, une fois marié, se trouve débordé par l'ampleur de la révolution qu'il a déclenchée. Calvin, à son tour, organise la réforme genevoise de façon très rigoriste, autour du concept augustinien de prédestination des âmes à l'enfer.

Et au XVIIe siècle ?
Dans la confession catholique, un courant janséniste, rigoriste et largement bourgeois cultive aussi l'angoisse de la prédestination. Un siècle plus tard, ce mouvement prend de l'ampleur, en pleine période des Lumières et d'un libertinage dont les enfants abandonnés font les frais par milliers. Entre ces extrêmes, Voltaire lui-même l'admet, le curé de campagne joue très souvent un rôle de modérateur. C'est lui qui préside aux baptêmes, aux rites de relevailles des femmes. Bien que le secret de la confession ne soit pas trahi, tout nous dit qu'il connaît les souffrances des femmes déchirées en couches, de celles qui enterrent un foetus dans les champs ou qui, en ville, abandonnent leurs enfants sur les marches des églises. Les registres paroissiaux montrent que, de cette époque, datent les premiers symptômes d'espacement volontaire des naissances. Ce modus vivendi semble s'être longtemps maintenu vaille que vaille dans plusieurs régions rurales jusqu'au milieu du XXe siècle, et ceci malgré le respect plus volontiers marqué par l'Église aux familles nombreuses, qui lui donnaient plusieurs enfants comme prêtres ou religieuses.

Et depuis ?
On mesure mal aujourd'hui à quel point les femmes du XIXe siècle, et même du premier XXe siècle, furent écrasées par une éducation culpabilisante, qui débordait de beaucoup le domaine de la sexualité. Sans même évoquer le « péché de chair » si effrayant qu'ils le taisent et se gardent bien de citer la Bible qui en parle, les missels à l'usage des femmes ne cessent de dire que communier en état de péché, c'est signer sa condamnation éternelle. Les maris se défendent par l'incrédulité et l'infidélité, mais, au moins dans le milieu bourgeois, les femmes ont peu d'échappatoires. L'abnégation et le sacrifice sont présentés comme les fleurons de leurs vertus « naturelles » (2).
La révolution de la sexualité au coeur des couples de tradition chrétienne n'est pas venue de l'Église, mais de la médecine. Elle date de la découverte du cycle hormonal féminin, dans les années 1930, puis, en 1955, de la synthèse chimique des hormones permettant à la femme d'échapper à la liaison inexorable entre l'union des corps et la fécondation d'un ovule. Par peur de ce qu'elle ne maîtrise pas et parfois ne comprend pas, l'Église catholique, à la différence des Églises réformées, s'engage alors dans une voie qui autorise la dissociation entre la sexualité et la procréation, mais à condition d'employer des méthodes décrétées naturelles... et d'une inefficacité notoire. Deux décennies après Humanae Vitae, publiée en juillet 1968, la majorité des couples catholiques avaient déjà fait leur choix. Ils avaient abandonné le médecin des âmes pour consulter le médecin des corps et, s'il le fallait, le psychanalyste. Ce changement fut capital pour l'Église, qui perdit l'antique proximité qu'elle entretenait avec les familles. L'erreur d'Humane Vitae fut, me semble-t-il, d'avoir tenté d'introduire un Diafoirus dans des millions de chambres d'époux. L'attitude chrétienne est plutôt de sacraliser le couple en le responsabilisant.

(1) L'Art d'aimer, Ovide, mort en 17 (Librio, 2005).
(2) Recueil de prières, comtesse de Flavigny (Mame, 1868).

Élisabeth Dufourcq

Docteure en sciences politiques, elle est l'auteure de Les Inventions du christianisme (Bayard, 1999) et Histoire des chrétiennes, l'autre moitié de l'Évangile (Bayard, 2008).
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Message  Arlitto Sam 26 Mar 2016, 10:41

Le sexe et les religions

La veine amoureuse en islam
Malek Chebel 

Inspirée de l'amour de Dieu, l'exaltation des sentiments prime, dans le monde musulman, sur celle des sens : si le rapport à la jouissance est bien une des constantes de la parole prophétique et de la littérature ancienne, les plaisirs de la chair ont été progressivement récusés par les docteurs de la loi.


