Forum Religion : Forum des Religions Pluriel
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment : -29%
PC portable – MEDION 15,6″ FHD Intel i7 ...
Voir le deal
499.99 €
Le Deal du moment : -45%
WHIRLPOOL OWFC3C26X – Lave-vaisselle pose libre ...
Voir le deal
339 €

Forum Religion et Politique

Page 3 sur 3 Précédent  1, 2, 3

Aller en bas

Forum Religion et Politique - Page 3 Empty Forum Religion et Politique

Message  Arlitto Jeu 09 Juin 2016, 20:19

Rappel du premier message :

Forum Religion et Politique

Le religieux face au politique

La société a-t-elle besoin du religieux ? Oui sans doute. Mais ce religieux est disséminé, vécu « à la carte » par l’individu. Quant au politique, il gère mais ne mobilise plus les citoyens. D’où la même relative faiblesse de l’Etat et des Eglises, le même déclin du militantisme.
Le partage entre religion et politique, tel qu’il a été pensé depuis deux siècles, en France surtout, correspond à deux visions de base (certes en elles-mêmes très différenciées) du religieux et de ce qu’il représente pour la société politique. Cette dualité joue aussi quand nous évaluons les rapports entre lien social et religion – y compris dans l’Europe politique en train de naître, qui hésite entre les deux conceptions. L’une de ces visions est davantage sociologique, et l’autre politique. Sans être totalement exclusives l’une de l’autre, elles impliquent des options différentes sur la place du religieux dans la société. Or l’une et l’autre sont remises en question par la situation nouvelle faite aux démocraties et aux religions dans les sociétés dites postmodernes.
Forum Religion et Politique - Page 3 Separatorart
Thèse sociologique : la religion a un contenu substantiel pour la société
Toute une tradition sociologique, bien qu’agnostique ou athée, a insisté sur le rôle des religions pour les sociétés. Elle s’est opposée ainsi à une tradition rationaliste qui culmine au XVIIIe siècle, selon laquelle “la religion, et en particulier le christianisme, est un fatras de superstitions dont seuls les êtres auxquels font défaut les Lumières et la raison ont besoin”. L’émancipation selon les philosophes impliquait que la religion disparaisse afin que les sociétés et les Etats soient enfin rendus à eux-mêmes, à la maîtrise de l’ici-bas [1]
Pour la plupart des sociologues du XIXe siècle, au contraire, l’Etat et la société sont sinon menacés dans leur existence, du moins affectés dans la qualité et la cohésion de cette existence, par le recul de la religion. A leurs yeux, celle-ci n’est pas d’abord constituée de connaissances et de convictions intellectuelles vraies ou fausses, ni d’institutions chargées de les produire, de les répandre et de les surveiller, mais de sentiments et d’aspirations, de valeurs et d’incitations morales, de rites et de cérémonies, de comportements et de règles de vie, de solidarités communautaires et extra-communautaires. Bref, la religion a un contenu substantiel. Tocqueville, pourtant sévère envers les instances catholiques, s’interroge sur l’utilité de la religion – catholicisme compris – pour vitaliser la démocratie [2]. Max Weber, pour qui la religion implique avant tout des “systèmes de règlement de la vie” [3] a tenté de montrer les liens entre éthique protestante et esprit du capitalisme. Pour Georg Simmel, les “théories sociales ne peuvent pas éviter de reconnaître le rôle effectif du sentiment religieux dans les mouvements des sociétés, même modernes” [4]. De même Durkheim : «Les religions doivent être l’expression de la conscience collective». Il est vrai qu’il s’agit pour lui avant tout de cette «religion» qui constitue la communauté morale de la République laïque [5.
Une autre perspective, plus conservatrice, ajoute qu’un fondement transcendant est nécessaire pour faire contrepoids à la caducité des choses humaines et leur donner un socle d’éternité. Elle réclame une restauration, fût-elle autoritaire, du rôle de la religion dans la cité politique. Mais plus largement, les sociologues s’interrogent avant tout sur le sens et les conséquences socio-politiques de la faiblesse et du recul de la religion, sur ce qui peut tisser le lien social “après” la religion, ou sur les substituts de cette dernière qui apparaissent sur la scène sociale (le sport de masse, par exemple). Ce n’est sans doute pas un hasard si ces sociologues sont souvent issus de pays anglo-saxons, où la sécularisation s’est propagée sans avoir à mettre en œuvre la laïcisation volontariste dont la France notamment est le théâtre lors de la Révolution et à partir de la fin du XIXe siècle. Mais on peut comprendre que cette vision plus «interne» du religieux et de sa place sociale puisse séduire le catholicisme [6].
Elle peut même apporter de l’eau à son moulin. C’est l’une des raisons, à mon sens, qui fait que des religieux auraient quelque motif de trouver minimal ou insuffisant un enseignement neutre d’histoire des religions en termes de simples connaissances religieuses : non qu’ils veuillent un enseignement confessionnel voire prosélyte, mais ils ont le sentiment que le fait religieux réduit à des idées et des événements est profondément tronqué.
Forum Religion et Politique - Page 3 Separatorart
Thèse politique : la société peut se passer du religieux
En sens inverse, chez les “laïques à la française”, même partisans du compromis et de la paix avec l’Eglise catholique, on veut ignorer ces réflexions sur le rôle social de la religion. Ils se sont au départ, diversement certes, inscrits dans la lignée des philosophes antireligieux, même si, par la suite, les lois laïques sont devenues avant tout un mode de gestion de la séparation et de la pluralité des religions au sein de l’Etat [7]. Dans cette perspective, la religion comme telle n’a aucun rôle structurant pour la société. Elle n’a pas de légitimité publique ni d’utilité sociale que l’Etat puisse reconnaître. Elle doit rester confinée dans la vie privée et sa visibilité publique rester minimale. L’Etat, situé hors et au dessus de la pluralité religieuse, garantit la liberté égale de toutes les religions, sans en reconnaître aucune. Les individus peuvent alors de plein droit vivre leurs engagements et leurs convictions dans la Cité humaine, ils apporter à titre personnel leur pierre dans l’espace public, agir dans l’intérêt général, mais les associations qu’ils constituent, les assemblées religieuses auxquelles ils participent, les travaux et les solidarités qu’ils organisent, les croyances qu’ils partagent n’ont pas de pertinence sociale ou politique reconnue par l’Etat.
Les aspects anticléricaux ou antireligieux qui ont présidé à la naissance de ce modèle n’ont pas toujours disparu dans les milieux laïcs militants. Ils persistent sous la forme d’une mésestime ou, au minimum, d’une méfiance [8]. De son côté, l’Eglise catholique a fini par s’accommoder du partage laïc en France – par l’accepter globalement avec des réserves et des exceptions (comme l’enseignement privé). Des catholiques le défendent farouchement au nom de la fidélité à l’Evangile : le christianisme n’a nul besoin de reconnaissances étatiques, que ce soit comme fondement du lien social ou comme partenaire reconnu “utile” dans la sphère publique, et cette déliaison est au contraire liberté pour agir et apporter sa pierre sociale, caritative, éthique…, au bien commun [9]. Contrainte de ne compter que sur elle-même, sur sa vitalité spirituelle et son imagination, l’Eglise catholique a en fin de compte bénéficié de la laïcité française.
Forum Religion et Politique - Page 3 Separatorart
Une tension féconde
J’ai parlé indifféremment du religieux, de la religion et des religions. En fait, l’évocation du catholicisme rappelle que nous sommes dans le domaine chrétien, et que la tension dont il est question est avant tout inscrite dans l’histoire de l’Occident. Jean-Claude Eslin l’exprime dans les termes suivants : “Les prophètes et le Christ ont introduit une dualité dans l’histoire occidentale, et les formes d’unité se sont reconstituées autrement, laborieusement. La dualité des principes opposée à toute réduction à l’unité sous quelque prétexte que ce soit constitue, semble-t-il, la racine du dynamisme de l’Occident dans l’histoire. […] La dualité des principes peut être mise en cause par l’affaiblissement interne de l’un des principes, quand par exemple les expressions religieuses s’affaiblissent, (…) quand le pouvoir spirituel, au fil des guerres de religion, des divisions de la chrétienté ou de sa responsabilité dans les catastrophes du XXe siècle, semble s’être perdu lui-même. L’Etat tend alors, en dépit de tous les regrets et de toutes les larmes versées, et de tous les désirs de réappropriation de la société civile, à devenir un pôle unique de légitimité, ce qui est pour lui la pente naturelle. Il arrive aussi que ce soit le principe politique qui devienne trop faible, et la dualité est alors mise en cause au profit de l’Eglise qui assume des fonctions qui ne sont pas les siennes”. [10]
Forum Religion et Politique - Page 3 Separatorart
Faiblesse du pôle religieux…
Qui dit faiblesse du religieux doit préciser ce dont il est question. La faiblesse n’est pas l’absence, car d’un certain point de vue, on devrait plutôt insister sur l’omniprésence du religieux au “temps des religions sans Dieu” [11]. Faiblesse veut dire avant tout éclatement et dissémination du religieux. Sous l’effet de l’individualisme, les appartenances se dissolvent ou se relâchent, et la religion est vécue “à la carte” [12] dans l’ensemble de ses dimensions (pratiques cultuelles et éthiques, croyances…). Dès 1994, plus de deux tiers des individus interrogés se disaient d'accord avec la formule : “De nos jours, chacun doit définir sa religion indépendamment des Eglises” [13].
Les sociologues ont analysé les nombreuses facettes de ce nouvel univers des croyances, où règnent le religieux “buissonnier”, le religieux “bricolé”, le religieux “hors appartenance”, les “croyances flottantes”, le tout assorti d’un fort relativisme. Les intérêts continués pour la question religieuse sont souvent liés à la réalisation de soi “dans le monde” : on espère d’eux un “plus”, des atouts pour affronter la vie, un mieux être, une aide implicitement ou explicitement de nature thérapeutique [14]. Dans cette évolution, l’Eglise catholique devient elle-même un groupe minoritaire, si l’on entend par là non seulement le noyau des catholiques pratiquants fidèles, pour l’essentiel, à la doctrine catholique et aux directives éthiques du pape et des évêques, mais tout simplement les Français qui se disent catholiques.
Forum Religion et Politique - Page 3 Separatorart
… et du pôle politique
Mais peut-on dire que nous nous trouvons seulement devant un christianisme «malade» face à un politique dont la légitimité serait intacte ? C’est plutôt l’inverse qui est vrai – et préoccupant : alors que, du point du administratif, financier, matériel, les Etats sont des machines énormes avec des capacités d’intervention inégalées, nombre d’observateurs insistent sur la carence proprement politique des démocraties européennes, sur leur déficit symbolique et sur le manque de responsabilité politique de leur société civile. Selon Marcel Gauchet, une raison essentielle de cet affaissement est précisément la chute de tension entre l’Etat et l’Eglise, du fait que l’autonomie de la société politique a cessé d’être un combat : les Eglises et les croyants ont eux-mêmes intériorisé l’idée qu’il «est devenu incongru ou grotesque de mêler l’idée de Dieu à la norme de la société des hommes… L’autonomie l’a emporté; elle règne sans avoir à s’affirmer en face d’un repoussoir fort de l’épaisseur des siècles, et cela change tout» [15]. La laïcité s’est elle-même laïcisée ou sécularisée. L’Etat laïc avec ses références «sacrées» (la Révolution, la République, la patrie…) a perdu de son aura. La citoyenneté active en démocratie et l’engagement républicain qu’elle présupposait se sont affaissés eux aussi. Prospère la vague d’individualisme conquérante qui emporte tout sur son passage dans les dernières décennies du XXe siècle. “L’accent fondamental s’est déplacé de l’exercice de la souveraineté des citoyens vers la garantie des droits de l’individu”, pour lequel le politique est incapable de “proposer un horizon intellectuel sensé” [16]. Il se contente donc de gérer au jour le jour – ce qui n’est pas méprisable, mais en soi peu mobilisateur.
Marcel Gauchet voit dans cette évolution la «neutralisation terminale de l’Etat et le sacre de la société civile», mais en un sens bien précis : «Tout ce qui relève de l’explication ultime, de la prise de position sur le sens de l’aventure humaine se trouve renvoyé du côté des individus – le collectif ne représentant plus, comme il le représentait tout le temps où il était présupposé comme la porte de l’autonomie, un enjeu métaphysique suffisant en lui-même.(…) Rien des raisons suprêmes ne se décrète au niveau commun; celui-ci ne contient pas en soi et par soi de solution au problème de la destinée. Seules des convictions singulières sont habilitées à se prononcer sur les matières de dernier ressort, y compris à propos de l’autonomie, y compris à propos du sens de l’existence en commun» [17]. L’autonomie de la société civile s’est transformée en sacre des individus. Il en résulte concrètement une affirmation sans précédent de ses droits privés et de la demande face à l’Etat, une généralisation de l’idée de marché ou une société de marché généralisée à l’ensemble des sphères de la vie, une extension considérable du droit dans les relations sociales, l’apparition massive de la «démocratie d’opinion»…
Forum Religion et Politique - Page 3 Separatorart
L’engagement individuel oui, mais où sont les militants ?
A partir de cette double situation de faiblesse, on doit évaluer la fécondité ou non des rapports mutuels entre politique et religieux. Car devant cette nouvelle donne, aussi bien la vision sociologique que la vision laïque-politique du religieux se trouvent en porte-à-faux : en effet, les deux présupposaient à la fois une puissance quantitative et une vitalité qualitative du christianisme, des Eglises protestantes et catholiques en particulier. Ce sont les conséquences d’une rupture par rapport à une situation de monopole de la régulation religieuse dans les pays européens, qu’il faut évaluer.
La question concerne avant tout les apports que, comme forces collectives et institutionnelles, les religions et le politique peuvent encore s’offrir mutuellement. Car après tout, à titre individuel, une latitude considérable est laissée à tout un chacun pour des engagements et des initiatives dans la société ou dans le cadre de sa communauté religieuse. Rien n’empêche le chrétien d’être individuellement, pour reprendre la belle expression de Michel Camdessus, «au service du bien public». Dans une société avide de transparence et curieuse, précisément, des raisons et des valeurs privées qui motivent des engagements publics, on connaît ces motifs davantage qu’en d’autres temps, et cette publicité est davantage acceptée par la société pluraliste.
De surcroît, la liberté de choix et d’engagement religieux est garantie, peut-être mieux qu’autrefois (on pense à l’aide à l’enseignement privé sous contrat, ou aux avantages fiscaux liés à des dons pour des fondations et des œuvres, aux subventions publiques en faveur d’objectifs, de travaux, de bâtiments religieux…). Tout au plus peut-on déplorer la faiblesse croissante des engagements militants. Mais on est renvoyé alors à l’affaiblissement des religions, elles-mêmes gagnées par l’individualisme : dans la société comme dans l’Eglise, les individus engagés ne sont pas légion. C’est le consommateur qui triomphe. L’individualisme et ses conséquences entraînent avec eux la fin de l’ère des militants.
Forum Religion et Politique - Page 3 Separatorart
Faiblesse collective des religions historiques
Mais la situation véritablement nouvelle est créée par la faiblesse des grandes religions instituées et la fin du monopole religieux de fait qu’elles exerçaient jusqu’à présent dans la société, et qui les faisaient reconnaître comme de «grandes familles spirituelles» de référence, y compris par l’Etat laïc qui avait en fin de compte instauré de multiples compromis dits et non dits avec elles. Juridiquement, elles disposent certes d’avantages qui les rapprochent des «cultes reconnus» (cf. les émissions religieuses sur les chaînes publiques le dimanche matin). On peut penser aussi à des recours ponctuels, mais symboliquement importants, aux religions de la tradition sur la scène publique. Recours caritatif et social : au début des années 80, devant le surgissement des «nouvelles pauvretés», le gouvernement socialiste a fait appel aux organisations caritatives (Secours catholique, Cimade…). En 1995, un appel similaire concernait la présence d’associations chrétiennes dans les quartiers en difficulté. Recours pour une médiation diplomatique (Nouvelle Calédonie). Recours pour la réflexion éthique (Comité national d’éthique). Recours, contesté certes, à l’Eglise catholique pour organiser les funérailles religieuses nationales (et internationales) du président de la République défunt, mais plus ordinairement, présence quasi «officielle» de ministres du culte lors des cérémonies de funérailles collectives pour les victimes de catastrophes [18].
Ces «attentions» ne sont pas rien. Pourtant, elles n’ont d’égale que l’indifférence des politiques à l’avis des religions - notamment de l’Eglise catholique – sur des décisions qui engagent la marche de la société sur le long cours : décisions économiques et sociales (pour la politique familiale, par exemple), lois qui autorisent de nouvelles libertés personnelles pour des individus ou des catégories sociales (lois accordant à chacun et de plus en plus tôt la libre disposition de son corps...). A l’époque de la «démocratie d’opinion», le politique est ou se croit obligé de suivre et de reconnaître juridiquement les évolutions de la société. «Sacre de la société civile», qui passe outre l’opposition, ni unanime ni identique certes, des grandes familles spirituelles : mais celles-ci dénoncent la rupture du lien social qui résulte de ces lois individualistes.
L’Etat répondrait sans doute que l’Eglise a toute liberté pour se faire entendre dans l’espace public ou faire jouer ses relais au Parlement. L’argument est quelque peu hypocrite. Les dirigeants politiques savent fort bien qu’ils peuvent se passer de l’assentiment de l’Eglise : ses propres fidèles ne la suivent pas sur ces points comme sur d’autres, ce qui rend fragile sa légitimité sur ces questions. Par ailleurs, par une confusion en partie voulue, ces lois individualistes sont souvent revendiquées et votées au nom des «droits de l’homme», de l’égalité et de la justice pour des «victimes» [19]. Ce label évite de se situer au niveau de l’éthique fondamentale où voudraient se situer les grandes familles religieuses.
Quant au lien social, éventuellement menacé par ces lois, les dirigeants politiques actuels, confrontés à une société pluraliste, préfèrent compter davantage sur les ajustements sociaux de l’Etat-providence et sur une vision procédurale du social que sur des valeurs fondamentales partagées. Certains gouvernements semblent avoir déjà tiré les leçons de cet état de fait : à en croire le cardinal Simonis, archevêque d’Utrecht, «les choses sont allées si loin [en Hollande, où les liens Eglise/Etat étaient plus forts qu’en France] que la croyance chrétienne et l’Eglise n’ont plus aucune signification publique pour le gouvernement. Le gouvernement voit seulement dans ses citoyens des individus, qu’ils soient croyants ou non».
Forum Religion et Politique - Page 3 Separatorart
Les grandes religions en porte-à-faux
Cette nouvelle situation interroge les traditions religieuses. Elles insistent elles-mêmes sur leur apport théorique et pratique à la société civile. Elle se veulent participantes de l’intérêt général. Mais cette prétention n’est-elle pas aujourd’hui démentie par leur faiblesse croissante ? Elles deviennent simplement les groupes les plus importants parmi toutes les dénominations religieuses existantes, et elles ne sont donc plus coextensives aux sociétés européennes. Il y aura des «communautés confessantes», bien ancrées dans la foi et aussi dans le réel, mais plus nombreuses encore risquent d’être, à raison même de la demande de sens et de «spiritualité» dans des sociétés qui en semblent dépourvues, les communautés nouvelles fortement axées sur l’expérience et la vie spirituelle (charismatiques, évangéliques, pentecôtistes…). S’accroîtra aussi, dans le cadre des religions de la tradition, la part des «pèlerins», c’est-à-dire de ces croyants à la pratique intermittente mais intense, participant à des moments forts mais ponctuels [20]. Loin de moi de mépriser ces modes d’affiliation, mais les formes et surtout la force de leur implication dans le devenir des sociétés civiles n’ont pas de réponse évidente : ils seront une «goutte d’eau dans la mer» [21].
Les politiques qui se passent de l’instance religieuse ne sont nullement antireligieux : ils entérinent une situation qu’ils n’ont pas les moyens d’inverser - à supposer même qu’ils aient des convictions à ce sujet... Là aussi s’impose en effet le sacre de la société civile, avec le triomphe de l’individu : chacun peut dire à l’Etat : «C’est mon choix» (et mon droit, y compris avec des conformismes incroyables sous couleur de nouveauté). La société civile fait loi pour la sphère politique comme pour la sphère religieuse [22]. Je suis perplexe dès lors sur la capacité réelle des religions instituées à créer du «lien social» et à jouer un rôle important dans la formation et l’expression de l’esprit public [23]. Des individus, chrétiens et autres, certainement, à la mesure de leur place, de leurs responsabilités et de leurs initiatives dans la société. Des « communautés confessantes » et des groupes spirituels ayant une belle vitalité, peut-être, mais ponctuellement et de façon limitée [24].
Forum Religion et Politique - Page 3 Separatorart
Questions nouvelles à la laïcité
De nouvelles questions sont aussi posées à la tradition laïque. Officiellement, elle n’aurait que faire du déclin des religions historiques. Cependant, je l’ai dit, d’une part, de nombreux compromis et des quasi-reconnaissances officielles ont été passés avec ces religions instituées, même si – on l’a vu tout récemment – l’idée d’un héritage religieux de l’Europe inscrite dans un texte officiel paraît impossible à accepter. D’autre part et surtout, le nouveau paysage religieux n’a pas grand chose qui puisse réjouir un laïc conséquent : phénomènes d’irrationalité de toutes sortes (en tout cas selon les critères de la raison des Lumières), absence de régulation d’un religieux tributaire de l’offre et de la demande, présence obsédante du phénomène sectaire.
Par rapport à ce dernier, en particulier, la République laïque se trouve en porte-à-faux. Répondant en partie à la demande de la société civile, les gouvernements ont depuis plusieurs années entrepris une véritable croisade anti-sectes.
On peut cependant se demander si les politiques de droite et de gauche qui poursuivent les sectes ne contreviennent pas à l’esprit de la laïcité « à la française », qui ne reconnaît aucun culte ni aucune association religieuse mais permet à tous, au nom de la liberté d’opinion et d’association, d’exister. En réalité, là encore, la société civile commande, car c’est en elle que les individus, obsédés par les droits de l’homme, la tolérance, les victimes, les dangers qui menacent les enfants, les bonnes affaires d’autrui qui paraissent louches…, requièrent que les responsables politiques combattent l’existence même des sectes, considérées comme des groupes criminels avant tout délit constitué. Le respect du pluralisme peut aller loin, mais ici il trouve ses limites : il s’arrête aux portes de ceux qui sont censés ne pas jouer le jeu – et que la rumeur stigmatise comme telles. Ce faisant, la République laïque s’intéresse bel et bien, et quoi qu’elle en dise, au contenu des croyances et aux pratiques des groupes religieux.
En sens inverse, au nom de l’égalité laïque et démocratique de traitement des associations cultuelles, des groupes sectaires réclament des mesures juridiques semblables à celles dont profitent les grands groupes religieux. Une demande qui paraît exorbitante à l’opinion publique et qui est stigmatisée par la plupart des médias. Le Conseil d’Etat et certains magistrats, au cours de procès intentés à des sectes, se sont montrés plus ouverts que l’opinion publique à cette égalité de droits [25]. D’autres pays européens, même lorsqu’ils ont des cultes reconnus par la Constitution, accordent un traitement juridique plus favorable à des groupes minoritaires, mettant là comme en d’autres domaines le droit en accord avec l’état des mœurs.
Paradoxalement, avec la lutte antisectes, la République laïque tend à donner par comparaison une meilleure image des grandes religions. Mais c’est une apparence : quand les grandes religions résistent à l’opinion commune, elles sont sévèrement jugées; et sur des affaires sensibles (comme récemment la pédophilie), le droit a tendance, conformément à la demande sociale là encore, à ne plus leur reconnaître de spécificité.
Il est difficile d’espérer que les évolutions religieuses analysées par les sociologues, avec des arguments de poids, puissent s’infléchir dans les décennies qui viennent. C’est d’autant plus impensable qu’au-delà des aspects sociologiques, le christianisme européen, et particulièrement le catholicisme, font l’objet, dans des milieux culturels limités, mais influents, d’un incroyable ressentiment, d’un rejet viscéral, où se mêlent inextricablement des raisons récentes – la fureur contre une certaine résistance à l’individualisme, en particulier à la permissivité dans les comportements sexuels - et anciennes. Une forme de culpabilité s’expulse sans doute dans ces ressentiments… mais laissons ces interprétations de psychanalyse collective. En tout cas, dans ce contexte, la parole des Eglises en Europe - la catholique surtout – n’est pas seulement affaiblie : elles est aussi fortement délégitimée dans l’espace public.
Pour autant, l’avenir n’est pas écrit : est-il impensable que de nouvelles générations, dans une ou deux décennies, ressentent le désir de retrouver la mémoire de leurs origines et de renouer avec un héritage mis sous le boisseau par la génération de leurs pères ? Il se passerait alors pour le christianisme ce qui – dans une mesure qu’il ne faut certes pas enjoliver – est arrivé au judaïsme : il y a quelques décennies, on le croyait tellement «assimilé» que beaucoup, y compris dans ses propres rangs, comptaient sur sa disparition à terme. C’est le contraire qui s’est produit : on a assisté, en passant par une histoire tragique certes, à une renaissance depuis deux ou trois décennies – renaissance réelle malgré des aspects ambigus (identitaires, par exemple). Cette renaissance est-elle exclue pour le christianisme ?
Dans l’immédiat, si on se place dans la perspective du « lien social », la question qui se pose à lui pourrait se formuler ainsi : que faire par rapport à l’individualisme conquérant ? Jusqu’à présent, aucune réponse satisfaisante n’a été apportée par les Eglises à cette question. Les religions en général, et le christianisme en particulier, ne peuvent pas être le simple envers de cet individualisme, les champions de l’engagement et de la solidarité, les créateurs de communautés qui se font les détracteurs de la liberté personnelle des modernes. En sens inverse, chacun sent bien que l’aplatissement pur et simple devant les requêtes des individus n’a pas davantage de sens. Les Eglises n’ont pas encore appris à combiner heureusement le «je» de l’individu et le «nous» du collectif ou de la communauté.
On pourrait aussi se demander : étant acquis que les croyants doivent peu ou prou être au «service du bien public», que signifie cette expression quand il s’agit de groupes religieux ? «Favoriser le lien social», avec l’idée implicite de se couler dans les projets constructifs de l’Etat gestionnaire, est-il la meilleure façon d’y répondre  ? La question se pose dès lors que les groupes religieux ne sont plus renvoyés à des fonctions de structuration, ou de subsidiarité, ou de suppléance (fussent-elles implicites, comme en France). Non pas qu’il faille renoncer à ces fonctions, mais il faut peut-être renoncer à penser qu’elles sont seules essentielles ou utiles. Ce qui peut être utile aussi, c’est la capacité de création de sens et d’écarts pratiques propres, sans lien immédiat avec l’Etat et l’intérêt général. Ce sont aussi des voies (et des voix) divergentes, à l’écart des conformismes consuméristes et libéral-libertaires de la société civile, y compris des dérives du «victimisme» - ceci dans le cadre du droit commun certes, mais avec des utopies et des formes de vie qui ne sont pas nécessairement congruentes avec celles des majorités «loft-storisées». Le risque, c’est la secte, ou d’être traité de secte. Mais s’il faut sortir de la vision sociologique qui assigne aux religions uniquement un rôle substantiel dans l’Etat, il faut aussi inciter l’Etat laïc à admettre que des croyants puissent ne pas être des bien-pensants dans la société civile postmoderne.



