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Histoire Islamique

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Histoire Islamique - Page 8 Empty Histoire Islamique

Message  Arlitto Lun 02 Mai 2016, 17:54

Rappel du premier message :

Histoire Islamique

L’occupation de Tripoli par les croisés par Ibn abi Tayyî, dans  » Ibn al-Furât » :


Histoire Islamique - Page 8 Icon_reimg_zoom_inHistoire Islamique - Page 8 Premierecroisade4

Scène de bataille lors de la première croisade source : BNF

« Il y avait à Tripoli un palais de la Science qui n’avait en aucun pays son pareil en richesse, beauté ou valeur. Mon père m’a raconté qu’un shaykh de Tripoli lui avait dit avoir été avec Frakhr al-Mulk b. ‘Ammar lorsque celui- ci se trouvait à Shayzar, et que venait de lui parvenir la nouvelle de la prise de Tripoli. Il s’évanouit, puis revint à lui en pleurant à chaudes larmes. « Rien ne m’afflige, dit-il, comme la perte du palais de la science. Il y avait là trois millions (?) de livres, tous de théologie, de science coranique, de hadîth, d’adab et, entre autre, cinquante mille Corans et vingt mille commentaires du Livre de Dieu Tout-Puissant ». Mon père ajoutait que ce palais de la Science était une des merveilles du monde. Les Banu ‘Ammâr y avaient consacré d’énormes richesses; il s’y trouvaient cent quatre-vingts copistes appointés dont trente y demeuraient nuit et jour. Les Banu ‘Ammâr avaient dans tous les pays des agents qui leur achetaient des livres de choix. A vrai dire, de leur temps, Tripoli entière était palais de la Science, les grands esprits de tous pays s’y rendaient, toutes les sciences étaient cultivées auprès de ces princes, et c’est pourquoi l’on y venait, en particulier les adeptes de la science immamienne, qu’ils aimaient et dont ils étaient les adhérents. Lorsque les Francs entrèrent à Tripoli et conquièrent la ville, ils brûlèrent le palais de la Science, parce qu’un de leurs prêtres maudits, ayant vu ces livres, en avait été terrifié. Il s’était trouvé tomber sur le Trésor des Corans, il étendit la main vers un volume, c’était un Coran, vers un autre, encore un Coran, vers un troisième, encore de même, et il en vit vingt à la suite. «  Il n’y a que des Corans des musulmans dans cette maison ». dit-il, et ils la brûlèrent. On arracha cependant quelques livres, qui passèrent en pays des musulmans.

Ils détruisirent aussi toutes les mosquées, et furent sur le point de massacrer tous les habitants musulmans. Mais un chrétien leur dit : « Ce n’est pas sage, c’est une grande ville: où prendrez-vous les gens pour l’habiter ? Ce qu’il faut, c’est leur imposer une capitation, après avoir confisqué leurs biens, et les obliger à habiter à la ville, sans leur permettre d’en sortir, de façon qu’ils soient comme prisonniers et que leur séjour vous soit profitable ». Ils (…) après en avoir massacré vingt mille.

Quant au gouverneur et à quelques troupes, ils se réfugièrent au palais de l’émirat, et s’y défendirent quelques jours; puis ils demandèrent l’aman et l’obtinrent; ils furent expulsés de la ville, et allèrent à Damas. Puis les Francs prirent les notables et les chrétiens qui avaient avoué être riches, et les frappèrent et les torturèrent jusqu’à ce qu’ils livrassent leur fortune; beaucoup moururent sous la torture. La ville fut partagée entre les Francs en trois parts, l’une pour les Génois, les deux autres pour Baudouin, roi des Francs à Jérusalem, et pour Saint-Gilles le maudit.

Histoire Islamique - Page 8 Combat_premiere_croisade
combat lors dela 1ere croisades : sources BNF

La prise de Tripoli, et les épreuves de sa population consternèrent tout le monde. On s’assembla dans les mosquées pour le deuil des morts; tout le monde prit peur et se persuada de l’avantage d’une émigration; et un grand nombre de musulmans partirent pour l’Iraq et la Djéziré. Dieu sait mieux (…). L’on apprit que la flotte égyptienne était arrivée à Tyr huit jours après la chute de Tripoli, par l’arrêt du sort. Jamais une flotte semblable n’était sortie d’Egypte, et elle contenait des renforts, des vivres, de l’argent, de quoi ravitailler Tripoli pour un an. Lorsque le commandant de la flotte eut apprit la chute de Tripoli, il répartit les provisions et l’argent apporté entre Tyr, Saïda, Beyrouth et les autres places fortes musulmanes, et ramena la flotte en Egypte.

Fakir al-Mulk b.’Ammâr, le seigneur de Tripoli, lors de la prise de la ville, se trouvait chez l’émir Ibn Munqidh, qui lui offrait l’hospitalité. Il se rendit à Djabala et s’y fixa après y avoir fait apporter des provisions et des armes. Tancrède vint l’attaquer et lui livra de durs combats. Le cadi Fakhr al-Mulk appela au secours les princes des environs, leur faisant craindre la perfidie des Francs, et que , s’ils occupaient cette place, ils en gagnassent une autre, et que leur puissance s’accrût peut-être assez pour leur permettre de s’emparer de toute la Syrie et en expulser les musulmans. La lettre était longue, elle fit saigner les coeurs et pleurer les yeux, mais nul ne lui répondit (…). »

L’occupation de Tripoli par les Francs (Ibn abi Tayyî, dans Ibn al-Furât). Orient et Occident au temps des Croisades » de Claude Gahen, « Collection historique » dirigée par Maurice Agulhon et Paul Lemerle, éditions Aubier Montaigne, Paris, 1992, rubrique Documents, pages 219 à 223
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Message  Arlitto Mar 03 Mai 2016, 17:22

CHAPITRE V.

RÈGNE D’ARKHOBOAM, FILS DE SALOMON, FILS DE DAVID ; ROIS D’ISRAËL SES SUCCESSEURS ; APERÇU DE L’HISTOIRE DES PROPHETES.
Après la mort de Salomon, Arkhoboam, son fils, régna sur les enfants d’Israël ; mais les tribus, qui lui avaient été toutes soumises, se séparèrent de lui, excepté celles de Juda et de Benjamin. Il mourut après un règne de dix-sept ans. Les dix autres tribus furent gouvernées par Bouriam (Jéroboam), qui eut à soutenir d’importantes guerres et qui adora un veau d’or enrichi de perles. Dieu le fit mourir après un règne de vingt ans. Après lui Abya, fils d’Arkhoboam, fils de Salomon, fut roi pendant trois ans ; puis Ahab, qui régna quarante ans.

Youram (Jehoram), qui lui succéda, rétablit le culte des idoles, des statues et des images, et régna un an. Les Israélites furent ensuite gouvernés par une femme de nom d’Ailan (Athalie), qui extermina tous les descendants de David ; un seul enfant échappa au massacre. Le peuple, révolté de la cruauté de cette reine, la tua après un règne de sept ans (mais on n’est pas d’accord sur ce chiffre), et mit à sa place cet enfant, seul rejeton de David. Il monta sur le trône à l’âge de sept ans, et régna quarante, ans, ou moins, selon quelques historiens. Son successeur, Amadia, régna cinquante-deux ans ; le prophète Isaïe (Achaiah), qui vivait à cette époque, eut de fréquents rapports avec ce roi.
Nous avons raconté, dans nos Annales historiques, les guerres qui éclatèrent sous Amadia. Son successeur fut Yokam (Jotam), fils d’Oziah ; il régna dix ans, ou, selon d’autres, seize ans. Après lui Ahar (Ahaz) releva les idoles, et se montra aussi impie que cruel. Un des plus puissants rois du pays de Babel, Falaifas (Teglatpileser), marcha contre lui ; après de longues guerres, le Babylonien fit prisonnier le roi d’Israël et détruisit les villes et les établissements des tribus.
A la même époque, des querelles religieuses s’élevèrent parmi les Juifs et amenèrent le schisme des Samaritains. Ces derniers rejetèrent la prophétie de David et de ses successeurs, soutinrent qu’il n’y avait plus eu de prophète depuis Moïse, et choisirent leur chef parmi les descendants d’Aaron, fils d’Amran ; aujourd’hui (332 de l’hég.) ils habitent des bourgades séparées sur le territoire de la Palestine et du Jourdain, comme Ara, entre Ramlah et Tibériade, et d’autres bourgs, jusqu’à Naplouse, où ils sont en plus grand nombre. Ils ont une montagne qu’ils nomment Tour-Berid, sur laquelle ils prient dans les temps prescrits par leur religion. Ils ont des trompettes d’argent dont ils sonnent aux heures de la prière. Ce sont eux qui disent : « Ne touchez pas. » (Koran, XX, 97.) Ils donnent le nom de Maison sainte (nom de Jérusalem) à Naplouse, ville de Jacob, où se trouvaient ses pâturages. Ils sont divisés en deux sectes, aussi séparées l’une de l’autre qu’elles le sont des Juifs ; l’une s’appelle Kouchan et l’autre Doustan. Une de ces deux sectes soutient l’éternité du monde et d’autres dogmes que nous ne mentionnons pas ici pour éviter les longueurs ; d’ailleurs notre ouvrage est un livre d’histoire, et non un traité d’opinions et de doctrines.

Ahaz avait régné dix-sept ans avant d’être fait prisonnier par le roi de Babel. Durant sa captivité, son fils Hizkiel (Ézéchias) monta sur le trône. Celui-ci fut fidèle au culte du vrai Dieu et fit briser les statues et les idoles. Sons son règne, Sendjarib (Sennachérib), roi de Babel, marcha contre Jérusalem ; il fit longtemps la guerre aux Israélites, perdit une partie de son armée, mais assujettit la plupart des tribus d’Israël.
Hizkiel mourut après un règne de vingt-neuf ans, et son fils Mîcha (Manassé) monta après lui sur le trône. Ce roi, qui persécuta avec rigueur tous ses sujets, fit aussi périr le prophète Isaïe. Dieu dirigea contre lui Constantin, roi de Roum. Manassé alia à sa rencontre avec son armée, mais ses soldats prirent la fuite, et lui-même fut fait prisonnier. Il resta vingt ans dans le pays de Roum, dépouillé de toute sa puissance, puis il fut mis en liberté ; il revint dans ses Etats et mourut après un règne de vingt-cinq ans, ou, selon d’autres, de trente ans.

Son successeur fut Amour (Amon), qui se révolta, renia le vrai Dieu, et rétablit le cuite des idoles. Sa tyrannie étant devenue excessive, Pharaon le boiteux sortit de l’Egypte à la tête de son armée et marcha contre lui. Après avoir répandu des flots de sang, il s’empara d’Amon et le conduisit en Egypte, où ce roi mourut prisonnier.
Son règne avait duré cinq ans, mais on n’est pas d’accord à cet égard. Son frère Youfiham, père du prophète Daniel, lui succéda.

Histoire Islamique - Page 8 Ruines-de-babylone-photographic3a9es-en-1975
Ruines de Babylone photographiées en 1975. Iraq

Du temps de ce roi vivait Nabuchodonosor (Bokhtuaçar) gouverneur (satrape) de l’Irak et des Arabes pour le roi de Perse, dont Balkh était alors la capitale. Ce chef étranger massacra ou amena captifs dans l’Irak un grand nombre d’Israélites ; il prit le Pentateuque (Tourah), les autres livres des Prophètes et les Chroniques des rois, qui étaient conservés dans le temple de Jérusalem, et les jeta dans un puits ; il s’empara aussi de l’arche sainte et la mit en lieu sûr dans son pays.
Le nombre des Israélites qui furent emmenés en captivité s’éleva, dit-on, à dix-huit mille.
Le prophète Jérémie vivait à la même époque. Nabuchodonosor, après avoir envahi l’Egypte et tué Pharaon le boiteux, qui régnait alors dans cette contrée, marcha contre l’Occident, fit périr plusieurs rois et conquit un grand nombre de villes.
Le roi de Perse avait épousé une jeune fille juive qui était parmi les captifs, et dont il eut un enfant.

Ce roi permit aux Israélites de retourner dans leur pays quelques années après.
Rentrés dans leurs foyers, ils furent gouvernés par Zorobabel, fils de Salathiel (Salsal), qui rétablit Jérusalem et tout ce qui avait été ruiné. Les Israélites retirèrent le Pentateuque du puits où il était enfoui ; leur royaume redevint florissant, et ce roi consacra un règne de quarante-six ans à rendre leurs terres à la culture, et à rétablir les prières et les prescriptions qu’ils avaient oubliées pendant leur captivité.
Les Samaritains prétendent que le Pentateuque qui est entre les mains des Juifs n’est pas celui que Moïse leur a apporté ; que celui-là a été brûlé, changé et corrompu, et que l’autre est dû à Zorobabel, qui l’a recueilli de la bouche des Israélites qui l’avaient retenu par cœur.
Ils se croient donc les seuls et uniques possesseurs du texte authentique.
Ce roi mourut après un règne de quarante-six ans.
D’après une autre version, ce fut Nabuchodonosor lui-même qui épousa une fille juive, rétablit les Israélites dans leur pays et les protégea.

Histoire Islamique - Page 8 Kaaba-before-the-advent-of-islam
Reproduction de la Ka’aba avant la naissance du prophète Muhammad (paix et bénédiction d’Allah sur lui)

Ismaïl, fils d’Abraham, l’ami de Dieu, fut chargé de la garde de la Maison (la Kaaba) après son père. Dieu lui accorda le don de prophétie, et l’envoya chez les Amalécites et les tribus du Yémen pour les détourner de l’idolâtrie. Quelques-uns acceptèrent la foi, mais le plus grand nombre persévéra dans l’infidélité. Ismaïl eut douze fils : Nabet, Kidar, Arbil, Mibsam, Michmâ, Douma, Masa, Haddad, Atima, Yetour, Nafech et Bakedma.
Abraham avait désigné comme son successeur son fils Ismaïl ; celui-ci élut à son tour son frère Isaac, ou, selon d’autres, son fils Kidar. Ismail avait cent trente-sept ans quand il mourut, et il fut enterré dans la mosquée el-Haram, à l’endroit où était la pierre noire. Nabet, son fils, garda la maison sainte, comme l’avait fait son père ; on croit même qu’il fut désigné par Ismaïl.
Entre l’époque de Salomon et celle du Messie, vécurent des prophètes et de pieux serviteurs de Dieu ; tels sont Jérémie, Daniel, Ozaïr, que tous n’acceptent pas comme prophète, Job, Isaïe, Ezéchiel, Elias, Elisée (el-Iça), Jonas, Dou’l-kifl, el-Khidr, qui, selon Ibn Ishak, n’est autre que Jérémie, ou, selon d’autres, un pieux serviteur de Dieu, et enfin Zacharie.
Ce dernier, fils d’Adak, descendant de David et de la tribu de Juda, épousa Elisabeth (Ichba), fille d’Amran, sœur de Marie (Miriam), fille d’Amran et mère du Messie. Cet Amran, fils de Maran, fils de Yoakim, était aussi de la famille de David. La mère d’Elisabeth et de Marie se nommait Hannah (Anne). Elisabeth donna à Zacharie un fils du nom de Jean (Yahia), qui était donc le fils de la tante maternelle du Messie. Zacharie était charpentier. Les Juifs répondirent le bruit qu’il avait eu un commerce coupable avec Marie, et résolurent de le tuer.

Averti de leur projet, Zacharie se réfugia dans le creux d’un arbre ; mais, sur l’indication que leur en donna Iblis, l’ennemi de Dieu, ils abattirent cet arbre et fendirent du même coup le corps de Zacharie.
Elisabeth, fille d’Amran, sœur de Marie, la mère du Messie, ayant mis au monde Jean, fils de Zacharie, s’enfuit avec son enfant en Egypte, pour éviter la colère d’un roi. Devenu homme, Jean fut envoyé par Dieu aux Israélites ; il leur prêcha la loi divine et la soumission aux volontés de Dieu, mais il fut mis à mort par ceux-ci. Après plusieurs événements, les Israélites reçurent de la colère céleste un roi de l’Orient nommé Khardouch (Hérode), qui vengea le sang de Jean, fils de Zacharie, en immolant un grand nombre de coupables, et ce crime ne fut expié qu’après de longues calamités.

Histoire Islamique - Page 8 400px-Jordan_River
Le Jourdain et ses rives, de nos jours

Quand Marie, fille d’Amran, eut dix-sept ans, Dieu lui envoya Gabriel, qui souffla en elle l’esprit, et elle devint grosse du Messie, Jésus (Iça), fils de Marie.
Jésus naquit dans un village nommé Bethlehem (Beit-laham), à quelques milles de Jérusalem, le mercredi 24 décembre.
Son histoire a été révélée par Dieu et racontée par l’intermédiaire de son Prophète, dans le Koran (sur. III, etc.).

Les chrétiens prétendent que Jésus, le Nazaréen, c’est-à-dire le Messie, suivit la religion de ses ancêtres, et qu’il étudia, pendant vingt-neuf ou trente ans, le Pentateuque et les livres anciens dans une synagogue appelée el-Midras ().
Un jour, en lisant le livre d’Isaïe, il y vit ces mots tracés en caractères de feu : « Tu es mon fils et mon essence, je t’ai élu pour moi. » (S. Matth. XII, 18 ; cf. Isaïe, XLII, 1.) Il ferma le livre, le remit au serviteur du temple et sortit en disant : « Maintenant la parole de Dieu s’est accomplie dans le fils de l’homme. »

D’autres disent aussi que le Messie habitait le bourg de Nazareth (Naçarah), situé sur le territoire d’el-Ladjoua, dépendant du district du Jourdain, et que c’est ce qui a valu aux chrétiens le nom de Nazaréens.

Histoire Islamique - Page 8 800px-Golan_Heights_-_Gamla_view
Ruines de la cité fortifiée de Gamala, enjeu de la guerre entre Arétas IV roi des arabes Nabatéens d’environ 9 av. J.-C. à 40 ap. J.-C et Hérode Antipas fils d’Hérode le Grand. (21 av. J.-C.–39 ap. J.-C (On entrevoit au fond, le lac de Tibériade.)

J’ai visité dans ce bourg une église très vénérée par les chrétiens ; elle renferme des ossements humains dans des cercueils de pierre, et il en découle de l’huile épaisse comme un sirop ; les chrétiens croient se sanctifier en la recueillant
Le Messie, en passant devant le lac de Tibériade, y vit quelques pêcheurs qui étaient les fils de Zebeda, et douze foulons ; il les appela vers Dieu et leur dit : « Suivez-moi et vous pécherez des hommes. » Trois de ces pêcheurs, fils de Zebeda, et douze foulons le suivirent. Matthieu (Matta), Jean (Yohanna), Marc (Markoch) et Luc (Louka) sont les quatre apôtres qui ont écrit l’Evangile et raconté l’histoire du Messie, sa naissance, le baptême qu’il reçut de Jean, fils de Zacharie, ou Jean-Baptiste, dans le lac de Tibériade, et, selon d’autres, dans le Jourdain, fleuve qui sort de ce lac et se jette dans le lac Fétide.

On trouve aussi dans ce livre le récit des prodiges et les miracles accomplis par le Messie, et le traitement que les Juifs lui infligèrent, enfin son ascension à l’âge de trente-trois ans.
L’Evangile fournit en outre de longs détails sur le Messie, Marie, et Joseph le charpentier ; mais nous croyons devoir les passer sous silence, parce que ni Dieu, ni son prophète Mohammed ne les ont rapportés.

Histoire Islamique - Page 8 The-jahili-middle-east-during-the-6th-century
al-Sharq al-Aswat al-Jahili (Le moyen-orient du temps de l’ignorance) au 6eme siècle
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Message  Arlitto Mar 03 Mai 2016, 17:23

CHAPITRE VI.

DES HOMMES QUI ONT VECU DANS L’INTERVALLE, C’EST-À-DIRE ENTRE LE MESSIE ET MOHAMMED,
On compte dans l’intervalle (el-fitreh) qui sépare le Messie de Mohammed plusieurs personnages qui ont cru en un Dieu unique et en la résurrection ; mais c’est une question controversée que de savoir s’il y eut ou non des prophètes parmi eux.
Un de ceux à qui l’on donne ce nom est Hanzalah fils de Safwan, descendant d’Ismaïl, fils d’Abraham. Il fut envoyé chez les Ashab er-ras (Koran, XXV, 40), qui avaient la même origine, et qui se divisèrent en deux tribus, les Kadman et les Yamen ou Rawil, habitant toutes deux le Yémen.
Hanzalah, fils de Safwan, exécuta l’ordre de Dieu et fut tué.
Dieu révéla alors à un prophète Israélite, de la tribu de Juda, qu’il enverrait Bokhtnaçar contre ce peuple. En effet, ce roi les attaqua à la tête de son armée.
Tel est le sens de cette parole divine, « Mais quand ils ont senti notre force, ils ont cherché à fuir, » et des versets suivants jusqu’aux mots : « Nous les avons rendus semblables au blé moissonné et se desséchant. » (Ibid. XXI, 12-15.) On dit aussi que ce peuple était himyarite, et c’est ce que prouve le passage suivant d’une élégie composée par un poète de cette nation :
Mes yeux répandent des larmes sur le peuple d’er-Ras, sur Rawil et Kadman.
Fuis le courroux d’Abou Dirâ, qui est le châtiment de la tribu de Kahtan.

Histoire Islamique - Page 8 Alexandre
Alexandre le macédonien, dit le Grand , né le 21 juillet 356 av. J.-C. à Pella, mort le 11 juin 323 av. J.-C. à Babylone, est un roi de Macédoine et l’un des personnages les plus célèbres de l’Antiquité, représenté  sur son cheval Bucéphale, détail de la mosaïque romaine de Pompéi représentant la bataille d’Issos, musée national archéologique de Naples

On croit, sur l’autorité de Wahb, fils de Monabbih, que Dou’l-Karnein, c’est-à-dire Alexandre, vécut après le Messie, dans l’ère de l’intervalle. Il eut un songe dans lequel il lui sembla être assez près du soleil pour en saisir les deux extrémités à l’ouest et à l’est ; il raconta son rêve à son peuple, qui le surnomma Dou’l-Karnein ou le maître des deux cornes.
Cependant ce personnage est l’objet de discussions que nous avons insérées dans nos Annales historiques et dans l’Histoire moyenne ; nous donnerons en outre un abrégé de son histoire en parlant des rois grecs et byzantins. (Voy. chap. XXV.)
Le même désaccord existe sur l’époque où vécurent « les hommes de la caverne » (Koran, XVIII) ; les uns les placent dans l’ère d’intervalle, les autres sont d’un avis différent.
Nous donnerons aussi un aperçu de leur histoire dans le chapitre consacré aux rois de Roum (ch. XXVII) ; on peut encore consulter notre Histoire moyenne et nos Annales historiques.
Parmi ceux qui vécurent dans l’intervalle, après le Messie, on cite Djordjis (George), qui fut contemporain de quelques apôtres. Envoyé auprès d’un roi de Moçoul pour le convertir au vrai Dieu, il fut mis à mort ; Dieu le ressuscita et lui donna la même mission ; le roi le tua encore, mais Dieu lui rendit la vie et le renvoya auprès du roi. Celui-ci le fit brûler et jeta ses cendres dans le Tigre.
Dieu détruisit ensuite ce roi et tous ses partisans.
Tel est le récit fait par ceux qui suivent les Écritures et rapporté dans les livres intitulés, De l’Origine et des coutumes, par Wahb, fils de Monabbih, et d’autres auteurs.

Histoire Islamique - Page 8 La-domus-ecclesiae-de-doura-europos-est-un-c3a9difice-de-culte-chrc3a9tien-amc3a9nagc3a9-dans-une-ancienne-maison-particulic3a8re
L’église de Doura-Europos en Syrie orientale fut construite entre 233 et 256 Jc, c’est l’une des premières églises construite au monde

Un autre personnage de l’ère d’intervalle est Habib le charpentier. Il habitait Antioche de Syrie, où régnait un tyran qui adorait les idoles et les images.
Deux disciples du Messie lui furent envoyés pour le convertir ; mais il les fit mettre en prison et frapper de verges.
Dieu leur donna un troisième auxiliaire, dont le nom a soulevé des discussions ; le plus grand nombre des auteurs cite un apôtre nommé Botros (Petrus) en latin, Siman en arabe, et en syriaque Chimoun alsefa ().
Plusieurs auteurs cependant, d’accord avec toutes les sectes chrétiennes, disent que ce troisième apôtre était Paul, et que les deux autres qui furent jetés en prison étaient Thomas et Pierre.
Ils demeurèrent longtemps auprès de ce roi et prouvèrent leur mission par des miracles, en guérissant des aveugles et des lépreux, et en ressuscitant des morts.
Paul, ayant obtenu un libre accès auprès de ce roi et capté sa faveur, fit mettre en liberté ses deux compagnons.
Habib le charpentier vint ensuite et crut aux apôtres en voyant leurs miracles.
Dieu a raconté cette histoire dans son livre, au verset : «Nous leur avons envoyé deux hommes, et ils les traitèrent d’imposteurs ; nous leur donnâmes l’appui d’un troisième, etc. » jusqu’aux mots « Un homme vint en toute hâte. » (Kor. XXXVI, 13, 19.)
Pierre et Paul périrent à Rome, où ils furent crucifiés la tête en bas, après avoir eu de longs rapports avec le roi et Simon (Sima) le magicien.
Quand le christianisme eut triomphé, leurs reliques furent mises dans des châsses de cristal, que l’on conserve dans une église de Rome.
En parlant des curiosités de cette ville dans notre Histoire moyenne, nous avons donné ces détails ainsi que l’histoire des disciples du Messie et de leur dispersion en différents pays.
Nous reviendrons encore sur ce sujet.

Histoire Islamique - Page 8 Ukhoud-ks_3a01_ushdood
Oukhoud, Najran Arabie Saoudite.

Pendant cette ère d’Intervalle vécurent aussi « les hommes de la fosse, » qui habitaient Nedjran, dans le Yémen, sous le règne de Dou-Nowas, le même qui fit périr Dou-Chenatir.
Ce roi, qui professait le judaïsme, apprenant qu’il y avait à Nedjran des sectateurs du Messie, se rendit lui-même dans cette ville, fit creuser des fosses, qu’il remplit de charbons ardents, et ordonna aux habitants d’embrasser le judaïsme ; il relâcha ceux qui obéirent et fit jeter les récalcitrants dans le feu.
On amena une femme avec son enfant âgé de sept mois, et elle refusa d’abjurer sa religion.
Lorsqu’on l’approcha du feu elle fut saisie d’effroi ; mais Dieu donna la parole à l’enfant, qui s’écria : « Ma mère, persévère dans ta religion, car après ce feu il n’y en aura pas d’autre. »
Ils périrent ensemble dans les flammes : c’étaient des croyants monothéistes et non des chrétiens (trinitaires), comme ceux de notre siècle.
Un homme de la même nation, nommé Dou Tâleban, alla invoquer le secours de César, roi de Boum (Byzance) ; l’empereur écrivit au Nedjachi (roi d’Abyssinie), dont le pays était plus voisin du Yémen.
On trouvera dans nos Annales historiques et dans l’Histoire moyenne le récit de l’invasion et de la conquête du Yémen par les Abyssiniens, jusqu’à l’époque où Seïf Dou Yezen invoqua l’appui de plusieurs rois, et obtint celui d’Anouchirwan ; nous y reviendrons en outre en temps opportun en parlant des Dons et des rois du Yémen (voy. chap. XLIII).
Dieu a raconté dans son livre l’aventure des hommes du fossé, au verset, «Les hommes du fossé ont été tués, etc. » jusqu’aux mots : « le Puissant, le Glorieux » (Koran, LXXXV, 4, 8).

Histoire Islamique - Page 8 Fuzhou-fujian-en-chine-c1911-19133
Deux lieux présumé du lieu de l’enterrement de Khalid ibn Sinan al-Absi, l’un en Algérie et l’autre en Iran

Parmi les personnages de l’Intervalle on cite encore Khaled, fils de Sinan el-Absi, ou bien Khaled, fils de Sinan, fils de Gert, fils d’Abs, désigné par ces paroles de Mohammed : « C’est un prophète que sa nation a perdu. »
Voici son histoire : le culte du feu s’était introduit chez les Arabes, et se propageait à la faveur des troubles religieux, au point que ce peuple était à la veille de se soumettre à l’idolâtrie des Mages.
Khaled, un bâton à la main, se jeta dans les flammes en s’écriant : « La voila, la voilà, la route qui conduit vers le Dieu suprême ! Certes, je pénétrerai dans ce brasier ardent et j’en sortirai les vêtements humides de rosée. »
En effet, il éteignit le feu. Sur le point de mourir, il dit à ses frères : « Lorsque je serai enterré, un troupeau d’ânes sauvages, conduit par un onagre sans queue, viendra frapper ma tombe de son pied ; dès que vous serez témoins de ce fait, ouvres ma tombe, j’en sortirai et je vous instruirai de tout ce qui existe. »
Après que Khaled fut enterré, ses compagnons virent s’accomplir ce qu’il avait prédit, et voulurent exhumer son corps ; mais quelques-uns d’entre eux s’y opposèrent, dans la crainte que les Arabes ne leur reprochassent d’avoir profané le tombeau d’un de leurs morts.
Plus tard, la fille de Khaled vint trouver le prophète de Dieu, au moment où il récitait : « Dis, il est le Dieu unique, le Dieu éternel. » (Koran, CXII, 1, 2), et elle s’écria : « Mon père prononçait les mêmes paroles. » Dans le courant de notre récit nous aurons encore l’occasion de revenir sur ce personnage.
Riab ech-Channi, de la tribu d’Abd Kais et de la branche de Chann, vécut aussi dans l’ère d’Intervalle ; il suivait la religion du Messie Jésus, fils de Marie, avant la venue du prophète de Dieu. On entendit, antérieurement à la prédication de l’islam, une voix qui criait dans le ciel : « Les meilleurs des hommes sont au nombre de trois : Riab ech-Channi, Bohaira, le moine, et un autre qui n’est pas encore venu », c’est-à-dire le Prophète.
Jamais un des enfants de Riab n’est mort sans que la rosée ait rafraîchi sa tombe.
Citons aussi Açàd Abou Kerb, l’Himiarite, vrai croyant, qui proclama le Prophète sept siècles avant sa venue ; il dit :
J’atteste qu’Ahmed (Mohammed) est l’envoyé de Dieu créateur de la vie ;
Si je pouvais vivre jusqu’à son siècle, je serais son vizir et son cousin.
Ce fut Açâd qui, le premier, revêtit la Kâbah de tapis et d’étoffes précieuses ; c’est ce qui a fait dire à un Himiarite :
Nous avons couvert le temple que Dieu a consacré de tapis ornés de broderies et de franges.

Histoire Islamique - Page 8 Ile-arabe
Vue satellitaire (remanié) de l’île des arabes

Parmi les hommes de l’Intervalle vécut Koss, fils de Saïdah, descendant d’Yad, fils d’Odd, fils de Mâdd, et juge des Arabes. Il croyait en la résurrection, et disait sans cesse :
« Quiconque vit, doit mourir ; celui qui meurt, passe ; tout ce qui doit venir, viendra. » Sa sagesse et sa science sont proverbiales chez les Arabes ; c’est ce qui a fait dire à el-Acha :
Plus sage que Koss, plus fougueux que celui (le lion) qui veille au fond de sa tanière dans le fourré du bois de Haffan.
Lorsque les délégués du peuple d’Yad se rendirent auprès du Prophète, il s’informa de Koss, et dit en apprenant sa mort :
« Que Dieu lui fasse miséricorde ! Je crois encore le voir à la foire d’Okaz, monté sur son chameau roux, et disant à la foule : Hommes, réunissez-vous, écoutez et retenez ceci : « Quiconque vit doit mourir ; celui qui meurt, passe, tout ce qui doit venir, viendra. Le ciel est plein d’enseignements et la terre d’exhortations ; voyez la mer se gonfler, les astres disparaître, le firmament s’étendre comme une toiture, et la terre comme un lit. J’en atteste le Dieu de Koss, la-religion de ce Dieu vaut mieux que la vôtre. Pourquoi les hommes partent-ils et ne reviennent-ils plus ? Soit qu’ils obtiennent de rester, soit qu’on les abandonne au sommeil, ils suivent la même route, et ne diffèrent que par leurs actes. Quant aux vers de Koss (ajouta le Prophète), je les ai oubliés. »
— Abou Bekr, le juste, se leva et dit : « Envoyé de Dieu, ces vers, je les sais.
— Eh bien ! récite-les, dit le Prophète. » Abou Bekr reprit :
Dans ces premières générations qui ont disparu, quelle leçon pour nous !
Quand je vois que tout aboutit sans retour à la mort ;
Que, petits et grands, tout mon peuple suit cette route ;
Que l’absent ne revient plus, et que celui qui demeure passera soudain,
Je suis sûr que, moi aussi, je rejoindrai infailliblement mon peuple.
Le Prophète dit alors : « Que Dieu ait pitié de Koss ! je souhaite que le Seigneur le ressuscite comme une seule nation ! »

Histoire Islamique - Page 8 Ancienne-route-dans-la-ville-de-taif
L’ancien sentier montagneux de Ta’if, Arabie-saoudite.

—-Maçoudi ajoute : On attribue à Koss un grand nombre de poésies, de sentences et d’anecdotes relatives à la médecine, à la divination par le vol des oiseaux et d’autres pronostics, etc. dont nous avons parlé dans nos Annales historiques et dans l’Histoire moyenne.
Un autre personnage de l’ère d’intervalle est Zeïd, fils d’Amr, fils de Nofeïl, le père de Saïd, fils de Zeïd, et l’on des dix (Zeïd), cousin germain d’Omar, fils d’el-Khattab.
Ce Zeïd réprouva le culte des idoles, mais son oncle el-Khattab excita contre lui la populace de la Mecque et le leur livra.
Cette persécution l’obligea à se réfugier dans une caverne du mont Hira, d’où il se rendait secrètement à la Mecque.
Puis il passa en Syrie pour faire des recherches sur la vraie religion, et il y mourut empoisonné par les chrétiens.
Ses rapports avec le roi et l’interprète, et avec un des rois Gassanides de Damas, forment un long récit que nous avons rapporté dans nos précédents écrits.
On cite encore Omayah, fils d’Abou’s-Salt et-Takefi, poète intelligent, qui faisait le commerce avec la Syrie ; il fréquenta le clergé juif et chrétien, étudia les livres saints et reconnut qu’on prophète serait envoyé aux Arabes.
Dans ses poésies, il suit les doctrines de la vraie religion ; il décrit les deux et la terre, le soleil, la Inné, les anges et les prophètes ; il chante la résurrection, le paradis, l’enfer, et célèbre l’unité de Dieu, comme dans ce vers :
Louanges à Dieu, qui n’a pas d’égal ; ne pas proclamer cette vérité, c’est être injuste envers soi-même ;
et dans cet autre, où il parle des élus :
Là plus d’erreur, plus de faute ; le bonheur qui leur est promis est éternel.