La question du plaisir et de la jouissance en islam est stratégique à plus d'un titre. Elle est l'argument principal de l'harmonie au sein du couple. Elle structure les rapports de celui-ci avec la famille, le clan et la société tout entière. Elle est enfin un indice d'appréciation du « bonheur » au sein de l'islam, ou au moins de sa représentation, sans compter qu'elle est l'une des constantes de la parole prophétique. Le Coran évoque sans fard la question de la sexualité dans plus de 82 versets. La sexualité comme thème distinct est nommée dans les sourates suivantes : II, 187, 222 ; IV, 15-16, 21 ; V, 3 ; XV, 68. Quant aux sous-thèmes, ils sont extrêmement variés et forment une sorte de nomenclature sexuelle, un programme, avec son périmètre du possible (le permis, halal) et ses empêchements dogmatiques (haram). Voici les plus saillants : la nudité du couple adamique, la chasteté pré-maritale, la continence, beauté, séduction et luxure, la tentation et son antidote, la retenue, le mariage et son extrapolation, la polygamie, l'adultère, la débauche, la fornication, la répudiation, la jalousie, la place des eunuques, la froideur sexuelle, la flagellation du couple adultère, l'interdit de l'homosexualité (en relation avec l'histoire de Loth), la s........, le voilement des femmes, la projection fantasmatique des houris et des épouses du Paradis. Plusieurs dizaines de versets sont consacrées au régime matrimonial, au comportement idéal de la femme au sein de la famille, au rôle des enfants et le respect qu'ils doivent aux aînés. En islam, toute sexualité hors mariage est proscrite, tant pour les femmes que pour les hommes. Une évidence saute aux yeux : le périmètre idéal de la sexualité est une constante du Livre sacré et traverse le corpus du hadith du Prophète, en sachant que Mohammed (570-632) demeure in fine le meilleur exégète du Coran. Plusieurs indices objectifs montrent que la veine amoureuse s'est harmonieusement développée en terre arabe, avant, pendant et après l'avènement de l'islam. De fait, ce sont les poèmes courtois de l'antéislam qui nous alertent sur la sincérité d'une pléiade d'auteurs ayant chanté l'absence de la bien-aimée, et le miel des retrouvailles dans le faux de la dune. Au cours de la prédication, le Prophète en personne innove dans ce domaine, en réaffirmant haut et fort tout le bien qu'il pense des femmes, ce qui apparaît très distinctement dans L'Authentique (le Sahih) d'Al-Boukhari (810-870), un ouvrage de compilation qui fait foi. Par ailleurs, un grand nombre de règles aujourd'hui observées dans le domaine des relations amoureuses remontent à cet islam premier. Peu de temps après la prédication, commence l'ère des législateurs (fûqaha) et leur cortège d'édits (fetwas), de plus en plus restrictifs et contraignants. Mais peut-on vraiment enfermer le désir, lorsque toutes les raisons et déraisons de l'être humain poussent à l'idolâtrer ? Le corps et ses appétits sexuels, la beauté et ses ensorcellements, l'esprit et son subtil vagabondage, la société et ses propres exigences, et la famille dans cela, qui cherche à canaliser la libido des jeunes pousses... 

Un langage riche et précis 
L'un des indices de cet épanouissement est le langage amoureux, celui de la langue arabe, qui demeure aux yeux des musulmans la langue du sacré par excellence. Et ce répertoire est impressionnant par sa richesse et sa précision : une centaine de mots pour dire « Je t'aime », et plus encore pour exprimer la conquête amoureuse, la passion, le désir, le plaisir sexuel, l'acte de chair et la libération qui s'ensuit. Ainsi, le mot tahayyûj, qui signifie « être excité, éprouver une forte inclinaison pour quelqu'un, le vouloir charnellement ». En langue arabe, le mot est évocateur au point de vue de la sémantique, mais aussi dans sa phonétique, car c'est de mer en furie dont il s'agit, comme si le désir qui vient par vagues s'amasse à la surface du corps avant d'exploser. Un autre mot, ghûlma, soit la base biologique du désir, son substrat organique, son instinct (ghariza). Aussi, l'expression hâjat ghûlmatûhu signifie tout simplement que sa passion charnelle déborde. Pour montrer cette diversité, voici une dizaine d'autres termes employés par les amants, tout autant que les juges, les théologiens et les écrivains : 'ichq, pour désigner la passion amoureuse ; la chahwa, son interface biologique, l'instinct sexuel ; al-hûbb, l'amour, avec toutes ses variantes, dont al-hûbb al-ûdhri, l'amour chaste ou amour courtois, mais aussi hawa, mahibba et mawadda, amours aux accents spirituels, y compris ceux que l'on éprouve pour Dieu. Le plaisir, les agaceries amoureuses et la satisfaction sont appelés ladha, moula'aba et tamattû'. La faute sexuelle est dite zina, elle est valable aussi bien pour les hommes que pour les femmes. La femme est dite mûtabarrija, lorsqu'elle manifeste une trop grande liberté de mœurs. Le mot 'awra, littéralement « aveugle », désigne les organes sexuels. La discrétion voudrait qu'on les cache au hammam, c'est le kachf al-'awra. L'amour homosexuel est dit al-hûbb al-lûthi, tandis que la lesbienne est identifiée de manière imprécise (et plutôt négativement) par le mot de sihaq, mûsahaqa. 