1 /Robert A. Nisbet, La tradition sociologique, coll. Quadrige, Puf, 1996, p. 277. 
2 /Cf. parmi beaucoup d’autres, Danièle Hervieu-Léger et Jean-Paul Willaime, Sociologies et religion. Approchesclassiques, Puf, 2001, ch. 2. Cf. aussi Pierre Bréchon, Les grands courants de la sociologie, Presses Universitaires de Grenoble, 2001. 
3 /Danièle Hervieu-Léger et Jean-Paul Willaime, id., p. 70. 
4 /Id., p. 112. 
5 /Pierre Bréchon, id., p. 69. 
6 /L’ouvrage récent, Le religieux des sociologues. Trajectoires personnelles et débats scientifiques, L’Harmattan, 1997, où s’expriment les sociologues de la religion d’aujourd’hui, ne dément pas, me semble-t-il, ce qui précède : malgré la diversité des points de vue, l’intérêt pour la dynamique interne des religions est manifeste. 
7 /Là aussi, parmi beaucoup, cf. Jean Boussinesq, «Laïcité au pluriel», Projet n° 225, p. 7-15. J. Boussinesq met en lumière de façon très convaincante la «philosophie libérale au bon sens du mot» qui préside à nos institutions laïques. Mais on ne peut oublier entièrement le contexte de la «guerre des deux France», qui a littéralement produit deux religions mimétiques et antagonistes ; cf. Jean-Paul Willaime, «Laïcité et religion en France», dans Identités religieuses en Europe, sous la direction de G. Davie et D. Hervieu-Léger, La Découverte, 1996, p. 158-163. 
8 /On en trouve des traces dans le livre édité par la Ligue de l’Enseignement, Vers un humanisme laïque du IIIe millénaire. Réflexions pour un humanisme laïque renouvelé, Le Cherche Midi Editeur, 2000.   
9 /Paul Valadier, op. cit., p. 88-90. Cf. aussi René Rémond, «La laïcité», ch. 4 du livre collectif Les grandesinventions du christianisme, Bayard Editions, 2000, p. 97-116. 
10 /Jean-Claude Eslin, Dieu et le pouvoir. Théologie et politique en Occident, Seuil, 1999, p. 260. 
11 /Titre du numéro spécial d’ Esprit de juin 1997, qui contient enquêtes et analyses sur ce thème. 
12 /Cf. Jean-Louis Schlegel, Religions à la carte, Hachette, 1995. De nombreux livres ont décrit ces dernières années la nouvelle situation religieuse. Cf. récemment, sous la dir. de Pierre Bréchon, Les valeurs des Français. Evolutions de 1980 à 2000, Armand Colin, 2000, ch. 7 (Yves Lambert : «Développement du hors piste et de la randonnée», p. 129-153). Pour une approche européenne, cf. Identités religieuses en Europeop. cit.   
13 /Selon Yves Lambert, dans Futuribles, janvier 2001, «Le devenir de la religion en Occident», p. 38; dans le même sens, l’article qui suit, de Pierre Bréchon, «L’évolution du religieux». 
14 /Cf. B. Ugeux, Guérir à tout prix ?, L’Atelier, 2000, ou Jean Vernette et Claire Moncelon, Les nouvellesthérapies, Presses de la Renaissance, 1999. 
15 /La religion dans la démocratie. Parcours de la laïcité, coll. Le Débat, Gallimard, 1998. 
16 /Marcel Gauchet, dans Projet n° 225, op. cit., p. 44. 
17 /Marcel Gauchet, La Religion dans la démocratieop. cit., p. 76-77. 
18 /Mais à rapprocher des cellules d’aide psychologique convoquées pour permettre aux survivants et aux familles d’affronter la mort et le deuil : au prêtre le culte, au «psy» le soutien spirituel, dans un contexte où la crise de la foi en l’au-delà rend la mort plus difficile à affronter. Il s’agit d’une sécularisation de la situation de catastrophe. 
19 /Sur la «société victimale», ressort essentiel du social dans la société civile d’aujourd’hui, cf. Antoine Garapon et Denis Salas, La République pénalisée, Hachette, 1996. 
20 /Cf. D. Hervieu-Léger, Le Pèlerin et le converti, Flammarion, 1999. 
21 /C’est le terme qu’employait naguère Michel de Certeau pour dire le sort – accepté par lui – du croyant dans la société moderne : cf. (avec Jean-Marie Domenach), Le Christianisme éclaté, Seuil, 1974, p. 79-89. 
22 /Pour plusieurs lois récentes (parité, PACS…), le gouvernement – Monsieur Jospin en premier – ainsi que les parlementaires ont semblé plutôt réticents au départ, en tout cas sur l’extension de ces lois. Ils les ont avalisées sous la pression de lobbies à la fois puissants et habiles, et devant une opinion publique passéiste. 
23 /Comme dit Jean Weydert dans Projet n° 240, op. cit., p. 98. 
24 /Je pense à une communauté comme Sant’ Egidio, fondée par des laïcs italiens dans les années 70 (40000 membres aujourd’hui), qui a proposé sa médiation dans le domaine politique (entre islamistes et pouvoir algérien notamment). 
25 /Récemment, en Allemagne, la Cour fédérale constitutionnelle de Karlsruhe a donné raison, contre la Cour fédérale administrative de Berlin, aux Témoins de Jéhovah, qui réclamaient le statut juridique des autres communautés religieuses (celui de «corporations de droit public»). En France, ce statut a été refusé jusqu’à présent aux Témoins (et à d’autres groupes «sectaires» qui le demandent).
Arlitto
Arlitto
Admin
Admin

Religion : Non
Sexe : Masculin Messages : 17557
Localisation : France

http://arlitto.forumprod.com/

Revenir en haut Aller en bas


Forum Religion et Politique - Page 3 Empty Re: Forum Religion et Politique

Message  Arlitto Jeu 09 Juin 2016, 20:38

Liberté-égalité-laïcité. Genèse, caractères et enjeux de la loi de 1905

Résumé
La séparation des Églises et de l’état parachève la laïcité française. La loi du 9 décembre 1905 confirme des principes aussi précieux que la liberté de conscience et l'égalité de dignité de toutes les convictions philosophiques et religieuses, en même temps qu'elle garantit la liberté de culte. Elle instaure une séparation stricte du politique et du religieux avec la fin de toute religion reconnue et subventionnée. Elle constitue un acquis essentiel de la République démocratique en mettant pleinement en œuvre sa devise « Liberté, Égalité, Fraternité ». C’est cette difficile conquête qu'analyse et met en perspective l’historien Jean-Paul Scot 1 en replaçant la laïcité au cœur des combats pour la consolidation de la République. Cette question d’histoire reste inscrite dans les enjeux contemporains en France, en Europe et dans le monde
Haut de page

Entrées d’index
Mots-clés :
anticléricalismeÉgliseÉtatlaïcitéloiséparation
Géographie :
France
Chronologie :
XXe siècle
Haut de page

Plan
La Séparation : parachèvement de la laïcisation de la République
Les contradictions de l’État confessionnel français
Le régime des « cultes reconnus » ne garantit pas la paix religieuse et civile
La Séparation : objectif final de la « laïcité républicaine »
La loi de 1905 : loi de combat ou loi de pacification ?
La Séparation, rendue nécessaire par l’Affaire Dreyfus, ne fut possible que par une intense mobilisation anticléricale
La Séparation fut préparée de façon exemplaire par une commission parlementaire
La loi de 1905 fut adoptée par l’union de tous les laïques par-delà leurs différences de sensibilités anticléricales
Le Vatican ne réussit pas à mettre en échec la loi de 1905
En quoi la loi de 1905 est-elle une loi « libérale » et « laïque » ?
La loi de 1905 consacre la liberté de conscience et la liberté des cultes
La loi de 1905 s’engage à assurer l’exercice des cultes et à respecter l’organisation propre des Églises
La loi de 1905 repose sur la distinction juridique et politique de la sphère publique et de la sphère privée
La Séparation des Églises et de l’État n’a cependant pas été totale
Haut de page

Texte intégral
PDFSignaler ce documenthttps://chrhc.revues.org/702https://chrhc.revues.org/702https://chrhc.revues.org/702https://chrhc.revues.org/702

1J’ai éprouvé le besoin de reprendre l’étude de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, car la plupart des analyses historiques négligent de la replacer dans son contexte général d’affrontement entre cléricalisme et anticléricalisme comme dans le processus séculaire de laïcisation de l’État et de la société. Or une meilleure connaissance de son élaboration devrait permettre d’approfondir notre réflexion sur les principes de la laïcité et de justifier nos interventions dans les débats actuels sur la révision de la loi de 1905. En ces temps de célébration, tout historien doit rester historien.

  • 2  Capéran, Chanoine Louis, L’invasion laïque. De l’avènement de Combes au vote de la Séparation, Des (...)

  • 3  Mayeur, Jean-Marie, La Séparation des Églises et de l’État, réédition, Éditions ouvrières, 1991 et (...)

  • 4  Lalouette, Jacqueline, La séparation des Églises et de l’État. Genèse et développement d’une idée (...)


2Je ne vois pas dans cette loi le point culminant d’une « invasion laïque »2 ou d’une « bataille contre le cléricalisme »3, non dégagée « de toute visée anticléricale, à sa naissance et tout au long de son élaboration »4. Pour moi, la loi de 1905 n’a pas été une « loi de combat », très conjoncturelle et donc aujourd’hui caduque.

  • 5  Scot, Jean-Paul, « L’État chez lui, l’Église chez elle ». Comprendre la loi de 1905, Paris, Seuil, (...)