Histoire Islamique - Page 8 Taif-city
La ville de Ta’if de nos jours, Arabie-saoudite

L’annonce de l’apparition de notre saint Prophète lui inspira autant de colère que de chagrin ; il se rendit à Médine pour se faire musulman ; mais la jalousie l’en détourna, et il revint à Taïf.
Un jour qu’il était à boire avec quelques jeunes gens, un corbeau s’abattit près de lui, croassa trois fois, et s’envola. « Savez-vous ce que dit cet oiseau ? demanda Omayah à ses compagnons.
— Non, répondirent-ils. —
Il dit qu’Omayah ne boira pas une troisième coupe sans mourir.
— Prouvons qu’il a menti, s’écrièrent les jeunes gens. »
Omayah fit promptement remplir les coupes ; à la troisième rasade il tomba et resta longtemps sans connaissance ; pois il revint à lui et dit : « J’obéis, j’obéis, me voici auprès de vous ; moi que la grâce environnait, je ne l’ai pas payée de mes remerciements :
« Situ pardonnes, ô mon Dieu ! puisse ton pardon être complet Est-il un de tes serviteurs qui soit sans tache ? »
Il répéta encore : « Moi que la grâce avait comblé, j’ai négligé d’en témoigner ma reconnaissance, » et il ajouta ces vers :
Jour du jugement, jour terrible, où l’enfant vieillira soudain d’une rapide vieillesse !
Que ne puis-je échanger mon sort contre celui du berger qui fait paître ses chèvres agrestes au sommet des montagnes !
Toute vie, quelle que soit sa durée, aboutit au terme où elle doit finir ?
Pais il rendit le dernier soupir dans un râle suprême.
Plusieurs écrivains qui connaissent bien les hommes et les événements du passé, tels que : Ibn Dab, el-Heitem, fils d’Adi ; Abou Mikhnef Lout, fils de Yahia, et Mohammed, fils de Saïb el-Keibi, expliquent de la manière suivante l’habitude qu’avaient les Koraïchites d’inscrire en tête de leurs écrits la formule : En ton nomô mon Dieu ! Omayah, fils d’Abou’s-Salt et-Takefi fit un voyage en Syrie avec des gens de Takef, de Koreïsch et d’autres tribus. Au retour» leur caravane s’arrêta dans une certaine station pour y prendre les repas du soir, lorsqu’un petit serpent se montra et s’approcha de la troupe ; mais, atteint à la tête par dot gravier qu’on lui jeta, il rebroussa chemin.
Le repas terminé, les voyageurs rattachèrent leur bagage sur tes chameaux et quittèrent cette station.
Ils n’en étaient qu’à une petite distance, quand une vieille femme, appuyée sur un bâton, apparut sur un tertre de sable et leur dit : « Qui vous a empêchés de donner à manger à l’animal, la pauvre servante qui est venue vous trouver ce soir ?
— Qui es-tu toi-même ? lui demandèrent les voyageurs.
—Je suis la mère du reptile, veuve depuis des années. Mais vous, par le Dieu qu’on adore, vous serez dispersés sur la terre ! »
Puis elle frappa le sol de son bâton, et en souleva la poussière en disant : « Diffère leur retour et dissémine leurs montures. » Aussitôt les chameaux bondirent comme si chacun d’eux portait un diable sur sa bosse ; rien ne put les retenir, et ils se dispersèrent dans la vallée.
Nous passâmes toute la nuit (disent ces voyageurs) à les réunir avec la plus grande difficulté, et nous les faisions agenouiller pour les charger, quand la vieille se montra encore, fit le même manège avec son bâton, et répéta les mêmes paroles : « Diffère leur retour et dissémine leurs montures. »
Les chameaux rompirent aussitôt leurs freins et s’enfuirent.
Après les avoir réunis à grand-peine pour le lendemain, nous les fîmes agenouiller, mais la vieille nous apparut une troisième fois, et, avec une conjuration semblable à celle des deux jours précédents, elle dispersa nos bêtes.
Nous veillâmes cette nuit à la clarté de la lune et en désespérant de les retrouver.
Nous demandâmes ensuite à Omayah, fils d’Abou’s-Salt : « Que nous disais-tu donc de la science ? » Omayah se rendit sur la colline où la vieille s’était montrée à nous, et descendit de l’autre côté ; il franchit une seconde colline, et aperçut devant lui une église éclairée par des lampes ; sur le seuil était un homme dont la chevelure et la barbe étaient blanches. Je m’arrêtai près de lui, raconte Omayah, il leva la tête et me dit : « Tu es un chef de secte ?
— Oui, répondis-je.
— Par où ton Seigneur se révèle-t-il à toi ?
— Par mon oreille gauche.
— Et quel vêtement t’ordonne-t-il ?
— Le noir.
— Ainsi font les génies, reprit-il, toi tu as failli être prophète ; mais le possesseur de la prophétie recevra l’inspiration par l’oreille droite, et préférera les vêtements blancs. Enfin que désires-tu ? »
Je lui racontai mon aventure avec la vieille femme, et il reprit : « Tu dis vrai, toi ; mais elle a menti. C’est une juive, dont le mari est mort depuis longtemps, et elle ne se lassera pas de répéter cette manœuvre pour vous perdre, si elle le peut.
— A quel moyen recourir ? demanda Omayah.
— Réunissez vos bêtes de somme, ajouta le vieillard, et quand la vieille recommencera ses sortilèges, dites sept fois à haute voix et sept fois à voix basse : « En ton nom, ô mon Dieu ! elle ne pourra plus vous nuire. » Omayah revint auprès de ses compagnons et leur communiqua ce qui lui avait été dit. En effet, la vieille revint et fit comme les jours précédents ; ils répétèrent alors sept fois tout haut et sept fois à demi-voix : « En ton nom, ô mon Dieu ! » et déjouèrent ses enchantements. Voyant que les chameaux demeuraient immobile», elle dit : « Je connais votre chef, le haut de son corps blanchira, et le reste sera noir. » On se mit en marche ; le lendemain matin, on vit que le» joues, le cou et la poitrine d’Omayah étaient blanchis par la lèpre, tandis que la partie inférieure de son corps était noire.
Arrivés à la Mecque, ils racontèrent cette aventure, et ce fut alors que les Mecquois adoptèrent la formule en question, jusqu’à la venue de l’Islam.
A cette époque elle fut abolie et remplacée par celle-ci : « Au nom du Dieu clément et miséricordieux ! »
Les autres récits concernant Omayah se retrouvent dans nos Annales historiques et nos ouvrages précédents.

Histoire Islamique - Page 8 Early-mecca
La Ka’aba dans les temps anciens (al-Jahiliya)

Un autre personnage de l’Intervalle fut Warakah, fils de Nawfel, fila d’Açad, fils d’Abd el-Ozza, fils de Koçayi, cousin germain de Khadidjah, fille de Khowailed et femme du Prophète.
Il avait lu les Écritures, recherché la science et rejeté le culte des idoles.
Il annonça à Khadidjah la venue du Prophète dans cette nation, les persécutions et l’incrédulité qui devaient l’accueillir.
Plus tard il rencontra le Prophète et lui dit : « Fils de mon frère, persévère dans tes desseins ; j’en atteste celui qui tient rame de Warakah entre ses mains, tu es le prophète de cette nation ; tu seras persécuté, traité de menteur, chassé et combattu. Puissé-je voir ce jour, et Dieu sait si je soutiendrai sa cause. »
Cependant la croyance de Warakah a soulevé des doutes ; les uns croient qu’il mourut chrétien avant la venue du Prophète et dans l’impossibilité de se convertir ; d’autres le font mourir musulman, et citent ces vers, qu’il aurait composés en l’honneur du Prophète :
Plein d’indulgence et de pardon, il ne rend jamais le mal qu’on lui fait ; il réprime sa colère et son ressentiment quand on l’insulte.
On cite encore Odaçah, affranchi d’Otbah, fils de Bebiâh et originaire de Ninive.
Il vit le Prophète à Taïf, lorsque celui-ci était venu prêcher la foi aux habitants.

Histoire Islamique - Page 8 Previous-tomb-of-lady-khadija-mualla-jannatul-mu_alla-in-mecca
Ancienne photo de la tombe de Khadidja (radi Allah anha) Jannatul Mu’alla , Mecca (La Mecque)

Odaçah eut de longs démêlés avec eux dans le verger, et périt dans la foi chrétienne, à la bataille de Bedr ; il fut pourtant du nombre de ceux qui annoncèrent la venue du Prophète.
Abou Kaïs Sormah, fils d’Abou Anas, l’Ansarien, de la famille des Benou-Nadjar, vécut aussi dans l’Intervalle.
Il s’était adonné à la vie ascétique, avait revêtu le cilice et renié les idoles.
Il s’était fait une mosquée de la maison qu’il habitait et personne ne pouvait y pénétrer en état d’impureté légale ; il professait hautement le culte du Dieu d’Abraham.
Après l’entrée du Prophète à Médine, il se fit musulman, et se signala par sa piété ; c’est pour lui que fut révélé le verset sur la collation avant le jour : « Mangez et buvez jusqu’à ce qu’à la lueur de l’aurore vous puissiez distinguer un fil blanc d’un fil noir. » (Koran, II, 183.) On cite ces vers d’Abou Kaïs sur le Prophète :
Il a fait plus de dû pèlerinages à la Mecque, au milieu des Koraïchites. Que n’a-t-il rencontré un ami dévoué ?
Tel est aussi Abou Amir el-Awsi, dont le vrai nom est Abd Amr, fils de Seifi, fils de Noman, de la famille des Béni Amr ben Awf, de la tribu d’Aws ; il est connu aussi sous le nom d’Abou Hanzalah, et le sobriquet de Gaçil el-Melaïkeh.
Ce seïd se fit moine au temps du paganisme, et revêtit le cilice.
Il eut un long entretien avec le Prophète, après son entrée à Médine ; puis il quitta cette ville avec cinquante jeunes gens, et mourut dans la foi chrétienne, en Syrie.
A la même ère appartient Abd Allah, fils de Djahch el-Açedi, de la famille des Béni Açed ben Khozaimah.
Il était marié avec Oumm Habibah, fille d’Abou Soûan ben Harb, avant qu’elle fût unie au Prophète.
Abd Allah connaissait les Écritures et inclinait vers le christianisme ; mais après la vocation du Prophète il émigra en Abyssinie avec d’autres musulmans et sa femme Oumm Habibah.
Il abandonna l’islam pour se faire chrétien, et mourut dans ce pays.
C’est lui qui disait aux musulmans : « Nous avons les yeux ouverts, mais vous, vous remuez à peine vos paupières, » c’est-à-dire, nous voyons clair et vous cherchez la lumière.
Cette expression, qu’il employait comme un proverbe, s’applique à un jeune chien qui ouvre les yeux (fakah) après sa naissance, ou qui cherche vainement à les ouvrir (sa’sa’).
Après la mort d’Abd Allah, le Nedjachi unit Oumm Habibah au Prophète, avec une dot de quatre cents dinars.

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Le Monastère du moine Bahira à Bosra (Syrie)

Un des personnages de l’Intervalle fut, enfin, Bohaira le moine.
C’était un chrétien zélé, dont le nom, dans les livres chrétiens, est Serdjes (Sergius), et il descendait des Abd el-Kaïs.
Lorsque le Prophète, âgé de douze ans, se rendit en Syrie pour une affaire commerciale avec son oncle Abou Taleb, accompagné d’Abou Bekr et de Belal, ils passèrent devant la cellule où vivait Bohaira.
Celui-ci reconnut le Prophète à ses traits et à certains signes particuliers, tels que fies livres le lui avaient révélé ; il vit le nuage qui l’ombrageait quand il s’asseyait.
Il fit descendre ces voyageurs chez lui, les reçut avec honneur et leur prépara un repas.
Il sortit de sa cellule pour reconnaître le sceau de la prophétie entre les épaules du Prophète, posa la main sur ce signe, et crut à sa mission.
Il révéla ensuite à Abou Bekr et à Belal ce qui devait arriver à Mohammed, qu’il pria de renoncer à ce voyage, en mettant ses parents en garde contre les tentatives des juifs et des chrétiens.
Abou Taleb, l’oncle du Prophète, averti de ce danger, ramena son neveu.
C’est à la suite de ce voyage que commence l’histoire du Prophète avec Khadidjah, et que celle-ci fut éclairée par les révélations que Dieu lui envoya, et par la narration qui lui fut faite de ce voyage.
Tel est le récit abrégé de la création du monde jusqu’à l’époque où nous sommes parvenus ; nous n’avons rien pris en dehors des faits révélés par la religion et les livres saints, ou expliqués par les prophètes.
Nous allons examiner les origines des royaumes de l’Inde, et étudier rapidement leurs croyances ; puis nous passerons en revue les autres pays, comme nous l’avons fait pour les rois israélites, d’après les sources que nous offraient les Écritures. Puisse Dieu nous venir en aide !

Histoire Islamique - Page 8 Declinemaxr-roolvink-et-historical-atlas-of-the-muslim-peoples
Carte de l’Inde dans la première partie du 15e siècle, tiré de R Roolvink et Historical Atlas of the Muslim Peoples
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Message  Arlitto Mar 03 Mai 2016, 17:24

CHAPITRE VII.

GÉNERALITÉS SUR L’HISTOIRE DE L’INDE, SES DOCTRINES ET L’ORIGINE DE SES ROYAUMES.
Parmi les hommes d’observation et de science qui ont étudié avec attention la nature de ce monde et son origine, plusieurs s’accordent à dire que l’Inde fut, dans les âges reculés, la portion de la terre où régnaient l’ordre et la sagesse.
Lorsque les sociétés et les nations se formèrent, les Indiens cherchèrent à donner de l’unité à leur pays, et à le soumettre à une métropole qui serait le centre de l’autorité. Leurs chefs dirent : « Nous sommes le peuple primitif, en nous est la fin et la limite des choses, le principe et le terme ; le père de l’humanité tire de nous son origine.
Ne souffrons donc ni la révolte, ni la désobéissance, ni les mauvais desseins ; marchons contre les rebelles ; réduisons-les, et faisons-leur accepter notre puissance.
Pour atteindre ce but, ils se donnèrent un roi, Brahman le Grand, leur puissant monarque et leur chef absolu.
La sagesse fleurit sous son règne, et les savants occupèrent le premier rang. On apprit à extraire le fer de la mine, à forger des épées, des poignards et diverses armes de guerre ; on éleva des temples et on les orna de pierreries étincelantes. On y retraça les sphères, les douze signes du zodiaque et les astres.
La peinture reproduisit l’image du monde et représenta l’action des astres sur ce monde et la manière dont ils produisent les corps animés, doués ou non d’intelligence.
Brahman expliqua aussi la nature du moteur suprême, c’est-à-dire du soleil ; il réunit toutes les preuves de ce système dans un livre destiné à être compris du vulgaire, et communiqua aux intelligences d’élite des vérités d’un ordre plus élevé, en leur montrant une cause première qui donne à tout l’existence, et qui pénètre tout de sa bonté.
Les Indiens se soumirent à ce roi, leur pays devint florissant et ils acquirent l’expérience pratique de la vie.
Un congrès de sages, réuni par ordre du roi, composa le livre de Sindhind (Siddhanta), ce qui signifie « l’âge des âges. »
Ce livre servit de base à la composition de l’Ardjabehd (Aryabhatta) et de l’Almageste ; de même que l’Ardjabehd donna naissance à l’Arkend, et l’Almageste au livre de Ptolémée, et plus tard aux Tables astronomiques.
Ils inventèrent aussi les neuf chiffres qui forment le système numérique indien. Brahman définit le premier l’apogée du soleil, et démontra que cet astre reste trois mille ans dans chaque signe du zodiaque, et qu’il parcourt la sphère entière en trente-six mille ans.
Aujourd’hui (332 de l’hégire) l’apogée, au dire des Brahmines, est dans le signe des Gémeaux ; mais quand le soleil aura passé dans les signes de l’hémisphère austral, la face de la terre changera, la portion habitée deviendra déserte, et réciproquement ; le nord prendra la place du sud, et le sud celle du nord.
Ce roi déposa dans la maison d’or (à Moultan) les calculs relatifs à l’origine des choses et à l’histoire primitive, sur lesquels les Indiens se fondent pour évaluer les ères anciennes, étude qui s’est plus développée chez eux que chez tout autre peuple.
Nous ne les suivrons pas dans ces longues théories, parce que notre livre est consacré à l’histoire et non aux recherches philosophiques ; on en trouve d’ailleurs un résumé dans notre Histoire moyenne.

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La tour de granit du Temple de Brihadesvara à Thanjavur a été achevée en 1010 par Raja Raja Chola I.

Quelques Indiens croient que le monde se renouvelle à chaque Hazarwan, c’est-à-dire tous les soixante et dix mille ans ; et que, cette période écoulée, les êtres revivent, les générations renaissent, les animaux se raniment, l’eau reprend son cours, la terre se couvre de reptiles, la verdure pare le sol, et un doux zéphyr rafraîchit l’atmosphère.
Mais la plupart adoptent des cycles périodiques, point de départ des forces ; ces cycles vont en décroissant, bien qu’ils aient la même force, et qu’ils conservent leur puissance d’action et leur essence.
Les Indiens assignent une période et un terme précis à leur développement ; c’est ce qu’ils considèrent comme le cycle principal ou la grande révolution, et ils nomment ce système la vie du monde.
Le temps qui s’écoule entre la naissance et la fin de cette période est, selon eux, de trente-six mille ans, multipliés par douze mille, et c’est ce qu’ils appellent Hazarwan, foyer et moteur des forces universelles.
Les cycles resserrent ou élargissent tous les principes qu’ils contiennent.
Ainsi la durée de la vie est plus grande dans le premier, parce que la circonférence est plus grande, et que les forces ont le champ plus libre ; au contraire elle diminue dans le dernier cycle, parce que ce cycle est plus étroit, et que les périodes antérieures exercent une pression fatale à la vie.
En voici la raison : dans la première période, les forces physiques naissent et se développent dans toute leur pureté, attendu que la pureté précède le trouble, et l’unité devance le mélange ; la vie est donc proportionnée à la pureté de son tempérament et à la perfection des forces auxquelles sont soumises la naissance, les transformations, la corruption et la ruine des éléments.
De même, à la fin du grand cycle ou de la période principale, la forme s’altère, la vie dépérit, les tempéraments se mélangent, les forces diminuent, les liens se relâchent, et, la matière se trouvant comprimée dans des cercles étroits et renversés, la vie ne peut plus atteindre à son complet développement.

Histoire Islamique - Page 8 Yugas-Ages-based-on-Sri-Yukteswar

Les Indiens soutiennent, par une foule de preuves et d’arguments, ce système de l’origine des choses que nous venons d’exposer.
A cette succession de cycles et de Hazarwans, telle que nous l’avons développée, ils rattachent de mystérieuses subtilités sur l’âme, sur ses rapports avec le monde métaphysique, sa tendance à descendre des hauteurs de son origine, et d’autres théories établies par Brahman au premier âge du monde.
Brahman mourut après un règne de trois cent soixante-six ans.
Ses descendants ont conservé jusqu’à nos jours le nom de brahmines ; ils sont honorés par les Indiens comme formant la caste la plus noble et la, plus illustre. Ils ne mangent de la chair d’aucun animal, et ils portent, hommes et femmes, des fils jaunes suspendus autour du cou comme des baudriers d’épée, pour se distinguer des autres castes de l’Inde.

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Un Brahmane

Dans les temps anciens, sous le règne de Brahman, sept des plus sages et des plus considérés d’entre eux s’assemblèrent dans la maison d’or (à Moultan), et se dirent les uns aux autres : « Réunissons nos recherches pour découvrir l’état et le secret du monde, pour savoir d’où nous venons et où nous allons ; si la cause qui nous a tirés du néant est sagesse ou folie ; si le Créateur, qui est l’auteur de notre existence, et qui la développe, en retire un avantage, ou bien s’il écarte un danger de sa personne, en nous faisant disparaître de ce monde. Sachons s’il ressent comme nous des besoins et des privations, ou s’il se suffit sous tous les rapports, et pourquoi, après nous avoir donné l’être et la vie, il nous fait rentrer dans la mort et le néant ?
Le premier sage, qui était le plus respecté parmi eux, dit : « Quel est l’homme qui a jamais pu arriver à la science réelle des choses visibles et occultes, en arracher le secret et se reposer sur une conviction certaine ? »
Le second sage dit : « Si l’intelligence humaine pouvait embrasser la sagesse divine, ce serait un défaut dans cette sagesse. Non, ce but est hors de notre portée, et notre raison est trop bornée pour l’atteindre. »
Le troisième sage dit : « Notre premier devoir, avant de rechercher ce qui est hors de nous, est de nous appliquer à nous connaître nous-mêmes, puisque rien ne nous touche de plus près, et que nous sommes faits pour cette étude comme elle est faite pour nous. »
Le quatrième reprit : « Malheur à celui qui se trouve dans une situation ou il ait besoin de se connaître lui-même.
De là, dit le cinquième, le devoir pour nous de nous attacher aux sages qui ont la science pour auxiliaire. »
Le sixième ajouta : « Celui qui recherche la félicité doit y consacrer tous ses efforts, puisque nous ne pouvons demeurer dans ce monde, et qu’il est certain que nous en sortirons. »
Le septième dit enfin : « J’ignore ce que vous voulez dire ; tout ce que je sais, c’est que je suis entré dans ce monde malgré moi, que j’y vis dans la stupeur et que j’en sortirai de force. »
Ces diverses doctrines ont divisé les Indiens de tous les siècles ; chacun a suivi et complété l’une d’elles ; puis les écoles, en se multipliant, ont accru les divergences d’opinions, et l’on ne compte pas moins de soixante et dix sectes dans ce pays.

Histoire Islamique - Page 8 Thugs
Un groupe de Thug’s, les Thugs, Thags ou Thagîs constituaient une confrérie  sectaire d’assassins professionnels et adorateurs de Kâlî parfois appelée dans ce contexte Bhowani. Active en Inde du xiiie au xixe siècles. La confrérie serait apparue sous le règne de Jalâl ud-Dîn Fîrûz Khaljî. Le sultan musulman de Delhi l’aurait combattue et aurait déporté un millier de Thugs à Gaur au Bengale, où la secte aurait continué ses exactions de façon discrète, ainsi qu’en Orissâ, puis aurait retrouvé une visibilité comme force occulte anti-coloniale.

Abou’l-Kaçem, de Balkh, dans son livre intitulé Sources de questions et de réponses, et el-Haçan, fils de Mouça, en-Noubakhti, dans son ouvrage nommé Livre des opinions et descroyances, parlent l’un et l’autre des sectes et des théories de l’Inde ; des motifs qui portent le peuple à périr dans les flammes, ou à s’infliger toutes sortes de tourments ; mais ils ne disent rien de ce que nous avons rapporté, et passent sous silence tout ce qui précède.
On n’est pas d’accord sur Brahman : les uns prétendent que c’était Adam et un prophète envoyé par Dieu aux Indiens ; les autres ne le considèrent que comme un roi, ainsi que nous l’avons dit plus haut. Cette dernière opinion est la plus répandue.
A la mort de Brahman, les Indiens témoignèrent la plus vive douleur ; puis ils donnèrent la couronne à son fils aîné, el-Bahboud, déjà désigné par Brahman comme son successeur et son héritier.
Fidèle imitateur de son père, il protégea ses sujets, bâtit un grand nombre de temples, honora les sages et les encouragea par des distinctions et des récompenses dans l’étude et la recherche de la sagesse.
Il mourut après avoir régné cent ans.
C’est à cette époque qu’on inventa le trictrac (nerd) et les règles de ce jeu.
C’était une sorte d’emblème des biens de ce monde, qui ne sont pas la récompense de l’intelligence ni du savoir-faire, de même que la richesse n’est pas acquise à l’habileté.

Histoire Islamique - Page 8 Two-men-talking-kalila-wa-dimna-detail-bibliotheque-nationale-paris-circa-1200-syria-note-two-ways-of-wearing-their-wraps
détail de deux hommes qui discutent kalila wa dimna vers 1200 syrie (sham)

On a fait honneur aussi à Ardeschir, fils de Babek, de l’invention et de la découverte de ce jeu, qui lui fut suggéré par le spectacle des vicissitudes et des caprices de la fortune. Il divisa la table, en douze cases, d’après le nombre des mois, et il établit trente chiens (dames), selon les jours du mois.
Les deux des représentent la destinée et son action capricieuse sur les hommes.
Le joueur, si le sort le favorise, obtient, en jouant, ce qu’il désire ; au contraire, l’homme habile et prudent ne peut réussir à gagner ce qu’une chance heureuse a donné à son adversaire. C’est ainsi que les biens de ce monde sont dus à un hasard fortuné.
Le successeur d’el-Bahboud fut Zaman (Ramah ?), qui régna près de cinquante ans.
Les principaux faits de ce règne, et ses guerres avec les rois de Perse et de Chine sont résumés dans nos précédents ouvrages.
Il eut pour successeur Por (Porus), qui livra bataillé à Alexandre et fut tué par ce prince dans un combat singulier ; il avait régné cent quarante ans.
Après lui régna Dabchelim, l’auteur du livre de Kalilah et Dimnah, traduit en arabe par Ibn el-Mokaffa.
Sehi, fils de Haroun, a aussi composé pour el-Mamoun un livre intitulé Tâlah et Afrâh, analogue, par son plan et la nature de ses fables, au livre de Kalilah et Dimnah, mais supérieur à celui-ci par l’élégance du style. Le règne de Dabchelim fut de cent dix ans ; mais on n’est pas d’accord à cet égard.

Histoire Islamique - Page 8 Shatranj-picture
Le Chatrang ou Shatranj est considéré comme l’ancêtre du jeu d’échecs. Il est la version perse (transmi et modernisé par les arabes) du jeu indien Chaturanga. À moins que ce ne soit le contraire car, à ce jour, les plus anciennes traces que l’on ait des échecs sont les mentions dans trois textes épiques perses, notamment le Wizârišn î chatrang ud nihišm î nêw-ardaxšîr (« l’explication des Échecs et l’invention du Nard », texte appelé aussi Mâdayân î chatrang ou encore Chatrang nâmag, « Le livre des échecs ») écrit probablement au vie siècle

Après lui régna Balhit. On inventa, à cette époque, le jeu d’échecs, auquel ce roi donna la préférence sur le trictrac, en démontrant que l’habileté l’emporte toujours dans ce jeu sur l’ignorance.
Il fit des calculs mathématiques sur les échecs, et composa, à ce sujet, un livre nommé Tarak-Djenka, qui est resté populaire chez les Indiens.
Il jouait souvent aux échecs avec les sages de sa cour, et ce fut lui qui donna aux pièces des figures d’hommes et d’animaux, leur assigna des grades et des rangs, assimila le roi (Chah) au chef qui dirige, et ainsi de suite des autres pièces.
Il fit aussi de ce jeu une sorte d’allégorie des corps élevés, c’est-à-dire des corps célestes, tels que les sept planètes et les douze signes du zodiaque, et consacra chaque pièce à un astre. L’échiquier devint une école de gouvernement et de défense ; c’était lui que l’on consultait en temps de guerre, quand il fallait recourir aux stratagèmes militaires, pour étudier la marche plus ou moins rapide des troupes.
Les Indiens donnent un sens mystérieux au redoublement des cases de l’échiquier ; ils établissent un rapport entre cette cause première, qui plane au-dessus des sphères et à laquelle tout aboutit, et la somme du carré de ces cases.
Ce nombre est égal à 18, 446, 740,773, 707, 551, 615, où se trouvent six fois mille après les chiffres de la première série, cinq fois mille après ceux de la seconde, quatre fois mille après ceux de la troisième, trois fois mille après ceux de la quatrième, deux fois mille après ceux de la cinquième, et une fois mille après ceux de la sixième.
Les Indiens expliquent par ces calculs la marche du temps et des siècles, les influences supérieures qui s’exercent sur ce monde, et les liens qui les rattachent à rame humaine.
Les Grecs, les Romains et d’autres peuples ont des théories et des méthodes particulières sur ce jeu, comme on peut le voir dans les traités des joueurs d’échecs, depuis les plus anciens jusqu’à es-Souli et el-Adli, les deux joueurs les plus habiles de notre époque. Le règne de Balhit, jusqu’à sa mort, dura quatre-vingts ans, ou, selon d’autres manuscrits, cent trente ans.
Korech (Harcha ?), son successeur, abandonnant les doctrines du passé, introduisit dans l’Inde de nouvelles idées religieuses, plus conformes aux besoins de son époque et aux tendances de ses contemporains. Sous son règne vivait Sindbad, auteur du Livre de sept Vizirsdu Maîtredu Jeune homme et de la Femme du roi ; c’est le livre intitulé KitabSindbad.
On composa aussi dans la bibliothèque de Korech un Grand traité de pathologie et de thérapeutique, avec des figures et des dessins de diverses plantes. Ce roi mourut après un règne de cent vingt ans.
A sa mort, la discorde s’éleva parmi les Indiens ; ils se divisèrent en plusieurs nations et tribus, et chaque contrée eut un chef particulier.
C’est ainsi que se formèrent les royaumes de Sind, de Kanoudj, de Kachmir ; la ville de Mankir, qui était le grand centre de l’Inde, se soumit à un roi nommé le Balhara, et le nom de ce premier roi est resté à tous ses successeurs qui ont régné dans cette capitale jusqu’à ce jour (332 de l’hégire).
L’Inde est un vaste pays qui s’étend sur la mer, le continent et au milieu des montagnes ; ce royaume est limitrophe de celai de Zabedj, qui est l’empire du Maharadja, roi des îles.
Le Zabedj, qui sépare la Chine de l’Inde, est compris dans cette dernière contrée.
Du côté des montagnes, l’Inde a pour limite le Khoraçan et le Sind, jusqu’au Tibet

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Guerrier Rajput indien a cheval

Ces royaumes sont continuellement en guerre, et diffèrent autant par leur langue que par leurs croyances.
La plupart de ces peuples croient à la métempsycose ou transmigration des âmes, comme nous l’avons dit un peu plus haut.
Mais par leur intelligence, leur gouvernement, leur philosophie, par leur robuste constitution, autant que par la pureté de leur teint, les Indiens diffèrent de toutes les races nègres, telles que les Zendjis, les Demdemès, etc.
Galien (le Grec) signale dix propriétés particulières aux noirs, à savoir : les cheveux crépus, les sourcils rares, les narines dilatées, les lèvres épaisses, les dents aiguës, la puanteur de la peau, la noirceur du teint, la longueur des pieds et des mains, le développement des parties génitales et une pétulance excessive.
Cet auteur explique cette dernière qualité chez le noir par l’organisation imparfaite de son cerveau, d’où résulte la faiblesse de son intelligence.
La vivacité du nègre, l’empire que prend sur lui la joie, et la pétulance extraordinaire qui distingue les Zendjis parmi toutes les races noires, ont inspiré à d’autres auteurs des observations que nous avons insérées dans nos ouvrages précédents.

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L’Haplogroupe A1b1 originaire du Sud-soudan

Yakoub, fils d’Ishak el-Kendi, dans un de ses traités, relatif à l’action des corps élevés et des sphères célestes sur notre monde, ajoute : « Dieu a établi un enchaînement de causes dans toutes les parties de la création ; la cause exerce sur la créature qui la subit une influence qui la rend cause à son tour ; mais cette créature purement subjective ne peut pas réagir sur sa cause ou son agent.
Or, l’âme étant la cause et non pas l’effet de la sphère, la sphère ne peut réagir sur l’âme ; mais il est dans la nature de l’âme de suivre le tempérament du corps, tant qu’elle ne rencontre pas d’obstacle, et c’est ce qui a lieu chez les Zendjis.
Leur pays étant très chaud, les corps célestes y exercent leur influence et attirent les humeurs dans la partie supérieure du corps.
De là les yeux à fleur de tête de ces peuples, leurs lèvres pendantes, leur nez aplati et gros, et le développement de la tête par suite de ce mouvement ascensionnel des humeurs.
Le cerveau perd son équilibre, et l’âme ne peut plus exercer sur lui son action complète ; le vague des perceptions et l’absence de tout acte de l’intelligence en sont la conséquence. »

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Saturne vue par la sonde Cassini en 2008.

Les anciens comme les modernes ont discuté les causes de la conformation des noirs et de leur position par rapport à la sphère ; on a recherché si l’une des sept planètes, le soleil, la lune ou les cinq autres président à leurs actions, et ont une influence particulière sur leur naissance et leur développement physique.
Mais notre ouvrage n’étant pas consacré à ce genre d’études, nous ne pouvons rapporter ce qui a été dit à cet égard ; le lecteur trouvera dans nos Annales historiques les théories et les arguments qui ont été proposés ; il y trouvera encore l’exposé du système de ces astronomes anciens et modernes qui ont placé les nègres sous l’action de Saturne.
Telle est aussi l’opinion d’un poète et astrologue musulman contemporain, bien instruit de ce qui concerne les sphères :
Le doyen (de ces astres) est le sublime Saturne, vieillard majestueux, puissant monarque.
Son tempérament est noir et froid ; noir comme l’âme en proie au désespoir.
Son influence s’exerce sur les Zendjis et les esclaves, et aussi sur le plomb et le fer.
Taous el-Yemani, compagnon d’Abdallah, fils d’el-Abbas, ne touchait pas à la chair d’un animai tué par un Zendji, parce que, disait-il, le Zendji est un être hideux.
J’ai entendu dire qu’Abou’l-Abbas er-Radi billah, fils d’el-Moktadir, n’acceptait rien de la main d’un noir, parce que c’était un esclave hideux.
J’ignore s’il se conformait, en agissant ainsi, à la doctrine de Taous, ou s’il suivait quelque précepte philosophique particulier.
Amr, fils de Bahr el-Djahii a composé un livre Sur la supériorité des noirset leur lutte avec la race blanche.