« Badinage » et « courtoisies » 
L'art de la conversation et la connivence entre deux êtres sont évoqués dans un traité de Ibn Hayyan at-Tawhidi (Xe siècle), intitulé Al-Imta' wal-mû'anassa (De la délectation et de la (belle) compagnie). Il y est notamment question de « badinage sexuel, de courtoisies amoureuses, de douceur ». Les mêmes items sont traités par un nombre significatif de grammairiens, de poètes, de prosateurs et d'amoureux assez régulièrement éconduits. Ils ont pour noms Ibn Dawûd (868-910), auteur du Livre de la rose (Kitab az-zahra), qui pourrait être la première codification de l'amour courtois ; Ibn Hazm (993-1064), avec son Collier de la colombe (Tawq al-hamama), un récit de psychologie amoureuse ; le poète andalou Ibn Zaydûn (1003-1071) et même le chroniqueur avisé de Bagdad aux premiers temps des Abbassides, Al-Jahiz (776-868 ou 869). Celui-ci n'a pas cessé de décrire le comportement des buveurs de vin, des prostituées, des esclaves chanteuses, des mignons et des débauchés. Plus tard, en une deuxième vague, ce sont les mystiques et autres érudits, les « théologiens de l'amour », qui reprendront le flambeau de la vénération amoureuse, en produisant des traités extrêmement élaborés sur l'amour de Dieu et son_avatar humain, la passion. Ces mystiques ont pour noms Al-Jounayd, Ad-Daylami, Chibli, Sarradj, Rûmi, Ghazali, Ibn al-Jawziya et Ibn'Arabi (1165-1241), auteur de ces vers : « Quand je sus que l'amour était inestimable, sans que pourtant j'eusse d'emprise sur lui. Jusqu'au terme de ma vie, je m'épris à jamais de l'amour de l'amour [hûbb al-hûbb] ! » 

Le bien-vivre en terre d'Allah 
Enfin, une troisième vague, plus affranchie encore que les deux premières, s'est lancée dans la littérature érotique et amoureuse, parfois très crue. Plusieurs grands maîtres ont marqué les trois siècles les plus « chauds » de l'islam, à savoir les XIVe, XVe et XVIe siècles. Deux d'entre eux nous ont laissé des opuscules puissamment charpentés et libres (et libertins) de bout en bout. Si le plus connu est Chaykh An-Nafzaoui (XVe siècle), l'auteur du Jardin parfumé, il en est un autre que peu de gens connaissent, car il n'est pas encore traduit en français, c'est Ibn Foulayta (XIVe siècle), auteur d'une sorte de Kama Soutra arabe, intitulé Le Guide de l'éveillé pour la fréquentation du bien-aimé. La constante coranique s'est transformée au fil du temps en une nécessité de fait, et pour avoir cumulé tant de réflexions et tant de récits, la sexualité est devenue un article majeur du bien-vivre dans les terres d'Allah. Pourtant, quatorze siècles plus tard, et alors même que tous nos classiques arabes (dont certains, comme Les Mille et une nuits, sont devenus universels) rendent compte de la faconde avec laquelle les Arabes anciens ont abordé ces thèmes, la question de la jouissance sexuelle en islam est de nouveau très problématique. Que s'est-il passé depuis pour qu'on en arrive à l'affaissement d'aujourd'hui, avec des atrocités sans nom, comme l'excision qui progresse encore en Égypte et au Soudan, ou l'engraissement des Mauritaniennes avant leur mariage arrangé, ou encore la servitude sexuelle des épouses (en Afghanistan, récemment), le mariage de vieillards pédophiles avec des fillettes à peine nubiles (toujours à la frontière du Pakistan et de l'Afghanistan) et la vénalité de certaines unions, conçues dans le seul but d'élargir le cheptel féminin des grandes maisons ? Faut-il seulement se rappeler que dans De l'amour, paru en 1822, Stendhal écrivait encore : « C'est sous la tente noirâtre de l'Arabe-Bédouin qu'il faut chercher le modèle et la patrie du véritable amour. Là comme ailleurs, la solitude et un beau climat ont fait naître la plus noble des passions du cœur humain... » ? Et de poursuivre son analyse dithyrambique sur plusieurs pages, en faisant remarquer que dans ces contrées éloignées, bien que sèches et arides, il y avait encore des jeunes qui mourraient d'amour, ou plus exactement qui préservaient leur chasteté, quitte à mourir de consomption pour la bien-aimée, sans jamais la toucher, car cela reviendrait à l'offenser aux yeux de sa société. 