3J’y vois au contraire une véritable loi organique marquant la fin des rapports d’Ancien Régime entre la religion et la politique et la consécration institutionnelle du long processus de laïcisation de l’État et de sécularisation de la société française depuis les Lumières et la Révolution, donc un acquis fondamental. En tout cas, elle est l’accomplissement du vœu de Victor Hugo invoquant à l’Assemblée nationale, le 15 janvier 1850, « cette antique et salutaire séparation de l’Église et de l’État qui était l’utopie de nos pères, et cela dans l’intérêt de l’Église comme dans l’intérêt de l’État […] l’État chez lui et l’Église chez elle. »5
4La France a en effet connu successivement trois régimes définissant les rapports entre la religion et la politique, entre les cultes et l’État :
51. Des origines du royaume jusqu’à 1789, la France fut un État confessionnel car le catholicisme était l’unique religion officielle légitimant la monarchie absolue de droit divin, mais cet État confessionnel se disait gallican.
62. Après la Révolution, Napoléon Bonaparte établit en 1802 le régime des « cultes reconnus » : le pluralisme religieux était admis et les cultes catholique, protestants et israélite devenaient des institutions publiques sous le contrôle de l’État.
73. Mais le conflit récurrent entre l’Église catholique et la République française aboutit en 1905 à la séparation des Églises et de l’État, qui parachève les lois laïques de 1880-1886.
8Alors que la plupart des États européens en sont restés au stade des « cultes reconnus », ce régime de séparation est une spécificité de la « laïcité à la française ». Les constitutions de la IVe, puis de la Ve République proclament que la France est une « république indivisible, laïque, démocratique et sociale ». C’est dire la gravité de la démarche de ceux qui, à droite mais aussi à gauche, demandent la révision de la loi de 1905.
La Séparation : parachèvement de la laïcisation de la République

  • 6  Fabre, Rémi, Francis de Pressensé (1863-1914) et la défense des Droits de l’Homme. Un intellectuel (...)

  • 7  Jaurès, Jean, Laïcité et République sociale1905-2005 : centenaire de la loi sur la séparation de (...)

  • 8  Oudin, Bernard, Aristide Briand, Perrin, 1987 et 2004. Voir également Rémi Fabre, « Briand, Presse (...)

  • 9  Léon Parsons, Paul Grunebaum-Ballin, puis à partir de février 1905 Louis Méjean, son futur chef de (...)

  • 10  Rapport fait au nom de la commission relative à la séparation des Églises et de l’État par Aristid (...)


9Les initiateurs de la loi de 1905, aussi bien Francis de Pressensé 6 que Jean Jaurès 7, mais également Aristide Briand 8 et ses collaborateurs 9, avaient une claire connaissance de l’évolution des rapports entre religion et politique en Occident. Briand affirme que le christianisme primitif a introduit la distinction entre le temporel et le spirituel : « Rendez à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu », aurait répondu Jésus-Christ aux Pharisiens (Mathieu, XXII, 15, 21). Mais l’Église catholique, triomphante dès les empereurs Constantin et Théodose, prôna l’alliance du trône et de l’autel. Du baptême-sacre de Clovis à la Révolution, pendant treize siècles, le royaume de France fut un État confessionnel 10.
Les contradictions de l’État confessionnel français

  • 11  Le Goff, Jacques, et Rémond, René, dir., Histoire de la France religieuse, tome 2 et 3, coll. « Po (...)


10Dans la France d’Ancien Régime, l’ordre des choses reposait sur l’union organique de la religion catholique et de la monarchie de droit divin. Le catholicisme était la religion du roi et de l’État. En conséquence, le clergé était le premier ordre dans le royaume et avait des privilèges exceptionnels ainsi que des fonctions sociales reconnues. Immensément riche, il avait en charge l’exercice du culte et l’assistance aux pauvres et aux malades. Au nom de l’autorité du dogme catholique, il avait également le monopole de l’éducation et contrôlait les universités, les écoles et les livres. L’Église n’admettait aucune liberté de pensée et de religion et imposait à tous les sujets les « devoirs envers Dieu »11.

  • 12  Favier, Jean, Philippe le Bel, Fayard, 1978.

  • 13  Dansette, Adrien, Histoire religieuse de la France contemporaine, Flammarion, 1951-1952, tome 2.


11Cependant, la France fut le premier État à récuser la théocratie pontificale, à rejeter la prétendue souveraineté des papes sur les rois et les nations. Dès le conflit entre Philippe le Bel et le pape Boniface VIII, la monarchie française impose l’autonomie du pouvoir politique face au pouvoir spirituel de la papauté 12. Et Louis XIV fera proclamer en 1682 dans la Déclaration des Quatre Articles rédigée par Bossuet et adoptée par l’Assemblée du clergé de France que « les papes n’ont reçu de Dieu qu’un pouvoir spirituel » et que « les rois et princes ne sont soumis dans les choses temporelles à aucune puissance ecclésiastique »13. Les deux pouvoirs sont distincts, mais non séparés, et leurs rapports sont réglés par des concordats, comme celui de Bologne signé en 1515. Cette affirmation des « libertés gallicanes » ne marque pas la naissance de l’État laïque comme le disait Auguste Comte, mais n’est qu’une première étape de remise en cause de la théocratie d’après Jean Jaurès.

  • 14  Cottret, Bernard, 1598. L’Édit de Nantes. Pour en finir avec les guerres de religion, Paris, Perri (...)

  • 15  Labrousse, Élisabeth, L’abolition de l’Édit de Nantes, Paris, Seuil, « Points Histoire », 1985.


12La France fut également le premier État européen à admettre la tolérance religieuse. En 1598, pour mettre fin à quarante ans de guerres de religion, le roi Henri IV accorde la tolérance en faveur des réformés protestants par l’Édit de Nantes 14. Alors que dans le reste de l’Europe s’est imposé le principe cujus regio, ejus religio (tel prince, telle religion), le roi de France admet la coexistence légale dans son royaume de sujets de confessions différentes. Mais la tolérance n’est qu’une concession régalienne à des sujets bénéficiant d’un état particulier ; c’est un privilège accordé par un prince absolutiste tout-puissant ; ce n’est donc pas l’affirmation du principe de la liberté religieuse ; ce n’est pas vraiment le « premier acte laïque », comme l’écrit Briand. D’ailleurs l’édit de Nantes sera révoqué dès 1685 par Louis XIV avec l’édit de Fontainebleau 15. L’intolérance de l’Église et de l’État sera donc la cible de tous les philosophes des Lumières qui réclament, au-delà de la tolérance, la liberté de conscience, la liberté de religion et la liberté de pensée.
13La Révolution représente donc la rupture capitale dans le long processus de laïcisation de l’État et de sécularisation de la société car elle détruit le régime confessionnel d’Ancien Régime.

  • 16  Rials, Stéphane, La déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Paris, Hachette, « Pluriel », (...)

  • 17  Le Goff, Jacques, et Rémond, René, dir., Histoire de la France religieuse, tome 3 ; Joutard, Phili (...)


14Dès la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, l’Assemblée constituante proclame pour la première fois au monde la liberté et l’égalité en droits de tous les hommes, préalablement à toutes leurs différences de condition, de position ou de religion. En dépit de l’opposition de l’épiscopat, elle affirme comme droit naturel la liberté de conscience et d’opinions, « même religieuses »16. L’Assemblée constituante abolit les privilèges du clergé et « restitue » tous ses biens à la nation. Elle proclame que la souveraineté émane de la nation et non plus de Dieu. Elle accorde la pleine citoyenneté aux protestants et aux juifs. La Législative laïcise l’état civil, autorise le divorce et le remariage, libère les religieux de leurs vœux perpétuels. Ainsi la Révolution substitue au théocentrisme des « devoirs envers Dieu » l’anthropocentrisme des « droits de l’Homme »17.

  • 18 Vovelle, Michel, La Révolution contre l’Église. De la raison à l’Être suprême, Bruxelles, Complexe, (...)


15Mais le pape Pie VI condamne les droits de l’homme comme des « droits monstrueux » ainsi que la prétention de la Révolution à réorganiser l’Église gallicane par la Constitution civile du clergé. D’où la division des catholiques comme du clergé, les uns favorables aux libertés nouvelles et à la Révolution, les autres champions de la monarchie et de la Contre-Révolution 18.
16On ignore souvent que pour mettre fin à la guerre civile et religieuse, les députés de la Convention adoptèrent, sur proposition du député protestant de l’Ardèche Boissy d’Anglas, le décret du 21 février 1795 qui tenta d’instaurer une première séparation de l’Église et de l’État. Au nom des droits de l’homme, la République garantit la liberté des cultes, mais elle « n’en salarie aucun », « ne fournit aucun local », « ne reconnaît aucun ministre du culte ». Cependant, l’exercice public de toute religion est interdit car la religion est déclarée une affaire de conscience personnelle et le culte une réunion strictement privée. Cette première tentative de séparation des cultes et de l’État ne fut pas viable car les troubles qui divisaient la France se prolongèrent. Napoléon Bonaparte rétablit l’ordre politique et religieux en instaurant le régime des « cultes reconnus » qui fut celui de la France de 1802 à 1905.
Le régime des « cultes reconnus » ne garantit pas la paix religieuse et civile

  • 19  En particulier par Rémond, René, Religion et société en Europe. La sécularisation aux xixe et xxe(...)


17Le Premier Consul et le pape Pie VII négocièrent durement la « transaction » de 1801, mais le concordat promulgué le 26 avril 1802 n’a pas été, contrairement à l’idée répandue par certains historiens, une garantie de paix religieuse 19. Pour trois raisons :

  • 20  Mollat, Guillaume, La Question romaine de Pie VI à Pie XI, Paris, librairie Lecoffre ; J. Gabalda (...)


181. Bonaparte croit acheter la paix religieuse en restituant à l’Église romaine les États pontificaux que les armées républicaines avaient anéantis. La France devient ainsi la protectrice du pouvoir temporel restauré de la papauté, en contradiction avec son message d’émancipation des peuples. La « question romaine » empoisonnera la diplomatie française, surtout sous le Second Empire20.
192. Le pape doit admettre que le catholicisme n’est plus la religion de l’État, puisque le Concordat déclare seulement que « la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de la grande majorité des citoyens français ». Mais l’Église catholique redevient une institution d’État avec un statut de droit public. Les paroisses sont des « établissements publics du culte ». L’État nomme les évêques et accorde aux prêtres des traitements de fonctionnaires et les honneurs dus aux officiels. La religion n’est plus considérée comme une affaire privée car elle est reconnue d’utilité publique avec des fonctions sociales restituées.

  • 21  Leniaud, Jean-Michel, L’Administration des cultes pendant la période concordataire, Paris, Nouvell (...)


203. Enfin la papauté refuse de reconnaître les Articles organiques imposés unilatéralement par Bonaparte, puis le catéchisme impérial, autant de prétentions de l’État napoléonien à contrôler les activités de l’Église et à soumettre le clergé à des règlements de police. Le Vatican refuse également d’admettre le pluralisme religieux et l’égalité des droits des autres cultes protestants et israélite, eux aussi financés. Bref, l’État reconnaît les droits de l’Église catholique alors que celle-ci ne reconnaît pas les lois de l’État français 21.
21On comprend dès lors pourquoi le Concordat se transforme vite en « Discordat ». Même si après 1815 les principes de 1789 continuent de fonder le droit public et le Code civil, des lois de l’Église sont admises comme lois de l’État : ainsi le divorce est interdit, l’adultère est pénalisé, l’avortement est criminalisé, le sacrilège est passible de la peine de mort, le travail est interdit le dimanche et les jours de fêtes religieuses. En dépit de la création de l’Université et des lycées d’État par Napoléon, l’enseignement primaire et secondaire est abandonné pour l’essentiel aux congrégations religieuses ; en retour, l’État peut s’appuyer sur les Églises comme gardiennes de l’ordre moral et social.

  • 22  Nous contestons l’opinion de Jean Baubérot qui voit dans le régime concordataire un « premier seui (...)

  • 23  Weil, Georges, Histoire de l’idée laïque en France au xixe siècle, Paris, Félix Alcan, 1925, réédi (...)


22Ainsi, en dépit de la reconnaissance de la liberté de conscience et du pluralisme religieux, l’État français respecte le statut canonique des religions et accorde même une situation privilégiée au culte majoritaire. L’État n’est donc ni vraiment neutre ni déjà laïque 22. Les contradictions du régime des « cultes reconnus » inspirèrent donc très tôt les triples critiques des protestants libéraux inquiets de la perte de leurs libertés, tel Alexandre Vinet dès 1825, des quelques catholiques démocrates comme Lamennais réclamant en 1831 « l’Église libre dans l’État libre », et surtout des républicains comme Victor Hugo qui formule en 1850 un véritable manifeste laïque à parachever par la Séparation des Églises et de l’État 23.
La Séparation : objectif final de la « laïcité républicaine »

  • 24  Rudelle, Odile, La République absolue, Paris, Publications de la Sorbonne, 1986.


23Dès 1869, tous les programmes des républicains reprennent cet objectif. Le 2 avril 1871, un décret de la Commune de Paris promulgue à nouveau la séparation des Églises et de l’État : sans lendemain ! Cependant, les républicains attendront trente-cinq ans l’instauration de cet objectif, car la Troisième République, proclamée après la défaite de Napoléon III le 4 septembre 1870, restera longtemps un régime fragile, légalisé à une voix de majorité le 30 janvier 1875. Même après leurs victoires électorales décisives en 1879, les républicains se refusent à dénoncer le Concordat napoléonien pour éviter un conflit frontal avec l’Église catholique, car ils préfèrent d’abord républicaniser les Français en laïcisant progressivement l’État et la société civile. Clemenceau dénonce là un simple opportunisme alors que Paul Bert justifie cette stratégie réaliste 24.

  • 25  Cholvy, Gérard, et Hilaire, Yves-Marie, Histoire religieuse de la France contemporaine, tome 1, 18 (...)


24Il est vrai que l’Église catholique étroitement liée aux monarchistes restait la principale force hostile à la République. Dès 1815, le catholicisme français a connu une remarquable renaissance grâce à la multiplication des congrégations religieuses, puis à l’adoption de la « liberté de l’enseignement » en 1850. En 1876, il y avait plus d’enseignants religieux que laïques et plus d’élèves dans les collèges religieux que dans les lycées d’État. Avec 55 000 prêtres et plus de 150 000 religieux et religieuses, la France est plus que jamais la « fille aînée de l’Église » et la première puissance catholique du monde 25.
25Mais l’Église de France n’est plus gallicane, car elle s’est soumise à une papauté ultramontaine qui condamne toujours les principes de 1789. En 1864, Pie IX élargit la condamnation du libéralisme à toute la civilisation moderne. Le Syllabus lance l’anathème contre les 80 « principales erreurs de notre temps », dont la 50e est la séparation de l’Église et de l’État. En 1870, le concile de Vatican promulgue l’infaillibilité pontificale en matière de dogme et de mœurs. Il réaffirme aussi, on l’ignore le plus souvent, la souveraineté indirecte de la puissance spirituelle de l’Église sur le pouvoir temporel des États. Les rapports entre l’Église catholique et les États doivent être pensés comme ceux unissant l’âme et le corps.

  • 26  Discours de Gambetta, VIII, p. 246, cité par Pierre Barral, Les fondateurs de la Troisième Républi (...)


26On comprend pourquoi Gambetta mobilise en mars 1877 tous les républicains avec le mot d’ordre « le cléricalisme, voilà l’ennemi ! » : le « cléricalisme », c’est le comportement du clergé en « faction politique » et l’immixtion de l’Église dans la vie politique au nom de « la doctrine romaine qui condamne tous les principes d’où découlent nos lois civiques et politiques ». Les républicains doivent lutter, dit Gambetta, non contre les croyances religieuses qui ne reculeront qu’avec les lents progrès de la science et de la raison, mais contre le « cléricalisme » : « Nous ne sommes pas des ennemis de la religion. Nous sommes, au contraire, les serviteurs de la liberté de conscience, respectueux de toutes les opinions religieuses ou philosophiques » (Romans, 18 septembre 1878)26.

  • 27  Rudelle, Odile, Jules Ferry, La République des citoyens, Paris, Imprimerie nationale, 2 tomes, 199 (...)


27Les républicains opposent donc la laïcité au cléricalisme. « J’affirme que l’État doit être laïque, déclare Jules Ferry en juin 1878 à la Chambre des députés, et que l’ensemble de la société doit être représenté par des organes laïques. Qu’est-ce donc au fond que ce principe ? […] c’est la doctrine de la séparation de deux domaines, le domaine de l’État et celui de la conscience. » Le 23 décembre 1880, il précise encore sa conception de la laïcité comme « doctrine de la liberté de conscience, de l’indépendance du pouvoir civil, de l’indépendance de la société civile vis-à-vis de la société religieuse ». La laïcité n’est pas, pour Ferry, la simple affirmation de la tolérance et de la neutralité de l’État à l’égard des croyances ; elle repose sur la double affirmation de l’indépendance de l’État à l’égard des Églises et de l’indépendance de la société civile à l’égard de l’État comme de l’Église 27.
28Il est assez facile de laïciser l’État et la société par quelques lois. Dès 1881, les libertés publiques sont garanties, le travail est autorisé le dimanche et les jours fériés. Les prières publiques à la rentrée des Chambres sont supprimées et le droit de divorcer est rétabli en 1884. Les enterrements civils sont autorisés. Les cimetières sont municipalisés. Le personnel hospitalier sera laïcisé progressivement, etc.

  • 28  Chevallier, Pierre, La séparation de l’Église et de l’École. Jules Ferry et Léon XIII, Paris, Faya (...)

  • 29  Prost, Antoine, Histoire de l’enseignement en France 1800-1967, Paris, Armand Colin, 1970 et 1981.


29Mais il est plus difficile de changer les mentalités. Tel est le rôle des lois scolaires laïques de 1879 à 1886, libérant les écoles du contrôle du clergé et instaurant la gratuité, l’obligation et la laïcité de l’enseignement primaire pour les filles comme pour les garçons 28. L’école laïque sera désormais un service public ouvert à tous, neutre en matière confessionnelle et respectueux de la liberté de religion. « L’instruction religieuse ne sera plus donnée dans les écoles publiques, […] Les écoles primaires vaqueront un jour par semaine, en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner à leurs enfants, s’ils le désirent, telle instruction religieuse… » (loi du 11 mars 1882). L’instruction « morale et religieuse » est remplacée par la « morale civique et laïque »29.

  • 30  Mollier, Jean-Yves, et George, Jocelyne, La plus longue des Républiques 1870-1940, Paris, Fayard, (...)