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Le classement racial du « World Book Atlas 1964 »

Dans l’Inde un roi ne peut monter sur le trône avant quarante ans révolus ; il ne se montre au peuple qu’à des époques déterminées, et seulement pour examiner les affaires de l’État ; car, dans leurs idées, un roi porterait atteinte à sa dignité et n’inspirerait plus le même respect s’il se montrait constamment au peuple. Le pouvoir ne se maintient chez eux que par le despotisme et le respect de la hiérarchie politique.
Voici ce que j’ai vu dans le pays de Serendib (Ceylan), île de la mer de l’Inde : quand un roi meurt, on l’expose sur un chariot bas, à petites roues, et destiné à cet usage, de manière à ce que les cheveux traînent par terre.
Une femme, un balai à la main, jette de la poussière sur la tête du mort, en criant : « Peuple, voilà votre roi d’hier ! il était votre maître ; ses moindres volontés étaient obéies. Voyez-le maintenant ; il a quitté la terre, et son âme est entre les mains du roi des rois, le vivant, l’éternel, qui ne meurt pas ! Ne cédez donc pas aux illusions de la vie ! » Elle continue ainsi ses exhortations en faveur de la retraite et du détachement des biens de ce monde ; puis, après avoir promené le corps par toutes les rues de la ville, on le coupe en quatre morceaux, on le brûle sur un bûcher fait de bois de sandal, de camphre et d’autres parfums, et enfin on jette ses cendres au vent. Telles sont les cérémonies que presque tous les Indiens observent pour les rois et les grands, et ils croient ainsi suivre le but qu’ils se proposent dans l’avenir.
La royauté appartient exclusivement à la même famille, et ne passe jamais à une autre ; il existe de même une dynastie de vizirs, de kadis et d’autres fonctionnaires, qui tous sont inamovibles.
Les Indiens s’abstiennent de boire du vin, et blâment ceux qui en font usage, non que leur religion le défende, mais dans la crainte qu’il ne trouble leur raison et ne la prive de l’usage de ses facultés. Si un de leurs rois est convaincu d’en avoir bu, il mérite d’être destitué, car il doit lui être impossible de gouverner l’État quand sa raison est obscurcie. Ils aiment le chant et la musique, et ils ont divers instruments d’harmonie qui produisent sur l’homme des effets gradués, depuis le rire jusqu’aux larmes. Souvent ils font boire et danser devant eux des jeunes filles esclaves, afin de s’exciter à la joie par ce spectacle.
Les Indiens ont un grand nombre d’institutions que nous avons décrites, ainsi que leur histoire et leurs usages dans nos Annales historiques et notre Histoire moyenne ; nous n’en donnerons donc ici qu’une esquisse. Voici une anecdote intéressante pour l’étude de l’histoire et des mœurs des anciens rois de l’Inde et des rois de Komar (Comorin). C’est de ce pays qu’on exporte l’aloès, nommé pour cette raison aloès komari. Cette contrée n’est pas : une île, mais elle est située sur le bord de la mer, et couverte de montagnes. Peu de pays dans l’Inde ont une population plus nombreuse ; ses habitants se distinguent par la pureté de leur baleine, parce qu’ils font, comme les musulmans, usage du cure-dent. Ils ont aussi l’adultère en horreur, évitent tout acte impudique, et s’abstiennent de boissons spiritueuses ; dans cette dernière pratique, ils ne font d’ailleurs que se conformer à un usage général dans l’Inde. Leurs troupes se composent surtout d’infanterie, parce que leur pays renferme plus de montagnes et de vallées que de plaines et de plateaux. Il est sur le chemin des États du Maharadja, roi des îles de Zabedj (Java), de Kalah (Malaka ?), de Serendib (Ceylan), etc.
On raconte donc qu’un roi jeune et irréfléchi régnait jadis dans le Komar. Un jour il était assis sur son trône, dans un château situé à un jour de marche de la mer, et qui dominait un grand fleuve d’eau douce comme le Tigre et l’Euphrate. Son ministre se tenait devant lui, et ils s’entretenaient du royaume riche et puissant du Maharadja, et du grand nombre d’îles qu’il possédait. Le roi dit alors : « Que je voudrais réaliser le projet que j’ai formé en moi-même ! — Quel est-il, sire ? demanda le vizir, homme sage qui connaissait la légèreté de son maître. — Je voudrais que la tête du Maharadja, roi de Zabedj, fût exposée sur un plat devant moi. » Le vizir, comprenant que la jalousie avait inspiré cette pensée-an roi et l’avait fomentée dans son cœur, lui dit : « Sire, je n’aurais pas cru que le roi s’entretînt dans de pareilles pensées. Jamais nous n’avons eu de différends avec cette nation, ni dans le passé ni aujourd’hui, et elle ne nous a donné aucun sujet de plainte ; en outre, elle habite des îles lointaines, fort éloignées de nos frontières, et elle n’a aucune vue de conquête sur notre pays. (En effet, une distance de dix à vingt jours de navigation sépare le royaume de Komar de celui du Maharadja.). Il vaut donc mieux, sire, ajouta le vizir, que personne n’ait connaissance de ce projet, et que le roi lui-même n’en reparle plus. » Le roi s’irrita et ne tint aucun compte de cet avis. Il fit part de ses desseins à ses généraux et à ses principaux courtisans ; la nouvelle passa de bouche en bouche, et finit par arriver jusqu’au Maharadja. Ce dernier était un prince sage, expérimenté et d’un âge déjà mûr. Il fit venir son vizir, l’informa de ce qu’il avait appris, et ajouta : « Ce que la renommée rapporte de ce fou, le projet que sa jeunesse et son orgueil lui ont inspiré, la publicité de ses paroles, tout nous oblige à sévir contre lui, car l’impunité porterait atteinte à notre dignité et à notre pouvoir. »
Il ordonna donc à son vizir de tenir cet entretien secret, d’équiper mille vaisseaux de moyenne force, et de pourvoir chacun de ces vaisseaux des armes et des troupes nécessaires. On fit courir le bruit que le roi voûtait faire une promenade de plaisir dans les îles du royaume ; on écrivit même aux rois de ces îles, qui étaient vassaux du Maharadja, que le monarque allait faire une excursion d’agrément sur leurs terres, et, à cette nouvelle, chaque roi se prépara à bien recevoir le Maharadja. Ces ordres étant bien exécutés, et les armements terminés, le Maharadja s’embarqua et vint aborder avec son armée dans le royaume de Komar. Le roi de Komar ne sut cette expédition qu’en voyant la flotte remonter le fleuve et arriver sous sa capitale.
Pris à l’improviste, ses soldats furent défaits, ses généraux faits prisonniers, la ville investie, et le royaume tout entier tomba au pouvoir du Maharadja. Celui-ci fit proclamer l’aman, puis il se plaça sur le trône du roi de Komar, et se fit amener ce roi prisonnier et son vizir. « Qui t’a inspiré, demanda-t-il au roi, un projet si au-dessus de tes forces, un projet dont la réalisation ne t’aurait pas rendu plus heureux, et qui n’a pas même pour excuse la possibilité de l’entreprise ? » Le roi se tut, et le Maharadja ajouta : « Si, au vœu de voir ma tête dans un bassin devant toi tu avais ajouté le désir de t’emparer de mes États et d’y porter la-destruction, j’aurais usé ici de représailles ; mais tu n’as formé précisément qu’un projet, et c’est moi qui le réaliserai à tes dépens. Puis je rentrerai dans mon pays, sans toucher aux biens de tes sujets, petits ou grands. Je veux que tu serves d’exemple à tes successeurs, afin qu’ils ne franchissent pas les limites que la fortune leur a assignées, et qu’ils connaissent le prix de la sécurité. »

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Le sultan Montrant la Justice tiré du livre « Kalikah et Dimnah »

Puis il lui fit trancher la tête. Il s’adressa ensuite au vizir et lui dit : «Je te remercie, vizir ; je sais les bons conseils que tu donnais à ton maître, qui aurait dû les accepter. Désigne celui que tu crois digne de gouverner après ; cet insensé, et place-le sur le trône. Le Maharadja retourna aussitôt dans ses États, sans que lui ou ses troupes eussent exercé le moindre ravage dans ce pays. Rentré dans son royaume, il s’assit sur son trône, qui dominait l’étang surnommé l’étang des barres d’or, et fit placer devant lui le plat où était posée la tête du roi vaincu. Il assembla tous les grands du royaume, et leur raconta son expédition et le motif qui l’avait rendue nécessaire. Ses sujets répondirent par des acclamations et des vœux.
Sur son ordre, on lava la tête du roi, on l’embauma, et, après l’avoir enfermée dans un vase, on l’envoya à son successeur dans le Komar, avec la lettre suivante : « Notre expédition a été motivée par l’insolence de ton prédécesseur, et par la nécessité de donner une leçon à ses pareils. Maintenant que nous avons atteint notre but, nous croyons devoir te renvoyer cette tête, car nous n’avons aucun intérêt à la garder, et une pareille victoire n’ajoute rien à notre gloire.» Les rois de l’Inde et de la Chine, instruits de ces événements, n’en eurent qu’une plus haute idée du Maharadja, et, depuis lors, les rois de Komar, en se levant le matin, se tournaient vers le pays de Zabedj, et se prosternaient en proclamant avec respect la grandeur du Maharadja.
Nous devons expliquer ce que signifie l’étang des barres d’or.
Le palais du Maharadja domine un petit étang, qui communique avec le principal golfe du Zabedj ; le flux amène l’eau de mer dans ce golfe, et le reflux en enlève l’eau douce. Tous les matins, le trésorier du roi arrive porteur d’une barre d’or fondu pesant un certain nombre de livres, dont je ne puis évaluer le poids exact, et la jette dans l’étang en présence du roi.
A l’heure du flux, l’eau monte et recouvre cette barre avec celles qui y sont déjà déposées ; mais la marée basse les laisse à découvert, et elles brillent aux rayons du soleil, sous les yeux du roi, qui est assis dans sa salle d’audience, située au-dessus de cet étang.
On continue ainsi, pendant toute la durée de son règne, à jeter chaque jour une barre d’or, et personne n’ose y toucher ; mais à la mort du roi, son successeur fait retirer tous ces lingots, sans en laisser un seul.
On les compte, on les fond, et on les distribue aux membres de la famille royale, tant aux hommes qu’aux femmes et aux enfants, aux officiers et aux serviteurs, en observant le rang et les prérogatives de chaque classe.
Le surplus est distribué aux pauvres et aux infirmes. Le nombre et le poids de ces barres sont inscrits dans un registre, et l’on dit que tel roi a vécu tant d’années, et qu’il a laissé dans l’étang royal tant de barres d’or, pour être distribuées après sa mort entre ses sujets. C’est une gloire, à leurs yeux, d’avoir régné longtemps et d’avoir laissé un grand nombre de ces barres.

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La mosquée  Cheraman Masjid dans la ville de Methala en Inde (629 JC) construite par le compagnon Malik ibn Dinar (radi ALLAH anhu) , dans  le quartier le Thrissur dans l’état ​​de Kerala .Le Masjid est dit être la première mosquée de l’Inde. On croit que cette mosquée a été rénové et reconstruit au 11e siècle de notre ère.
Le plus puissant roi qui règne aujourd’hui dans l’Inde est le Balhara, souverain de ta ville d’el-Mankir ; la plupart des chefs de l’Inde tournent leur visage vers lui en priant, et adressent des prières à ses ambassadeurs, quand ils arrivent à leur cour.

Les États du Balhara sont entourés par plusieurs principautés.
Quelques-uns de ces rois habitent la région des montagnes, loin de la mer ; tels sont le Raya, maître du Kachmir, le roi de Tafen et d’autres chefs indiens.
D’autres Etats s’avancent sur la mer et dans le continent.
La capitale du Balhara est éloignée de la mer de quatre-vingts parasanges sindi, et chaque parasange vaut huit milles.
Ses armées et ses éléphants sont innombrables ; mais presque toutes ses troupes se composent d’infanterie, à cause de la nature du pays.
Un de ses voisins, parmi les rois de l’Inde, éloignés de la mer, est le maître de la ville de Kanoudj, le Baourah, titre donné à tous les souverains de ce royaume.
Il a de fortes garnisons cantonnées au nord, au sud, à l’ouest et à l’est, parce que chacun de ces côtés est menacé par un voisin belliqueux.
Nous donnerons plus tard de nouvelles notions sur les souverains du Sind, de l’Inde et d’autres rois de la terre, dans le chapitre relatif aux mers, à leurs particularités, aux nations et aux rois qui les environnent, etc.
On trouvera aussi ces renseignements dans nos précédents ouvrages.
Puisse Dieu nous aider ! en lui seul sont la force et le pouvoir.

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Carte du monde d’al-Masudi avec écris : “Ard Majhoola” qui ce réfère aux Amériques (orienté avec le sud en haut)
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Message  Arlitto Mar 03 Mai 2016, 17:24

CHAPITRE VIII.

DESCRIPTION DU CONTINENT ET DES MERS ; SOURCES DES FLEUVES ; LES MONTAGNES ; LES SEPT CLIMATS, ASTRES QUI EXERCENT SUR EUX LEUR INFLUENCE’, ORDRE DES SPHÈRES, ETC.
Les savants partagent la terre entre les quatre points cardinaux, l’est, l’ouest, le nord et le sud ; ils la divisent aussi en deux parties, celle qui est habitée et celle qui est déserte, cultivée ou inculte.
La terre, disent-ils, est ronde, son centre passe par l’axe de la sphère, l’air l’entoure de tous les côtés, et, comparée à la sphère du zodiaque, elle est petite comme un point mathématique.
La portion habitée s’étend depuis un groupe de six îles nommées les îles Eternelles (Fortunées), et situées dans l’océan Occidental, jusqu’à l’extrémité de la Chine. Cette étendue correspondant à. douze heures (de la révolution journalière du soleil), ils ont reconnu que le soleil se lève pour les îles Éternelles, situées dans l’océan Occidental, quand il se couche à l’extrémité de la Chine, et qu’il se lève pour cette partie reculée de la terre quand il se couche pour ces îles.
Cette portion est la moitié de la circonférence terrestre, et c’est retendue longitudinale qu’ils disent avoir observée. Si on l’évalue en milles employés pour la mesure du globe, on obtient un total de treize mille cinq cents milles.
Leurs recherches sur la latitude de la terre ont prouvé que la portion habitée s’étend, de l’équateur vers le nord, jusqu’à l’Ile de Toulé (Θούλη) dans la (Grande-) Bretagne, où la durée du jour le plus long est de vingt heures. Selon eux, l’équateur passe, entre l’est et l’ouest, par une île située entre l’Inde et l’Abyssinie, et un peu au sud de ces deux contrées.
Ce point intermédiaire entre le nord et le midi est coupé par le point intermédiaire entre les îles Éternelles et l’extrémité de la Chine ; c’est ce que l’on nomme la coupole de la terre, déjà connue parce que nous en avons rapporté. On compte environ soixante degrés de latitude de l’équateur à l’île de Toulé : c’est un sixième de la circonférence de la terre.
En multipliant ce sixième, qui est la mesure de la latitude, par une moitié qui représente la longitude, on obtient, pour la portion habitée de l’hémisphère septentrional, un douzième de la surface du globe.

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Globe Céleste, Ispahan (?), al-iraq al-Ajami (l’Iran) 1144. Présenté au Musée du Louvre, ce globe est la 3ème plus ancienne survivant dans le monde, époque Sedjoukide/ Abbasside

Voici la division des sept climats. Premier climat : le pays de Babel, le Khoraçan, el-Ahwaz, Moçoul et le Djebal ; ce climat a pour signes du zodiaque le Bélier et le Sagittaire ; pour planète, Jupiter. Second climat : le Sind, l’Inde et le Soudan ; signe du zodiaque, le Capricorne ; pour planète, Saturne. Troisième climat : la Mecque, Médine, le Yémen, le Taïf, le Hedjaz et les pays intermédiaires ; signe du zodiaque, le Scorpion ; planète, Vénus l’heureuse. Quatrième climat : l’Égypte, l’Ifriqiya, le pays des Berbers, l’Espagne et les provinces comprises dans ces limites ; signe du zodiaque, les Gémeaux ; planète. Mercure. Cinquième climat : la Syrie, le pays de Roum, la Mésopotamie (el-Djezireh) ; signe du zodiaque, le Verseau ; planète, la Lune. Sixième climat : les pays habités par les Turcs, les Khazars, les Deilemiens et les Slaves ; signe du zodiaque, le Cancer ; planète, Mars. Septième climat : le pays de Daïl et la Chine ; signe du-zodiaque, la Balance ; planète, le Soleil.
L’astronome Hoçein, auteur du livre des Tables astronomiques, rapporte, d’après Khaled, fils d’Abd-el-Melik, originaire de Merw, et d’autres, savants qui, par ordre d’el-Mamoun, avaient pris la hauteur du soleil dans la plaine de Sendjar, contrée de Diar-Rebiâh (sud de la Mésopotamie), que la mesure d’un degré terrestre est de cinquante-six milles ; en multipliant ce nombre par trois cent soixante, ils trouvèrent, pour la circonférence du globe, continent et mer, vingt mille cent soixante milles.
Cette circonférence de la terre, multipliée par sept, donne cent quarante et un mille cent vingt milles. En divisant ce produit par vingt-deux, on a, pour le diamètre de la terre, six mille quatre cent quatorze milles et demi, plus un vingtième de mille environ.

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La carte du monde de Mohammad ibn- Musa al-Khawarizmi -, établi par l’ordre du calife Abbasside al-Mamnu fils d’Haroun al-Rashid pour la « al – Ma’amuniyah », Baghdad,

La moitié du diamètre de la terre est donc de trois mille deux cent sept milles, plus seize minutes trente secondes, soit : un quart, plus un quarantième de mille.
Le mille vaut quatre mille coudées noires ; on nomme ainsi la coudée établie par el-Mamoun pour la mesure des étoffes, des maisons et l’arpentage ; elle se compose de vingt-quatre doigts.
Le philosophe (Ptolémée), dans son livre intitulé Djografia (Γεωγραφία.), décrit la terre, les villes, les montagnes, les mers, les îles, les fleuves et sources qu’elle renferme ; il parle des villes habitées et des pays cultivés, évalue le nombre de ces villes à quatre mille cinq cent trente pour son époque, et les cite par ordre de climats.
Il distingue, dans le même ouvrage, les montagnes de la terre par leur couleur rouge, jaune, verte, etc. et en porte le nombre à plus de deux cents ; il mentionne aussi leur hauteur, les mines et les pierres précieuses qu’elles renferment.
Ce philosophe compte cinq mers autour du globe, et parle des îles cultivées ou incultes, connues ou inconnues, qui y sont situées.
La mer d’Abyssinie, par exemple, renferme, entre autres, un groupe d’un millier d’îles, nommées Dibaihat, qui sont toutes habitées, et à une distance de deux, trois ou plusieurs milles l’une de l’autre.
D’après le même auteur, la mer qui baigne l’Egypte et le pays de Roum sort de la mer des idoles de cuivre (Colonnes d’Hercule) ; les grandes sources de la terre, sans tenir compte des petites, sont au nombre de deux cent trente ; deux cent quatre-vingt-dix fleuves coulent sans interruption dans les sept climats ; chaque climat, comme on l’a vu plus haut, a une étendue de neuf mille parasanges carrés ; certaines mers renferment des êtres animés, tandis que d’autres, comme le grand Océan, n’en ont pas.
Du reste on trouvera plus loin une description détaillée de chaque mer en particulier.
Dans la Géographie (de Ptolémée), ces mers sont enluminées de couleurs variées, et diffèrent par leur étendue et leur aspect. Les unes ont la forme d’un manteau court (taïleçan), les autres celle d’un harnais, ou celle d’un boyau ; d’autres sont triangulaires ; mais leurs noms sont en grec dans cet ouvrage, et, par conséquent, inintelligibles.

Histoire Islamique - Page 8 8743a31329-astrolabe-diraq-9th-century-le-plus-vieille-exemplaire
Astrolabe Abbasside d’Iraq  du 9eme siècle, mais a été trouvée dans les eaux peu profondes au large des côtes de la Malaisie. Il peut avoir été utilisé sur une expédition commerciale entre l’Irak et la Chine. Il est aussi probablement le plus ancien astrolabe islamique dans le monde, fait au 9ème siècle; le seul exemple plus ancien a été volé lors du pillage du Musée de Bagdad en 2003.

Le diamètre de la terre est de deux mille cent parasanges, ce qui donne, en réalité (pour la circonférence, à raison de 7 : 22), six mille six cents parasanges, chaque parasange étant de seize mille coudées.
La circonférence du cercle inférieur des astres, c’est-à-dire la sphère de la lune, est de cent vingt-cinq mille six cent soixante parasanges ; le diamètre de la sphère, depuis la limite de la tête du Bélier jusqu’à celle de la tête de la Balance, mesure quarante mille parasanges.
Les sphères (ou cieux) sont au nombre de neuf : la première, qui est aussi la plus petite et la plus rapprochée de la terre, est la sphère de la lune ; la seconde, celle de Mercure ; la troisième, celle de Vénus ; la quatrième, celle du soleil ; la cinquième, celle de Mars ; la sixième, celle de Jupiter ; la septième, celle de Saturne ; la huitième, celle des étoiles fixes, et la neuvième, celle du zodiaque.
Toutes ces sphères ont la forme de globes renfermés l’un dans l’autre.
Celle du zodiaque est nommée sphère universelle, et sa révolution produit le jour et la nuit ; cardans un jour et une nuit elle entraîne le soleil, la lune et tous les astres de l’est à l’ouest autour de deux pôles immobiles, dont l’un, situé au nord, est le pôle arctique, et l’autre, le pôle austral, ou de Canope.
Les signes du zodiaque ne sont autre chose que la sphère universelle, et leurs noms particuliers servent seulement à désigner la place que les étoiles y occupent. La sphère du zodiaque se rétrécit nécessairement vers les pôles, et s’élargit au centre du globe.

Histoire Islamique - Page 8 An-illustration-from-al-birunis-astronomical-works-explains-the-different-phases-of-the-moon
Une illustration de travaux astronomiques d’al-Biruni, qui explique les différentes phases de la lune.

La ligne qui coupe ce globe en deux moitiés, de l’est à l’ouest, se nomme ligne équinoxialeparce que, lorsque le soleil est sur cette ligne, le jour et la nuit sont d’une égale longueur dans tous les pays.
La partie de cette sphère qui va du nord au sud est nommée latitude, celle qui se dirige de l’ouest à l’est, longitude. Les sphères sont rondes, elles entourent le monde et tournent autour du centre de la terre, qui se trouve au milieu d’elles, comme le point central de la circonférence.
Parmi les neuf sphères, la plus voisine de la terre est celle de la Lune ; au dessus est la sphère de Mercure, puis celle de Vénus, et ensuite celle du soleil, qui est au milieu des sept sphères. Au-dessus de la sphère du soleil est celle de Mars, puis les sphères de Jupiter et de Saturne.
Chacune d’elles ne renferme qu’une étoile.
Au-dessus de Saturne est la huitième sphère, qui renferme les douze constellations et les autres étoiles.
La neuvième sphère est la plus élevée et la plus vaste ; c’est la grande sphère qui enveloppe toutes celles que nous avons nommées, ainsi que les quatre éléments et toute la création.
Elle n’a pas d’étoiles, et accomplit tous les jours une révolution de l’est à l’ouest, en entraînant dans sa course circulaire toutes les sphères inférieures.
Les sept sphères (des planètes) tournent, au contraire, de l’ouest à l’est.
Les anciens prouvent ce système par des arguments qu’il serait trop long de rapporter ici.

Histoire Islamique - Page 8 Umayyad-astrolabe-10eme
Astrolabe Omeyyade du 10e siècle al-Andalus (Espagne)

Les étoiles ainsi placées et visibles à l’œil comme celles de la huitième sphère, et cette sphère elle-même, tournent sur deux pôles, qui ne sont pas ceux de la sphère générale.
Pour prouver la différence du mouvement entre la sphère zodiacale et les autres sphères, on montre que les douze constellations se suivent dans leur marche, sans quitter leur place respective, ni altérer leur mouvement, en se levant ou en se couchant.
Chaque planète, au contraire, a son mouvement propre, qui n’est pas celui des autres, et ce mouvement est inégal, plus rapide, et tantôt dans la direction du sud, tantôt dans celle du nord.
Les astronomes, définissent la sphère comme là limite de l’espace qui réunit les éléments supérieurs ou inférieurs. Considérée dans sa nature même, elle est ronde et la plus vaste des sphères, puisqu’elle renferme toutes les autres.
Ces planètes ne se meuvent pas dans leur orbite avec la même rapidité.
La lune séjourne deux jours et demi dans chaque constellation, et traverse la sphère en un mois ; le soleil demeure un mois dans chaque constellation ; Mercure, quinze jours, Vénus, vingt-cinq jours ; Mars, quarante-cinq jours ; Jupiter, un an ; Saturne, trente mois.
Ptolémée, l’auteur de l’Almageste, évalue la circonférence de la terre, avec ses montagnes et ses mers, à vingt-quatre mille milles, et son diamètre, c’est-à-dire sa largeur et sa profondeur, à sept mille six cent trente-six milles.
Pour trouver cette mesure, on a pris l’élévation du pôle arctique dans deux villes situées sous le même méridien, la ville de Tadmor (Palmyre), située dans les plaines qui séparent l’Irak de là Syrie, et la ville de Rakkah. On trouva que cette élévation était à Rakkah 35° 1/3 et à Tadmor 34°, ce qui fait une différence d’un degré et un tiers ; puis on mesura la distance entre ces deux villes, qu’on reconnut égale à soixante-sept milles ; le degré de la sphère qu’on avait observé répondait donc à une superficie terrestre de soixante-sept milles.
Or la sphère entière, comme on le démontre par des preuves que nous ne pouvons citer ici, est divisée en trois cent soixante degrés (donc 67 x par 360 = 24.120, mesure de la circonférence terrestre).
Cette division leur parut certaine, parce qu’ils trouvèrent que la sphère est partagée en douze portions par les douze signes du zodiaque, et que le soleil, traversant chaque signe en un mois, parcourt toute la sphère en trois cent soixante jours.

Histoire Islamique - Page 8 Al-istakhri
La province du Khurâsân

Al-Istakhrî, Masâlik al-mamâlik (Livre des routes et des royaumes). Xe siècle. Traduction persane. Copié en Inde à la fin du XVe siècle. Manuscrit (25 x 30 cm).
BnF, Manuscrits (Suppl. persan 1614 fol. 86v-87)
Ce que l’on a pu appeler l' »atlas du monde islamique », élaboré par al-Balkhî, élargi et amplifié par al-Istakhrî, Ibn Hawqal et al-Muqaddasî (fin Xe siècle), se compose de 21 cartes : celle du monde, celles des trois mers (Méditerranée, océan Indien, Caspienne), les autres représentant les régions géographiques comme ici la province du Khurâsân, généralement avant-dernière carte.
La sphère accomplit sa révolution autour de deux pivots ou deux pôles, qu’on peut comparer aux chevilles du charpentier ou du tourneur qui fabrique des boules, des écuelles et d’autres objets en bois.
Pour celui qui habite le milieu de la terre, sous l’équateur, les jours et les nuits sont d’une égale longueur pendant toute l’année, et il voit à la fois ces deux axes, c’est-à-dire le pôle boréal et le pôle austral ; tandis que les habitants de l’hémisphère septentrional voient le pôle boréal et la constellation de l’Ourse, mais ne peuvent voir le pôle austral ni les étoiles qui l’avoisinent.
Ainsi Canope, qui n’est jamais visible dans le Khoraçan, peut être observé dans l’Irak pendant quelques jours de l’année, et un chameau ne peut voir cette étoile sans mourir, ainsi que nous l’avons rapporté ailleurs avec les raisons par lesquelles on explique cette influence exclusivement fatale à cet animal.
Dans les régions méridionales, Canope est visible toute l’année.
Les écoles astronomiques sont partagées sur la question de savoir si ces pivots, sur lesquels tourne la sphère, sont immobiles ou doués de mouvement.
L’opinion générale est qu’ils sont immobiles, et nous avons donné, dans nos premiers ouvrages, les preuves incontestables de leur immobilité, que l’on considère ou non ces pivots comme étant de la même nature que les sphères elles-mêmes.
La configuration des mers a soulevé aussi des discussions.
La plupart des anciens philosophes de l’Inde et des sages de la Grèce, à l’exception de ceux qui adoptent la révélation, soutiennent que la mer suit le mouvement sphérique de la terre, et ils le prouvent par de nombreux arguments.
Ainsi, quand on gagne le large, la terre d’abord, puis les montagnes s’effacent graduellement, et leur sommet finit par disparaître ; au contraire, si l’on se rapproche de la côte, ces montagnes reparaissent insensiblement, et, quand on est près du rivage, on peut distinguer la terre et les arbres.

Histoire Islamique - Page 8 Mont-damavand-iran
Mont Damavand iran

Tel est le cas de la montagne de Donbawend (Demavend), entre Rey et le Tabaristan.
On aperçoit de cent parasanges (cinq cents kilomètres) le sommet de cette montagne, qui se perd dans la nue ; une épaisse fumée s’en échappe, et des neiges éternelles le couronnent.
De la base sort une grande rivière, dont l’eau sulfureuse est jaune comme l’or ; pour parvenir à la cime de la montagne, il faut monter pendant trois jours et trois nuits ; parvenu là, on trouve un plateau large d’environ mille coudées carrées, bien que, vu d’en bas, il ait une forme conique.
Ce plateau est couvert d’un sable rouge, dans lequel le pied enfonce ; les animaux sauvages et l’oiseau lui-même ne peuvent atteindre ce sommet, à cause de son élévation, du vent et du froid rigoureux qui y règnent.
On y remarque aussi une trentaine de fissures, d’où s’échappent une épaisse vapeur de soufre et des mugissements semblables au roulement du-tonnerre le plus violent ; ce bruit provient du feu qui s’enflamme. Celui qui expose sa vie pour gravir ce sommet recueille souvent à l’orifice de ces cavernes des morceaux de soufre, jaune comme de l’or, qui servent a-l’alchimie et à d’autres arts.
Vues de cette hauteur, les plus hautes montagnes environnantes ressemblent à des collines ou à des mamelons. Le Donbawend est à vingt parasanges environ de la mer du Tabaristan (Caspienne).
Les bâtiments qui s’avancent vers le large le perdent complètement de vue ; mais à une distance de cent parasanges, et quand ils se rapprochent des montagnes du Tabaristan, ils voient d’abord une partie de la cime du Donbawend, qui devient de plus en plus apparent à mesure qu’ils s’approchent du rivage. Ce fait prouve, dit-on, la thèse de la sphéricité de la mer.
On peut faire la même observation sur la mer de Roum (Méditerranée), nommée aussi mer de Syrie et d’Egypte, à l’égard du mont el-Akra, dont on ne connaît pas la hauteur, et qui domine le territoire d’Antioche, de Latakieh, de Tripoli, de l’île de Chypre, etc.
Il disparaît aux yeux de ceux qui naviguent, parce qu’en avançant en pleine mer ils se trouvent au-dessous de son point de vue.
Nous aurons plus tard occasion de reparler du Donbawend, des légendes que racontent les Persans à ce sujet, et de Dohhak surnommé Dou’l’ Efwah, qui est enchaîné à la cime de cette montagne (chap. XXI).
Le sommet du Donbawend est un des principaux volcans et l’une des merveilles de la terre.

Histoire Islamique - Page 8 Reprc3a9santatation-du-monde-elon-tousi-salmani-1388-baghdad
Représentation du monde selon Tousi Salmâni

Tousi Salmâni, ‘Adjâyeb al-makhlouqât (Merveilles de la création). Copié à Bagdad en 1388.
BnF, Manuscrits (Suppl. Persan 332 fol. 58)
Les dimensions du globe ne sont pas moins controversées ; l’opinion générale admet entre le centre de la terre, et les limites de l’air et du feu (l’atmosphère), une distance de cent soixante-huit mille milles.
La terre est trente-sept fois et une fraction plus grande que la lune ; elle est vingt-trois fois plus grande que Mercure et vingt-quatre fois plus grande que Vénus.
Le soleil a cent soixante (six) fois, plus trois huitièmes, la dimension de la terre, et deux mille six cent quarante fois celle de la lune ; la terre n’est donc que le 1/160e du soleil.
Le diamètre du soleil est de quarante-deux mille milles.
Mars a soixante-trois fois la grandeur de la terre, et un diamètre de huit mille sept cents milles et demi.
Jupiter a quatre-vingt-une fois trois quarts la grandeur de la terre, et un diamètre de trente-trois mille deux cent seize milles.
Saturne est quatre-vingt-dix-neuf fois et demie plus grand que la terre ; son diamètre est de trente-deux mille sept cent quatre-vingt-six milles. Les étoiles fixes de première grandeur sont au nombre de quinze, et ont chacune quatre-vingt-quatorze fois et demie la dimension de la terre.
Distance des astres à la terre.
— La lune, quand elle est le plus rapprochée de la terre, en est éloignée de cent dix-huit mille milles, sa distance extrême est de cent vingt-quatre mille milles.
La plus grande distance de Mercure à la terre est de neuf cent mille sept cent trente milles ; celle de Vénus, de quatre millions dix-neuf mille six cents milles ; celle du soleil, de quatre millions huit cent vingt mille milles et demi ; celle de Mars, de trente-trois millions six cent mille milles et une fraction ; celle de Jupiter, d’un peu moins de cinquante-quatre millions cent soixante-six mille milles ; enfin, celle de Saturne, d’un peu moins de soixante-dix-sept millions de milles. Telle est à peu près la distance extrême des étoiles fixes à la terre.
C’est sur la division, les degrés et les mesures que nous venons de mentionner, que sont établis les calculs relatifs au temps et aux éclipses. Plusieurs instruments et astrolabes ont servi à cette étude, et un grand nombre de traités ont été composés dans ce but.
Ce sujet est si vaste que nous ne pourrions le traiter, même partiellement, sans entrer dans de longs développements.
Bornons-nous donc à ces explications sommaires, qui peuvent faciliter l’étude plus approfondie de ces sciences auxquelles nous avons donné une plus grande place dans nos ouvrages précédents.
Le présent livre ne doit présenter que des aperçus et des généralités.

Histoire Islamique - Page 8 Harran-har62689
La première université au monde Harran (Turquie) faite par le calife Abbasside Harun al-Rashid pour la traduction des textes grecs etc.

Les Sabéens de Hairan (Harran), qui ne sont que les disciples grossiers des Grecs, et la lie des philosophes anciens, ont établi dans leurs temples une hiérarchie de prêtres qui correspond aux neuf sphères ; le plus élevé porte le nom de Ras Koumra (chef des prêtres). Les chrétiens, qui leur ont succédé ont conservé, dans la hiérarchie ecclésiastique l’ordre institué par la secte sabéenne. Ils donnent à ces différents degrés de dignité, le nom d’altaat. La première est celle des as-salat (ostialus, portier) ; la seconde, celle des agsat (lecteur) ; la troisième, celle des youdaqoun (exorciste) ; la quatrième, celle des chemas (acolyte) ; la cinquième, celle des kasis (diacre) ; la sixième, celle des bardout (prêtre) ; la septième, celle des hourasfitos (archipresbyter) ou vicaire de l’évêque ; la huitième est celle d’askaf (episcopus) ; la neuvième, celle de mitran, ce qui veut dire chef de la ville (métropolitain). Enfin au-dessus de tous ces grades est celui de batrik, c’est-à-dire le père des pères (patriarche), ou bien de tous les dignitaires que nous venons d’énumérer, et autres encore qui ont un rang inférieur. Telle est l’opinion des chrétiens instruits relativement à cette hiérarchie ; mais le vulgaire a des traditions différentes à cet égard ; il parle de l’apparition d’un ange, et raconte différentes choses que nous n’avons pas besoin de rapporter. Cette institution existe chez les Melkites, qui sont comme ta colonne et la base du christianisme, tandis que les chrétiens orientaux, c’est-à-dire les Abadites, surnommés Nestoriens et Jacobites, se sont séparés d’eux et ont fait schisme. Il est hors de doute que les chrétiens ont emprunté l’idée première de cette hiérarchie aux Sabéens et que le kasis, le chemas, etc. sont dus à l’influence des Manichéens. Il faut en excepter cependant les Masdekites, les Chemmaïtes, et d’autres sectes. Manès, le fondateur du manichéisme, vécut après le Messie ; il en est de même d’Ibn Daisan et de Markion, chefs des Datsanites (Bardéçanites) et des Markionites ; plus tard les Masdekites et d’autres partisans des doctrines dualistes se séparèrent de ces premières sectes.
On trouvera dans les Annales historiques et l’Histoire moyenne de curieux renseignements sur ces différentes sectes, les contes puérils et les inventions fabriquées par elles. Nous en avons parlé également dans notre ouvrage intitulé Discours sur les bases des croyances, et nous avons réfuté ces opinions et renversé ces théories dans un autre livre, qui a pour titre Explication des principes de la religion. Ici nous ne pouvons traiter ces matières qu’incidemment, et dans le rapide exposé que nous en donnons, nous cherchons à faire l’historique de la secte et de la doctrine, pour que ce livre n’offre pas de lacunes ; mais nous écartons toute espèce d’examen et de controverse.

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a carte du monde de Mahmud al-Kashgari 1072. publié dans B. Atalay, Dîvânü Lugat-it-Turk Tercumesi, Ankara 1940.
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Message  Arlitto Mar 03 Mai 2016, 17:26

CHAPITRE IX.

RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX SUR LES MIGRATIONS DES MERS, ET SUR LES PRINCIPAUX FLEUVES.
L’auteur de la Logique (Aristote, Meteorologica, t. I, ch. XIV) dit que les mers se transportent d’un lieu à un autre dans le cours des âges, et la suite des siècles. En effet, toutes les mers ont un mouvement constant ; mais, comparé à la niasse des eaux, à l’étendue de leur surface et à la profondeur de leur lit, ce mouvement est insensible. Cependant il n’y a aucune partie de la terre qui reste éternellement humide ou sèche ; mais elle change et se modifie sous l’action des fleuves, qui tantôt s’y déversent et tantôt s’en retirent. Telle est la cause de la transformation de la mer et du continent ; loin de rester constamment l’un et l’autre dans leur état primitif, le continent vient occuper la place envahie par la mer, et réciproquement. Ces révolutions sont déterminées par le cours des fleuves ; en effet, le lit des fleuves a ses périodes de jeunesse et de déclin, ou de vie et de mort ; il se développe et dépérit comme l’animal et la plante, avec cette différence, toutefois, que dans ceux-ci la croissance et le déclin ne se manifestent pas partiellement, mais que toutes les parties de leur être dépérissent et meurent en même temps. La terre, au contraire, décroît et vieillit successivement sous l’influence de la révolution du soleil.
L’origine des fleuves et des sources a soulevé des discussions. Selon les uns, ils proviennent tous de la grande mer, c’est-à-dire de la mer d’eau douce, qu’il ne faut pas confondre avec l’Océan. D’autres prétendent que l’eau se trouve dans la terre, comme les veines dans le corps. D’autres font le raisonnement suivant : c’est une loi de la nature que l’eau soit toujours de niveau, mais à cause de l’inégalité de la terre, qui est élevée d’un côté et déprimée de l’autre, l’eau s’est retirée dans les bas-fonds. Retenue dans ces profondeurs, elle tend à se répandre au dehors par suite de la compression que la terre exerce sur elle ; des crevasses se forment dans le sol, et livrent passage aux sources et aux fleuves. Souvent aussi l’eau est le produit de l’air renfermé dans les entrailles de la terre ; elle ne doit pas être considérée alors comme un élément, mais seulement comme engendrée par la corruption et les exhalaisons du sol. Nous ne citerons pas toutes les opinions auxquelles ce sujet a donné lieu, car nous cherchons à être bref et concis ; nous renvoyons donc, pour les détails, à nos autres ouvrages.