Chasteté, honneur et rigidité 
Or, toutes les notions dont il est question ici - chasteté, amour, honneur - sont les ingrédients d'une culture chevaleresque qui a prospéré sans retenue avant l'arrivée de l'islam. Depuis, on le sait, cette culture est certes observée par quelques raffinés qui ne croient plus à la nécessité de se battre pour imposer leurs choix, et encore moins aller contre la gouvernance rigide de la société actuelle. Monde arabe et islam, tradition et modernité : telle est la dualité dans laquelle il faut camper le récit amoureux ou, pour le dire autrement, il s'agit bien d'amour et de sentiment amoureux, et non pas forcément de sexualité, car elle semble aujourd'hui bien plus carencée que par le passé. En l'état, le monde musulman présente les deux facettes : celle des pères fouettards d'Iran, d'Afghanistan et d'Arabie, puisque l'édifice de leur « contrainte légitime » n'existe que par la chasse qu'ils mènent à la jouissance individuelle et à tout plaisir de la chair. De l'autre, un monde de jouisseurs impénitents, doux et amers à la fois, qui préfèrent se cacher ou s'exiler pour donner libre cours à leurs passions. 

Un champ de l'imaginaire exigu 
Cet autre monde est plus intimiste, plus secret. Il est celui que décrivent les écrivains voyageurs du XVIIIe siècle, en particulier les Français. Ils n'y ont vu malheureusement que l'écume des choses, une transmutation, ce qui explique les conséquences inattendues de leurs narrations : un Orient trop violemment sexuel et répondant aux qualificatifs peu flatteurs de lupanar géant, harem pour courtisanes soumises ou salon de beauté privatif où l'on cultive mollesse et oisiveté. Toujours, la même dualité, la même ligne de démarcation entre deux sociétés antinomiques qui se font face. La seconde est libérale et minoritaire. Elle prône la séparation du politique et du religieux, le droit au plaisir, la liberté de choix, notamment le choix d'épouser tel ou tel, le choix de divorcer, etc. La première est plus conservatrice, avec un champ de l'imaginaire par trop exigu. C'est cette seconde société qui a le vent en poupe aujourd'hui, raison pour laquelle toute attitude non-conforme est condamnée d'avance, réprimée, tandis que son auteur est vertement tancé, voire persécuté. Faut-il conclure ? En observant le matériau réuni depuis une vingtaine d'années par une pléiade d'auteurs venus d'horizons divers, on se rend compte des différentes strates qui organisent de manière invisible, voire clandestine, l'ensemble des émois. La femme éprouve le besoin de s'émanciper du carcan familial, mais n'a pas l'énergie suffisante pour sauter dans l'inconnu. Si dans les années 1970, les femmes pouvaient encore espérer un sursaut en leur faveur, notamment en matière de choix sexuels, la crispation actuelle caractérisée par l'islamisme politique et son pendant culturel, le fondamentaliste, a rayé d'un seul trait toutes leurs attentes. De son côté, l'homme veut bien encore consacrer quelques bougies en l'honneur de son dieu Éros, mais à condition que cela reste dans la stricte intimité de son couple et sans trop de fantaisie. Du coup, l'ensemble du corps social éprouve le malaise que les individus ressassent pour eux-mêmes. La sexualité est certes une belle promesse, mais les tabous ne tardent jamais à vouloir l'étouffer. De la jouissance effrénée des esprits les plus fins, on se retrouve avec une explosion sans précédent de mariages arrangés et sans joie, avec une surveillance accrue et un souci obsessionnel de la pureté morale qui, comme chacun sait, n'existe nulle part dans le monde...

Malek Chebel

Anthropologue des religions, spécialiste de l'islam. Il est l'auteur d'une nouvelle traduction du Coran (Fayard, 2009) et du Dictionnaire encyclopédique du Coran (Fayard, 2009).

POUR ALLER PLUS LOIN

• Les Traditions islamiques, Al-Boukhari, (Adrien Maisonneuve, 1984). 
• Le Livre des bons usages en matière de mariage, Ghazali (Adrien Maisonneuve, 1989). 
• Encyclopédie de l'amour en islam (Payot, 1995), Le Kama Sutra arabe (Pauvert, 2006), Malek Chebel.
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Le sexe et religion  Empty Re: Le sexe et religion

Message  Arlitto Sam 26 Mar 2016, 10:41

Le sexe et les religions

La jouissance taoïste, un art de la longévité
Cyrille J-D Javary 

La gestion de la sexualité dans le taoïsme passe par une régulation des forces yin et yang entre partenaires masculin et féminin. Son but : favoriser l'harmonie interne de chacun, afin de régénérer sa vitalité.

Depuis l'Antiquité, deux sources nourrissent la Chine sédentaire : le confucianisme et le taoïsme. Le premier considère la vie en société comme essentielle et place la vertu d'humanité au sommet de ses préoccupations ; le second, plus intime, se donne la joie de vivre le plus possible comme objectif primordial. À la base de ces deux enseignements, se trouve l'idée qu'à chaque être vivant est attribué à sa naissance un lot, une durée de vie. Cette sorte de capital « énergétique » se manifeste extérieurement par une place dans sa famille et dans la société ; et intérieurement par une incarnation physique, une santé spécifique. Si le confucianisme va se porter sur la gestion sociale de ce capital de départ, le taoïsme lui va chercher à le développer au niveau personnel. C'est pourquoi tous les arts physiques chinois se sont épanouis sous son obédience. Tous, en effet, ont le même objectif : yang sheng ; littéralement, « nourrir le vivre », qui ne connaît ni début ni fin, un trésor dont chacun des 10 000 êtres vivants porte une parcelle en lui. Seul l'être humain, qu'aucune destinée religieuse ne différencie des autres créatures vivantes, a une particularité spécifique : la conscience qu'il a de cette réalité, et donc la possibilité d'agir sur ce capital reçu à la naissance, en le diminuant par une conduite dissolue ou en le renforçant par une conduite appropriée. C'est dans ce cadre que se construit la vision taoïste de la sexualité.

Un exercice sérieux, total
Tout ce qui existe résulte d'un entrecroisement du yin et du yang - ces composants déterminent pour chaque être des propensions spécifiques. L'éclair, par exemple, violent et intense, est bien plus chargé de yang que la montagne ; il lui manque la durable stabilité. La montagne, de son côté, a besoin de la pluie féconde que l'éclair déclenche pour se couvrir de verdure. Il en est de même pour les humains en général, et pour leur comportement sexuel en particulier. La manifestation masculine de la sexualité sera plus yang, extérieure, rapide, superficielle ; et sa forme féminine plus yin, intérieure, lente et profonde. Mais le yin et le yang ne sont pas l'homme et la femme, ce ne sont que des essences, des fluides dont chaque sexe est porteur. C'est pourquoi leur réunion est favorable à cet échange, mais à la double condition que cet échange se produise et qu'alors il soit régulé. La sexualité devient un exercice sérieux, total, mobilisant tout ce que nous sommes pour une régulation et une augmentation de la vitalité.
Pour cela, la jouissance de chacun des partenaires est essentielle. Mais pour qu'elle ait lieu, il faut que soit prise en compte la différence avec laquelle chacun y parvient. La jouissance masculine est yang, simple, directe, « mécanique » ; la jouissance féminine est yin, plus profonde, plus mystérieuse. Le premier enseignement de la sexualité taoïste est que l'homme doit provoquer la jouissance de sa partenaire s'il veut bénéficier des bienfaits du « Tao de l'art d'aimer » (lire plus loin).
On comprend mieux alors pourquoi les enseignements de la sexualité taoïste s'adressent majoritairement aux hommes : parce que la régulation de la sexualité est un domaine où les hommes ont beaucoup plus à apprendre que les femmes. Cela ne tient à aucun primat du yang, mais simplement à la conjonction de deux faits : tous les êtres vivants, qu'ils soient hommes ou femmes, parce qu'ils sont vivants, chauds, mobiles, sont naturellement du côté du yang et, pour des raisons bien plus culturelles que naturelles, les hommes sont plus réceptifs aux conduites yang et les femmes aux conduites yin. La sagesse chinoise en a tiré une conclusion efficace, trop souvent négligée tant par les Occidentaux que par les Chinois : la stratégie yang, naturelle chez tous les vivants, n'a pas besoin d'être cultivée. C'est la stratégie yin, moins « évidente » mais plus efficace, qui doit être mise en oeuvre résolument, car elle est source de multiples bienfaits.
Cette prise de position, qui est également à la base du judo - dit la « voie de la souplesse » ou la « voie du yin » -, fonde la gestion taoïste de la sexualité, dans une optique de régénération de la vitalité. Celle-ci est exposée dans le Su Nu Jing, littéralement le Classique de la fille de candeur. Cet ouvrage fondateur se présente sous la forme d'un dialogue entre Huang Di, l'Empereur jaune - personnage mythologique à l'origine de la nation chinoise et au coeur de la tradition taoïste - avec Su Nu, littéralement la « fille de candeur », son instructrice dans l'art d'utiliser la sexualité bien tempérée pour atteindre la longévité. De ce vieux classique, Jolan Chang, un taoïste chinois, a tiré une adaptation moderne : Le Tao de l'art d'aimer(Calmann-Lévy, 1994), un ouvrage que tout homme découvre toujours trop tard et qui devrait être glissé sur la table de nuit des jeunes adolescents, afin de découvrir la sexualité sous un jour moins angoissant. Son idée de base est la dissociation entre jouissance et éjaculation : pour que l'échange des essences yin et yang se fasse, l'orgasme des deux partenaires est nécessaire ; mais pour qu'il soit énergétiquement vivifiant, il faut qu'ils y parviennent sans qu'il y ait éjaculation.

Une « habitude néfaste »
La femme doit pour cela développer en elle sa composante yang pour émettre son essence yin vers l'homme qui, de son côté, doit privilégier sa composante yin pour la recevoir. Chacun a besoin de la jouissance de l'autre pour augmenter son harmonie interne. Jolan Chang le spécifie bien : « C'est par habitude que nous qualifions l'éjaculation de point suprême du plaisir masculin, habitude néfaste, dans laquelle les puritanismes ont enraciné le sentiment tragique qui encombre la sexualité occidentale. À la "petite mort", le taoïsme oppose la grande vie cosmique que la maîtrise de l'éjaculation permet à chacun d'approcher. On lit en effet dans le Su Nu Jing : "On croit en général que l'homme tire un grand plaisir de l'éjaculation. Mais lorsqu'il apprendra l'art taoïste d'aimer, il éjaculera de moins en moins. Son plaisir n'en diminuera-t-il pas ?" À quoi son interlocuteur répond : "Absolument pas. Après l'éjaculation, l'homme est fatigué, ses oreilles bourdonnent, ses yeux sont alourdis, et il aspire au sommeil. Il a soif et ses membres sont inertes et ankylosés. Pendant l'éjaculation, il éprouve un bref instant de joie, mais il en résulte ensuite de longues heures de lassitude. Ce n'est pas vraiment de la volupté. Si au contraire, l'homme réduit et contrôle son éjaculation, son corps en sera fortifié, son esprit s'en trouvera ragaillardi, son ouïe plus fine et sa vue plus perçante. En maîtrisant la sensation que lui procure l'éjaculation, l'amour qu'il éprouve pour la femme grandit. C'est comme s'il ne pouvait la posséder en suffisance. Comment peut-on dire que ceci n'est pas une infinie volupté ?" »
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