30L’école laïque a fait la démonstration qu’un service public d’enseignement pouvait être plus efficace et plus démocratique que les écoles religieuses. Elle a pu diffuser aux 3/4 des futurs citoyens une « morale sans épithète », sans « béquilles théologiques » (Jules Ferry), fondée sur les droits de l’homme. Ce rappel de la laïcisation de l’école n’est pas inutile, car elle a préparé en une génération les Français à la séparation de l’Église et de l’État 30.
La loi de 1905 : loi de combat ou loi de pacification ?

  • 31  Mayeur, Jean-Marie, La Séparation des Églises et de l’État, Paris, réédition Éditions ouvrières, 1 (...)

  • 32  Jaurès, Jean, L’Humanité, 24 mai, 1er juin et 2 août 1904.


31S’il est incontestable que « le vote de la loi est le point d’aboutissement du conflit d’une exceptionnelle violence où se sont affrontées l’Église et la République »31, l’intention réelle et souvent caricaturée de ses initiateurs est d’en faire une loi libérale acceptable par tous les républicains, mais aussi par les catholiques, afin de mettre un terme au conflit des « deux France ». Si Jaurès voit dans la crise romaine de 1904 « la lutte décisive entre la France moderne et les prétentions les plus exorbitantes de la théocratie la plus aveugle », il précise aussitôt dans quel esprit il envisage la Séparation devenue inéluctable : « C’est par un large et calme débat d’où la liberté des cultes et des consciences sortira pleinement garantie, et où nous discuterons avec tous les républicains de tous les groupes, avec l’opposition elle-même, les conditions les meilleures du régime nouveau. » Il prophétise même que « le jour viendra où tous les citoyens, quelle que soit leur conception du monde, catholiques, protestants, libres-penseurs, reconnaîtront le principe supérieur de la laïcité »32.
La Séparation, rendue nécessaire par l’Affaire Dreyfus, ne fut possible que par une intense mobilisation anticléricale

  • 33  Larkin, Maurice, Church and State after the Dreyfus Affair. The Separation Issue in France, Macmil (...)


32Lors de l’Affaire Dreyfus, une grande partie du clergé, animée par un anti-judaïsme chrétien et par un « cléricalisme de combat », s’est compromise avec la droite monarchiste, ruinant ainsi la politique de ralliement des catholiques à la République encouragée par le pape Léon XIII 33. La loi de 1905 est donc un résultat indirect de la politique de « défense républicaine » lancée par le gouvernement Waldeck-Rousseau contre le « triple danger nationaliste, antisémite et clérical ».
33La loi de 1905 a été précédée par la loi du 1er juillet 1901 sur les associations à but non lucratif qui vise à légaliser les multiples associations de la société civile et les partis politiques, mais aussi, par son titre III, à soumettre au droit commun la plupart des congrégations religieuses qui agissaient sans autorisation, en toute illégalité, alors que leur richesse, leur influence et leurs interventions politiques étaient vivement dénoncées.

  • 34  Merle, Gabriel, Émile Combes, Paris, Fayard, 1995.

  • 35  Cholvy, Gérard, dir., L’enseignement catholique en France aux xixe et xxe siècles, Actes du colloq (...)


34Le gouvernement d’Émile Combes, soutenu par le Bloc des Gauches et sorti vainqueur des élections de 1902, applique avec une rigueur toute anticléricale cette loi 34. Comme la plupart des ordres religieux refusent de s’y conformer, Combes fait fermer leurs écoles non autorisées, puis interdire presque toutes les congrégations, à l’exception des contemplatifs et des missionnaires. La loi du 7 juillet 1904 interdit d’enseignement tout congréganiste : « Qui n’est pas libre ne peut former des citoyens libres. » Le gouvernement refuse ainsi de reconnaître une utilité sociale aux ordres religieux accusés de jouer un rôle d’embrigadement des esprits. Il ne faut cependant pas exagérer la violence de cette « invasion laïque » car la loi Falloux n’est pas abrogée et la liberté d’enseignement est maintenue. La plupart des écoles congréganistes se sont converties en écoles privées au personnel théoriquement sécularisé 35.
35Cette politique anticléricale ne conduisait pas nécessairement à la Séparation, mais elle entraîna la dégradation des relations entre l’Église catholique et la République. La rupture des relations diplomatiques entre la France et le Vatican survient le 30 juillet 1904 à la suite des protestations contre la politique française du nouveau pape Pie X et du cardinal Merry del Val, le nouveau secrétaire d’État, très intégriste. Cette rupture, on l’ignore le plus souvent, est approuvée par 480 députés contre 90, alors que la majorité de gauche sortie des élections de 1902 ne comptait que 342 députés. C’est dire l’ampleur de l’anticléricalisme politique.
36Encore faut-il distinguer plusieurs types d’anticléricaux. Une cinquantaine de députés socialistes, anciens blanquistes comme Allard et radicaux comme Hubbard, sont plus antireligieux qu’anticléricaux car ils veulent faire la « guerre à la religion ». Mais la majorité des socialistes autour de Jaurès et des radicaux-socialistes autour de Ferdinand Buisson se réclament d’un « anticléricalisme positif », car ils s’affirment laïques avant tout et respectueux de la liberté de conscience. La plupart des députés radicaux sont anticléricaux car hostiles à l’intervention publique du clergé, mais ils admettent la liberté de culte. Seuls certains députés proches de Méline, « républicains d’affaires », ont renoncé à l’anticléricalisme pour s’allier par conservatisme social avec les nationalistes et les monarchistes catholiques.
37Mais tous les anticléricaux et tous les laïques n’étaient pas gagnés à la Séparation. Seuls les socialistes et les radicaux-socialistes sont des séparatistes de principe. La plupart des radicaux restent attachés au Concordat, car ils veulent que l’État garde un moyen de contrôle sur les Églises ; ils ne deviendront séparatistes par nécessité qu’en 1904-1905. De plus, la Séparation transcende l’opposition droite/gauche. Si ses adversaires les plus résolus sont les députés catholiques et monarchistes, on trouve à droite quelques partisans de « l’Église libre dans l’État libre », d’une « séparation à la belge » limitée à la suppression du budget des cultes. D’autres sont partisans d’une « séparation à l’américaine » garantissant toutes les « libertés des Églises », y compris celles d’enseigner, de soigner et de commercer.

  • 36  Lalouette, Jacqueline, La Libre Pensée en France ; 1848-1940, Paris, Albin Michel 1997 et La Répub (...)


38Le courant séparatiste tire cependant sa force principale des puissantes organisations de la société civile. Il s’appuie sur les 35 000 francs maçons, sur les 40 000 adhérents de la Ligue des Droits de l’Homme, sur plus de 120 000 libres-penseurs unifiés dans l’Association nationale de la Libre-Pensée qui impulse la campagne pour la séparation à partir de la journée du 17 avril 1903 36. La politique du très populaire « petit père Combes », relayée par le dense réseau de la presse régionale, a été sans cesse appuyée par la mobilisation de multiples comités laïques et libres-penseurs locaux.
39Ainsi la loi de 1905 est un des rares exemples historiques de rencontre entre une initiative parlementaire et un puissant mouvement populaire. La laïcité a été le ciment de tous les républicains anticléricaux qui estimaient que le moment était enfin venu de réaliser la Séparation ajournée jusque-là. La loi de 1901, dont un but était d’appliquer le droit commun aux associations religieuses, en avait été le prélude.
La Séparation fut préparée de façon exemplaire par une commission parlementaire
40La loi de séparation des Églises et de l’État illustre ce que le régime parlementaire a pu produire de meilleur. Issue d’une initiative parlementaire, élaborée après 18 mois de discussions en commission, elle a été adoptée par la Chambre des députés après trois mois de débats d’une qualité unanimement reconnue ; elle a été ratifiée à l’identique par le Sénat.

  • 37  Bedin, Véronique, « Briand et la séparation des Églises et de l’État : la commission des trente tr (...)

  • 38  Lalouette, Jacqueline, La séparation des Églises et de l’État. Genèse et développement d’une idée (...)


41Dès juin 1903, une commission de trente-trois députés est chargée d’étudier huit propositions de loi très divergentes, dont deux déposées par des catholiques. Elle compte 17 membres de la majorité et 16 députés de l’opposition de droite, nationalistes et catholiques de l’Action libérale. Le poids des 7 socialistes et 9 radicaux-socialistes y est considérable, car les radicaux partisans du maintien du Concordat ont boycotté la commission. Le philosophe Ferdinand Buisson, figure de proue du parti radical-socialiste, en est élu président ; Aristide Briand, poussé par Jaurès, en sera le rapporteur provisoire 37. Beaucoup doutent du succès d’une telle commission, qui sera pourtant le laboratoire des compromis rendant possible la future proposition de loi. Seuls ceux qui ignorent comment se forma dans cette commission autonome une nette majorité dépassant le clivage gauche/droite peuvent taxer Briand et les socialistes de manœuvres opportunistes et d’arrière-pensées anticléricales 38.

  • 39  Procès-verbal de la séance du 24 juin 1903.

  • 40  Méjean, Lucie-Violette, La Séparation des Églises et de l’État. L’œuvre de Louis Méjean, Paris, PU (...)


42Constatant l’impossible synthèse des huit propositions de loi, Briand proposa aussitôt qu’un « plan de discussion clair et méthodique fût adopté » et que la commission s’engage au préalable sur certains points fondamentaux. Une forte majorité décida dès juin 1903 que le régime de la séparation devait être établi « selon la liberté la plus large dans le droit commun », que les futures associations cultuelles s’organiseraient en « unions nationales et régionales » selon leurs propres structures traditionnelles, et que serait supprimée toute subvention de l’État au profit des cultes 39. Briand affirma d’emblée qu’il ne voyait pas « les mesures que nous soumettrons à la Chambre comme des mesures d’hostilité mais bien de libération pour l’Église et l’État ». La commission lui demanda alors de présenter en octobre un avant-projet « bien étudié » pour faciliter son travail. Pour ce faire, il fit la synthèse entre la proposition du député socialiste Francis de Pressensé, que 56 députés, dont Jaurès, Buisson et Briand lui-même avaient signée, et celle du député protestant, radical et franc-maçon Eugène Réveillaud. Ces deux projets proclamaient les principes de liberté de conscience, de liberté des cultes et de neutralité de l’État laïque à l’égard de toutes les croyances 40. Par un dialogue fécond avec les députés de tous bords, mais en se démarquant des trois socialistes antireligieux tel Allard dont presque tous les amendements furent rejetés, Briand réussit à rallier nombre d’opposants initiaux et à faire adopter son projet jugé réaliste et libéral par une large majorité de la commission, le 6 juillet 1904. Briand fut alors élu rapporteur définitif à l’unanimité.

  • 41  Dépêche de Toulouse, 30 juillet et 15 août 1904.

Arlitto
Arlitto
Admin
Admin

Religion : Non
Sexe : Masculin Messages : 17557
Localisation : France

http://arlitto.forumprod.com/

Revenir en haut Aller en bas

Forum Religion et Politique - Page 3 Empty Re: Forum Religion et Politique

Message  Arlitto Jeu 09 Juin 2016, 20:38

43Jaurès fut moins le concepteur que le stratège de la Séparation. Dès le 1er juin 1904, il lance un appel à l’union de tous les républicains pour une séparation consensuelle. « Ce n’est pas par un coup de colère que nous voulons briser un régime suranné […] Nous voudrions que la séparation des Églises et de l’État n’apparût pas comme la victoire d’un groupe sur d’autres groupes, mais comme l’œuvre commune et l’honneur commun de tous les républicains. » Après la rupture des relations diplomatiques entre la France et le Vatican, le 30 juillet, il affirme que la séparation est désormais inéluctable : « Après avoir sécularisé le mariage, la famille et l’école, nous allons finalement séculariser l’État par la grande séparation que nous appellerons la Séparation. » Le 15 août 1904, il confirme encore qu’il s’agit de concevoir une séparation « conforme au droit de l’État laïque », mais aussi « acceptable par les catholiques ». Confiant dans le ralliement des antireligieux, il affiche sa stratégie d’union des forces républicaines, et pas seulement du bloc des gauches. « Comme les groupes de l’extrême gauche radicale et socialiste sont résolus à faire aux modérés toutes les concessions qui n’atteindront pas le principe, l’adhésion unanime du parti républicain donnera à cette grande et nécessaire réforme toute l’autorité morale dont elle a besoin pour produire tous ses effets de libération et d’apaisement. » 41
La loi de 1905 fut adoptée par l’union de tous les laïques par-delà leurs différences de sensibilités anticléricales

  • 42  Scot, Jean-Paul, « Projet Briand et projet Combes : deux conceptions de la séparation ? », in Acte (...)


44Le projet de séparation se heurta à l’hostilité de la hiérarchie catholique, mais aussi aux critiques des derniers concordataires et de nombre de radicaux qui redoutaient la liberté d’action donnée aux Églises. Ceux-ci poussèrent Combes à déposer le 29 octobre 1904 un contre-projet gouvernemental. Ce projet de loi néo-gallican entendait maintenir le contrôle de l’État sur les Églises, interdire leur subordination à une autorité extérieure et restreindre leur liberté d’organisation nationale en les réduisant à des associations locales, unies seulement dans le cadre départemental, sous la tutelle administrative de l’État 42.

  • 43  Merle, Gabriel, Émile Combes, Fayard, 1995.


45Aussitôt de nombreux intellectuels, des protestants sous l’impulsion des frères Méjean et du théologien Raoul Allier, mais aussi des radicaux libres-penseurs comme Clemenceau, des membres de la Ligue des droits de l’homme et des journaux de gauche tel Le Siècle dénoncèrent ce projet étatiste. La gauche se divisa sur la question, mais les comités d’action laïques multiplièrent les pétitions pour éviter l’ajournement de la Séparation. Jaurès et Briand firent alors le maximum pour éviter la division des séparatistes, allant jusqu’à accepter que la commission examine le projet gouvernemental et le modifie par amendements. Briand négocia par deux fois avec Combes afin d’atténuer l’étatisme gallican du projet ministériel. Jaurès, « terre-neuve de Combes »43, tenta jusqu’à la fin de sauver le ministère (compromis dans l’« affaire des fuites ») et de maintenir l’unité du Bloc des Gauches. Même si Combes démissionna le 18 janvier 1905, le nouveau gouvernement formé par le banquier Rouvier, pour lequel les socialistes ne votèrent pas, dut s’engager à faire adopter la loi de séparation élaborée en collaboration étroite entre le gouvernement et la commission. Ainsi, le 4 mars 1905, Briand put présenter à la Chambre une proposition de loi commune très proche de celle adoptée par la commission neuf mois plus tôt.

  • 44  Mayeur, Jean-Marie, La séparation des Églises et de l’État, Paris, Julliard-Gallimard, collection (...)

  • 45  Scot, Jean-Paul, op. cit.


46Après trois mois de débats bien connus 44, la Chambre des députés adopte la loi de séparation le 3 juillet 1905 par 341 voix contre 233. C’est une majorité à peine plus large que le Bloc des Gauches et bien moins ouverte que celle qui avait approuvé la rupture avec le Vatican (480), ou que celle qui avait adopté des articles de compromis comme l’article 4 modifié (482) sur le droit des Églises à s’organiser selon leurs propres structures. Les surenchères des anticléricaux intolérants ont divisé le camp des républicains, en particulier lors des longs débats sur l’article 6 visant à limiter les concessions de l’article 4 modifié. L’article 6 (le futur article 8) ne fut voté le 26 mai que par 320 voix contre 254 45. Le comportement des anciens concordataires parfois associés aux antireligieux dans un anticléricalisme virulent a certainement dissuadé une partie des républicains modérés de voter la loi. Néanmoins, le Sénat l’adopte sans en modifier les termes le 6 décembre par 181 voix contre 102. Elle est ratifiée le 9 par le président de la République et le chef du gouvernement et entre en vigueur le 1er janvier 1906.
47Ainsi, la stratégie de Jaurès a permis qu’une loi, initiée par une minorité de socialistes laïques, soit votée par des libres-penseurs parfois très antireligieux, par des radicaux souvent intolérants, mais aussi par les derniers concordataires néo-gallicans, par des républicains modérés libéraux et même par quatre nationalistes. Unis, les laïques ont fait adopter la Séparation que leurs divisions avaient jusque-là ajournée ou compromise.
Le Vatican ne réussit pas à mettre en échec la loi de 1905

  • 46  Larkin, Maurice, op. cit.


48Alors que les protestants et les israélites se conforment aussitôt à la loi, les catholiques intransigeants la condamnent radicalement car elle organiserait selon eux l’« athéisme de l’état ». Le pape Pie X par l’encyclique Vehementor Nos (11 février 1906) jette l’anathème sur la Séparation, cette « injure vis-à-vis de Dieu qu’elle renie formellement [et qui] est contraire à la constitution divine de l’Église, à ses droits essentiels, à sa liberté ». La mobilisation pour résister aux inventaires, déclenchée à l’insu du clergé, dès le 30 janvier 1906 à Paris par l’Action française et des militants traditionalistes dans des régions périphériques, fut réactivée par la condamnation pontificale. Les archives du Vatican révèlent que le cardinal Merry del Val espérait « un soulèvement national » des catholiques français pour amener le gouvernement à négocier un nouveau Concordat 46. Quand, le 18 mars 1906, le nouveau ministre de l’Intérieur Clemenceau suspend les opérations d’inventaire à la suite de la mort d’un manifestant catholique à Boeschepe dans le département du Nord, 93 % des inventaires avaient été effectués. L’agitation spectaculaire contre les inventaires échoua.

  • 47  Ibidem.


49Les élections législatives de mai 1906 reconduisirent en triomphe la majorité de gauche de 1902, grossie de 60 nouveaux députés, mais le pape Pie X persévéra dans sa volonté de faire échouer la loi. L’encyclique Gravissimo interdit aux catholiques de former des associations cultuelles, en dépit des avis favorables à l’expérimentation de la loi émis par la grande majorité des évêques français, réunis en assemblée de l’épiscopat pour la première fois depuis 1789. En effet, le cardinal Merry del Val entendait faire barrage à « la coalition de toutes les forces du mal de la Maçonnerie internationale coalisées contre l’Église » pour lesquelles « l’exemple de la France serait comme une force de progrès ». Le Vatican redoutait la « contagion laïque » en Europe et en Amérique latine 47. Il condamnait la séparation à la française alors qu’il se félicitait de la séparation à l’américaine, car aux états-Unis, l’État était séparé des Églises, mais pas de la religion, et accordait aux Églises toutes les libertés.

  • 48  Jaurès, Jean, Chambre des députés, séance du 13 novembre 1906.