Histoire Islamique - Page 8 Halab-syrie-euphrate
L’Euphrate, à Hallab , Syrie (sham)

On a cherché depuis longtemps la source, l’embouchure et l’étendue du parcours des grands fleuves, tels que le Nil, l’Euphrate, le Tigre, le fleuve de Balkh ou Djeïhoun, le Mehran, qui arrose le Sind ; le Gange, fleuve important de l’Inde ; le Sabbato, qui n’est pas moins grand ; le Tanabis (Tanaïs), qui se jette dans la mer Nitas (mer Noire), etc.
J’ai vu dans la Géographie (de Ptolémée) une figure représentant le Nil sortant du pied de la montagne el-Komr.
Ses eaux, qui jaillissent d’abord de douze sources, se déversent dans deux lacs semblables aux étangs (de Basrah) ; elles se réunissent au sortir de là, et traversent des régions sablonneuses et des montagnes.
Le Nil poursuit sa marche à travers cette partie du Soudan qui avoisine le pays des Zendj et donne naissance à un bras qui va se jeter dans la mer de Zendj.
Cette mer baigne l’île de Kanbalou (Madagascar ?), île bien cultivée, et habitée par des musulmans qui parlent la langue des Zendj.
Ils s’emparèrent de cette île en faisant captive toute la population zendjite, à l’époque de la conquête de l’île de Crète, dans la Méditerranée, par les musulmans, au commencement de la dynastie abbasside et vers la fin du règne des Omeyades.
De cette ville à Oman il y a environ cinq cents parasanges, d’après ce que disent les marias ; mais c’est une simple conjecture et non une évaluation rigoureuse. Plusieurs patrons (nakhoda) de Siraf et d’Oman, qui fréquentent ces parages, disent avoir observé dans cette mer, lors de la crue du Nil, en Egypte, ou peu de temps avant cette époque, un courant d’eau qu’il est difficile de couper, à cause de sa rapidité extrême.
Ce courant, qui sort des montagnes du Zendj et s’étend sur un mille de largeur, est formé d’une eau douce et limpide, qui se trouble au moment de la crue du Nil en Egypte et dans le Saïd.
On trouve dans cette mer le chouhman, ou crocodile, si commun dans le Nil ; on le nomme aussi el-waral.
El-Djahez prétend que le Mehran (Indus), fleuve du Sind, provient du Nil, et donne comme preuve l’existence des crocodiles dans le Mehran.
J’ignore où il a été chercher un pareil argument.
Il a avancé cette thèse dans son livre des Grandes villes et des merveilles de la terré.
C’est un excellent travail ; mais l’auteur, n’ayant pas navigué, ni assez voyagé pour connaître les royaumes et les cités, ignorait que le Mehran du Sind sort de sources bien connues, situées dans la haute région du Sind, le territoire de Kanoudj, le royaume de Baourah, les pays de Rachmir, de Kandahar et de Tafen, et qu’il entre ensuite dans le Moultan, où il reçoit le nom de Mehran d’or, de même que le mot Moultan signifie la frontière d’or.
Ce royaume obéit à un Koraïchite de la famille d’Oçamah, fils de Lowayi, fils de Galib, et c’est le rendez-vous général des caravanes qui se dirigent vers le Khoraçan.
Un autre Koraïchite de la branche de Habbar, fils d’el-Aswad, règne dans le pays d’el-Mansourah ; la couronne du Moultan est héréditaire dans la même famille depuis la naissance de l’islam.
Le Mehran, après avoir traversé le pays d’el-Mansourah, se jette dans la mer de l’Inde, non loin du territoire de Deiboul.
Les crocodiles abondent, il est vrai, dans les adjwan ou baies formées par cette mer, telles que la baie de Sindaboura, dans le royaume indien de Baguirah, ou la baie de Zabedj (Java), dans les États du Maharadja, et la baie des Aguiab, dans le voisinage de l’île de Serendib (Ceylan).
Les crocodiles vivent surtout dans l’eau douce, et les bras de mer que nous venons de citer dans l’océan Indien sont ordinairement formés d’eau douce, parce qu’ils reçoivent les eaux pluviales.

Histoire Islamique - Page 8 Ni-ibn-hawqal
Les sources du Nil

Ibn Hawqal, Manuel de géographie. Fin Xe siècle. Copie du XVIe siècle d’après un manuscrit de 1443-1444. (35 x 43 cm).
BnF, Manuscrits (Arabe 2214 fol. 11v-12)
Revenons maintenant à la description du Nil. Les savants disent qu’il parcourt une étendue de neuf cents, et, selon quelques-uns, de mille parasanges, à travers des contrées cultivées et stériles, habitées ou désertes, jusqu’à ce qu’il arrive à Aswan (Syène), dans la haute Egypte.
C’est là que s’arrêtent les navires qui remontent le fleuve depuis Fostat (vieux Caire) ; car, à quelques milles d’Aswan, le Nil traverse des montagnes et des rochers qui rendent la navigation impossible.
Ces montagnes forment la ligne de démarcation entre la portion du fleuve parcourue par les bâtiments abyssiniens et celle que fréquentent les musulmans ; c’est ce que l’on désigne sous le nom de cataractes (littéral, les pierres et les rochers).
Le Nil arrive à Fostat, après avoir traversé la haute Egypte (Saïd), passé devant la montagne de Tailemoun et franchi l’écluse d’el-Lahoun dans le Faïoum ; cet endroit que le fleuve traverse est nommé l’île de l’habitation de Joseph.
Nous parlerons plus bas (chap. XXI) de l’histoire de l’Egypte, de ses districts et des monuments que ce pays doit à Joseph.
Le Nil se partage ensuite en plusieurs branches, qui se dirigent sur Tennis, Damiette et Rosette, jusqu’à Alexandrie, et il se décharge dans la Méditerranée ; il forme plusieurs lacs dans ces parages.
Cependant le Nil s’est retiré du territoire d’Alexandrie avant la crue de la présente année (332 de l’hégire).
Je me trouvais à Antioche et sur les frontières de la Syrie, lorsque je reçus la nouvelle que le fleuve venait d’atteindre dix-huit coudées ; mais je ne pus savoir si l’eau avait pénétré ou non dans le canal d’Alexandrie.
Alexandre, fils de Philippe de Macédoine, bâtit cette ville sur ce bras du Nil ; la plus grande partie du fleuve pénétrait dans ce canal et arrosait les campagnes d’Alexandrie et de Mariout (Maréotis).
Le pays de Mariout, en particulier, était cultivé avec le plus grand soin, et offrait une suite non interrompue de jardins jusqu’à Barkah, dans le Maghreb.
Les bâtiments qui descendaient le Nil arrivaient jusqu’aux marchés d’Alexandrie, dont les quais étaient formés de dalles et de blocs de marbre. Plus tard des éboulements ont bouché ce canal et empêché l’eau d’y entrer ; d’autres obstacles encore n’ont pas permis, dit-on, de nettoyer le canal et de donner un libre cours à l’eau ; mais nous ne pouvons admettre tous ces détails dans un livre qui n’est qu’un résumé.
Depuis lors les habitants boivent de l’eau de puits, car ils sont à une journée environ du fleuve.
On trouvera plus bas, dans le chapitre consacré à Alexandrie, d’autres détails sur cette ville et sa fondation (voy. chap. XXIII).
Quant au bras du Nil qui, ainsi que nous l’avons dit, se jette dans la mer du Zendj, ce n’est qu’un canal qui sort du bassin supérieur du Zendj et sépare ce pays des frontières habitées par les races abyssiniennes.
Sans ce canal, de vastes déserts et les sables mouvants, les hordes turbulentes et innombrables des Zendj auraient chassé les Abyssiniens de leur pays natal.

Histoire Islamique - Page 8 The-oxus-river
La rivière Oxus (Djihoun en arabe) . Sur le site ou eu lieu une terrible bataille entre le califat Rashidun et l’empire Sassanide.

Le fleuve de Balkh, ou Djeïhoun (Oxus), sort de différentes sources, traverse le pays de Termed, Esferaïn et d’autres parties du Khoraçan, et entre dans le Kharezm. Là il se divise en plusieurs branches, qui arrosent le pays ; le surplus de ses eaux se jette dans le lac (lac d’Aral), sur les bords duquel est le bourg de Djordjanieh, au-dessous de la ville de Kharezm.
C’est le plus grand lac de cette contrée, et, au dire de quelques-uns, du monde habité, car il ne faut pas moins d’un mois pour le parcourir en long et en large.
Il est navigable, et reçoit le fleuve de Ferganah et de Chach qui traverse le pays de Farab, la ville de Djedis, et qui est accessible aux bâtiments jusqu’à son embouchure. Sur ses bords s’élève une ville turque nommée la Ville-Nouvelle (Yengui-Kent), où vivent plusieurs musulmans.
La plupart des Turcs qui habitent cette contrée, tant nomades que citadins, appartiennent à la tribu des Gozz, qui se divisent en trois hordes nommées la grande, la petite et la moyenne.
Ils se distinguent des autres Turcs par leur valeur, leurs yeux bridés et l’exiguïté de leur taille.
Cependant l’auteur de la Logique (Aristote), dans le quatorzième et le dix-huitième livre de son Traité des animaux, parlant de l’oiseau nommé grue (γέρανος), dit qu’il y a des Turcs d’une stature encore plus petite.
On trouvera d’autres détails sur les Turcs dans divers passages de notre livre, et dans le chapitre qui leur est consacré.

Histoire Islamique - Page 8 This-is-part-the-ruins-of-one-of-the-outer-walls-of-the-ancient-city-of-balkh
Ruines des anciens murs de Balkh, al-Khorasan, Afghanistan

La ville de Balkh possède un poste (ribat) nommé el-Akhchéban, et situé à vingt jours de marche environ. En face vivent deux tribus de Turcs infidèles, les Oukhan et les Tibétains, et à leur droite d’autres Turcs nommés Igan.
C’est dans le territoire de ceux-ci qu’est la source d’un grand fleuve nommé aussi fleuve d’Igan. Plusieurs personnes instruites prennent ce fleuve pour le commencement du Djeïhoun, ou fleuve de Balkh.
Le Djeïhoun a un parcours de cent cinquante parasanges, selon les uns, et de quatre cents parasanges selon ceux qui le confondent avec le fleuve des Turcs ou Igan.
Quant aux auteurs qui avancent que le Djeïhoun se jette dans le Mehran (Indus), ils sont dans l’erreur.
Nous ne parlerons ni de l’Aracht noir, ni de l’Aracht blanc, sur les bords duquel est le royaume des Keimak-Baigour (Ouigour ?), tribu turque originaire du pays au-delà du fleuve de Balkh ou Djeïhoun.
Une autre tribu turque, les Gourites, habitent les bords de ces deux fleuves, qui sont l’objet de récits détaillés.
J’ignore et, par conséquent, je ne puis déterminer l’étendue de leur parcours.
Le Gange est un fleuve de l’Inde qui sort des montagnes situées dans la partie la plus reculée de l’Inde, du côté de la Chine, et près du pays habité par la peuplade turque des Tagazgaz. Après un parcours de quatre cents parasanges, il se jette dans la mer Abyssinienne sur la côte de l’Inde.
L’Euphrate prend sa source dans le territoire de Kalikala (Erzeroum), ville frontière de l’Arménie ; il sort des montagnes d’Afradohos, à un jour de marche de cette ville. Il a une étendue de cent parasanges, et traverse le pays de Roum avant d’arriver à Malatiyeh.
Un de nos coreligionnaires, qui a été prisonnier chez les chrétiens, m’a assuré que l’Euphrate, dans sa course à travers le pays de Roum, reçoit plusieurs affluents, entre autres un fleuve qui sort du lac el-Marzeboun, le lac le plus vaste de cette contrée ; il est navigable et n’a pas moins d’un mois de navigation en long et en large.
L’Euphrate arrive ensuite au pont de Manbedj, après avoir passé sous le château de Somaisat (Samosate), nommé aussi le Château de terre.
Il continue sa course vers Balès, et Siffin, signalé par une bataille entre les habitants de l’Irak et de la Syrie ; il passe successivement devant Rakkah, er-Rahbah, Hit et el-Anbar, où il donne naissance à plusieurs canaux, comme le Nehr-Yça, etc. qui coulent du côté de Bagdad et se jettent dans le Tigre.
L’Euphrate se dirige ensuite vers le pays de Soura, le château d’Ibn Hobeirah, Koufah, el-Djameeïn, Ahmed-Abad, en-Ners, et et-Tofouf, et se jette enfin dans l’étang qui est entre Basrah et Waçit.
Son parcours entier est de cinq cents parasanges, ou davantage, selon d’autres.
Le bras principal de l’Euphrate se dirigeait autrefois sur Hirah, où son ancien lit, encore visible aujourd’hui, est nomméel-Atik (l’ancien) ; c’est là qu’eut lieu la fameuse bataille de Kadiçieh, entre les musulmans et Roustem.
De Hirah, le fleuve se jetait dans la mer d’Abyssinie, qui recouvrait à cette époque l’emplacement nommé aujourd’hui en-Nedjef ; c’étaient là qu’arrivaient les bâtiments venus de la Chine et de l’Inde, à destination des rois de Hirah.

Histoire Islamique - Page 8 Carte-darabie-dressc3a9e-uniquement-sur-la-description-quen-a-fait-abdulfeda-ismac3abl-sultan-de-hamah-en-son-livre-de-gc3a9ographie-intitulc3a9-takouin-al-buldan-quil-acheva-dc3a9cri
Carte d’Arabie dressée uniquement sur la description qu’en a fait Abdulfeda Ismaël, sultan de Hamah, en son livre de géographie intitulé Takouin-al-buldan, qu’il acheva d’écrire vers l’an de l’ère chrétiéne 1321 [sic] / par J.B. Bourguignon d’Anville

Plusieurs historiens anciens, parfaitement instruits des Journées des Arabes, tels que Hicham, fils de Mohammed el-Kelbi, Abou Mikhnef Lout, fils de Yahia, et Charki, fils d’el-Kitami, racontent ce qui suit : Khaled, fils d’et-Walid el-Makhzoumi, marcha contre Hirah, sous le règne d’Abou Bekr, après la conquête du Yemamah et la mort du faux prophète des Beni-Hanifah ; mais les habitants se fortifièrent dans le château Blanc, le château de Kadiçieh et celui des Beni-Tâlabah, situés tous trois à trois milles de Koufah, et complètement déserts et ruinés aujourd’hui (332 de l’hégire).

Khaled, fils d’el-Walid, voyant que l’ennemi s’était retranché dans ces forteresses, dressa son camp près de Nedjef et marcha en avant, à cheval et accompagné d’un célèbre cavalier arabe, Dirar, fils d’el-Azwar, l’Azdite.
Parvenus sous le château des Beni-Tâlabah, ils furent assaillis par des matières enflammées que leur lançaient les chrétiens abbadites, et le cheval de Khaled se mit à fuir. « Que Dieu te protège, dit Dirar à son compagnon, voilà le plus fort de leurs stratagèmes. »
Khaled retourna au camp et fit demander aux assiégés de lui envoyer un homme mûri par l’âge et l’expérience, afin qu’il l’interrogeât sur ce qui les concernait. Ils lui députèrent Abd el-Meçih, fils d’Amr, fils de Kaïs, fils de Hayan, fils de Bokaïlah, le Gassanide.

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C’est le seul vestige visible de l’antique cité de Ctésiphon (appelée par les Arabes Al-Madaïn). Il a été construit par Chosroès, après une campagne contre les Byzantins en l’an 540. En 636, les Arabes musulmans , avaient envahi depuis 633 les territoires de l’Empire sassanide, les ont vaincus lors d’une grande bataille connue sous le nom de bataille d’al-Qādisiyyah .
Ce Bokaïlah, qui avait construit le château Blanc, devait son surnom à ce qu’étant sorti un jour revêtu d’une étoffe de soie verte, les gens de sa tribu s’écrièrent en le voyant : « En vérité, il ressemble à un petit chou (bokaïlah) ! » C’est Abd el-Meçih qui se rendit auprès du célèbre devin Satih, le Gassanide, pour l’interroger sur les songes des Moubed, sur les secousses du palais ou Eiwan (à Ctésiphon), et sur le sort qui était réservé aux rois sassanides.

Ce même Abd el-Meçih, qui se présenta à Khaled, était alors âgé de trois cent cinquante ans. Khaled, en le voyant marcher lentement, lui demanda : « Vieillard, de quel lien descends-tu ?
—Des reins de mon père, répondit le cheikh.
—D’où viens-tu ?
— Du sein de ma mère.
— Malheur à toi ! sur quoi es-tu ? (c’est-à-dire, pourquoi es-tu venu ?)
—Je suis sur la terre.
— Que Dieu te confonde ! où es-tu ?
—Dans mes vêtements.
— As-tu perdu la tête ? puisses-tu la perdre !
— Certes par Dieu, elle est solidement attachée.
— Le fils de combien es-tu ? (c’est-à-dire quel âge as-tu ?)
— Le fils d’un seul homme.
— Mon Dieu, s’écria Khaled, maudis les gens de ce pays, pour le trouble qu’ils nous causent ! Je lui demande une chose, et il m’en répond une autre.
— Non certes, répliqua le vieillard, j’ai répondu avec précision à tes questions. Interroge-moi à ton gré.-
— Etes-vous Arabes ou Nabatéens ? demanda Khaled.
—- Des Arabes devenus Nabatéens, ou des Nabatéens devenus Arabes.
— Que préférez-vous, la paix ou la guerre ?
— La paix.
— Pourquoi donc ces forteresses ?
— Nous les avons bâties pour y enfermer les fous jusqu’à ce qu’un sage vienne les délivrer.
— Quel est ton âge ?
— Trois cent cinquante ans.
— Qu’as-tu vu dans ta vie ?
— J’ai vu les vaisseaux arriver jusqu’à nous sur cette hauteur (nedjef) chargés de marchandises du Sind et de l’Inde, et les vagues se briser sur le sol que tu foules à tes pieds. Vois aujourd’hui quel espace nous sépare de la mer ! Je me souviens d’avoir vu une femme de Hirah prendre son panier, le placer sur sa tête, et n’emporter qu’un pain comme provision, parce que, jusqu’à son arrivée en Syrie, elle ne traversait que des villages florissants, des champs bien cultivés, des vergers couverts de fruits et arrosés par des étangs et des canaux d’eau vive. Tu le vois aujourd’hui, ce n’est plus qu’un désert aride. C’est ainsi que Dieu en use avec le monde et ses habitants. »

Histoire Islamique - Page 8 Ruines-de-lancienne-citc3a9-de-hira-en-iraq
Ruines de l’ancienne cité Lakhmide de Hira en Iraq

Ces paroles jetèrent Khaled et tous les assistants dans un muet étonnement, car Abd el-Meçih était célèbre parmi les Arabes autant pour son extrême vieillesse, que pour sa sagesse consommée.
On prétend qu’il portait sur lui un poison foudroyant, et qu’il le tournait entre ses mains.
Khaled lui demanda ce qu’il tenait. C’est un poison, dit-il, qui tue instantanément.
— Quel usage veux-tu en faire ?
—En venant près de toi j’ai résolu que, si tu prenais une décision favorable à mes compatriotes et à moi, je l’accepterais et j’en remercierais Dieu ; sinon, ne voulant pas rapporter à mes compatriotes la honte et l’affliction, je prendrais ce poison et quitterais ce monde ; je n’ai d’ailleurs que peu de temps à vivre. — Donne-moi ce poison », dit Khaled, puis il le plaça dans la paume de sa main, prononça ces mots : « Au nom de Dieu, par l’aide de Dieu, au nom de Dieu, le maître de la terre et des cieux, par ce saint nom avec lequel rien ne peut nuire ! » et il avala le poison sans hésiter. Il s’évanouit sur-le-champ, et son menton se pencha sur sa poitrine ; puis il revint à lui et reprit ses forces, comme un homme qui a brisé ses chaînes.
Le vieillard, qui était Abbadite, c’est-à-dire chrétien nestorien, revint auprès des siens et leur dit : « Peuple, je viens de quitter Satan ; il a avalé un poison qui tue sur l’heure, et il n’en a éprouvé aucun mal. Hâtez-vous donc de conclure la paix et de l’éloigner.
Une influence supérieure veille sur cette nation ; sa fortune va s’élever sur les ruines de la famille de Sassan (Sassanide).
La croyance qu’elle apporte se répandra sur la terre et changera la face du monde. « Ils firent, en effet, la paix avec Khaled à la condition de payer cent mille drachmes, et de porter le sadj, ou turban (des chrétiens).
Après le départ de Khaled, Abd el-Meçih récita ces vers :
Devais-je donc, après le règne des deux Moundir, voir un autre drapeau flotter sur Khawarnak et Sedir,
Et tes cavaliers de toutes les tribus le fuir en redoutant la colère du lion.au rugissement terrible ?
Devais-je, après les exploits des guerriers de Noman, voir les troupeaux brouter entre Marrah et el-Hafirf
Mais la mort d’Abou Kobaïs nous a dispersés comme des brebis dans un jour d’orage.
Nous qui nous partagions librement les tributs de Mâdd, comme les membres d’un chameau immolé,
Nous payons un tribut aussi onéreux que celui de Khosroès, ou des enfants de Koraizah et de Nadir !
Ainsi le veulent les caprices de la fortune ; un jour et le apporte la prospérité, et le lendemain le malheur.
Nous n’avons rapporté ici cette anecdote que comme une preuve évidente de ce que nous avons avancé relativement aux migrations des mers, et au mouvement des cours d’eau et des fleuves, dans la suite des âges.
C’est ainsi que, l’eau s’étant retirée de cette localité, la mer a fait place à la terre ferme, et qu’aujourd’hui une distance de plusieurs jours sépare Hirah de la mer.
Quiconque a vu et examiné avec soin le Nedjef sera convaincu de l’exactitude de notre assertion.

Histoire Islamique - Page 8 Al-wassit
Ruines de la ville Omeyyade d’al-Wasit fondé par le général al-hajjaj ibn Yusuf al-Taqafy en 702

Il en est de même du Tigre de Basrah (el-Awrah), qui a changé de place, et se trouve aujourd’hui à une grande distance du Tigre. Il était nommé le ravin de Djoukha, et s’étendait depuis Badbin, dans le district de Wassit, jusqu’au territoire de Dour er-Raçebi, près de Sous (Chouster), dans le Khouzistan.
Un fait analogue a eu lieu sur la rive orientale de Bagdad, dans une localité nommée Rakkah ech-Chemmaçieh, où le fleuve a quitté brusquement le rivage occidental, les terrains cultivés entre Katrabbol et Bagdad, le bourg d’el-Kobb, el-Bochra, el-Ain et d’autres bourgades qui dépendent de Katrabbol.
C’est ce qui a donné lieu à des contestations entre les habitants de cette rive et ceux de la rive orientale qui possèdent Raktah ech-Chemmaçieh.
L’affaire fut portée devant le vizir Ali, fils d’Yça ; la décision que rendit alors ce ministre et le fait que nous rapportons sont de notoriété publique à Bagdad.
Si l’eau avance en trente ans d’environ un septième de mille, ce qui fait un mille en deux siècles, lorsque le fleuve s’est retiré de quatre mille coudées hors de son ancien lit, certains territoires deviennent par conséquent arides, et d’autres sont rendus à la culture.
Si l’eau rencontre un territoire déprimé d’où elle puisse s’écouler, elle prend un cours plus rapide et plus impétueux, et charrie à de grandes distances les terres qu’elle a rongées. Si elle trouve une vallée étendue, elle la remplit sur son passage, et le courant donne naissance à des lacs, des étangs et des marais.
C’est ainsi que certains territoires deviennent incultes et d’autres fertiles.
Il suffit d’un peu d’attention pour comprendre ce que nous disons.
Plusieurs historiens, qui ont étudié avec soin les annales du monde et des monarchies, assurent qu’à l’époque où le Prophète envoya un message au roi de Perse, c’est-à-dire l’an 7 de l’hégire, l’Euphrate et le Tigre éprouvèrent une crue excessive, et telle qu’on n’en avait jamais vu.
D’énormes fissures sillonnèrent le rivage, plusieurs fleuves sortirent de leur lit, rompirent leurs digues et leurs barrières, et inondèrent les plaines du pays.
Ce fut en vain que le roi Eberwiz (Perviz) chercha à contenir les eaux, en relevant les digues et en rétablissant les écluses : le fleuve renversa tous les obstacles et se répandit sur l’emplacement actuel des étangs.
Les fermes et les moissons furent submergées ; l’inondation envahit les districts et les cantons (taçoudj) environnants, et tous les efforts tentés pour maîtriser l’élément furent inutiles.
Plus tard, pendant que les Persans étaient absorbés par leur lutte contre les Arabes, l’eau étendit ses ravages sans que l’on cherchât à y remédier, et les étangs gagnèrent chaque jour du terrain.

Histoire Islamique - Page 8 Modc3a8le-dun-moulin-navire-utilisc3a9-sur-le-tigre-dans-le-10c3a8me-c
Reproduction d’un moulin-navire utilisé au 10eme siècle sur le Tigre sous les Abbassides dans la région de Baghdad

Sous le règne de Moawiah, Abd Allah, fils de Daradj, affranchi du khalife et chargé de percevoir l’impôt de l’Irak, gagna sur les étangs une étendue de terrain dont le produit s’éleva à quinze millions (de drachmes), en faisant couper les roseaux qui couvraient ces étangs et en refoulant l’eau à l’aide de digues et de barrières.
Par la suite, Haçan le Nabatéen, affranchi des Beni-Dabbah, sous le khalifat d’el-Walid, dessécha de nouveaux terrains dans les étangs, au profit d’el-Haddjadj.
Aujourd’hui le Batiyah, c’est-à-dire le territoire couvert et envahi par l’eau, est évalué à environ cinquante parasanges en long et en large.
Le centre de l’étang est occupé par un grand nombre de terres en friche, comme Kâr-el-Djamideh, ville entourée d’eau, et d’autres localités.
On remarque dans le fond, lorsque l’eau est claire, des débris de constructions en pierres ou en briques, les unes debout, les autres renversées, mais encore visibles. On peut faire la même observation dans le lac de Tinnis et de Damiette, qui renferme plusieurs villes et fermes, ainsi que nous le disons dans différents passages de ce livre et dans d’autres ouvrages.
Mais revenons au Tigre et décrivons sa source, son parcours et son embouchure.
Ce fleuve sort du territoire d’Amid, dans la province de Diarbekr ; mais ses sources sont situées dans le pays de Khilat, en Arménie.
Il reçoit différents affluents, tels que la rivière de Sarit et celle de Satidama, qui sort du pays d’Arzen et de Miafarikin.
Il reçoit également le Doucha et le Khabour. Celui-ci, venu de l’Arménie, se réunit au Tigre, entre la ville de Baçourin et le tombeau de Sabour, sur le territoire de Bakirda et de Bazibda, province de Moçoul.
La dynastie arabe des hamdanides , vassaux des abbassides (800-890) issue des Banu Taghlib
Ce pays appartient aux Beni-Hamdan, et il en est fait mention dans les vers suivants :
Bakirda et Bazibda, délicieux séjour au printemps et pendant l’été ! l’eau qui l’arrose est pure et fraîche comme celle du Paradis.
Ne pariez plus de Bagdad, de son sol brûlant comme du charbon et de sa chaleur accablante !
Il ne faut pas confondre le Khabour, dont il est question ici, avec un fleuve du même nom qui prend sa source près de la ville de Raçâïn et se décharge dans l’Euphrate, au-dessous de Kirkiçiah.
Le Tigre passe ensuite à Moçoul, et en sortant de cette ville, au-dessus de l’endroit nommé Hadit-el-Moçoul, il reçoit le grand Zab, qui vient de l’Arménie ; l’autre Zab, originaire de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, se réunit aussi au Tigre, en amont de la ville d’es-Sinn.

Histoire Islamique - Page 8 Tigrisriver-mossoul
Le tigre en dehors de Mossoul en Iraq

Le fleuve continue sa route vers Tekrit, Samarra et Bagdad, en recevant les eaux du Khandak, du Sorat et de Nehr-Yça, canaux qui partent de l’Euphrate pour aboutir au Tigre, comme nous l’avons dit plus haut. Sorti de Bagdad, le Tigre reçoit plusieurs affluents, comme le Dialeb, le Nehr-Bin, le Nehr-Rewan (Nahrouan), non loin de la contrée de Djardjaraia, d’es-Sib et de Nômanieh.
Après avoir traversé la ville de Waçit, il se partage en plusieurs fleuves (canaux) qui se dirigent vers l’étang de Basrah ; tels sont le Nehr-Sabès, le Yahoudi, le Chami, ainsi que le bras qui se dirige vers Koutr, et que suivent ordinairement les bâtiments qui, de Bagdad et de Waçit, se rendent à Basrah.
Le parcours entier du Tigre est de trois cents, et, selon d’autres, de quatre cents parasanges.
Nous avons passé ici sous silence un grand nombre de fleuves, nous bornant à nommer les plus importants et les plus connus.

Histoire Islamique - Page 8 Les-arabes-des-marais-des-grands-marais-du-delta-du-tigre-et-de-l_euphrate-au-sud-de-lirak
Les Arabes des marais (arabe : عرب الأهوار), appelés aussi Maadans ou Ma’dans (arabe : معدان), sont les habitants de la région des grands marais du delta du Tigre et de l’Euphrate, au sud de l’Irak, région où se situait selon la légende le Jardin d’Eden biblique. Ainsi que l’attestent des bas-reliefs sumériens, les Arabes des marais vivent de la même façon qu’il y a 5 000 ans, dans des villages lacustres formés de maisons de roseaux parsemés sur de vastes étendues d’eau.
 
Nous renvoyons le lecteur, pour de plus amples détails, à nos Annales historiques et à notre Histoire moyenne.
Nous aurons encore occasion de revenir sur les fleuves nommés plus haut, et de parler de ceux que nous avons omis.
La province de Basrah possède aussi plusieurs fleuves importants, comme le Nehr-Chirin, le Nehr ed-Deir et le fleuve d’Ibn Omar.
Il en est de même de la province d’el-Ahwaz et du pays situé entre elle et le territoire de Basrah et d’Obollah ; ce que nous en avons dit ailleurs nous dispense d’y revenir ici. Par la même raison nous ne parlerons pas de l’extrémité du golfe Persique vers Basrah et Obollah, ni du lieu connu sous le nom de Djerrarah, qui forme une baie non loin d’Obollah ; c’est ce voisinage qui rend salée l’eau de la plupart des rivières de Basrah,
En vue de cette baie, on a établi à l’entrée de la rade, près d’Obollah et d’Abbadan, trois échafaudages en bois sur lesquels on allume des feux pendant la nuit.
Ils s’élèvent comme trois immenses sièges au milieu de la mer, et préservent les bâtiments venus de l’Oman, de Siraf, etc. de se jeter dans cette baie de Djerrarah et les parages voisins, où ils trouveraient une perte assurée. Toute cette côte est remarquable par le nombre de ses cours d’eau et leur jonction avec la mer. A Dieu seul est la puissance !

Histoire Islamique - Page 8 Culture_swahilie
La mer de Zanj est l’ancien nom donné à la mer bordant la portion de la côte est-africaine que les géographes arabes du Moyen Âge appelaient Zanj. Ils y incluaient l’île de Madagascar ainsi que l’archipel des Mascareignes, c’est-à-dire la Réunion, Maurice et Rodrigues.
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Message  Arlitto Mar 03 Mai 2016, 17:26

CHAPITRE X.
RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX SUR LA MER D’ABYSSINIE ; OPINIONS DIVERSES SUR SON ETENDUE, SES GOLFES ET SES DETROITS.
On a déterminé les dimensions de la mer de l’Inde, qui n’est autre que la mer d’Abyssinie : sa longueur, de l’ouest à l’est, c’est-à-dire de l’extrémité de l’Abyssinie aux limites de l’Inde et de la Chine, est de huit mille milles ; sa largeur diffère selon les localités, et elle varie entre deux mille sept cents milles et dix-neuf cents milles.
On donne encore, relativement à l’étendue de cette mer, différentes évaluations que nous passerons sous silence, parce que, aux yeux des gens du métier, elles ne reposent sur aucune preuve satisfaisante. Quoi qu’il en soit, cette mer est la plus vaste du monde habité.
Elle forme sur les côtes d’Abyssinie un canal qui s’avance dans, la contrée de Berbera, portion du pays habité par les Zendjs et les Abyssins.
Ce canal, connu sous le nom de Berberi, a cinq cents milles de longueur, et sa largeur, d’une rive à l’autre, est de cent milles.
Il ne faut pas confondre ce territoire de Berbera avec le pays des Berbers, situé dans le pays nommé Ifriqiya, pays bien distinct de celui dont nous parlons, et qui n’a de commun avec lui que le nom.
Les pilotes de l’Oman traversent ce canal pour gagner l’île de Kanbalou (Madagascar ), située dans la mer de Zanguebar, et habitée par une population mélangée de musulmans et de Zendjs idolâtres.
Ces mêmes marins de l’Oman prétendent que ce détroit de Berberi, qu’ils désignent par le nom de mer de Berbera et de pays de Djafouna, est d’une étendue plus grande que celle que nous venons d’indiquer ; ils ajoutent que ses vagues ressemblent à de hautes montagnes, et ils les nomment des vagues aveugles, sans doute parce que, après s’être enflées comme d’énormes montagnes, elles se creusent en forme de profondes vallées ; mais elles ne se brisent pas, et ne sont jamais couvertes d’écume, comme on le remarque dans les autres mers.
Ils leur donnent aussi le nom de vagues folles.

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La mosquée al-Masjid al-Qiblatayn ( « Mosquée des deux Qiblas») (620-630) à Zeilah, en Somalie est l’une des plus vielle mosquée au monde elle fut construite lorsque la qibla étais à Jerusalem et reconstruite lors du changement de qibla. (région Berberi ou Berbera)

Les marins qui fréquentent ces parages sont des Arabes de l’Oman et de la tribu de Azd ; lorsqu’ils ont gagné le large, et qu’ils montent et descendent au gré de cette mer agitée, ils chantent en cadence le refrain suivant :
Berbera et Djafouna, que vos vagues sont folles !
Djafouna et Berbera, voilà leurs vagues.
Le terme de leur course sur la mer de Zendj est l’île de Kanbalou, dont nous avons déjà parlé, et le pays de Sofalah et des Wakwaks, situé sur les confins du Zanguebar et au fond de ce bras de mer.
Les Sirafiens font aussi cette traversée, et j’ai moi-même navigué sur cette mer en partant de Sendjar, capitale de l’Oman, en compagnie de plusieursnakhoda, ou pilotes sirafiens, entre autres Mohammed, fils de Zeïdboud et Djewner, fils d’Ahmed, surnommé Ibn Sirah ; celui-ci y périt plus tard avec tout son équipage.
Ma dernière traversée de l’île de Kanbalou à l’Oman remonte à l’année 304. J’étais à bord d’un bâtiment appartenant à Ahmed et à Abd es-Samed, tous deux frères d’Abd er-Rahim, fils de Djafar le Sirafien, habitant de Mikan, qui est un des quartiers de Siraf, et ces deux mêmes personnages, Ahmed et Abd es-Samed, fils de Djafar, ont péri ensuite corps et biens dans cette mer.
Histoire Islamique - Page 8 450px-qanrestan_siraaffront-de-mer-c3a0-siraf
Le front de mer de Siraf , Iran ville ultra importante sur les routes maritimes

Lors de mon dernier voyage, l’émir de l’Oman était Ahmed, fils de Helal, fils d’une sœur d’el-Kaïtal. Certes, j’ai navigué sur bien des mers, la mer de Chine, de Roum, des Khazars, de Kolzoum et du Yémen, j’y ai couru des dangers sans nombre ; mais je n’en connais pas de plus périlleuse que cette mer de Zendj, dont nous venons de parler.
C’est là aussi qu’on rencontre le poisson nommé el-owal (baleine), qui atteint quelquefois une longueur de quatre à cinq cents coudées omari, mesure usitée dans le pays ; mais sa longueur ordinaire est de cent coudées. Souvent, par les temps de calme, il sort hors de l’eau l’extrémité de ses nageoires, qu’on peut comparer à la grande voile d’un navire ; par intervalles, il dresse la tête et lance par ses ouïes une colonne d’eau qui s’élève au-dessus d’une portée de flèche. Les marins, qui nuit et jour redoutent son approche, heurtent des morceaux de bois ou battent le tambour pour le tenir à distance. C’est à l’aide de sa queue et de ses nageoires qu’il saisit et porte à sa gueule les poissons dont il se nourrit ; il la dilate de façon à ce que sa proie tombe au fond de son ventre. Dieu, pour réprimer les excès de ce monstre, dirige contre lui un poisson qui n’a qu’une coudée de long, et qu’on nomme lechk (peut-être la leiche, famille des squales). Celui-ci s’attache à la racine de l’oreille (évent) de la baleine, qui, ne pouvant se débarrasser de son ennemi, plonge à une grande profondeur, se heurte contre le fond et finit par expirer ; on voit alors son cadavre flotter à la surface de l’eau, semblable à une haute montagne. Lorsque le poisson nommélechk s’attache à un bâtiment, la baleine, malgré sa haute stature, n’ose s’approcher du navire, et prend la fuite à la vue de ce faible ennemi, dont l’attaque est toujours la cause de sa mort.