50Le gouvernement français prit acte de l’obstruction de l’Église romaine, mais s’engagea à garantir la liberté et la continuité du culte. La politique d’Aristide Briand, nouveau ministre de l’Instruction publique et des Cultes, conseillé par Louis Méjean, le dernier directeur des Cultes chargé de l’application de la loi, peut se résumer à la formule : « Ni capitulation, ni persécution ». Jaurès mit en garde Clemenceau, le nouveau Président du Conseil, contre toute répression anticléricale, mais il pressa Briand de mettre en œuvre la Séparation sans délai et avec fermeté sous peine d’encourager toutes les résistances et manœuvres dilatoires 48. Devant le refus absolu de l’Église catholique de créer des associations cultuelles pour recevoir les biens des anciennes fabriques paroissiales, l’État mit sous séquestre les églises tout en les laissant à la disposition du clergé le 12 décembre 1906. Les lois du 2 janvier 1907 et du 13 avril 1908 modifièrent certains articles de la loi de 1905 pour permettre la continuité du culte et régler la question de la dévolution des bâtiments cultuels qui sont municipalisés, y compris les églises construites après 1802. L’État assura donc la liberté des cultes tout en faisant preuve de fermeté et de patience.

  • 49  La loi votée en 1905 prévoyait le versement de salaires aux ministres du culte en activité pendant (...)

  • 50  Rémond, René, dir., Histoire religieuse de la France contemporaine, tome 4, Société sécularisée et (...)


51La fermeté de l’État et l’obstination de l’Église romaine firent que la Séparation coûta plus cher aux catholiques français qu’il n’était prévu par le législateur. Matériellement, la suppression immédiate du budget des cultes 49 réduisit les 42 000 prêtres à ne vivre que du casuel et du « denier du culte ». Spirituellement, la rupture révéla la fragilité des vœux religieux antérieurs à 1905. Le nombre d’ordinations de prêtres chuta de 1 733 en 1901 à 704 en 1914 et préluda à la crise future des vocations. Moralement, une partie du clergé ne comprit pas l’entêtement du Saint-Siège, sacrifiant ses « misérables intérêts » par opposition de principe. Politiquement, les laïcs se divisèrent plus profondément encore : les membres de l’Action française, toujours plus hostiles à la République, tentèrent de mobiliser l’Église dans leur combat politique ; d’autres, écœurés par les excès du cléricalisme, se détachent de plus en plus des pratiques religieuses. Pastoralement, le nombre de baptêmes déclina alors que grimpa celui des enterrements civils. La laïcisation et la sécularisation de la société ont accompli un bond spectaculaire entre 1880 et 1914 50.
52Juridiquement, l’Église de France découvre alors la liberté, une liberté légale dans l’État laïque souverain, cette liberté à laquelle Lamennais aspirait dès 1831 et que Péguy salue dans Notre Patrie dès octobre 1905. Par opposition au régime concordataire, la Séparation accorde au clergé de France le droit de libre assemblée, de libre parole, de négociation avec les autorités, de réorganisation des paroisses, de construction d’églises et de bâtiments en toute propriété. Ainsi la loi de 1905 place les catholiques français devant un grave dilemme : ou enfermement dans la nostalgie d’un passé révolu, ou retour aux sources de la mission apostolique. Un décalage sans cesse croissant se manifeste entre des activistes, combatifs et déterminés, et un peuple catholique par tradition, mais souvent passif et indifférent. En 1905-1906, l’Église romaine n’a pas réussi à convaincre la masse des fidèles français que l’État républicain les menaçait dans leur vie et dans leur foi. La sécularisation des esprits avait gagné les catholiques eux-mêmes, dont la majorité se rallia à la loi.

  • 51  Comme l’affirme Paul Airiau, Cent ans de laïcité française 1905-2005, Presses de la Renaissance, 2 (...)

  • 52  De Narfon, Julien, La séparation de l’Église et de l’État (origines, étapes, bilan), Paris, Alcan, (...)


53La patience de l’État républicain sera enfin récompensée. Dans le nouveau contexte politique d’Union nationale d’après-guerre, l’Église catholique finit par se plier à la loi de 1905 sans nouvelle modification de celle-ci. Après la canonisation de Jeanne d’Arc par le pape Benoît XV en 1920 et sa promotion comme héroïne nationale par le gouvernement Briand, après la reprise des relations diplomatiques entre le Vatican et la France en 1921, la papauté soumit à l’État français un projet d’associations diocésaines que le Conseil d’État jugea conforme aux articles de la loi de 1905. L’encyclique Maximam gravissimamque du 18 janvier 1924 ordonne à l’épiscopat la création d’« associations diocésaines » : une seule association par diocèse organisera le culte sous l’autorité de l’évêque préservant ainsi le principe hiérarchique dans l’Église catholique. Les accords Ceretti-Briand mettent fin au contentieux. On ne peut donc parler de « transaction », car Paris ne négocie rien avec le Vatican 51: c’est la papauté qui se rallie à une lecture qu’elle aurait pu faire en 1906. La Séparation aurait été alors moins douloureuse et moins coûteuse pour les catholiques français 52.

  • 53  Sevillia, Jean, Quand les catholiques étaient hors la loi, Paris, Perrin, 2005.


54On ne peut donc prétendre, comme certains le disent encore aujourd’hui, que seule la résistance des catholiques réussit à infléchir une loi conçue par des anticléricaux intolérants 53. C’est dès les travaux de la commission que se manifeste la volonté de Briand et de Jaurès de faire adopter une loi acceptable par les catholiques comme par tous les républicains, car reposant sur les principes d’une laïcité clairement affirmée même si le concept est peu utilisé.
En quoi la loi de 1905 est-elle une loi « libérale » et « laïque » ?
55Le 3 juillet 1905, présentant au vote de la Chambre les 44 articles définitifs, Briand affirmait que la loi de séparation était « loyale, franche et honnête ». « Ce n’est pas une œuvre de passions, de représailles, de haine, mais de raison, de justice et de prudence combinées. » Il nous faut souligner tout d’abord que le Titre premier de la loi est intitulé « Principes ». C’est singulier dans l’histoire et cela confère à ce texte un caractère quasi constitutionnel, car les lois fondamentales de la Troisième République n’étaient pas précédées par une déclaration des droits. Pour Briand, le rappel de ces principes, inspiré de la Première République, devait servir dans l’avenir de référence pour les futurs législateurs et magistrats. Ce ne sera pas toujours le cas. Mais la laïcité sera consacrée par l’article premier de la Constitution de 1946.
La loi de 1905 consacre la liberté de conscience et la liberté des cultes

  • 54  Pena-Ruiz, Henri, Qu’est-ce que la laïcité ?, Paris, Gallimard, Folio Actuel, 2003.


56L’article premier doit être bien compris. « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. » Cet article 1er a été adopté dans cette forme à l’unanimité des membres de la commission. La liberté de conscience est affirmée comme le principe premier, comme le premier droit naturel inviolable, égal pour tous les hommes, quelles que soient leurs croyances ou leurs opinions. Contrairement à une idée aujourd’hui affichée, la référence à la liberté de conscience n’est pas le résultat d’un compromis entre ceux qui voulaient proclamer le primat de la liberté de pensée et ceux qui voulaient faire reconnaître la totale liberté de religion. Depuis 1789, la liberté de conscience est la condition aussi bien de la liberté de religion que de la liberté de pensée, la liberté de croire ou de ne pas croire, d’affirmer sa foi ou de ne jurer que par la raison. La liberté de religion n’en est qu’un corollaire, et son expression concrète, la liberté de culte, reste soumise à l’ordre public 54.
57Quel est le sens de l’article 2, que l’on cite le plus souvent à cause de sa tournure négative : « La République ne reconnaît aucun culte. » Ainsi est proclamée la fin du régime des « cultes reconnus », la fin de la reconnaissance du rôle d’utilité publique des religions. Les Églises ne sont plus des institutions de droit public. Les Églises ne sont plus dans l’État ni de l’État. La religion est renvoyée à la sphère privée comme une option spirituelle et n’est plus qu’une question de conscience personnelle. Mais la non-reconnaissance institutionnelle des Églises ne signifie pas que l’État ignore politiquement les religions et leur rôle dans la société, mais il se refuse à leur reconnaître un statut juridique particulier et un titre d’interlocuteur privilégié. L’État, garant du bien commun de tous les citoyens, doit être étranger aux confessions qui ne relèvent que du libre choix des particuliers.

  • 55  Comme l’avait déjà proclamé le décret Cambon adopté par la Convention le 18 septembre 1794.


58« La République ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». Ainsi tous les budgets des cultes, de l’État mais aussi des départements et des communes sont supprimés. L’argutie de ceux qui plaidaient pour le maintien d’une aide financière des départements aux communes pauvres ou aux cultes minoritaires, afin de garantir l’exercice effectif des cultes au nom de l’égalité des droits, a été rejetée. Toutes les confessions doivent financer leurs cultes par les contributions volontaires de leurs fidèles55. Une seule exception à cette règle : la loi admet le maintien et le financement « des services d’aumônerie », afin d’« assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons », c’est-à-dire là où les fidèles ne sont pas libres de leurs mouvements. C’est ainsi la garantie par l’État de la liberté de culte qui légitime ces aumôneries.
La loi de 1905 s’engage à assurer l’exercice des cultes et à respecter l’organisation propre des Églises
59Les « anciens établissements publics de culte » doivent se transformer en « associations cultuelles » en se conformant aux articles de la loi de 1901 sur les associations à but non lucratif. Briand s’est refusé à définir les statuts de ces futures « associations cultuelles » puisque l’État devait se garder de toute ingérence dans les affaires internes des Églises ; il leur reconnaissait cependant, comme à toutes les associations, le droit de s’associer en « unions régionales et nationales ». Mais l’épiscopat catholique redoutait que ces associations et unions n’échappent au contrôle de la hiérarchie ecclésiale dont l’autorité n’était plus reconnue explicitement par la loi. Des laïques ne risquaient-ils pas d’en prendre le contrôle ? Plusieurs associations ne pouvaient-elles pas se disputer les mêmes édifices religieux ? Et cela d’autant plus que certains radicaux et francs maçons prétendaient « démocratiser l’Église catholique malgré elle » ? Certains protestants tel Réveillaud espéraient même la ruiner par la multiplication des « schismes » !
60Un amendement à l’article 4, demandé par Jaurès, conçu par Pressensé et proposé par Briand, fut adopté par la commission : il stipulait que les associations cultuelles devraient se conformer« aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice ». La République ne peut se mêler des structures des Églises, libres qu’elles sont de s’organiser selon leurs propres règles, fussent-elles monarchiques si elles sont acceptées librement par les fidèles. Cet amendement fut très vivement combattu à la Chambre par les radicaux et les libres penseurs. Clemenceau dénonça violemment dans la presse Jaurès le « socialo-papalin ». L’amendement fut cependant adopté avec les votes de la droite. Mais, une fois modifié, l’article 4 fut adopté le 22 avril 1905 à l’énorme majorité de 482 voix contre 52, les radicaux ayant décidé de le voter. Jaurès s’exclama alors : « La Séparation est faite ».
61Pour dissiper le malaise créé par cette division des laïques, les députés firent alors nombre de concessions libérales à l’Église catholique. En particulier, ils lui remirent l’usage des églises, soit des biens publics, en jouissance gratuite, et non en location à bail révisable tous les dix ans comme prévu. Il fut argumenté que les églises avaient été construites par les contributions des fidèles avant même 1789, l’État n’ayant jamais financé leur construction. Leur usage par destination ne devait pas dépendre de la fantaisie des maires. De futurs lieux de culte pourraient être construits grâce à des fondations recevant les dons des fidèles, mais ces fonds devaient être remis sous forme de valeurs françaises à la Caisse des dépôts et consignations pour un contrôle financier (article 22 de la loi).

  • 56  Chambre des députés, séance du 3 juillet 1905.


62Un commentaire s’impose à propos de la notion d’« exercice du culte » défini par l’article 19 de la loi. On entend par là les cérémonies religieuses, les sacrements, la prédication, l’instruction religieuse, la formation des ministres du culte et l’entretien des édifices cultuels. La loi ne garantit pas toutes les « libertés des Églises » en matière d’enseignement, d’assistance, de santé, d’activités culturelles et commerciales comme le réclamaient certains catholiques et protestants, car c’est à l’État d’assurer ces fonctions sociales dans un esprit laïque. La loi réduit les associations religieuses à n’avoir qu’un but non lucratif. Briand estimait cependant qu’avait été accordé à l’Église « ce qu’elle a seulement le droit d’exiger, à savoir la pleine liberté de s’organiser, de vivre et de se développer selon ses règles et par ses propres moyens, dans le respect des lois et de l’ordre public. »56
La loi de 1905 repose sur la distinction juridique et politique de la sphère publique et de la sphère privée
63Le culte n’est plus défini, comme dans le décret de 1795, comme une simple activité privée. Si l’adhésion à une religion relève de la conscience privée, le culte est nécessairement un acte collectif qui relève de la catégorie juridique du privé collectif, tout comme les réunions politiques ou syndicales. Mais l’exercice du culte est public car les édifices du culte sont ouverts au public, à l’exception des édifices qui sont propriété privée. De plus, le culte peut s’exercer dans l’espace public à condition d’être autorisé par les autorités municipales ou étatiques. D’où la police des cultes définie par la loi. L’État doit réprimer toutes les entraves au libre exercice des cultes ou les contraintes exercées sur des citoyens pour qu’ils participent à des cultes. Ainsi l’État ne peut s’immiscer dans les affaires religieuses que pour faire respecter la liberté de conscience, la liberté des cultes, l’égalité des droits et l’ordre public.

  • 57  Pena-Ruiz,Henri, Dieu et Marianne. Philosophie de la laïcité, Paris, PUF, 1999 et 2005.


64D’importantes précisions juridiques ont été apportées par le débat sur la Séparation. Est privé ce qui concerne un ou plusieurs hommes librement associés dans une communauté religieuse, philosophique, professionnelle ou syndicale. Est public ce qui concerne tous les citoyens d’une nation et d’un État démocratique. Le bien commun à tous relève de la sphère publique alors que la sphère privée permet l’expression des différences et des particularités de chacun. L’érection de signes religieux est interdite dans les lieux et bâtiments publics sauf sur les lieux et bâtiments de culte. Par ailleurs, un cimetière public ne peut se réclamer d’une religion particulière et en arborer les signes extérieurs, alors que tout particulier peut ériger sur la tombe de sa famille les signes de ses convictions particulières. Séparer la sphère publique et la sphère privée doit permettre à l’État de prendre des décisions d’ordre public en fonction de l’intérêt général et non en fonction de croyances ou d’intérêts particuliers 57.

  • 58  Rapport Briand, première partie, conclusion, p. 123.

  • 59  Pena-Ruiz, Henri, Qu’est-ce que la laïcité ?, Paris, Gallimard, Folio Actuel, 2003.


65« Aujourd’hui, commentait Briand, il n’est plus personne pour contester sérieusement que la neutralité de l’État en matière confessionnelle ne soit l’idéal de toutes les sociétés modernes. Dans une démocratie dont toutes les institutions ont pour base le suffrage universel, […] le maintien d’un culte officiel est un défi à la logique et au bon sens… »58 Encore faut-il remarquer que la neutralité de l’État laïque ne consiste pas à tenir la balance égale entre toutes les confessions dans un espace public pluriconfessionnel. « L’espace public n’est pas pluriconfessionnel mais non confessionnel car il se tient en dehors des options spirituelles particulières. » 59

  • 60  Ibidem.


66Ainsi a été définie une séparation des Églises et de l’État respectueuse de la liberté des cultes et de l’organisation propre des Églises. Cette séparation est une « double émancipation » pour l’État comme pour les Églises comme le disait déjà Briand le 23 juin 1903 et comme le développe Henri Pena-Ruiz 60. La loi de 1905 laïcise complètement la République, c’est-à-dire l’État et toutes les institutions et administrations, les communes comme les services publics, en parachevant les lois laïques de 1879-1886, mais elle donne aux religions une liberté inédite.
67La loi de 1905 définit indirectement la laïcité par trois principes indissociables : la liberté de conscience, l’égalité des droits entre toutes les spiritualités et la distinction juridique et politique de la sphère publique et de la sphère privée. « La laïcité consiste à affranchir l’ensemble de la sphère publique de toute emprise exercée au nom d’une religion et idéologie particulière. Elle protège l’espace public de tout endoctrinement religieux, idéologique ou politique comme de tout morcellement communautariste » (Henri Péna-Ruiz).
La Séparation des Églises et de l’État n’a cependant pas été totale

  • 61  Weil, Patrick, « La loi de 1905 et son application au cours d’un siècle », Colloque « Nouvelles ap (...)


68Quoique ralliée officiellement à la loi de 1905, l’Église catholique n’a cessé pendant longtemps de remettre en cause la laïcité de l’État. En 1924, dans l’encyclique Gravissimam maximamque, Pie XI stigmatisait toujours la laïcité sous toutes ses formes : « Ce que Pie X a condamné, Nous le condamnons de même. Toutes les fois que par laïcité on entend un sentiment ou une intention contraires ou étrangers à Dieu et à la Religion, Nous réprouvons cette laïcité et Nous déclarons ouvertement qu’elle doit être réprouvée. » Profitant de tous les reculs politiques des forces laïques à partir de 1914, l’Église catholique cherchera à recouvrer une reconnaissance sociale dans l’espace public. Et l’évolution de la législation et de la jurisprudence lui sera favorable, sans que la loi de 1905 soit mise en cause formellement 61.

  • 62  Poulat, Émile, Notre laïcité publique, Berg International Éditeurs, 2003.


691. La législation anti-congréganiste de Combes a été abrogée. Dès le 2 août 1914, le jour de l’entrée en guerre, le gouvernement d’Union nationale la suspend et permet le retour en France des milliers de religieux exilés. En 1942, Pétain abroge le délit de congrégation illégale et accorde aux ordres religieux des dispenses fiscales que confirme De Gaulle par l’ordonnance du 9 août 1944. Le gouvernement Chaban-Delmas a étendu encore les privilèges des congrégations déclarées en 1970 62.
702. Les relations diplomatiques entre la France et le Vatican ont été rétablies, officieusement pour la canonisation de Jeanne d’Arc le 16 mai 1920, officiellement en 1921 par le gouvernement Briand qui décrète le 8 mai fête nationale de Jeanne d’Arc. Pour le 500e anniversaire de la délivrance d’Orléans par la « sainte de la Patrie », le président de la République, le protestant Gaston Doumergue, et le chef du gouvernement, le nationaliste Poincaré, tous deux anciens concordataires, participent pour la première fois à des cérémonies religieuses avec cinquante évêques et archevêques. La neutralité de l’État est sacrifiée sur l’autel de l’union nationale. Le 1er janvier 1948, le président de la République, le socialiste Vincent Auriol, échange des vœux publics avec les autorités religieuses. « Troisième force » et guerre froide obligent !