Histoire Islamique - Page 8 Crocodile-measuring-8-6m-shot-by-a-hunter-in-queensland-australia-in-1957
Crocodile mesurant 8.6m tué dans le Queensland en Australie en 1957

Il en est de même du crocodile, qui a pour ennemi un petit reptile vivant sur le rivage ou dans les îles du Nil (le nems, ou mangouste).
Le crocodile n’ayant pas d’orifice intestinal, ses aliments se convertissent en vers dans son estomac ; lorsque ces animaux le tourmentent, il sort du fleuve et se renverse sur le dos, en tenant sa gueule béante.
La Providence lui envoie alors quelques oiseaux aquatiques, comme le taïtawi, le haçani, le chamirek, etc. qui, habitués à le voir dans cette situation, dévorent tous les gros vers qui ont pris naissance dans le corps de cet animal.
Le petit reptile, qui se tient en embuscade dans le sable, profite de ce moment pour sauter dans son gosier et s’introduire dans l’intérieur de son corps.
En vain le crocodile se heurte contre le sol et regagne le fond du Nil ; son adversaire, maître de la cavité où il s’est logé, lui déchire l’abdomen et sort par cette ouverture ; il arrive souvent que le crocodile se donne volontairement la mort avant d’être délivré du reptile, qui sort ensuite de son corps.
Ce reptile, qui n’a guère qu’une coudée de long, ressemble à la belette, et il est pourvu d’un grand nombre de pieds et de griffes.

Histoire Islamique - Page 8 Gustave-croco-du-nil
Gustave, est un crocodil du Nil,qui aurait tué 300 humains, il pèse 1 tonne, 6m1 de long, et plus de 60 ans d’age.

La mer de Zendj renferme encore plusieurs sortes de poissons, qui présentent les formes les plus variées. Sans la tendance qu’a l’esprit humain à nier ce qu’il ignore, et à rejeter tout ce qui sort du cercle habituel de ses connaissances, nous pourrions parler d’un grand nombre de merveilles qu’offre cette mer, des serpents et des animaux qu’elle renferme, et, en général, de tous les phénomènes que recèlent les mers.
Mais revenons à notre sujet et décrivons les ramifications de la mer d’Abyssinie, ses détroits, les baies et les langues de terre qu’elle forme. Un autre canal, dérivé de la mer d’Abyssinie, pénètre jusqu’à la ville de Kolzoum, sur le territoire égyptien, et à trois jours de Fostat (vieux Caire).
Ce canal, qui longe la ville d’Eïlah, le Hedjaz, Djeddah et le Yémen, a une longueur de quatorze cents milles, sur deux cents milles de large dans sa moindre largeur et sept cents milles au point de sa largeur extrême.
En face du Hedjaz et de la ville d’Eïlah, sur la rive occidentale de ce golfe, on rencontre le pays d’Allaki, le territoire d’Aïdab, situé dans la haute Egypte et dans le pays des Bedjah ; puis vient le pays des Abyssins et des nègres, jusqu’à l’endroit où le golfe rejoint l’extrémité inférieure du pays des Zendjs, non loin du pays de Sofalab.
Un autre bras de la même mer forme la mer Persique, qui s’étend jusqu’à Obollah, les Barrages et Abbadan, dans la province de Basrah. Ce golfe a quatorze cents milles de long, et à son orifice il n’a pas moins de cinq cents milles de large ; mais en différents endroits ses deux rives ne sont qu’à une distance de cent cinquante milles.
La forme de ce golfe est un triangle, dont le sommet est situé à Obollah.
A l’est il longe la côte du Fars, depuis la contrée de Dawrak el-Fours, la ville de Mahruban, Siniz où se fabriquent les tissus brochés et autres étoffes nommées sinizi, la ville de Djennaba, qui donne son nom aux étoffes dites djennabi, la ville de Nadjirem, qui dépend de Siraf, et la contrée des Beni-Amarah.
On rencontre ensuite la côte du Kerman, ou pays d’Hormuz, ville située en face de Sendjar, dans l’Oman ; en suivant toujours le bord oriental du golfe, on arrive dans le Mekran, habité par les hérétiques nommés Chorat ; ce pays abonde en palmiers.

Histoire Islamique - Page 8 Central_Makran_Range,_Pakistan_02_(2294352544)
Le Makran ou Mékran est la région située au sud du Baloutchistan, en Iran et au Pakistan.

Après Tiz (capitale) du Mekran commence le littoral du Sind, où sont les bouches du Mehran (Indus), principal fleuve de cette contrée, dont nous avons fait mention précédemment.
Dans ces parages s’élève la ville de Deïboul ; c’est là que la côte indienne se joint au territoire de Barond, où l’on fabrique les lances dites baroudi ; enfin la côte se prolonge sans interruption, tantôt cultivée, tantôt stérile, jusqu’en Chine.
Sur la rive opposée aux côtes du Fars, au Mekran et au Sind, se trouvent le pays d’el-Bahreïn, les îles de Kotor, le littoral des Beni-Djodaïmah, l’Oman, le Mahrah jusqu’au promontoire de Djomhamah, situé dans le pays d’ech-Chihr et d’el-Ahkaf.
Le golfe renferme plusieurs îles, telles que l’île de Kharek, nommée aussi pays de Djennaba, parce qu’elle fait partie de ce territoire et qu’elle est à peu de parasanges de Djennaba ; c’est dans cette île que l’on pêche les perles connues sous le nom de khareki.

Histoire Islamique - Page 8 Bellin_-_Karte_von_der_K%C3%BCste_von_Arabien_c.1745_%28crop%29
Map de la région du Bahrein

Telle est aussi l’île d’Owal, habitée par les Beni-Maan, les Beni-Mismar et plusieurs autres tribus arabes ; elle n’est qu’à une journée ou même moins des villes d’el-Bahreïn.
Sur cette côte, qui prend le nom de côte de Hedjer, s’élèvent les villes de Zareh et d’el-Katif ; à la suite de l’île d’Owal viennent plusieurs autres îles, entre autres celle de Lafet, ou île des Beni-Kawan, qui fut conquise par Amr, fils d’el-Ass, et l’on y voit encore une mosquée qui porte son nom ; cette île est bien peuplée, couverte de villages et de plantations.
Dans son voisinage est l’île de Hendjam où les marins font leur approvisionnement d’eau ; non loin de là sont les récifs désignés par le dicton KoçeïrOwaïr et un troisième (récif) qui n’est pas moins funeste ; et enfin le Dordour (tourbillon) ou Dordour Moçendam, auquel les marins donnent le sobriquet d’Abou-Homaïr (?).
Ces écueils sont formés par de sombres rochers, qui se dressent hors de l’eau ; ils ne renferment ni végétation ni être animé, et sont entourés par une mer profonde, dont les vagues furieuses frappent d’épouvanté le navigateur qui s’en approche.

Histoire Islamique - Page 8 Batten-arabe-zanj
Bateau arabe dans le pays des Zandj, inspiré du manuscrit Abbasside al-Maqamat d’al-Hariri 13e siècle

Ces dangereux parages, compris entre l’Oman et Siraf, sont sur la route directe des bâtiments, qui ne peuvent éviter de s‘y engager ; les uns y périssent, les autres s’en retirent sains et saufs.
Cette mer ou golfe du Fars, nommée mer Persique, baigne, ainsi qu’on vient de le voir, le Bahreïn, la Perse, Basrah, Oman et le Kerman, jusqu’au promontoire de Djomhamah.
Elle est séparée du canal de Kolzoum (mer Rouge) par Eïlah, le Hedjaz et le Yémen, c’est-à-dire par un continent dont la largeur est évaluée à quinze cents milles, et qui est formé par une langue de terre que la mer environne de presque tous les côtés ; nous en avons déjà parlé.
Telle est la configuration des mers qui baignent la Chine, l’Inde, la Perse, Oman, Basrah, le Bahreïn, le Yémen, l’Abyssinie, le Hedjaz, Kolzoum, le Zanguebar et le Sind.
Quant aux nombreuses populations qui vivent dans leurs îles ou sur leurs côtes, Dieu seul qui les a créées en connaît le nombre, et pourrait les décrire. Bien que chacune de ces mers soit distinguée par un nom particulier, elles ne forment, en réalité, qu’une seule mer sans aucune interruption.
C’est là que sont les fameuses pêcheries de perles ; on tire du littoral la cornaline, le madindj (alamandine), qui est une des variétés du grenat, plusieurs sortes de rubis, le diamant et le corendon.
Aux environs de Kalah et de Serirah, on trouve des mines d’or et d’argent ; des mines de fer dans le voisinage du Kerman, et du cuivre dans l’Oman.
Ces pays produisent aussi différents parfums, des aromates, de l’ambre, des plantes médicinales et des simples, le bois de teck, un autre bois nommé darzendji (Dracœna ferrea), le jonc et le bambou.
Nous aurons encore occasion d’énumérer avec plus de détails les localités qui dépendent de cette mer, et qui produisent des pierres précieuses, des parfums et des étoffes.

Histoire Islamique - Page 8 Batteau-arabe-dans-la-mer-des-zanj-manuscrit-arabe-des-maqamat-dal-hariri
Bateau arabe dans la mer des zanj, tiré des Maqamat d’al-Hariri illustrée par al-Wasiti 13e siècle

Cette mer est donc connue sous le nom collectif de mer d’Abyssinie ; mais ses subdivisions, qui ont des noms particuliers, comme la mer du Fars, la mer du Yémen, de Kolzoum, d’Abyssinie, de Zendj, de Sind, de l’Inde, de Kalah, de Zabedj et de Chine, sont soumises à des vents différents. Ici le vent qui sort du fond même de la mer gonfle et soulève les vagues, comme l’eau d’une chaudière placée sur des matières combustibles.
Ailleurs le vent, si redoutable au navigateur, sort du fond et se combine avec la brise de terre.
Enfin, en d’autres lieux le vent souffle constamment de terre et ne provient pas du fond sous-marin. Quand nous parlons du vent qui sort des profondeurs de la mer, nous entendons par là les exhalaisons engendrées par la terre, et qui, du fond de l’eau, montent à sa surface. Dieu seul connaît la réalité de ce phénomène !
Tous les marins qui fréquentent ces parages rencontrent ces moussons dont ils connaissent parfaitement les époques. Cette science est chez eux le fruit de l’observation et d’une longue expérience, et ils se la transmettent par l’enseignement et la pratique.
Ils se guident d’après certains indices et phénomènes particuliers, pour reconnaître rapproche d’une tempête, les temps de calme et les orages.
Ce que nous disons ici à propos de la mer d’Abyssinie est également vrai des marins grecs ou musulmans qui parcourent la Méditerranée, et des Khazars de la mer Caspienne qui font la traversée du Djordjan, du Tabaristan et du Deïlem.
Nous donnerons ailleurs de plus grands détails sur la théorie générale des mers, leur description particulière et leur histoire.
Puisse Dieu, en qui seul est la force, nous assister dans notre œuvre !

Histoire Islamique - Page 8 Droppedimage_1-les-7-mers-dalmasudi
Carte des 7 mers d’al-Masudi
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Message  Arlitto Mar 03 Mai 2016, 17:27

CHAPITRE XI.
OPINIONS DIVERSES SUR LE FLUX ET LE REFLUX ; RESUMÉ DES SYSTÈMES PROPOSÉS.
Le flux est la marche naturelle et le cours régulier de l’eau ; le reflux est le mouvement rétrograde de l’eau au rebours de sa marche régulière, et à l’inverse de sa route habituelle. Ce phénomène existe sur la mer d’Abyssinie, autrement dite mer de la Chine, mer de l’Inde, mer de Basrah, mer de Perse, et dont il a été question dans le chapitre précédent. Les mers se présentent, à cet égard, de trois manières différentes : ou le flux et le reflux y règnent très visiblement, ou l’action de la marée est occulte et invisible à l’œil, ou bien encore elle est absolument nulle. Dans les mers qui n’ont point de flux et de reflux, l’absence de ce phénomène est due à trois causes, d’après lesquelles ces mers se subdivisent elles-mêmes en trois autres classes. Premièrement, celles dont les eaux presque toujours stagnantes s’épaississent, s’imprègnent fortement de sel, et sur lesquelles les vents se chargent d’exhalaisons. Tels sont ces amas d’eaux qui, pour plusieurs raisons, forment comme des lacs dans certains endroits : leur baisse, en été, et leur crue, en hiver, dépendent évidemment du tribut plus ou moins considérable qu’y apportent les fleuves et les sources qui s’y jettent. Deuxièmement, celles qui sont trop éloignées du cercle que parcourt la lune dans ses révolutions, pour pouvoir en subir l’influence. Troisièmement enfin, celles dont les côtes sont coupées par de fréquentes interruptions ; leurs eaux, n’étant pas resserrées par des barrières continues pénètrent dans d’autres mers, ne forment plus une masse compacte et unie, et les vents qui viennent de terre, soufflant progressivement, exercent sur elles une influence victorieuse. Ce phénomène se remarque surtout dans les parages où se trouvent des îles.

Les opinions ne sont pas d’accord sur les causes du flux et du reflux. Les uns l’attribuent à la lune et disent, qu’étant homogène avec l’eau, elle la chauffe et la dilate. Il en est exactement de même, ajoutent-ils, du feu, lorsqu’il chauffe et fait bouillir le contenu d’une chaudière. L’eau, qui n’occupait d’abord que la moitié ou les deux tiers de la chaudière, étant une fois en ébullition, se dilate, s’élève et monte jusqu’à ce qu’elle déborde. Son volume alors a doublé à l’œil, tandis que son poids a diminué ; car c’est une des propriétés de la chaleur de dilater les corps, et une des propriétés du froid de les contracter. Or le fond de la mer étant constamment à une température assez élevée, l’eau douce qui s’y engendre se transforme peu à peu et s’échauffe, comme cela arrive dans les citernes et dans les puits. Cette eau, une fois chauffée, se dilate et augmente de volume, chacune de ses molécules se poussant et se pressant mutuellement ; puis sa nappe s’étend, sort des profondeurs de l’abîme et cherche un lit plus large que le sien. Comme la pleine lune communique à l’air une chaleur excessive, l’augmentation de l’eau devient surtout sensible à cette époque ; c’est ce qu’on appelle la marée du mois. La mer d’Abyssinie, ayant son inclinaison de l’est à l’ouest, se trouve sous le cercle de l’équateur ; les sphères des planètes sont placées au-dessus d’elle, ainsi que les étoiles fixes. Soit donc que les planètes, dans leurs révolutions, se tiennent directement au-dessus de la mer pendant une partie de la nuit, soit qu’elles s’en éloignent en effet, leur déclinaison n’est jamais telle qu’elles ne conservent leur influence sur toute son étendue le jour et la nuit. Il faut noter, en outre, que l’augmentation de l’eau se présente rarement dans les régions correspondantes à cette mer dans l’autre hémisphère ; et dans les fleuves où le flux a lieu d’une manière sensible, on ne le remarque que près des côtes, et à cause des affluents qui s’y déversent.

D’autres disent au contraire : Si la marée était due à une influence semblable à celle du feu, lorsque chauffant le liquide contenu dans une chaudière, il le dilate et augmente son volume ; si l’eau, débordant, abandonnant les profondeurs de la terre et y retournant ensuite, comme poussée par une force irrésistible, se comportait exactement comme l’eau qui, après avoir bouilli et s’être échappée sous l’impulsion incessante des molécules du feu, rentre dans le vaisseau qui la contenait ; ce phénomène devrait surtout se produire sous la chaleur plus puissante du soleil : si le flux était déterminé par le soleil, il devrait commencer avec le lever de cet astre, tandis que le reflux coïnciderait avec son coucher. Ils prétendent donc que le flux et le reflux doivent être attribués aux vapeurs qui s’engendrent dans l’intérieur de la terre, et qui, acquérant sans cesse plus de densité, exercent sur les eaux de cette mer une pression violente, et les chassent devant elles ; ce qui dure jusqu’à ce que ces vapeurs venant à diminuer d’intensité, les eaux rentrent dans leur lit naturel ; et c’est ce qui explique pourquoi te flux et le reflux ont lieu la nuit comme le jour, l’hiver comme l’été, que la lune soit cachée ou visible, au coucher du soleil aussi bien qu’à son lever. Ils ajoutent : L’œil lui-même peut s’assurer de la vérité de cette explication, puisqu’il est manifeste que le reflux n’a jamais atteint son terme quand le flux commence, et que la fin du flux n’est pas accomplie quand le reflux reparaît déjà. C’est que, en effet, les exhalaisons se produisent sans interruption, et qu’à peine dissipées, d’autres s’engendrent à leur place ; et il ne peut en être autrement, puisque toutes les fois que l’eau descend et retourne dans son lit ces vapeurs s’exhalent de la partie de la terre qui est en contact avec l’eau. Ainsi chaque retour de l’eau engendre les exhalaisons, et chaque débordement en produit l’évaporation.

Des hommes religieux soutiennent, au contraire, que, pour toutes ces choses, qui dans la nature n’ont rien d’analogue ni rien de semblable, il faut reconnaître l’action divine, qui montre l’unité et la sagesse de Dieu ; or le flux et le reflux n’ont ni cause ni analogie dans la nature.

D’autres comparent te soulèvement des eaux de la mer à celui de certains tempéraments. Comme vous voyez les tempéraments bilieux, sanguins ou autres s’agiter, puis ensuite se calmer ; de même certaines matières, étendant successivement la nappe des eaux, lui donnent une force qui la fait gonfler ; puis elle se calme peu à peu, et retourne dans son lit.

D’autres encore, n’admettant aucune des explications que nous avons énumérées, prétendent que l’air qui plane sur la mer se transforme continuellement. Cette transformation augmente le volume de l’eau, qui bouillonne et ensuite déborde : c’est ce que l’on appelle le flux. L’eau, à son tour, venant à se transformer par l’évaporation, se change en air, et l’eau retourne dans son lit ; c’est ce que l’on appelle le reflux. Ces deux phénomènes se suivent sans interruption aucune, et tantôt l’eau se transforme en air, et tantôt l’air en eau. Or il est tout naturel que la marée soit plus forte pendant la pleine lune, puisque, à cette époque, tes variations de l’atmosphère sont plus considérables que jamais. Ainsi la lune détermine une marée plus forte, mais non la marée elle-même, puisqu’elle peut bien se montrer pendant que la lune est en décroissance, et que, dans la mer de Perse, le flux et le reflux ont presque toujours lieu vers l’aurore.

Plusieurs des nakhoda, ou patrons de Siraf ou d’Oman, qui naviguent dans ces parages et visitent alternativement tous les endroits habités par les tribus disséminées dans les îles ou sur les côtes voisines, prétendent que le flux et le reflux, dans la plus grande partie de cette mer, se divisent en deux saisons ; l’une d’été, dans la direction du nord-est, durant six mois ; alors la mer hausse dans les régions orientales, en Chine et dans les parages environnants où elle se concentre, pour ainsi dire, à l’exclusion des régions occidentales ; l’autre d’hiver, dans la direction du sud-ouest, durant six autres mois. De sorte qu’au retour de l’été, l’eau qui était très haute dans les régions occidentales vient de nouveau se concentrer dans les parages de la Chine. La mer obéit à l’action des vents. Lorsque le soleil prend sa course vers le nord, un courant d’air s’établit dans la direction du midi, pour des causes que la science explique ; alors l’eau de la mer prend aussi cette direction méridionale ; c’est ainsi que pendant l’été, sous l’influence du veut du nord, la masse des eaux de l’Océan s’accumule et s’élève dans le sud, tandis qu’elle diminue dans les mers septentrion aies. De même, quand le soleil est au midi et que le courant de l’air a lieu du sud au nord, l’eau, suivant cette même direction, quitte les régions méridionales, pour venir affluer dans les régions septentrionales. Or le déplacement des eaux de la mer, dans ces deux directions septentrionale et méridionale, est précisément ce qu’on appelle flux et reflux ; car il est à remarquer que ce qui est flux au sud est reflux au nord, et que ce qui est flux au nord est reflux au sud. Quand la lune vient à se rencontrer avec l’une des planètes pendant l’un de ces déplacements, les deux actions, celle de la chaleur et celle du vent, venant se corroborer mutuellement, le roulement des eaux de la mer sur le côté opposé à celui où se trouve le soleil en devient plus violent. Cette opinion, que la mer subit l’influence du mouvement des vents, est celle d’el-Kendi et d’Ahmed, fils d’et-Taib es-Sarakhsi. Voici ce que j’ai vu dans l’Inde, sur le territoire de la ville de Cambaye, célèbre par ses sandales, nommées sandales de Cambaye, qui y sont d’usage, ainsi que dans les villes voisines, telles que Sendan et Soufareb (Soufalah). J’étais à Cambaye dans l’année 303, alors qu’un brahme nommé Bania y régnait au nom du Balhara, souverain de Mankir. Ce Bania traitait avec la plus grande faveur les musulmans et les sectateurs d’autres religions qui arrivaient dans son pays. La ville de Cambaye est située sur une baie profonde, plus large que le Nil, que le Tigre, ou que l’Euphrate, dont les bords sont parsemés de villes, de métairies, de champs cultivés, de jardins plantés de cocotiers, et où se trouvent des paons, des perroquets et d’autres espèces d’oiseaux de l’Inde qui habitent les parages. Entre la ville et la mer qui forme cette baie il y a un peu moins de deux journées. Cependant le reflux s’y fait sentir avec tant de force, que l’on distingue sans peine le sable qui est au fond, et qu’il ne reste que peu d’eau au milieu même du canal. Je vis un chien couché sur ce sable que l’eau avait laissé à sec, et qui ressemblait à la plaine aride du désert. Tout à coup le flux s’avança de l’ouverture de la baie, pareil à une haute montagne. Le chien, s’apercevant du danger qu’il courait, ramassa toutes ses forces pour gagner la terre ferme ; mais le flot rapide et impétueux l’atteignit dans sa course et le submergea.
Il en est de même de la marée entre Basrah et el-Ahwaz, dans les parages appelés el-Bacian et le territoire de Koundour (Condol). Là on a surnommé ed-Dib « le loup » les mugissements, les bouillonnements et les bruits terribles que fait entendre la mer, et qui effrayent les bateliers. Au surplus, cet endroit est connu de tous ceux qui le traversent pour aller dans le pays de Dawraq et la Perse.

Histoire Islamique - Page 8 Mediterranean-map
Carte de la Méditerranée: livre 2, Chapitre 10: « Sur la mer de l’Ouest, c’est la mer de Syrie, ses ports, îles et mouillages » tiré du « Kitāb Gharā’ib al-funūn wa-mula’ al-‘uyūn » Egypte, anonyme, 11eme siècle(MS. Arab. c. 90, fols. 30b-31a).  Bodleian Library.
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Message  Arlitto Mar 03 Mai 2016, 17:28

CHAPITRE XII.

LA MER DE ROUM (MEDITERRANEE) ; OPINIONS DIVERSES SUR SA LONGUEUR, SA LARGEUR, LES LIEUX OU ELLE COMMENCE ET OU ELLE FINIT.

La mer de Roum (Méditerranée) baigne Tarsous, Adanah, Massissah, Antioche, Latakieh, Tripoli, Saida, Sour (Tyr) et d’autres villes de la côte de Syrie, l’Egypte, Alexandrie et la côte du Maghreb.

Plusieurs auteurs des Tables, dans leurs ouvrages astronomiques, comme Mohammed fils de Djabir el-Boutani et d’autres, disent que la longueur de cette mer est de cinq mille milles, et que sa largeur varie de huit cents à sept cents et même à six cents milles et moins, selon que la mer est resserrée par le continent ou le continent resserré par la mer.

Cette mer commence par un bras qui se détache de l’Océan, et dont la partie la plus étroite est située entre la côte de Tanger et de Ceuta, dans le Maghreb, et la côte d’Espagne.
Cet endroit, connu sous le nom de Syta, n’a qu’une largeur d’environ dix milles, qu’il faut traverser pour aller du Maghreb en Espagne et d’Espagne au Maghreb.
On le nomme ez-Zokak « le détroit ».

Dans la suite de cet ouvrage (quand nous traiterons de l’Egypte) nous parlerons du pont qui reliait les deux côtes d’Europe et d’Afrique, et nous dirons comment il fut submergé.
Nous ferons aussi mention du passage qui existe entre l’île de Chypre et le territoire d’el-Arich, et qui était fréquenté par les caravanes.

Histoire Islamique - Page 8 Rif-mountains-from-tarifa-jebel-musa-is-said-to-be-named-after-musa-bin-nusayr
Vue du Jabal Musa des montagnes du rif depuis Tarifa, en andalousie, le jabal Mussa fut nomé ainsi après Moussa ibn Nucayr al-Lakhmi général des Omeyyades , la partie africaine du pilier d’Hercule

Au point de jonction de la mer de Roum et de l’Océan se trouvent les phares de cuivre et de pierre bâtis par Hercule le héros ; ils sont couverts de caractères et surmontés de statues qui semblent dire du geste :

« Il n’y a ni roule ni voie derrière nous, pour ceux qui, de la mer de Roum, voudraient entrer dans l’Océan. »

En effet, aucun navire ne le parcourt ; on n’y trouve pas de terre cultivée et habitée par des êtres raisonnables ; on n’en connaît ni l’étendue ni la fin ; on ignore le but où elle conduit, et on la nomme mer des Ténèbres, mer Verte ou mer Environnante.
On a soutenu que ces phares ne s’élevaient pas sur ce détroit, mais sur des îles de la mer Environnante situées près de la côte.

C’est une opinion assez généralement répandue, que cette mer est la source de toutes les autres mers.
On en raconte des choses merveilleuses, que nous avons rapportées dans notre ouvrage intitulé, les Annales historiques, en parlant de ce qu’ont vu les hommes qui y ont pénétré au risque de leur vie, et dont les uns sont revenus sains et saufs, tandis que les autres ont péri.

Histoire Islamique - Page 8 Arabs-amc3a9ricqie
Les musulmans en Amérique avec des amérindiens

Ainsi un habitant de l’Espagne nommé Khachkhach, et natif de Cordoue, réunit une troupe de jeunes gens, ses compatriotes, et voyagea avec eux sur l’Océan dans des embarcations qu’il avait équipées.
Après une absence assez longue, ils revinrent tous chargés de butin.

Au surplus cette histoire est connue de tous les Espagnols.
Entre l’endroit où ce phare est établi et le point où commencent les deux mers, la distance est longue, tant qu’on reste dans ce détroit et qu’on est sous l’influence de son courant, parce que l’eau qui passe de l’Océan à la mer de Roum a un courant sensible et un mouvement considérable.

De la mer de Roum, de Syrie et d’Egypte se détache un canal d’environ cinq cents milles, qui va rejoindre la ville de Rome, et s’appelle dans la langue du pays Adras (Adriatique).
Dans la mer de Roum il y a beaucoup d’îles, comme celle de Chypre, entre la côte de Syrie et celle de Roum, Rhodes en face d’Alexandrie, l’île de Crète et la Sicile. Nous parlerons de cette dernière lorsque nous traiterons de la montagne el-Borkan (l’Etna), qui lance des feux accompagnés de corps et de matières considérables.

Iakoub, fils d’Ishak el-Rendi, el Ahmed, fils de Taib es-Sarakhsi, ne s’accordent pas avec ce que nous avons dit quand ils décrivent la longueur et la largeur de cette mer. Au surplus, nous en parlerons ci-dessous dans cet ouvrage, et nous en donnerons une description d’après l’ordre et la disposition de ce livre.

Histoire Islamique - Page 8 14-walls-of-constantinople
Les murs Byzantins de Constantinople (Istanbul, Turquie)
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Message  Arlitto Mar 03 Mai 2016, 17:28

CHAPITRE XIII.

LA MER NITAS (PONTUS), LA MER MAYOTIS ET LE DETROIT DE CONSTANTINOPLE.

La mer Nitas s’étend du pays de Lazikah (Laz) jusqu’à Constantinople, sur une longueur de onze cents milles et une largeur qui, à son origine, n’a pas moins de trois cents milles. Elle reçoit les eaux d’un grand fleuve, connu sous le nom de Tanabis (Don), et dont nous avons déjà parlé.

Il a sa source dans les régions septentrionales ; ses bords sont habités par de nombreux descendants de Jafet, fils de Noé.

Il sort d’un lac considérable situé au nord, et formé par des sources nombreuses et les eaux venant des montagnes.

Après avoir coulé l’espace d’environ trois cent mille parasanges, au milieu d’une suite non interrompue de pays cultivés appartenant aux enfants de Jafet, il traverse la mer Mayotis, suivant l’opinion de plusieurs personnes versées dans ces connaissances, puis enfin se décharge dans la mer Nitas.

C’est un cours d’eau considérable, dont plusieurs philosophes anciens ont fait mention.

On y trouve différentes espèces de minéraux, d’herbes et de drogues. Il y a des personnes qui ne considèrent la mer Mayotis que comme un lac, ne lui donnant en longueur que trois cents milles sur cent milles de largeur.

De la mer Nitas se détache le canal de Constantinople, qui se décharge dans la mer de Roum, après un cours d’environ trois cent cinquante milles.

Constantinople est située sur ce canal dont les bords, dans toute leur étendue, sont couverts d’habitations.

La ville se trouve sur le côté ouest et fait partie des pays de l’Occident, qui de ce détroit s’étendent jusqu’à ceux de Rome, de l’Espagne et autres.

D’après l’opinion des astronomes qui ont dressé des tables, et d’autres savants anciens, la mer des Bulgares, des Russes, des Bedjna ? des Bedjnak (Petchenègues) et des Bedjgourd (Bachkird), dont les trois derniers sont des races turques, est la même que la mer Nitas.

Nous reviendrons sur ces peuples, plus bas dans cet ouvrage, s’il plaît à Dieu, à l’endroit où nous croyons devoir les mentionner.

Nous énumérerons alors tous leurs établissements, et nous parlerons de celles de ces tribus qui naviguent sur ces mers comme de celles qui n’y naviguent pas.
Au surplus, Dieu seul possède la science, et il n’y a de force qu’en lui, l’être suprême et puissant.

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Le califat Abbasside et l’empire Khazar
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Message  Arlitto Mar 03 Mai 2016, 17:29

CHAPITRE XIV.

MER DE BAB EL ABWAB, DES KHAZARS ET DE DJORDJAN (MER CASPIENNE) ; DE LA PLACE QUE LES MERS OCCUPENT SUR LE GLOBE.
La mer des Barbares (Caspienne) qui ont couvert ces parages de leurs établissements, est connue sous le nom de mer de Bab-el-Abwab, mer des Khazars, de Djil (Guilan), de Deïlem, de Djordjan, de Tabaristan. Ses côtes, qui sont occupées par plusieurs tribus turques, se prolongent d’un côté jusqu’au pays de Kharezm et du Khoraçan. Elle a une longueur de huit cents milles, sur une largeur de six cents milles, et représente à peu près un ovale dans le sens de sa longueur.
Nous donnerons ci-dessous, dans cet ouvrage, quelques détails sur les populations qui entourent ces mers si fréquentées.
Cette mer, que nous avons nommée mer des Barbares, renferme dans son sein des monstres qu’on appelle tenanin, dont le singulier est tennin.
Il en est de même de la Méditerranée, où les monstres marias sont en grand nombre, surtout dans les parages de Tripoli de Syrie, de Latakieh et de la montagne el-Akra, qui fait partie des dépendances d’Antioche.
C’est sous cette montagne que se trouvent les plus grands amas d’eau de toute cette mer ; aussi est-elle appelée par excellence le fondement de la mer.

Histoire Islamique - Page 8 Mediterranean_Relief

La Méditerranée s’étend jusqu’aux côtes d’Antioche, de Rousis (Rhosus), d’Alexandrie, d’Aias, de Hisn el-Motakkab située au pied du mont Lokkam ; elle baigne la côte de Massissa, où sont les bouches du Djihan, la côte d’Adanah, où se jette le Sihan, et la côte de Tarsous, où se jette l’el-Baredan (Cydnus), appelé aussi fleuve de Tarsous.
Le pays qui suit est privé de toute culture et désert ; il forme la limite entre les terres des musulmans et celles des Grecs, du côté de la ville de Kalamieh jusqu’à Chypre, Candie et Karaçia ; puis on rencontre le territoire de Seloukia (Seleucia Trachea) et son grand fleuve (Calycadnus) qui s’y jette dans la mer, et toutes les places fortes du pays de Roum jusqu’au canal de Constantinople.
Nous passerons sous silence les nombreux fleuves de cette région qui versent leurs eaux dans la Méditerranée, tels que le fleuve el-Barid, le fleuve el-Açel, etc.
Les côtes de cette mer commencent au détroit dont nous avons parlé plus haut, et sur lequel est situé Tanger, dont le territoire se relie au littoral du Maghreb ; puis viennent la région appelée Ifriqiya, es-Sous, Tripoli de Barbarie, Kairawan, la côte de Barkah, er-Rifadeh, Alexandrie, Rosette, Tunis, Damiette, la côte de Syrie et de ses villes frontières, la côte du pays de Roum, s’étendant jusqu’aux terres habitées par les Latins, puis se reliant à la côte d’Espagne, qui vient elle-même aboutir au rivage opposé à Tanger, sur le détroit de Ceuta.
Sur toute cette ligne, le continent et le pays habité, soit par des musulmans, soit par des Grecs, ne sont interrompus que par le cours des fleuves, par le canal de Constantinople, dont la largeur est d’environ un mille, et par quelques autres canaux qui, se déchargeant dans la Méditerranée, ne pénètrent pas bien avant dans les terres.
Ainsi donc, toutes les contrées riveraines de cette mer forment une suite non interrompue de côtes, se reliant entre elles sans interruption, sauf les échancrures que produisent les fleuves et le canal de Constantinople.
La Méditerranée, avec les pays qui l’entourent jusqu’à ce détroit qui sort de l’Océan, et où se trouve le phare, puis la côte de Tanger et celle d’Espagne, ressemble à une coupe dont le détroit serait la poignée.
En effet, une coupe figure assez exactement cette mer, qui cependant n’est pas ronde, d’après ce que nous avons dit de sa longueur.
On ne connaît point de monstres marins dans la mer de l’Abyssinie, ni dans les golfes qui en dépendent et que nous avons décrits ; mais ils abondent du côté de l’Océan.
Au surplus, les opinions varient sur leur origine et leur nature.

Histoire Islamique - Page 8 Tsunami
Tsunami

Les uns pensent que le tennin est un vent noir qui se forme au fond des eaux, monte vers les couches supérieures de l’atmosphère et s’attache aux nuages, semblable au zoubaak (trombe de terre), qui se soulève sur le sol et fait tournoyer avec lui la poussière et tous les débris de plantes desséchées et arides.
Ce vent s’étend sur un plus grand espace à mesure qu’il s’élève dans le» airs, de sorte qu’en voyant ce sombre nuage accompagné d’obscurité et de tempêtes, on a cru que c’était un serpent noir sorti de la mer.
D’autres pensent que le tennin est un reptile qui vit dans les profondeurs de l’Océan ; devenu fort, il fait la guerre aux poissons, et alors Dieu lui envoie les nuages et les anges, qui le font sortir de l’abîme sous la forme d’un serpent noir, brillant et luisant, dont la queue renverse sur son passage les édifices les plus solides, les arbres, même les montagnes, et dont le souffle seul déracine une multitude de troncs vigoureux.
Le nuage le jette dans le pays de Yadjoudj et Madjoudj, où il fait pleuvoir sur lui une grêle qui le tue, après quoi sa chair sert de nourriture aux peuplades de Yadjoudj et Madjoudj.
Telle est l’opinion qui est attribuée à Ibn Abbas.
Il existe encore d’autres opinions sur le tennin.
Les historiens et les compilateurs d’anecdotes fournissent à cet égard beaucoup de détails du même genre, que nous nous abstiendrons de mentionner ici.
Ainsi les tennins seraient des serpents noirs, vivant d’abord dans les plaines et les montagnes, où les torrents et les pluies, les surprenant, les entraînent dans la mer.
Là, nourris des nombreux reptiles qu’elle renferme, leurs corps deviendraient énormes, et leur vie d’une grande durée.
Celui de ces serpents qui aurait atteint cinq cents ans serait le maître de tous les autres serpents de la mer, et alors arriverait ce que nous venons de rapporter d’après Ibn Abbas.
Enfin il y aurait des tennins noirs et d’autres blancs comme le sont les serpents eux-mêmes.

Histoire Islamique - Page 8 Leviathan
Leviathan = Tenin

Les Persans, bien loin de nier l’existence du tennin dans la mer, prétendent qu’il a sept têtes et l’appellent adjduhan.
Ils y font souvent allusion dans leurs récits. Dieu seul sait la vérité dans tout cela.
Au surplus, comme beaucoup d’esprits rejettent les histoires de ce genre, et que bien des intelligences ne les acceptent pas, nous ne nous risquerons pas à les rapporter.
Telle est l’aventure d’Amran, fils de Djabir, qui remonta le Nil jusqu’à sa source et traversa la mer sur le dos d’un animal qu’il tenait fortement par la crinière.
C’est un animal marin d’une telle dimension, qu’à le mesurer seulement jusqu’à une petite partie de ses jambes, il dépasse le disque du soleil, depuis le commencement de son lever jusqu’à son coucher.
Le monstre avait la gueule ouverte dans la direction du soleil, comme pour l’aspirer.
Amran passa la mer en se cramponnant à la crinière de cet animal, tandis qu’il était en mouvement ; il vit ainsi l’eau du Nil venant du paradis et jaillissant de certains châteaux d’or.
Après avoir reçu du roi une grappe de raisin, il retourna chez l’homme qui l’avait vu partir, et qui lui avait enseigné comment il devait faire pour remonter à la source du Nil ; mais il le trouva mort. Ensuite Amran, avec sa grappe de raisin, eut affaire au diable.
Ce récit, et d’autres plus merveilleux encore inventés après coup, sont dus à l’imagination des traditionnistes.
Il en est ainsi d’une prétendue coupole d’or située au milieu de la mer Verte, et portée sur quatre colonnes de rubis vert, rouge, bleu et jaune.
De ces quatre colonnes suinte une grande quantité d’eau qui se répand dans la mer Verte, vers les quatre points cardinaux, sans jamais se mêler ni se perdre.
Arrivée aux côtés différents du littoral de la mer, cette eau forme le Nil, ailleurs le Sihan, en un troisième lieu le Djihan, et enfin l’Euphrate.
Un autre conte du même genre nous représente l’ange chargé de la surveillance des mers, posant le pied sur l’extrémité de la mer de Chine ; l’eau fuit devant lui en bouillonnant, et il en résulte le flux ; lorsque l’ange retire son pied.
L’eau, revenant à sa première place et rentrant dans son lit, produit le reflux. C’est exactement comme un vase à moitié rempli d’eau. Si l’on y place la main ou le pied, l’eau monte jusqu’aux bords du vase ; si on les retire, elle rentre dans ses limites. D’autres prétendent que l’ange met seulement le pouce de sa main droite dans la mer pour produire le flux, et qu’il l’en retire pour faire naître le reflux.
Les choses que nous venons de raconter ne sont ni absolument impossibles, ni imposées à notre croyance, mais entrent dans la catégorie de ce qui est possible et admissible. Comme tradition elles proviennent de simples individus, et ne portent pas le caractère de ces histoires qui ont été transmises par une suite non interrompue d’hommes dignes de foi, ni de celles qui se sont répandues sans contestation parmi les musulmans, qui deviennent obligatoires dans la théorie comme dans la pratique, et qu’il n’est pas permis de rejeter.
Lorsque des traditions de cette espèce sont accompagnées de preuves qui en démontrent la vérité, on doit les accepter avec soumission, et s’y conformer ; quant aux récits contenus dans l’Écriture et aux règles de conduite qu’ils nous tracent, il faut obéir à ce précepte du Koran (LII, 7) : « Ce que le Prophète vous apporte, acceptez-le ; ce qu’il vous refuse abstenez-vous-en. » Quant aux légendes que nous avons rapportées, quoique dénuées de preuves, nous avons voulu en faire mention afin de bien convaincre le lecteur que dans ce livre, comme dans nos autres écrits, nous avons examiné scrupuleusement les faits que nous avons recueillis, et que les sujets que nous y traitons ne nous sont pas étrangers.
Quant aux mers qui se trouvent sur la partie habitée de ce globe, on fixe généralement leur nombre à quatre ; d’autres en comptent cinq, d’autres six, d’autres, enfin, en reconnaissent jusqu’à sept, toutes bien distinctes les unes des autres et sans communication. Nous citerons d’abord la mer d’Abyssinie, puis la Méditerranée, puis la mer Nitas, puis la mer Mayotis, puis la mer des Khazars, puis enfin l’Océan, dont on ne connaît pas les limites, et qui est aussi nommé mer Verte, mer Ténébreuse ou mer Environnante.
La mer Nitas communique avec la mer Mayotis, et se joint à la Méditerranée par le canal de Constantinople qui s’y décharge. Comme nous l’avons dit, cette dernière tirant elle-même son origine de la mer Verte, toutes ces mers ne formeraient, suivant cette description, qu’une seule et même masse d’eau, dont toutes les parties se relient entre elles. Toutefois ces mers ni aucun de leurs affluents n’ont de communication avec la mer d’Abyssinie.
Le Nitas et le Mayotis ne doivent être qu’une seule et même mer, quoique le continent les resserre à un certain endroit, et qu’il y ait un canal qui les réunit l’une à l’autre. Si dans l’usage on a appelé Mayotis la portion la plus large de cette mer, celle où l’eau est le plus abondante, et Nitas la partie resserrée et peu profonde, il n’en est pas moins certain que chacune de ces dénominations les désigne toutes deux, et si dans certains passages de ce livre nous disons Mayotis ou Nitas, nous entendrons toujours par là aussi bien la portion large de cette mer que celle qui est étroite.
Bien des personnes ont avancé, mal à propos, que la mer des Khazars communiquait avec la mer Mayotis.

Histoire Islamique - Page 8 Les-montagnes-du-caucase-du-cotc3a9-de-la-gc3a9orgie
Les montagnes du Caucase du coté de la Géorgie

Quant à moi, parmi tous les négociants qui avaient parcouru le pays des Khazars ou qui avaient traversé la mer Mayotis et la mer Nitas pour se rendre chez les Russes et les Bulgares, je n’en ai vu aucun qui prétendît que la mer des Khazars communiquât avec l’une de ces mers, ou bien avec l’un de leurs affluents ou des canaux qui les réunissent ; elle n’a de communication qu’avec le fleuve des Khazars, ce dont nous parlerons plus bas, lorsqu’il sera question du mont Kabk (Caucase), de la ville d’el-Bab wel-abwab, du royaume des Khazars, et de la manière dont les Russes, dans le IVsiècle (de l’hégire), pénétrèrent avec des vaisseaux dans cette mer.
Je sais aussi que la plupart des auteurs anciens ou modernes qui se sont occupés de la description des mers affirment que le canal de Constantinople, qui se détache de la mer Mayotis, communique avec la mer des Khazars ; mais j’ignore comment cela est possible et sur quoi ils fondent cette opinion, si elle est le résultat de leurs propres observations, ou s’ils y ont été conduits par l’induction ou l’analogie.
Peut-être aussi ont-ils confondu les Russes et les populations riveraines de la mer Mayotis avec les Khazars.
J’ai fait moi-même le voyage par mer d’Abeskoun, port du Djordjan, au pays de Tabaristan et ailleurs, et j’ai interrogé sans cesse à ce sujet tous les négociants un peu intelligents et les patrons de navire : tous m’ont affirmé qu’il est impossible d’arriver dans ces parages autrement que par la mer des Khazars et par la voie que les vaisseaux des Russes ont prise.
Ces habitants de (‘Azerbaïdjan, d’Erran, de Beilakan, du territoire de Berdah et des autres villes ; ceux du Déilem, du Djebel (Irak persan) et du Tabaristan avaient fui de ce côté, parce que jamais, de mémoire d’homme, dans les temps passés un ennemi ne s’y était présenté, et que rien dans leur histoire ancienne ne le leur rappelait.
Ce que nous avançons est connu dans ces contrées et parmi ces peuplades, et d’une notoriété si manifeste, que personne ne songe à la contester.
Au surplus, cet événement avait eu lieu dans le temps d’Ibn Abi-es-Sadj.

Histoire Islamique - Page 8 1356_066-1
La région ‘Arctique

Dans certains ouvrages attribués à al-Kindi et à son disciple es-Sarakhsi, l’ami d’el-Motaded billah, j’ai lu qu’aux limites de la terre habitée, vers le nord, se trouvait un grand lac situé sous le pôle arctique, et près de ce lac une ville, la dernière des régions connues, et qui s’appelle Toulieh.
Il est également fait mention de ce lac dans l’un des traités des Béni Muneddjim.
Dans son traité des mers, des eaux et des montagnes, Ahmed, fils de Taïb es-Sarakhsi, avance, d’après el-Kendi, que la Méditerranée a six mille milles de long à partir de Sour, Tripoli, Antioche, el-Motakkab, la côte de Massissa, de Tarsous, de Kalamiyeh, jusqu’aux phares d’Hercule, et que sa plus grande largeur est de quatre cents milles. Nous avons rapporté en totalité l’opinion des deux écoles, et nous avons fait ressortir la différence qui existe à cet égard entre elles et les auteurs des tables astronomiques, telle que nous l’avons trouvée dans leurs ouvrages ou entendu exposer par leurs partisans. Mais nous laisserons de côté les preuves que chacun donne à l’appui de ses opinions, parce que nous nous sommes fait une loi dans ce livre d’être bref et concis. Il en est autrement pour les explications contradictoires qui ont été données par les anciens, tels que les premiers Grecs et les philosophes des temps passés, sur l’origine et la formation primitive des mers. Bien que nous ayons traité ce sujet avec étendue dans le second des trente livres qui composent nos Annales historiques, où nous avons exposé les différents systèmes, en les rapportant à ceux qui les avaient imaginés, nous ne pouvons pas nous dispenser d’en présenter ici un résumé succinct.
Les uns disent que la mer est un reste de l’humidité primitive, dont la plus grande partie a été desséchée par le feu, et dont le surplus s’est transformé sous l’influence de la chaleur ; d’autres soutiennent que l’humidité primitive tout entière ayant été soumise à l’action dévorante du soleil dans ses révolutions, toutes les parties pures en ont été exprimées, et le reste s’est converti en une matière salée et amère ; d’autres encore pensent que les mers ne sont que des sécrétions, qui découlent de la terre brûlée par la chaleur du soleil accomplissant autour d’elle sa révolution constante.
Quelques-uns croient que la mer n’est autre chose que l’humidité primitive dégagée de tout principe terrestre et grossier, exactement comme l’eau douce mélangée avec de la cendre perd sa douceur et conserve un goût salin, même après qu’elle a été filtrée. On a prétendu aussi que dans l’eau les parties douces et salées étaient mélangées, que le soleil volatilisait les parties douces à cause de leur subtilité, soit qu’il les absorbât lui-même, soit qu’une fois parvenues à de hautes régions où le froid les condense et leur donne, pour ainsi dire, une forme, elles se changent une seconde fois et eau. On a avancé que l’eau étant un élément, les molécules qui se trouvent dans l’air et sous l’action du froid ont une saveur douce, tandis que les molécules qui restent à terre contractent une saveur amère, sous l’influence de la chaleur qui les pénètre. Plusieurs savants ont soutenu que la masse d’eau qui s’écoule dans la mer, soit de la surface du sol, soit de ses entrailles, étant une fois arrivée dans ce vaste réservoir, sollicite partout, pour les absorber, les principes salins que la terre décharge sur elle. Les molécules de feu que renferme l’eau, et la chaleur qui la pénètre au sortir de la terre, en dégagent les parties les plus subtiles et les font monter en nuages de vapeurs ; puis ces nuages, selon une loi rigoureuse et constante, retombent sous forme de pluie dont l’eau reprend une saveur amère. La terre lui donnant un goût salé et le feu la dégageant de ses principes doux et subtils, elle revient nécessairement à sa première amertume.

Histoire Islamique - Page 8 Mer
{Il a donné libre cours aux deux mers pour se rencontrer; il y a entre elles une barrière qu’elles ne dépassent pas.} [Sourate 55, verset 19-20]

{Et c’est Lui qui donne libre cours aux deux mers: l’une douce, rafraîchissante, l’autre salée, amère. Et Il assigne entre les deux une barrière et un barrage infranchissable.} [Sourate 25, verset 53]
Il ne faut donc pas s’étonner si l’eau de la mer conserve toujours le même poids et la même mesure, puisque les parties subtiles que la chaleur lui enlève se changent en rosée et en eau d’où naissent les torrents qui cherchent les rigoles, les étangs, et coulent dans les parties humides de la terre, jusqu’à ce qu’ils arrivent enfin au vaste gouffre de l’Océan.
C’est ainsi qu’il ne se perd absolument rien de cette eau, et que les sources sont comme les machines qui, puisant l’eau d’un fleuve, la versent dans une rigole d’où elle s’écoule de nouveau dans ce fleuve. On a comparé ce phénomène à ce qui se passe dans le corps d’un être animé au moment de la nutrition ; sous l’influence de la chaleur, elle attire vers les membres les parties douces des aliments consommés, et laisse les parties lourdes imprégnées de sel et d’amertume, telles que l’urine et la sueur.
Ces résidus sans douceur proviennent cependant de matières humides et douces que la chaleur a rendues amères et salées. Si la chaleur interne croissait outre mesure, l’amertume augmenterait en proportion dans la sueur et dans l’urine, parce que tout ce qui a été soumis à l’action de la chaleur devient amer. Cette opinion a été émise par un grand nombre d’auteurs anciens ; mais on peut voir de ses yeux, par expérience, que toutes les matières humides et douées d’une certaine saveur, ayant passé par la cornue et l’alambic, conservent dans leur sublimé la même odeur et la même saveur, comme le vinaigre le vin de dattes, la rosé, le safran, la giroflée, excepté toutefois les matières salées qui changent de goût et d’odeur, surtout lorsqu’on les soumet deux fois à l’opération du feu et de l’alambic.

Histoire Islamique - Page 8 800px-arabic_aristotle
Aristote , enseignant. (manuscrit arabe , abbasside)

L’auteur de la Logique (Aristote) est entré dans beaucoup de détails à ce sujet. Ainsi, par exemple, il affirme que l’eau salée est plus pesante que l’eau douce, et il en allègue pour preuve que la première est trouble et épaisse, tandis que l’autre est pure et limpide. Il fait encore remarquer que si l’on fait un vase de cire dont on bouche l’orifice, et qu’on le plonge dans la mer, on pourra constater que l’eau qui aura pénétré dans le vase sera douce et légère, tandis que l’eau qui entoure les parois extérieures du vase aura cru en amertume et en salure.
Toute eau courante est un fleuve ; l’endroit d’où jaillit l’eau est une source ; un lieu où se trouve une grande quantité d’eau est une mer.
On a longuement discuté sur la nature des eaux et sur leur composition.
Dans le deuxième des trente livres dont se composent nos Annales historiques, nous avons rapporté tout ce qui a été dit sur la mesure et l’étendue des mers, sur l’utilité que présente la salure des eaux de la mer, sur l’existence ou sur le manque de communications entre ces mêmes eaux. Nous avons expliqué pourquoi elles ne subissent ni augmentation ni diminution apparentes, pourquoi le flux et le reflux sont plus sensibles dans la mer d’Abyssinie que partout ailleurs.
J’ai remarqué que les navigateurs de Siraf et d’Oman, qui parcourent les mers de la Chine, de l’Inde, de Sind, du Zendj (Zanguebar), du Yémen, de Kolzoum et de l’Abyssinie, n’étaient point généralement d’accord avec les philosophes, dont nous avons retracé les opinions, sur l’étendue et la mesure de ces mers ; ils soutiennent même qu’à certains endroits, l’immensité des eaux n’a pas de limites.
J’ai fait la même observation dans la Méditerranée, auprès des nawatieh, ou capitaines des vaisseaux de guerre et de commerce, auprès des officiers et des pilotes, enfin auprès de ceux qui sont préposés dans ces parages à la surveillance de la marine militaire, comme Lawi, surnommé Aboulharis, serviteur de Zorafah et gouverneur, vers l’an 300, de Tripoli de Syrie, sur la côte de Damas.

Histoire Islamique - Page 8 Chebec-batteau-arabe-ancien
Chebec arabe , bateau arabe ancien , ce sont les arabes qui ont modernisé les voiles, le passé marin des arabes est incontestables

Tous exagèrent la longueur et la largeur de la Méditerranée, le nombre de ses canaux et de ses ramifications. Au surplus, cette vérité m’a été confirmée par Abdallah ben Wezir, gouverneur de la ville de Djebelah, sur la côte de Heras, en Syrie, homme qui passe aujourd’hui, en 332, pour le plus entendu et le plus habile marin de la Méditerranée, puisqu’il n’y a pas un capitaine de bâtiment de guerre ou de commerce, naviguant sur cette mer, qui ne se laisse guider par ses paroles, et qui ne rende hommage à la supériorité de son intelligence, de son habileté, à son jugement sain, à son expérience incontestable. Nous avons parié dans nos ouvrages précédents des merveilles de ces mers, et nous y avons consigné les aventures extraordinaires et périlleuses que les personnes mentionnées plus haut nous avaient racontées comme témoins oculaires ; plus tard nous donnerons encore quelques détails sur ce sujet.
Parlons maintenant des signes indicateurs de la présence de l’eau dans certains endroits. C’est une opinion assez accréditée que partout où croissent des roseaux, des joncs et d’autres plantes flexibles, on n’a qu’à creuser à une profondeur peu considérable pour rencontrer l’eau.
Dans toute autre condition il faudrait pénétrer très avant dans la terre pour la trouver.
Voici ce que j’ai lu dans le Livre de l’agriculture : « Celui qui veut savoir si l’eau est peu ou très éloignée de la surface du sol, doit creuser la terre à une profondeur de trois à quatre coudées. Il choisira un vase de cuivre ou un bassin d’argile ayant un large orifice, et garnira ses parois intérieures d’une couche de graisse égale partout. Au soleil couché, il prendra de la laine blanche cardée et lavée, et une pierre de la grosseur d’un œuf qu’il enveloppera de cette laine, de manière à lui donner la forme d’une boule. Ensuite il enduira les côtés de cette boule de cire fondue, la fixera au fond du vase qu’il aura graissé avec de l’huile ou tout autre corps gras, puis il descendra le tout dans la fosse ; la laine doit être bien attachée et fortement retenue par la cire, de sorte qu’elle enveloppe hermétiquement la pierre. Alors il jettera de la terre sur ce vase, et l’enfouira à la hauteur d’une, deux, ou plusieurs coudées, et le laissera ainsi pendant toute la nuit ; te lendemain, avant le lever du soleil, il ôtera la terre et enlèvera le vase. Si ses parois intérieures sont parsemées de gouttelettes nombreuses et rapprochées les unes des autres, si la laine est imprégnée d’humidité» il faut en conclure que l’eau n’est pas éloignée. Si les gouttelettes ne sont pas groupées les unes autour des autres, si la laine n’est que médiocrement humectée, c’est une preuve que l’eau n’est ni très près ni très loin ; si les gouttelettes sont dispersées à de rares intervalles, et que la laine soit à peine mouillée, l’eau doit se tenir à une grande distance ; mais s’il n’y a aucune trace d’humidité, soit dans le vase, soit sur la laine, ce serait peine per due que de creuser dans cet endroit pour y chercher de l’eau. » Dans quelques exemplaires du Livre de l’agriculture j’ai trouvé cet autre renseignement sur le même sujet : « Pour savoir si l’eau est à une distance plus ou moins grande, il faut examiner attentivement les fourmilières. Si les fourmis sont grosses, noires, peu agiles, l’eau est d’autant plus proche qu’elles sont plus lourdes à se mouvoir. Si elles sont si légères dans leur course qu’à peine peut-on les atteindre, l’eau doit être à une distance de quarante coudées. Autant dans le premier cas l’eau sera bonne et douce, autant dans le second elle sera pesante et salée. C’est d’après cet indice que se guidera celui qui vent trouver de l’eau. »
Nous avons traité cette matière avec étendue dans nos Annales historiques.
Nous nous bornerons, dans le présent ouvrage, à mentionner brièvement tout ce qu’il sera indispensable de faire connaître.
Après avoir traité des mers en général, nous parlerons, s’il plaît à Dieu, de l’histoire de la Chine, et de tout ce qui concerne ce sujet.

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Le sommet de Belukha dans les montagnes de l’Altaï en Mongolie considéré comme le berceau des peuples turcs
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Message  Arlitto Mar 03 Mai 2016, 17:30

CHAPITRE XV.

ROIS DE LA CHINE ET DES TURCS ; DISPERSION DES DESCENDANTS D’AMOUR ; HISTOIRE RESUMEE DE LA CHINE, ET AUTRES DETAILS RELATIFS À CE SUJET.
On n’est pas d’accord sur la généalogie et l’origine des habitants de la Chine. Plusieurs disent qu’à l’époque où Phaleg, fils d’Abir, fils d’Arfakhchad fils de Sam, fils de Noé, partagea la terre entre les descendants de Noé, les enfants d’Amour, fils de Soubil, fils de Jafet, fils de Noé, prirent la direction du nord-est. De là une partie d’entre eux, les descendants d’Arou, s’avancèrent vers le nord, où ils se répandirent au loin et fondèrent plusieurs royaumes, tels que le Déilem, le Djil (Guilan), le Teileçan, le Teber, le Moukan, sans compter ceux fondés par les peuplades du Caucase, telles que les Lakz, les Alains, les Khazars, les Abkhazes, les Serirs, les Kosaks, et par les autres nations, dispersées dans ces contrées, jusqu’à Tarrazzobdeh (Trébizonde), les mers Mayotis et Nitas d’un côté, et celle des Khazars de l’autre côté, jusqu’aux Bulgares, et aux peuples qui se sont réunis à eux. D’autres descendants d’Amour traversèrent le fleuve de Balkh (Djeïhoun), et se dirigèrent pour la plupart vers la Chine.
Là ils se répartirent entre plusieurs états, et s’établirent dans ces diverses contrées, comme les Khottals, qui habitent Khottolan, Rouçan, el-Ochrousneh et le Sogd, entre Boukhara et Samarkand ; les Ferganides, les habitants de Chach, d’Istidjab et du territoire d’Alfarab. Ceux-ci fondèrent des villes et des bourgs ; d’autres se séparèrent d’eux pour habiter les plaines, comme les Turcs, les Kozlodjs, les Tagazgaz, qui occupent la ville de Kouchan (Kao-tchang), située entre le Khoraçan et la Chine, et qui sont aujourd’hui, en 332, de toutes les races et tribus turques, la plus valeureuse, la plus puissante et la mieux gouvernée. Leurs rois portent le titre d’Irkhan, et seuls entre tous ces peuples ils professent la doctrine de Manès.
Parmi les Turcs il y a les Keimaks, les Varsaks, les Bediyehs, les Djariyehs, les Gouzes (Ouzes), qui sont les plus braves de tous, et les Khozlodjs, qui se distinguent par leur beauté, leur haute stature et la perfection de leurs traits.
Ces derniers sont répandus sur le territoire de Ferganah, de Chach et des environs. Ils dominaient autrefois sur toutes les autres tribus ; de leur race descendait le Khakan des khakans, qui réunissait sous son empire tous les royaumes des Turcs, et commandait à tous leurs rois.
Parmi ces khakans se trouvèrent Afrasiab le Turc, le conquérant de la Perse, et Chaneh. Aujourd’hui les Turcs n’ont plus de khakan auquel leurs autres rois obéissent, depuis la ruine de la ville d’Amat, dans les déserts de Samarkand. Nous avons raconté dans notre Histoire moyenne dans quelles circonstances cette ville perdit la souveraineté.
Une fraction des descendants d’Amour atteignit les frontières de l’Inde, dont le climat exerça une telle influence sur eux qu’ils n’ont plus la couleur des Turcs, mais plutôt celle des Indiens. Ils habitent soit dans les villes, soit sous la tente.
Une autre portion encore alla se fixer dans le Thibet et se donna un roi qui était soumis à l’autorité du khakan ; mais depuis que la suprématie de ce souverain a cessé, comme nous venons de le dire, les habitants du Thibet donnent à leur chef le titre de khakan, en mémoire des anciens rois turcs, qui portaient le titre de Khakan des khakans.
La majorité des descendants d’Amour suivit le littoral de la mer et arriva ainsi jusqu’aux extrémités de la Chine. Là ils se répandirent dans ces contrées, y fondèrent des habitations, cultivèrent la terre, établirent des districts, des chefs-lieux et des villes, et y prirent pour capitale une grande ville qu’ils nommèrent Anmou. De cette capitale à la mer d’Abyssinie ou mer de Chine, sur un parcours de trois mois de distance, on rencontre une suite non interrompue de villes et de pays cultivés. Le premier roi de ce pays qui ait résidé à Anmou fut Nostartas, fils de Baour, fils de Modtedj, fils d’Amour, fils de Jafet, fils de Noé. Durant un règne de plus de trois cents ans, il répartit la population dans ces contrées, creusa des canaux, extermina les bêtes féroces, planta des arbres et rendit général l’usage de se nourrir de fruits.
Il eut pour successeur son fils Aoun. Ce prince, voulant témoigner de sa douleur, et rendre hommage à la mémoire de son père, fit placer le corps dans une statue d’or rouge, qu’on posa sur un trône d’or incrusté de pierreries, et qui dominait son propre siège ; lui-même et ses sujets se prosternaient respectueusement malin et soir devant cette image qui renfermait la dépouille mortelle du roi. Après un règne de deux cent cinquante ans, il mourut et laissa l’empire à son fils Aitdoun.

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Carte en relief de la Chine depuis vue depuis l’orient, 1941

Celui-ci enferma aussi le corps de son père dans une statue d’or qu’il plaça sur un trône de même métal, au-dessous du rang qu’occupait son grand-père ; pais il avait coutume de se prosterner d’abord devant ce dernier et ensuite devant son père, et ses sujets l’imitaient. Ce roi gouverna ses sujets avec sagesse, les traita en toutes choses sur le pied de l’égalité, et se montra juste envers tous. Par ses soins la population et la fertilité du pays s’accrurent dans une large proportion. Son règne dura près de deux cents ans ; puis son fils Aitnan lui succéda. Ce prince, se conformant à l’exemple de ses prédécesseurs, enferma le corps de son père dans une statue d’or, et rendit toutes sortes d’hommages à sa mémoire. Pendant son règne, qui fut d’une longue durée, il recula les frontières de son pays jusqu’à celui des Turcs ses cousins.
Il vécut quatre cents ans, et ce fut sous lui que les Chinois trouvèrent plusieurs de ces procédés ingénieux qui donnent tant de délicatesse à leurs ouvrages. Son fils Haratan, qui monta sur le trône après lui, fit construire des vaisseaux sur lesquels il embarqua des hommes chargés d’exporter les produits les plus précieux de la Chine dans le Sind, l’Hindoustan, la Babylonie et tous les pays plus ou moins éloignés du littoral de la mer.
Ils devaient offrir de sa part aux souverains de ces contrées des présents merveilleux et de la plus grande valeur, et lui rapporter, à leur retour, ce que chaque province renfermerait de plus délicat et de plus rare même, en fait de comestibles, de boissons, d’étoffes et de végétaux. Ils avaient en outre pour commission de s’appliquer à connaître le gouvernement de chaque roi, la religion, les lois et les coutumes de toutes les nations qu’ils visiteraient, et d’inspirer aux étrangers le goût des pierreries, des parfums et des instruments de leur patrie. Les vaisseaux se dispersèrent dans toutes les directions, parcoururent les pays étrangers, et exécutèrent les ordres qui leur avaient été donnés. Partout où ils abordaient, ces envoyés excitaient l’admiration des habitants par la beauté des échantillons qu’ils avaient apportés avec eux. Les princes dont les États étaient baignés par la mer firent aussi construire des vaisseaux qu’ils expédièrent en Chine avec des produits étrangers à ce pays, entrèrent en correspondance avec son roi, et lui adressèrent des cadeaux en retour de ceux qu’ils avaient reçus de lui. C’est ainsi que la Chine devint florissante et que le sceptre se consolida dans les mains de ce souverain.
Il mourut après un règne d’environ deux cents ans. Ses sujets, inconsolables de sa perte, portèrent le deuil pendant un mois ; puis ils confièrent leur sort à son fils aîné, qu’ils prirent pour roi. Celui-ci, qui s’appelait Toutal, renferma le corps de son père dans une statue d’or, et suivit, en fidèle imitateur, l’exemple de ses ancêtres. Durant son règne, qui fut prospère, il introduisit dans l’État de sages coutumes, ignorées des premiers rois. Il disait que la seule base de l’empire étaitl’équité, parce qu’elle est la balance du Créateur, et que l’application à faire le bien ainsi que l’activité incessante faisaient partie de l’équité. Il donna à ses Sujets des distinctions, créa des degrés de noblesse et leur décerna des couronnes d’honneur. Il les classa ainsi suivant leur rang, et leur ouvrit à tous une carrière bien distincte. Comme il se fut mis à la recherche d’un emplacement propre à la construction d’un temple, il trouva un lieu fertile, émaillé de fleurs et bien arrosé, où il jeta les fondements de cet édifice. Il y fit apporter toutes sortes de pierres de différentes couleurs, dont on bâtit le temple au sommet duquel on éleva une coupole garnie de ventilateurs ménagés avec symétrie. On pratiqua des cellules dans la coupole, pour ceux qui voudraient se consacrer entièrement au service de Dieu. Lorsque le tout fut achevé, le roi fit placer au faîte du monument les statues qui renfermaient les corps de ses ancêtres, et dit : « Si je n’agissais pas ainsi, j’enfreindrais les règles de la sagesse, et le temple ne serait d’aucune utilité. » Il ordonna donc de vénérer ces corps placés au sommet de la coupole.

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Figurine chinoise sous le dynastie chinoise des Tang (618 907), représentant des commerçants Sogdiens sur leurs chameaux

Ayant appelé auprès de lui les principaux personnages de l’État, il leur dit qu’il jugeait indispensable de réunir tous les peuples sous le joug d’une seule et unique croyance qui leur servirait de lien, et garantirait parmi eux l’ordre et la sécurité ; qu’un empire où ne régnaient ni l’ordre ni les lois était exposé à toutes sortes de dommages et menacé d’une ruine prochaine. Il institua donc un code destiné à régir ses sujets, et leur prescrivit comme obligatoires des règles de conduite fondées sur la raison. Il mit en vigueur la peine du talion pour les meurtres » les blessures, et il promulgua des règlements qui déterminaient la légitimité des alliances et fixaient les droits des enfants qui en étaient issus. Parmi les lois qu’il créa, les unes étaient obligatoires, absolues ; on ne pouvait les transgresser sans crime ; les autres étaient surérogatoires et facultatives. Il prescrivit comme un devoir à ses sujets de se mettre en relation avec leur Créateur par des prières qu’ils lui adresseraient à certaines heures du jour et de la nuit, sans toutefois s’incliner ni se prosterner. Il y avait d’autres prières annuelles ou mensuelles, dans lesquelles les inclinations et les prosternations étaient de rigueur. En outre il institua des fêtes solennelles. Il fit des règlements sur la prostitution, et astreignit à payer une taxe les femmes qui vivaient dans le désordre, en leur permettant toutefois de se racheter par le mariage ou par le retour à des mœurs plus régulières. Leurs enfants mâles appartenaient au roi comme soldats ou esclaves, et les filles restaient auprès de leurs mères et se consacraient au même métier. Il ordonna aussi qu’on offrirait des sacrifices dans les temples, et qu’on brûlerait de l’encens en l’honneur des étoiles, en déterminant d’avance à quelles époques, et avec quels parfums et quelles plantes aromatiques on rendrait le culte à chacun des astres. Le règne de ce prince fut heureux ; il mourut, entouré d’une nombreuse postérité, à l’âge d’environ cent cinquante ans. Ses sujets, très affligés de sa perte, placèrent ses restes dans une statue d’or incrustée de pierreries, et bâtirent en son honneur un temple magnifique, au sommet duquel ils mirent sept pierres précieuses différentes, qui représentaient la couleur et la forme du soleil, de la lune et des cinq autres planètes. Le jour de sa mort devint un jour de prières et un anniversaire où l’on se réunissait dans ce temple. Au sommet, en vue de tout le monde, fut fixée une table d’or sur laquelle étaient gravés l’image du défunt et le récit de ses plus belles actions, pour servir de modèle à tous ceux qui, après lui, se chargeraient de gouverner les peuples et de les policer. On grava aussi son image sur les portes de la ville, sur les pièces d’or, sur la menue monnaie de cuivre et de bronze, qui était très abondante, et on l’imprima sur des étoffes.

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Le Yak, animal typique des nomades du Tibet

Le siège du gouvernement chinois fut définitivement fixé à Anmou, grande ville située, comme nous l’avons déjà dit, à plus de trois mois de marche de la mer. Il y a vers le couchant, dans la direction du Thibet, une autre grande ville appelée Med. Ses habitants sont continuellement en guerre avec les Thibétains. Les rois qui succédèrent à Toutal se virent sans cesse dans l’état le plus prospère ; l’abondance et la justice régnèrent dans leur empire, dont la violence était bannie, car ces princes observèrent fidèlement les lois que leur prédécesseur avait prescrites. Dans la guerre ils furent victorieux de leurs ennemis ; la sécurité régna sur leurs frontières, la solde fut régulièrement payée à leurs troupes, et les négociants de tous les pays affluèrent par terre et par mer avec toutes sortes de marchandises.
Le culte des Chinois, c’est-à-dire le culte ancien, n’était autre que le culte samanéen ; il avait beaucoup d’analogie avec les pratiques religieuses des Koraïchites avant l’islam, lesquels adoraient les idoles et leur adressaient des prières. Ces prières, il est vrai, étaient adressées d’intention au Créateur lui-même ; les images et les idoles servaient seulement de Kiblah, ou de point vers lequel on se tourne en priant.
Mais les ignorants et les gens sans intelligence associaient les idoles à la divinité du Créateur, et les adoraient également. Le culte des idoles était une manière de s’approcher insensiblement de Dieu, et, bien que cette manière de le servir fût une dérogation à la majesté, à la grandeur et à la puissance du Créateur, le culte rendu à ces idoles n’était cependant qu’une marque de soumission et un intermédiaire pour s’élever jusqu’à la divinité. Il en était ainsi en Chine, jusqu’à ce que les théories, les systèmes des sectes dualistes et des innovateurs se fissent jour. Avant cette époque, les croyances et les opinions des Chinois, ainsi que le culte qu’ils rendaient aux idoles, étaient conformes aux idées et aux pratiques religieuses de toutes les classes de la population dans l’Inde. Quelque considérables que fussent les changements qui s’opérèrent dans leur état social, quelque nombreuses que fussent chez eux les discussions soulevées par l’esprit d’investigation, ils se conformèrent toujours dans leurs décisions juridiques aux anciennes lois qu’ils tenaient de la tradition.
Leur royaume est contigu à celui des Tagazgaz, qui, comme nous l’avons dit plus haut, sont manichéens et proclament l’existence simultanée des deux principes de la lumière et des ténèbres. Ces peuples vivaient dans la simplicité et dans une foi semblable à celle des races turques, lorsque vint à tomber parmi eux un démon de la secte dualiste, qui, dans un langage plein de séduction, leur fit voir deux principes contraires dans tout ce qui existe au monde : comme la vie et la mort, la santé et la maladie, la richesse et la pauvreté, la lumière et l’obscurité, l’union et la séparation, la jonction et la scission, le levant et le couchant, l’être et le néant, la nuit et le jour, etc. Puis il leur parla des incommodités diverses qui atteignent les êtres raisonnables, les animaux, les enfants, les idiots, les fous, et il ajouta que Dieu ne pouvait pas être responsable de ce mal, qu’il y avait là une contradiction choquante avec le bien qui distingue ses œuvres, et qu’il était au-dessus d’une pareille imputation.
Par ces subtilités et d’autres semblables, il entraîna les esprits et leur fit adopter ses erreurs. Aussi longtemps que le prince régnant en Chine était samanéen et sacrifiait des animaux, il était en guerre continuelle avec l’Irkhan, roi des Turcs ; mais depuis qu’il est dualiste, ils vivent en bonne intelligence. Malgré la diversité de leurs opinions et de leurs croyances, les rois de la Chine ne cessaient de se conformer aux jugements de la saine raison dans le choix qu’ils faisaient des juges et des gouverneurs, et les grands comme les petits se réglaient d’après les principes de la sagesse.

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Carte des groupes ethnolinguistique de la Chine
 
Les Chinois se divisent en tribus et en branches, comme les Arabes, et leurs généalogies présentent autant de ramifications. Ils en font grand cas et les conservent précieusement dans leur mémoire, au point que quelques-uns remontent par près de cinquante générations jusqu’à Amour. Les gens d’une tribu ne se marient pas entre eux. C’est ainsi qu’un homme de Modar épouserait une femme de Rebiah, ou un homme de Rebiah une femme de Modar, qu’un descendant de Kahlan s’unirait à une femme de Himiar, et un homme de Himiar à une femme de Kahlan. Les Chinois prétendent que le croisement des races donne une progéniture plus saine, un corps plus solide, une vie plus longue, une santé plus robuste et d’autres avantages encore.
La situation de la Chine resta dans un état de prospérité continuelle, grâce aux sages institutions des anciens rois, jusqu’à l’année 264. Depuis cette époque jusqu’à nos jours (332), il y est survenu des événements qui ont troublé l’ordre et renversé l’autorité des lois. Un intrus nommé Yanchou, qui n’était pas de la famille royale, et qui demeurait dans une ville de la Chine, surgit tout à coup. Homme d’une nature perverse, artisan de discorde, il vit la lie de la population et les malfaiteurs se grouper autour de lui, et grâce à l’obscurité de son nom et au peu d’importance de sa personne, ni le roi ni ses ministres ne s’en préoccupèrent. Il en devint plus fort ; sa renommée grandit, et en même temps il redoubla d’arrogance et d’audace.
Les malfaiteurs, franchissant les obstacles qui les séparaient de lui, vinrent grossir son armée ; alors il décampa et ravagea par ses incursions les pays cultivés du royaume, jusqu’à ce qu’il établit son camp devant Khanfou, ville importante, située sur un fleuve qui est plus considérable, ou du moins aussi important que le Tigre. Ce fleuve se jette dans la mer de Chine, à six ou sept journées de Khanfou, et les bâtiments venus de Basrah, de Siraf, d’Oman, des villes de l’Inde, des îles de Zabedj, de Sinf et d’autres royaumes, le remontent avec leurs marchandises et leur cargaison. Le rebelle marcha donc rapidement sur la ville de Khankou, dont la population se composait de musulmans, de chrétiens, de juifs, de mages et de Chinois, et l’assiégea étroitement. Attaqué par l’armée du roi, il la mit en fuite et livra son camp au pillage ; puis se trouvant à la tête de soldats plus nombreux que jamais, il s’empara par force de la place, dont il massacra une quantité prodigieuse d’habitants. On évalue à deux cent mille le nombre des musulmans, chrétiens, juifs et mages qui périrent par le fer ou par l’eau, en fuyant devant l’épée. Cette évaluation peut être parfaitement exacte, attendu que les rois de la Chine font inscrire sur des registres les noms des sujets de leur empire et des individus appartenant aux nations voisines leurs tributaires, et qu’ils chargent des agents de ce recensement, qui doit toujours les tenir au courant de l’état des populations soumises à leur sceptre.

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Type de rocket utilisés par les armées chinoise lors de siège (osprey)

L’ennemi coupa les plantations de mûriers qui entouraient la ville de Khanfou et qu’on y entretenait avec soin, parce que les feuilles de cet arbre servent de nourriture aux vers qui produisent la soie ; aussi la destruction des mûriers arrêta l’exportation des soies de Chine dans les pays musulmans. Yanchou poursuivit sa marche victorieuse d’une ville à l’autre ; des tribus entières, vouées à la guerre et au pillage, et d’autres qui craignaient la violence des insurgés, se joignirent à lui, et il se dirigea vers Anmou, capitale de l’empire, avec trois cent mille hommes, cavaliers et fantassins. Le roi marcha à sa rencontre avec près de cent mille soldats d’élite qui lui restaient encore. Pendant environ un mois, les chances de la guerre furent égales entre les deux armées, qui eurent tour à tour à supporter des revers. Enfin la fortune se déclara contre le roi, qui fut mis en fuite, et, vivement poursuivi, vint se jeter dans une ville frontière. Le rebelle, maître de l’intérieur de l’empire et de la capitale, fit main basse sur tous les trésors que les anciens rois avaient réservés pour les mauvais jours ; puis il promena la dévastation dans les campagnes, et détruisit les villes par la force. Sachant bien que sa naissance ne lui permettait pas de se soutenir à la tête du gouvernement, il se hâta de ravager toutes les provinces, démettre les fortunes au pillage et de répandre des torrents de sang. De la ville de Med dans laquelle il s’était enfermé et qui était limitrophe du Thibet, le roi écrivit au souverain des Turcs, Irkhan, pour lui demander du secours. Il l’informa de ce qui lui était arrivé, et lui rappela les devoirs qui lient les rois envers les rois, leurs frères, lorsqu’on réclame leur assistance, qu’ils ne peuvent refuser sans manquer à l’une des obligations absolues de leur rang. Irkhan lui envoya son fils avec un secours d’à peu près quatre cent mille fantassins et cavaliers contre Yanchou, dont les progrès devenaient menaçants. Pendant près d’une année, les deux années eurent entre elles des engagements sans résultat décisif, mais très meurtriers. Yanchou disparut enfin, sans que l’on sache positivement s’il périt par l’épée ou s’il se noya. Son fils et ses principaux partisans furent faits prisonniers, et le roi de la Chine retourna-dans sa capitale et reprit les rênes du gouvernement. Ce prince reçut de ses sujets le titre honorifique de Bagbour (Fagfour), c’est-à-dire fils du ciel. Toutefois le titre qui appartient aux souverains de la Chine, et qu’on leur donne toujours en leur pariant, est Tamgama djaban, et non pas Bagbour.
Pendant cette guerre, les gouverneurs de chaque contrée s’étaient rendus indépendants dans leur province, comme les chefs des Satrapies après qu’Alexandre, fils de Philippe de Macédoine, eut tué Dara, fils de Dara, roi de Perse, et comme cela se passe encore aujourd’hui chez nous, en 332.
Le roi de Chine dut se contenter de l’obéissance purement nominale que les gouverneurs lui accordaient, et du titre de roi qu’ils lui donnaient dans leurs lettres ; mais il ne put pas se porter de sa personne dans toutes ses provinces, ni combattre ceux qui s’en étaient rendus maîtres. Il se résigna donc à n’exiger d’eux qu’un simple hommage, et, bien qu’ils ne lui payassent aucun tribut, il les laissa vivre en paix ; il fut même obligé de permettre que chacun de ces nouveaux maîtres attaquât, selon ses forces et son pouvoir, ses voisins. Ainsi l’ordre et l’harmonie qui avaient régné sous les anciens rois cessèrent d’exister.

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Carte de la dynastie Tang , Chine, montrant certains des groupes ethniques (et d’autres) environnants et les zones géographiques de ces groupes

Les anciens rois avaient un système régulier de gouvernement, et se laissaient guider par la raison dans les jugements équitables qu’ils rendaient. On raconte qu’un marchand de Samarcande, ville de la Transoxiane, ayant quitté son pays avec une riche pacotille, était venu dans lirait. De là il s’était rendu avec ses marchandises à Basrah, où il s’était embarqué pour le pays d’Oman ; puis il était allé par mer à Killah, qui est à peu près à moitié chemin de la Chine. Aujourd’hui cette ville est le rendez-vous général des vaisseaux musulmans de Siraf et d’Oman, qui s’y rencontrent avec les bâtiments de la Chine ; mais il n’en était pas ainsi autrefois. Les navires de la Chine se rendaient alors dans le pays d’Oman, à Siraf, sur la côte de Perse et du Bahreïn, à Obollah et à Basrah, et ceux de ces pays naviguaient à leur tour directement vers la Chine. Ce n’est que depuis qu’on ne peut plus compter sur la justice des gouvernants et sur la droiture de leurs intentions, et que l’état de la Chine est devenu tel que nous l’avons décrit, qu’on se rencontre sur ce point intermédiaire. Ce marchand s’était donc embarqué sur un bâtiment chinois pour aller de Killah au port de Khan-fou. Le roi avait alors, parmi les serviteurs attachés à sa personne, un eunuque en qui il avait confiance. Les Chinois donnent aux eunuques des emplois, comme ceux de receveurs de contributions et autres ; il y en a même qui font châtrer leurs enfants, afin de les faire parvenir aux dignités.

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Ancien Coran de Khanfu (Canton) copié et enluminé par Abdul-Hayy Ibn Mahmoud Chine, Khanfu (Guangzhou, anciennement Canton) en l’an 1000 de l’héigre /1591 AD 276 folios

L’eunuque du roi alla donc à Khanfou, où il fit appeler en sa présence les marchands, et parmi eus celui de Samarcande. Tous lui présentèrent les marchandises dont il avait besoin. Après avoir mis de côté ce qui pouvait servir au roi, il offrit au Samarkandien un prix dont celui-ci ne se contenta pas ; de là une discussion qui alla assez loin pour que l’eunuque donnât l’ordre d’emprisonner et de maltraiter le marchand. Le Samarkandien, ayant plus de confiance dans la justice du roi, se rendit aussitôt à Anmou, la résidence royale, et se plaça à l’endroit où se mettaient les plaignants. Quiconque avait à se plaindre d’une injustice, qu’il fût ou non d’un pays éloigné, se revêtait d’une sorte de tunique en soie rouge, et se transportait dans un lieu destiné aux plaignants. Là un des grands dignitaires des provinces, commis à cet effet, le transportait par la poste à une distance d’environ un mois. On en agit ainsi avec le marchand, et on le conduisit devant le gouverneur du pays chargé de ces fonctions, qui lui dit : «Tu entreprends là une grave affaire, où tu cours risque de la vie. Considère bien si ta es fondé dans ta plainte, sinon je regarderai tout comme non avenu et te ferai ramener au pays d’où tu viens. » Si le plaignant ainsi apostrophé baissait la voix, si on le voyait se troubler et se rétracter, on lui appliquait cent coups de bâton, et on le ramenait là d’où il était venu ; mais s’il persistait, on le conduisait au château royal, en présence du roi qui entendait sa réclamation. Comme le Samarkandien persévérait dans sa demande, et comme on vit qu’il disait la vérité sans se troubler et sans mentir, on le mena devant le roi, auquel il raconta ce qui lui était arrivé. Lorsque le drogman eut fait comprendre au roi ce dont il était question, ce prince donna des ordres pour que le marchand fût logé dans un des quartiers de la ville et qu’il y fût bien traité. Ensuite il manda auprès de lui le vizir, le maîtrede la droite et le maître de la gauche. Ces hauts dignitaires, qui connaissaient parfaitement leurs attributions et leurs devoirs, exerçaient leur charge dans les circonstances critiques et en temps de guerre. Le roi leur ordonna d’écrire séparément à leurs représentants à Khanfou ; car chacun d’eux avait un agent dans toutes les provinces. Ils leur écrivirent donc pour leur demander un rapport sur ce qui s’était passé entre le marchand et l’eunuque. Le roi, de son côté, écrivit dans le même sens à son lieutenant. Cependant l’affaire s’était ébruitée dans le pays, en sorte que les lettres apportées par les mulets de la poste confirmèrent la déposition du marchand. Les souverains de la Chine ont sur toutes les routes de leurs provinces des mulets à longue queue pour la poste et le transport des groups d’argent. Le roi fit aussitôt venir l’eunuque, lui ôta tous les biens qu’il tenait de sa munificence, etlui dit : « Tu as nui à un marchand qui venait d’un pays éloigné, et qui, après avoir traversé sans accident bien des royaumes et vécu sous la protection de plusieurs souverains de la mer et du continent, espérait arriver sans encombre dans ce pays, plein de confiance dans ma justice ; mais, grâce à ton iniquité, peu s’en est fallu qu’il n’ait quitté mes Etats en semant partout sur moi le blâme et le reproche. Sans tes services antérieurs, je t’aurais fait mettre à mort ; mais je t’infligerai un châtiment qui, si tu le comprends, est plus sévère que la mort. Je te charge de la garde des sépulcres des anciens rois, parce que tu as été incapable d’administrer les vivants et de remplir la tâche que je t’avais confiée. » Le roi combla ensuite le marchand de bienfaits, le fit retourner à Khanfou, et lui dit : «S’il te plaît de nous céder celles de tes marchandises qui nous conviennent, nous t’en donnerons un bon prix ; sinon, tu es le maître de ta fortune ; séjourne ici tant que tu le voudras, vends à ton gré, et va où il te plaira. » Quant à l’eunuque, il fut préposé à la garde des sépulcres royaux.
Voici encore une anecdote piquante sur les rois de la Chine.

A l’époque où se passa à Basrah l’aventure du chef des Zendjs, dont tout le monde a eu connaissance, un Koraïchite noble et riche, descendant de Habbar, fils d’el-Aswad, se rendit à la ville de Siraf. De là il s’embarqua pour les mers de l’Inde, et, après un long voyage par eau et par terre, il arriva enfin à la Chine, et alla à Khanfou.
Ensuite la fantaisie lui prit de visiter la résidence royale qui était alors Hamdan, l’une des cités les plus considérables de ces pays.
Le Koraïchite se tint longtemps à la porte du palais, en présentant des requêtes dans lesquelles il déclarait qu’il était de la famille du prophète des Arabes. A la fin le roi donna des ordres pour qu’on l’installât dans une maison où il ne manquerait de rien et où l’on pourvoirait à tous ses besoins. Il écrivit ensuite au gouverneur de Khanfou de lui communiquer le résultat de ses recherches et des informations qu’il aurait prises auprès des négociants sur la prétention de cet homme d’être un des parents du prophète des Arabes.
Le gouverneur, de Khanfou ayant confirmé par sa dépêche l’assertion du Koraïchite sur sa parenté, le roi l’admit à son audience et lui donna des richesses considérables qu’il rapporta dans l’Irak.
Or cet homme était un vieillard intelligent qui racontait que le roi de Chine, après lui avoir accordé une audience, l’avait interrogé sur les Arabes, et sur les moyens par lesquels ils avaient détruit le royaume des Perses ; à quoi il avait répondu : « C’est avec l’assistance du vrai Dieu, tandis que les Perses adoraient, à l’exclusion du créateur, le soleil et la lune, et se prosternaient devant les deux grands luminaires. »
Le roi ajouta : « Les Arabes ont conquis le royaume le plus noble, le plus fertile, le plus riche, le plus remarquable par l’intelligence de ses peuples et le plus célèbre. Mais comment classez-vous tous les souverains du monde ? »
— « Je n’en sais rien, répondit le Koraïchite.

Là-dessus le roi s’adressant à son interprète : « Dis-lui que nous comptons cinq rois ; le plus puissant de tous est celui qui gouverne l’Irak, car il occupe le milieu du monde et les autres puissances l’entourent ; aussi le nommons-nous roi des rois. Après cet empire vient le nôtre ; nous le regardons comme celui des hommes, parce qu’aucun royaume n’est mieux gouverné, ni plus régulièrement administré ; nulle part aussi les sujets ne sont plus obéissants, et voilà pourquoi nous sommes les rois des bommes. Après nous, vient le roi des bêtes féroces ; c’est notre voisin, le roi des Turcs, qui sont parmi les hommes ce que les bêtes féroces sont parmi les animaux.
Il est suivi du roi des éléphants, ou celui de l’Inde, que nous reconnaissons comme le roi de la sagesse, parce que la sagesse est originaire de ce pays. Le dernier enfin est le roi de Roum, que nous regardons comme le roi des fantassins, car aucun pays ne possède des hommes d’une taille plus parfaite et d’une figure plus belle. Tels sont les principaux rois ; les autres sont au-dessous d’eux. » Le roi, ajouta le Koraïchite, m’adressa ensuite cette question par son interprète : « Reconnaîtrais-tu ton maître, c’est-à-dire le Prophète, si tu le voyais ? «

— « Comment pourrais-je le voir, répondis-je, puisqu’il est avec Dieu ? »
— « Je ne parle pas de sa personne, reprit le roi, je parle de son portrait. »
— «Très-bien, » dis-je. Le roi fit apporter une cassette qu’on plaça devant lui. Il y prit un cahier, et dit à l’interprète : « Montre-lui son maître. » J’aperçus aussitôt dans le cahier les images des prophètes, et je les saluai à voix basse. Le roi, ne se doutant pas que je les reconnusse, chargea l’interprète de me demander pourquoi je remuais les lèvres. « Je salue les prophètes par une invocation, » ré-pondis-je. — « Comment les reconnais-tu ? » dit-il. — « Par les traits de leur histoire qui sont ici représentés : voici Noé qui se réfugie avec les siens dans un vaisseaux lorsque Dieu, qui avait commandé à l’eau de submerger la terre tout entière, le sauva avec ceux qui l’accompagnaient. » Le roi se mit à rire et dit : « Pour le nom de Noé, tu es dans le vrai ; mais quant au fait de l’inondation de la terre tout entière, nous ne le connaissons pas ; le déluge n’a atteint qu’une partie de la terre et n’est pas arrivé jusqu’à notre pays. Si l’histoire que vous racontez est vraie touchant cette partie du monde, toujours est-il que nous autres habitants de la Chine, de l’Inde, du Sind et d’autres pays encore, nous n’eu avons pas connaissance, et que nos ancêtres ne nous en ont rien légué par tradition ; et cependant, un événement tel que l’inondation de la terre est assez important pour frapper les esprits, se graver dans la mémoire, et pour que les peuples se le transmettent par tradition. » Le Koraïchite ajouta : « Je craignis de le réfuter et d’exposer nos arguments, parce que je savais qu’il les repousserait. Je continuai : « Voilà Moïse et son bâton, avec les enfants d’Israël. » Le roi dit : « Oui, il fut prophète, malgré les limites étroites de son pays et les révoltes de son peuple contre lui. » — «Voilà Jésus, repris-je ; il monte un âne, et les apôtres l’accompagnent. »

— « Sa prophétie, dit le roi, dura peu de temps ; elle ne dépassa guère trente mois. » Il passa ainsi en revue tous les prophètes et leur histoire, et dit beaucoup d’autres choses dont nous n’avons rapporté qu’une partie. Ce Koraïchite, qui est connu sous le nom d’Ibn Habbar, prétendait même avoir vu au-dessus de la figure de chaque personnage une longue épigraphe qui contenait une mention de sa généalogie, de son pays, de l’âge qu’il avait atteint et de tout ce qui concernait ses prophéties et sa vie. « A la fin, ajoutait-il, je reconnus la figure de notre prophète Mohammed, monté sur un chameau et entouré de ses compagnons qui portaient à leurs pieds des chaussures dites d’Aden ; faites de peau de chameau, et des cure-dents suspendus à leurs ceintures formées de cordes en filaments de palmier. Je pleurai. Le roi m’en fit demander (à cause par son interprète. « Voilà mon prophète, répondis-je, mon maître et mon cousin Mohammed, fils d’Abd Allah ! »
— « Tu dis la vérité, repartit te roi. Il a régné, et sur le plus noble de tous les peuples ; seulement il n’a pas vu de ses yeux l’empire soumis à sa loi ; ce bonheur a été réservé aux khalifes, ses successeurs, qui ont gouverné son peuple après lui. » En examinant les portraits des prophètes, j’en vis plusieurs qui, en joignant l’index avec le pouce en forme d’anneau, semblaient indiquer par la position de leurs mains que la création est comme un cercle ; d’autres tournaient l’index et le pouce vers le ciel, comme s’ils avaient voulu inspirer à la créature la crainte de ce qui est au-dessus d’elle. Le roi m’adressa ensuite des questions sur les khalifes, sur leur costume et sur un grand nombre de leurs institutions. Je lui répondis dans la mesure de tues connaissances. Puis il dit : « Quel âge donnez-vous au monde ? »

— « Les opinions diffèrent à ce sujet, répondis-je ; les uns lui donnent six mille ans, les autres plus ou moins. » — « Cette opinion vient-elle de votre prophète ? » reprit-il.
— « Oui, » lui dis-je. Il éclata de rire ainsi que son vizir, qui se tenait debout, ce qui prouvait leur incrédulité ; puis il ajouta : « Je ne pense pas que votre prophète ait émis cet avis. » Je revins à la charge et lui dis : « C’est le prophète lui-même. » Je vis alors l’incrédulité se peindre sur sa figure, et il ordonna à son interprète de m’adresser les paroles suivantes : «Fais bien attention à ce que tu dis, car on ne parle aux rois qu’après avoir eu la certitude de ce qu’on avance.
Tu as prétendu qu’il existait parmi vous une différence d’opinion à ce sujet : ce désaccord tombe donc sur une parole de votre prophète. Cependant lorsqu’il s’agit de ce que les prophètes ont dit, iï n’est plus permis d’avoir des avis différents ; bien loin de là, tout le monde doit se soumettre sans contestation. Prends donc bien garde de parler de cela ou de choses semblables. » Il m’entretint encore sur d’autres sujets que le temps a effacés de ma mémoire. Il me demanda ensuite : « Pourquoi as-tu abandonné ton pays dont le séjour et la population ont plus d’analogie avec toi que n’en a le nôtre ? » Je lui racontai les événements de Basrah, et comment j’étais arrivé à Siraf. « Là, continuai-je, je désirais te voir, ô roi ! car j’avais entendu parler de l’état prospère de ton royaume, de ta sagesse, de ta justice et de la perfection d’un gouvernement qui régit à la fois tous les sujets. J’ai voulu voir cet empire et le connaître de mes propres yeux. Maintenant, s’il plaît à Dieu, je retournerai dans mon pays, dans le royaume démon cousin ; j’y raconterai ce que j’ai vu de l’état florissant de cet empire, de sa vaste étendue, de l’équité de l’administration, qui s’étend à tous, et de tes grandes qualités, ô excellent prince ! je répéterai chaque belle parole et j’y vanterai chaque bonne action. »

Le roi, flatté de ce discours, me fit donner de riches présents et de magnifiques vêtements ; on me conduisit par la poste à Khanfou, et le roi écrivit à son gouverneur de me bien traiter, de me mettre au premier rang parmi les personnages distingués qui l’entouraient, et de me combler de faveurs jusqu’à mon départ. Je restai donc auprès de lui, vivant dans l’abondance et dans les plaisirs jusqu’au moment où je quittai la Chine.
Abou-Zeïd Mohammed, fils de Iezid, originaire de Siraf, cousin de Mezid Mohammed, fils d’Ebred, fils de Bestacha, gouverneur de cette même ville, homme d’expérience et de discernement, causant avec moi, Maçoudi, à Basrah où il était venu se fixer l’an 303, me dit qu’il avait interrogé ce Koraïchite, Ibn Habbar, sur la ville de Hamdan, résidence du roi, sur sa physionomie et son aspect. Ibn Habbar lui avait parlé de l’étendue de cette capitale et du grand nombre de ses habitants, ajoutant qu’elle était divisée en deux parties, séparées par un long et large boulevard.

Le roi, son vizir, le grand juge, les troupes, les eunuques et tout ce qui tient au gouvernement occupent la partie de droite située à l’orient ; aucun homme de la basse classe n’habite parmi eux ; on n’y voit pas de marchés, mais les rues sont sillonnées, dans toute leur longueur, de canaux bordés d’arbres plantés avec symétrie, et de vastes maisons. La partie gauche, à l’ouest, est affectée au peuple, aux commerçants, aux magasins d’approvisionnements et aux marchés.
A la pointe du jour, je voyais les intendants du roi, ses domestiques, les esclaves et les agents des gouverneurs se rendre, soit à pied, soit à cheval, dans la moitié de la ville où se trouvent les marchés et les négociants ; ils prenaient là les marchandises et les objets dont ils avaient besoin, et s’en retournaient sans plus remettre le pied dans ce quartier jusqu’au lendemain.
La Chine est un pays charmant, à la végétation luxuriante, et entrecoupé d’innombrables canaux ; toutefois le palmier ne s’y rencontre pas. Les habitants de cet empire sont, parmi les créatures de Dieu, les plus habiles dans la peinture et dans tous les arts. Aucune autre nation ne pourrait rivaliser avec eux pour quelque ouvrage que ce soit. Lorsqu’un Chinois a fait un travail qu’il croit inimitable» il l’apporte au palais du roi et demande une récompense pour son chef-d’œuvre. Le roi ordonne aussitôt que cet ouvrage reste exposé au palais pendant une année, et si, dans tout ce temps, personne n’y trouve de défaut, le roi accorde à l’auteur une récompense et l’admet au nombre de ses artistes ; mais si l’on découvre un défaut dans l’ouvrage, celui qui l’a fait est renvoyé sans salaire.

Un homme avait représenté sur une étoffe de soie un épi avec un moineau perché dessus ; telle était la perfection du travail que l’œil du spectateur s’y trompait forcément. Ce chef-d’œuvre resta longtemps exposé. Un jour un bossu, en passant devant lui, se permit de le critiquer. Introduit auprès du roi, ainsi que l’artiste, on lui demanda sur quoi portaient ses reproches. « Tout le monde sait, répondit-il, qu’un moineau en Rabattant sur un épi le fait plier ; ici le peintre a représenté l’épi droit et nullement penché, bien qu’il ait posé dessus un oiseau. » L’observation fut trouvée juste, et le peintre ne reçut aucune récompense. Par cette coutume et d’autres semblables, ils veulent stimuler le zèle des artistes, les forcer à beaucoup de circonspection et de prudence, et les obliger à réfléchir longuement dans l’exécution des ouvrages qu’ils entreprennent.
Il nous resterait encore beaucoup de renseignements curieux et de choses intéressantes à communiquer sur les Chinois et sur leur pays ; mais nous y reviendrons plus bas dans cet ouvrage, et nous en parlerons en gros, bien que nous ayons déjà traité ce sujet d’une manière très complète dans nos Annales historiques et dans notre Histoire moyenne. Au surplus nous avons consigné surtout dans le présent livre tous les détails que nous avions omis dans ceux que nous venons de citer.

Histoire Islamique - Page 8 Rectanglaire-carte-arabe-la-plus-ancienne-exitente-du-livre-des-merveiles
La plus vielle carte rectangulaire au monde encore tiré du « Kitāb Gharā’ib al-funūn wa-mula’ al-‘uyūn » Egypte, anonyme, 11eme siècleexistante, livre 2, Chapitre 2
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Message  Arlitto Mar 03 Mai 2016, 17:31

CHAPITRE XVI.
RAPIDE EXPOSÉ DES MERS, LEURS PARTICULARITÉS ; LES PEUPLES ET LES DIFFÉRENTES PUISSANCES ; RENSEIGNEMENTS SUR L’ESPAGNE ; LES CONTRÉES D’OU PROVIENNENT LES PARFUMS, LEURS DIFFÉRENTES ESPÈCES, ET AUTRES SUJETS.
Nous avons déjà parlé plus haut, d’une manière générale, des mers qui communiquent entre elles et de celles qui sont isolées ; nous donnerons dans ce chapitre des notions sommaires sur les communications de la mer d’Abyssinie avec les autres mers, sur les royaumes, les rois, les différents rangs qu’ils occupent, et sur d’autres faits intéressants.
Les eaux des mers de la Chine, de l’Inde, de la Perse et du Yémen communiquent entre elles sans interruption, comme nous l’avons dit ; mais l’agitation et le calme y sont variables et dépendent de la diversité des vents qui y soufflent, des époques où elles sont soulevées par la tempête, et d’autres circonstances encore. Ainsi la mer de Perse est houleuse et d’une navigation difficile quand la mer de l’Inde est paisible, très peu agitée et très facile à traverser. La mer de Perse, à son tour, est calme, presque sans vagues et d’un parcours facile, lorsque la mer de l’inde est profondément troublée, et que le choc de ses vagues et ses brouillards opposent de grandes difficultés aux navigateurs.
La mer de Perse commence à devenir orageuse lorsque le soleil entre dans le signe de l’Épi et à l’approche de l’équinoxe d’automne ; les vagues augmentent continuellement jusqu’à ce que le soleil se trouve dans le signe du Poisson ; elles sont surtout violentes vers la fin de l’automne, quand il est dans le Sagittaire, et elles se calment ensuite, pour reparaître de nouveau, quand il revient à la constellation de l’Épi ; les dernières vagues s’y montrent vers la fin de printemps, lorsque le soleil séjourne dans les Gémeaux. Quant à la mer de l’Inde, elle est très grosse jusqu’à ce que le soleil entre dans l’Épi, seule époque où elle devient navigable ; les plus grands calmes y règnent lorsque le soleil se trouve dans le Sagittaire. Sur la mer de Perse on navigue toute l’année d’Oman à Siraf pendant une traversée de cent soixante parasanges, et, de Siraf à Basrah, distante de cent quarante parasanges ; mais on ne dépasse pas ces deux localités ou leurs alentours.
L’astronome Abou Mâchar, dans son ouvrage intitulé Grande introduction à l’astronomie, rapporte ce que nous venons de raconter sur l’agitation et le calme alternatifs de ces mers, selon la constellation dans laquelle séjourne le soleil. Aucun bâtiment d’Oman, sauf les bateaux qui se risquent avec une petite charge, ne traverse la mer de l’Inde pendant le tirmah (mois de juin) ; ces bateaux, qui ont osé se rendre à cette époque dans l’Inde, s’appellent à Omantirmahyyeh. Or il faut savoir que pour les régions de l’Inde et la mer des Indes, le ieçareh, c’est-à-dire l’hiver, et les pluies continuelles qui, chez nous, tombent pendant les mois de décembre, janvier et février, correspondent à l’été, de même que chez nous la chaleur se fait sentir pendant les mois de juin, juillet, août, en sorte que l’été règne chez eux pendant noire hiver, et réciproquement. Il en est de même dans toutes les villes de l’Inde et du Sind et dans tous les pays limitrophes jusqu’aux extrémités de cette mer. On se sert du motiaçara pour désigner le séjour d’hiver que quelqu’un fait dans l’Inde, tandis que l’été règne dans nos climats. Cette différence de saisons provient du plus ou moins de distance ou de proximité du soleil.
La pêche des perles, dans le golfe Persique, n’a lieu que depuis le commencement d’avril jusqu’à la un de septembre ; elle cesse pendant les autres mois. Dans nos ouvrages antérieurs nous avons nommé tous les endroits de cette mer où il existe des pêcheries ; car les perles se trouvent exclusivement dans la mer d’Abyssinie, au pays de Kharek, de Kotor, d’Oman, de Serendib, et sur d’autres points de ces parages. Nous y avons aussi parlé de la manière dont la perle se forme, et des différentes opinions émises à ce sujet ; les uns la faisant naître de la pluie, et les autres lui attribuant une origine toute différente. Nous avons dit qu’on distinguait dans les perles les anciennes et les nouvelles, appelées aussiel-mahar et connues sous le nom d’el-balbal. Quant à l’animal lui-même, il se compose d’une agglomération de chair et de graisse qui se trouve dans la coquille ; il redoute pour la perle l’approche des plongeurs, comme une mère craindrait pour son enfant. Nous avons expliqué aussi la manière dont on plonge. Les plongeurs, ainsi que nous l’avons dit, ne se nourrissent que de poissons et de dattes, et d’autres aliments du même genre ; on leur fend le bas de l’oreille pour laisser passage à la respiration, attendu qu’ils bouchent leurs narines avec un appareil taillé en fer de flèche, fait de zebel, qui est l’écaillé de la tortue marine dont on fabrique les peignes, ou bien encore en corne, mais jamais de bois ; ils portent dans leurs oreilles du coton imprégné d’huile dont ils expriment une faible partie lorsqu’ils sont au fond de la mer, ce qui les éclaire comme une lumière. Ils enduisent leurs pieds et leurs cuisses d’une matière noire qui fait fuir au loin les monstres marins par lesquels ils craindraient d’être engloutis. Quand ils sont au fond de la mer ils poussent des cris semblables aux aboiements des chiens, et dont le bruit perçant leur sert à communiquer les uns avec les autres. Enfin nous avons encore rapporté d’autres détails curieux concernant les plongeurs et leur art, l’huître à perle et son animal, les qualités, le caractère distinctif, le prix et le poids de la perle.

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La péninsule arabique sur une copie de 1467 de la carte perdue du IIe siècle de Ptolémée

Cette mer commence du côté de Basrah, d’Obollah et du Bahreïn, à partir des estacades de Basrah ; puis vient la mer Larewi, qui baigne les territoires de Seïmour, Soubareh, Tabeh, Sindan, Kambaye et autres, faisant partie de l’Inde et du Sind ; puis la mer d’Herkend ; puis la mer de Killâh ou Kalah et l’archipel ; puis la mer de Kerdendj ; puis la mer de Sinf, dont les côtes produisent l’aloès appelé de son nom sinfi, et enfin la mer de Chine ou Sindji, qui est la dernière de toutes. La mer de Perse, ainsi que nous l’avons dit, commence aux estacades de Basrah, à l’endroit même connu sous le nom d’el-Kenkelâ ; ce sont des madriers enfoncés dans la mer et servant de signaux aux bâtiments.
De là à Oman, en suivant la côte de Perse et du Bahreïn, il y a trois cents parasanges. De l’Oman, dont la capitale s’appelle Sobar, ou Mezoen, d’après les Persans, à Maskat, ville qui possède des puits où les marins viennent faire de l’eau douce, il y a une distance de cinquante parasanges. Il y en a autant de Maskat au cap el-Djomdjomah, limite extrême de la mer de Perse, dont la longueur est de quatre cents parasanges, ce qui est conforme, du reste, à l’évaluation des patrons qui fréquentent ces parages.
Le cap el-Djomdjomah est formé par une montagne qui va rejoindre le Yémen par le pays d’ech-Chibr, d’el-Ahkaf et des sables, et qui se prolonge ensuite dans les profondeurs de la mer jusqu’à une limite inconnue.
Toutes les fois qu’une montagne s’étend ainsi au loin sous les eaux, on lui donne dans la Méditerranée le nom de Sofalah ; tel est le Sofalah qui, de l’endroit connu sous le nom de côte de Séleucie, dans le pays de Roum, s’étend sous la mer dans la direction de l’île de Chypre, et sur lequel tant de vaisseaux grecs ont échoué et péri. Nous aurons toujours soin de rapporter les termes dont les navigateurs de chaque mer se servent entre eux et dont ils comprennent parfaitement le sens. — Du cap el-Djomdjomah les vaisseaux, quittant le golfe Persique, passent dans la seconde mer, ou mer Larewi.
On n’en connaît pas la profondeur, et on n’en peut déterminer exactement les limites à cause de l’abondance de ses eaux et de son immensité ; bien des marins prétendent qu’il est difficile d’en donner une description géographique, tant est grande la multitude de ses ramifications. Toutefois les vaisseaux la traversent communément en deux ou trois mois, quelquefois même en un mois, lorsque le vont est favorable et l’équipage en bonne santé, bien que ce soit la plus considérable et la plus orageuse de toutes les mers réunies sous le nom collectif de mer d’Abyssinie.
Elle comprend dans son immensité la mer de Zendj, et baigne les côtes de ce pays.

Histoire Islamique - Page 8 Mehri
Localisation des arabes Mehri , Himyarites

L’ambre est rare dans la mer Larewi, mais il se trouve en grande quantité sur les côtes de Zendj et sur le littoral d’ech-Chihr en Arabie.
Les habitants de ce dernier pays sont tous des descendants de Kodaâh, fils de Malik, fils de Himiar, mêlés à d’autres Arabes ; on les comprend tous sous le nom de Maharah.
Ils ont une chevelure épaisse et tombant sur les épaules ; leur langage diffère de celui des Arabes.
Ainsi ils mettent le chin à la place du kef et disent, par exemple, hel lech fima koulta li (as-tu le pouvoir de faire ce que tu m’as dit ?), pour lek ; ou bien, koultou lech en tedjâla ellezi mâi fillezi mâech (je t’ai dit de mettre ce qui est chez moi avec ce qui est chez toi), pour leket mâk ; ils ont encore d’autres locutions étranges dans leur conversation.
Ils sont pauvres et misérables, mais ils ont une race excellente de chameaux, connue sous le nom de mahariieh, qu’ils montent la nuit, et qui, pour la vitesse, égalent les chameaux du Bodja et les dépassent même, d’après l’avis de bien des personnes.
Ils se rendent avec eux au rivage de la mer, et aussitôt que le chameau aperçoit l’ambre que les flots ont rejeté, il s’agenouille, ainsi qu’il y est dressé, et le cavalier ramasse cette substance.
Le meilleur ambre est celui qui se trouve dans les lies et sur les côtes de la mer de Zendj ; il est rond, d’un bleu pâle, quelquefois de la grosseur d’un œuf d’autruche ou d’un volume un peu moindre.
Il y a des morceaux qui sont avalés par le poisson appelé el-aoual, dont nous avons déjà parlé ; lorsque la mer est très agitée elle vomit de son sein des fragments d’ambre presque aussi gros que des quartiers de roche.
Ce poisson les engloutit, en meurt étouffé, et surnage ensuite sur les flots. Aussitôt des hommes de Zendj ou d’autres pays, qui attendent sur des canots le moment favorable, attirent à eux l’animal avec des harpons et des câbles, lui fendent le ventre et en retirent l’ambre ; celui qui était dans les entrailles exhale une odeur nauséabonde, et les droguistes de l’Irak et de la Perse le surnomment nedd ; mais les fragments qui se trouvent près du dos sont d’autant plus purs qu’ils ont séjourné plus longtemps dans l’intérieur du corps.
Entre la troisième mer ou celle d’Herkend et la mer de Lar, il y a, comme il a été dit, un grand nombre d’îles qui en forment comme la séparation ; on en compte deux mille ou plus exactement dix-neuf cents. Elles sont toutes très bien peuplées et obéissent à une reine ; car, depuis les temps les plus reculés, les habitants ont pour coutume de ne pas se laisser gouverner par un homme.
L’ambre qu’on trouve dans ces parages, et que la mer y rejette, atteint le volume des plus gros quartiers de roche.
Plusieurs navigateurs et bien des négociants de Siraf et d’Oman, qui ont fait le voyage de ces îles, m’ont assuré que l’ambre croît au fond de la mer, et s’y forme comme les différentes espèces de bitume blanc et noir, comme les champignons et autres substances du même genre ; quand la mer est agitée, elle rejette de son sein des fragments de roche, des galets, et en même temps des morceaux d’ambre.

Histoire Islamique - Page 8 Un-navire-indien-comme-le-montre-la-carte-fra-mauro-14602
Le périple d’al-Masudi

Les habitants de ces îles sont tous soumis à un même gouvernement ; ils sont très nombreux, et peuvent mettre sur pied une armée innombrable. Chaque île est séparée de sa voisine par une distance d’un mille, d’une, de deux ou trois parasanges ; les cocotiers y réussissent, mais on n’y trouve pas le dattier. Parmi les savants qui s’occupent de la reproduction des animaux et de la greffe des arbres à fruit il en est plusieurs qui prétendent que le cocotier n’est autre chose que l’espèce de palmier appelé el-mokl, lequel, sous l’influence de sol de l’Inde où il a été transporté, est devenu ce que nous le voyons aujourd’hui. Dans notre ouvrage qui a pour titre les Questions et les expériences, nous avons traité de l’influence qu’exercent sur les êtres doués ou privés de raison chaque région et son climat, et nous avons parlé des effets que produit le sol sur les organiques comme les végétaux et sur les inorganiques comme les minéraux. C’est ainsi qu’on doit attribuer au climat habité par les Turcs les traits caractéristiques de leur physionomie et la petitesse de leurs yeux, et cette influence s’exerce jusque sur leurs chameaux, qui ont les jambes courtes, le cou gros et les poils blancs. Il en est de même pour les peuples établis dans le pays de Yadjoudj et Madjoudj, et aucune de ces remarques n’a pu échapper à personne de ceux qui ont fait des observations sur les Orientaux et les Occidentaux. Pour en revenir à ces îles, il n’y en a pas d’autres dont les naturels soient plus habiles artisans, qu’il s’agisse de la fabrication des étoffes, des instruments ou d’autres objets. La reine n’a pas d’autres monnaies que les cauris, qui sont des espèces de mollusques. Lorsqu’elle voit son trésor diminuer, elle ordonne aux insulaires de couper des rameaux de cocotier avec leurs feuilles et de les jeter sur la surface de l’eau ; ces animaux y montent, on les ramasse et on les étend sur le sable du rivage où le soleil les consume et ne laisse que les coquilles vides que l’on porte au trésor. De ces îles, qui sont connues sous le nom de Dabihat, on exporte une grande quantité de zandj ou coco. La dernière de toutes est celle de Serendib. A une distance d’environ mille parasanges, se rencontrent encore d’autres îles, nommées er-Ramin, bien peuplées et gouvernées par des rois. Elles sont abondantes en mines d’or et voisines du pays de Kansour, célèbre par son camphre, qui ne s’y trouve jamais en plus grande quantité que les années où il y a beaucoup d’orages, de secousses et de tremblements de terre.

Histoire Islamique - Page 8 Un-navire-indien-comme-le-montre-la-carte-fra-mauro-14601
détail de la carte précédente

Le coco sert de nourriture aux habitants dans la plupart des îles que nous venons de nommer ; on en exporte le bois de Bokkam (bois du Brésil), le bambou et l’or. Les éléphants y sont nombreux, et quelques-unes sont habitées par des anthropophages. Près de ces îles sont celles d’Elendjmalous, où vivent des peuples d’une figure bizarre qui marchent entièrement nus. Ils vont sur leurs canots au-devant des vaisseaux qui passent, portant avec eux de l’ambre, des noix de coco et autres objets qu’ils échangent contre du fer et des étoffes, car ils ne connaissent pas les monnaies d’or ou d’argent. Près de là se trouvent les îles Andaman. Elles sont peuplées par des noirs d’un aspect étrange ; ils ont des cheveux crépus et le pied plus grand qu’une coudée. Ils ne possèdent pas de barques ; ils dévorent les cadavres que la mer jette sur leurs côtes, et traitent de même les équipages que le hasard fait tomber entre leurs mains. Plusieurs navigateurs m’ont raconté qu’ils ont vu souvent dans la mer de Herkend se former de petits nuages clairs dont se détachait une sorte de langue blanche et allongée qui allait se joindre à l’eau de la mer ; aussitôt celle-ci commençait à bouillonner, et d’énormes trombes s’élevaient, engloutissant tout sur leur passage, et retombant en pluie d’une odeur désagréable et mêlée d’immondices arrachées à la mer.
La quatrième mer est, comme nous l’avons dit, celle de Kalâh-bar, c’est-à-dire mer de Kalah. Comme toutes les mers qui ont peu d’eau, elle est dangereuse et d’une navigation difficile. On y rencontre beaucoup d’îles et de ce que les marins appellent soarr et au pluriel saraïr, qui est le point de jonction de deux détroits ou canaux. Elle renferme encore des îles et des montagnes très curieuses dont nous ne parlerons pas, parce que notre but est de donner des notions sommaires, mais nullement d’entrer dans les détails.
La cinquième mer, nommée mer de Kerdendj, renferme aussi beaucoup de montagnes et d’îles, où se trouvent le camphre et l’eau de camphre. Elle n’est pas riche en eaux, bien que la pluie n’y cesse presque jamais. Parmi les insulaires, qui sont divisés en plusieurs peuplades, il y en a qui sont appelés el-Fendjab ; ils ont des cheveux crépus et des figures étranges.
Montés sur leurs barques, ils vont attendre les vaisseaux qui passent dans leurs parages, et lancent sur eux des flèches empoisonnées d’une espèce particulière. Entre le pays qu’ils habitent et le territoire de Kalah il y a des mines de plomb blanc ; et des montagnes qui renferment de l’argent. Cette contrée possède aussi des mines d’or et de plomb, mais dont l’exploitation offre de grandes difficultés,
La mer de Sanf est contiguë à celle de Kerdendj, en suivant l’ordre que nous avons donné au commencement.
On y trouve l’empire du Maharadja, roi des îles, qui commande à un empire sans limites et à des troupes innombrables.
Le bâtiment le plus rapide ne pourrait faire-en deux ans le tour des îles qui sont sous sa domination. Les terres de ce prince produisent toutes sortes d’épices et d’aromates, et aucun souverain du monde ne tire autant de richesses de son pays.
On en exporte le camphre, l’aloès, le girofle, le bois de sandal, l’arec, la noix de muscade, la cardamome, le cubèbe, ainsi que d’autres produits que nous ne mentionnerons pas. Ces îles, dans la direction de la mer de Chine, touchent à une mer dont on ne connaît ni les limites ni l’étendue. Dans leurs parties les plus reculées se trouvent des montagnes habitées par de nombreuses tribus, au visage blanc, aux oreilles échancrées comme les boucliers doublés de cuir, aux cheveux taillés en gradins comme les poils d’une outre. De ces montagnes sort un feu continuel dont les flammes, rouges te jour et noirâtres la nuit, s’élèvent si haut qu’elles atteignent les nuages. Ces éruptions sont accompagnées des éclats de tonnerre les plus terribles ; souvent aussi il en sort une voix étrange et enrayante annonçant la mort du roi ou simplement d’un chef, suivant qu’elle est plus ou moins retentissante ; c’est ce qu’ils savent parfaitement discerner, instruits qu’ils sont par une expérience de longue date et qui ne s’égare jamais.
Ces montagnes font partie des grands volcans de la terre.
Non loin se trouve une île dans laquelle on entend continuellement résonner le bruit des tambours, des flûtes, des luths et de toute espèce d’instruments aux sons doux et agréables, ainsi que les pas cadencés et les battements de mains ; en prêtant une oreille attentive on distingue parfaitement tous les sons sans les confondre.
Les marins qui ont traversé ces parages prétendent que c’est là que Dedjdjal (l’Antéchrist) a établi son séjour.
Dans l’empire du Maharadja est l’île de Serireh, qui est située à environ quatre cents parasanges du continent et entièrement cultivée. Ce prince possède aussi les îles de Zandj et de Ramni, et bien d’autres encore que nous ne mentionnerons pas ; au surplus, sa domination s’étend sur toute la sixième mer ou mer de Sanf.

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La Grande Vague de Kanagawa

La septième mer, ainsi que nous l’avons déjà dit, est la mer de Chine, nommée aussi mer Sandji. Les lames y sont très grosses, et il y règne une agitation extrême, que nous appellerons Khibb, pour faire connaître les termes dont les marins se servent entre eux. On y trouve beaucoup de rochers entre lesquels les vaisseaux ne peuvent éviter de passer. Toutes les fois que la mer est grosse « et que les lames s’y multiplient, on en voit sortir des êtres noirs d’une taille de quatre ou cinq empans, semblables à de petits Abyssiniens, tous de la même forme et de la même stature ; ils montent sur les vaisseaux et, quel que soit leur nombre, restent complètement inoffensifs ; mais les équipages, sachant que cette apparition présage une tourmente où ils vont être en perdition, manœuvrent de leur mieux pour échapper à la mort qui les menace.
Ceux qui en sont sortis sains et saufs ont souvent vu paraître sur le haut du mât, que les patrons appellent ed-douli dans la mer de Chine et dans d’autres parages de la mer d’Abyssinie, et es-sari dans la Méditerranée, un objet qui a la forme d’un oiseau lumineux, et qui jette une clarté si vive, que l’œil ne peut ni le regarder ni en distinguer la forme.
Ce phénomène ne s’est pas plutôt fait voir que la mer se calme, les vagues diminuent et la tourmente s’apaise ; l’objet lumineux disparaît alors, sans qu’il soit possible de savoir comment il est venu, ni comment il s’est évanoui ; mais c’est un signe certain que le péril a complètement cessé. Ce fait n’a jamais été contesté par aucun des marins et des négociants de Basrah, Oman, Siraf et autres villes, qui ont navigué dans ces eaux ; au surplus, il n’est pas impossible, sans être absolument nécessaire, puisqu’il est tout naturel que le Dieu tout-puissant retire ses serviteurs du péril qui menace leur existence.
Il y a aussi dans ces parages une espèce d’écrevisses longues, ou à peu près, d’une coudée ou d’un empan ; elles sortent de l’eau et se meuvent rapidement ; mais elles n’ont pas plutôt touché la terre que, toute fonction animale cessant, elles se changent en pierres que l’on emploie dans la composition des collyres et des remèdes qui s’appliquent sur les yeux ; ce fait est d’une notoriété incontestable. Cette septième mer, connue sous le nom de mer de Chine ou Sandji, offre bien d’autres particularités remarquables, dont nous avons parlé en général, quand nous Pavons décrite ; ainsi que les mers adjacentes, dans ceux de nos ouvrages précédents que nous avons cités plus haut. Nous donnerons dans la suite de ce traité des notions sommaires sur les rois de ces contrées.

Histoire Islamique - Page 8 Nansenbushu-hotan-1710-carte-japonaise-du-monde
Carte japonaise du monde 1710

Au-delà de la Chine il n’y a plus, du côté de la mer, ni royaume connu, ni contrée qui ait été décrite, excepté le territoire d’es-Sila (Japon) et les îles qui en dépendent.
Il est rare qu’un étranger qui s’y est rendu de l’Irak ou d’un autre pays, l’ait quitté ensuite, tant l’air y est sain, l’eau limpide, le sol fertile, et tous les biens abondants.
Les habitants vivent en bons rapports avec les populations de la Chine et leurs rois auxquels ils envoient continuellement des présents. Ils font partie, dit-on, de la grande famille des descendants d’Amour, et se sont établis dans ce pays de la même manière que les Chinois ont occupé le leur.
La Chine est arrosée par des fleuves aussi considérables que le Tigre et l’Euphrate, et qui prennent leur source dans le pays des Turcs, dans le Thibet et dans les terres des Sogds, peuple établi entre Boukhara et Samarkand, là où se trouvent les montagnes qui produisent le sel ammoniac. Durant l’été, j’ai vu, à une distance d’environ cent parasanges, des feux qui brillaient la nuit au-dessus de ces montagnes ; pendant le jour, grâce aux rayons éclatants du soleil, on ne distingue que de la fumée ; c’est dans ces montagnes qu’on recueille le sel ammoniac.
Lorsque vient la belle saison, quiconque veut aller du Khoraçan en Chine doit se rendre à cet endroit où se trouve une vallée qui se prolonge, entre les montagnes, pendant quarante ou cinquante milles. A l’entrée de cette vallée il fait marché avec des porteurs qui, pour un prix élevé, chargent ses bagages sur leurs épaules.
Ils tiennent à la main un bâton, avec lequel ils stimulent des deux côtés te voyageur marchant devant eux, de crainte que, vaincu par la fatigue, il ne s’arrête et ne périsse dans ce passage dangereux.
Arrivés au bout de la vallée, ils rencontrent des terrains marécageux et des eaux stagnantes dans lesquelles tous se précipitent pour se rafraîchir et se reposer de leurs fatigues.
Les bêles de somme ne suivent point cette route, parce que l’ammoniaque s’enflamme pendant l’été et la rend, pour ainsi dire, impraticable. Mais l’hiver, la grande quantité de neige qui tombe dans ces lieux et l’humidité éteignent cet embrasement, de sorte que les hommes peuvent les traverser ; mais les bêtes ne peuvent endurer cette insupportable chaleur. On exerce la même violence avec le bâton sur les voyageurs qui viennent de la Chine.

Histoire Islamique - Page 8 Nine-domed-mosque-in-balkh-8x6L
a mosquée au neuf dômes de Balkh en Afghanistan serrai le premier bâtiment musulman du pays construit ver 850 probablement sous Ahmad (mort en 864/865) est un dirigeant samanide de Marguilan (819-864/5) et de Samarcande (851/852-864/5). Il était le fils d’Assad.

La distance du Khoraçan à la Chine, en suivant cette route, est d’environ quarante journées de marche, en passant alternativement par des pays cultivés et des déserts, des terres fertiles et des sables. Il y a une autre route, accessible aux bêtes de somme, qui est d’environ quatre mois ; les voyageurs y sont sous la protection de plusieurs tribus turques.
J’ai rencontré à Balkh un beau vieillard, aussi distingué par son discernement que par son esprit, qui avait fait plusieurs fois le voyage de la Chine, sans jamais prendre la voie de mer ; j’ai connu également, dans le Khoraçan, plusieurs personnes qui s’étaient rendues du pays de Sogd au Thibet et en Chine, en passant par les mines d’ammoniaque.
L’Inde se relie au Khoraçan et au Sind du côté de Mansourah et de Moultan, et les caravanes vont du Sind dans le Khoraçan et de même dans l’Inde.
Ces pays sont contigus à l’Aboulistan ou plutôt Zaboulistan, vaste contrée connue sous le nom de royaume de Firouz, fils de Kebk ; on y trouve des châteaux d’une force merveilleuse, et elle est habitée par de nombreuses tribus parlant différents dialectes et dont la généalogie n’est pas connue d’une manière certaine, les uns la rattachant aux enfants de Japhet, fils de Noé, les autres la faisant remonter jusqu’aux anciens Perses par une longue série de générations.

Histoire Islamique - Page 8 Lhassa-tibet-1661-public3a9-dans-athanasius-kircher-china-illustrata-1667-p-74
Lhassa Tibet en 1661, publié dans Athanasius Kircher, China illustrata, 1667, p. 74) 
Sous le règne du calife omeyyade Umar ibn Abd al-Aziz, une délégation du Tibet et de Chine lui demanda d’envoyer des missionnaires dans leurs pays, et Salah ibn Abdullah al-Hanafi fut envoyé au Tibet. Entre les VIIIe et XIe siècles, les dirigeants abbassides de Bagdad maintinrent des relations avec le Tibet.

 Entre 710-720, durant le règne de Tridé Tsuktsen, les Arabes, qui étaient alors présents en plus grand nombre en Chine, commencèrent à apparaître au Tibet et s’allièrent aux Tibétains ainsi qu’avec les Turcs contre les Chinois. Sous le règne de Sadnalegs (799-815), aussi appelé Tride Songtsän (Khri lde srong brtsan), il y eut une longue guerre avec les puissances arabes à l’Ouest. Des Tibétains auraient capturé nombre de troupes arabes et les auraient enrôlés sur la frontière de l’est en 801. Les Tibétains combattirent aussi loin à l’Ouest qu’à Samarkand et Kaboul. Les forces arabes commencèrent à prendre le dessus, et le gouverneur tibétain de Kaboul se soumit aux Arabes et devint musulman vers 812 ou 815
Le Thibet est un royaume distinct de la Chine ; la population se compose, en grande partie, de Himyarites mêlés à quelques descendants des Tobba, comme nous le dirons plus bas dans cet ouvrage, en traitant des rois du Yémen, et comme on le lit dans l’Histoire des Tobba.
Parmi les Thibétains, les uns sont sédentaires et habitent dans les villes, les autres vivent sous la tente.
Ces derniers, Turcs d’origine, sont les plus nombreux, les plus puissants et les plus illustres de toutes les tribus nomades de la même race, parce que le sceptre leur appartenait autrefois, et que les autres peuplades turques croient qu’il leur reviendra un jour.
Le Thibet est un pays privilégié pour son climat, ses eaux, son sol, ses plaines et ses montagnes.
Les habitants y sont toujours souriants, gais et contents, et on ne les voit jamais tristes, chagrins ou soucieux.
On ne saurait énumérer la variété merveilleuse des fruits et des fleurs de ce royaume, non plus que toutes les richesses de ses pâturages et de ses fleuves.
Le climat donne un tempérament sanguin à tout ce qui a vie, soit parmi les hommes, soit parmi les animaux ; aussi n’y rencontre-t-on presque pas de vieillard morose de l’un ou de l’autre sexe ; la bonne humeur y règne généralement dans la vieillesse et dans l’âge mûr, tout comme dans la jeunesse et dans l’adolescence.
La douceur du naturel, la gaieté, la vivacité qui sont l’apanage de tous les Thibétains les portent à cultiver la musique avec passion, et à s’adonner à toute espèce de danses.
La mort elle-même n’inspire pas aux membres de la famille cette profonde tristesse que les autres hommes ressentent lorsqu’un être chéri leur est enlevé, et qu’ils regrettent un objet aimé.
Ils n’en ont pas moins une grande tendresse les uns pour les autres, et l’adoption des orphelins est un usage général parmi eux. Les animaux sont également doués d’un bon naturel.
Ce pays a été nommé Thibet à cause de l’installation des Himiarites qui s’y sont établis, la racine tabat signifiant se fixer, s’établir.
Cette étymologie est encore la plus probable de toutes celles qui ont été proposées. C’est ainsi que Dîbal, fils d’Ali el-Khozaî, se vante de ce fait dans une Kacideh où, disputant contre el-Komaït, il exalte les descendants de Kahtan au-dessus de ceux de Nizar :
Ce sont eux qui se sont signalés par leurs compositions à la porte de Merw, et qui étaient des écrivains à la porte de la Chine.
Ils ont donné à Samarkand le nom de Chemr ‘(Shamir roi du Yemen), et ils y ont transplanté les Thibétains.
Dans le chapitre des rois du Yémen, nous donnerons ci-dessous quelques détails historiques sur les princes qui ont régné au Thibet, et sur ceux d’entre eux qui ont fait de longs voyages.

Histoire Islamique - Page 8 Tibet_700ad
Ibn Qutayba (mort en 889), nous dit que le des roi himyarite, Shammir ibn Ifrîqos au début du 4e siècle Jc, conquis une grande partie de l’Orient jusqu’à la Chine, en soumettant la  Babylonie, al-Fârs, al-Sijistan et al-Khurâsân. Arrivé en Transoxiane, « il détruisit la cité du Sughd, qui de ce fait fut appelée Shammir-kand, “détruite par Shammir”. Par la suite, le nom de la ville fut arabisé, et les gens dirent Samarqand ». Après une invasion en Chine et au Tibet, Shammir – la version transmise par Ibn Qutayaba attribue le fait au petit-fils de Shammir, Tubba’ b. al-Aqran – repassa par la Sogdiane, y laissant des troupes himyarites et tibétaines. Celles-ci rebâtirent Samarcande plus belle qu’elle n’était et gravèrent en himyarite, (alphabet sudarabique), sur les portes de la ville, les chiffres de l’étendue d’un empire arabe.

Le Thibet touche à la Chine d’un côté, et des autres côtés à l’Inde, au Khoraçan, et aux déserts des Turcs.
On y trouve beaucoup de villes populeuses, florissantes et bien fortifiées.
Dans les temps anciens les rois portaient le titre de tobba du nom de Tobba, roi du Yémen.
Puis, les vicissitudes du temps ayant fait disparaître le langage des Himiarites, pour y substituer la langue des peuples voisins, les rois ont reçu le titre de khakan.
Le canton où vit la chèvre à musc du Thibet et celui où vit la chèvre à musc de la Chine sont contigus l’un à l’autre et ne forment qu’une seule et même contrée ; toutefois la supériorité du musc du Thibet est incontestable et tient à deux causes.
Premièrement, la chèvre du Thibet se nourrit de lavande et d’autres plantes aromatiques, tandis que la chèvre de Chine broute des herbes d’une tout autre espèce ; en second lieu, les Thibétains ne retirent pas le musc de sa vessie et le laissent dans son état naturel, tandis que les Chinois le retirent et en altèrent la pureté par un mélange de sang, ou de toute autre matière.
Ajoutez à cela qu’on lui fait traverser les mers que nous avons décrites, et qu’il est exposé à l’humidité et à tous les changements de température.
On peut donc croire que, si les Chinois n’altéraient pas la pureté de leur musc, s’ils le déposaient dans des vases de verre hermétiquement bouchés, et qu’on le transportât ainsi dans les pays musulmans, tels que l’Oman, la Perse, l’Irak et d’autres provinces, il serait égal par sa qualité à celui du Thibet.
Le musc le plus parfumé et le meilleur est celui qui sort de la chèvre au moment où il est arrivé à sa plus complète maturité.
Nos gazelles ne se distinguent des chèvres à musc, ni par la forme, ni par la taille, ni par les cornes ; toute la différence consiste dans les dents, que ces dernières ont semblables à celles de l’éléphant.
Chaque individu en porte deux blanches et toutes droites, longues d’un empan environ, qui sortent des deux mandibules.
Au Thibet on tend des lacs, des pièges ou des filets pour prendre les chèvres, ou bien on les abat à coups de flèches ; on coupe la vessie, et le sang qui est dans le nombril, n’étant pas encore arrivé à maturité, est trop frais et nullement propre à être recueilli. Il s’en exhale une odeur désagréable et nauséabonde, qui ne disparaît entièrement qu’après que la matière s’est transformée sous l’influence de l’air, et s’est changée en musc.
Il en est de ce musc comme des fruits qu’on a cueillis et détachés des arbres avant qu’ils aient atteint sur la branche un degré complet de maturité, et qu’ils soient arrivés à point.
Le musc de qualité supérieure est celui qui a mûri dans sa poche, qui a séjourné assez de temps dans le nombril, et qui a acquis toute sa perfection pendant la vie de la chèvre ; car la nature porte des matières sanguines vers le nombril de cet animal, et lorsqu’elles y ont séjourné longtemps et qu’elles sont arrivées à leur maturité, elles lui causent une douleur et une démangeaison dont il cherche à se soulager en se frottant contre les rochers échauffés par les rayons du soleil ; il se débarrasse ainsi de cette sérosité, qui coule sur les pierres, comme se vident une tumeur ou un clou, lorsque l’accumulation continuelle des matières purulentes les ont fait mûrir et crever, et il en éprouve du soulagement.
Lorsque tout le suc contenu dans le nombril, appelé par les Persans nafidjeh, s’est écoulé, la plaie se cicatrise ; puis les matières sanguines s’y portent comme la première fois.
Les Thibétains se mettent à la recherche des endroits où paissent les chèvres, au milieu des rochers et des montagnes, et ils trouvent sur les pierres le sang qui s’y est desséché.
Cette substance est alors solidifiée, car la nature l’a nourrie de la vie de l’animal, le soleil l’a séchée et l’atmosphère lui a fait subir son influence. Ils recueillent ce musc, qui est le meilleur de tous, et le déposent dans des vessies préparées à l’avance et enlevées à des chèvres prises à la chasse. Leurs rois s’en servent pour leur usage personnel, et se l’envoient mutuellement en cadeau ; mais les commerçants l’exportent rarement à l’étranger. D’ailleurs le Thibet compte beaucoup de villes dont chacune donne son nom à une espèce de musc.

Histoire Islamique - Page 8 Dessin-de-six-rois-fresque-705-15-mur-ouest-hall-qousayr-amra-en-jordanie-reproduit-de-alois-musil-kusejr-amra-und-schlc3b6sser-c3b6-stlich-von-moab-vol-2-pl-xxvi-vienne-1907F
resque du Qsar Omeyyade Amra, al-Azraq, en Jordanie représentant “Caesar”, l’empereur byzantin, “Kisra”, l’empereur sassanide, “Negus”, le roi d’Abyssinie et “Rodéric”, le roi wisigoth d’Espagne, l’empereur de Chine et le khaqan des Turcs tous dominés par le Califat Omeyyade

Les rois de la Chine, des Turcs, de l’Inde, de Zandj et des autres parties du monde, reconnaissent tous la suprématie du roi de Babel (dixit  calife Abbasside de Baghdad) ; ils avouent qu’il est le premier souverain de l’univers, et qu’il occupe parmi eux le rang de la lune parmi les étoiles, parce que le pays qu’il gouverne est le plus excellent de tous, que lui-même est le prince le plus opulent, le plus riche en bonnes qualités, celui enfin dont le gouvernement est le plus ferme et le plus vigilant.

Du moins en était-il ainsi autrefois ; mais de nos jours, en l’an 332 (hégire), on n’en peut plus dire autant.
On lui décernait par excellence le titre de chahan chah, c’est-à-dire roi des rois, et on comparait sa place dans le monde à celle du cœur dans le corps, ou au rang que la perle principale occupe au milieu du collier.
Après lui vient le roi de l’Inde ou le roi de la sagesse et des éléphants ; car il était reconnu parmi les Khosroès de Perse que la sagesse sort originairement de l’Inde.
Le troisième rang appartient au roi de la Chine.
En effet, aucun prince ne s’applique avec plus de vigilance à bien gouverner ses sujets, soit militaires, soit civils ; brave lui-même et tout-puissant, il est à la tête de troupes bien équipées, parfaitement armées, et qui reçoivent une paye régulière comme celles du roi de Babel. Ensuite il faut compter celui des rois turcs qui possède la ville de Kouchan et qui commande aux Tagazgaz.
On lui donne le titre de roi des bêtes féroces et de roi des chevaux, parce qu’aucun prince de la terre n’a sous ses ordres des guerriers plus valeureux et plus disposés à répandre le sang, et qu’aucun d’eux ne possède un plus grand nombre de chevaux. Son royaume est isolé entre la Chine et les déserts du Khoraçan ; quant à lui, il porte le titre de irkkan, et bien qu’il y ait chez les Turcs plusieurs princes et beaucoup de peuples qui ne sont pas soumis à un roi, aucun n’a la prétention de rivaliser avec lui.
Ensuite vient le roi de Roum, qui est nommé le roi des hommes, parce qu’aucun prince ne commande à des hommes plus beaux.

Histoire Islamique - Page 8 Byzantine_fresca_from_st-lucas-fresque-montrant-des-soldats-militaire
Soldat Rum Byzantin dans une fresque de St-Lucas (Grèce)

Les autres rois du monde se trouvent sur une même ligne et sont égaux entre eux par le rang.
Un poète, qui s’est beaucoup occupé de l’histoire du monde et des princes qui l’ont gouverné, décrit sommairement les noms des rois et des royaumes, et le rang qu’ils occupent, dans les vers suivants :
Il y a deux palais : Eiwan et Gomdan ; deux royaumes : Sassan et Kahtan.
La terre, c’est la Perse ; le climat par excellence, c’est Babel ; l’islam, c’est la Mekke ; le monde, c’est le Khoraçan.
Ses deux côtés durs et rudes sont Boukhara et Balkh, la résidence des rois.
Beïlakan et le Tabaristan sont les frontières du monde ; Reï en est le Cherwan, puis viennent Djil et Djilan.
Tous les hommes sont divisés en plusieurs classes ; il y a des satrapes, des patrices, des tarkhan.
Les Perses ont leurs Khosroès ; le pays de Boum, ses Césars ; les Abyssiniens, leurs Nudjachis ; les Turcs, leurs Khaïans (Khaqan).

Histoire Islamique - Page 8 Provinces_of_the_emirate_of_cordoba_929
Province de l’émirat Omeyyade de Cordoue avant la proclamation du califat en 929 par l’émir et calife Abd al-Rahman III an-Nassir

Le maître de la Sicile et de l’Ifriqiya, dans le Maghreb, avant l’islam, s’appelait Djerdjes (Grégoire) ; celui de l’Espagne, Loderik (Roderick), qui était un nom commun à tous les rois de cette contrée.
Certains auteurs prétendent que ces derniers tiraient leur origine des Echban, peuple descendant de Japhet, fils de Noé, dont il ne reste plus aucun vestige ; mais l’opinion la plus répandue parmi les musulmans qui habitent l’Espagne est que Loderik appartenait par sa naissance aux Galiciens, l’une des nations franques.
Le dernier Loderik fut tué par Tarik, affranchi de Mouça, fils de Nossaïr, lorsqu’il fit la conquête de l’Espagne (méridionale), et s’empara de Tolède, la capitale. Cette ville est traversée par un grand fleuve, nommé Tage, qui vient de la Galice et du pays des Basques, peuple puissant, dont le roi était en guerre avec les habitants de l’Espagne, comme les Galiciens et les Francs.

Histoire Islamique - Page 8 Hautee10-atlas-catalan
La mer méditerranée dans l’atlas catalan, vers 1375 JC

Le Tage, qui se jette dans la Méditerranée, est un des fleuves les plus célèbres du monde ; il passe devant la ville de Talavera, à une certaine distance de Tolède, et dans cette ville même les anciens rois ont construit sur lui un grand pont, nommé Kantarat-es-Seif (le pont du sabre).
C’est un édifice célèbre et dont les arches sont encore plus remarquables que celles du pont de Sendjeh, à la frontière du Diar-Modar du côté de Samosate et du pays de Serdjeh.
La ville de Tolède est entourée de murailles très fortes.
Après la conquête de l’Espagne et sa soumission aux Omeyades, les habitants de cette ville se révoltèrent contre eux, et parvinrent, pendant plusieurs années, à se soustraire à leur autorité.
Ce ne fut qu’en l’an 315 que cette place fut reprise par Abd-er-Rahman, fils de Mohammed, fils d’Abd-Allah, fils de Mohammed, fils d’Abd-er-Rahman, fils d’el-Halem, fils de Hicham, fils d’Abd-er-Rahman, fils de Moawiah, fils de Hicham, fils d’Abd-el-Melik, fils de Merwan, fils d’el-Hakem, l’Omeyyade, lequel Abd-er-Rahman est aujourd’hui, en 332, maître de l’Espagne.
Comme Tolède eut beaucoup à souffrir de ce siège, Cordoue est restée depuis cette époque la capitale du royaume.
Cette ville est éloignée de Tolède d’environ sept journées de marche, et de trois journées seulement de la Méditerranée.
On doit encore citer Séville, qui est située à une journée de la côte.
Il faut près de deux mois pour parcourir ce royaume florissant, qui ne compte pas moins de quarante villes remarquables.
Les princes Omeyades, qui y règnent, y sont traités de fils des khalifes, mais non pas de khalifes, parce que ce titre n’appartient qu’aux souverains des deux villes saintes.
Toutefois on leur accorde le titre d’émir-el-moumenin (émir des croyants).

Histoire Islamique - Page 8 Minaret-of-san-juan-cordoue-930-abd-al-rahman-nassir-iii
Le minaret de San Juan ( appelé comme sa de nos jours) à Qurtuba (Cordoue) fut construit par Abd al-Rahman an-Nassir l’Omeyyade en 930 JC
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