  • 63  Ibidem.


713. La loi de 1905 n’est pas appliquée dans les trois départements d’Alsace-Moselle. En 1919, le gouvernement Clemenceau maintient à titre provisoire le « statut local » des « cultes reconnus » selon le Concordat de 1802 et les privilèges accordés par le Reich allemand. Cet état provisoire est rendu permanent pat la loi du 1er juin 1924 que le gouvernement Poincaré a fait adopter juste avant la victoire du Cartel des Gauches qui voulait l’abolir. La tentative d’Édouard Herriot pour le remettre en cause échoue devant la mobilisation des évêques et de la Fédération nationale catholique en 1925. De Gaulle maintient ce statut en 1944 63.

  • 64  Ossilia Saaïdla, « L’anticléricalisme, article d’exportation vers l’Algérie ? », in Vingtième Sièc (...)


724. La loi de 1905 n’a pas été appliquée dans les colonies françaises, pas même dans les trois départements d’Algérie pour les populations arabes et kabyles qui restent soumises au statut de 1881 sur l’indigénat, établissant un financement par l’État colonial des cheicks et des cadis afin de contrôler le culte musulman et le droit coranique réservés aux « sujets » de la République. Pas question d’accorder la liberté pour le culte musulman en 1906 ! Mais, pour rendre hommage aux soldats algériens morts pour la France, et aussi pour éviter que les oulémas ne rallient le mouvement nationaliste, le gouvernement d’Union nationale décida la construction de la Mosquée de Paris, sur fonds publics mais en lui conférant un statut de droit algérien. Dans l’entre-deux-guerres, des oulémas et des animateurs du culte musulman réclamèrent l’application de la loi de 1905 et la séparation de la religion et de l’État 64. Ainsi la rencontre de l’islam et de la laïcité a été fortement hypothéquée.

  • 65  Rapport de la commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République, (...)


735. Mais ce sont surtout les lois laïques de 1882 qui ont été la cible privilégiée de l’Église catholique et des congrégations. La liberté d’enseignement a été déclarée constitutionnelle par le Conseil d’État en 1931. Depuis 1919, l’État finance des établissements privés d’enseignement professionnel et agricole souvent catholiques (loi Astier). Vichy finance les écoles confessionnelles dès 1941. Si cette mesure est abrogée en 1945, les lois Marie et Barangé, adoptées par la « troisième force » en 1951, accordent des bourses et des aides publiques aux élèves des écoles confessionnelles. Mais c’est surtout la loi Debré du 31 décembre 1959 qui représente un recul de la laïcité scolaire. Les établissements de l’enseignement privé qui acceptent de passer accord avec l’Éducation nationale sont associés par contrat au service public de l’enseignement. Le financement public de l’enseignement privé est justifié au nom de la liberté de conscience et de l’égalité des parents devant l’impôt. La liberté d’enseignement aboutit en fait à financer les privilèges des écoles confessionnelles qui ont le libre choix de leurs personnels et, de fait, de leurs élèves. Cette loi viole la neutralité de l’État à l’égard des Églises. La « liberté d’enseignement » et les « droits des pères de famille » ont été privilégiés par un État conservateur et autoritaire, refusant de se donner les moyens d’assurer l’idéal républicain du « droit à l’instruction » égal pour tous et d’assumer ses « devoirs envers les enfants de la nation » 65.
74De telles évolutions, qualifiées parfois d’« accommodements nécessaires », signifient-elles pour autant la « pacification des esprits » et la pleine acceptation de la loi de 1905 ? L’échec en 1984 du projet de loi Savary visant à l’abrogation de la loi Debré par la création d’un service public unifié d’enseignement, à la suite de la mobilisation massive des partisans de l’enseignement catholique et du désaveu du Président de la République François Mitterrand, a révélé la faiblesse et les divisions des mouvements laïques. Leur mobilisation de 1994 pour empêcher une extension de l’aide de l’État et des collectivités territoriales à l’enseignement confessionnel n’a pas débouché sur une réunification des forces laïques. D’où la remise en cause actuelle de la loi de 1905 et de la laïcité !


Notes
1  Jean-Paul Scot nous livre ici une réflexion qui est le fruit d’un travail de recherche ayant abouti à la publication de l'ouvrage L’État chez lui, l’Église chez elle. Comprendre la loi de 1905, (Seuil, Points Histoire, 2005) et aussi de sa participation à de nombreux débats dans le cadre du centenaire de la loi de 1905.
2  Capéran, Chanoine Louis, L’invasion laïque. De l’avènement de Combes au vote de la Séparation, Desclée de Brouwer et Cie, 1935.
3  Mayeur, Jean-Marie, La Séparation des Églises et de l’État, réédition, Éditions ouvrières, 1991 et 2005.
4  Lalouette, Jacqueline, La séparation des Églises et de l’État. Genèse et développement d’une idée 1789-1905, Paris, Seuil, L’Univers historique, 2005
5  Scot, Jean-Paul, « L’État chez lui, l’Église chez elle ». Comprendre la loi de 1905, Paris, Seuil, Point Histoire, 2005.
6  Fabre, Rémi, Francis de Pressensé (1863-1914) et la défense des Droits de l’Homme. Un intellectuel au combat, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004.
7  Jaurès, Jean, Laïcité et République sociale1905-2005 : centenaire de la loi sur la séparation des Églises et de l’État, textes choisis et présentés par Gilles Candar, Introduction d’Antoine Casanova, La bibliothèque de l’Humanité, Le Cherche midi, 2005.
8  Oudin, Bernard, Aristide Briand, Perrin, 1987 et 2004. Voir également Rémi Fabre, « Briand, Pressensé, Jaurès, le « triangle socialiste “de la loi de 1905”, in Marie-Odile Munier dir., Regards croisés en 1905 sur la loi de séparation des Églises et de l’État. Toulouse, Presses de l’université des sciences sociales, 2005.
9  Léon Parsons, Paul Grunebaum-Ballin, puis à partir de février 1905 Louis Méjean, son futur chef de cabinet, Voir Scot, Jean-Paul, « L’État chez lui, l’Église chez elle ». Comprendre la loi de 1905, p. 21 et suivantes.
10  Rapport fait au nom de la commission relative à la séparation des Églises et de l’État par Aristide Briand, député, N° 2302, Chambre des députés, Session de 1905, 268 p. La première partie historique en a été republiée en 2005 avec un avant-propos de Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée nationale.
11  Le Goff, Jacques, et Rémond, René, dir., Histoire de la France religieuse, tome 2 et 3, coll. « Points Histoire », Seuil, 1991 et 2001.
12  Favier, Jean, Philippe le Bel, Fayard, 1978.
13  Dansette, Adrien, Histoire religieuse de la France contemporaine, Flammarion, 1951-1952, tome 2.
14  Cottret, Bernard, 1598. L’Édit de Nantes. Pour en finir avec les guerres de religion, Paris, Perrin, 1997.
15  Labrousse, Élisabeth, L’abolition de l’Édit de Nantes, Paris, Seuil, « Points Histoire », 1985.
16  Rials, Stéphane, La déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Paris, Hachette, « Pluriel », 1988.
17  Le Goff, Jacques, et Rémond, René, dir., Histoire de la France religieuse, tome 3 ; Joutard, Philippe, dir., Du roi très chrétien à la laïcité républicaine xviiie-xixe siècles, Paris, Seuil, 1991 et 2001.
18 Vovelle, Michel, La Révolution contre l’Église. De la raison à l’Être suprême, Bruxelles, Complexe, 1988.
19  En particulier par Rémond, René, Religion et société en Europe. La sécularisation aux xixe et xxe siècles 1780-2000, Paris, Seuil, 1998 et 2001.
20  Mollat, Guillaume, La Question romaine de Pie VI à Pie XI, Paris, librairie Lecoffre ; J. Gabalda et Cie, éditeurs, 1932.
21  Leniaud, Jean-Michel, L’Administration des cultes pendant la période concordataire, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1988.
22  Nous contestons l’opinion de Jean Baubérot qui voit dans le régime concordataire un « premier seuil de laïcisation » in Jean Baubérot et Séverine Mathieu, Religion, modernité et culture au Royaume-Uni et en France 1800-1914, Paris, Seuil, 2002.
23  Weil, Georges, Histoire de l’idée laïque en France au xixe siècle, Paris, Félix Alcan, 1925, réédition 2004, et Pena-Ruiz, Henri, et Scot, Jean-Paul, Un poète en politique. Les combats de Victor Hugo, Paris, Flammarion, 2002.
24  Rudelle, Odile, La République absolue, Paris, Publications de la Sorbonne, 1986.
25  Cholvy, Gérard, et Hilaire, Yves-Marie, Histoire religieuse de la France contemporaine, tome 1, 1800-1880, Toulouse, Privat, 1985.
26  Discours de Gambetta, VIII, p. 246, cité par Pierre Barral, Les fondateurs de la Troisième République, Paris, Armand Colin, 1968.
27  Rudelle, Odile, Jules Ferry, La République des citoyens, Paris, Imprimerie nationale, 2 tomes, 1996.
28  Chevallier, Pierre, La séparation de l’Église et de l’École. Jules Ferry et Léon XIII, Paris, Fayard, 1981.
29  Prost, Antoine, Histoire de l’enseignement en France 1800-1967, Paris, Armand Colin, 1970 et 1981.
30  Mollier, Jean-Yves, et George, Jocelyne, La plus longue des Républiques 1870-1940, Paris, Fayard, 1994.
31  Mayeur, Jean-Marie, La Séparation des Églises et de l’État, Paris, réédition Éditions ouvrières, 1991 et 2005.
32  Jaurès, Jean, L’Humanité, 24 mai, 1er juin et 2 août 1904.
33  Larkin, Maurice, Church and State after the Dreyfus Affair. The Separation Issue in France, Macmillan, 1974, traduction, L’Église et l’État en France. 1905 : la crise de la séparation, Toulouse, Privat, 2005.
34  Merle, Gabriel, Émile Combes, Paris, Fayard, 1995.
35  Cholvy, Gérard, dir., L’enseignement catholique en France aux xixe et xxe siècles, Actes du colloque de l’Association française d’histoire religieuse, Paris, Le Cerf, 1995.
36  Lalouette, Jacqueline, La Libre Pensée en France ; 1848-1940, Paris, Albin Michel 1997 et La République anticléricale xixe-xxe siècles, Paris, Seuil, 2002.
37  Bedin, Véronique, « Briand et la séparation des Églises et de l’État : la commission des trente trois », Revue d’histoire moderne et contemporaine, juillet-septembre 1977.
38  Lalouette, Jacqueline, La séparation des Églises et de l’État. Genèse et développement d’une idée 1789-1905, Paris, Le Seuil, L’Univers historique, 2005.
39  Procès-verbal de la séance du 24 juin 1903.
40  Méjean, Lucie-Violette, La Séparation des Églises et de l’État. L’œuvre de Louis Méjean, Paris, PUF, 1959. Cette étude pionnière est à nuancer par les recherches de Rémi Fabre et de moi-même.
41  Dépêche de Toulouse, 30 juillet et 15 août 1904.
42  Scot, Jean-Paul, « Projet Briand et projet Combes : deux conceptions de la séparation ? », in Actes du Colloque UNSA Éducation « Actualité de la loi de 1905 », 17 novembre 2005, à paraître.
43  Merle, Gabriel, Émile Combes, Fayard, 1995.
44  Mayeur, Jean-Marie, La séparation des Églises et de l’État, Paris, Julliard-Gallimard, collection Archives, 1966, réédition Éditions ouvrières, 1991 et 2005.
45  Scot, Jean-Paul, op. cit.
46  Larkin, Maurice, op. cit.
47  Ibidem.
48  Jaurès, Jean, Chambre des députés, séance du 13 novembre 1906.
49  La loi votée en 1905 prévoyait le versement de salaires aux ministres du culte en activité pendant une période transitoire de quatre ou huit ans avec une réduction progressive.
50  Rémond, René, dir., Histoire religieuse de la France contemporaine, tome 4, Société sécularisée et renouveaux religieux (xxe siècle), Paris,Seuil, 1991.
51  Comme l’affirme Paul Airiau, Cent ans de laïcité française 1905-2005, Presses de la Renaissance, 2005.
52  De Narfon, Julien, La séparation de l’Église et de l’État (origines, étapes, bilan), Paris, Alcan, 1912.
53  Sevillia, Jean, Quand les catholiques étaient hors la loi, Paris, Perrin, 2005.
54  Pena-Ruiz, Henri, Qu’est-ce que la laïcité ?, Paris, Gallimard, Folio Actuel, 2003.
55  Comme l’avait déjà proclamé le décret Cambon adopté par la Convention le 18 septembre 1794.
56  Chambre des députés, séance du 3 juillet 1905.
57  Pena-Ruiz,Henri, Dieu et Marianne. Philosophie de la laïcité, Paris, PUF, 1999 et 2005.
58  Rapport Briand, première partie, conclusion, p. 123.
59  Pena-Ruiz, Henri, Qu’est-ce que la laïcité ?, Paris, Gallimard, Folio Actuel, 2003.
60  Ibidem.
61  Weil, Patrick, « La loi de 1905 et son application au cours d’un siècle », Colloque « Nouvelles approches de l’histoire de la laïcité au xxe siècle », 18‑19 novembre 2005, CHS xxe siècle-Université Paris1-UNSA Éducation (à paraître).
62  Poulat, Émile, Notre laïcité publique, Berg International Éditeurs, 2003.
63  Ibidem.
64  Ossilia Saaïdla, « L’anticléricalisme, article d’exportation vers l’Algérie ? », in Vingtième Siècle, n° 87, juillet-septembre 2005.
65  Rapport de la commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République, remis le 11 décembre 2003 au Président de la République Jacques Chirac, présidée par Bernard Stasi avec Rémy Schwartz comme rapporteur général, La Documentation française, décembre 2003.


Pour citer cet article
Référence papier
Jean-Paul Scot, « Liberté-égalité-laïcité. Genèse, caractères et enjeux de la loi de 1905 », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 100 | 2007, 161-183.
Référence électronique
Jean-Paul Scot, « Liberté-égalité-laïcité. Genèse, caractères et enjeux de la loi de 1905 », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 100 | 2007, mis en ligne le 01 janvier 2010, consulté le 05 juin 2016. URL : http://chrhc.revues.org/702 
Arlitto
Arlitto
Admin
Admin

Religion : Non
Sexe : Masculin Messages : 17557
Localisation : France

http://arlitto.forumprod.com/

Revenir en haut Aller en bas

Forum Religion et Politique - Page 3 Empty Re: Forum Religion et Politique

Message  Arlitto Jeu 09 Juin 2016, 20:39

La Séparation 1905 Loi de séparation des Églises et de l'État  


La laïcité ne signifie pas la négation du fait religieux. 

L'homme ne serait pas l'homme s'il ne s'interrogeait pas sur l'origine du monde et la fin des choses. Le don de la vie et l'énigme de la mort, le lien mystérieux de la matière et de l'esprit, la conscience que chacun a de lui même, comment en rendre compte? Les hommes se posent tous les mêmes questions. Mais ils différent sur les voies de la connaissance. Faut-il préférer la raison logique, la méditation intérieur ou la révélation d'en haut? Cette recherche n'est pas seulement individuelle. Les prophètes, les messies et les apôtres ont laissé aux différents peuples de la terre des règles de vie, des articles de foi. La morale issue des livres sacrés est quelques fois sévère. Le culte peut prendre des formes visibles, démonstratives, exaltées même. Chacun dans sa courte existence s'efforce de trouver son chemin. Celui qui croit au ciel, voudrait tourner toutes les âmes vers son dieu. Celui qui n'y croit pas, aimerait libérer les hommes de leur croyance s'il le faut, malgré eux. L'un, dans sa ferveur, souhaite renforcer la religion par la puissance de l'état, pour soumettre les hommes à la loi divine. L'autre, par sa sagesse, demande qu'on distingue le pouvoir politique du pouvoir religieux. Le compromis de 1905 nous vient en héritage. La laïcité n'est pas une croyance de plus, ni une religion de l'incroyance. Elle signifie la neutralité de l'état en matière de religion. C'est elle qui permet à toutes les croyances de coexister en paix dans un même pays. Elle garantie à chacun la liberté de CROIRE, et celle de NE PAS CROIRE, la liberté de PRATIQUER, et celle de NE PAS PRATIQUER. Elle donne à tous la faculté la plus rare dans le monde, et la plus précieuse pour l'esprit: la liberté de DOUTER. Aujourd'hui comme hier, la laïcité est notre bien commun.

.
Arlitto
Arlitto
Admin
Admin

Religion : Non
Sexe : Masculin Messages : 17557
Localisation : France

http://arlitto.forumprod.com/

Revenir en haut Aller en bas

Forum Religion et Politique - Page 3 Empty Re: Forum Religion et Politique

Message  Arlitto Jeu 09 Juin 2016, 20:40

LOI 

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat. 
Version consolidée au 06 mars 2008 
Le Sénat et la chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

  • Titre Ier : Principes. 

    Article 1
    La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.

    Article 2 En savoir plus sur cet article...
    La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes.
    Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
    Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l'article 3.



  • Titre II : Attribution des biens, pensions. 

    Article 3
    Les établissements dont la suppression est ordonnée par l'article 2 continueront provisoirement de fonctionner, conformément aux dispositions qui les régissent actuellement, jusqu'à l'attribution de leurs biens aux associations prévues par le titre IV et au plus tard jusqu'à l'expiration du délai ci-après.
    Dès la promulgation de la présente loi, il sera procédé par les agents de l'administration des domaines à l'inventaire descriptif et estimatif :
    1° Des biens mobiliers et immobiliers desdits établissements ;
    2° Des biens de l'Etat, des départements et des communes dont les mêmes établissements ont la jouissance.
    Ce double inventaire sera dressé contradictoirement avec les représentants légaux des établissements ecclésiastiques ou eux dûment appelés par une notification faite en la forme administrative.
    Les agents chargés de l'inventaire auront le droit de se faire communiquer tous titres et documents utiles à leurs opérations.

    Article 4
    Dans le délai d'un an, à partir de la promulgation de la présente loi, les biens mobiliers et immobiliers des menses, fabriques, conseils presbytéraux, consistoires et autres établissements publics du culte seront, avec toutes les charges et obligations qui les grèvent et avec leur affectation spéciale, transférés par les représentants légaux de ces établissements aux associations qui, en se conformant aux règles d'organisation générale du culte dont elles se proposent d'assurer l'exercice, se seront légalement formées, suivant les prescriptions de l'article 19, pour l'exercice de ce culte dans les anciennes circonscriptions desdits établissements.

    Article 5 En savoir plus sur cet article...
    Ceux des biens désignés à l'article précédent qui proviennent de l'Etat et qui ne sont pas grevés d'une fondation pieuse créée postérieurement à la loi du 18 germinal an X feront retour à l'Etat.
    Les attributions de biens ne pourront être faites par les établissements ecclésiastiques qu'un mois après la promulgation du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 43. Faute de quoi la nullité pourra en être demandée devant le tribunal de grande instance par toute partie intéressée ou par le ministère public.
    En cas d'aliénation par l'association cultuelle de valeurs mobilières ou d'immeubles faisant partie du patrimoine de l'établissement public dissous, le montant du produit de la vente devra être employé en titres de rente nominatifs ou dans les conditions prévues au paragraphe 2 de l'article 22.
    L'acquéreur des biens aliénés sera personnellement responsable de la régularité de cet emploi.
    Les biens revendiqués par l'Etat, les départements ou les communes ne pourront être aliénés, transformés ni modifiés jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la revendication par les tribunaux compétents.

    Article 6
    Les associations attributaires des biens des établissements ecclésiastiques supprimés seront tenues des dettes de ces établissements ainsi que de leurs emprunts sous réserve des dispositions du troisième paragraphe du présent article ; tant qu'elles ne seront pas libérées de ce passif, elles auront droit à la jouissance des biens productifs de revenus qui doivent faire retour à l'Etat en vertu de l'article 5.
    Les annuités des emprunts contractés pour dépenses relatives aux édifices religieux, seront supportées par les associations en proportion du temps pendant lequel elles auront l'usage de ces édifices par application des dispositions du titre III.

    Article 7
    Les biens mobiliers ou immobiliers grevés d'une affectation charitable ou d'une toute autre affectation étrangère à l'exercice du culte seront attribués, par les représentants légaux des établissements ecclésiastiques, aux services ou établissements publics ou d'utilité publique, dont la destination est conforme à celle desdits biens. Cette attribution devra être approuvée par le préfet du département où siège l'établissement ecclésiastique. En cas de non-approbation, il sera statué par décret en Conseil d'Etat.
    Toute action en reprise, qu'elle soit qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution, concernant les biens dévolus en exécution du présent article, est soumise aux règles prescrites par l'article 9.

    Article 8
    Faute par un établissement ecclésiastique d'avoir, dans le délai fixé par l'article 4, procédé aux attributions ci-dessus prescrites, il y sera pourvu par décret.
    A l'expiration dudit délai, les biens à attribuer seront, jusqu'à leur attribution, placés sous séquestre.
    Dans le cas où les biens attribués en vertu de l'article 4 et du paragraphe 1er du présent article seront, soit dès l'origine, soit dans la suite, réclamés par plusieurs associations formées pour l'exercice du même culte, l'attribution qui en aura été faite par les représentants de l'établissement ou par décret pourra être contestée devant le Conseil d'Etat, statuant au contentieux , lequel prononcera en tenant compte de toutes les circonstances de fait.
    La demande sera introduite devant le Conseil d'Etat, dans le délai d'un an à partir de la date du décret ou à partir de la notification, à l'autorité préfectorale, par les représentants légaux des établissements publics du culte, de l'attribution effectuée par eux. Cette notification devra être faite dans le délai d'un mois.
    L'attribution pourra être ultérieurement contestée en cas de scission dans l'association nantie, de création d'association nouvelle par suite d'une modification dans le territoire de la circonscription ecclésiastique et dans le cas où l'association attributaire n'est plus en mesure de remplir son objet.

    Article 9 En savoir plus sur cet article...
    1. Les biens des établissements ecclésiastiques. qui n'ont pas été réclamés par des associations cultuelles constituées dans le délai d'un an à partir de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, seront attribués par décret à des établissements communaux de bienfaisance ou d'assistance situés dans les limites territoriales de la circonscription ecclésiastique intéressée, ou, à défaut d'établissement de cette nature, aux communes ou sections de communes, sous la condition d'affecter aux services de bienfaisance ou d'assistance tous les revenus ou produits de ces biens, sauf les exceptions ci-après :
    1° Les édifices affectés au culte lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 et les meubles les garnissant deviendront la propriété des communes sur le territoire desquelles ils sont situés, s'ils n'ont pas été restitués ni revendiqués dans le délai légal ;
    2° Les meubles ayant appartenu aux établissements ecclésiastiques ci-dessus mentionnés qui garnissent les édifices désignés à l'article 12, paragraphe 2, de la loi du 9 décembre 1905, deviendront la propriété de l'Etat, des départements et des communes, propriétaires desdits édifices, s'ils n'ont pas été restitués ni revendiqués dans le délai légal ;
    3° Les immeubles bâtis, autres que les édifices affectés au culte, qui n'étaient pas productifs de revenus lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 et qui appartenaient aux menses archiépiscopales et épiscopales, aux chapitres et séminaires, ainsi que les cours et jardins y attenant, seront attribués par décret, soit à des départements, soit à des communes, soit à des établissements publics pour des services d'assistance ou de bienfaisance ou des services publics ;
    4° Les biens des menses archiépiscopales et épiscopales, chapitres et séminaires, seront, sous réserve de l'application des dispositions du paragraphe précèdent, affectés dans la circonscription territoriale de ces anciens établissements, au paiement du reliquat des dettes régulières ou légales de l'ensemble des établissements ecclésiastiques compris dans ladite circonscription, dont les biens n'ont pas été attribués à des associations cultuelles, ainsi qu'au paiement de tous frais exposés et de toutes dépenses effectuées relativement à ces biens par le séquestre, sauf ce qui est dit au paragraphe 13 de l'article 3 ci-après. L'actif disponible après l'acquittement de ces dettes et dépenses sera attribué par décret à des services départementaux de bienfaisance ou d'assistance.
    En cas d'insuffisance d'actif il sera pourvu au paiement desdites dettes et dépenses sur l'ensemble des biens ayant fait retour à l'Etat, en vertu de l'article 5 ;
    5° Les documents, livres, manuscrits et oeuvres d'art ayant appartenu aux établissements ecclésiastiques et non visés au 1° du présent paragraphe pourront être réclamés par l'Etat, en vue de leur dépôt dans les archives, bibliothèques ou musées et lui être attribués par décret ;
    6° Les biens des caisses de retraite et maisons de secours pour les prêtres âgés ou infirmes seront attribués par décret à des sociétés de secours mutuels constituées dans les départements où ces établissements ecclésiastiques avaient leur siège.
    Pour être aptes à recevoir ces biens, lesdites sociétés devront être approuvées dans les conditions prévues par la loi du 1er avril 1898, avoir une destination conforme à celle desdits biens, être ouvertes à tous les intéressés et ne prévoir dans leurs statuts aucune amende ni aucun cas d'exclusion fondés sur un motif touchant à la discipline ecclésiastique.
    Les biens des caisses de retraite et maisons de secours qui n'auraient pas été réclamés dans le délai de dix-huit mois à dater de la promulgation de la présente loi par des sociétés de secours mutuels constituées dans le délai d'un an de ladite promulgation, seront attribués par décret aux départements où ces établissements ecclésiastiques avaient leur siège, et continueront à être administrés provisoirement au profit des ecclésiastiques qui recevaient des pensions ou secours ou qui étaient hospitalisés à la date du 15 décembre 1906.
    Les ressources non absorbées par le service de ces pensions ou secours seront employées au remboursement des versements que les ecclésiastiques ne recevant ni pension ni secours justifieront avait faits aux caisses de retraites.
    Le surplus desdits biens sera affecté par les départements à des services de bienfaisance ou d'assistance fonctionnant dans les anciennes circonscriptions des caisses de retraite et maisons de secours.
    2. En cas de dissolution d'une association, les biens qui lui auront été dévolus en exécution des articles 4 et 8 seront attribués par décret rendu en Conseil d'Etat, soit à des associations analogues dans la même circonscription ou, à leur défaut, dans les circonscriptions les plus voisines, soit aux établissement visés au paragraphe 1er du présent article.
    3. Toute action en reprise, qu'elle soit qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution doit être introduite dans le délai ci-après déterminé.
    Elle ne peut être exercée qu'en raison de donations, de legs ou de fondations pieuses, et seulement par les auteurs et leurs héritiers en ligne directe.
    Les arrérages de rentes dues aux fabriques pour fondations pieuses ou cultuelles et qui n'ont pas été rachetées cessent d'être exigibles.
    Aucune action d'aucune sorte ne pourra être intentée à raison de fondations pieuses antérieures à la loi du 18 germinal an X.
    4. L'action peut être exercée contre l'attributaire ou, à défaut d'attribution, contre le directeur général des domaines représentant l'Etat en qualité de séquestre.
    5. Nul ne pourra introduire une action, de quelque nature qu'elle soit, s'il n'a déposé, deux mois auparavant un mémoire préalable sur papier non timbré entre les mains du directeur général des domaines qui en délivrera un récépissé daté et signé.
    6. Au vu de ce mémoire, et après avis du directeur des domaines, le préfet pourra en tout état de cause, et quel que soit l'état de la procédure, faire droit à tout ou partie de la demande par un arrêté ....
    7. L'action sera prescrite si le mémoire préalable n'a pas été déposé dans les dix mois à compter de la publication au Journal officiel de la liste des biens attribués ou à attribuer avec les charges auxquelles lesdits biens seront ou demeureront soumis, et si l'assignation devant la juridiction ordinaire n'a pas été délivrée dans les trois mois de la date du récépissé.
    Parmi ces charges, pourra être comprise celle de l'entretien des tombes.
    8. Passé ces délais, les attributions seront définitives et ne pourront plus être attaquées de quelque matière ni pour quelque cause que ce soit.
    Néanmoins, toute personne intéressée pourra poursuivre devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux, l'exécution des charges imposées par les décrets d'attribution.
    9. Il en sera de même pour les attributions faites après solution des litiges soulevés dans le délai.
    10. Tout créancier, hypothécaire, privilégié ou autre, d'un établissement dont les biens ont été mis sous séquestre, devra, pour obtenir le paiement de sa créance, déposer préalablement à toute poursuite un mémoire justificatif de sa demande, sur papier non timbré, avec les pièces à l'appui au directeur général des domaines qui en délivrera un récépissé daté et signé.
    11. Au vu de ce mémoire et sur l'avis du directeur des domaines, le préfet pourra en tout état de cause, et quel que soit l'état de la procédure, décider, par un arrêté pris en conseil de préfecture, que le créancier sera admis, pour tout ou parti de sa créance, au passif de la liquidation de l'établissement supprimé.
    12. L'action du créancier sera définitivement éteinte si le mémoire préalable n'a pas été déposé dans les six mois qui suivront la publication au Journal officiel prescrite par le paragraphe 7 du présent article, et si l'assignation devant la juridiction ordinaire n'a pas été délivrée dans les neuf mois de ladite publication.
    13. Dans toutes les causes auxquelles s'appliquent les dispositions de la présente loi, le tribunal statue comme en matière sommaire, conformément au titre 24 du livre II du Code de procédure civile.
    Les frais exposés par le séquestre seront, dans tous les cas, employés en frais privilégiés sur le bien séquestré, sauf recouvrement contre la partie adverse condamnée aux dépens, ou, sur la masse générale des biens recueillis par l'Etat.
    Le donateur et les héritiers en ligne directe soit du donateur, soit du testateur ayant, dès à présent, intenté une action en revendication ou en révocation devant les tribunaux civils, sont dispensés des formalités de procédure prescrites par les paragraphes 5, 6 et 7 du présent article.
    14. L'Etat, les départements les communes et les établissements publics ne peuvent remplir ni les charges pieuses ou cultuelles, afférentes aux libéralités à eux faites ou, aux contrats conclus par eux, ni les charges dont l'exécution comportait l'intervention soit d'un établissement public du culte, soit de titulaires ecclésiastiques.
    Ils ne pourront remplir les charges comportant l'intervention d'ecclésiastiques pour l'accomplissement d'actes non cultuels que s'il s'agit de libéralités autorisées antérieurement à la promulgation de la présente loi, et si, nonobstant l'intervention de ces ecclésiastiques, ils conservent un droit de contrôle sur l'emploi desdites libéralités.
    Les dispositions qui précèdent s'appliquent au séquestre.
    Dans les cas prévus à l'alinéa 1er du présent paragraphe, et en cas d'inexécution des charges visées à l'alinéa 2, l'action en reprise, qu'elle soit qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution, ne peut être exercée que par les auteurs des libéralités et leurs héritiers en ligne directe.
    Les paragraphes précédents s'appliquent à cette action sous les réserves ci-après :
    Le dépôt du mémoire est fait au préfet, et l'arrêté du préfet en conseil de préfecture est pris, s'il y a lieu, après avis de la commission départementale pour le département, du conseil municipal pour la commune et de la commission administrative pour l'établissement public intéressé.
    En ce qui concerne les biens possédés par l'Etat, il sera statué par décret.
    L'action sera prescrite si le mémoire n'a pas été déposé dans l'année qui suivra la promulgation de la présente loi, et l'assignation devant la juridiction ordinaire délivrée dans les trois mois de la date du récépissé.
    15. Les biens réclamés, en vertu du paragraphe 14, à l'Etat, aux départements, aux communes et à tous les établissements publics ne seront restituables, lorsque la demande ou l'action sera admise, que dans la proportion correspondant aux charges non exécutées, sans qu'il y ait lieu de distinguer si lesdites charges sont ou non déterminantes de la libéralité ou du contrat de fondation pieuse et sous déduction des frais et droits correspondants payés lors de l'acquisition des biens.
    16. Sur les biens grevés de fondations de messes, l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics possesseurs ou attributaires desdits biens, devront, à défaut des restitutions à opérer en vertu du présent article, mettre en réserve la portion correspondant aux charges ci-dessus visées.
    Cette portion sera remise aux sociétés de secours mutuels constituées conformément au paragraphe 1er, 6°, de l'article 9 de la loi du 9 décembre 1905, sous la forme de titres de rente nominatifs, à charge par celles-ci d'assurer l'exécution des fondations perpétuelles de messes.
    Pour les fondations temporaires, les fonds y afférents seront versés auxdites sociétés de recours mutuels, mais ne bénéficieront pas du taux de faveur prévu par l'article 21 de la loi du 1er avril 1898.
    Les titres nominatifs seront remis et les versements faits à la société de secours mutuels qui aura été constituée dans le département, ou à son défaut dans le département le plus voisin.
    A l'expiration du délai de dix-huit mois prévu au paragraphe 1er, 6° ci-dessus visé, si aucune des sociétés de secours mutuels qui viennent d'être mentionnées n'a réclamé la remise des titres ou le versement auquel elle a droit, l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics seront définitivement libérés et resteront propriétaires des biens par eux possédés ou à eux attribués, sans avoir à exécuter aucune des fondations et messes grevant lesdits biens.
    La portion à mettre en réserve, en vertu des dispositions précédentes sera calculée sur la base des tarifs indiqués dans l'acte de fondation, ou, à défaut, sur la base des tarifs en vigueur au 9 décembre 1905.

    Article 10 En savoir plus sur cet article...
    1. Les attributions prévues par les articles précédents ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor.
    2. Les transferts, transcriptions, inscriptions et mainlevées, mentions et certificats seront opérés ou délivrés par les compagnies, sociétés et autres établissements débiteurs et par les conservateurs des hypothèques, en vertu, soit d'une décision de justice devenue définitive, soit d'un arrêté pris par le préfet ... , soit d'un décret d'attribution.
    3. Les arrêtés et décrets, les transferts, les transcriptions, inscriptions et mainlevées, mentions et certificats opérés ou délivrés venu desdits arrêtés et décrets ou des décisions de justice susmentionnés seront affranchis de droits de timbre, d'enregistrement et de toute taxe.
    4. Les attributaires de biens immobiliers seront, dans tous les cas, dispensés de remplir les formalités de purge des hypothèques légales. Les biens attribués seront francs et quittes de toute charge hypothécaire ou privilégiée qui n'aurait pas été inscrite avant l'expiration du délai de six mois à dater de la publication au Journal officiel ordonnée par le paragraphe 7 de l'article 9.

    Article 11 (abrogé au 19 mai 2011) En savoir plus sur cet article...

    Les ministres des cultes qui, lors de la promulgation de la présente loi, seront âgés de plus de soixante ans révolus et qui auront, pendant trente ans au moins, rempli des fonctions ecclésiastiques rémunérées par l'Etat, recevront une pension annuelle et viagère égale aux trois quarts de leur traitement.
    Ceux qui seront âgés de plus de quarante-cinq ans et qui auront, pendant vingt ans au moins, rempli des fonction ecclésiastiques rémunérées par l'Etat recevront une pension annuelle et viagère égale à la moitié de leur traitement.
    Les pensions allouées par les deux paragraphes précédents ne pourront pas dépasser 1.500 (anciens) francs.
    En cas de décès des titulaires, ces pensions sont réversibles. jusqu'à concurrence de la moitié de leur montant au profit de la veuve et des orphelins mineurs laissés par le défunt et, jusqu'à concurrence du quart, au profit de la veuve sans enfants mineurs. A la majorité des orphelins, leur pension s'éteindra de plein droit.
    Les ministres des cultes actuellement salariés par l'Etat, qui ne seront pas dans les conditions ci-dessus, recevront, pendant quatre ans à partir de la suppression du budget des cultes, une allocation égale à la totalité de leur traitement pour la première année, aux deux tiers pour la deuxième à la moitié pour la troisième, au tiers pour la quatrième.
    Toutefois, dans les communes de moins de 1.000 habitants et pour les ministres des cultes qui continueront à y remplir leurs fonctions, la durée de chacune des quatre périodes ci-dessus indiquée sera doublée.
    Les départements et les communes pourront, sous les mêmes conditions que l'Etat, accorder aux ministres des cultes actuellement salariés, par eux, des pensions ou des allocations établies sur la même base et pour une égale durée.
    Réserve et faite des droits acquis en matière de pensions par application de la législation antérieure, ainsi que des secours accordés, soit aux anciens ministres des différents cultes, soit à leur famille.
    Les pensions prévues aux deux premiers paragraphes du présent article ne pourront se cumuler avec toute autre pension ou tout autre traitement alloué, à titre quelconque par l'Etat les départements ou les communes.
    La loi du 27 juin 1885, relative au personnel des facultés de théologie catholique supprimées est applicable aux professeurs, chargés de cours, maîtres de conférences et étudiants des facultés de théologie protestante.
    Les pensions et allocation prévues ci-dessus seront incessibles et insaisissables dans les mêmes conditions que les pensions civiles. Elles cesseront de plein droit en cas de condamnation à une peine afflictive ou infamante ou en cas de condamnation pour l'un des délits prévus aux articles 34 et 35 de la présente loi.
    Le droit à l'obtention ou a la jouissance d'une pension ou allocation sera suspendu par les circonstances qui font perdre la qualité de Français durant la privation de cette qualité.
    Les demandes de pension devront être, sous peine de forclusion, formées dans le délai d'un an après la promulgation de la présente loi.



  • Titre III : Des édifices des cultes. 

    Article 12 En savoir plus sur cet article...

    Les édifices qui ont été mis à la disposition de la nation et qui, en vertu de la loi du 18 germinal an X, servent à l'exercice public des cultes ou au logement de leurs ministres (cathédrales, églises, chapelles, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), ainsi que leurs dépendances immobilières et les objets mobiliers qui les garnissaient au moment où lesdits édifices ont été remis aux cultes, sont et demeurent propriétés de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale ayant pris la compétence en matière d'édifices des cultes.
    Pour ces édifices, comme pour ceux postérieurs à la loi du 18 germinal an X, dont l'Etat, les départements et les communes seraient propriétaires, y compris les facultés de théologie protestante, il sera procédé conformément aux dispositions des articles suivants.

    Article 13 En savoir plus sur cet article...

    Les édifices servant à l'exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II.
    La cessation de cette jouissance, et, s'il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret, sauf recours au Conseil d'Etat statuant au contentieux :
    1° Si l'association bénéficiaire est dissoute :
    2° Si, en dehors des cas de force majeure, le culte cesse d'être célébré pendant plus de six mois consécutifs :
    3° Si la conservation de l'édifice ou celle des objets mobiliers classés en vertu de la loi de 1887 et de l'article 16 de la présente loi est compromise par insuffisance d'entretien, et après mise en demeure dûment notifiée du conseil municipal ou, à son défaut du préfet :
    4° Si l'association cesse de remplir son objet ou si les édifices sont détournés de leur destination ;
    5° Si elle ne satisfait pas soit aux obligations de l'article 6 ou du dernier paragraphe du présent article, soit aux prescriptions relatives aux monuments historiques.
    La désaffectation de ces immeubles pourra, dans les cas ci-dessus prévus être prononcée par décret rendu en Conseil d'Etat. En dehors de ces cas, elle ne pourra l'être que par une loi.
    Les immeubles autrefois affectés aux cultes et dans lesquels les cérémonies du culte n'auront pas été célébrées pendant le délai d'un an antérieurement à la présente loi, ainsi que ceux qui ne seront pas réclamés par une association cultuelle dans le délai de deux ans après sa promulgation, pourront être désaffectés par décret.
    Il en est de même pour les édifices dont la désaffectation aura été demandée antérieurement au 1er juin 1905.
    Les établissements publics du culte, puis les associations bénéficiaires, seront tenus des réparations de toute nature, ainsi que des frais d'assurance et autres charges afférentes aux édifices et aux meubles les garnissant.
    L'Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l'entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi.
     
    Article 14
    Les archevêchés, évêchés, les presbytères et leurs dépendances, les grands séminaires et facultés de théologie protestante seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations prévues à l'article 13, savoir : les archevêchés, et évêchés pendant une période de deux années ; les presbytères dans les communes où résidera le ministre du culte, les grands séminaires et facultés de théologie protestante, pendant cinq années à partir de la promulgation de la présente loi.
    Les établissements et associations sont soumis, en ce qui concerne ces édifices, aux obligations prévues par le dernier paragraphe de l'article 13. Toutefois, ils ne seront pas tenus des grosses réparations.
    La cessation de la jouissance des établissements et associations sera prononcée dans les conditions et suivant les formes déterminées par l'article 13. Les dispositions des paragraphes 3 et 5 du même article sont applicables aux édifices visés par le paragraphe 1er du présent article.
    La distraction des parties superflues des presbytères laissés à la disposition des associations cultuelles pourra, pendant le délai prévu au paragraphe 1er, être prononcée pour un service public par décret rendu en Conseil d'Etat.
    A l'expiration des délais de jouissance gratuite, la libre disposition des édifices sera rendue à l'Etat, aux départements ou aux communes.
    Ceux de ces immeubles qui appartiennent à l'Etat pourront être, par décret, affectés ou concédés gratuitement, dans les formes prévues à l'ordonnance du 14 juin 1833, soit à des services publics de l'Etat, soit à des services publics départementaux ou communaux.
    Les indemnités de logement incombant actuellement aux communes, à défaut de presbytère, par application de l'article 136 de la loi du 5 avril 1884, resteront à leur charge pendant le délai de cinq ans. Elles cesseront de plein droit en cas de dissolution de l'association.

    Article 15
    Dans les départements de la Savoie, de la Haute-Savoie et des Alpes-Maritimes, la jouissance des édifices antérieurs à la loi du 18 germinal an X, servant à l'exercice des cultes ou au logement de leurs ministres, sera attribuée par les communes sur le territoire desquelles ils se trouvent, aux associations cultuelles, dans les conditions indiquées par les articles 12 et suivants de la présente loi. En dehors de ces obligations, les communes pourront disposer librement de la propriété de ces édifices.
    Dans ces mêmes départements, les cimetières resteront la propriété des communes.

    Article 16
    Il sera procédé à un classement complémentaire des édifices servant à l'exercice public du culte (cathédrales, églises, chapelles, temples, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), dans lequel devront être compris tous ceux de ces édifices représentant, dans leur ensemble ou dans leurs parties, une valeur artistique ou historique.
    Les objets mobiliers ou les immeubles par destination mentionnés à l'article 13, qui n'auraient pas encore été inscrits sur la liste de classement dressée en vertu de la loi du 30 mars 1887, sont, par l'effet de la présente loi, ajoutés à ladite liste. Il sera procédé par le ministre compétent, dans le délai de trois ans, au classement définitif de ceux de ces objets dont la conservation présenterait, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt suffisant. A l'expiration de ce délai, les autres objets seront déclassés de plein droit.
    En outre, les immeubles et les objets mobiliers, attribués en vertu de la présente loi aux associations, pourront être classés dans les mêmes conditions que s'ils appartenaient à des établissements publics.
    Il n'est pas dérogé, pour le surplus, aux dispositions de la loi du 30 mars 1887.
    Les archives ecclésiastiques et bibliothèques existant dans les archevêchés, évêchés, grands séminaires, paroisses, succursales et leurs dépendances, seront inventoriées et celles qui seront reconnues propriété de l'Etat lui seront restituées.

    Article 17
    Les immeubles par destination classés en vertu de la loi du 30 mars 1887 ou de la présente loi sont inaliénables et imprescriptibles
    Dans le cas où la vente ou l'échange d'un objet classé serait autorisé par le ministre compétent, un droit de préemption est accordé : 1° aux associations cultuelles ; 2° aux communes ; 3° aux départements ; 4° aux musées et sociétés d'art et d'archéologie ; 5° à l'Etat. Le prix sera fixé par trois experts que désigneront le vendeur, l'acquéreur et le président du tribunal de grande instance.
    Si aucun des acquéreurs visés ci-dessus ne fait usage du droit de préemption la vente sera libre ; mais il est interdit à l'acheteur d'un objet classé de le transporter hors de France.
    La visite des édifices et l'exposition des objets mobiliers classés seront publiques : elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance.



  • Titre IV : Des associations pour l'exercice des cultes. 

    Article 18 En savoir plus sur cet article...
    Les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la présente loi.

    Article 19 En savoir plus sur cet article...

    Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte et être composés au moins :
    Dans les communes de moins de 1.000 habitants, de sept personnes ;
    Dans les communes de 1.000 à 20.000 habitants, de quinze personnes ;
    Dans les communes dont le nombre des habitants est supérieur à 20.000, de vingt-cinq personnes majeures, domiciliées ou résidant dans la circonscription religieuse.
    Chacun de leurs membres pourra s'en retirer en tout temps, après payement des cotisations échues et de celles de l'année courante, nonobstant toute clause contraire.
    Nonobstant toute clause contraire des statuts, les actes de gestion financière et d'administration légale des biens accomplis par les directeurs ou administrateurs seront, chaque année au moins présentés au contrôle de l'assemblée générale des membres de l'association et soumis à son approbation.
    Les associations pourront recevoir, en outre, des cotisations prévues par l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901, le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte, percevoir des rétributions : pour les cérémonies et services religieux même par fondation ; pour la location des bancs et sièges ; pour la fourniture des objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration de ces édifices.
    Les associations cultuelles pourront recevoir, dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 910 du code civil, les libéralités testamentaires et entre vifs destinées à l'accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles.
    Elles pourront verser, sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d'autres associations constituées pour le même objet.
    Elles ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques.
    NOTA :
    Ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 art. 9 :
    l'article 2 de la présente ordonnance n'est pas applicable aux libéralités pour lesquelles des demandes d'autorisation de leur acceptation ont été formées avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance.
     
    Article 20
    Ces associations peuvent, dans les formes déterminées par l'article 7 du décret du 16 août 1901, constituer des unions ayant une administration ou une direction centrale ; ces unions seront réglées par l'article 18 et par les cinq derniers paragraphes de l'article 19 de la présente loi.

    Article 21 En savoir plus sur cet article...
    Les associations et les unions tiennent un état de leurs recettes et de leurs dépenses ; elles dressent chaque année le compte financier de l'année écoulée et l'état inventorié de leurs biens, meubles et immeubles.
    Le contrôle financier est exercé sur les associations et sur les unions par l'administration de l'enregistrement et par l'inspection générale des finances.

    Article 22 En savoir plus sur cet article...
    Les associations et unions peuvent employer leurs ressources disponibles à la constitution d'un fonds de réserve suffisant pour assurer les frais et l'entretien du culte et ne pouvant, en aucun cas, recevoir une autre destination : le montant de cette réserve ne pourra jamais dépasser une somme égale, pour les unions et associations ayant plus de cinq mille (anciens) francs de revenu, à trois fois et, pour les autres associations, à six fois la moyenne annuelle des sommes dépensées par chacune d'entre elles pour les frais du culte pendant les cinq derniers exercices.
    Indépendamment de cette réserve, qui devra être placée en valeurs nominatives, elles pourront constituer une réserve spéciale dont les fonds devront êtres déposés, en argent ou en titres nominatifs, à la Caisse des dépôts et consignations pour y être exclusivement affectés, y compris les intérêts, à l'achat, à la construction, à la décoration ou à la réparation d'immeubles ou meubles destinés aux besoins de l'association ou de l'union.

    Article 23 En savoir plus sur cet article...

    Seront punis d'une amende prévue par le 5° de l'article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la 5ème classe, et, en cas de récidive, d'une amende double, les directeurs ou administrateurs d'une association ou d'une union qui auront contrevenu aux articles 18, 19, 20, 21 et 22.
    Les tribunaux pourront, dans le cas d'infraction au paragraphe 1er de l'article 22, condamner l'association ou l'union à verser l'excédent constaté aux établissements communaux d'assistance ou de bienfaisance.
    Ils pourront, en outre, dans tous les cas prévus au paragraphe 1er du présent article, prononcer la dissolution de l'association ou de l'union.

    Article 24 En savoir plus sur cet article...
    Les édifices affectés à l'exercice du culte appartenant à l'Etat, aux départements ou aux communes continueront à être exemptés de l'impôt foncier et de l'impôt des portes et fenêtres.
    Les édifices servant au logement des ministres des cultes, les séminaires, les facultés de théologie protestante qui appartiennent à l'Etat, aux départements ou aux communes, les biens qui sont la propriété des associations et unions sont soumis aux mêmes impôts que ceux des particuliers.
    Toutefois, les édifices affectés à l'exercice du culte qui ont été attribués aux associations ou unions en vertu des dispositions de l'article 4 de la présente loi sont, au même titre que ceux qui, appartiennent à l'Etat, aux départements et aux communes, exonérés de l'impôt foncier et de l'impôt des portes et fenêtres.
    Les associations et unions ne sont en aucun cas assujetties à la taxe d'abonnement ni à celle imposée aux cercles par article 33 de la loi du 8 août 1890, pas plus qu'à l'impôt de 4 % sur le revenu établi par les lois du 28 décembre 1880 et 29 décembre 1884.



  • Titre V : Police des cultes. 

    Article 25
    Les réunions pour la célébration d'un culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont dispensées des formalités de l'article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l'intérêt de l'ordre public.

    Article 26
    Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l'exercice d'un culte.
     
    Article 27 En savoir plus sur cet article...

    Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d'un culte, sont réglées en conformité de l'article L2212-2 du code général des collectivités territoriales.
    Les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal, et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou directeur de l'association cultuelle, par arrêté préfectoral.
    Le décret en Conseil d'Etat prévu par l'article 43 de la présente loi déterminera les conditions et les cas dans lesquels les sonneries civiles pourront avoir lieu.

    Article 28
    Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions.

    Article 29
    Les contraventions aux articles précédents sont punies des peines de police.
    Sont passibles de ces peines, dans le cas des articles 25, 26 et 27, ceux qui ont organisé la réunion ou manifestation, ceux qui y ont participé en qualité de ministres du culte et, dans le cas des articles 25 et 26, ceux qui ont fourni le local.

    Article 30 (abrogé) En savoir plus sur cet article...


    Article 31
    Sont punis de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d'un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l'une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé à exercer ou à s'abstenir d'exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d'une association cultuelle, à contribuer ou à s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte.

    Article 32
    Seront punis des mêmes peines ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les exercices d'un culte par des troubles ou désordres causés dans le local servant à ces exercices.

    Article 33
    Les dispositions des deux articles précédents ne s'appliquent qu'aux troubles, outrages ou voies de fait, dont la nature ou les circonstances ne donneront pas lieu à de plus fortes peines d'après les dispositions du Code pénal.

    Article 34 En savoir plus sur cet article...

    Tout ministre d'un culte qui, dans les lieux où s'exerce ce culte, aura publiquement par des discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches apposées, outragé ou diffamé un citoyen chargé d'un service public, sera puni d'une amende de 3 750 euros. et d'un emprisonnement d'un an, ou de l'une de ces deux peines seulement.
    La vérité du fait diffamatoire, mais seulement s'il est relatif aux fonctions, pourra être établi devant le tribunal correctionnel dans les formes prévues par l'article 52 de la loi du 29 juillet 1881. Les prescriptions édictées par l'article 65 de la même loi s'appliquent aux délits du présent article et de l'article qui suit.

    Article 35
    Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s'exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique, ou s'il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s'en sera rendu coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d'une sédition, révolte ou guerre civile.

    Article 36
    Dans le cas de condamnation par les tribunaux de police ou de police correctionnelle en application des articles 25 et 26, 34 et 35, l'association constituée pour l'exercice du culte dans l'immeuble où l'infraction a été commise sera civilement responsable.



  • Titre VI : Dispositions générales. 

    Article 37
    L'article 463 du Code pénal et la loi du 26 mars 1891 sont applicables à tous les cas dans lesquels la présente loi édicte des pénalités.
    NOTA :
    Aux termes de l'article 323 de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 : Sont abrogées toutes les dispositions faisant référence à l'article 463 du code pénal.

    Article 38
    Les congrégations religieuses demeurent soumises aux lois des 1er juillet 1901, 4 décembre 1902 et 7 juillet 1904.

    Article 39 En savoir plus sur cet article...
    Les jeunes gens, qui ont obtenu à titre d'élèves ecclésiastiques la dispense prévue par l'article 23 de la loi du 15 juillet 1889, continueront à en bénéficier conformément à l'article 99 de la loi du 21 mars 1905, à la condition qu'à l'âge de vingt-six ans ils soient pourvus d'un emploi de ministre du culte rétribué par une association cultuelle et sous réserve des justifications qui seront fixées par un décret en Conseil d'Etat.

    Article 40
    Pendant huit années à partir de la promulgation de la présente loi, les ministres du culte seront inéligibles au conseil municipal dans les communes où ils exerceront leur ministère ecclésiastique.

    Article 41 (abrogé)

    Article 42 (abrogé) En savoir plus sur cet article...


    Article 43 En savoir plus sur cet article...

    Un décret en Conseil d'Etat rendu dans les trois mois qui suivront la promulgation de la présente loi déterminera les mesures propres à assurer son application.
    Des décrets en Conseil d'Etat détermineront les conditions dans lesquelles la présente loi sera applicable aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie.



Article 44
Sont et demeurent abrogées toutes les dispositions relatives à l'organisation publique des cultes antérieurement reconnus par l'Etat, ainsi que toutes dispositions contraires à la présente loi et notamment :
1° La loi du 18 germinal an X, portant que la convention passée le 26 messidor an IX entre le pape et le Gouvernement français, ensemble les articles organiques de ladite convention et des cultes protestants, seront exécutés comme des lois de la République ;
2° Le décret du 26 mars 1852 et la loi du 1er août 1879 sur les cultes protestants ;
3° Les décrets du 17 mars 1808, la loi du 8 février 1831 et l'ordonnance du 25 mai 1844 sur le culte israélite ;
4° Les décrets des 22 décembre 1812 et 19 mars 1859 ;
5° Les articles 201 à 208, 260 à 264, 294 du Code pénal ;
6° Les articles 100 et 101, les paragraphes 11 et 12, de l'article 136 et l'article 167 de la loi du 5 avril 1884 ;
7° Le décret du 30 décembre 1809 et l'article 78 de la loi du 26 janvier 1892.
Le Président de la République,
Emile LOUBET
Le président du conseil, ministre des affaires étrangères,
ROUVIER
Le ministre de l'instruction publique, des beaux-arts et des cultes,
Bienvenu MARTIN
Le ministre de l'intérieur,
F. DUBIEF
Le ministre des finances,
P. MERLOU
Le ministre des colonies,
CLEMENTEL.
Arlitto
Arlitto
Admin
Admin

Religion : Non
Sexe : Masculin Messages : 17557
Localisation : France

http://arlitto.forumprod.com/

Revenir en haut Aller en bas

Forum Religion et Politique - Page 3 Empty Re: Forum Religion et Politique

Message  Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Page 3 sur 3 Précédent  1, 2, 3

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum