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Forum Religion Catholique

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Message  Arlitto Jeu 09 Juin 2016, 19:25

Rappel du premier message :

Forum Religion Catholique





Catholicisme




Religion des chrétiens qui reconnaissent le pape comme chef spirituel.

Le catholicisme, également appelé l’Église catholique, est la branche du 
[ltr]christianisme[/ltr]
 qui reconnaît l'autorité spirituelle et juridictionnelle du 
[ltr]pape[/ltr]
. « Totalité et universalité » : tel est le sens en grec ancien du terme katholikos, par lequel est désignée, dès le iie s. de notre ère, l'Église qui a été fondée par Jésus, puis celle qui est restée attachée à ce titre ancien après les divisions apparues au sein du monde chrétien.

Le catholicisme fonde son unité sur une communauté de foi, de sacrements et de vie religieuse (un seul Christ, une seule foi). Une, la foi catholique repose sur un triple fondement : l'Écriture, qui est parole de Dieu ; la Tradition, qui est continuité de l'action divine ; l'Église, dépositaire et seule interprète autorisée de la vérité.



L'Église catholique au sein du christianisme

Forum Religion Catholique  - Page 14 1009069-Lippo_Memmi_saint_Pierre
Lippo Memmi, saint Pierre

Selon l'Évangile, Jésus a lui-même désigné parmi ses apôtres un homme, Pierre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. » Le martyre de Pierre à Rome a ensuite désigné le siège épiscopal de la ville comme celui autour duquel doit s'affirmer l'unité de l'Église et de la foi. C'est ainsi que dans l'Église primitive est établie, vers le ier s., la primauté de l'évêque de Rome, successeur de Pierre. 

Les enseignements du Christ ont d'abord été transmis par voie orale. Aux premiers écrits chrétiens, notamment les lettres adressées par Paul aux communautés qu'il a fondées, vont succéder les Évangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean. Face à la nécessité de légiférer pour authentifier, parmi les multiples écrits qui sont alors rédigés, ceux qui sont fidèles à l'enseignement du Christ, un corpus est rassemblé sous le nom de « Nouveau Testament », en même temps que les écrits juifs antérieurs sont rebaptisés « Ancien Testament ». De même, face à la multiplication des communautés chrétiennes qui naissent dans tout le Bassin méditerranéen à partir du ier s., sont structurées les formes de cette Église (assemblée), qui est appelée à préserver le message du Christ en le protégeant des interprétations erronées. 



Le schisme avec les chrétiens d’Orient



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Constantin Ier le Grand

Persécuté du ier au ive s., puis toléré et enfin reconnu comme religion officielle par l'empereur Constantin, au début du ive s., le christianisme parvient à s'établir dans l'Empire romain, tout en maintenant son unité ecclésiale et doctrinale jusqu'au xe s. Cependant se développent au sein de l'Église de nombreux débats théologiques, tranchés lors de grands conciles où sont élaborés et fixés des éléments essentiels de la doctrine chrétienne, comme l'universalité du christianisme (Jérusalem, en 49), la Trinité de Dieu (Nicée, en 325 ; Constantinople, en 381), la nature de Jésus-Christ, à la fois humaine et divine (Chalcédoine, en 451). Après l'éclatement de l'Empire romain à la fin du ve s., les divergences entre Orientaux et Occidentaux se font de plus en plus sentir. 

Alors que l'Église orientale reste sous la tutelle de l'empereur de Constantinople, l'Église latine doit, pour sa part, suppléer le pouvoir politique, qui s'est effondré avec la chute de l'Empire romain d’Occident. Rome y gagne en autorité non plus seulement spirituelle, mais également temporelle. L'Église d'Orient, déjà opposée à l'Église latine sur la formulation du dogme de la Trinité, lui reproche son autorité centralisatrice. En 1054, la rupture est consommée. L'Église latine garde le nom ancien de « catholique » et celle d'Orient prend celui d'« Église orthodoxe ». Certaines Églises feront néanmoins retour à la communion catholique, notamment au xviiie s., tout en gardant leurs rites de tradition orientale. 



La Réforme protestante


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Martin Luther

Face au pouvoir temporel de plus en plus hégémonique de l'Église catholique en Europe, les critiques se lèvent pour dénoncer les pesanteurs et les compromissions de l'appareil clérical. Les thèses de Martin Luther (1517) marquent le début de la Réforme, qui donne naissance aux Églises protestantes. Ce mouvement de contestation aspire à une simplification et à une personnalisation de la religion, en préconisant notamment la lecture directe de la 
[ltr]Bible[/ltr]
 par le croyant. Grâce au développement de l'imprimerie, il parvient en effet à retirer aux clercs et à l'Église le monopole de la pratique des Saintes Écritures. Dans le protestantisme, il n'y a pas d'épiscopat sacramentel, mais un sacerdoce commun à tous. Le baptême et la Cène (partage du pain et du vin) sont les seuls sacrements retenus, et toute pratique de dévotion ou toute démarche visant à s'assurer du salut sont rejetées : le salut ne s'achète pas, il est obtenu par la grâce de Dieu et non par les œuvres. 

L'Église catholique tente de répondre à ces vives attaques par la Contre-Réforme, ou Réforme catholique, en réaffirmant notamment l'autorité du pape ainsi que son attachement à la Tradition, à son magistère, aux sacrements et au salut par les œuvres. 



La foi catholique

Introduction

La foi catholique consiste en l'adhésion aux enseignements de l'Église portant sur les vérités que Dieu a révélées par son Fils. Elle se caractérise précisément par la définition des voies d'accès à ces vérités et au salut qu'elles portent en elles : la Révélation, l'Église et la Tradition, qui forment un tout indivisible. 



La Révélation


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Lorenzo Lotto, la Reconnaissance de la nature divine de l'Enfant Jésus

Selon le christianisme, Dieu s'est révélé aux hommes à travers l'histoire du peuple juif, auquel il a proposé son alliance, avant de se révéler pleinement à travers son Fils – Jésus-Christ mort et ressuscité –, en lequel il s'est incarné. 

Le Dieu révélé par le Christ est un Dieu unique mais en trois hypostases : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Il est créateur de toute chose et de toute vie. Empli de bonté envers sa création, il renouvelle, à travers le sacrifice de son Fils sur la croix, son alliance avec le peuple juif puis avec tous les hommes. Les chrétiens, en effet, croient non seulement à la résurrection du Christ, mais aussi à la résurrection des morts et à la vie éternelle : le salut. 

L'enseignement du Christ peut se résumer par cette phrase de l'Évangile de Luc (Luc X, 27) : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces, et de tout ton esprit. Et tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Le mot « alliance » traduit un lien de réciprocité entre Dieu et l'homme, et il exprime la « solidarité » de Dieu avec tout homme. Aussi toute adhésion de foi comporte des exigences d'engagement de solidarité humaine et sociale. 

La Révélation est tout entière contenue dans la vie, la mort et la résurrection du Christ. Les textes bibliques conservés par la Tradition transmettent les récits qui en ont été faits par les premiers chrétiens. 



L'Église

Dépositaire et interprète autorisée des vérités chrétiennes, l'Église veille au maintien de l'unité de la foi. Dans le catholicisme, c'est à elle, à l'assemblée des fidèles, que sont transmises les Écritures, et non à chacun de ses membres d'une manière individuelle. 

L'Église catholique ne peut admettre sans difficulté l'existence de plusieurs Églises chrétiennes. Selon elle, la volonté du Christ, réaffirmée dans le credo de Nicée, est que son Église soit « une, sainte, catholique et apostolique », et ce non seulement d'un point de vue théologique – comme le soutiennent orthodoxes et protestants –, mais également dans sa réalisation concrète. 

La conviction avec laquelle l'Église catholique revendique comme légitime le droit de rassembler tous les chrétiens repose sur trois éléments fondamentaux : 


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Évêque célébrant la messe

– La succession apostolique. Les évêques continuent avec le pape la mission confiée par Jésus aux apôtres. Leur ordination dans l'Église (par imposition des mains et sacrement de l'ordre) les investit des pouvoirs de gouverner, d'enseigner et de donner les sacrements au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. 

– La prédication de la Parole. De même que les premiers disciples ont reçu de Jésus l'Esprit saint, le collège des évêques et le pape sont assistés par l'Esprit lorsqu'ils doivent énoncer les vérités de foi. 


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Baptême d'un enfant

– Les sacrements. La présence du Christ dans l'Église se manifeste par l'Église elle-même et par les sacrements – signes sacrés porteurs de grâces et institués par le Christ –, à travers lesquels l'Esprit opère le don de Dieu. L'Église catholique dispense sept sacrements : le baptême et l'eucharistie (communs à toutes les Églises chrétiennes), la confirmation, le mariage, l'ordre, la réconciliation (pardon) et l'onction des malades (extrême-onction) pratiqués également dans les Églises orthodoxes. Par le sacrement de l'ordre (ordination), les clercs – diacres, prêtres, évêques – reçoivent le pouvoir de transmettre la grâce de Dieu par les sacrements. 



La Tradition

L'Église assure la présence du Christ à travers les âges, en tant que dépositaire des Écritures, mais aussi de la Tradition. Dans le catholicisme, la Tradition englobe l'ensemble des enseignements, des dogmes et des pratiques cultuelles que l'Église a adoptés tout au long de son histoire. Loin de penser que son épaisseur risque de rendre opaque la vérité du Christ, l'Église catholique considère que la Tradition garantit la transmission fidèle et intégrale de la Révélation. 

Par son action théologique, dogmatique, liturgique et même sociale, l'Église s'efforce sans cesse d'approfondir le mystère chrétien. Les nouveaux dogmes qu'elle élabore ne sont pas censés apporter de nouvelles vérités, mais éclairer un aspect de la vérité déjà révélée dans sa plénitude par le Christ. Ainsi, la vérité discernée à un moment donné par l'Église des fidèles n'est pas désavouée par les générations suivantes, mais elle est conservée dans la Tradition, tout en étant réinterprétée. 

Il existe une manière moderne d'adopter des dogmes qui tend à s'éloigner d'une conception « doctrinaire » de la Tradition et qui prend en compte la dimension historique de la parole doctrinale de l'Église. En témoignent les paroles du pape Jean XXIII au concile Vatican II (1962) : « Autre chose est le dépôt même ou les vérités de la foi, autre chose est la façon selon laquelle les vérités sont exprimées, à condition toutefois d'en sauvegarder le sens et la signification. » 

À toutes les époques et dans les divers contextes culturels, l'Église catholique a toujours professé sa foi dans l'assistance par l'Esprit saint pour interpréter et actualiser le message évangélique, en le préservant des interprétations subjectives et en lui conservant son authenticité et son unité. 



La liturgie

Ensemble des célébrations officielles du culte rendu à Dieu, la liturgie s'organise ordinairement au niveau de la communauté paroissiale. Ces célébrations publiques, qui ont lieu habituellement le dimanche ou le samedi soir, rassemblent à l'église les catholiques établis à proximité. Un calendrier liturgique répartit sur une année la célébration des grandes étapes de la vie du Christ (sa naissance est fêtée à Noël, sa résurrection à Pâques, etc.). 


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Messe à Notre-Dame de la Trappe

La principale liturgie est la messe, qui comprend deux grandes parties, la première étant consacrée à la lecture et aux commentaires de la Parole (sermon ou homélie), la seconde à l'eucharistie et à l'action de grâce. Comme le Christ l'a enseigné aux apôtres à la veille de sa mort, les catholiques partagent le pain et le vin dans l'eucharistie, un sacrement qui, plus qu'un acte dédié à la mémoire du Christ, est, dans la théologie catholique, sa transsubstantiation. Par la communion, les croyants participent à la vie du Christ, reçoivent son corps et son sang comme une nourriture spirituelle qui les sanctifie. 

Les catholiques, de même que les orthodoxes, prient la Vierge Marie et les saints, intercesseurs auprès de Dieu. 



L'institution catholique

Introduction

L'Église catholique possède une structure à la tête de laquelle se trouve le pape, suivi – dans l'ordre hiérarchique – par les évêques, les prêtres, les diacres et les laïcs (ou simples fidèles). 

Avec ses deux mille ans d'histoire et ses nombreux fidèles répartis dans le monde, l'Église catholique se révèle être une institution dont le gouvernement est fort complexe. 



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Rome
Le support territorial de l'Église catholique est l'État de la cité du Vatican, dont le statut a été établi par les accords du Latran, en 1929. Ce vestige des États pontificaux, institués au viiie s. pour garantir au pape une indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques, couvre un territoire de 44 ha enclavé dans la ville de Rome. La cité du Vatican jouit d'un statut de neutralité et d'inviolabilité. Cet État singulier est doté d'un gouvernement propre. Sa population s'élève à quelques centaines de personnes, principalement occupées dans la curie romaine. 



Le gouvernement de l'Église


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Premier concile du Vatican

Au sommet de la hiérarchie catholique, le pape est le garant de la continuité apostolique. Occupant le siège épiscopal de l'apôtre Pierre, il est évêque de Rome. Il nomme les évêques. Élu par le Sacré Collège des cardinaux et choisi parmi eux, il est aussi le signe visible de l'unité de l'Église. À ce titre, il représente l'autorité suprême, arbitrant toutes les décisions concernant la vie de l'Église, l'expression de la foi et les grandes questions posées par les évolutions de société. Toutes ses décisions et déclarations n'engagent pas la foi catholique au même degré : une encyclique papale n'a pas la valeur d'un dogme, qui est l'énonciation d'un article de foi. Aux périodes défensives de son histoire, l'Église catholique s'est recentrée autour de l'autorité du pape, notamment après le grand schisme d'Orient (au moment même où l'Église orthodoxe a conservé des traditions plus pluralistes en son sein), mais aussi lors de la Réforme protestante, puis au début de la modernité issue des Lumières et de la Révolution française. En 1870, au concile Vatican I, l'Église s'est attachée à redéfinir la primauté et l'infaillibilité de son chef. Près d'un siècle plus tard, le concile Vatican II a rééquilibré l'autorité papale en réhabilitant dans ses fonctions primitives la collégialité des évêques. 

La collégialité épiscopale confère une responsabilité à tous les évêques, qui exercent leurs pouvoirs sous l'autorité du pape. C'est au chef suprême de l'Église qu'incombe, en effet, le droit de les réunir tous en concile œcuménique ou en synode (c'est-à-dire en assemblée régionale ou locale, par exemple, les évêques africains). Cependant, depuis le concile Vatican II, des conférences épiscopales nationales ou locales (par exemple, la Celam, la Conférence des évêques d'Amérique latine) se tiennent régulièrement à leur propre initiative. 

Assemblée des cardinaux – évêques élevés à ce rang par le pape –, le Sacré Collège joue un rôle de conseil particulier auprès du chef suprême de l'Église. Le rôle de cette assemblée consiste essentiellement à élire le nouveau pape. Mais, selon la règle édictée par Paul VI en 1970, ne participent au vote que les cardinaux âgé de moins de 80 ans. Le Sacré Collège, qui comptait 70 cardinaux de Sixte Quint à Jean XXIII, en rassemble près de 200 à la fin des années 2000. 



L'Église locale

Circonscrite par un territoire – le diocèse – plus ou moins vaste selon les régions du monde, l'Église diocésaine constitue l'unité de base de l'Église, dans laquelle la continuité apostolique est assurée par l'évêque. 

Nommé par le pape, l’évêque est choisi parmi les prêtres et ordonné par des évêques. La plupart d'entre eux sont à la tête d'un diocèse, qui est organisé en paroisses que l'évêque confie à des prêtres. L'évêque, qui a pouvoir de juridiction, est responsable en particulier de la pastorale (enseignement et mission) et des prêtres de son diocèse. 

Ordonnés par l'évêque, les prêtres sont au service de l'Église diocésaine. Ce sont exclusivement des hommes ayant fait vœu de célibat (à l'exception des Églises catholiques de rite oriental, où des hommes mariés peuvent être ordonnés). Ils reçoivent de l'évêque le pouvoir de dispenser tous les sacrements sauf l'ordination des nouveaux prêtres (réservée aux évêques). Ils président les célébrations liturgiques, organisent les nombreuses activités de catéchisme, d'entraide, de réflexion au niveau paroissial et diocésain. 

Les diacres constituent, au sein de l'Église, le premier degré de la hiérarchie et du sacrement de l'ordre. Tirant son origine d'une tradition ancienne, le diaconat a été remis en honneur par le concile Vatican II comme service spécifique de la communauté croyante ouvert aux hommes mariés. On parle alors de diacres permanents. 

Les laïcs sont les membres les plus nombreux de l'Église. Ils voient leur participation à la mission évangélique de l'Église mieux reconnue dans les sociétés laïcisées du IIIe millénaire. 



Les ordres religieux

En dehors des activités organisées autour des paroisses et, plus généralement, dans le cadre de la structure ecclésiastique, il existe d'autres formes de vie religieuse, plus dépouillées, plus disciplinées et souvent plus communautaires. Les ordres et les missions représentent ainsi des formes très différentes d'engagement au nom de la foi catholique. 


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Giotto, Innocent III approuve la règle de saint François

À l'instar des plus connus d'entre eux – bénédictins et bénédictines de saint Benoît (vie s.), franciscains de saint François d'Assise (xiiie s.), clarisses de sainte Claire (xiiie s.), dominicains de saint Dominique (xiiie s.) ou jésuites d'Ignace de Loyola (xvie s.) –, tous les ordres religieux suivent des règles de vie qui répondent aux trois appels évangéliques : la pauvreté, la chasteté et l'obéissance. Ils se différencient néanmoins par leur principale activité qui peut être la prédication, l'action missionnaire et sociale ou encore la prière (notamment dans les ordres contemplatifs vivant dans des monastères). 

Contrairement à la prêtrise, les ordres admettent hommes et femmes, mais dans des communautés séparées. Le statut de religieux n'est pas incompatible avec la prêtrise, tant et si bien que beaucoup de religieux sont également prêtres. Par ailleurs, certains ordres (comme les dominicains et les franciscains) ont institué un « tiers ordre », dans lequel sont regroupés des laïcs, mariés ou non, qui, tout en continuant à vivre dans le monde, s'engagent à suivre certains préceptes de la règle adoptée par l'ordre auquel ils appartiennent. 

Les ordres religieux ont, pour la plupart, essaimé sur tous les continents. Les responsables des communautés dépendent, selon les cas, de l'évêque du lieu ou d'une autorité centrale rattachée directement au Saint-Siège. 



Les mouvements catholiques

Les mouvements catholiques rassemblent des croyants désireux d'agir au nom de la foi, de la justice et de la charité chrétiennes, dans le cadre d'un des nombreux organismes existants, associations ou institutions. Alors que certains d'entre eux ont une dimension locale, d'autres (comme Caritas International, dont fait partie le Secours catholique français) sont internationaux. 

Ces mouvements allient à des degrés divers l'étude ou la formation religieuse, l'approfondissement spirituel et l'action caritative ou sociale. Une tension existe cependant entre ceux qui seraient tentés d'oublier le « monde » et ceux qui, au contraire, s'engagent « dans le monde » sans mettre en avant leur identité de membres de l'Église. 



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Léon XIII

À travers ces nombreux engagements, le catholicisme continue d'être actif dans les domaines de l'enseignement et de l'assistance hospitalière ou caritative, qu'il a longtemps eus en charge. Avec la révolution industrielle du xixe s., il s'est investi sur le terrain social pour dénoncer la « misère imméritée des ouvriers » (encyclique Rerum novarum de Léon XIII, en 1891) et pour y chercher remède. Connu sous le nom de catholicisme social, ce mouvement a débouché sur l'action politique, conduite par les partis de la démocratie chrétienne, et préparé l'éclosion de l'apostolat des laïcs, notamment l'Action catholique en France. 

La présence de plus en plus nombreuse de missionnaires dans les pays du tiers-monde a permis aux catholiques de participer à la lutte pour le développement des pays du Sud et de porter assistance aux plus défavorisés. 



L'évolution actuelle du catholicisme

Introduction

Ouverture sur le monde séculier, volonté de rejoindre les préoccupations des fidèles, telle est la tendance qui l'emporte aujourd'hui au sein de l'Église catholique, qui cherche à refréner la poussée des traditionalistes refusant toute modernisation liturgique et toute forme d'œcuménisme. 



Le concile Vatican II

La seconde moitié du xxe s. est marquée par le concile Vatican II. Convoqué par Jean XXIII, qui l'ouvre le 11 octobre 1962, il est clos le 8 décembre 1965 par Paul VI. Au terme de cette grande assemblée qui a réuni les évêques du monde entier et de nombreux experts théologiens, le catholicisme sort transformé, en particulier plus ouvert au dialogue : 
– avec les autres confessions chrétiennes dans le cadre du dialogue œcuménique, qui se traduit, dès le 7 décembre 1965, par la levée réciproque des excommunications entre Rome et Constantinople ; 
– avec tous les hommes s'interrogeant au sein de l'Église sur les problèmes de société, dans le respect de leur liberté ; 
– avec tous les catholiques, clercs et laïcs, qui ont reçu la même mission de témoigner du Christ et qui méritent ainsi une plus grande reconnaissance, due également au pluralisme culturel des Églises particulières et locales, dont il convient de respecter l'autonomie légitime (par exemple, par l'utilisation de la langue vernaculaire comme langue liturgique) ; 
– avec les autres religions, sur la base d'une reconnaissance plus ample du caractère impénétrable des voies de Dieu. 

Le concile Vatican II a été l'aboutissement et le point de départ d'un vaste travail théologique qui continue à susciter un intérêt général, de la part tant des clercs que des laïcs. 



La tentation intégriste

L'intégrisme catholique est né d'une réaction aux évolutions des sociétés modernes. Désignant initialement un parti politique espagnol, né vers 1890, à la suite de la condamnation papale du modernisme (Syllabus, 1864), le terme a pris un sens plus large. Aujourd'hui il s'applique aux catholiques intransigeants, qui refusent toute concession avec l'ordre social et politique des sociétés modernes, laïques et pluralistes. 

Au début du xxe s., sous le pontificat de Pie X, l'intégrisme a pris la forme d'une organisation secrète, la Sapinière, dont l'activité principale était de constituer des dossiers sur les catholiques jugés trop « compromis » avec la société moderne. Elle a mis fin à ses activités en 1921. 

Après Vatican II, l'intégrisme est devenu le creuset des tendances catholiques fondamentalement hostiles à l'aggiornamento (adaptation de l'Église à la modernité) engagé par le concile. Le 30 juin 1988, le schisme conduit par le chef des intégristes – l'évêque français Marcel Lefebvre – a été consommé avec l'Église de Rome. 


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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016, 21:07

Écosse


Pays très pauvre, sans commerce, sans industrie, au climat rude, épuisée d’autre part par les extorsions du clergé catholique, l’Écosse entrevit quelques lueurs de l’Évangile au 15° siècle. Les Highlanders, habitants de la région montagneuse du centre, conservèrent de précieux restes des vérités chrétiennes, remises au jour par Wiclef. Au sein de leurs vallées reculées, on lisait en cachette la Parole de Dieu, mais ces faibles rayons de lumière s’éteignaient graduellement à mesure que disparaissaient ceux qui les détenaient.

Au 16° siècle, un jeune abbé, Patrick Hamilton, qui appartenait à une des familles les plus nobles du royaume, alla faire ses études à Rome. De là il se rendit en Allemagne ; c’était le moment où le triomphe de la Réformation causait une vive agitation. Reconnaissant de quel côté était la vérité, Hamilton s’empressa de regagner son pays pour y annoncer la bonne nouvelle qu’il avait apprise. Il paya de sa vie son courage, mais la semence jetée se répandit et porta des fruits abondants, malgré l’opposition acharnée de l’Église romaine, représentée par le cardinal Beatoun.

Un jeune évangéliste, Wishart, releva l’étendard, tombé des mains mourantes de Hamilton. La supériorité de ses connaissances, sa parole entraînante, sa profonde piété, son courage à toute épreuve, son extérieur agréable, tout cela joint à une douceur captivante, vrai caractère du chrétien, lui assignent une des premières places parmi les réformateurs écossais. Il allait de ville en ville, annonçant Christ aux foules. Étranger à toute menée politique, les démêlés continuels entre la noblesse et le clergé le laissaient absolument indifférent. Il pouvait dire, comme Paul : « Je n’ai pas jugé bon de savoir quoi que ce soit parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié » (1 Cor. 2:2). Chassé, traqué de lieu en lieu par les agents de Beatoun, il s’abandonnait tout entier à la protection du Seigneur. Mais le cardinal guettait sa proie. N’osant l’arrêter, il lui fit interdire la chaire. Dès lors, Wishart prêcha en plein air. C’en était trop aux yeux de ses adversaires. Un jour qu’il descendait d’une tribune dressée sur une place publique, il vit près de lui un prêtre dont il soupçonna le meurtrier projet. Au moment où l’émissaire de Beatoun sortait un poignard de dessous sa soutane, Wishart lui saisit le bras. Frappé de la fermeté et de la douceur du serviteur de Dieu, il avoua son crime et implora sa grâce. La foule allait le mettre en pièces, lorsque Wishart le couvrit de son corps et sauva la vie du malheureux. Mais plus tard, le vaillant témoin de Christ tomba dans un traquenard et fut brûlé vif.

Le plus connu des réformateurs écossais est John Knox. Converti de bonne heure, il ne put voir sans frémir les atrocités perpétrées contre les chrétiens. Plus d’une fois il accompagna Wishart et prêcha l’Évangile à ses côtés. Son éloquence, sa figure imposante, ses vues nettes et précises, mais surtout la conviction de sa parole, donnaient à sa prédication une puissance rare. L’Écosse était, à ce moment là, déchirée entre deux factions, dont l’une regardait vers l’Angleterre, tandis que l’autre voulait s’appuyer sur la France. Une foule de réformés se retirèrent dans le château de Saint-André à Édimbourg, mais les troupes françaises les assiégèrent, s’emparèrent de la place et, violant la parole jurée, emmenèrent la garnison en France. Knox se trouvait au nombre des déportés. Au cours de leur captivité on mit tout en œuvre : flatteries, menaces et violence, pour les contraindre à apostasier ; pas un seul ne se laissa gagner. Après une année et demie de vains efforts on les relâcha.

Ne pouvant rentrer dans son pays à cause de son attitude très décidée contre le catholicisme, Knox se rendit en Angleterre. Il trouva un excellent accueil à la cour d’Édouard VI qui fit de lui son chapelain et lui offrit même le titre d’évêque, mais Knox refusa catégoriquement, car il ne pouvait admettre le culte anglican qui lui rappelait trop les cérémonies papales. La mort prématurée du jeune roi contraignit Knox à s’enfuir de nouveau. Il traversa la France, gagna la Suisse où il prit contact avec les principaux défenseurs de la Réforme et finit par arriver à Genève. Calvin le reçut à bras ouverts. Il y avait en effet entre eux une remarquable similitude de sentiments ; ils étaient presque du même âge et leurs vues sur les principales doctrines bibliques coïncidaient exactement. Même leurs caractères se ressemblaient beaucoup : comme Calvin, Knox était d’une intransigeance invincible, quand il s’agissait des choses de Dieu, mais il se montrait plus rude, plus irritable que son ami, chez qui la froide logique tenait lieu des emportements fréquents de son collègue. Knox introduisit en Écosse la plupart des points de vue de Calvin.

Il ne put y rentrer qu’après huit ans d’absence et y trouva maint sujet de tristesse. Sans doute l’effectif des partisans de la Réforme avait grandi considérablement, mais Knox ne s’attachait pas au nombre. Bien peu des convertis osaient afficher ouvertement le changement opéré dans leurs cœurs par la grâce de Dieu, tellement les conséquences auraient été terribles pour eux. La plupart continuaient à suivre le culte romain, tout en le condamnant au fond du cœur. Les énergiques prédications de Knox les convainquirent de leur erreur. Tous quittèrent définitivement l’Église romaine et, peu après, ils célébraient la Cène conformément au désir du Seigneur. La riposte ne se fit pas attendre. Knox fut cité à comparaître devant le clergé à Édimbourg ; les hommes les plus éminents se déclaraient prêts à prendre sa défense. Aussi les prêtres, effrayés des conséquences, reculèrent devant la pensée de toute violence exercée contre un homme entouré de si puissants amis. Au lieu d’exiger de lui une rétractation, ils le laissèrent libre de prêcher pendant dix jours dans une maison particulière. Le Seigneur bénit de façon extraordinaire ce court ministère, en amenant un grand nombre des auditeurs à confesser son nom.

Au bout d’une année Knox jugea utile pour lui de retourner à Genève, peut-être pour amener les nouveaux convertis à ne pas dépendre de lui, mais uniquement du Seigneur. Dès qu’il fut parti, ses ennemis relevèrent la tête et le firent brûler en effigie. Cet acte stupide aboutit à fins contraires du but que s’étaient proposé ses auteurs. La Réforme fit des progrès toujours plus rapides et plus profonds. De son côté Knox stimulait le zèle des réformés par des écrits vibrants. On ne tarda pas à le rappeler ; c’était le moment, car le mouvement était en train de prendre un caractère nettement politique à cause de l’attitude ambiguë de la noblesse. En outre le peuple, laissé à lui-même, commettait des excès très regrettables, qui ne pouvaient que déshonorer le nom du Seigneur et son témoignage.

Marie Stuart, devenue veuve de bonne heure à la suite de la mort prématurée de son mari François II, roi de France, se montra très attachée au catholicisme. Un jour pourtant elle voulut voir Knox. Était-ce un guet-apens ? Le réformateur l’ignorait, mais assuré de la protection de Dieu, il répondit à cette invitation. La reine l’accabla de reproches : il avait détourné d’elle ses sujets, publié un livre contre le droit des femmes à la couronne, fomenté la révolte, entraîné les Écossais à pratiquer un culte différent de celui de leurs pères, ce qui, osait-elle dire, était contraire à la Bible et à l’obéissance qu’elle prescrit aux sujets vis-à-vis de leurs souverains. Knox n’eut pas de peine à lui démontrer, par la Bible, qu’il n’y avait rien de révolutionnaire à enseigner au peuple les vérités divines. Quand un gouvernement s’écarte de ces vérités, les sujets ont le devoir d’obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ; telle est la règle que l’Écriture leur impose. Quant au livre auquel Marie Stuart faisait allusion, il ne la concernait pas, mais bien sa cousine, Marie d’Angleterre. Après son éloquent plaidoyer Knox put se retirer sain et sauf.

Il passa les dernières années de sa vie à organiser l’Église presbytérienne d’Écosse. Suivant de près les principes de Calvin, il fit complètement fausse route en ce que, comme les autres réformateurs, il méconnut les enseignements du Seigneur et des apôtres, concernant l’Église de Dieu. La constitution qu’il fit adopter est œuvre purement humaine, et mérite par conséquent les reproches adressés à Sardes (Apoc. 3:1-5). Ceci ne doit pas faire oublier pourtant le travail intense, et richement béni, accompli par John Knox. Comme prédicateur de l’Évangile, c’est un des plus intrépides parmi les réformateurs ; il s’acquitta avec un dévouement extraordinaire du service qui lui était confié, ne ménageant ni son temps ni sa peine, quand il s’agissait d’amener des âmes à Christ ou bien de rendre témoignage à la vérité. Il s’endormit paisiblement à Édimbourg en 1572, trois mois après avoir reçu la nouvelle du massacre de la Saint-Barthélemy à Paris ; elle l’affecta très profondément. Une des dernières fois qu’il monta en chaire, ce fut pour exprimer sa vive douleur de ce sinistre forfait et pour implorer le secours de Dieu en faveur des infortunés survivants, privés de tout appui humain et sans autre ressource que celle de la miséricorde divine.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016, 21:07

Le réveil du 18° siècle. John Wesley


Au 18° siècle en Angleterre, la profession chrétienne tomba très bas : elle avait le nom de vivre, mais était morte (Apoc. 3:1). Cela venait peut-être de l’excessive rigueur du régime puritain pour qui tout était loi, mais il ignorait la grâce. D’autre part, comme on l’a vu, l’église officielle se perdait dans le formalisme, dans les pratiques extérieures. L’état moral du pays avait énormément baissé ; l’amour de l’argent servait de ressort essentiel à la politique et à la vie courante. L’écrivain français Montesquieu trace un triste tableau de ces dispositions fâcheuses : « L’argent est ici souverainement cultivé, l’honneur et la vertu, peu… Il n’y a point de religion en Angleterre ; si quelqu’un en parle tout le monde se met à rire ». Avec cela on ne faisait rien pour relever le niveau des classes populaires, qui menaient une existence grossière et désordonnée ; dans les régions minières on se croyait en plein pays sauvage. Les superstitions les plus vulgaires trouvaient créance ; on croyait aux esprits, à la sorcellerie, à la bonne aventure. La jeunesse se rendait insupportable par ses allures turbulentes et licencieuses ; on insultait les honnêtes gens, on querellait qui voulait rester paisible. On coudoyait brutalement les passants pour les faire tomber dans le ruisseau. Le soir en attaquait les promeneurs à coups d’épée. Certes il y avait en Angleterre des hommes pieux ; ils souffraient cruellement de ces débordements de mal, mais très peu nombreux, faibles et sans influence, ils ne savaient que faire pour endiguer le courant, ni même pour lui résister. Les quelques efforts tentés dans ce sens se heurtaient à l’incrédulité, au scepticisme qui faisait des ravages terribles. Mais Dieu avait les yeux sur ces lamentables circonstances. En la personne de John Wesley, il suscita l’homme qu’il fallait pour secouer l’Angleterre de sa torpeur spirituelle.

Né en 1703, John Wesley était le fils d’un pasteur, digne homme s’il en fût, mais dont le caractère offrait des extrêmes curieux : tempérament élevé, mais excessif, courage et imprudence, largeur d’esprit et versatilité, ardeur et violence, attachement à l’Église et bigotisme. Pour lui la religion consistait en une soumission stricte aux règles prescrites, mais il ne possédait pas la foi en Christ, Sauveur des pécheurs. Il eut dix-neuf enfants, dont treize vécurent. Leur mère, personne très supérieure à son mari, d’une piété rudimentaire, quoique fervente, dépensait une énergie admirable pour les élever dans la crainte de Dieu. Douée d’une très forte volonté, elle avait imposé à sa maison une règle rigoureuse ; tout devait se faire à heures fixes : repas, devoirs, sommeil ; les cris étaient sévèrement interdits. Chaque enfant commença à apprendre à lire le jour où il avait cinq ans. La première leçon se passait à s’assimiler l’alphabet ; dès la seconde on épelait le premier verset de la Genèse. Une fois entraîné, l’enfant recevait six leçons par jour. Les aînés s’occupaient des cadets. « J’admire ta patience », disait un jour M. Wesley à sa femme. « Tu as répété la même chose au moins vingt fois à cet enfant ». « J’aurais perdu mon temps », répondit la digne mère, « si je l’avais répété dix-neuf fois seulement, puisque je n’ai réussi qu’à la vingtième ». Elle donnait elle-même l’instruction biblique à ses enfants, et dès qu’ils étaient en âge de comprendre, avait avec chacun d’eux de fréquents entretiens particuliers sur leurs intérêts spirituels.

Les paroissiens de M. Wesley ne se distinguaient guère que par leur vulgarité et leur indifférence complète à l’égard des choses de Dieu. Ne pouvant pas leur enseigner ce qu’il ignorait lui-même, leur pasteur se bornait, dans ses prédications, à stigmatiser leur vie de péché, sans leur montrer jamais le chemin du salut. Aussi nourrissait-on à son égard une haine féroce qui se traduisit par divers attentats, jusqu’au jour où des malandrins mirent le feu à la cure. On réussit à sauver tous les enfants, sauf John qui fut oublié. Au dernier moment un homme parvint à le retirer du brasier et sans que les flammes l’eussent atteint. Bien des années plus tard, comme on avait fait son portrait, John Wesley inscrivit ces mots au bas du tableau : « Celui-ci n’est-il pas un tison sauvé du feu ? » (Zac. 3:2).

Dès l’âge de dix-huit ans Wesley entreprit des études de théologie à Oxford. Il y mena une vie irréprochable qui contrastait avantageusement avec celle de la plupart de ses camarades. Son caractère aimable lui valut de solides amitiés ; il montrait beaucoup de sérieux, mais sa piété n’était qu’extérieure. Il écrivit plus tard : « J’ignorais complètement la nature et le caractère de la justification par la foi. Je n’avais même que des idées confuses sur le pardon des péchés ; je croyais qu’il fallait en ajourner la possession jusqu’à l’heure de la mort ou au jour du jugement. Quant à la foi qui sauve, j’en ignorais également la valeur, croyant qu’elle n’était autre chose qu’une ferme adhésion à toutes les vérités contenues dans l’Ancien et le Nouveau Testament ». Il manifesta des talents si extraordinaires qu’à vingt trois ans il se vit attribuer une chaire de grec. À ce moment son frère Charles, de cinq ans plus jeune que lui, le rejoignit, ainsi que, plus tard, un de leurs amis, George Whitefield. Animés tous trois de dispositions très sérieuses, ils résolurent de se rencontrer chaque soir pour s’occuper ensemble de la Parole de Dieu. D’autres étudiants s’associèrent à eux, si bien qu’ils en vinrent à constituer une petite congrégation dirigée par John Wesley auquel tous reconnaissaient sans hésitation des qualités intellectuelles supérieures, une grande maîtrise d’esprit, un don spécial d’organisation, qu’il avait sans doute hérité de sa mère. Dans ces réunions, en effet, malgré leur cachet intime et familier, tout était minutieusement réglé, si bien que les participants ne tardèrent pas à se voir affublés du nom de Méthodistes. Leur activité ne se bornait pas à des entretiens : ils visitaient les malades, parlaient du Seigneur dans les prisons, distribuaient des aumônes aux pauvres dans la mesure où leurs faibles revenus le leur permettaient.

Toute sa vie durant, Wesley se montra très économe de son temps. Ayant remarqué qu’il se réveillait régulièrement au milieu de la nuit, il fit un effort sur lui-même pour arriver à réduire son sommeil. Il raconta à ce propos : « Par la grâce de Dieu, je suis parvenu à me lever tous les jours à quatre heures du matin. Je puis ajouter que, tout compté, je n’ai jamais eu un quart d’heure d’insomnie par mois ». Telle fut la règle de sa vie jusqu’à son dernier jour, et il parvint à un âge très avancé. À un élève il disait : « Vous n’êtes pas assuré d’un jour de vie ; vous ne seriez donc pas sage de perdre un moment. Le plus court chemin pour arriver au savoir est celui-ci : 1. déterminer le but que vous voulez atteindre ; 2. ne lire aucun livre qui ne touche, d’une façon ou de l’autre, à ce but ; 3. parmi les livres, faire choix des meilleurs ; 4. n’entreprendre l’étude d’un ouvrage qu’après avoir fini le précédent ; 5. les lire dans un tel ordre que la lecture d’aujourd’hui serve à éclairer et à confirmer celle de la veille ».

Malheureusement ces jeunes Méthodistes, malgré leurs intentions excellentes, manquaient d’une chose essentielle : la vie de Dieu dans leurs cœurs. Ils croyaient plaire au Seigneur par leurs bonnes œuvres, oubliant qu’un mauvais arbre ne saurait produire de bons fruits. John Wesley le constata dix ans plus tard, alors qu’il feuilletait les lettres qu’il avait conservées de ses amis : « Un seul de mes correspondants », dit-il, « déclara (et je me rappelle fort bien de l’avoir entendu, sans que je le comprisse) que l’amour de Dieu avait été versé dans son cœur « par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rom. 5:5) et qu’il jouissait de la paix de Dieu, qui « surpasse toute intelligence » (Phil. 4:7). Mais qui voulut le croire ? Dois-je cacher la triste réalité, ou bien la révéler pour que d’autres en fassent leur profit ? Il fut expulsé de la société, comme s’il avait perdu la raison. Tous ses amis le désavouèrent ; le monde le méprisa et lui tourna le dos. Pendant quelques mois il vécut isolé et méconnu, puis celui que son cœur aimait le reprit auprès de lui ».

John Wesley avait trente-deux ans quand on lui proposa de partir avec son frère Charles pour la Géorgie, colonie nouvellement fondée en Amérique du Nord, en vue d’y occuper des chômeurs ou des gens ruinés. Leur chef estimait avec raison que ces expatriés ne pouvaient rester sans qu’on veillât à leurs besoins spirituels et qu’il faudrait aussi évangéliser les Indiens, qui habitaient la même contrée. Les deux Wesley se mirent donc en route. À bord du navire qui les emmenait se trouvaient vingt-six Moraves qui frappèrent John tout d’abord par leur extraordinaire sérénité en face du danger. Ses entretiens avec eux lui firent comprendre qu’ils avaient en eux une chose qui lui manquait. « En quelque lieu qu’ils fussent, ils marchaient d’une manière digne de leur vocation céleste et honoraient l’Évangile par toute leur conduite ». Mais ce n’est pas encore à ce moment qu’il découvrit leur merveilleux secret. À peine débarqué, il fit preuve d’une grande activité parmi les colons, les indigents, les malades, les esclaves même. Comme à Oxford, il créa de petits groupes de personnes, désireuses de s’occuper de la Parole de Dieu, mais ces conversations, quoique très simples, devaient se dérouler selon un ritualisme rigoureux. Wesley fit œuvre aussi d’évangéliste auprès des Indiens comme auprès des Anglais. Cependant, scrupuleux comme il l’était, il ne tarda pas à s’apercevoir qu’il ne pouvait et ne devait prêcher des choses qu’il ne s’était pas appropriées pour lui-même. Comment parler de l’œuvre de la grâce de Dieu dans les cœurs du moment qu’il n’était pas converti ? Un entretien qu’il eut avec un prédicateur morave, établi en Géorgie depuis quelque temps, lui ouvrit les yeux sur son état. « Mon frère », lui demanda ce dernier, « je dois vous poser tout d’abord deux ou trois questions. Savez-vous si vous êtes vous-même un enfant de Dieu ? ». Comme Wesley, surpris de cette demande, ne répondait pas, le Morave continua : « Connaissez-vous le Seigneur Jésus Christ ? — Oui. Je sais qu’il est le Sauveur du monde ». — « C’est vrai. Mais savez-vous qu’il vous a sauvé vous-même ? » — « J’espère qu’il est mort pour moi aussi ». — « Vous connaissez-vous bien vous-même ? » — « Certainement ». Mais Wesley ajoute dans son journal : « Je crains que ce ne fussent là de vaines paroles ». Comme il se trouvait qu’il logeait chez les Moraves, il nota que « ces gens étaient toujours occupés, toujours de bonne humeur. Ils paraissaient s’être défaits de tout sentiment de colère, de querelle, d’amertume ; ils se gardaient de médire les uns des autres. Ils marchaient d’une manière digne de l’appel dont ils avaient été appelés (Éph. 4:1) et rendaient un joyeux témoignage à l’évangile de la grâce de Dieu » (Actes 20:24).

Charles Wesley réussit mal dans la paroisse qu’on lui avait confiée. Il accabla ses ouailles de règlements multiples, leur prescrivant comment se vêtir, comment prier, comment se comporter pendant les services religieux, se mêlant même de leurs affaires personnelles. Aussi fut-il bientôt rapatrié. John poursuivit ses efforts pendant deux ans, mais sans succès apparent. Aussi il reprit, lui aussi, le chemin de l’Angleterre. Au cours de la longue traversée, il eut le temps de faire de profondes réflexions sur lui-même et sur les causes de son échec ; il les exprima en ces termes : « Je suis allé en Amérique pour convertir les Indiens, mais qui me convertira moi-même ? Qui me délivrera de mon mauvais cœur incrédule ? Je ne puis dire « La mort m’est un gain » (Phil. 1:21). Qui me délivrera de la crainte de la mort ? J’ai appris ce dont je ne me doutais pas, que moi qui travaillais à convertir les autres, je n’étais pas converti moi-même, que je « n’atteignais pas à la gloire de Dieu » (Rom. 3:23), qu’il y avait en moi « un méchant cœur d’incrédulité » (Héb. 3:12) et que ma vie ne valait rien, puisqu’ « un arbre mauvais ne peut pas produire de bons fruits » (Matt. 7:18). J’appris que, privé de Dieu, je suis un enfant de colère, héritier de l’enfer. J’appris que mes œuvres, mes souffrances, ma justice, loin de me réconcilier avec Dieu, l’avaient offensé et ne sauraient expier le moindre de mes péchés, plus nombreux que les cheveux de ma tête ; que je ne pouvais soutenir le regard de la justice divine, à moins que tous ces péchés ne fussent effacés. Il ne me restait donc plus aucune espérance, sinon celle d’être justifié gratuitement par la rédemption en Christ ».

À Londres il reprit contact avec de petites communautés moraves, notamment avec un pasteur Boehler qui lui fit comprendre ce que c’est que la foi, à savoir « la confiance que l’âme place en Dieu et qui l’assure que ses péchés sont pardonnés par les mérites du Seigneur Jésus Christ et qu’elle est réconciliée avec Dieu ». Boehler le renvoyait toujours aux textes bibliques, entre autres à ceux-ci : « L’Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit, que nous sommes enfants de Dieu » (Rom. 8:16). « En ceci est l’amour, non en ce que nous, nous ayons aimé Dieu, mais en ce que lui nous aima et qu’il envoya son Fils pour être la propitiation pour nos péchés » (1 Jean 4:10). « Celui qui croit au Fils de Dieu, a le témoignage au-dedans de lui-même ; celui qui ne croit pas Dieu, l’a fait menteur, car il n’a pas cru au témoignage que Dieu a rendu au sujet de son Fils » (1 Jean 5:10). « Quiconque est né de Dieu ne pratique pas le péché, car la semence de Dieu demeure en lui, et il ne peut pas pécher, parce qu’il est de Dieu » (1 Jean 3:9).

C’est le 24 mai 1738 que Wesley trouva la délivrance. Le matin il avait lu ces mots de 2 Pierre 1:4: « Il nous a donné les très grandes et précieuses promesses, afin que par elles vous participiez de la nature divine, ayant échappé à la corruption qui est dans le monde par la convoitise ». Le même après midi il assista à un service religieux, où la liturgie portait la lecture du Psaume 130: « Ô Jah ! si tu prends garde aux iniquités, Seigneur, qui subsistera ? Mais il y a pardon auprès de toi, afin que tu sois craint ». Le soir, tandis qu’il s’occupait de l’épître aux Romains, la lumière se fit dans son âme : « Je mis ma confiance en Christ », raconte-t-il, « en Christ seul pour mon salut ; je reçus l’assurance qu’il avait ôté mes péchés et qu’il me sauverait de la loi du péché et de la mort ». Comme Luther, Wesley passa par une période d’épreuves et d’expériences, en apparence incohérentes, mais dont il comprit plus tard la bénédiction. Luther a l’esprit intuitif ; comme un aigle, il regarde la vérité partout où elle se présente devant lui. Wesley, esprit logique, arrive à ses conclusions par l’argumentation.

C’est ici que commence l’histoire de Wesley en tant que serviteur du Seigneur. Dès l’abord il eut à apprendre ce qu’est l’opprobre du monde selon Matt. 5:11-12: « Vous êtes bienheureux quand on vous injuriera, et qu’on vous persécutera, et qu’on dira, en mentant, toute espèce de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous et tressaillez de joie, car votre récompense est grande dans les cieux ; car on a persécuté ainsi les prophètes qui ont été avant vous ». Il s’aperçut que le monde est demeuré ce qu’il était le jour où le Seigneur prononça ces paroles. Depuis son retour de Géorgie quatre mois auparavant, il avait prêché dans nombre d’églises. Immédiatement il se vit fermer dix d’entre elles, pour la simple raison qu’au lieu d’adresser à ses auditeurs un sermon sur un sujet quelconque d’ordre social ou moral, il leur avait parlé de la grâce de Dieu qui justifie ceux qui croient en l’efficacité du sacrifice de Christ sur la croix, mais il insistait aussi fortement sur l’inutilité des œuvres humaines pour obtenir le salut. Bientôt tous ceux qui avaient, jusque-là, cheminé à ses côtés lui tournèrent le dos. Seuls lui restèrent fidèles son frère Charles, ainsi que Whitefield, mais celui-ci se trouvait alors en Géorgie.

Comme Wesley avait reçu beaucoup de bien de son contact avec les Moraves, il crut opportun d’aller les voir chez eux. Il se rendit donc à Herrnhut, où il rencontra le comte Zinzendorf. Ce qui le frappa le plus ce fut la prédication de Christian David. De cet humble charpentier Wesley apprit une foule de choses qu’il ignorait et qu’il se hâta de consigner dans son journal. « La parole de réconciliation, prêchée par les apôtres, comme fondement de tout leur enseignement, est celle-ci : ce n’est point par nos œuvres, ni par nos mérites que nous sommes réconciliés avec Dieu, mais uniquement par le sang de Christ. On dira : Ne dois-je pas pleurer et m’humilier à cause des fautes que j’ai commises ? N’est-ce pas chose juste et équitable ? Ne dois-je pas agir de la sorte avant d’oser espérer que Dieu sera réconcilié avec moi ? Je réponds : c’est chose juste et équitable. Vous devez avoir le cœur brisé et humilié. Mais ce n’est pas là votre œuvre ; c’est celle de l’Esprit Saint. Ce n’est pas non plus la base de votre salut ; il repose tout entier et uniquement sur le sang de Christ. Cette parole prouve que rien ne vient de nous : « Celui… qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi lui est comptée à justice » (Rom. 4:5). Il n’y a absolument rien de commun entre Dieu et l’impie. L’impie ne saurait faire quoi que ce soit pour gagner la faveur de Dieu. Peut-il produire des œuvres propres à plaire à Dieu, quelque justice, quelque repentance ? Non, rien que de l’impiété. Qu’il aille donc à Christ tel qu’il est ; qu’il croie en l’œuvre accomplie par Christ. C’est par cette foi, don de Dieu, qu’il sera sauvé pour cette vie et pour l’éternité ».

Lorsque Wesley rentra en Angleterre, il s’empressa de retrouver son frère Charles ; celui-ci lui apprit des nouvelles réjouissantes. Un peu partout on constatait un ardent désir d’entendre l’Évangile. Dans les localités écartées surtout il se trouvait beaucoup de petites congrégations dont les membres se réunissaient pour prier ensemble et lire la Bible. Ces chrétiens souhaitaient en apprendre davantage, et comme John et Charles Wesley se voyaient refuser l’entrée des églises, ils se mirent à prêcher partout où ils rencontraient des besoins spirituels. Ceci les engagea à entreprendre le même travail à Londres, car ils y connaissaient nombre de chrétiens isolés. Leurs noms devinrent bientôt connus ; de toutes parts ils recevaient des invitations. À leur grande joie Whitefield revint d’Amérique et se joignit à eux ; c’est lui qui prit l’initiative des prédications en plein air, habitude aujourd’hui courante en Angleterre, mais qui, au 18° siècle, apparaissait comme le plus grand des scandales.

Whitefield débuta à Kingswood près de Bristol. Il y avait là des mines de houille, où travaillaient de nombreux ouvriers, connus, très loin à la ronde, par leurs mœurs brutales et grossières. Personne ne s’était jamais préoccupé de leur vie spirituelle ; aucun pasteur ne visitait jamais la localité. Whitefield s’y rendit donc et annonça l’Évangile du haut d’un tertre ; un auditoire nombreux se forma pour l’entendre. Le lendemain il eut bien deux mille personnes devant lui ; les jours suivants la foule s’accrût et atteignit jusqu’à vingt mille auditeurs. Whitefield réussissait à se faire entendre de chacun et il ne tarda pas à constater l’émotion profonde qu’éveillait le message apporté à ces pauvres déshérités ; beaucoup pleuraient à chaudes larmes. Puis on vit arriver aussi des messieurs et des dames du grand monde. Le Seigneur commençait un vrai réveil en Angleterre. Débordé, Whitefield pria Wesley de venir lui aider. Celui-ci ne se fit pas prier, mais éprouva au premier moment un sentiment de malaise à l’idée d’annoncer l’Évangile ailleurs que dans une église. Il ne tarda pas à surmonter sa répugnance et mit à la prédication de la vérité autant de zèle que son ami. Il avait sur Whitefield un avantage très appréciable en présence des foules hétéroclites auxquelles il devait s’adresser. C’était un esprit d’à propos qui lui permettait de donner la réplique à n’importe qui et toujours avec humour, ce qui mettait invariablement les rieurs de son côté. L’anecdote suivante en fait foi.

Après avoir travaillé longuement à Kingswood, Wesley entreprit de visiter la contrée environnante et s’en vint à Bath, station balnéaire très à la mode alors. Toute la vie mondaine dépendait d’un M. Nash qui, assurait-on, s’arrangerait de façon à faire taire le prédicateur, par la violence, s’il le fallait. Les amis de Wesley le supplièrent de ne pas s’exposer à un coup de force, mais il ne voulut rien entendre, comptant sur la protection du Seigneur. Il venait de commencer à parler quand Nash survint et lui demanda, comme les anciens du peuple le firent à Jésus, « par quelle autorité il faisait ces choses » (Matt. 21:23). Wesley répondit que c’était en vertu de celle du Seigneur Jésus Christ. « La loi vous l’interdit », répliqua Nash, faisant allusion à une défense formulée autrefois contre les réunions tenues en dehors de l’église officielle. « D’autre part », ajouta-t-il, « vos sermons ne font que terrifier vos auditeurs ». — « Monsieur », demanda Wesley, « m’avez-vous jamais entendu prêcher ? » — « Non ». — « Alors comment savez-vous ce que vous avancez ? » — « Par le bruit public ». — « Le bruit public ne suffit pas. Permettez-moi de vous demander si vous ne vous appelez pas Nash ? » — « Oui ». — « Eh bien ! Monsieur, tout en connaissant votre nom, je n’oserais pas formuler un jugement sur votre compte par ce que j’entends dire de vous ». Ce Nash avait une très mauvaise réputation. Il se contenta de répéter sa première injonction : « je veux savoir ce que ces gens viennent faire ici ». Là-dessus une vieille femme s’avança et dit « M. Wesley, ne vous inquiétez pas de cet homme. M. Nash, veillez à notre bien être physique. Nous avons souci de nos âmes ; c’est pour les nourrir que nous sommes réunis ici ». Nash s’éclipsa et l’on n’entendit plus parler de lui.

Wesley avait l’habitude de prêcher la loi en même temps que la grâce. Sa parole, calme mais pressante, stigmatisait le péché et montrait à quelles terribles conséquences il aboutit, dans ce monde déjà, et surtout au-delà de la tombe. Ces prédications courageuses contrastaient étrangement avec les sermons académiques des gens d’église, qui ne développaient que des sujets de morale courante et visaient avant tout à ne froisser personne. Wesley ne s’adressait pas à la sensibilité ; son éloquence n’avait rien de sentimental ; sans cesse il faisait appel à la conscience, mettant ses auditeurs en présence de leur propre responsabilité. Cité avec son frère Charles à comparaître devant l’évêque de Bristol, sous l’inculpation de scandale public et d’infraction aux lois ecclésiastiques, Wesley répondit : « Mon occupation est de faire dans ce monde tout le bien que je puis. Appelé par Dieu à prêcher l’Évangile, malheur à moi si je n’y réponds pas partout où l’on me trouve. Puisque j’ai été consacré au ministère par les hommes, je ne suis en opposition avec aucune loi humaine. Mais si ma conscience me faisait un devoir d’enfreindre l’une ou l’autre d’entre elles, j’aurais à me demander s’il ne vaut pas mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ».

Un grand réveil se dessinait aussi dans le pays de Galles, à l’ouest de l’Angleterre, où un chrétien du nom de Harris avait défriché le sol. Comme à Kingswood, la population vivait dans un état voisin du paganisme ; jamais encore on n’y avait parlé du Seigneur. Tous les samedis soirs se passaient à jouer et à danser ; on recommençait le dimanche après-midi. Ayant entendu parler de Wesley, Harris le supplia de venir collaborer avec lui. Wesley hésita quelque peu ; ici encore il devait se défaire d’un préjugé et admettre qu’un laïque peut et doit, tout autant qu’un pasteur, avoir la pleine liberté de parler du Seigneur. Il se fit du reste si bien à cette idée que peu après, il écrivait : « De quel esprit serait animé un homme qui préférerait, faute de connaissances théoriques, laisser périr ces pauvres pécheurs, plutôt que de les voir sauvés par les exhortations d’un Harris ou de n’importe quel autre prédicateur, laïque ou non, pourvu qu’il fût entièrement dirigé par l’Esprit de Dieu ? »

C’est ici le lieu de relever un point important sur lequel Wesley et Whitefield différaient complètement d’avis, ce qui ne les empêcha pas de demeurer des amis fidèles l’un pour l’autre. Wesley était du reste ici complètement dans l’erreur, car les lectures qu’il avait faites dans sa jeunesse l’avaient fourvoyé, celle surtout de Thomas a Kempis. Selon lui un homme qui aurait été sauvé pourrait être privé de son salut, si par la suite, il se laissait entraîner à commettre une faute grave, soit par sa propre négligence, soit s’il n’avait pas eu soin de rechercher constamment les directions du Seigneur. D’autre part, Wesley estimait qu’un croyant peut arriver à vaincre le péché au point de l’extirper complètement de son cœur et parvenir ainsi à la perfection. Whitefield répondait à son ami par la promesse faite de la bouche du Seigneur Jésus lui-même en parlant des brebis de son troupeau : « Je leur donne la vie éternelle, et elles ne périront jamais ; et personne ne les ravira de ma main. Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tous, et personne ne peut les ravir de la main de mon Père » (Jean 10:28 29). Sans doute, si notre assurance dépendait tant soit peu de nous, non seulement nous risquerions de perdre notre salut, mais nous le perdrions très certainement. Ici encore nous avons la certitude que « celui qui a commencé en vous une bonne œuvre, l’achèvera jusqu’au jour de Jésus Christ » (Phil. 1:6). Quant à la perfection, Whitefield rappelait que le chrétien a le péché en lui, bien qu’il possède, par la foi en Christ, le moyen de le vaincre, mais il doit être très vigilant. C’est pour cela que l’apôtre Jean écrit : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous… Si nous disons que nous n’avons pas péché, nous le faisons (Dieu) menteur et sa parole n’est pas en nous » (1 Jean 1:8, 10). Mais Whitefield, de son côté, commettait une faute grave en enseignant, comme Calvin, la doctrine de la prédestination.

Tandis que Wesley renonçait à tout voyage à l’étranger pour se consacrer à l’œuvre que le Seigneur avait placée devant lui en Angleterre, Whitefield se sentait toujours plus fortement attiré du côté de l’Amérique ; chose extraordinaire pour son temps, il traversa treize fois l’Atlantique, la dernière pour ne pas revenir dans son pays. Bien que moins robuste que Wesley, il accomplit, comme évangéliste, un travail immense, également en Angleterre, en Écosse, dans le pays de Galles et en Irlande. Doué d’une voix extraordinairement forte et parlant presque toujours en plein air, les foules qui l’entouraient ne pouvant trouver place dans une salle fermée, il savait exposer la grâce de Dieu avec une remarquable simplicité, mais aussi avec une force de conviction telle que le Seigneur bénit richement son service. Cette activité incessante l’usa prématurément. À l’âge de cinquante-six ans, au cours de sa dernière tournée en Géorgie, il dut avouer qu’il se sentait complètement épuisé. La veille de sa mort, après avoir prêché pendant deux heures consécutives avec une puissance inégalable, il rentra chez lui à bout de forces. Comme il gagnait sa chambre, il trouva le vestibule plein de gens, venus pour entendre encore davantage, mais il dut se déclarer incapable de leur répondre et pria un de ses amis de le remplacer. Il monta quelques marches d’escalier, puis se ravisa, se disant que ce serait peut-être la dernière occasion qu’il aurait de parler du Seigneur. Adossé à la rampe, il reprit le sujet qu’il avait développé et ne s’arrêta qu’au moment où la bougie qu’il tenait à la main fut entièrement consumée. À deux heures du matin il se sentit mal ; au moment où le soleil se levait, le Seigneur le retira auprès de lui. Ses dernières paroles furent : « Seigneur Jésus, je me suis épuisé à travailler pour toi, mais je ne suis nullement las de le faire ».

Il est tout à fait impossible de raconter ici en détail la carrière de John Wesley, qui se poursuivit pendant un demi-siècle après sa conversion. Il parcourut le Royaume Uni dans tous les sens, au prix de mille difficultés et de dangers sans cesse renaissants, menant une vraie croisade pour le salut des âmes. Plus il se dépensait et plus Satan redoublait de furie pour compromettre son travail. Bien des fois il courut le risque d’être tué. Dans une localité on tira du pistolet contre lui. Ailleurs on l’assaillit à coups de pierres et de bâtons. Souvent il eut ses vêtements mis en lambeaux. À Londres on lança dans la foule qui l’écoutait un troupeau de bœufs avec l’intention bien arrêtée de les exciter contre lui. Un soir qu’il prêchait dans une salle, on y fit éclater des fusées et des pétards. Plus d’une fois on chercha à couvrir sa voix en battant du tambour. Une autre fois encore, on le souilla, de la tête aux pieds, avec toutes les ordures qu’on put ramasser : boue, fumier, œufs pourris, cadavres d’animaux. Mais le Seigneur le soutenait merveilleusement. Maintenu par sa puissance divine, il ne perdit jamais courage ; ses forces physiques demeuraient intactes ; il jouissait d’une santé excellente, grâce à laquelle il résistait à toutes les privations, à tous les mauvais traitements. Ces quelques détails, qu’on pourrait multiplier, suffiront à montrer dans quel triste état moral l’Angleterre se trouvait alors plongée. On peut se demander jusqu’où elle serait tombée, si le Seigneur n’avait eu pitié de ce peuple si dégénéré en lui envoyant son serviteur, admirablement qualifié pour cette tâche laborieuse et ingrate entre toutes.

Quant aux difficultés purement matérielles, elles auraient pu arrêter tout autre que John Wesley. Faute de routes convenables, les déplacements ne se faisaient que moyennant une dépense d’énergie peu commune. Voici comment Wesley lui-même décrit un trajet qu’il dut faire en plein hiver : « La pluie et la grêle transperçaient nos épais manteaux. Le vent se déchaînait avec rage. Mais l’humidité gelait sur nos vêtements ; même nos cils se recouvraient d’une couche de givre. Quand nous atteignîmes une auberge, nous ne savions comment descendre de nos chevaux. Le lendemain il fallut de nouveau cheminer toute la journée ; le vent était tombé, mais, la veille, il avait amoncelé de telles quantités de neige que nous ne réussissions qu’à grand-peine à les franchir. Nous dûmes mener nos chevaux à la bride presque tout du long ; les pauvres bêtes avaient assez à faire à se porter elles-mêmes. Plus loin nous arrivâmes dans une région marécageuse, sans ponts pour traverser les ruisseaux qui couraient dans tous les sens. La glace n’était en général pas assez solide pour supporter notre poids, aussi plusieurs fois nous plongeâmes dans l’eau et n’en sortîmes qu’après mille efforts. Mais nous fûmes largement payés de nos peines quand nous vîmes l’empressement que mettaient les paysans à venir entendre le message que nous leur apportions de la part du Seigneur ». La localité que visita Wesley cette fois-là était Epworth, le village où il était né ; jadis on l’y avait très mal reçu, le pasteur tout au moins, si bien qu’il avait dû annoncer l’Évangile au cimetière, debout sur la pierre tombale de son père. Mais, depuis lors, les sentiments avaient changé du tout au tout et maintenant on lui faisait un accueil chaleureux.

Wesley veillait à ne jamais perdre une minute. Même à cheval, il lisait, tant que les cahots de sa monture ne l’en empêchaient pas. Il s’intéressait aux disciplines les plus diverses : histoire, littérature, sciences, et prenait des notes copieuses sur tout ce qui lui passait sous les yeux.

Quelques chiffres ont ici leur éloquence. John Wesley paraît avoir parcouru en moyenne huit mille kilomètres par an. En 1743 par exemple, il passa quatorze semaines à Londres, dix à Bristol, treize à Newcastle, trois en Cornouailles, douze à voyager d’un endroit à l’autre. Ce n’est pas qu’il dédaignât le confort ; on lit dans son journal, mine inépuisable de renseignements de toute espèce et tenu avec la même rigueur qu’il apportait dans tous les actes de sa vie : « Je viens de passer une soirée très agréable et utile ; j’étais chez des amis qui sont des « excellents de la terre ». J’allais même dire : « Il est bon que nous soyons ici » (Luc 9:33). Mais non. La voix de Dieu me dit : « Toi, va, et proclame l’Évangile ». Il en était si convaincu qu’il écrivait à son frère, alors qu’ils étaient tous deux fort âgés : « Voici à quoi nous sommes appelés, toi et moi : à avertir les hommes du danger qu’ils courent en demeurant dans l’incrédulité et à veiller sur leurs âmes, comme ayant à en rendre compte. Dieu te dit, autant qu’à moi : Fais tout ce qui est en ton pouvoir, afin d’amener des âmes à la connaissance du salut ; c’est pour elles que mon Fils bien-aimé est mort ». Et encore : « Notre affaire n’est pas de prêcher tant et tant de fois, mais d’amener au salut autant d’âmes que nous pouvons, et ensuite de leur aider à progresser dans la sainteté, « sans laquelle nul ne verra le Seigneur » (Héb. 12:14).

En 1774 il écrivait : « Ma vue est meilleure et mes nerfs plus solides qu’il y a trente ans. Je ne suis atteint d’aucune des infirmités de la vieillesse et j’ai perdu plusieurs de celles de ma jeunesse. Tout ceci est un don de Dieu ; c’est un effet de son bon plaisir envers moi. Il m’a entre autres accordé de pouvoir toujours me lever à quatre heures du matin, cela depuis cinquante ans, et de pouvoir prêcher à cinq heures du matin, pratique que je considère comme des plus salutaires pour le corps et pour l’âme ». On peut ajouter que Wesley menait une vie extrêmement sobre. Ce qui frappait chez lui, c’était son extraordinaire sérénité, provenant de son absolue confiance, presque enfantine, dans la sagesse et les soins de Dieu : « Dix mille soucis », disait-il, « m’inquiètent aussi peu que dix mille cheveux sur ma tête. Je les connais, j’y pense, j’en fais un sujet de prières, mais je ne m’en tracasse pas ».

Alors qu’il était presque cinquantenaire, malgré d’autres perspectives qui semblaient promettre mieux, Wesley épousa une veuve riche, mère de quatre enfants. Ce fut une grave erreur de sa part. Il fit entendre à sa femme qu’il n’aurait rien à démêler avec sa fortune, mais qu’il entendait garder toute sa liberté pour voyager au service du Seigneur. Mrs. Wesley refusa de l’admettre ; rongée par la jalousie, elle le suivait à son insu afin de l’épier et ouvrait les lettres qui lui étaient adressées personnellement. Au bout de vingt ans elle quittait définitivement le domicile conjugal.

Wesley avait atteint l’âge de quatre-vingt-huit ans. En février 1791 il prit froid. Malgré une forte fièvre il prêcha — ce fut la dernière fois — sur ces mots d’Ésa. 55:6: « Cherchez l’Éternel tandis qu’on le trouve ; invoquez-le pendant qu’il est proche ». Rarement on lui avait entendu une pareille puissance. Il regagna son logis pour n’en plus sortir. Au cours de la semaine son état empira jusqu’à ne plus laisser d’espoir. Trop faible pour parler, sauf quelques mots ici et là, on l’entendit plusieurs fois rendre grâce à la bonté constante de Dieu envers lui : « J’étais un grand pécheur, mais Jésus est mort pour moi ». Ses dernières paroles furent : « Ce qu’il y a de mieux, c’est que le Seigneur reste avec nous. Il permet à son serviteur de s’en aller en paix ».

Le nom de John Wesley restera toujours attaché au grand réveil qui se produisit en Angleterre. Lorsque le Seigneur commença à travailler par son moyen, le pays était plongé dans les ténèbres spirituelles les plus profondes ; la papauté avait perdu son autorité, mais ceux qui l’avaient secouée ne se souciaient pas d’être chrétiens. À la fin du 18° siècle il n’est pas exagéré de dire que l’Évangile avait été annoncé dans tous les coins et recoins du royaume, soit par Wesley et Whitefield, soit par ceux qui suivirent leurs traces. Certes ces serviteurs de Dieu commirent bien des erreurs. Néanmoins ils prêchèrent la bonne nouvelle du salut par Christ dans toute sa pureté et dans toute sa simplicité ; ils plantèrent, ils arrosèrent ; le Seigneur donna l’accroissement (1 Cor. 3:6).
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016, 21:07

Dans les autres pays d’Europe


Le temps et la place manquent pour raconter le mouvement de la Réforme en Hongrie, en Transylvanie, en Pologne. On se bornera donc aux pays plus rapprochés de nous, ainsi qu’à ceux où la Réforme prit pied définitivement.


Les pays du Midi


 Italie


Circonstance extraordinaire en apparence, mais qui s’explique à la réflexion, l’Italie, le pays où résidait le pape, fut un des premiers à accueillir les principes de la Réforme. C’était en effet un de ceux qui souffraient le plus des innombrables abus de l’Église romaine ; c’est là aussi qu’on voyait de plus près ce qui faisait la faiblesse du Saint-Siège : corruption de l’administration, vie de débauche, ambition, règne de la fausseté, du mensonge et de la tromperie. Et comme il avait sans cesse besoin de ressources financières, c’est de l’Italie tout d’abord que le pape exigeait ces prestations qui devaient, peu à peu, soulever l’Europe contre Rome. Le gros du peuple supportait sans mot dire ces incessantes exactions, mais il se trouvait des hommes réfléchis qui, depuis longtemps, songeaient au moyen de mettre un terme à cette situation intenable (*).


(*) Déjà à la fin du 15° siècle, un dominicain, Jérôme Savonarole, s’était ouvertement élevé à Florence contre « l’Église prostituée ». Un instant écouté, il fut excommunié en 1497 et brûlé l’année suivante.

Deux ans à peine après la protestation de Luther contre les indulgences, ses écrits pénétraient en Italie ; ils y trouvèrent un accueil chaleureux, tellement ils répondaient à des aspirations souvent inconscientes. Malgré la crainte, légitime, que l’on pouvait éprouver d’une intervention du clergé, on en fit venir d’autres, soit du réformateur allemand lui-même, soit de Mélanchton et de Zwingli. On les traduisait. À peine sortis de presse, ils se vendaient rapidement. Pour échapper à toute perquisition de la police, ils paraissaient sous des pseudonymes : Terra Nigra pour Mélanchton, Cogelius pour Zwingli, et ainsi de suite. Le commerce de Venise la mettait en rapports suivis avec l’Allemagne ; elle ne tarda pas à posséder un dépôt des ouvrages des réformateurs, sur la propagation desquels le Sénat fermait les yeux. On rapporte que, lorsque le pape publiait une bulle, interdisant la lecture de ces livres, le Sénat avait soin de la faire lire dans les églises après que l’assistance était écoulée. La citation suivante, tirée d’une lettre écrite par un moine, montre à quel point on avait soif de l’Évangile : « Vous qui connaissez le Seigneur, pensez au Lazare de l’Évangile et à l’humble Cananéenne qui désirait se rassasier des miettes tombées de la table du Seigneur. Mourant de soif, je cherche la fontaine de l’eau de la vie. Assis au bord du chemin, comme un aveugle, je crie à Celui qui donne la vue. Nous qui gisons dans les ténèbres, nous vous supplions, avec larmes et soupirs, vous qui connaissez les titres de ces livres, de nous les envoyer, ceux surtout de l’illustre Luther, du pénétrant Mélanchton, du savant Œcolampade. Faites tout votre possible pour que la ville de Lombardie, que nous habitons, aujourd’hui l’esclave de Babylone et étrangère à l’Évangile de la grâce, obtienne enfin la liberté ! »

Pendant vingt ans l’Évangile se répandit en Italie sans rencontrer d’obstacles. C’est la période des guerres entre Charles-Quint et François Ier, entre l’empereur et le Saint-Siège. Celui-ci trop absorbé par la politique, négligeait les questions intéressant la vie spirituelle de ses sujets. Dieu bénit même cette époque troublée pour le salut de beaucoup d’âmes qui entrèrent en contact avec des soldats protestants, nombreux dans les armées belligérantes, et apprirent d’eux à connaître le Seigneur.

À partir de 1542 pourtant, le pape s’émut des progrès réalisés par la Réforme, car elle avait gagné entre autres plusieurs prédicateurs brillants, bien connus dans les hautes sphères de l’Église et qui employaient maintenant leurs talents au service de l’Évangile. Le mouvement était si profond qu’on n’osait déjà plus l’attaquer de front. On créa donc un corps d’espions qui devaient suivre les cultes, s’aboucher avec ceux qui les fréquentaient, gagner leur confiance en feignant d’entrer dans leurs vues. Le même travail se faisait au sein des familles, afin d’acquérir des preuves à charge contre quiconque embrassait les idées nouvelles. La première victime de ces odieux procédés fut Paleario, un professeur savant et pieux. Il dut monter sur le bûcher malgré son grand âge.

Mais, l’éveil ainsi donné, tous ceux qui le purent s’empressèrent de quitter l’Italie, parmi eux Bernardino Occhino, général de l’ordre des capucins. Il s’était mis à étudier les Saintes Écritures et ne tarda pas à proclamer quelques-unes des vérités qu’il y avait rencontrées. Doué d’un rare talent de prédication, il attirait les foules en annonçant la voie du salut, sans toutefois contester les erreurs dominantes. Quoique à la tête d’un ordre puissant, il voyageait toujours à pied, croyant se faire un mérite de sa simplicité. Il n’avait pas encore rejeté toute justice propre pour ne recourir qu’à celle du Sauveur. À Naples il entendit prêcher un gentilhomme espagnol, du nom de Valdez, qui exposait, dans toute sa pureté, la doctrine du salut par Christ. Occhino en fut si frappé qu’il accepta pour lui-même le message qu’il avait entendu ; il monta en chaire et prêcha, avec une force toute nouvelle, cet Évangile qui faisait maintenant sa joie.

On le conçoit : l’Inquisition ne le perdait pas de vue. Les Vénitiens l’invitèrent à venir chez eux ; mais le nonce, qui habitait cette ville, avait l’œil sur lui. La foule se précipitait pour l’entendre. Bientôt Occhino apprit qu’on l’épiait ; cela ne l’empêcha pas de s’écrier, du haut de la chaire, en présence des sénateurs et du nonce lui-même : « Ô noble Venise, reine de l’Adriatique ! Si les prisons, les cachots et les fers attendent les hommes qui t’annoncent la vérité, dans quelles cités, dans quelles campagnes pourra-t-elle encore retentir ? Si nous pouvions la faire entendre partout, sans réserve ! Que d’aveugles, qui s’en vont aujourd’hui, errant dans les ténèbres, verraient enfin la lumière » À ces mots le représentant du pape interrompit l’orateur et lui interdit la chaire. Il en résulta une émeute et, au bout de trois jours, Occhino reprit ses émouvantes prédications. Cependant, cité à comparaître à Rome, ce qui signifiait pour lui la mort certaine, il quitta l’Italie et se rendit à Genève, puis à Zurich, enfin à Bâle. La fin de sa carrière ne répondit pas à son début, car il se laissa entraîner à adopter des idées gravement erronées, allant jusqu’à nier la divinité du Seigneur.

Pierre-Martyr Vermigli (le nom de Martyr est ici un simple prénom), de l’ordre des Augustins, éclairé, lui aussi, par la lecture des Écritures sur les aberrations romaines et sur l’unique voie de salut, eut la joie de voir se former à Lucques (entre Pise et Florence) une congrégation évangélique, qui s’accrût rapidement grâce à son ministère. Il ne tarda pas à abandonner l’ordre auquel il appartenait. Obligé, comme tant d’autres de quitter le sol italien, il gagna la Suisse, puis accepta une chaire de professeur à Strasbourg. Plus tard il reçut un appel de l’université d’Oxford. Pendant ce temps la haine du clergé frappa la petite assemblée de Lucques ; plusieurs de ces frères, effrayés des menaces qu’on leur adressait, rentrèrent sous le joug de Rome, Vermigli en conçut une douleur profonde. Il quitta l’Angleterre lors de l’avènement de Marie Tudor et termina paisiblement ses jours à Zurich où sa piété vivante, sa modestie, son profond savoir lui avaient fait trouver de nombreux amis.

Le nom de Curione intéresse la Suisse romande. Ce brillant humaniste, pour se soustraire aux agents de l’Inquisition, vint mettre ses talents et sa grande expérience de l’enseignement à la disposition des seigneurs de Berne. Ceux-ci lui firent un accueil empressé et l’adressèrent immédiatement aux pasteurs et professeurs de Lausanne, où Viret venait de reprendre ses fonctions. On fonda à l’Académie une chaire tout exprès pour lui. Il donnait trois leçons par jour : deux chez lui à six heures du matin et à midi, et la troisième à deux heures l’après-midi dans un auditoire public. Ces leçons étaient extrêmement goûtées. Plus tard il se fixa à Bâle, où il jeta un grand lustre sur l’université. Sa réputation, sa science, mais surtout sa piété attirèrent à Bâle un grand nombre d’étudiants.

Dans sa bonté Dieu créa, en Italie même, un asile pour ceux qui souffraient à cause du nom de Christ. Hercule II, duc de Ferrare, accueillait avec bienveillance et sans trop de préventions des hommes entachés de « luthéranisme ». Il y était fortement encouragé par sa femme, la pieuse Renée, dont le nom a été mentionné dans le chapitre consacré à Calvin. Le spectacle des affreux supplices infligés à Paris à d’humbles et fidèles chrétiens l’avait révoltée. Plus instruite que la plupart de ses contemporaines, elle s’enquit des principes religieux des martyrs français et se promit, en changeant de patrie, de protéger ceux qu’un fanatisme atroce poursuivait. Elle donna pour compagne d’étude à sa fille Anne une jeune et spirituelle amie, Olympia Morata, qui avait été élevée selon les préceptes de l’Évangile ; elle assistait régulièrement à des assemblées religieuses qui avaient lieu à Ferrare et se nourrissait avidement des enseignements de la Parole de Dieu. Plus tard, Olympia épousa un chrétien allemand, Grunthler, qui avait étudié la médecine à Ferrare. Disgraciés à la cour d’Este, après le départ d’Anne qui donnait sa main au trop célèbre duc de Guise, Olympia et son mari allèrent se fixer à Augsbourg. Au milieu de douloureuses épreuves, la jeune femme conserva cette paix parfaite, que seul le Seigneur peut donner (Jean 14:27). Du fond de son exil, elle correspondait activement avec plusieurs fidèles, restés dans la fournaise, encourageant les faibles, fortifiant les indécis. « Demande des forces au Seigneur », écrivait-elle à une amie, « afin que la crainte de ceux qui ne peuvent tuer que le corps ne t’entraîne pas à offenser ton miséricordieux Rédempteur ; afin aussi qu’il te rende capable de confesser son nom selon sa volonté, en présence de cette génération perverse, et te donne de te rappeler toujours ces paroles de David : « J’ai haï la congrégation de ceux qui font le mal, et je ne m’assiérai pas avec les méchants » (Ps. 26:5). Je suis trop faible, diras-tu, pour me séparer d’eux. Crois-tu donc que tant de témoins du Seigneur, tant de martyrs soient restés fermes grâce à leur propre vertu, à leurs propres forces ? N’était-ce pas Dieu qui leur donnait la puissance de résister ? Le reniement de Pierre ne nous est pas cité comme un exemple à imiter, mais il sert à nous faire comprendre l’infinie miséricorde du Seigneur et à nous montrer notre propre faiblesse, quand nous sommes laissés à nous-mêmes. Le Seigneur nous fait l’honneur et la grâce de nous parler, de nous instruire ; mépriserons-nous un trésor de si grand prix ? ». Olympia Morata, une des femmes les plus remarquables de son siècle, rendit durant sa courte vie le plus beau témoignage au nom du Seigneur, et fut retirée de ce monde à l’âge de vingt neuf ans.

Plus tard Renée de France eut à subir, à son tour, la persécution. Elle ne craignait pas de manifester sa foi et d’exprimer hautement sa désapprobation au spectacle des violences commises contre les humbles brebis du Seigneur. Là-dessus on lui enleva ses enfants ; on arrêta ses plus fidèles serviteurs et on les châtia comme hérétiques. Retenue prisonnière dans son propre palais, abreuvée de reproches par son mari, elle supporta tout avec fermeté jusqu’au jour où, affaiblie par la souffrance et les privations, dévorée du désir de revoir ses enfants, elle fit quelques concessions à ses bourreaux. Le duc mourut peu après et Renée rentra en France. Dans son domaine de Montargis, elle fut la constante protectrice des réformés. Un jour son gendre, le duc de Guise, osa s’approcher du château avec une troupe d’hommes armés et fit sommer sa belle-mère de livrer tous les rebelles qu’elle avait auprès d’elle, faute de quoi il mitraillerait la place. « Dites à votre maître », répondit la duchesse à l’émissaire de Guise, « que je monterai moi-même sur les créneaux, pour voir s’il osera tuer la fille d’un roi ». Guise se retira, et depuis ce jour, Renée put continuer sans entraves son œuvre de charité envers les enfants de Dieu.

D’autres exilés italiens se réfugièrent sur territoire suisse, dans le canton actuel du Tessin, alors bailliage commun de tous les cantons qui y envoyaient à tour de rôle un bailli. Une congrégation évangélique se constitua à Locarno dès 1536. Elle se composait en majeure partie de familles indigènes considérées, mais accueillait aussi les Italiens obligés de quitter leur patrie à cause de la rigueur avec laquelle Rome poursuivait leur croyance. Elle trouvait un discret appui dans les baillis toutes les fois que l’administration du bailliage revenait aux cantons réformés. Mais les baillis catholiques témoignaient aux enfants de Dieu une malveillance si vive qu’au bout d’une vingtaine d’années ils résolurent de se fixer ailleurs. Le 3 mars 1555, cent seize d’entre eux se mirent en route avec leurs femmes et leurs enfants ; il y avait dans leur nombre des hommes d’une haute culture, médecins ou juristes ; la plupart étaient des ouvriers ou des commerçants, qui menaient le genre de vie le plus modeste. Mais tous se montrèrent inflexiblement résolus à subir les pires maux plutôt que de se laisser violenter dans leurs consciences. Ils durent s’arrêter quelque temps au fond d’une vallée avant d’entreprendre le passage du col du Bernardin, encombré de neige. La traversée n’en fut pas moins difficile, dangereuse même, mais le Seigneur veillait sur eux et ils finirent par atteindre Zurich deux mois après leur départ. En dépit de la disette qui y régnait et de la présence de nombreux réfugiés anglais, ils y reçurent un accueil cordial et un appui efficace. Dieu mit sa bénédiction sur cet acte de générosité en favorisant, grâce aux réfugiés locarnais, la prospérité matérielle de la ville ; par leur intermédiaire, l’industrie du tissage de la soie y prit un développement considérable et très lucratif. C’est d’eux que descendent plusieurs familles importantes de la Suisse, dont les membres ont joué un rôle éminent, matériel ou intellectuel, dans notre pays : à Zurich, les d’Orelli, les Pestalozzi ; à Bâle, les Socin ; à Berne, les de Muralt ; à Genève, les Turettini, et d’autres encore.

En Calabre s’était établi, vers 1450, une colonie de Vaudois du Piémont ; ils reçurent le droit de rendre à Dieu le culte qu’il attend des siens. Travailleurs actifs et intelligents, ils avaient transformé en terres fertiles une vaste étendue du pays. L’Inquisition les assaillit et fit exécuter une centaine d’entre eux en un seul jour. « Ils furent parqués dans une maison, comme un troupeau de moutons. Le bourreau entra, en saisit un, lui mit un bandeau sur les yeux, puis l’entraîna dehors et lui trancha la tête. Il procéda de la même manière avec tous les autres successivement. J’ai peine à retenir mes larmes en écrivant ceci », ajoute le catholique qui a laissé le récit de cette scène d’épouvante.


Espagne.


L’Espagne, dont le souverain portait le titre de Roi Très-Chrétien, fut toujours la forteresse du catholicisme. En 1234 déjà un concile, tenu à Saragosse en Aragon, avait « interdit à toute personne laïque de disserter, soit en particulier, soit en public, sur la religion catholique ». Les contrevenants devaient être excommuniés par l’évêque du diocèse. D’après cette assemblée ténébreuse, nul n’osait posséder les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament en langue vulgaire, sous peine de mort. Au début du 16° siècle ces arrêts furent remis en vigueur.

L’Espagnol se targuait de la pureté de sa race ; toute contamination quelconque de sang infligeait une tare ineffaçable à qui la portait. Le paysan le plus misérable se serait considéré comme dégradé si on lui avait démontré qu’il avait le moindre atavisme juif ou mauresque. Des populations fort différentes les unes des autres habitaient la péninsule Ibérique ; après avoir visé, pendant des siècles, à les extirper, la politique du gouvernement y réussit dès 1479. Le même sentiment animait les Espagnols sur le terrain religieux, où le soupçon même d’hérésie était passible des peines les plus terribles. Dans ce domaine l’Inquisition exerçait une surveillance impitoyable. Néanmoins les livres de Luther pénétrèrent en Espagne en 1519 déjà ; son important Commentaire sur les Galates y fut traduit l’année suivante. Puis on ne tarda pas à recevoir son livre sur la Liberté chrétienne, ainsi que sa réponse à Érasme concernant le libre arbitre.

Pressé par le clergé, en 1521, Charles-Quint fit défense de publier, sans l’autorisation des évêques, aucun livre qui fît mention de l’Écriture Sainte. « Il nous semble », disait l’empereur, « que Martin Luther n’est pas une créature humaine, mais un diable sous la figure d’un homme, et revêtu d’un habit de moine, afin qu’il puisse plus aisément causer la mort éternelle et la destruction du genre humain ». Néanmoins la Bible et les livres réformés se jouaient de toutes les barrières. Une active contrebande les portait par terre ou par mer, jusqu’à l’intérieur du pays. Un Espagnol avait introduit des ballots entiers de ces livres prohibés, renfermés dans des tonneaux à double fond, qui contenaient un peu de vin. Il faut ajouter que l’importateur, découvert, fut mis à la torture et brûlé vif. Mais le crédit des prêtres déclinait de jour en jour à mesure que le peuple apprenait ainsi une doctrine très différente de la leur. Pendant dix ans la Réforme fit des progrès sensibles dans le pays, malgré la surveillance étroite des autorités. À la diète d’Augsbourg, Charles-Quint et sa suite nombreuse entendirent de la bouche même des principaux réformateurs des exposés très nets de la vérité, mais peu se laissèrent convaincre.

Parmi ces premiers chrétiens espagnols, une figure intéressante est celle d’Egidius, prédicateur de la cathédrale de Séville. Pendant longtemps, malgré toute sa science et son éloquence, qui était grande, il ne voyait aucun fruit de ses travaux. Ignorant la vivifiante doctrine du salut par la foi, il ne pouvait prêcher que les croyances en vogue. Mais sa conscience lui reprochait d’occuper une chaire d’où sa parole tombait morte sur des âmes mortes. Inquiet, plein d’angoisse, il allait abandonner son poste, lorsque le Seigneur plaça sur son chemin un humble et intelligent disciple de Christ. « Savez-vous », dit cet homme au prédicateur, « ce qui frappe de stérilité votre ministère ? » — « Non ». — « Vous ne prêchez pas la foi pure et simple en Jésus Christ, seul Sauveur. Demandez, priez, et vous recevrez ». Egidius suivit ce conseil ; sa requête, qui partait d’un cœur sincère et droit, reçut l’exaucement. Dès lors ses discours changèrent complètement de caractère et il vit accourir nombre de malheureux, accablés sous le poids de leurs péchés, et qui, comme le geôlier de Philippes, demandaient : « Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? ». Egidius ne tarda pas à être jeté en prison. L’empereur, qui l’appréciait hautement, fit tout son possible pour le sauver, mais l’Inquisition resta inflexible. Durant sa captivité Egidius s’affermit de plus en plus dans les doctrines évangéliques. Au bout d’un an, il réussit à s’évader et termina ses jours dans la paix.

En 1558 Charles-Quint, las du pouvoir, abdiqua pour se retirer dans le couvent de Saint-Just et eut pour successeur son fils Philippe II, un des tyrans les plus farouches que l’histoire connaisse. De caractère sombre et haineux, il ne poursuivait qu’un but : réaliser l’unité de la péninsule, dans le domaine politique par l’annexion du Portugal, dans le domaine religieux par l’anéantissement de la Réforme.

Dès son avènement, son attention fut attirée par le fait que de nombreux Espagnols quittaient leur pays pour s’établir à l’étranger. Des enquêtes démontrèrent que ces départs n’avaient d’autre motif que le désir de fuir une contrée où l’on ne pouvait pas adorer Dieu selon sa conscience. Là-dessus le gouvernement mobilisa d’importantes forces de police en vue de fermer la frontière et d’arrêter tous ceux qui, dans le royaume même, osaient faire opposition à l’Église officielle. Beaucoup de ces réfugiés s’étaient fixés à Genève, en Allemagne ; on y dépêcha des espions, chargés de nouer avec les fugitifs de feintes relations amicales, mais destinées à obtenir d’eux des renseignements en vue de pourchasser d’autant plus sûrement ceux des leurs qui restaient dans leur patrie. Il en résulta une persécution atroce, mais qui n’éclata souvent pas au grand jour. Nombre de malheureux disparaissaient et leurs familles n’en recevaient plus aucune nouvelle quelconque. D’autres, on le savait, subissaient des tortures trop horribles pour qu’il soit possible de les décrire ici : tortures physiques, mais aussi tortures morales ; on ne leur épargnait rien. Enfin un certain nombre étaient mis à mort publiquement, à titre d’exemple, le plus souvent par le feu, dans les hideux autodafés, mot qui signifie : « Actes de foi ». Philippe II arriva ainsi à ses fins dans ce sens qu’il extirpa la Réforme de ses États espagnols. Mais, du même coup, il les ruinait en y instaurant les puissances des ténèbres, le règne de l’ignorance. L’Église romaine craint la lumière qui étale au grand jour ses turpitudes, améliore les conditions de la société et surtout éclaire les cœurs et les intelligences en les mettant en contact avec la source de toute grâce excellente et de tout don parfait. Philippe II dominait sur une portion importante de l’Europe, sur plus de la moitié du continent américain. De cet immense empire il ne reste plus à l’Espagne aujourd’hui que l’Espagne proprement dite et d’infimes territoires coloniaux, tellement il est vrai que « on ne se moque pas de Dieu ; car ce qu’un homme sème, cela aussi il le moissonnera » (Gal. 6:7).
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016, 21:08

Les États du Nord


Pays-Bas.


L’histoire de la Réforme en Espagne amène tout naturellement à celle des Pays-Bas, qui dépendaient d’elle, tant la Belgique que la Hollande actuelles. Depuis longtemps on pouvait constater dans cette contrée une tendance marquée à s’enquérir au sujet des doctrines évangéliques. Un groupe de pieux mystiques, représentés par Thomas a Kempis (1379-1474), un des auteurs présumés de l’Imitation de Jésus Christ, avaient attiré l’attention sur les abus de l’Église et sur la recherche de la vérité selon Dieu. Plus tard Jean Wessel fut un vrai précurseur de Luther. Peu après l’invention de l’imprimerie, Anvers devint un centre important de publications de toute espèce ; au 16° siècle on y édita des traductions en langues diverses des principales œuvres des réformateurs allemands et suisses. Principal marché commercial de l’Europe continentale, cette ville voyait affluer des négociants de tous les pays civilisés. Beaucoup d’entre eux, attirés par la nouveauté du sujet, achetèrent ces livres pour les emporter chez eux, souvent dissimulés dans des ballots de marchandises, afin d’échapper aux perquisitions policières. Ainsi Anvers joua un rôle de premier plan dans la diffusion des écrits évangéliques.

Lorsque Charles-Quint monta sur le trône, il témoigna une faveur marquée aux Pays-Bas, terre de sa naissance. Grâce à leur extraordinaire prospérité matérielle, ces provinces lui fournissaient le plus clair de ses revenus ; il y allait donc de son intérêt le plus direct de les ménager autant que possible. Cependant, adversaire déclaré de ce qu’il appelait l’hérésie, il se devait à lui-même de la réprimer même dans cette contrée, qu’il chérissait entre toutes. Il publia donc un édit énonçant la défense formelle d’enseigner ou de pratiquer les nouvelles doctrines ; mais il recommandait en même temps aux magistrats d’user de ménagements envers les réfractaires. L’empereur se rendait bien compte aussi qu’un facteur essentiel de la prospérité des Pays-Bas était la liberté dont elles avaient joui sous ses prédécesseurs. La limiter trop sévèrement, même sur le terrain religieux, c’était aller à l’encontre du développement ultérieur de ces provinces ; c’était risquer un soulèvement général, car la population tenait énormément aux droits qu’elle avait acquis, souvent au prix de luttes sanglantes, et n’était nullement disposée à y renoncer, même aux plus insignifiants.

Mais les principes de la Réforme avaient fait plus de chemin que le souverain ne se le figurait ; plusieurs historiens évaluent à quelque 100000 le nombre des adhérents du « luthéranisme ». Bien contre son gré, Charles dut céder aux instances du clergé et la seconde moitié de son règne fut marquée par une persécution ardente. Érasme condamnait fortement ces procédés ; plusieurs chrétiens ayant subi le supplice du feu à Bruxelles, il écrivit : « Jusqu’à cet événement la ville était pratiquement exempte d’hérésie, à part quelques cas tout à fait sporadiques. Aussitôt après l’exécution des martyrs, nombre d’habitants se sont convertis à l’Évangile ». L’Église redoubla de cruauté ; tout devint motif à arrestation, le plus souvent à condamnation. Il était interdit de lire ne fût-ce qu’une page de l’Écriture Sainte ; sentence de mort contre quiconque discutait un article de foi, contre ceux chez lesquels on découvrait des écrits de Luther ou de Zwingli, qui exprimaient le moindre doute quant à la valeur des sacrements ou qui, à mots couverts, contestaient l’autorité pontificale. La terreur régnait.

Cependant Charles-Quint persécutait par politique beaucoup plus que par conviction. S’il pourchassait l’hérésie dans ses États, c’était essentiellement pour y faire prévaloir l’unité religieuse, mais il ne se montrait pas moins intransigeant vis-à-vis du Saint-Siège qui prétendait assumer sa suprématie contre celle de la puissance impériale. Charles alla jusqu’à saccager Rome et à retenir prisonniers le pape et certains cardinaux. Son fils, Philippe II, persécuta par bigoterie, par pur esprit de vengeance, de froide haine contre les réformés. Il organisa méthodiquement une lutte acharnée, impitoyable, contre les enfants de Dieu, y apportant tous les raffinements d’une cruauté diabolique, sous la direction sanguinaire de l’odieux duc d’Albe. Ces mesures provoquèrent un soulèvement général dans les Pays-Bas, les catholiques eux-mêmes voyant battus en brèche leurs privilèges séculaires. Le conflit devint ainsi politique tout autant que religieux.

Sous la régence de Marguerite de Parme, longtemps gouvernante des provinces, les protestants avaient reçu l’autorisation de se réunir en plein jour ouvertement. Comme ils manquaient de lieux de culte, ils tenaient leurs assemblées dans les champs et là les évangélistes prêchaient, avec toute hardiesse, annonçant le message de la grâce de Dieu à des foules immenses. L’un d’eux, particulièrement doué, parlait souvent, dit-on, à des auditoires de quinze mille personnes. Mais, avec l’avènement de Philippe II, un changement ne pouvait manquer de se produire. Ainsi on vit un jour un magistrat, catholique bigot, chercher à disperser les assistants à coups de sabre ; mais, comme il prétendait arrêter le prédicateur, une grêle de pierres l’assaillit et il eut peine à échapper avec la vie sauve. On avait l’habitude, dans ces réunions, de chanter les Psaumes de David et le chant de ces milliers de personnes, très puissant, s’entendait au loin à la ronde, si bien qu’il attirait de nouveaux auditeurs. Cela renforçait le zèle des chrétiens, et, par contrecoup, l’animosité de leurs adversaires. Pour parer au danger qui en résultait pour eux, ces chrétiens résolurent de construire des lieux de culte fermés, en bois, afin d’éviter des frais trop considérables, et dans lesquels ils couraient moins le risque d’attirer l’attention. Des hommes de toutes les classes de la société offrirent leurs services pour ce travail, tandis que les femmes vendaient leurs bijoux, afin de subvenir à la dépense. Puis ils adressèrent à Marguerite de Parme une requête, demandant de pouvoir jouir librement des privilèges qui leur avaient été concédés jadis, entre autres du droit de réunion. Marguerite en référa à Philippe II ; celui-ci opposa à la pétition un veto catégorique. Voyant son autorité ainsi battue en brèche, la régente démissionna. Ce fut le signal d’un déchaînement de violences indescriptibles, sous la haute direction du duc d’Albe.

Pareil à son maître quant à la cruauté systématiquement organisée, il institua une jurisprudence exceptionnelle contre les protestants, confiée à un tribunal spécial, bientôt flétri sous le nom de Conseil du Sang. Sa compétence s’étendait à tous les délits commis contre l’autorité espagnole, qu’ils fussent de nature civile ou de nature religieuse. On ne s’en prenait même plus aux individus isolés ; pour activer la procédure, c’étaient des condamnations et des exécutions en masse. Deux crimes en particulier ne trouvaient aucune grâce devant les juges : l’hérésie, la richesse. Le duc avait déclaré qu’un fleuve d’or, profond de trois pieds et alimenté par la fortune des Pays-Bas, descendrait jusqu’à la mer et de là en Espagne pour remplir le trésor du roi, son souverain. Le sang coulait à flots : à Valenciennes il y eut 48 exécutions en un seul jour, à Malines 46 ; dans différentes villes de Flandre, 95 dans l’espace de vingt-quatre heures. Comme, malgré cela, bien des témoins du Seigneur survivaient, un décret de l’Inquisition prononça une sentence de mort contre tous les Pays-Bas, considérés en bloc comme hérétiques, sans avoir aucun égard à l’âge, au sexe ni à la condition. Cette décision atteignait trois millions de personnes. Comme les fidèles témoins de Christ n’hésitaient pas à proclamer leur foi jusque sur l’échafaud, on imagina de leur immobiliser la langue dans un anneau de fer. La rage de Philippe II se déversa sur son propre fils, don Carlos, qu’il fit mettre à mort dans la prison où on l’avait consigné sous le chef de connivence avec les réformés ; le pape Pie VI célébra hautement cet assassinat. De son côté le duc d’Albe se vanta d’avoir causé la mort de 18000 personnes au moins, auxquelles on devrait ajouter un nombre peut-être supérieur de victimes indirectes de ses atrocités. 30000 autres furent réduites à la misère à la suite de la confiscation de leurs biens. Cent mille s’enfuirent dans les pays environnants, en Angleterre surtout, où ces malheureux trouvèrent une large hospitalité qu’ils repayèrent en y introduisant toutes sortes de procédés nouveaux et ingénieux dans l’industrie de la filature surtout.

La puissance du mal se retourne invariablement contre qui en use. Étroitement liées les unes aux autres par leur commune foi, les provinces du nord se séparèrent de celles du sud, où le catholicisme finit par l’emporter, et, par l’union d’Utrecht (1579), se déclarèrent indépendantes. Telle fut l’origine de la Hollande actuelle. C’est ainsi que la politique diabolique de Philippe II fit perdre irrémédiablement à l’Espagne la partie la plus riche et la plus prospère de ses États. Plus tard, débordant des limites exiguës de leur territoire, les Hollandais s’établirent dans les Indes Orientales et y créèrent un vaste empire qu’ils ont su administrer et exploiter avec une habileté consommée.

La république des Provinces-Unies mit à sa tête Guillaume de Nassau, prince d’Orange, surnommé le Taciturne. Dans sa jeunesse il avait attiré l’attention de Charles-Quint, à cause de ses grands talents, et l’empereur le reçut à la cour. Il le consultait dans les cas graves et lui confia le commandement d’une armée en Flandre. Guillaume se trouva en présence de Coligny, l’illustre protestant français, et eut même le mérite de tenir ses troupes en échec. Encore étranger à l’Évangile, il ne pouvait prévoir que, plus tard, il serait un des plus hardis défenseurs de la Réforme et qu’il épouserait la fille de l’amiral. Lorsque Charles descendit du trône pour s’enfermer dans un couvent, il se montra en public appuyé sur le bras de Guillaume et le chargea d’aller porter la couronne impériale à Philippe II. Le nouveau monarque nourrissait une aversion marquée à l’égard du jeune courtisan. Dès qu’il eut mis fin à la guerre entre la France et l’Espagne par le traité de Cateau-Cambrésis dont Guillaume avait été un des négociateurs, celui-ci apprit que ce document contenait une clause secrète, dont il n’avait pas eu connaissance, par laquelle les deux souverains s’engageaient à extirper l’hérésie, par le fer et le feu, dans leurs États respectifs. Le prince d’Orange, qui avait de nombreux amis parmi les réformés des Pays Bas, s’empressa de les avertir. La haine de Philippe contre lui ne fit que s’accroître à la suite de son intervention. Quant à Guillaume, ce fait s’ajoutant à bien d’autres dont il avait été le témoin, lui ouvrit définitivement les yeux sur la religion catholique. Il s’en détourna avec horreur et, peu après, se convertit à la Réforme. Il est permis de croire qu’il accepta pour lui-même le salut par la foi au Sauveur.

Guillaume prit une part très active à la lutte des Provinces-Unies pour leur indépendance. Condamné à mort par contumace, ses biens dans les Pays-Bas, très considérables, furent confisqués. Il vendit tout ce qui lui restait : bijoux, vaisselle d’or et d’argent, même ses meubles, pour contribuer à la lutte contre l’ennemi. Il vit périr un de ses frères ; un autre fut défait, mais Guillaume tenait toujours et eut la joie de voir les Provinces-Unies affranchies de la tyrannie espagnole.

Philippe II voua dès lors à Guillaume d’Orange une haine implacable. Le prince était, dans la main de Dieu, un instrument puissant pour résister à l’autocratie du monarque espagnol. La piété éclairée de Guillaume présentait aussi un contraste édifiant avec la sombre tyrannie de Philippe. Celui-ci dirigea cinq tentatives de meurtre contre son pieux adversaire ; le Seigneur les fit toutes échouer. Là-dessus le roi annonça qu’il garantissait, à quiconque lui amènerait le prince d’Orange mort où vif, une récompense de vingt-cinq mille couronnes d’or, le pardon de toutes les fautes qu’il pouvait avoir jamais commises et un titre de noblesse. Ces promesses infâmes trouvèrent un écho. Un Jésuite, nommé Gérard, qui s’était fait passer auprès du prince pour un ami de la vérité, le tua d’un coup de pistolet, tiré à bout portant ; peu de jours auparavant il avait obtenu de Guillaume lui-même l’argent nécessaire pour acheter son arme. Guillaume s’effondra sur le sol, mortellement atteint. Ses dernières paroles furent : « Que Dieu ait pitié de mon malheureux pays ! » Guillaume avait épousé Mme Téligny, fille de l’amiral de Coligny. Son père et son mari furent assassinés lors du massacre de la Saint-Barthélemy ; son second mari eut le même sort. Toute la Hollande, ainsi que les pays environnants frémirent d’horreur et de tristesse à la nouvelle du meurtre du noble prince. Seul, au milieu de cette douleur générale, Philippe II manifesta une joie cynique et s’écria : « Si seulement la chose avait été faite deux ans plus tôt ! Cela m’aurait évité bien des ennuis. Mais mieux vaut tard que jamais ! Mieux vaut tard que jamais ! »


Les pays scandinaves. 


Il y avait peu de pays où le catholicisme eût plongé des racines plus profondes, plus rudes à extirper, à vues humaines, que dans les trois États scandinaves : Danemark, Suède, Norvège, réunis sous un seul souverain, Christian II, le beau-frère de Charles-Quint. Les communications malaisées dans les régions montagneuses, aggravées par la rigueur du climat, maintenaient la population dans un état moral et matériel déplorable. La plupart de ces gens, plongés dans une misère noire, ne savaient ni lire ni écrire. Les superstitions païennes subsistaient, intactes, et l’Église romaine ne tentait rien pour les déraciner ; au contraire, elle les entretenait bien plutôt, afin de favoriser son emprise sur les âmes. Eussent-ils même su lire, que la Bible serait restée lettre morte pour ces pauvres paysans, car il n’existait aucune traduction dans leur langue. Comme partout, plus encore qu’ailleurs, le clergé exerçait une oppression cruelle sur eux, étouffant les moindres rayons lumineux qui se laissaient entrevoir et accaparant toutes les richesses matérielles. Les évêques jouissaient de revenus supérieurs à ceux de la noblesse ; leur faste surpassait celui de la cour et, habitant des palais immenses, mais qui étaient de vraies forteresses, ils tenaient parfois la royauté en échec.

Or ce fut précisément la question financière qui favorisa l’éclosion de la Réforme. Les livres de Luther se répandirent rapidement au Danemark surtout et éveillèrent les esprits en les attirant vers les choses éternelles, qui leur avaient été jusque-là soigneusement cachées. Sans cesse à court d’argent, Christian II vit dans ce mouvement d’idées un prétexte tout trouvé pour combattre le clergé, moyen purement politique, il faut y insister, car il n’éprouvait pas la plus petite sympathie ni aucun intérêt à la doctrine du salut par Christ. Il alla pourtant jusqu’à inviter Karlstadt à professer à l’université de Stockholm et pria Luther de venir prêcher au Danemark ; faute de temps, le réformateur dut refuser. L’Évangile n’en fit pas moins de rapides progrès dans ce pays, mais en Suède l’attitude tyrannique du souverain provoqua une révolution. Christian la réprima avec une férocité barbare en faisant entre autres décapiter soixante-dix des nobles les plus en vue.

Mais le jeune Gustave Vasa, fils d’une des victimes du souverain, réussit à échapper au sort de son père et gagna l’Allemagne. Il fut converti et résolut de rentrer dans son pays pour évincer le tyran et surtout pour annoncer à ses compatriotes ce qu’il avait appris de la grâce de Dieu. En 1523 la Suède proclama son indépendance, et se donna pour roi Gustave Vasa dont la réputation était grande. Les Danois se soulevèrent à leur tour ; Christian Il dut se réfugier dans les Pays-Bas et laissa son trône héréditaire à Frédéric de Holstein, qui se montra très favorable à la Réforme ; il gouverna son royaume, qui comprenait aussi la Norvège, avec justice et modération.

Quant à Gustave Vasa, une fois son autorité solidement établie, il déploya la plus grande activité pour répandre les doctrines de la Réformation, telles que Luther les avait exposées. Il comprit qu’il ne fallait pas imposer les idées nouvelles, mais instruire et convaincre le peuple, en laissant Dieu agir dans les cœurs. Son premier soin fut, comme de juste, de faire traduire la Bible en suédois. Lui-même ne craignait pas d’affirmer ses convictions ; son témoignage personnel contribua pour beaucoup à faire valoir la puissance de l’Évangile. Il abolit tous les avantages dont l’Église romaine avait usé pendant de si longues années ; le catholicisme devait disparaître totalement de la Suède. Il déclara publiquement qu’il déposerait son sceptre et quitterait le royaume de ses pères plutôt que de gouverner un peuple asservi aux lois de Rome ; que seul le pur Évangile de la grâce de Dieu devait servir de règle de conduite à lui-même comme au plus humble de ses sujets.

Au Danemark, Frédéric se montra moins catégorique : il autorisa le libre exercice des deux cultes. Mais le protestantisme l’emporta de beaucoup ; le peuple en avait assez de la dure tyrannie du Saint-Siège. Ici aussi la Bible fut traduite et trouva bientôt le chemin de tous les foyers. Les Danois accueillirent aussi avec joie les cantiques de la Réforme ; on les chantait partout, dans les maisons privées comme en plein air, tout en vaquant aux travaux des champs. Un historien relève le merveilleux changement qui s’opéra dans le royaume. Il semblait, dit-il, qu’une lumière sereine et douce l’eût éclairé. Il ajoute que les Danois lisaient avec transports les Saintes Écritures, surtout les Psaumes de David, qu’ils chantaient ensuite dans les églises. En outre, ils prêtaient une oreille très attentive aux instructions que leur donnaient de nombreux prédicateurs venus d’Allemagne tout d’abord, puis bientôt instruits dans le pays même. Une ère nouvelle s’était ouverte, l’ère de la grâce, de la paix, de la joie.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016, 21:08

L’Église au 19° siècle et dans le premier tiers du 20° siècle


Avant le cri de minuit 

L’histoire de l’Église responsable nous l’a montrée se détournant graduellement du Seigneur et de l’obéissance à sa Parole. L’ Église de Dieu n’est pas de la terre, mais y est laissée pour un temps afin que, dans ce lieu ténébreux où son Seigneur a été mis à mort, elle fasse briller la lumière tout en l’attendant, Lui, des cieux « comme Sauveur » (Phil. 3:20). Or elle a failli à sa mission, jusqu’à devenir la « grande maison » dans laquelle la profession générale du christianisme embrasse à la fois de vrais croyants, nés de nouveau, quoique leur marche soit très inégalement fidèle — et des multitudes qui portent le nom de chrétiens sans posséder la vie nouvelle. Ils sont souvent mêlés de telle sorte que seul « le Seigneur connaît ceux qui sont siens » (2 Tim. 2:19-21 ; 3:5).

Mais nous avons aussi constaté la fidélité de Dieu envers son Église, et vu comment dans sa grâce il lui a adressé des appels toujours plus pressants, par des instruments divers. Le vrai croyant qui étudie cette histoire si sombre trouve toujours du rafraîchissement à y suivre ce qu’on a appelé le fil d’argent de la grâce, et à discerner les opérations de l’Esprit de Dieu en ceux qui ont rendu témoignage au Seigneur pendant son absence. Ce fut le privilège d’un petit nombre, opprimé et persécuté, au Moyen Âge. Puis cette action de l’Esprit Saint s’affirma avec puissance dans l’œuvre de la Réformation, quand la Parole de Dieu remise en valeur devint la charte unique de la foi, ayant seule autorité pour tout ce qui concerne le salut et la marche des croyants. Devant la simple vérité de la justification par la foi, pierre angulaire de l’œuvre des réformateurs, la pesante tyrannie de la papauté s’effondra dans une grande partie de l’Occident.


Ce qui demeura méconnu par les Réformateurs 

Toutefois les conducteurs de ce puissant mouvement de réveil du 16° siècle, fruit d’un travail de la grâce de Dieu qui nous remplit de reconnaissance et d’admiration, ignorèrent plusieurs grandes vérités de la Parole de Dieu concernant l’appel, la formation, le témoignage et l’espérance de l’Assemblée.

L’Écriture enseigne en effet que tous les croyants sont membres de ce « seul corps » formé par le Saint Esprit et dont la tête, Christ glorifié, est dans le ciel. C’est cette union qui donne à l’Église un caractère purement céleste (1 Cor. 12:12, 27 ; Éph. 1:22, 23). Ici-bas, le seul centre de rassemblement des croyants, membres du corps de Christ, est le Seigneur lui-même, présent au milieu des siens assemblés à son nom (Matt. 18:20). Enfin, le Chef de l’Assemblée assure à celle-ci les « dons » nécessaires à sa formation et à son fonctionnement, et il lui a fourni des instructions concernant son administration, pour qu’elle serve de témoignage à son Seigneur absent.

L’écueil des réformateurs fut leur incompréhension de ces vérités relatives à l’Assemblée de Dieu. En réalité, depuis le temps des apôtres jusqu’au 19° siècle, aucun théologien ne les a clairement présentées. Au 16° siècle le principe vital du salut par la foi en Christ et en son sacrifice parut si prodigieux à des hommes élevés dans les erreurs du romanisme, qu’ils ne sondèrent pas plus avant dans le trésor des pensées divines. Ils s’en tinrent là, et il se fonda des systèmes ecclésiastiques humains — on parle quelquefois dans ce sens de « systèmes » tout court — sans qu’on vît combien les principes de ces systèmes étaient contraires à ce que ces mêmes ouvriers suscités par le Seigneur proclamaient pour amener individuellement les âmes à la connaissance du salut.

L’un des plus fâcheux résultats fut le développement de multiples Église d’État fermées les unes aux autres.

La base de ces systèmes est en effet d’admettre, dans des Églises particulières, tous les habitants d’un pays à un âge déterminé, après une instruction religieuse qui n’implique nullement la nouvelle naissance : on n’imaginait guère à cette époque que les ressortissants d’un même État pussent ne pas avoir tous la même forme de culte. Ces Églises placées plus ou moins étroitement sous la tutelle du pouvoir politique jusqu’à n’être parfois qu’un avec lui, ne faisaient que continuer l’état de choses inauguré sous Constantin, et que le Seigneur juge en ces termes quand il parle à l’assemblée de Pergame : « Je sais où tu habites, là où est le trône de Satan » (Apoc. 2:13).

Ainsi aussi continuait le sommeil de l’Église, vierges folles et vierges sages mêlées, pareillement indifférentes à la venue de l’Époux. Peu à peu, même les vérités propres au salut et à la marche individuelle des chrétiens perdirent de leur prix pour les âmes, passèrent à l’état de froides doctrines sans vie, la religion devint de la morale, et le retour à l’Écriture se mua en libre examen au nom de la raison proclamée souveraine. Le travail de Satan, à l’extérieur comme à l’intérieur, se poursuivit de telle manière que, deux siècles après la Réformation, il pouvait sembler que le christianisme allât sombrer. L’esprit antichrétien se développa au 18° siècle au point que, si l’Église n’eût été qu’une œuvre humaine, elle aurait certainement disparu.


 Le 18° siècle


À l’avant-garde de ce qu’on appela dès ce moment-là « la libre pensée » fut l’Angleterre, pays protestant dont le souverain était le chef officiel de la religion. Mais aux grands raisonneurs de ce pays, négateurs de fait du christianisme qu’ils protestaient vouloir défendre, du déiste Locke mort en 1702, à l’athée déguisé Collins (1799) et au sceptique D. Hume (1776), firent tapageusement écho, dans la France très catholique, Voltaire (qui était venu s’inspirer à Londres) et derrière lui les « philosophes » ouvertement athées, puis toute l’Europe gagnée à leurs « lumières » mensongères.

Les formes religieuses demeuraient, charpente de la société et soutien du pouvoir politique. Si les États catholiques subissaient la sujétion de Rome, chaque État protestant se prévalait de son Église liée au prince (et quand on pense au nombre de petits souverains que comptait l’Allemagne on juge du morcellement ecclésiastique !). Aussi les minorités religieuses, catholiques et non conformistes en Grande-Bretagne et en Irlande, protestants en France, étaient-elles opprimées, parfois durement persécutées (*).


(*) Voir plus haut, le chapitre : Les Réformés en France au 17° et au 18° siècle.


Derrière les apparences, un effrayant vide spirituel. En pays catholiques l’ignorance et les superstitions sont générales parmi le peuple, et dans le haut clergé la mondanité et la libre pensée (« Il faudrait au moins, aurait dit Louis XVI, que l’archevêque de Paris crût en Dieu ».). Dans les Églises protestantes, les vérités fondamentales sont le plus souvent remplacées par un déisme profondément rationaliste et une morale fondée sur la « religion naturelle » qui exclut la foi. On pouvait bien en dire : « Tu as le nom de vivre, et tu es mort » (Apoc. 3:1).


 Les témoins d’alors 

Certes, il y avait au milieu de tout cela, comme il y a eu toujours, par la grâce de Dieu, des âmes croyantes, nées de nouveau et pieuses, connues du Seigneur, échappant à la routine et au scepticisme qui envahissaient tout, mais elles-mêmes pour la plupart très peu éclairées.

Nous savons aussi que Dieu ne se laissait pas sans des témoins du travail constant de son Esprit non seulement pour sauver au nom de Jésus, mais encore pour rassembler en ce nom.

On a pu voir dans les chapitres précédents comment en France « une Église sous la croix » a survécu clandestinement, quoique sans conducteurs officiels, ou presque, aux rigueurs qui précédèrent et suivirent la Révocation de l’Édit de Nantes ; mais il faut le dire, elle s’affaiblit et déclina dès que ces rigueurs se ralentirent, à partir de 1764, puis cessèrent avec l’Édit de tolérance de 1787 en attendant l’égalité des droits reconnue en 1791, sous la Révolution.

On a vu également comment en Allemagne les « piétistes » ont, dès le 17° siècle, fortement réagi contre l’assoupissement : bien que marqués ensuite par les courants rationalistes, ils forment cependant de petites communautés indépendantes, en Souabe entre autres, à la fin du 18°. Surtout, les « frères moraves », qui, rappelons-le, se rattachent aux Hussites séparés de Rome bien avant la Réforme, et que le comte Zinzendorf aide si efficacement au 18° siècle, répandent par le monde des semences de mission et de réveil qui se montreront fécondes (*). Ils s’appellent eux-mêmes du nom caractéristique de « Frères de l’unité chrétienne », et ont un peu partout d’humbles mais vivantes communautés.


En Angleterre, les « dissidents » ou « non-conformistes » divers n’ont jamais manqué. L’action des « Amis » (ou Quakers) dès le milieu du 17° siècle, a, concurremment avec celle des Baptistes, détachés comme eux des Indépendants, précédé le très grand mouvement dont John Wesley est l’âme, après 1730. Tout le monde anglo-saxon en est profondément secoué.

Dans les pays de langue française, l’esprit général reste assez étranger à ces mouvements spirituels, malgré une pénétration limitée d’évangélistes méthodistes en Normandie, laquelle sera reprise sous l’Empire, et malgré quelques contacts établis entre les frères moraves et le pasteur Rabaut, le réorganisateur du culte protestant en France. Si les excès des philosophes athées cèdent, peu avant la Révolution, sous l’influence de J.-J. Rousseau, à un sentimentalisme religieux, celui-ci en réalité n’a rien de Christ.

Quoi qu’il en soit, les signes ne manquent pas du fil d’argent de la grâce. Mais si large que doive être faite la place à l’œuvre de Wesley et des autres témoins de la vraie foi, nulle part les vérités propres à l’Église selon la Parole de Dieu n’étaient clairement perçues. Elles allaient être remises en lumière au sein d’une action spirituelle d’ensemble qui marque la chrétienté en Occident dans la première moitié du 19° siècle, et qu’on appelle le Réveil.


 Les symptômes du Réveil 

Nous n’avons pas à rappeler l’ébranlement général produit par la Révolution française et les guerres qui la suivirent, ni l’édification de l’empire napoléonien qui, si bref qu’il ait été, a changé la face de l’Europe pour ne pas dire du monde. On aurait pu penser que des coups fatals étaient portés au christianisme avec le triomphe éphémère du culte de la Raison en 1793, puis celui plus éphémère encore du culte de l’Être suprême l’année suivante, et plus dangereusement, malgré les apparences, quand Bonaparte asservit la religion en affectant de la rétablir.

Or tout au contraire une reprise religieuse suivit à peu près partout ce grand ébranlement. En même temps qu’avec la Restauration se manifestait un renouveau catholique en France, en Italie, en Espagne, des mouvements d’un caractère nouveau remuaient les pays protestants et se propageaient ailleurs. Le vrai chrétien ne peut manquer de reconnaître tout un puissant travail de Dieu à cette époque. La réalité profonde est que la fin de l’ère de la grâce n’était pas encore arrivée — elle dure encore — aussi Dieu arrêtait-il les progrès de l’apostasie, et suscitait-il un dernier témoignage à l’appel céleste et à l’espérance de l’Église avant le retour du Seigneur. Un salutaire vent de réveil souffla sur cette Église endormie. C’était le « cri de minuit » rappelant aux Vierges sorties au commencement pour aller à la rencontre de l’Époux, qu’il était temps de se lever et d’apprêter leurs lampes pour sa venue prochaine.

Dieu avait déjà préparé bien des cœurs, par les malheurs des guerres entre autres, à se tourner vers lui, et il lui plut, dans les richesses de sa grâce, d’éveiller chez beaucoup un profond besoin d’étudier l’Écriture en reconnaissant l’autorité de celle-ci. Cela se produisit simultanément, de façon non concertée, dans des pays divers : Dieu dirigea lui-même des serviteurs qualifiés par lui pour répondre au besoin là où il le fallait ; mais souvent des personnes s’étaient réunies d’elles-mêmes, en dehors de toute autorité humaine, pour lire et étudier la Bible avec le secours du Saint Esprit. Il en était ainsi dans des milieux très différents : d’humbles artisans, des paysans, des ouvriers, aussi bien que des intellectuels, étudiants, universitaires, des hommes de loi, des hommes d’affaires, des habitués des salons bourgeois ou aristocratiques et même princiers.

Les grandes vérités de la Réformation furent retrouvées : la justice de Dieu révélée sur le principe de la foi, la consécration des croyants nés de nouveau, les œuvres fruit et preuve de la foi. De plus, la parole prophétique devint un objet d’étude pour beaucoup de chrétiens ; puis des croyants furent amenés à comprendre l’importance et le prix de ce que Dieu révèle dans sa Parole au sujet de l’Église ou Assemblée. Des ouvrages furent publiés sur ces divers sujets, des périodiques furent fondés, des traités et brochures répandus, et les saintes Écritures largement diffusées grâce surtout aux sociétés bibliques qui naquirent alors, à Londres (Société biblique britannique et étrangère, fondée en 1804), à Bâle (dans la même année), à Paris (1818).

Il résulte de ce que nous venons de dire qu’on peut distinguer dans ce grand travail de l’Esprit de Dieu deux aspects, en deux phases. La première est marquée par le retour à l’évangile du Christ, la remise en évidence de ce qui a trait au salut individuel, à l’affranchissement, à la marche par l’Esprit, à la piété personnelle, et à l’attente du chrétien. La seconde voit s’y joindre la mise en lumière des enseignements de l’Écriture quant à l’Église, corps de Christ et maison de Dieu, et c’est là particulièrement notre propos, mais il nous faut d’abord considérer le premier aspect, ce que l’on peut appeler le Réveil évangélique.


 Le Réveil


 Le Retour à la foi de l’Évangile dans les pays Anglo-Saxons 


Le Réveil avait eu, dans les îles Britanniques et en Amérique, un prélude remarquable dans l’œuvre dont Wesley et ses compagnons avaient été les instruments. Il en était né le méthodisme, détaché ensuite de l’Église anglicane, et divisé, après la mort de son fondateur en 1791, en petites Églises diverses. Mais ce n’était qu’un prélude. Un mouvement bien distinct, quoique issu de l’impulsion donnée par Wesley, développa son action morale dans une Angleterre considérablement transformée après l’émancipation de l’Amérique, la Révolution française, les luttes épuisantes contre Napoléon, et le passage de l’ancienne vie agricole à la vie industrielle. Il s’agit de l « évangélisme ». Les Évangéliques tenaient une doctrine plus pure que celle de Wesley ; ils présentaient, en même temps que l’autorité absolue de l’Écriture et le salut par grâce et par la foi, l’état de ruine complète de la nature humaine irrégénérée et l’assurance d’un salut parfait en Christ. Parmi eux, un bon nombre de ministres anglicans, réveillés spirituellement, s’efforcèrent de porter le souci d’une foi vivante, puisée directement dans l’Écriture, au sein de la froide Église établie, l’Establishment. Alors que Wesley touchait surtout les masses populaires, ils gagnèrent davantage les classes aisées, tant l’ancienne aristocratie que les nouvelles couches dirigeantes.

Leur influence fut considérable. Toute une floraison d’activités, évangélistes, missionnaires et charitables, vit le jour, sans parler de campagnes d’opinion comme celle de Wilberforce, évangélique notoire, pour l’abolition de l’esclavage. Il ne nous appartient pas de démêler ce qui dans ces efforts avait aux yeux de Dieu le caractère de « bonnes œuvres » et ce qui était de l’homme, mais il est incontestable que le point de départ était l’évangile. Des écoles du dimanche s’ouvrirent, on forma des société bibliques, des sociétés missionnaires, d’autres pour les visites aux malades, on organisa des réunions privées pour lire la Bible ; des prédications libres, dont beaucoup en plein air, se multiplièrent. Nombreux en effet furent des laïques, aussi bien que des pasteurs, à se vouer à l’évangélisation. Ils répandirent la Parole dans toute l’Angleterre, « allant ça et là » (Actes 8:4), passant les mers vers les païens, mais allant aussi sillonner l’Europe. Une activité parallèle se développait en Écosse, où le « parti évangélique » mettait sur pied la Mission intérieure pour l’évangélisation ; l’initiative en revenait à un ancien officier de marine converti, James Haldane, dont nous retrouverons sur le continent le frère, Robert (1764-1842), qui lui aussi avait abandonné pour Christ la carrière navale.

En Amérique se poursuivait un travail analogue. C’était l’époque des énergiques et pieux « revivalistes » mêlés aux pionniers qui progressaient vers l’Ouest, rudes comme eux, parfois excentriques mais dévorés par l’amour des âmes. Ils rassemblaient dans des « camp meetings » des centaines et des milliers de personnes, et les tenaient des heures sous leur voix puissante et pressante. Les noms d’Axley, de Burke, de Cartwright sont restés dans la mémoire des hommes, à côté de ceux plus connus encore de Finley, de C. G. Finney (1792-1875), dont l’action se situait dans les villes de l’Est et qui devait plus tard travailler en Angleterre.

De véritable, flambées de réveil, avec des conversions massives, parfois de surprenantes et émouvantes manifestations spirituelles, se produisirent au début du siècle, les plus connues étant celles du pays de Galles et celles des hautes régions du Cumberland aux États-Unis.

L’Église établie n’acceptait pas aisément ces nouveautés, surtout la High Church (Haute Église), qui gardait, avec une orthodoxie formaliste, un esprit autoritaire et mondain suscitant bien des mécontentements. La Low Church (basse Église), était plus ouverte aux souffles du réveil, et en tout cas, sous l’influence des Sydney Smith, des Wilberforce et autres « évangéliques », elle répudiait peu à peu le déisme et le rationalisme qui avaient régné chez elle.

Il faut mentionner aussi que, sous la poussée des changements opérés dans l’esprit public, fut aboli en 1828 le Bill du Test, qui depuis 1673 excluait de toute fonction publique tous les gens en dehors de l’Église établie, c’est-à-dire les catholiques et les divers non-conformistes. Ils eurent désormais l’égalité des droits. De cette liberté religieuse complète les uns et les autres allaient grandement profiter au cours du 19° siècle. Nous aurons à dire plus loin un mot des progrès du catholicisme, obligeant du reste la High Church à se réveiller. Quant aux non-conformistes, leurs Églises, systèmes et dénominations diverses, chacun avec son organisation et ses œuvres propres, allaient accroître leur nombre. D’où une très grande activité religieuse. L’Angleterre, sous le long règne de Victoria (1837-1901) devait représenter le type même de la nation christianisée, mais Dieu sait la mesure dans laquelle pouvait lui être appliquée la parole du Seigneur à Sardes : « Tu as le nom de vivre, et tu es mort ». Lui-même, qu’il en soit béni, connaît ceux qui sont siens.

Mais revenons au Réveil proprement dit, pour souligner sa part prépondérante dans cet extraordinaire morcellement ecclésiastique. Aux indépendants, quakers, baptistes, méthodistes, s’ajoutèrent quantité de petites congrégations formées à mesure que des croyants se groupaient autour de la Bible, éprouvaient ensemble l’action de l’Esprit et la puissance du Seigneur, et sortaient de fait de l’Église officielle.

C’est dans cette atmosphère d’âmes réveillées et dispersées qu’allait se manifester, dans les années de 1825 à 1830 une puissance propre à rassembler autour du seul Berger. Avant de considérer ce grand fait, il nous faut voir le Réveil sur le Continent.


Le Réveil en Suisse


À Genève — Les Amis — Les Dissidences 

C’est à Genève que le Réveil prit véritablement naissance, pour se propager ensuite dans tous les pays de langue française et plus loin. Pourtant le sommeil spirituel était grand an début du 19° siècle dans la cité de Calvin. « La Bible était inconnue dans les auditoires », devait dire un étudiant de l’Académie où se formaient les pasteurs. C’est précisément parmi quelques étudiants en théologie, mécontents de l’enseignement rationaliste qu’ils recevaient et préoccupés par la tiédeur de l’Église, que, au cours de l’occupation française (1798-1814) les premiers indices de renouveau apparurent. Ces étudiants se trouvèrent providentiellement mis en contact avec des Frères moraves, dont il y avait quelques petits groupes fidèles dans la ville depuis le milieu du siècle précédent. Ils furent éclairés par eux quant au salut par la foi en Jésus Christ et à la valeur de l’Écriture. L’un de ces jeunes gens, E. Guers, écrivait plus tard : « J’aime encore me rappeler de quelle manière le bon Mettetal s’y prit pour m’annoncer le salut gratuit. Sans entrer dans beaucoup de raisonnements, sans user de beaucoup de paroles, il ouvrit le Livre de Dieu et me lut, dans l’évangile de saint Jean, ces nombreuses déclarations où Jésus atteste solennellement que celui qui croit en Lui ne périra pas, mais qu’il aura la vie éternelle. Puis il me demanda, sans autre préambule, si je recevais la parole du Seigneur avec une entière soumission. Ayant répondu que oui : Alors, ajouta-t-il, pourquoi douteriez-vous de votre salut et n’en jouiriez-vous pas dès cette heure ?

Des réunions avaient lieu pour s’édifier et prier, du reste sans aucune idée de séparation. Mais les étudiants, avec la ferveur de nouveaux convertis, désirèrent bientôt agir au-dehors, et ils formèrent dans cette intention, en 1810, une Société des Amis : elle groupait Ami Bost, Henri Empaytaz, Guillaume Gonthier, Lhuillier, Louis Gaussen, Émile Guers, Henri Pyt. Les pasteurs en prirent ombrage, et la Société dut se dissoudre en 1814. C’est alors que des visites d’étrangers pieux fortifièrent les sentiments et affermirent les principes éclos dans ce milieu.


Mme de Krüdener  


Une dame de l’aristocratie russe, convertie à Vienne par le moyen d’une humble croyante morave, après une vie de dissipation, la fervente mais fort mystique baronne de Krüdener — qui devait peu après exercer une grande influence sur le tsar Alexandre 1er et, semble-t-il, l’amener au Seigneur — séjourna à Genève entre 1813 et 1815. Elle organisait des réunions où elle priait et parlait ; plusieurs y trouvèrent de la bénédiction, entre autres Empaytaz, lequel, après avoir été interrogé par une commission consistoriale et exhorté en vain à abandonner ces réunions non autorisées, se vit interdire la consécration pastorale à laquelle il aspirait. Il rejoignit Mme de Krüdener en Allemagne, la suivit à Paris où, comme à Genève, elle organisa chez elle des réunions religieuses que suivirent des personnes de haut rang. C’est de là qu’Empaytaz fit paraître en 1816 une brochure qui fit grand bruit à Genève, intitulée « Considérations sur la Divinité de Jésus Christ » ; il y accusait la Compagnie pastorale genevoise d’abandonner cette vérité et de ne pas respecter la Bible. Il déclarait que dans aucun des 197 sermons imprimés à Genève depuis 1774, il n’avait trouvé une seule mention de la divinité de Jésus.


Robert Haldane.  


Au même moment arrivait à Genève — après un méthodiste anglais, Wilcox, qui avait prêché la vérité au cours de 1816 — le pieux et dévoué calviniste écossais Robert Haldane. Il se mit à donner des cours privés à l’intention des étudiants en théologie, et il y exposa magistralement l’épître aux Romains. Les ex-Amis se trouvaient là, avec beaucoup d’autres jeunes gens dont certains, qui avaient d’abord désavoué Empaytaz furent convaincus par Haldane, tels Frédéric Monod et Henri Merle d’Aubigné. Ce fut là la pépinière des prédicateurs du Réveil, bien que Haldane enseignât en anglais et devait être traduit. La Compagnie des pasteurs réagit, exigea des candidats au pastorat l’engagement de ne prêcher ni sur la divinité de Jésus Christ, ni sur le péché originel, ni sur la manière dont la grâce opère, ni sur la prédestination. Beaucoup reculèrent, quelques-uns, dont Pyt et Guers devaient aller se faire consacrer en Angleterre, d’autres se vouèrent à l’évangélisation sans consécration officielle.


L’Église du Bourg de Four 

L’opposition grandissante de l’Église nationale aux jeunes prédicateurs formés par l’Esprit de Dieu amena une rupture complète. Haldane ayant quitté Genève fut remplacé par Henry Drummond, un riche banquier de Londres dévoué pour l’Évangile, qui les encouragea fortement. Ainsi se constitua, dès le 17 mai 1817, une « Société » de chrétiens séparés, qui se réunirent à partir du mois d’août dans le quartier du Bourg de Four, d’où le nom d’« Église dissidente du Bourg de Four » ou « petite Église de Genève », avec ses « frères pasteurs » indépendants. N’étaient admis en son sein que de vrais enfants de Dieu ou reconnus tels. Ils tenaient que la foi en Christ suffit pour posséder le salut, mais que la vraie foi s’accompagne nécessairement de la régénération opérée par l’Esprit Saint et la Parole de Dieu. C’est du milieu d’elle que partirent des évangélistes et prédicants pour le reste de la Suisse, la France, les missions lointaines, la plupart soutenus par « la Société continentale pour la diffusion de la connaissance chrétienne » fondée grâce à Drummond.

Les premiers pas de la nouvelle communauté furent difficiles. Elle entrait dans une voie inconnue et avait à décider une marche ecclésiastique encore sans exemple sur le continent européen. L’opposition fut extrêmement vive. Les frères furent tournés en ridicule dans les journaux, et il y eut aussi des violences : le 2 juillet 1818, à l’occasion d’un changement de salle, les frères dissidents furent assaillis par une populace irritée. Mais leur zèle selon Dieu brava les passions soulevées contre le Réveil, et porta ses fruits. Des conversions furent opérées, dont celle d’un sergent d’artillerie, qui, envoyé pour parer aux troubles que pouvait susciter une de ces réunions, fut saisi en entendant la prédication : il s’appelait Félix Neff … C’est là aussi qu’Adolphe Monod, alors étudiant, reçut de fortes impressions d’un autre chrétien écossais, Thomas Erskine.


César Malan et l’Église du témoignage 

À la même époque s’était levé à Genève un autre grand héraut du Réveil, le pasteur César Malan (1787-1864). Il était déjà consacré depuis six ans quand il fut amené à l’assurance de son salut, et se lia à Haldane. Le jour de Pâques 1817, il prononça un sermon retentissant sur « le salut par la foi en Jésus Christ ». Irritée, la Compagnie des pasteurs l’exclut de sa chaire genevoise ! Il commença peu après à tenir des réunions de prières que fréquentèrent de nombreux fidèles, et où l’explication des Écritures alternait avec des prières et des cantiques. Ce témoignage naissant ne manqua pas de donner lieu comme ailleurs à une opposition implacable. Malan vit un jour une foule excitée par les calomnies odieuses dont il était l’objet, lui et ses réunions, renverser la clôture de son jardin et envahir sa maison. Il semble que ce fut à lui que fut appliquée pour la première fois en 1819, dans la banlieue de Genève, l’épithète de « mômier » étendue ensuite à tous les gens du Réveil et si répandue dès lors partout où Dieu a mis un témoignage.

Malan, calviniste convaincu, plus dogmatique que le groupe piétiste des Amis avec lequel il avait commencé de marcher, poursuivit son action à part. Il fonda une chapelle dans sa propriété, pour ce qu’il nomma l’« Église du témoignage » et celle-ci subsista pendant près de 50 ans. Esprit ardent, courageux, dominateur, il conduisait seul le petit troupeau rassemblé auprès de lui. Il tint ferme, jusqu’au bout, avec une foi inébranlable, le drapeau qu’il avait arboré aux jours du Réveil. C’était un poète délicat, dont les Cantiques de Sion ont réjoui et consolé bien des croyants. Il refusa en 1849 de fondre sa petite congrégation dans l’Église libre naissante et son œuvre prit fin avec lui. Réellement bénie pour tant d’âmes, elle avait trop reçu l’empreinte d’une seule personnalité pour qu’elle pût lui survivre. Il faut que le serviteur laisse le Maître prendre toute la place dans les cœurs, et la Parole avoir son autorité souveraine, sinon son travail s’en ressent et ceux qu’il a habitués à ne pouvoir se passer de lui se dispersent quand il n’est plus là.


 La Chapelle de l’Oratoire 

Enfin une troisième dissidence se produisit avec un des promoteurs du Réveil, le pasteur Louis Gaussen (1790-1863). Il était resté tant qu’il l’avait pu au sein de l’Église nationale, mais il fut finalement révoqué en 1834, après avoir fondé en 1831 une Société évangélique, et une École de théologie où vint enseigner, entre autres, H. Merle d’Aubigné. Cette société prit après cette révocation le nom de la Chapelle de l’Oratoire, construite en 1834. La belle première période du Réveil aboutissait ainsi, à Genève, comme en Angleterre, à un démembrement ecclésiastique.


 Extension en Suisse Romande 


Mais les mouvements que nous venons de résumer s’étendirent, et d’abord dans les cantons de Vaud et de Neuchâtel. Une œuvre y avait déjà commencé avant 1820, sans relation directe avec celle de Genève. On relève l’action d’une chrétienne anglaise, Miss Greaves, qui avait des réunions bibliques chez elle en 1815, et qui fut expulsée de Lausanne. Mais l’impulsion initiale vint de la prédication du doyen Curtat et de ses leçons aux étudiants en théologie, depuis 1810. Là aussi de jeunes hommes se destinant au pastorat se trouvèrent remués, eurent à cœur d’approfondir pour eux-mêmes et pour leur entourage l’étude de l’Écriture, et tinrent des réunions d’évangélisation et d’édification en dehors des heures et lieux de culte de l’Église nationale ; ils continuèrent dans leurs paroisses une fois consacrés, et cela en divers endroits du pays de Vaud. Alors vinrent aussi des évangélistes de Genève, dont Ami Bost qui prêcha à Yverdon, puis à Sainte-Croix ; un frère Coulin, de Genève, y avait déjà eu des réunions de 300 et 400 personnes. Henri Pyt (né à Sainte-Croix), A. Porchat, E. Guers parcoururent le canton de Vaud, en 1818-1819, ainsi que Félix Neff qui écrit de Lausanne en 1820 : « Le Seigneur paraît ouvrir une large porte à la prédication de son Évangile dans ce canton, et elle ne se fermera pas de sitôt, pourvu que l’on se conduise avec prudence ».

L’autorité ecclésiastique avait d’abord marqué de l’intérêt pour ce zèle nouveau, et même témoigné sa désapprobation de l’attitude de la Compagnie pastorale de Genève s’opposant aux prédicateurs évangéliques. Mais elle s’émut à son tour, le doyen Curtat en tête. Elle se prononça contre ces réunions, et refusa de consacrer, ou cassa, les ministres qui persistèrent à en tenir. La population fut très vite dressée contre les « mômiers », les « sectaires » et leurs « conventicules », au nom de l’unité nationale qu’on prétendait menacée, mais de fait le monde était irrité comme il l’est toujours, par les fruits de la prédication de l’Évangile. Les choses en vinrent à des persécutions. À Aubonne il y eut une véritable émeute, avec coups de bâton, jets de pierres, cris injurieux et blasphématoires, placards portant que « si ces assemblées de mômiers continuaient, le feu serait mis aux quatre coins de la ville ». Il en fut de même à Orbe à la suite de conversions produites par le moyen d’un jeune suffragant, Marc Fivaz. Il serait trop long d’énumérer tous les endroits de la Suisse romande visités par la pluie bienfaisante et où l’opposition se montrait plus vive à mesure. Dans la paroisse de l’Isle et Montricher, où un réveil avait eu lieu avec Henri Juvet, un pasteur de haute valeur relevé de ses fonctions, une foule hurlante, au sortir d’une réunion, lapida les assistants. L’un d’eux écrivait ensuite : « Lorsque j’adressai mes prières à mon Dieu sauveur, ils me crachèrent au visage et, me tenant par les cheveux, me frappaient tête contre terre et me disaient : Prie maintenant ton Sauveur, il ne vient point te délivrer ». Juvet, maltraité, jeté en prison, y contracta les germes d’une maladie de poitrine dont il mourut, à Nîmes, en 1825.


 La dissidence


Devant cette situation plusieurs pasteurs pieux firent part aux autorités cantonales de l’impossibilité pour eux de rester dans l’Église d’État : « Comme nous savons, écrivirent-ils, que nous prêchons la vérité telle qu’elle est dans la Bible, et que nous le faisons avec sincérité de la part de Dieu, devant Dieu et en Christ, quelle que soit la manière dont on nous envisage, nous n’avons pas cessé d’annoncer l’Évangile à tous ceux qui ont voulu l’entendre, et nous ne pouvons cesser de le faire, car malheur à nous si nous n’évangélisons pas… Un assez grand nombre de personnes, soit à Lausanne soit en divers lieux de notre pays, ont reconnu que nous prêchions la Parole du salut, l’ont embrassée avec joie par la foi et reçoivent comme nous, de la Parole même de Dieu, l’ordre de ne pas participer à l’infidélité d’autrui, de se séparer des assemblées qui ne sont dirigées, ni pour l’enseignement ni pour la discipline, d’après l’Écriture sainte, et de se constituer en congrégation indépendante, comme l’ont fait des frères dans divers pays et notamment dans un canton voisin ».

Cette déclaration exaspéra les passions déjà déchaînées. Les courageux défenseurs de la vérité assimilaient au monde l’Église établie, de laquelle, du moment qu’ils ne lui reconnaissaient pas les caractères de l’Église de Christ, la Parole de Dieu leur commandait de se retirer. Ils proclamaient ainsi le principe de la séparation des chrétiens qui voulaient être fidèles, d’avec un système religieux mondain et déchu dans sa foi et ses œuvres.

Parmi les jeunes pasteurs qui affirmaient ainsi leur dissidence il y avait Charles Rochat, suffragant à Vevey, où il avait été pleinement affranchi dans son âme. Sa démission, le 11 janvier 1824, fit déborder la coupe pour les conducteurs religieux et politiques. Quatre jours après, le Conseil d’État vaudois promulguait un arrêté interdisant formellement les assemblées religieuses en dehors de l’Église nationale, décision arbitraire qui souleva des protestations nombreuses en Suisse et à l’étranger, même dans des journaux catholiques. Les résultats escomptés par les adversaires de l’Évangile ne furent pas atteints. Voyant leurs efforts inutiles ils s’obstinèrent et firent voter par le Grand Conseil une loi qui punissait de fortes amendes, de prison, de « confination » dans leur commune de domicile, ou de bannissement, ceux qui continueraient à se réunir (loi du 20 mai 1824).

C’était inaugurer l’ère des persécutions légales, avec leur résultat ordinaire : stimuler les persécutés. Les réunions se multiplièrent, les violences populaires reprirent contre les « mômiers » (à Moudon, Vevey, Bex, Yverdon, etc. ; une véritable émeute eut lieu à Lausanne le 22 août 1822), à la suite desquelles ce furent les victimes qui furent poursuivies et condamnées ! À Vevey, Ch. Rochat fut condamné au bannissement, avec plusieurs autres, comme les frères H. et F. Olivier.

Mais c’était, d’autre part, pousser à une séparation plus nette encore, et provoquer l’organisation des réunions non officielles en congrégations indépendantes caractérisées. La première Église dissidente vaudoise se constitue à Vevey en septembre 1824, avec Marc Fivaz et A. Henriquet. En 1828 on en dénombrera une quinzaine dans le canton de Vaud, et il s’en formera autant dans les années suivantes. Ces « troupeaux », qui se donnèrent des « disciplines » ou règlements particuliers à chacun, se nommaient tantôt « Églises disciplinées », tantôt « Églises des élus », ou « Églises de Dieu », chacun ayant son pasteur et ses anciens. Des ministres restés dans l’Église officielle la quittèrent après la loi de mai 1824. Le plus marquant fut Auguste Rochat (mort en 1847), alors pasteur à Bière : il avait été l’un des premiers et des plus zélés promoteurs du Réveil, et participé entre autres à une campagne en faveur des missions en pays païens, d’où étaient nées des Sociétés de mission, la première à Yverdon en 1821 ; démissionnaire en 1824, il quitta le pays pour un bref séjour à Nice, revint en 1825 et se fixa à Rolle, où il devait rester jusqu’à sa mort, à la tête d’un troupeau prospère tant qu’il fut là. Sa mémoire, et ses écrits, sont encore en bénédiction. Il fut vers 1830 le doctrinaire le plus déterminé de la Dissidence.

La loi de 1824, appliquée avec une vigueur inégale selon les moments, fut abrogée dix ans plus tard. Mais à diverses reprises, en 1833 à Romainmôtier, Épalinges, Vevey, plus tard (1845 à 1859) en divers endroits, des molestations violentes eurent encore lieu pour empêcher les réunions hors des temples.


Alexandre Vinet 

On ne saurait passer sous silence le plus remarquable des opposants à cette loi contre la liberté du culte, le célèbre Alexandre Vinet (1797-1847), pasteur et professeur à la Faculté de théologie de Lausanne. Il avait été amené à l’Évangile par le Réveil. Il ne cessa jusqu’à sa mort de lutter par la plume en faveur de cette liberté et de la séparation du spirituel et du temporel. Mais lui-même, tout en renonçant en 1840 à sa qualité de pasteur en exercice, ne quitta point l’Église nationale, travaillant à la libérer de toute sujétion à l’État. Il contribua ainsi à la formation d’une Église indépendante qui prit corps après sa mort, en 1847, l’Église libre de Vaud.


Influence du Réveil sur l’Église d’État.  


Il est juste de dire que l’esprit évangélique du Réveil avait quelque peu pénétré l’Église d’État après 1825, pour ouvrir des yeux à ce qu’il y avait d’inconséquent à soumettre ce qui veut porter le nom du Seigneur à un pouvoir politique. Ce sont surtout des pasteurs nationaux « réveillés » qui contribuèrent à la formation de sociétés évangéliques en diverses villes, pour l’évangélisation et la diffusion de la Bible. Ainsi à Morges, Vevey, Yverdon, entre 1826 et 1829.


 Neuchâtel 

Un travail analogue se poursuivait parallèlement dans le canton de Neuchâtel. Il y existait de petits groupements moraves, entre autres au Locle. Des influences venues de Genève et du canton de Vaud y pénétrèrent de bonne heure. En 1823 un instituteur d’origine neuchâteloise, exerçant près d’Orbe, fut chassé parce qu’il adhérait au Réveil, rentra chez lui où il réunit un groupe de personnes réveillées par son moyen ; d’où conflit avec le pasteur puis l’autorité civile, et après diverses péripéties il fut banni pour dix ans. Mais d’autres évangélistes, ministres consacrés ou non, répandirent la Parole, réunirent des chrétiens, grâce à des Genevois, déjà F. Neff, puis Lhuillier, A. Bost, un peu plus tard A. Jaquet, puis le Français F. Vernier. L’Église nationale reçut quelque chose du Réveil par le moyen de chrétiens pieux comme le pasteur F. Clottu.


 Le Réveil en Allemagne 


Les éléments préparés 

En Allemagne, et d’une manière générale dans les pays de langue allemande, le Réveil trouvait des éléments préparés par l’Esprit de Dieu, au sein d’un rigorisme légal étouffant. Dans les milieux piétistes, officiels et autres, bien des âmes en souffraient et priaient pour un souffle vivificateur. Les nombreuses petites communautés moraves avaient fort à faire pour se défendre contre l’accaparement par les Églises luthériennes, contre les mystiques catholiques (en Bavière) et protestants, et contre la philosophie des Universités : elles rendaient souvent un simple et pieux témoignage. Enfin un certain mouvement tournait des esprits vers un spiritualisme chrétien, cherchant sa nourriture dans la Bible, avec le penseur Herder (1744-1803) en qui on a pu voir un précurseur du Réveil.


 Renouveau du piétisme 

Ce réveil n’a pas eu tout à fait les mêmes traits qu’en Suisse romande. Il s’est traduit par un renouveau du piétisme qui retrouva de la ferveur, mais davantage encore par un intérêt général pour les études bibliques.

La première tendance, représentée par Frédéric Schleiermacher (1768-1834), converti chez les Moraves, pasteur à Berlin et prédicateur de la Cour, tombe fâcheusement dans un sentimentalisme qui s’éloigne de la révélation et de la foi chrétienne. « Ma religion est tout entière de cœur, disait Schleiermacher, elle est le sens et le goût de l’infini ». Hélas, qu’est-ce que le cœur naturel (Jér. 17:9), et comment connaître les choses de Dieu si ce n’est par l’Esprit de Dieu et par sa Parole (1 Cor. 2:11 ; 1 Thess. 2:13 ; 1 Pierre 1:23) ?


 Les études bibliques.  


La seconde tendance a donné le grand développement de l’exégèse (c’est-à-dire de l’étude des textes de l’Écriture en vue de les restituer, de les traduire et de les interpréter le plus exactement possible) dans les milieux intellectuels. Elle fut rénovée entre autres par Guillaume de Wette (1780-1849). Mais l’exégèse donne trop rapidement place au rationalisme, et elle devint plus que jamais la critique des Écritures à la lumière de la pauvre raison humaine, au lieu de leur soumettre celle-ci. L’« école de Tubingue », avec Baur (1792-1860) sape le christianisme en prétendant le défendre contre le grand négateur David Strauss. En face d’eux, il est vrai, s’élevèrent des savants pieux qui défendirent l’inspiration des Écritures : déjà Claus Harms au début du siècle, et après lui des hommes comme le professeur Frédéric Tholuck (1790-1877) qui réfuta Strauss, et Neander (1789-1859), un Juif converti, à la foi humble et vivante.

Il est plus heureux encore de constater que la lecture de la Bible fit des progrès dans les masses populaires, grâce à la fondation de sociétés bibliques, à Bâle (1804), Berlin (1805), Stuttgart (1812). Cette action s’accentua plus tard, quand, grâce à Wichern, s’organisa en 1849 la Mission intérieure en Prusse pour la distribution de Bibles et de traités évangéliques, accompagnée de la prédication de la bonne nouvelle.


Les obstacles à l’évangélisation


La libre prédication de l’Évangile n’alla cependant pas sans rencontrer des obstacles de la part des Églises nationales, principalement luthériennes, intégrées à l’État plus fortement encore qu’en Suisse calviniste, dans les divers royaumes et principautés de l’Allemagne de cette époque. Des tentatives de dissidence devaient en résulter, mais généralement empêchées d’aboutir, par l’action tantôt énergique tantôt accommodante de l’État. En Prusse, le roi Frédéric-Guillaume III (celui qu’on a appelé le pape-roi, qui régna de 1797 à 1840), et son successeur Frédéric-Guillaume IV (1840-1859) croyant sincère, préoccupé de réformer « son » Église (on l’a surnommé l’Ézéchias prussien), s’efforcèrent d’unir calvinistes et luthériens en une Église nationale évangélique, et le second pensa restaurer la foi évangélique par une réglementation religieuse qui n’était que la négation de cette foi. Ce fut évidemment en vain. Il dut reconnaître une Église autonome en Silésie, et il s’en fonda d’autres en diverses parties de l’Allemagne, en attendant l’organisation de vastes Églises libres.


 En Scandinavie 


Les pays scandinaves, foncièrement traditionalistes et ritualistes dans leur luthéranisme imposé par l’État, eurent eux aussi leurs courants de réveil. En Norvège un paysan, Hans Nielsen Hauge, saisi par l’Esprit de Dieu alors qu’il travaillait son champ, en 1796, parcourut pendant près de huit ans tout le pays, prêchant la conversion, à la manière des « revivalistes » anglais ; emprisonné onze ans pour avoir, lui laïque, ainsi évangélisé, puis condamné à deux ans de travaux forcés, il mourut épuisé en 1824 ; les fruits de son travail seront connus au jour de Christ. En Suède il y avait des groupes de chrétiens réveillés se réunissant dans les maisons pour étudier la Bible, les « laesares » (lecteurs), qui eux aussi furent inquiétés, et plus tard s’y montrèrent les « ropares » (crieurs) prêchant la repentance. Au Danemark, l’orthodoxie sans vie de l’Église officielle fut dénoncée par le célèbre écrivain Grundtvig, (1783-1872), un pasteur, élevé par une mère pieuse, qui trouva la paix à 23 ans après une très grave crise morale, et qui se détacha de l’Église d’État pour soutenir des prédicateurs non consacrés et tenir lui-même des réunions illégales. Cette même Église devait être ensuite prise à partie d’une façon plus véhémente, quoique en apparence peu efficace sur le moment, par les écrits de Sören Kierkegaard (1813-1855), esprit tourmenté, aux accents émouvants mais troubles, dénonçant impitoyablement les inconséquences d’un christianisme mondanisé — le sel devenu insipide — mais sans ouvrir le chemin aux âmes simples et humbles. Lui-même n’a connu la paix de l’âme qu’à ses derniers jours. Son père, pasteur pieux, lui avait donné comme précepte : « Aime Jésus », et il devait rappeler souvent ce trait. Peu avant sa fin, sur son lit de mort, un ami lui demandait : « Peux-tu prier en paix ? » — « Oui, je le peux… » — « Tu crois à la grâce de Dieu en Christ et tu y recours ? » — « Oui, bien sûr, qu’y a-t-il d’autre ? »


Aux Pays-Bas 


Aux Pays-Bas, le Réveil fut représenté par des prédicateurs décidés, défendant vigoureusement la vraie foi, particulièrement au sein de l’Église officielle où des conversions furent produites de telle sorte qu’il s’en détacha en 1834 une « Église chrétienne réformée ». Parmi les noms qui s’attachent à ce travail d’évangélisation, deux Juifs convertis, Da Costa et Cappadose, baptisés en 1822, et Henri de Cock.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016, 21:09

Le Réveil en France


Le prélude 


Le Réveil s’étendit en France où, depuis le Concordat (1802) tout ce qui était Église officielle s’assoupissait plus que jamais. D’après le pasteur S. Vincent, « les prédicateurs prêchaient, le peuple écoutait, le culte conservait ses formes. Hors de cela, personne ne s’en occupait… La religion était hors de la vie de tous ». Dieu n’en préparait pas moins des cœurs, et les vérités essentielles de l’Évangile, le salut personnel par la foi en Christ, l’autorité souveraine de la Bible, l’action du Saint Esprit, étaient reconnues çà et là. Autant de points d’appui pour le réveil demandé par les âmes pieuses : ainsi quelques foyers méthodistes en Normandie, ravivés à la fin de l’Empire avec Pontavice, de petits groupes de Frères moraves à Bordeaux et dans le Gard (Saint-Hippolyte-du-Fort), des Quakers également dans le Midi (les « boufaïres », ou « gounflaïres »), des pasteurs évangéliques ayant à cœur le salut des âmes, comme un Lissignol à Montpellier, un Gonthier à Nîmes, un André Blanc à Mens (Isère), d’autres dans le Nord : à Nomain à Quiévy, où le vénérable pasteur Devisme avait eu les yeux ouverts grâce à un traité envoyé de Londres par un ami puis avait lui-même éclairé Antoine Colani à Lemé (Aisne).


 L’extension du Réveil suisse 

Mais c’est de Suisse surtout que vint le grand courant bienfaisant, apporté par des hommes jeunes, doués, pleins de zèle. Il s’agissait surtout de ces ministres que nous avons vus, écartés de leurs chaires ou même bannis par les autorités civiles, et d’étudiants ou de proposants non consacrés, ou d’instituteurs (régents) destitués, tous brûlant de servir. Le Seigneur n’oubliera aucun de ceux qui sont partis inconnus, ne comptant que sur Lui. Des particuliers aisés en aidèrent d’autres. La plupart furent envoyés et soutenus par des associations, généralement indépendantes de toute Église particulière. Des pasteurs ou des communautés « réveillés », ressentant le besoin de secours spirituels, s’adressaient à elles pour engager des prédicateurs, des pasteurs non « confirmés » par l’État, des instituteurs. Ces sociétés envoyaient aussi d’elles-mêmes des « missionnaires » itinérants. Ils prêchaient où ils le pouvaient, le plus souvent en dehors des lieux de culte officiel, et avaient des réunions privées pour étudier la Parole. Un comité vaudois-genevois prit une part active à cette évangélisation en France à partir de 1827, en attendant la Société évangélique de France, fondée en 1833. Il y eut des initiatives de sociétés britanniques. Mais le rôle principal dans le Réveil français fut tenu par la « Société continentale », mise sur pied par H. Drummond, à Genève, en 1819, et dont le siège était à Londres. Les frères Haldane, d’Écosse, aidèrent à l’instruction des « pasteurs du réveil » à Paris, dans un Institut dirigé par F. Olivier. H. Jaquet, originaire de Vevey, fonda à Glay, près de Montbéliard, en 1822, un établissement pour former des évangélistes qui seraient en même temps instituteurs ou artisans. Enfin quelques-uns des pasteurs venus de Suisse, hommes capables, furent conduits à former sur place, dans les régions où ils séjournaient eux-mêmes temporairement, des prédicateurs et des colporteurs. On ne peut douter que la plupart de ceux-ci aient été réellement appelés par le Seigneur, pour être, par sa grâce, les pionniers humbles mais efficaces de son œuvre. Ils apportaient dans les maisons bibles et traités, repassaient pour s’assurer que la Parole de Dieu avait été lue, conversaient, apprenaient aux familles les chants chrétiens de Malan (qu’il appellera en 1836 Chants de Sion), plus tard ceux de Lutteroth, et rassemblaient les gens pour la prière. Les traités d’évangélisation et d’édification simple se multiplièrent, grâce aux sociétés fondées dès 1815 à Montpellier, en 1820 à Toulouse, à Paris en 1822 (Société des Traités religieux, qui publia entre autres, à partir de 1826, son populaire Almanach des bons Conseils, et cela pendant plus d’un siècle).

Parmi les plus actifs des serviteurs que Dieu envoya se trouvaient Henri Pyt et son beau-frère Ami Bost, que nous avons vus à Genève et qui dès 1820 préludent à toute une œuvre de colportage, l’un dans le Nord, en contact avec Colani, l’autre en Alsace, avec la collaboration de chrétiens dévoués comme Vierne, évangéliste à Montbéliard. Mais Pyt et Bost devaient beaucoup voyager en France et y être en maints endroits des allumeurs de flamme. Surtout Pyt, passant de l’Ariège, en 1818, à Valenciennes et Nomain (1819-1820), dans la région d’Orléans ensuite, pour séjourner longuement à Bayonne et à Orthez (jusqu’en 1829), y travailler fructueusement (entre autres, éditant le Nouveau Testament en basque), et revenir dans le Nord, puis à Boulogne, passer en Irlande, enfin à Paris, où il mourut de bonne heure, en 1835. Ami Bost, après l’Alsace rentre en Suisse en 1822, revient plus tard en France, où il est pasteur de l’Église réformée à Asnières-les-Bourges, en 1843-1846, puis à Melun, et il meurt en 1874 à La Force (Dordogne) où son fils John a fondé les célèbres asiles. Comme les deux précédents, c’est de la Société continentale que dépendirent les deux Petitpierre, l’un, Édouard, Neuchâtelois, que nous trouvons en Haute-Loire en 1827, après Lyon, et avant qu’il ne se fixe à Tullins (Isère), l’autre un Vaudois, Gustave, banni en 1826 et qui travailla à Paris et à Annonay. Un autre Vaudois qui devait avoir une activité remarquable, même dévorante et assez dispersée, est Louis Barbey, né à Begnins en 1796, mort à Pau en 1855 ; il fit de nombreuses tournées en Haute-Loire comme envoyé de la Société continentale, eut maille à partir avec le consistoire de Saint-Voy (1823-1824), parcourut l’Ardèche, le Gard, le Béarn, se rendit à Londres, et de nouveau en Béarn où il collabora avec Pyt, à nouveau dans la Haute-Loire (1834-1835), pour revenir en Béarn. Des Français aussi se mirent à l’œuvre, Méjanel, qui avait été élevé à Genève, André Moureton, parti d’Annonay comme évangéliste itinérant, portant de l’Ardèche aux Pyrénées la ferveur de son dévouement ; et encore Napoléon Roussel (né en 1805, à Sauve, Gard), pasteur à Saint-Étienne, démissionnaire en 1835 et puissant évangéliste en Algérie, à Marseille, puis dans l’Ouest, mais voyageant partout (mort en 1878).


Haldane et Cook 

Dieu employa aussi des instruments venus directement du Réveil britannique. Robert Haldane, quittant Genève en 1817, séjourna deux ans à Montauban, où il se heurta à la défiance du doyen de la Faculté de théologie, Encontre, mais noua bien des relations dans tout le Midi et répandit ouvrages et brochures ; rentré en Écosse il ne cessa de s’intéresser à l’œuvre en France. Le méthodiste anglais Charles Cook, prodigieusement actif, fixé un moment en Normandie (1818-1820), vint ensuite dans le Gard (on y appellera en certains endroits les dissidents de son nom les « couques », et très généralement on les désignera, lors du Réveil, sous celui de méthodistes, avant de leur appliquer le sobriquet venu de Genève, les « mômiers », ou mômiens) ; il se rend ensuite dans l’Ouest (Niort 1828-1829), à Paris, et regagne le Languedoc en 1833, laissant partout des traces dont beaucoup furent bénies et durables. Il pensait réveiller l’Église nationale ; en fait, un peu partout des Églises dissidentes méthodistes furent le résultat de ses passages, de même que des Églises indépendantes étaient résultées du séjour de Pyt dans le Nord.


Quelques pionniers 


Il n’est nullement dans notre propos de faire une histoire suivie et détaillée de ce Réveil, laquelle ne serait guère possible, d’ailleurs, faute de documents. Il nous suffit d’avoir donné une idée de l’activité diverse qui se déploya alors. Mais nous devons présenter quelques figures particulièrement attachantes de ce temps-là.

Le Genevois Félix Neff (1797-1829), dont nous avons dit la conversion et les premiers travaux en Suisse, déploya une ardeur inlassable en France de 1820 à sa mort en 1829. Il fut soutenu par la Société continentale, mais n’eut pas de grandes ressources. Consacré à Londres, il ne fut jamais « confirmé » et c’est à titre auxiliaire qu’il exerça un ministère pastoral à Grenoble, puis à Mens, et enfin dans un district particulièrement âpre au cœur des montagnes alpestres. On l’a surnommé l’apôtre des Hautes-Alpes en raison de l’œuvre admirable d’évangélisation qu’il lui fut donné d’y faire et qui fut abondamment bénie du Seigneur. Il y joignait des tâches de toutes sortes, pour organiser l’instruction et améliorer les conditions d’existence d’une population très ignorante et pauvre. Il fit une courte visite aux vallées vaudoises du Piémont, en 1825, et y fut l’instrument de conversions. Son activité sans mesure épuisa rapidement sa santé, mais sa courte carrière a été féconde, et après plus d’un siècle on parle encore de lui avec autour et respect dans les hautes vallées de Freissinières et de Dormillouse. Un évangéliste méthodiste, Rostan, continua son œuvre dans une certaine mesure, avant d’être l’instrument d’un réveil dans le Gard en 1832.


Jean-Frédéric Vernier était, lui, du Jura français. Né à Pierrefontaine (Doubs) en 1796, converti en 1822 à cet Institut de Glay que H. Jaquet venait d’ouvrir, il en partit en 1826, sans consécration aucune, pour annoncer l’évangile, et il ne devait avoir pour toute ressource qu’une très maigre rétribution comme maître d’école des protestants de Roybon, jusqu’à ce que la Société continentale le prît comme évangéliste (1828). Il passa d’abord trois mois dans le Jura suisse, prêchant, visitant à domicile, puis se rendit en France. Il allait y travailler exclusivement, d’abord dans l’Isère, à Roybon puis à Mens, ensuite dans la Drôme, tant dans les montagnes du Diois (Valdrôme, Aucelon), que dans les environs de Valence (Montmeyran, Barcelonne, Romans). Il prêchait le simple et pur Évangile, avec tout à la fois une solennité et une affabilité qui touchait les cœurs. Son message était droit et vrai. « Vous êtes un déserteur, Monsieur ? lui demandait une femme en patois un jour qu’il cheminait dans les campagnes de la Drôme ». — « Je voyage, répondit Vernier, pour avertir les pécheurs de fuir la colère qui vient ». Un soir, à La Peyre, près de Mens, il ne cessa de parler de sept heures du soir à deux heures du matin : l’effet dans les cœurs était si puissant que personne ne voulait partir, et l’évangéliste épuisé quitta la salle. Il fut l’âme d’un beau réveil dans la Drôme (Romans, Montmeyran, Crest, Étoile) en 1835-1836, et 16 ans plus tard l’instrument d’un second (Montmeyran, La Baume-Cornillane). Après une réunion où plus de 25 personnes s’entretinrent avec lui jusqu’à une heure très avancée, plusieurs s’écriant en pleurant : « Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? » et recevant la paix, il écrivait : « Plus je vois ce qui se passe, plus je suis saisi… Je me sens indigne d’être ouvrier avec Dieu dans une œuvre si belle. Hier, bien des prières sont montées devant Dieu. C’était comme la lutte de Jacob avec l’ange, pour demander la délivrance des âmes travaillées ». Au terme d’une vie de labeur incessant au service du Maître, il fut recueilli dans son repos en 1872, à 76 ans.


Jean-Albert Dentan, né en 1805 à Lutry (Vaud), orphelin à douze ans, converti à seize, abandonne ses études de médecine pour servir le Seigneur, est chassé par son grand-père à cause de cette décision, fait des études à Paris grâce à R. Haldane, à l’Institut fondé par celui-ci, et est consacré en 1826. La Société continentale d’Édimbourg l’envoie comme « ministre de l’Évangile » à Lyon (il passera au service de la Société évangélique de France en 1833). Là il s’occupe d’un petit groupe de dissidents, mais rencontre A. Monod et, s’effaçant devant lui, décide de se consacrer à une région rurale difficile, le haut Plateau de Haute-Loire — Ardèche, où Louis Barbey avait déjà travaillé avec zèle et fruits, mais s’était heurté aux pasteurs et était parti en 1824. A. Dentan s’y établit, pour y rester toute sa vie (il est mort à Saint-Agrève en 1873), sauf quelques années à Combovin dans la Drôme (1845-1851) et au Vigan (Gard), (1852-1855). Sa carrière fut toute de dévouement. Sa haute valeur intellectuelle, au service d’une foi simple et d’une piété irréprochable, s’alliait à une humilité rare. Il réunissait inlassablement les personnes intéressées à l’Évangile dans les maisons particulières, comme dans les locaux qu’il put avoir successivement au Riou, à la Pireyre, plus tard à Saint-Agrève. Il visitait et soignait malades et isolés. Il eut dès le début les mêmes démêlés avec les pasteurs officiels qu’avait eus Barbet, et ensuite Vigier, autre évangéliste, originaire du pays, qui avait déjà constitué une Église indépendante dès 1829. Dentan se trouvait d’emblée séparé de l’Église nationale, mais il quitta la Société évangélique elle-même en 1842. Nous le retrouverons plus loin.


 Attitudes des Églises — L’hostilité



Effectivement, sans parler de l’hostilité inévitable de l’Église catholique, le travail des évangélistes du Réveil rencontra bien des oppositions au sein de l’Église protestante officielle, profondément remuée, quoi qu’il en soit. Le travail s’est fait en marge d’elle pour la plus grande part, mais l’a pénétrée, et l’action s’est prolongée sur place ; les fruits durables ont été le fait de pasteurs et de laïques touchés, grâce au Saint Esprit, par l’enseignement nouveau. Le corps pastoral s’est trouvé fort divisé. Les uns étaient favorables, même enthousiastes : ainsi les pasteurs Bonifas à Grenoble et André Blanc à Mens, vis-à-vis d’un Neff ou d’un Vernier ; dans l’Ardèche le pasteur Chabal, à Saint-Agrève, est sympathique aux évangélistes et apprécie beaucoup A. Dentan. Mais d’autres ont pris une attitude résolument et même violemment hostile, et cherché à tourner les autorités civiles contre ces intrus, sans y réussir sauf quelques cas isolés et sans gravité, surtout sous la Restauration (le règne de Louis-Philippe fut un peu moins favorable, à cause des passions politiques, mais on ne peut parler nulle part de véritables persécutions).

D’un côté les orthodoxes formalistes, peu soucieux des problèmes de la foi, étaient dérangés dans leur quiétude et dans leurs privilèges ecclésiastiques : Vernier eut à se débattre plus d’une fois contre des pasteurs prévenus ou jaloux (il n’en resta pas moins dans l’Église nationale). D’un autre côté il y avait les libéraux, aux tendances rationalistes et sentimentalistes à la fois, avec des hommes de haute valeur, comme Samuel Vincent et Athanase Coquerel, sensibles à l’esprit du Réveil, mais qui en jugeaient les doctrines excessives, les méthodes sectaires, et qui étaient inquiets des dissidences à prévoir.

Il ne pouvait manquer de s’en produire. Des conflits sérieux, avec schisme, eurent lieu à Lourmarin (Vaucluse) en 1828, la même année à Sainte-Foy (Gironde) où le pasteur vaudois Henriquet, devant l’attitude du consistoire, sépare une petite Église indépendante. Le même fait, on l’a vu plus haut, s’était produit en Haute-Loire : le conflit y avait éclaté quand L. Barbey avait refusé la Cène à ceux qu’il n’estimait pas en état de la prendre, et les pasteurs avaient exigé son départ ; ses amis s’étaient alors réunis entre eux, des pasteurs du Bourg de Four étaient venus les encourager, et un chrétien du pays, Vigier, avait pris la tête du mouvement, établissant une Église indépendante. Des faits analogues eurent lieu à Saint-Quentin avec Guillaume Monod. À Orthez, une dissidence, préparée par le travail de Pyt mais empêchée par lui, se produisit après son départ en 1831. Divers petits groupes se forment en Ardèche entre 1830 et 1840. Au total, il y avait plusieurs dizaines de ces communautés dans les diverses régions de France, surtout dans les campagnes du Midi et de l’Ouest, les montagnes cévenoles et vivaroises, la Saône-et-Loire (La Chapelle-Thècle et région de Chalon).

Dans les grandes villes, le Réveil toucha également des milieux populaires, mais plus encore des intellectuels, des gens d’affaires, la haute bourgeoisie. On est réjoui de penser au miracle de la grâce à l’égard des riches et des grands de ce monde (Matt. 19:23-26), mais la difficulté existait, pour les gens réellement pieux de ce rang, de conserver en même temps leur vie mondaine. Quoi qu’il en soit, à Paris, outre les réunions tenues dans des salons aristocratiques, la Chapelle de la rue Taitbout, fondée en 1830, réunissait, pour un culte non reconnu par l’État, un auditoire choisi ; les plus grands noms étaient là pour entendre le neuchâtelois Grandpierre, à l’occasion César Malan, etc. Le groupe, avec Agénor de Gasparin, Victor de Pressensé, Mme de Broglie, fille de Mme de Staël, l’amiral Verhuell, prendra une position indépendante, et demeurera dissident, jusqu’à la constitution d’une Église libre en 1849.


Adolphe Monod 

Le cas le plus marquant fut celui d’Adolphe Monod (1802-1856) ; Fils de pasteur, étudiant à Genève en 1819, d’abord défiant à l’égard de ce Réveil dont son nom devait devenir inséparable, il fut touché par le moyen de l’Écossais Thomas Erskine dès cette année-là, sans jouir cependant du salut ; même consacré, en 1824, il resta travaillé encore trois ans dans son âme, et ne fut délivré qu’à Naples, où il exerçait déjà un ministère, le 21 juillet 1827. « Une vie intérieure nouvelle commença pour moi, disait-il en évoquant ce moment sur son lit de mort. Oh ! si ces lignes pouvaient être pour vous ce que fut pour moi le soleil du 21 juillet 1827 ! ». Nommé pasteur à Lyon, en décembre de cette année-là, il y trouva A. Dentan déjà à la tête d’une communauté dissidente ; mais celui-ci laissa le champ libre au nouveau venu, de peu son aîné, lorsqu’il l’entendit prêcher le pur Évangile avec une singulière éloquence et une foi intrépide, réveillant la conscience aussi bien que touchant le cœur. « J’expose, disait-il, non mes pensées mais les pensées de Dieu, et je les expose revêtues non de mon langage, mais du langage de la Bible… J’exhorte à se convertir aujourd’hui ». Beaucoup de ses auditeurs furent amenés au Sauveur, mais il ne tarda pas à rencontrer l’opposition croissante de ceux qu’il dérangeait dans leur quiétude et qui demandaient qu’on leur enseignât non la repentance à salut mais ce qui était à leurs yeux « la plus belle, la plus difficile, la plus sainte des religions, celle des bonnes œuvres ». La bourgeoisie en voie d’enrichissement était plus disposée à donner pour des œuvres qu’à se « donner premièrement au Seigneur ». A. Monod entra en conflit avec le reste du corps pastoral qui lui reprochait de semer le trouble, et avec le libéralisme duquel il ne pouvait s’accorder. Comme, lui non plus, il ne voulait pas consentir à donner la Cène à des non-croyants, il fut révoqué en 1832. Il demeura quelque temps à Lyon, y fonda une « Église évangélique » indépendante. Mais, appelé à professer à la Faculté de Montauban, en 1836, il renoue avec l’Église réformée, et il ira onze ans plus tard comme pasteur à Paris, où sa prédication ardente émouvra bien des âmes. Il y mourra à 54 ans, épuisé, après avoir rendu un poignant témoignage au cours de longs mois de souffrances, et laissant un grand souvenir. Le Seigneur en son jour montrera les fruits de son ministère.

Conclusion 



C’est bien par devers Dieu que sont, en définitive, les résultats éternels de toute l’action du Réveil.

Dans l’ensemble, il a redonné une grande apparence de vitalité à toute la chrétienté occidentale ; il s’est accompagné, d’ailleurs, d’un admirable élan missionnaire en pays païens. Il a comporté une vivification réelle par la nouvelle naissance, d’un grand nombre d’âmes tirées tant du catholicisme que du protestantisme. Au point de vue ecclésiastique, on verrait, en suivant l’histoire de l’Église romaine, quels remous il y a provoqués ; dans les Églises protestantes de tous pays nous avons pu voir qu’il y a produit des dissidences multiples. Elles devaient aboutir à la formation d’Églises affranchies de la tutelle plus ou moins forte de l’État, et, pour beaucoup, d’une hiérarchie ecclésiastique. Des « Églises libres » virent effectivement le jour, après 1840, tant en Suisse qu’en France, en Allemagne, etc. à l’exemple de l’Écosse et de l’Angleterre. Nous n’avons pas à en faire l’historique. Actuellement on peut estimer que les quelque 250 millions de protestants dans le monde se répartissent en plus de 250 Églises, dénominations ou sectes, d’importance numérique très inégale. Cet « éclatement des Églises » avait commencé dès la Réformation, mais il est indéniable que le Réveil l’a considérablement aggravé.

Un tel émiettement de la chrétienté en compartiments séparés est de toute évidence la négation de l’unité effective de l’Église de Christ formée de tous les croyants. Or il y avait un tout autre chemin offert à l’Église appelée à se réveiller, et elle ne l’a pas pris. « Les enfants de Dieu, conviés à se rassembler sur la base de l’unité du corps de Christ, dont ils sont membres, ont refusé de le faire. Pas plus qu’Israël (Ésaïe 49:5), l’Église ne s’est rassemblée » (H. R). Mais ce chemin qu’ouvrait le Réveil évangélique — se rassembler vers Christ seul, en dehors du monde, de toute Église organisée par les hommes, de tout « système » humain — n’en était pas moins celui qui s’imposait et qui continue à s’imposer à quiconque a compris la vocation céleste de l’Église et la présence du Saint Esprit ici-bas.

Le travail que Dieu a opéré pour que cela fût mis en lumière constitue cette autre face de Réveil sur laquelle nous avons maintenant à nous arrêter.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016, 21:09

Le Réveil : L’Église selon l’Écriture


 L’attente du retour de Christ


Le renouveau d’intérêt pour l’Écriture amena un grand nombre de croyants à prendre conscience de l’importance de ce que Dieu a révélé au sujet de l’Assemblée, corps de Christ, de son appartenance céleste et de la position qui en résulte pour elle dans le monde. Par là même la parole prophétique, qui occupe une si grande place dans l’Écriture, fit l’objet d’une attention particulière de la part de chrétiens désireux de connaître l’espérance de l’Église ainsi que ce qui concerne le peuple d’Israël, sa restauration dans le pays de ses pères et la gloire du règne du Messie qui en résultera. Les prophéties non encore accomplies, en rapport avec la seconde venue de Christ, avaient déjà été considérées, en particulier un siècle plus tôt soit en Angleterre par D. Whitby, soit en Suisse par Crinsoz de Bionnens dans son Essai sur l’Apocalypse (1729) ; l’intérêt s’en ralluma avec les bouleversements du tournant du siècle. Un des ouvrages qui devaient susciter l’intérêt le plus intense dans divers milieux chrétiens s’intitulait La venue du Messie en gloire et en majesté : il parut en 1812, et son auteur était un Jésuite né au Chili mais qui vécut en ermite en Italie centrale , Manuel de Lacunza (1731-1801), connu aussi sous son pseudonyme Jean-Joseph Ben-Ézra. Publié en espagnol, il fut traduit en anglais en 1826 et produisit dans les pays anglo-saxons une sensation profonde. Il affirmait, entre autres, d’après l’Écriture, deux résurrections, celle des saints avant le millénium, celle des méchants ensuite. Il contribua à réveiller les chrétiens pour attendre le retour personnel du Seigneur Jésus Christ.

La traduction anglaise était de E. Irving (1792-1834), et précédée d’une préface rédigée par lui : c’était un Écossais, éloquent prédicateur de l’Évangile, qui se consacra dès lors à proclamer le retour de Christ. Ses appels puissants tirèrent bien des indifférents du sommeil de la mort. Irving tomba malheureusement dans de graves erreurs relativement à la Personne du Fils de Dieu et à l’action du Saint Esprit, et le ministère que le Seigneur lui avait confié s’en trouva gravement compromis. Il est à l’origine d’une secte, la Communauté néo-apostolique. Plus d’un serviteur doué a comme lui, par manque de vigilance, ruiné son activité dans l’Église.

Tandis que se multipliaient les publications sur la prophétie (on a compté plus de cent ouvrages et au moins dix périodiques publiés en anglais, traitant spécialement du second avènement de Christ), s’organisaient des « réunions prophétiques » où l’on approfondissait ces vérités bibliques ; beaucoup de chrétiens propageaient les découvertes qui se faisaient dans l’Écriture, et ainsi fut stimulé le zèle des enfants de Dieu pour attendre des cieux le Fils de Dieu. Certaines, comme celles qui se tinrent à Albury (Sussex) chez Henry Drummond, de 1826 à 1830, devaient malheureusement favoriser l’irvingisme. D’autres furent organisées par les soins de Lady Powerscourt, de 1831 à 1833, dans son domaine de Powerscourt au sein d’un district montagneux de l’Irlande : là devait être décisivement mis en relief le devoir des chrétiens fidèles, d’attendre Christ et de prendre position vis-à-vis d’un monde christianisé mais en voie d’apostasie, sur lequel le jugement allait s’exécuter.

« Voici l’Époux ; sortez à sa rencontre ! ». Depuis lors le nombre de ceux qui attendent le retour du Seigneur n’a fait que s’accroître dans toute la chrétienté, Église catholique comprise. Mais sa parole « aux autres qui sont à Thyatire » : Ce que vous avez, tenez-le ferme jusqu’à ce que je vienne », demeure, aussi bien que sa promesse et son avertissement à Philadelphie : « Je viens bientôt ; tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne » (Apoc. 2:25 ; 3:11).

« L’Esprit et l’Épouse disent : Viens. Et que celui qui entend dise : Viens… Celui qui rend témoignage de ces choses dit : Oui, je viens bientôt. — Amen ; viens, Seigneur Jésus » (Id. 22:17:20).


 Prise de conscience de la vocation de l’Église  


On comprend ainsi que conjointement à cette redécouverte de la promesse de Christ, une autre fût faite dans les Écritures : celle de l’appel, de la position et de l’espérance propres à l’Église. Formée de tous ceux qui, « retirés du présent siècle mauvais », sont des enfants de Dieu unis à Christ, l’homme glorifié dans le ciel, elle est un corps étranger à ce monde, où elle est laissée pour rendre témoignage à son Époux céleste, en L’attendant.

Cette découverte eut pour effet d’opérer, par le Saint Esprit, chez beaucoup d’hommes pieux une profonde humiliation devant le Seigneur, en considérant que ce qui porte ici-bas le nom d’Église chrétienne s’achemine vers une ruine sans remède. Puis le même Esprit leur montra dans la Parole de Dieu toutes les directives nécessaires à la marche des croyants, collective aussi bien qu’individuelle, ainsi que d’autres vérités de prix, méconnues depuis de longs siècles.


Le seul corps 

Ils furent amenés à comprendre qu’en demeurant attachés à leurs diverses organisations ecclésiastiques ils niaient pratiquement l’unité de l’Assemblée de Dieu : du moment qu’ils se joignaient à l’une ils n’appartenaient pas à une autre, et prétendre qu’en les juxtaposant toutes en un ensemble composite on fait l’unité de l’Église revient à nier expressément que chaque croyant, et non un groupe de croyants rassemblés selon leurs vues propres, est un membre du seul corps dont Christ est la tête. Fortifiés dans la foi, enseignés et préparés par la grâce de Dieu à vivre eux-mêmes sobrement, justement, pieusement, séparés personnellement du monde, ils firent le pas qu’entraînait pour eux l’obéissance à la Parole : se retirer de ces organisations religieuses pour se réunir au nom du Seigneur Jésus autour de sa Table, la Table du Seigneur, dressée par l’Esprit et non par les hommes, sur le principe de l’unité du corps de Christ, en dehors du monde et de sa religion. Cela ne s’est pas fait, pour tous, au même instant ; les exercices ont été plus ou moins profonds et plus ou moins longs, et ils ont eu lieu en bien des endroits différents, mais le même Esprit les produisait.

Il ne s’agissait pas seulement de ressentir, si douloureusement que ce fût, l’absence de vie spirituelle et de communion fraternelle qui caractérisait les Églises officielles. Nous avons vu que les yeux de beaucoup de chrétiens avaient été ouverts en plusieurs pays pour les en faire sortir ; d’autre part ces Églises elles-mêmes avaient été plus ou moins pénétrées par le Réveil évangélique ; même l’idée de l’unité des chrétiens était agitée jusqu’au sein du clergé évangélique anglican au début du siècle. Mais le principe même des Églises ou dénominations, séparées ou non de l’État, était contraire à l’unité de l’Esprit, et pour garder celle-ci il fallait, pour ceux qui confessent le nom du Seigneur, après s’être retirés de l’iniquité », se rassembler au seul nom du Seigneur, et sans autre ministère que celui, souverain et fécond, du Saint Esprit.


La Cène



Il n’est guère possible de savoir qui a été le premier éclairé et a pris l’initiative de la fraction du pain en dehors de tout système religieux. Ce sont de ces questions sans profit. Dieu sait dans quelle mesure il a permis, dans tous les temps, que quelques-uns de ses enfants fassent ainsi, avec la simplicité des débuts de l’Église. Il est probable qu’à cette époque du Réveil cela s’est produit, au moins occasionnellement, en beaucoup de lieux qui s’ignoraient, soit sur le continent soit dans les îles Britanniques, soit en Amérique. Le fait est certain pour telles localités de l’Irlande, par exemple à Ennis, dans le Sud-Ouest de cette île, dès avant 1828, et à Dublin.

Dans cette ville, des relations différentes mais non contradictoires montrent, dans les années 1826 à 1828, au moins trois petits groupes de personnes conduites à se rassembler le dimanche non seulement pour prier et lire la Parole, mais pour l’un en tout cas, dès 1826, prendre la Cène ensemble sans intentions bien nettes autres que de se souvenir ensemble de leur Sauveur. Les uns, comme E. Cronin, étaient des Indépendants venus à Dublin et qui n’avaient pas voulu se plier à être enregistrés dans une congrégation fermée. Les autres étaient des chrétiens de diverses origines qui, mis fortuitement en rapport, avaient constaté leurs vues communes sur l’état du monde religieux : il y avait là A. N. Groves, qui, converti en 1817 avait un peu plus tard résolu de quitter un cabinet de dentiste prospère à Exeter (Devonshire) pour l’œuvre missionnaire ; pensant avoir besoin d’être pour cela consacré, il venait périodiquement à Dublin, pour faire ses études théologiques, quand il avait compris l’inutilité de cette ordination. Il avait rencontré entre autres J. G. Bellett, jeune avocat converti en 1817 en lisant un livre au cours de ses études, et prêt à renoncer lui aussi à sa profession. Ils s’étaient édifiés mutuellement et Groves avait particulièrement éclairé son ami sur le rassemblement autour du Seigneur ; ils furent amenés à se réunir simplement avec deux ou trois autres. Un autre groupe se trouvait dans un état d’esprit analogue, avec W. Stokes et John Parnell (qui devint plus tard lord Congleton). Aucune de ces petites compagnies n’avait l’idée de se placer définitivement en dehors de tout système, mais désirait plutôt être libre avec tous. Ils se rencontrèrent, de proche en proche, et plusieurs en particulier chez Francis Hutchinson, où se trouvait, pour un temps, un pasteur anglican du comté montagneux de Wicklow, John Nelson Darby, ancien condisciple et ami de J. G. Bellett. Ceci, autant qu’on puisse le déterminer, dans l’hiver de 1827-1828.

C’est chez F. Hutchinson que devait avoir lieu la réunion, avec fraction du pain, dans laquelle on voit généralement le point de départ du témoignage des « frères », et à laquelle participaient J. G. Bellett, E. Cronin, J. N. Darby et F. Hutchinson. Mais il apparaît assez difficile de la dater exactement, les documents qui en parlent, par lettres ou autres relations, émanant de participants qui évoquaient leurs souvenirs plus de quarante ans après, et sans excès de précision chronologique. Il est vraisemblable qu’au moins une réunion de la sorte, mais où l’on n’avait nullement l’intention d’ouvrir une suite ininterrompue, a eu lieu en 1828 ou au début de 1829, et que c’est seulement en novembre 1829 que se tint la première réunion délibérément et régulièrement renouvelée depuis.

Ce n’est pas sans motif que Dieu a permis l’incertitude de ces données initiales. Rien ne souligne mieux qu’il ne s’agissait pas d’une action irréfléchie, pas plus que d’un entraînement à la suite d’un homme. Rien de sectaire ni d’impulsif, mais le travail de l’Esprit de Dieu s’opérant simultanément chez plusieurs, avec une profondeur et une lenteur différentes selon les personnes.


L’Assemblée d’Aungier Street 


Quoi qu’il en soit, on continua de se réunir Fitzwilliam Square, à Dublin, chez F. Hutchinson, pendant quelques mois, et des âmes furent ajoutées, dont lord Congleton, Andrew Miller, W. Stokes. Le nombre croissant, quelques-uns, pensant aussi qu’un témoignage public était nécessaire c’était le cas de lord Congleton qui était pourtant d’une extrême humilité personnelle — louèrent en mai 1830 un local de ventes aux enchères, dans la rue Aungier (Aungier Street) : ce fut la première salle de réunions publique des « frères ». Afin de la préparer pour le culte, trois ou quatre avaient l’habitude le samedi soir d’enlever les meubles et objets divers qui l’encombraient. L’un d’eux, Cronin, évoquant ce travail, disait 50 ans plus tard : « Quel temps béni, inoubliable, pour mon âme ! Car dans ce service nous avions, à n’en pas douter, la présence du Maître, son sourire et son approbation ». Ceux qui entraient pour la première fois étaient saisis par la puissance, la fraîcheur et l’onction avec lesquelles la Parole était présentée, et par le sentiment de la présence du Seigneur, malgré l’étrangeté du lieu, qui contrastait avec la décoration des églises et chapelles auxquelles ils étaient habitués. Plus tard les frères eurent la salle entièrement pour eux, et s’y réunirent plusieurs années.

La nouvelle de ce mouvement se répandit, excitant un vif intérêt. Ce qui frappait aussi, c’est que, malgré l’absence de toute direction apparente, ces rassemblements, de plus en plus nombreux, ne portaient aucune trace de désordre. Aussi les vérités qui avaient donné naissance à ce témoignage furent-elles appliquées avec puissance à bien des cœurs, et un grand nombre de croyants demandèrent à participer à la Cène du Seigneur. Et cela non seulement à Dublin, mais en d’autres endroits d’Irlande et d’Angleterre où des réunions semblables virent le jour.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016, 21:10

Les « frères  »


Sil est sans profit de demander qui a été l’instigateur principal du mouvement — ce que montrera le Jour de Christ — nous pensons avec reconnaissance à ce noyau de chrétiens pieux et hautement qualifiés dont Dieu s’est servi pour remettre en lumière les riches vérités relatives à l’Assemblée, et tant d’autres qui étaient plus ou moins oubliées, sinon totalement, depuis les temps apostoliques, vérités non point spéculatives mais d’une grande portée pratique : ainsi l’affranchissement du chrétien, les grandes dispensations, les opérations du Saint Esprit, la venue du Seigneur. Nous ne pouvons penser à eux sans évoquer avec force Hébreux 13:7 : « Souvenez-vous de vos conducteurs qui vous ont annoncé la parole de Dieu », et rendre grâces à Celui qui les a donnés. La meilleure manière d’ » imiter leur foi » est de nous enquérir de leurs enseignements, et de prendre le temps et le soin de les lire. Dieu avait préparé là des hommes de haute intelligence, exceptionnellement instruits, mais les avait fait passer par des exercices d’âme profonds, les amenant à abandonner toute haute idée d’eux-mêmes et toute confiance en leurs capacités, pour se mettre tout entiers, dans une piété humble et un renoncement qui recommandaient leur enseignement, à l’école et au service du Seigneur. L’un d’entre eux, quoique « inconnu », est « bien connu » ; nous voulons parler de J. N. Darby, sans perdre de vue ceux qui lui ont été étroitement liés en ces débuts d’une œuvre à propos de laquelle il a écrit : « Beaucoup d’autres y ont travaillé, et plusieurs avec bien plus de dévouement que moi, même avec un résultat plus marqué pour ce qui regarde la bénédiction des âmes ».


John Nelson Darby, né à Londres en 1800, d’un riche Irlandais, grand propriétaire et négociant, fit de fortes études à Trinity College (l’Université de Dublin), et il allait débuter comme avocat lorsqu’il se sentit appelé par Dieu à se consacrer à son service. Il abandonna le barreau et fut ordonné diacre de l’Église anglicane en 1825, puis ministre l’année suivante. Il avait passé par un poignant travail d’âme pendant sept années, pour jouir ensuite d’une paix parfaite par la foi en Christ et en son oeuvre, saisissant avec une entière certitude la position du croyant en Christ — uni à Christ glorifié, agréé en lui et assis en lui dans les lieux célestes. Il commença en 1825 son ministère dans une pauvre cure de la rude contrée de Wicklow, en Irlande ; il s’y dévoua à tous, au détriment de sa santé, et Dieu bénit son activité, tant pour ses paroissiens, la plupart indigents et très ignorants, que pour les nombreux catholiques de la région. Mais de nouveaux problèmes travaillaient sa conscience et son esprit, cette fois quant à sa position ecclésiastique : ce n’est pas seulement qu’il voyait bien des maux et des inconséquences dans l’état de l’Église anglicane, mais il était amené à comprendre que tous les croyants étaient un en Christ, et que donc la véritable Église était un avec son Chef glorifié, un seul corps, le corps de Christ. Des débats avec son archevêque, à propos des rapports entre l’Église et le pouvoir civil, furent l’occasion pour lui d’exposer par écrit quelques-unes de ces considérations. C’est alors qu’ayant dû, à la suite d’un accident de cheval, faire un séjour à Dublin, il y noua, comme on l’a déjà vu, des relations avec d’autres chrétiens préoccupés de la même manière. L’amitié qui le liait avec J. G. Bellett se trouva resserrée. Elle devait durer jusqu’à la mort de ce dernier : J. G. Bellett termina en 1864 une carrière bénie au service du Seigneur, en laissant des écrits qui font toujours les délices de ceux qui ont reçu en partage une foi d’un pareil prix. À l’époque dont nous parlons il revenait d’un séjour à Londres, où il s’était rencontré avec des chrétiens étudiant la prophétie ; il y avait été prodigieusement intéressé, mais se trouva particulièrement heureux de voir l’écho que ce qu’il en rapportait trouvait chez son ami J. N. Darby. Celui-ci n’abandonnait pas pour autant sa cure et retourna dans ses montagnes, où il resta un an encore ; puis il se démit de ses fonctions mais non de la prêtrise, et c’est en clergyman qu’il voyagea en Irlande et en Angleterre, pour ne rompre tous liens avec l’Église établie que vers 1835-1836, après d’autres heurts avec des archevêques successifs. Une telle attitude n’avait rien d’équivoque. Elle témoigne seulement de la profondeur du travail qui s’opérait en lui. Il se refusait à laisser penser que s’il se détachait de l’Église établie, c’était pour créer une nouvelle dissidence. Un de ses anciens amis l’interpellant vers 1834 : « Eh bien, vous nous avez quittés, John ? à quelle Église vous êtes-vous joint ? » — « À aucune, répondit-il, je n’ai rien à faire avec les dissidents ; jusqu’ici c’est moi ma propre Église ».

Mais c’est lui plus que tout autre que Dieu employa pour faire connaître les doctrines que ses amis et lui puisaient dans la Parole. Dès 1828, une brochure vigoureuse (*) exprimait ce que les frères, en voie de se réunir régulièrement, allaient chercher à pratiquer. Elle garde toute son actualité, car y sont définis tous les éléments distinctifs d’un témoignage à rendre, selon la Parole, à l’existence de la vraie Église et à l’unité du corps de Christ, que contredit toute Église particulière. « Celui qui cherche les intérêts d’une dénomination particulière, écrivait-il, est ennemi de l’œuvre de l’Esprit de Dieu, et ceux qui croient en « la puissance et la venue du Seigneur Jésus Christ » doivent se garder soigneusement d’un tel esprit… Nul rassemblement, s’il n’est pas formé pour embrasser tous les enfants de Dieu sur la base complète du royaume du Fils, ne peut trouver la plénitude de la bénédiction, parce qu’il ne l’a pas en vue et que sa foi ne l’embrasse pas… Le symbole extérieur et le moyen d’exprimer l’unité est la participation à la Cène du Seigneur : « Car nous qui sommes plusieurs, sommes un seul pain, un seul corps, car nous participons tous à un seul et même pain… ». L’unité est ce en quoi l’Église se glorifie, mais l’unité qui a pour but de favoriser et d’assurer nos propres intérêts n’est pas l’unité de l’Église : c’est une confédération qui renie la nature et l’espérance de l’Église. L’unité qui est vraiment celle de l’Église est l’unité de l’Esprit et ne peut être réalisée que dans les choses de l’Esprit ».


(*) Considérations sur la nature et l’unité de l’Église de Christ. Dublin 1828.


Caractères du mouvement 

Un témoin de ces temps a écrit : « Les effets de ces enseignements si clairs, si solennels, si fondés dans l’Écriture, furent grands et immédiats. Ils trouvèrent un écho dans beaucoup de cœurs chrétiens. Des hommes pieux, en des lieux divers, sentant qu’il leur était impossible de continuer avec l’état de choses existant dans l’Église professante, accueillirent avec joie la vérité ainsi placée devant eux et quittèrent leurs dénominations respectives. Les traités et les livres se succédaient rapidement, toujours clairs et pleins. En ces jours de fraîcheur et de simplicité virginale, les âmes croissaient rapidement dans la grâce et la connaissance du Seigneur et de sa vérité. Beaucoup se demandaient jusqu’où cela irait. Mais le Seigneur travaillait et un grand nombre suivaient » (Andrew Miller).

Un autre rapporte que « parmi ceux qui se séparèrent des diverses organisations, il y avait des hommes remarquablement doués, des hommes de poids, d’une haute et puissante intelligence, des membres du clergé, du barreau, de la magistrature, des officiers de l’armée et de la marine, des médecins, des gens d’une position sociale élevée. Leur sécession, comme on peut le penser, causa un émoi considérable et amena une vive opposition. Plus d’un lien d’amitié fut rompu, plus d’une affection précieuse brisée, il y eut bien des sacrifices, bien des peines à endurer, des épreuves à subir, des reproches à recevoir, et le mépris, et la persécution (C. H. Mackintosh).

Beaucoup, comme le dit encore A. Miller, pensaient que le mouvement serait rapidement réduit à néant du moment qu’il n’y avait ni organisation définie, ni ordre clérical, ni confession de loi, ni lien visible d’union, ni président, ni ministre consacré. Mais le Seigneur était avec ces frères, selon sa promesse d’être au milieu des deux ou trois assemblés en son nom. Lui était la joie, la bénédiction et l’édification des siens, et Il les fortifiait.

II n’y a pas à s’étonner qu’il y ait eu des tâtonnements dans leur façon de se réunir, mais ils comprirent bientôt que la liberté de l’Esprit excluait toute règle et toute routine. Il fallut aussi, nous venons de le voir pour J. N. Darby lui-même, le temps nécessaire pour une application totale des principes émis et une rupture décisive avec les milieux ecclésiastiques. A. N. Groves, qui fit une belle carrière missionnaire en Mésopotamie et dans l’Inde, ne s’en sépara jamais entièrement. J. G. Bellett, en 1834, « n’était pas encore vraiment détaché de l’Église établie ». Ils avaient à apprendre la portée de la séparation qu’impliquait l’obéissance à Dieu. J. N. Darby écrira à un ami en 1851 : « Je crois que lors de ma délivrance de la servitude en 1827-1828, Dieu mit au jour certaines vérités dont l’Église avait besoin. Je crois aussi que, bien qu’en m’attachant à ces vérités et en cherchant à aider les âmes par elles, j’ai enlisé celles-ci pour avoir ce qu’on appelle la paix et l’union. Je n’entre pas dans la question de savoir dans quelle mesure cela fut permis, ou dans quelle mesure une répugnance naturelle pour les conflits se mêlait à la grâce, mais il en fut ainsi… ». Mais cela n’empêchait pas les frères d’aller de l’avant dans une indépendance totale à l’égard des hommes, annonçant l’Évangile aux inconvertis ou enseignant aux enfants de Dieu les vérités qu’ils avaient reçues : dans une petite ville où ils n’étaient qu’une douzaine, ils avaient tous l’habitude après la cène, chaque dimanche, de se disperser dans les villages voisins pour prêcher l’Évangile librement et avec zèle. Les écrits des frères se répandaient au-dehors, nombre de croyants se familiarisaient avec l’appel céleste, la position, les privilèges, les responsabilités, l’administration et l’espérance de l’Assemblée de Dieu.


 Le ministère



En rapport avec ces vérités se posait pour eux la question, essentielle, du ministère, spécialement du ministère de la Parole par des évangélistes, des pasteurs, des docteurs. Des passages comme Éphésiens 4:7-12 montraient que Christ, après avoir accompli la rédemption et avoir été élevé à la droite de Dieu, a donné l’Esprit pour former, édifier et nourrir l’Assemblée par ces « dons ». Il les lui assure. Il les confère à qui il veut, et les siens ont à les « désirer ardemment » pour que les pécheurs obtiennent le salut et que les membres du corps de Christ croissent jusqu’à « la plénitude » de Celui-ci (v. 13). Or, dans les diverses dénominations religieuses, sans parler du clergé catholique, le ministère est réservé de façon exclusive à des hommes consacrés par des hommes, selon des règlements établis, le plus souvent différents d’une Église à l’autre. Il est ainsi entravé de mille manières dans la chrétienté. Ces obstacles tombèrent lorsque les frères se placèrent simplement dans la liberté et sous la dépendance de l’Esprit Saint seul. Conduits par Lui, ceux qu’il y appelait purent annoncer sans réserves « les choses merveilleuses de Dieu », trouvées dans sa Parole, le même Esprit les guidant dans toute la vérité (Jean 16:13). Les frères ont toujours maintenu que l’organisation humaine du ministère établi par les hommes, contredit l’Écriture et produit des effets désastreux. « Un homme préparé par des études, mais sans don de l’Esprit, et peut-être étranger à la vie divine, peut, s’il est régulièrement consacré, exercer ce qu’on appelle le « saint ministère » dans le système ecclésiastique auquel il appartient. Par contre un vrai croyant qui posséderait les dons de l’Esprit les plus caractérisés, soit pour prêcher soit pour enseigner, conféré par Christ, chef de l’Assemblée, mais qui n’aurait pas été dûment consacré à la manière des hommes, ne pourrait en exercer aucun ».
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016, 21:10

Extension du mouvement



Des réunions analogues à celle de Dublin ne tardèrent pas à s’établir dans le reste de l’Irlande, surtout dans le sud-ouest, à Limerick, mais aussi à Cork, et à l’intérieur (Granard). J. N. Darby y voyagea beaucoup, principalement en 1830, et y revint fréquemment ensuite.

Il faisait entre-temps des séjours en Angleterre, où l’œuvre se développa aussi. Il est à Cambridge, puis à Oxford, ensuite à Londres, en 1830, revient à Oxford l’année suivante. Il y fait la connaissance de B. W. Newton, qui s’y préparait à l’ordination, et il se lie avec un futur compagnon d’armes, précieux et fidèle, G. V. Wigram. Converti en 1824, à 19 ans, celui-ci avait abandonné une carrière militaire prometteuse pour étudier lui aussi en vue de la prêtrise. Là encore J. N. Darby trouva J. L. Harris, un diplômé d’Oxford, pasteur près de Plymouth, et un ministre d’Oxford, fougueux calviniste, Bulteel ; celui-ci dans un sermon retentissant attaqua avec virulence l’Église établie (1831), et aida ainsi à la rupture des frères avec cette Église, en ce que J. N. Darby écrivit une brochure pour le soutenir ; mais il ne se joignit à eux que plus tard.


 Plymouth 


L’année suivante (1832), plusieurs de ces gens d’Oxford se retrouvaient à Plymouth. C’est là qu’habitait Newton, et il invita J. N. Darby à y venir, des portes s’ouvrant pour la Parole. Wigram, originaire lui aussi du Devonshire, avait été nommé à une cure près de Plymouth, dans le moment où Harris renonçait à la sienne. Vinrent aussi George Müller, un Allemand converti à Halle, pasteur baptiste mais lui aussi « réveillé » quant à l’Église, et son collègue et ami Craik, beau-frère de Groves : et enfin un officier de haut grade de la marine royale, Percy F. Hall, qui, converti, annonçait l’Évangile à travers la région environnante avant de donner sa démission, se trouva en rapport avec ce noyau. Un peu plus tard, en 1835, devait s’y joindre S. Tregelles, l’un des plus éminents et des plus pieux exégètes des textes bibliques. J. N. Darby eut plusieurs années son point d’attache à Plymouth. Il prêcha dans les églises, puis une chapelle désaffectée servit de local à l’assemblée qui s’était formée et qui devint rapidement nombreuse, dépassant 700 personnes. Plymouth se trouva ainsi en vue. Les frères frappaient non seulement par ce qu’ils enseignaient mais par leur manière de vivre, très simple, sobre, digne de la Parole, et cela d’autant plus que beaucoup étaient connus comme sortant de milieux humainement distingués. C’est à Plymouth que la grâce divine poussa plusieurs à consacrer au Seigneur leurs biens matériels : bijoux, meubles de prix, furent vendus aux enchères, et celles-ci durèrent trois jours (1838) ! Le produit de la vente fut employé à l’œuvre du Seigneur. Les frères continuaient à répandre l’Évangile alentour. Comme ils n’appartenaient à aucune dénomination du pays, on parlait d’eux comme des « frères venus de Plymouth ». C’est à Plymouth, d’autre part, que furent publiés un grand nombre de leurs traités et brochures, et que commença de paraître, en 1834, le premier périodique des frères, « The Christian Witness », édité d’abord par H. Borlase, puis, à la mort de celui-ci en 1835, par J. L. Harris. On sait que l’appellation de « frères de Plymouth » devait se propager dans le monde entier. Mais ni à Plymouth ni ailleurs les frères n’ont revendiqué d’autre titre que celui donné par le Seigneur en Matthieu 23:8 quand il leur dit : « Un seul est votre conducteur, le Christ ; et vous, vous êtes tous frères ».


 Extension en Angleterre et opposition 

Le mouvement s’étendit peu à peu en Angleterre. Müller et Craik s’établirent à Bristol, dès 1832 ; le noyau d’Exeter donna naissance à une assemblée. Dans le nord-ouest du Devonshire, à Barnstaple et dans la région, des communautés toutes rurales étaient préparées par l’enseignement d’un évangéliste très simple mais fervent, R. Gribble, qui depuis une quinzaine d’années était l’instrument d’un beau réveil ; un chrétien pieux et doué s’y établit en 1832 et y fut en grande bénédiction, R. C. Chapman, celui qu’on appela plus tard le patriarche de Barnstaple (1803-1902).

À Londres les premières réunions de frères furent encouragées par G. V. Wigram qui y travailla en 1833. D’autres s’établirent à Bath, à Hereford, à Kendal, à Stafford, d’autres en Écosse.


Une opposition acharnée ne tarda pas à s’élever, surtout de la part des divers clergés. On ne peut s’en étonner ; la position prise par les frères constitue en effet un témoignage décisif contre toute organisation humaine et l’adversaire du Chef de l’Assemblée ne pouvait rester inactif. Toutefois ses efforts pour détruire ce témoignage à sa naissance tournèrent à sa confusion. En quelques années de tels rassemblements se multiplièrent dans toutes les îles Britanniques, en même temps que le mouvement s’étendait en d’autres pays d’Europe et d’Amérique déjà touchés et préparés par le Réveil évangélique. Nous ne pouvons songer qu’à donner quelques brefs aperçus de cette extension. Au reste, il est probable qu’une histoire détaillée en serait impossible : le Seigneur, qui s’est réservé de connaître les œuvres de l’assemblée de Philadelphie, a mis dans son « trésor particulier » ce qu’Il a trouvé pour Lui dans cette période bénie d’un témoignage philadelphien.


En Suisse 

On trouve J. N. Darby en Suisse à l’automne de 1837. Il était venu, dit-il, sans aucun dessein de travailler dans ce pays, mais attiré par la présence de frères dont on lui avait dit qu’ils se réunissaient à peu près comme ceux avec qui il se rassemblait en Angleterre. Il fit un premier séjour, assez court semble-t-il, à Genève, puis y revint en août 1839. Il devait avoir pendant plus de cinq ans, jusqu’en janvier 1845, sa résidence ordinaire en Suisse malgré des voyages assez brefs en France et des échappées en Angleterre.

« Je prêchais et j’enseignais ce que je connaissais, écrira-t-il : la pleine et sainte liberté de l’Évangile, l’assurance du salut en contraste avec la loi, la position et les privilèges de l’Église, et la venue du Seigneur pour la prendre à Lui, de même que l’habitation du Saint Esprit dans l’Église et dans chaque membre ici-bas ».


Les débuts des frères à Genève  

À Genève où il demeure d’août 1839 à mars 1840 et où il revient à plusieurs reprises pour de plus brefs séjours, il est depuis 1837 en relation étroite avec l’Église dissidente du Bourg de Four (de la Pélisserie à partir de 1839). Très cordialement reçu, il exerce là un ministère béni. Mais la sincère affection qui le liait, dans une estime réciproque, aux « frères pasteurs », Guers, Lhuillier, Empaytaz, et tous les efforts qu’il déploya avec grâce et patience, ne purent empêcher que s’aggravât la divergence qui, dès avant sa venue, séparait ces pasteurs de leur troupeau. Ils persistaient à maintenir la nécessité d’un ministère officiellement reconnu, et d’anciens établis, alors que beaucoup de frères avaient été depuis longtemps amenés à désirer la liberté de l’action du Saint Esprit dans l’assemblée, comme en témoigne une lettre touchante adressée de leur part « à leurs frères et pasteurs bien-aimés, en 1837 (voir ci-dessous). L’enseignement de J. N. Darby acheva de les éclairer, mais non les pasteurs. Après avoir longtemps patienté, une quarantaine de ces frères finirent par se réunir à part, le 3 mars 1842, avec parmi eux, le respecté J. Foulquier. Ce fut le noyau de l’assemblée dite de l’Ile. J. N. Darby n’était pas à Genève à ce moment. Quant à l’Église de la Pélisserie — qui subsiste encore après quelques mues — la plupart de ses membres devaient quelques années plus tard, avec d’autres dissidents (de l’Oratoire en particulier), se rattacher à l’Église évangélique indépendante de Genève, constituée en 1848.


 À Lausanne 

J. N. Darby avait cependant espéré, en 1840, le maintien, dans la « chère assemblée » de la Pélisserie, de l’unité de l’Esprit. Quittant Genève en mars de cette année-là, il laissait les frères « dans une grande paix », et il pensait regagner l’Angleterre. Mais Dieu le voulait encore en Suisse. « Soudainement arrêté » à Lausanne, selon ses propres expressions, il s’y installa « dans un logement solitaire, ne connaissant personne », sinon quelques âmes qui cherchaient leur voie et à l’égard desquelles il se sentait « une sorte de responsabilité ». Son enseignement suscita des remous parmi les dissidents groupés autour des frères Henri et François Olivier. Henri abandonne le pastorat ; François, qui inclinait vers les idées perfectionnistes (wesleyennes) propagées par des méthodistes actifs, se rallie sur ce point à J. N. Darby qui rétablissait la vérité selon l’Écriture. Mais comme à Genève, ces conducteurs du troupeau dissident, de même qu’Auguste Rochat à Rolle, achoppèrent sur la question de la liberté d’exercice des dons et du rassemblement indépendant de tout corps constitué. D’où une situation confuse ; elle aboutit — après une Conférence fraternelle (septembre 1842) qui fit ressortir l’impossibilité pour J. N. Darby de marcher avec la dissidence, représentée par la réunion dite de Saint-Pierre — à une assemblée dégagée de tout système. La réunion de Saint-Pierre devait se fondre dans l’Église libre naissante, en 1848. J. N. Darby semble s’être éloigné au milieu de 1843, pour revenir l’année suivante, en août, après avoir visité la France, l’Angleterre et la Hollande.


 En Suisse romande 

Mais l’œuvre en Suisse s’étendait en son absence. Ses séjours à Genève et à Lausanne avaient été coupés de nombreux déplacements à travers le Pays romand, avec par exemple un séjour d’une quinzaine à Neuchâtel en novembre 1839, un autre dans la vallée de Joux en janvier 1843. Des évangélistes et des prédicateurs, dont quelques-uns étaient des vétérans du Réveil des années 1820, n’avaient pas tardé à se joindre à lui, secouant un peu partout l’ancienne dissidence assoupie, mais agissant aussi en d’autres milieux. On venait à Genève de loin pour écouter l’enseignement de J. N. Darby : des chrétiens de Ballaigues se souviennent avoir entendu de leurs grands-parents qu’ils s’y rendaient à pied, soit de plus de 80 km. Des bords du Léman au Jura bernois et neuchâtelois des assemblées se forment, et essaiment : ainsi, quatre familles qui se réunissaient régulièrement dès 1843 à La Chaux-de-Fonds décident ensuite de se séparer pour porter le témoignage l’une aux Ponts-de-Martel, l’autre à Cormondrèche, une autre au Locle.

Des ministres nationaux se démettaient de leurs fonctions pastorales officielles. À Vevey, où depuis 1838 au moins quelques chrétiens se réunissaient pour la fraction du pain une fois par mois, le pasteur C. F. Recordon, dont la parole éloquente attirait les foules, démissionna en décembre 1840, et vint humblement prendre place avec les deux ou trois rassemblés au nom du Seigneur dans cette ville.

Quand j’ai quitté mon poste, disait-il plus tard à un ami, pour toute fortune j’avais onze enfants ». Le Seigneur récompensa sa fidélité, non seulement en pourvoyant aux besoins de cette famille, mais en étendant la sphère d’activité de son serviteur. Il exerça trente ans, jusqu’à sa mort en 1870, un ministère oral et écrit dont les fruits subsistent. Il fut le premier éditeur du « Messager évangélique » (1860) et de « la Bonne nouvelle annoncée aux enfants » (1861).

D’autre part, de jeunes chrétiens désireux de se vouer à l’œuvre d’évangélisation et d’édification avaient demandé à J. N. Darby lors de son séjour à Lausanne, d’étudier la Parole sous sa direction : il avait ainsi réuni une douzaine de frères pendant une année, et fait ensuite de même à Genève six mois. Il se gardait d’intervenir dans leur vocation et leur consécration à l’œuvre, les laissant dans la dépendance du Seigneur seul. La plupart furent des instruments bénis par le Maître, soit en Suisse où des réveils locaux eurent lieu par leur moyen, soit en France.

Plus efficace encore peut-être fut le travail opéré par des écrits, soit traduits de l’anglais, soit rédigés en français par J. N. Darby lui-même (qui usait remarquablement de notre langue). Outre des brochures de controverses occasionnelles avec A. Rochat, F. Olivier et d’autres, cette période vit paraître des ouvrages brefs mais pleins, clairs, incisifs, exposant l’Écriture dans une soumission absolue à son autorité, et tout pénétrés d’amour pour l’Église et son Chef. Ces écrits, par lesquels beaucoup de chrétiens sincères, proches et lointains, furent éclairés, demeurent essentiels pour qui veut saisir la portée du mouvement spirituel propre à ce moment de l’histoire de l’Église.

C’est ainsi que L’apostasie des dispensations successives (1836) esquissait une vue générale de la permanence de ces deux grands faits : l’homme toujours infidèle à sa responsabilité, Dieu toujours fidèle à ses desseins de grâce. L’attente actuelle de l’Église et les prophéties qui établissent la vérité du retour personnel du Seigneur (Genève, 1840), puis les Notes sur l’Apocalypse (Genève, 1842) définissent le caractère distinctif de la dispensation chrétienne et de l’Église. Suivent des opuscules se rapportant plus directement à l’Église ici-bas, dans son état présent, avec ses privilèges, ses ressources et ses devoirs. Citons :

Sur la formation des Églises (Genève novembre 1840), et : Quelques développements nouveaux sur les principes émis dans la brochure : Sur la formation des Églises, etc. (Geneve 1841) ;

— Le Ministère, considéré dans sa nature, dans sa source, dans sa puissance et dans sa responsabilité (Lausanne, 1843)

— De la présence et de l’action du Saint-Esprit dans l’Église (Valence, 1844).

Ces enseignements, puisés dans la Parole de Dieu, furent accompagnés de la bénédiction du Seigneur, malgré l’opposition qu’ils rencontrèrent non seulement de la part du monde religieux mais de chers enfants de Dieu liés à divers systèmes qu’ils ne pouvaient se résoudre à quitter. Les assemblées furent plus d’une fois molestées, surtout pendant la période politiquement troublée de 1845 à 1848, et déjà auparavant de réelles violences avaient eu lieu en certains endroits ; un frère avait été sévèrement battu ; une véritable petite émeute se produisit à Lausanne en mai 1845. Il était fréquent que l’on reçût des cailloux en se rendant au culte.

Sur le terrain doctrinal une vive et parfois âpre controverse se ralluma autour de 1848, J. N. Darby étant pris à partie, tant par les nationaux que par les dissidents et les Églises libres naissantes, à propos des anciens. Ce lui fut l’occasion d’établir nettement que la désignation officielle d’anciens n’est pas conforme à l’enseignement scripturaire : elle reconnaît soit à l’assemblée soit à un clergé un pouvoir d’investiture qui est proprement usurpé. C’est alors aussi qu’il fit paraître le bref mais capital exposé intitulé L’Église d’après la Parole (Genève, 1850).

L’œuvre se développait. Les frères avaient entrepris en 1843 la publication d’un périodique d’édification, « Le Témoignage selon la Parole », qui dut, il est vrai, s’interrompre en 1850. Le Seigneur employait surtout des serviteurs qualifiés pour la prédication, qui annonçaient à la fois la bonne nouvelle du salut et les vérités relatives au rassemblement au nom du Seigneur, à l’action du Saint Esprit dans l’Église et à la position comme à l’espérance de celle-ci. On estimait en 1855 qu’il y avait en Suisse romande environ 50 assemblées, quelques-unes de 200 personnes et davantage. Mais à ce moment, J. N. Darby travaillait surtout en France.


 En France 

Ces vérités avaient en effet pénétré en France en même temps qu’en Suisse. Bien des croyants étaient préparés à les recevoir, de par le Réveil évangélique. Les contacts personnels avec l’Angleterre ne manquaient pas, des écrits venus de ce pays et traduits étaient diffusés. J. N. Darby fit probablement plus d’un bref voyage en France, dès avant 1840 (il va de Genève à Pau en 1837). Des ouvriers vinrent de Suisse où ils avaient profité de son enseignement. L’opposition même que rencontra très vite ce qu’on appelait le plymouthisme, ne fit qu’attirer l’attention sur ce mouvement. Le Seigneur répondit ainsi aux besoins de nombre d’âmes sincères qui étaient à la recherche d’un terrain ecclésiastique fondé dans l’Écriture. Il en fut ainsi, à peu près simultanément, en plusieurs régions.

On trouve cette accusation de plymouthisme portée contre deux évangélistes travaillant à Alboussière (Ardèche), en 1840 : un instituteur d’origine suisse, A. Guignard, un autre français, Pierre Dorel. À la même époque et dans la même région, un évangéliste des premiers temps du Réveil, André Moureton, se dégage de tout lien avec les systèmes ecclésiastiques. Il avait en 1825 quitté une situation familiale aisée à Annonay pour colporter et prêcher l’Évangile avec zèle, quoique encore pénétré d’esprit légal, et il avait été très actif quelques années à Lyon en même temps qu’A. Monod et A. Dentan, puis dans la vallée de l’Eyrieux (1831). Des assemblées se forment. À Vernoux et dans la vallée de l’Eyrieux L. J. Favez (1813-1902), autre instituteur du Réveil, formé à l’École de théologie de la Société évangélique de Genève, puis A. Guignard, trouvent des portes ouvertes pour un « service béni » comme l’écrit J. N. Darby qui visite la région en 1841-1842 et surtout 1844. Sur le « Plateau » le pasteur dissident Albert Dentan, dont nous avons déjà parlé, est éclairé de bonne heure. Il agit au milieu de ses troupeaux du Riou et de la Pireyre avec une sagesse qui contraste avec certaines exubérances qui s’agitent autour de lui, et il finit par quitter la dissidence, et la Société biblique écossaise qui le salariait : comme C. F. Recordon à Vevey, avec six enfants et bientôt sept, il poursuit son ministère en dépendant du Seigneur seul. Il devait travailler en quelques autres régions, et revenir à Saint-Agrève en 1858 pour y rester jusqu’à sa mort en 1874, s’occupant des assemblées dont il avait été l’instrument initial. Son humble dévouement, entier jusqu’à l’épuisement physique, allait de pair avec ses dons, car il était évangéliste aussi bien que pasteur et docteur. Une lettre de lui à un de ses fils, en 1861, expose avec clarté les principes et la pratique des réunions des « frères » (*). Il eut, dans les régions où il avait tant travaillé, des continuateurs dont le souvenir demeure béni, parmi lesquels : J. Moula (mort en 1884) et surtout Jérôme Lebrat (mort en 1913).


(*) On la trouvera reproduite dans le Messager Évangélique, 1923, p. 158.

Une assemblée existait depuis 1842 à Saint-Étienne, où A. Dentan habita trois ans, une à Annonay, une autre à Lyon depuis 1844 au moins — laquelle traversa des épreuves sérieuses mais jouit passagèrement d’heureux ministères, comme ceux de Vey et de Moureton.

Tout un travail analogue se faisait en même temps dans d’autres parties de l’Ardèche (Privas, vallée de l’Eyrieux), et dans la Drôme, à Valence, à Montmeyran, à Combovin où A. Dentan résida de 1845 à 1851, avec extension dans l’Isère à Tullins.

Pareillement dans les montagnes des Cévennes et les plaines avoisinantes. Darby s’y rend à maintes reprises depuis 1841. A. Dentan séjourne au Vigan de 1852 à 1855 et voyage beaucoup dans toute la région. Pierre Dorel (1809-1884), infatigablement, va pendant trente ans parcourir les hautes régions de l’Auvergne au Languedoc, avec pour point d’attache Pont-de-Montvert dans la Lozère. Son service se conjugue avec celui de frères actifs du Vigan, de Nîmes, de Montpellier, mais il travaille surtout dans les régions catholiques du Cantal et du Puy de Dôme, en butte à des tracasseries, et même à des sévérités de la part de l’administration soupçonneuse du second Empire : il est condamné à trois mois de prison à Thiers en 1854. J. N. Darby se plaît à évoquer dans sa correspondance ses propres randonnées à pied, sac au dos, dans les sentiers accidentés des rudes montagnes cévenoles, où il revint en 1844, en 1849, en 1856, en 1860. Dans la plupart des vallées naissent des assemblées, non sans opposition et sans opprobre. À Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard) il arriva à J. N. Darby de prêcher à 150 femmes et seulement 2 hommes, tous les autres étant retenus par crainte des railleries. À Saint-Privat-de-Vallongue (Lozère) quelques croyants qui se réunissaient vers 1850 pour lire la Parole tout en restant attachés à l’Église nationale, sont admonestés par le pasteur en chaire ; ils sortent du temple à la file, et désormais se rassemblent en dehors de tout ministère officiel.

Vers la même époque une scène identique se passait dans le Doubs. à Desandans, et le pasteur de s’écrier, désolé : Les meilleures de mes brebis qui s’en vont !… ». Elles allaient se rassembler sous le seul Berger ! L’œuvre s’opérait dans tout le pays de Montbéliard de même qu’en Alsace, visités par des frères de Suisse et par J. N. Darby, qui exprime en 1850 sa joie de voir là une « œuvre étendue et bénie, la séparation du monde, l’amour des frères ». À Besançon se réunissaient une cinquantaine de personnes.

Il y eut aussi un mouvement important en Bourgogne, d’une part dans la Bresse (La Chapelle-Thècle) et autour de Chalon (Givry, où séjourna L. Barbey), d’autre part à Dijon et dans les environs, où des assemblées existèrent un moment (1856 et années suivantes), et encore dans le Nivernais.

À Paris le rassemblement au seul nom du Seigneur est contemporain des premiers voyages de J. N. Darby sur le continent ; il s’y arrête ordinairement à l’aller ou au retour ; ils étaient 30 à 40, la plupart d’humble condition, en 1854. Il y eut des assemblées à Amiens, à Creil (Oise), et dans la région d’Orléans.

L’œuvre s’effectuait parallèlement dans le sud-ouest, autour d’Angoulême, à Limoges, à Bordeaux et sa région, à Sainte-Foy, Clairac, Nérac, et dans le Béarn, où J. N. Darby vint en 1837, puis en 1847 et régulièrement dans la suite. Des assemblées se forment après 1840 à Bayonne, Orthez, Bellocq, Puyoo, un peu plus tard (1850) à Pau et à Nay, où l’on eut plus de difficultés à rompre avec les systèmes. Le nom de Louis Barbey — l’ancien compagnon d’œuvre de Pyt — que nous avons rencontré à plusieurs reprises, reste « identifié avec l’œuvre de Dieu dans ce pays » (J. N. Darby), et avec les débuts de l’assemblée à Pau ; des moments difficiles y furent connus en 1850 du fait d’un ouvrier zélé (Buscarlet) qui, ne pouvant se faire à l’idée de se passer d’anciens et de présidents reconnus, ne persévéra pas avec les frères. A. Moureton, que nous retrouvons instituteur à Saint-Albit (Basses-Pyrénées), s’y montre actif et heureux.

Par Toulouse et la région de l’Ariège (Le Mas d’Azil), Béziers, Montpellier — où M. Parlier, un médecin, est intimement lié à J. N. Darby — Vergèze, Nîmes, la zone des assemblées rejoignait les régions des Cévennes, de la vallée du Rhône, Marseille enfin : 40 personnes s’y réunissent en 1854, malgré une vive opposition. Y travailla beaucoup le frère Vialet, qui avait été un des jeunes gens enseignés par J. N. Darby à Lausanne en 1853, et dont le service fut précieux aussi en Haute-Loire et dans les Basses-Pyrénées. C’est à Nîmes qu’Adrien Boissier a commencé la publication de « l’Écho du Témoignage » en 1860, pour la poursuivre à Angoulême, à Limoges, à Paris, de nouveau à Nîmes en 1869, à Paris enfin, où ce cher serviteur de Dieu est délogé en 1873.

Ainsi que nous le disions, les séjours de J. N. Darby en France se sont prolongés à partir de 1847, et il y est revenu régulièrement, presque tous les ans, après 1853. Il était reçu à Pau chez son ami et collaborateur Pierre Schlumberger, un Alsacien pieux qui employait au service du Seigneur ses larges biens matériels ; établi avec sa famille à Pau, pour sa santé, il avait pris place parmi le petit troupeau en 1848. C’est là que J. N. Darby rédigea pour la plus grande partie ses Études sur la Parole, parues de 1852 à 1856, et que, avec le concours de frères qualifiés réunis avec lui à Pau chaque hiver, il fit une grande part de sa traduction du Nouveau Testament (publié en 1859), puis de l’Ancien (publié en 1885, après sa mort).


Suisse alémanique 


L’œuvre en Suisse romande eut son écho et son prolongement en Suisse alémanique. J. N. Darby s’y trouve en 1850, et il semble qu’il y ait déjà des réunions à Bâle, Berne, Saint-Gall, Zurich.


 Allemagne 


Elle s’étend peu après en Allemagne. L’Esprit de Dieu y opérait, surtout dans la Westphalie. Des âmes avaient été intéressées à l’enseignement de la Parole à Düsseldorf par le frère aîné de J. N. Darby, qui avait habité là deux ans. D’autre part, à Elberfeld un Brüderverein (Union de frères), agissant dans l’esprit du Réveil évangélique, poursuivait une œuvre dans cette ville industrielle et sa région, par le moyen de douze évangélistes. Il vint s’y établir un frère suisse, H. Thorens, lequel avait connu à Lyon, en 1846, un jeune chrétien d’Elberfeld, qui l’avait engagé à y venir. Il réunit chez lui des croyants pour étudier la Parole, parmi lesquels plusieurs de ces évangélistes, entre autres deux frères, Karl et Ernst Brockhaus. Ceux-ci, avec trois autres, sortirent du Brüderverein pour former avec H. Thorens la première assemblée de frères en Allemagne. Ceci se passait en 1852. Deux ans plus tard J. N. Darby vint à Elberfeld, et parcourut toute la région accidentée voisine, au prix de grandes fatigues, mais recevant un accueil chaleureux non seulement pour lui-même mais pour la vérité qu’il prêchait. Des réunions nombreuses ne tardèrent pas à se former. Les écrits anglais traduits en allemand se propagèrent. J. N. Darby revint les années suivantes, pour des séjours prolongés. Avec plusieurs collaborateurs, il fit une traduction de la Bible en allemand. Il pouvait écrire en 1869 : « L’œuvre s’étend considérablement à travers toute l’Allemagne ».


Pays-Bas et Belgique 


Des portes s’ouvrirent aux Pays-Bas. En 1854-1857 des membres de la haute société, convertis à Nice par le moyen d’un frère italien, Biava, furent visités par J. N. Darby se rendant en Allemagne et en Suisse. Plus tard, la Belgique vit à son tour les vérités relatives à l’Assemblée se répandre, surtout dans les régions industrielles du Hainaut et de Liège ; elle bénéficia entre autres du ministère de W. J. Lowe (1838-1927) après 1870.


L’œuvre en Italie 

En Italie le Réveil évangélique ne s’était guère fait sentir avant 1848, époque où eut lieu un travail remarquable, en particulier à Florence, tant pour l’appel des âmes que déjà pour le rassemblement de quelques-uns autour du Seigneur. L’opposition fut vive non seulement de la part de l’Église catholique et des gouvernements dominés par elle, mais aussi de l’Église vaudoise, que réveillait pourtant à ce moment-là le souffle évangélisateur, et des systèmes religieux protestants représentés jusque-là seulement par d’infimes communautés étrangères et qui prirent pied dans la péninsule et en Sicile, notamment le méthodisme. Partout on mettait en garde contre le « plymouthisme ». Parmi les éléments les plus actifs du mouvement étaient deux chrétiens éclairés et zélés, que Dieu avait appelés d’entre les nobles et les sages de ce siècle, l’un d’une illustre famille florentine, le comte Pietro Guicciardini, l’autre d’une famille de Naples qui s’est fait un nom dans les lettres et les arts, T. P. Rossetti. Le premier, converti à Florence et qui s’était joint à un groupe d’humbles témoins du Seigneur, avait dû s’exiler en Angleterre en 1851, y avait trouvé les frères, et il y avait été l’instrument de la conversion du second, exilé lui aussi mais pour raisons politiques. Tous les deux, instruits de la vérité quant à l’Assemblée, rentrés en Italie se vouèrent à l’œuvre, parmi les humbles surtout, avec un dévouement inlassable. Malheureusement ils s’étaient trouvés dès le début écartés de la saine doctrine, et favorisèrent le mélange des croyants avec le monde au détriment de leur rassemblement en dehors du camp. Les progrès de l’Évangile furent incontestables, grands surtout en Toscane et en Piémont, mais s’accompagnèrent d’une extrême confusion ecclésiastique. « Si l’on veut voir la ruine de l’Église et ses effets, c’est là (en Italie) qu’il faut aller, écrit J. N. Darby en 1872, chaque secte cherche à accaparer ceux que Dieu amène à sa connaissance — les introduisant dans l’état où elle se trouve, et dans un relâchement moral qui brise le cœur. Aussi, en général, ces Églises à peine établies dégringolent ». Il se forma bien, entre 1848 et 1860, un certain nombre de communautés dégagées des organisations existantes, mais elles n’allaient pas jusqu’à la notion de la liberté du ministère de l’Esprit ; elles essayèrent de se constituer en une Église chrétienne libre d’Italie, dont chacune était un membre, indépendant en principe, mais cette Église devait assez vite se dissocier. Au sein de cette confusion « une toute petite poignée de frères », humbles croyants profondément exercés, commencèrent à se réunir dans la simple obéissance à la Parole à partir de 1865 environ. Quelques assemblées se formèrent ainsi, à Milan, à Côme, puis à Turin, à Novi, à Rome, à La Spezia. Dieu suscita des serviteurs, en particulier Giacomo Biava, qui commença en 1870 à Turin la publication d’un très utile périodique d’édification et d’évangélisation, « Il dispensatore ». Les vallées vaudoises virent naître des assemblées, en divers endroits, dont Torre Pellice et San Germano. G. Biava fut retiré subitement en 1880, mais l’œuvre fut continuée par le moyen de frères qualifiés, dont l’Anglais E. L. Bevir. Elle avait été l’objet d’une sollicitude particulièrement marquée de la part de J. N. Darby, qui alla plusieurs fois en Italie, passa deux mois à Turin en 1871, autant à Milan en 1874.


Espagne 


En Espagne, malgré la toute-puissance du clergé catholique et la violence de son opposition, l’Évangile avait pénétré peu à peu, grâce dès le 18° siècle à l’action d’Anglais, de Gibraltar (possédé par l’Angleterre depuis 1704), puis aux sociétés bibliques étrangères, à partir de 1835. La vérité quant à l’Église y fut semée dès 1838 par le pieux frère R. C. Chapman. Elle développa ses fruits une trentaine d’années plus tard, en Catalogne (Barcelone), à Madrid, dans le nord-ouest, grâce surtout à de courageux colporteurs parcourant toute la péninsule. Mais là aussi les conducteurs s’étaient engagés sur une voie plus large. Ce n’est que dans la suite que quelques assemblées furent formées sur le terrain de la réelle séparation pour Christ. Le frère W. J. Lowe, parmi d’autres, devait les avoir particulièrement à cœur.


 Orient 


Le Proche-Orient fut touché par le Réveil évangélique par le moyen du Comité américain pour les missions étrangères (American Board of Commissionners for Foreign Missions) fondé en 1810, une société principalement presbytérienne. Tout en essayant d’atteindre les presque inaccessibles Musulmans, ces missionnaires travaillèrent surtout parmi les nombreuses populations d’appartenance chrétienne, Coptes en Égypte, orthodoxes, Maronites, catholiques grecs et syriens, au Liban et en Syrie. Leur travail fut très efficace, par la grâce de Dieu, dans ces divers pays, pour amener des âmes à sa connaissance. La vérité quant à l’Assemblée fut propagée par l’un de ces missionnaires, ministre presbytérien. Benjamin F. Pinkerton. À la demande de son Comité, il avait étudié les écrits des frères et spécialement de J. N. Darby en vue d’en fournir une réfutation. Il fut au contraire éclairé par leur lecture. Il se dégagea de la mission en 1870, s’établit à Beyrouth, put acquérir une presse à imprimer, et diffusa des traductions d’ouvrages et des traités dans tous les pays du Proche-Orient. L’opposition des clergés locaux ne manqua pas, ni celle des missionnaires dont l’activité se poursuivait parallèlement (la célèbre Université américaine de Beyrouth avait été fondée par eux en 1866), mais son travail fut béni. Il le prolongea jusqu’à sa mort en 1891, avec des résultats heureux au Liban, même parmi les Druses. On rompait le pain à Jaffa (Palestine) dès 1872, en plusieurs endroits en Syrie les années suivantes, puis à Beyrouth et à Mardin (Turquie). Il visitait en même temps l’Égypte, où coopérait avec lui un colporteur allemand, Ludwig Schlotthauer, mort en 1921 après plus de 50 ans de travail en Égypte. Schlotthauer s’était fixé à Alexandrie, où la Table du Seigneur fut dressée, semble-t-il en 1874. Des pasteurs presbytériens, éclairés, devaient se joindre à lui, d’autres frères vinrent d’Europe parmi lesquels, un peu plus tard, Otto Blädel — mais aussi des frères égyptiens, comme le pasteur presbytérien Girgis Rafail (mort en 1934) dont le souvenir est toujours vénéré. L’œuvre prit un remarquable développement à partir de 1881, non seulement dans le delta mais surtout en Haute-Égypte, dans les villes et plus encore dans les humbles bourgades isolées. Les épreuves ne manquèrent pas aux serviteurs de Dieu, plus d’une fois couverts de boue ou de légumes pourris lancés par des fanatiques à l’issue de réunions. Les assemblées d’Égypte ont été gardées depuis le début dans une heureuse réalisation de l’unité. Elles sont présentement au nombre de plus de 170.


En Amérique 


L’œuvre s’est étendue aux États-Unis et au Canada, en rapport surtout avec la forte immigration européenne depuis le milieu du 19° siècle. Des frères d’origine diverse, Allemands, Suisses, Français, ont concouru avec les Britanniques à y former des assemblées gardant, une génération au moins, leur langue particulière. Il ne saurait être question d’en faire ici l’histoire. J. N. Darby fit plusieurs voyages de longue durée dans ces pays. De septembre 1862 à septembre 1863 il est au Canada, mais fait une tournée de plus de 3000 km. aux États-Unis. Second voyage de janvier à août 1865. Un troisième d’août 1866 à février 1868. Une plus rapide échappée en juillet 1870. Une autre de juin 1872 à avril 1873. Et enfin d’août 1874 à juin 1877 il ne rentre pas en Europe, parcourt tous les États-Unis et le Canada, et pousse par-delà le Pacifique jusqu’en Nouvelle-Zélande où des assemblées s’étaient également formées du fait d’immigrants, de même qu’en Australie. Ces séjours en Amérique du Nord ont comporté des travaux variés dans les régions nouvellement peuplées et parmi les Indiens, aussi bien que dans l’Est. De grandes conférences, à Guelph (Canada) réunissaient des frères venus de très loin ; leur souvenir revient souvent dans sa correspondance.

Un cas particulier et remarquable est celui de la Guyane (ex-Guyane britannique), où J. N. Darby fit un voyage en 1869, visitant en même temps les Antilles. Un ancien officier de marine anglais, Leonard Strong, devenu pasteur après sa conversion, était venu en Guyane en 1826 comme recteur d’une paroisse anglicane. Enseigné par la Parole il quitta peu après l’Église anglicane, évangélisa dans les plantations à esclaves noirs, fut chassé par la haine des planteurs et s’établit à Georgetown, où il réunit des croyants avec lui autour du Seigneur. Il fut en relations avec les tout premiers « frères » en Angleterre, et quand l’un d’eux, Joseph Collier, vint en Guyane en 1839, le terrain était prêt pour des assemblées, d’autant plus que l’esclavage venait d’être aboli et que les Noirs libérés recevaient avec joie l’Évangile. L’œuvre devait se continuer, de même que dans les Petites Antilles, à la Barbade (depuis 1862, grâce au frère anglais B. T. Slim), Saint-Christophe, Saint-Vincent, et dans les Grandes Antilles à la Jamaïque (depuis 1860, avec un frère Childs venu de Nouvelle-Zélande).


* * *


Si dans l’esquisse très incomplète qui vient d’être tentée du travail de l’Esprit de Dieu appelant les croyants à se réunir autour de Christ, J. N. Darby apparaît comme le héraut principal de cet appel, la seule pensée de donner son nom à une œuvre qui n’est pas la sienne mais celle du Seigneur, lui eût été odieuse. Certes, il poursuivit inlassablement son précieux service, « dans la mauvaise et la bonne renommée », à travers bien des combats et des vicissitudes, malgré une santé déficiente, annonçant Christ, enseignant les vérités qu’il avait reçues par la Parole, et montrant jusqu’à la fin qu’il n’avait d’autre mobile que la gloire de son Maître. En renonçant à son poste de pasteur, il n’avait pas renoncé au soin des âmes, et comme Wesley il aurait pu dire que le monde entier était devenu sa paroisse. Il en parcourut une bonne partie. On vient de voir comment, de 1864 à 1878, il passa sept fois l’Océan — lui qui craignait la mer ! — à une époque où de tels voyages ne présentaient pas la facilité d’aujourd’hui, pour porter au loin la parole de vie. Il ne se fatigua jamais d’annoncer l’Évangile aux inconvertis, avec un ardent amour des âmes, de même qu’il portait sur son cœur l’Assemblée de Dieu tout entière. À l’exemple du grand apôtre des nations, il souffrait et combattait pour elle, afin d’amener les membres du corps de Christ à mieux comprendre leur union avec le Chef dans la gloire, de façon à le manifester, le servir ici-bas et l’attendre du ciel. Ce fidèle serviteur fut recueilli auprès de son Sauveur le 29 avril 1882, à Bournemouth (Angleterre). Sa tombe porte : « As unknown, and yet well known » (Comme inconnu, et bien connu. 2 Corinthiens 6. 9).

Mais cette activité bénie n’était pas seule à s’exercer, loin de là. D’autres remarquables ouvriers ont été suscités à la même époque et dans la suite. Nous en avons rencontré un certain nombre. C’est ainsi que les noms de J. L. Harris (1793-1877), de J G. Bellett (1795-1864), de E. Cronin (1801-1882), de P. F. Hall (1804-1884), de G.V. Wigram (1805-1879), de J. B. Stoney (1814-1897) sont inséparables de la période du « commencement des frères » dont nous voudrions avoir fait ressortir l’importance.

Cette éclosion d’un nouveau témoignage fut marquée par des déchirements et des luttes pour se dégager des systèmes religieux, mais aussi par la ferveur, l’amour fraternel, dans la fraîcheur du premier amour comme dans l’attachement à l’Écriture et à Christ. Les enseignements reçus alors restent fondamentaux, sur la position du chrétien, l’Église, la prophétie. Une marche fidèle, une vie consacrée, magnifiaient la grâce de Dieu dans l’humilité réelle de ceux qui se sentaient les objets de cette grâce. Les oppositions, parfois furieuses, qui se déchaînaient contre eux venaient de ce qu’ils cheminaient dans la séparation du monde. On évoque avec bonheur et regret à la fois, et plus encore avec confusion, ce renouveau qui rappelait les premiers jours de l’Église : le Seigneur ajoutait sans cesse de nouvelles âmes à celles déjà rassemblées, et les assemblées étaient « en paix, étant édifiées, et marchant dans la crainte du Seigneur ; et elles croissaient par la consolation du Saint Esprit » (Actes 2:47 ; 9:31). Temps trop court. Une fois de plus se vérifia l’impossibilité pour l’homme de conserver intact ce que Dieu lui confie. L’ennemi ne restait pas inactif. Renonçant à brandir l’arme de la violence, il changea promptement de tactique.


 Les fondements mis en cause 

L’effort de l’adversaire porta sur l’assemblée à Plymouth, où Dieu avait agi avec tant de bénédiction. Elle se trouva assez rapidement troublée par le comportement d’un frère aux grandes capacités, que nous avons déjà rencontré aux débuts de cette assemblée, B. W. Newton. Il eut de très bonne heure « une marche distincte des autres frères » (W. Trotter). Tant qu’il ne s’agit que de divergences dans l’interprétation des prophéties de l’Apocalypse et de leur application à l’Église, ou d’un enseignement d’un caractère très personnel mais d’une ligne doctrinale apparemment saine, on restait dans le domaine des choses où nous avons à nous supporter mutuellement, dans l’amour. Mais Newton introduisit peu à peu des vues particulières sur la marche aussi bien que sur l’espérance de l’Église, et un esprit clérical contraire à la liberté de l’Esprit dans l’assemblée. Un système se développa insensiblement, plaçant tout le ministère de la Parole, et même toute participation au culte, entre les mains de deux ou trois docteurs, et tendant à faire de chaque assemblée locale une unité indépendante sous l’autorité de ses conducteurs. Des difficultés se produisirent, plusieurs frères voyant que l’on allait au « renversement de toutes les vérités qui, par la grâce de Dieu, avaient été remises en lumière par les frères » (id.). Des conducteurs du début, comme Hall, Wigram, Campbell, préférèrent quitter Plymouth l’un après l’autre. De son côté, J. N. Darby faisait ses longs séjours sur le continent, avec des apparitions à Plymouth qui lui apportaient chaque fois plus de peine et d’inquiétude. « Je sens, écrivait-il en 1844, que la position de Plymouth dans le témoignage des derniers jours est complètement changée … Plymouth a cessé de représenter l’amour des frères, il représente une opinion… La doctrine de l’Église est perdue dans cet enseignement ». J. L. Harris demeurait, maintenant autant qu’il le pouvait la vérité. Lorsque J. N. Darby fut rentré, en mars 1845, les frictions devinrent telles que Harris cessa tout ministère, et que J. N. Darby se détermina à se retirer de l’assemblée, en octobre. D’abord seul, il se trouva réuni, deux mois plus tard, avec près de la moitié (plus de 400 personnes) des frères et sœurs qui se séparaient comme lui. Une émotion compréhensible se manifesta dans les assemblées d’Angleterre, à Londres en particulier.

Mais les choses revêtirent une gravité nouvelle quand non seulement les bases du rassemblement, mais « les fondements de la foi », se trouvèrent attaqués par l’introduction de fausses doctrines à l’égard du Seigneur lui-même. Elles vinrent au jour en 1847 : Newton, découvrit-on, enseignait que Jésus était, du fait de sa naissance, « exposé, à cause de sa relation avec Adam, à la sentence de mort qui avait été prononcée sur la race humaine », et qu’il était tenu d’acquérir la vie par l’observation de la loi. Il aurait eu à subir des souffrances le concernant personnellement, à cause de son propre état, souffrances en jugement différentes de celles qu’il a endurées comme notre substitut sous la colère de Dieu. C’était dire que la souillure s’attachait à Celui dont l’Écriture parle comme d’un Agneau sans défaut et sans tache. Ainsi que l’écrivait quelqu’un qui s’était dégagé de cette doctrine : si celle-ci eût été vraie, « Christ n’aurait pu devenir notre garant, notre sacrifice, notre Sauveur, car il aurait eu à se délivrer lui-même… Tout ce qu’il eût pu faire jusqu’au dernier moment de sa vie, tout ce qu’il aurait pu offrir dans sa mort, aurait dû nécessairement l’être pour sa propre délivrance… Mais alors, que deviennent les doctrines bénies de la grâce ? Que devient le glorieux Évangile du salut de Dieu ? Que devient l’Église ? Qu’en est-il de nous individuellement Nous avons perdu Christ ! ». G. Müller disait que dans ces conditions « le Seigneur aurait eu besoin d’un Sauveur aussi bien que nous ». Voici en quels termes Newton osait parler de Celui qui, tout en étant l’Homme de douleurs ici-bas, était néanmoins toujours le Fils du Très-haut : « Christ avait l’expérience d’un homme non converti, mais élu… Il était exposé à la colère et à l’indignation de Dieu… Il était plus loin de Dieu qu’Israël quand celui-ci faisait le veau d’or… Étant exposé à la colère et à l’indignation de Dieu comme né d’Adam et comme Juif, il a su échapper par la prière et par la piété à beaucoup de souffrances qu’il aurait dû endurer… Cependant il a tant souffert dans sa vie que sa figure inspirait la répulsion et qu’on se détournait de lui… »

Cette doctrine qui attentait, jusqu’au blasphème, à la gloire personnelle de notre adorable Sauveur, provoqua de vives réactions. J. N. Darby la combattit avec vigueur. Elle fut condamnée par la généralité des frères. Son auteur lui-même s’efforça de la pallier, mais en retirant seulement une phrase particulièrement inacceptable qui appliquait à Christ l’expression « constitués pécheurs » de Rom. 5:19, et beaucoup de ceux qui y avaient un instant adhéré rétractèrent leur erreur et s’écartèrent de lui.

Mais alors devait inévitablement se poser la question Quelle conduite tenir vis-à-vis de ceux, personnes et assemblées, qui, tout en repoussant l’hérésie, voudraient maintenir la communion, à la Table du Seigneur, avec ceux qui l’admettaient ?


Béthesda 

Le cas se présenta dans toute sa netteté avec Béthesda. C’était le nom d’une chapelle, à Bristol, où un petit noyau de frères avait commencé à se réunir en 1832, et s’était bien accru depuis. Là se trouvaient deux conducteurs respectés, H. Craik dont on estimait le don de docteur, et G. Müller connu partout pour ses œuvres de charité et de foi auxquelles il se consacrait avec un renoncement exemplaire. Or on reçut dans cette assemblée de Béthesda des personnes venues de la réunion de Plymouth, où Newton agissait encore et où plusieurs le soutenaient ouvertement. Des frères pieux de Béthesda protestèrent, quelques-uns se retirèrent ; d’autres assemblées demandèrent des explications. Dix principaux frères de Béthesda, avec à leur tête Craik et Müller, exposèrent leurs vues dans une lettre destinée à l’assemblée, mais qui se répandit. Les positions de ces frères étaient les suivantes :

1° Ils déclaraient s’en tenir « aux vérités relatives à la personne de notre Seigneur, à l’absence du péché de sa nature et à la perfection de son sacrifice », et désavouer la pensée que « le Fils béni de Dieu se trouvât enveloppé dans la culpabilité du premier Adam, ou qu’il fût né sous la malédiction due à la violation de la loi »

2° Ils déclaraient n’être pas disposés à admettre à la Table, des personnes connues pour tenir et propager ces erreurs.

3° Mais ils refusaient de laisser examiner ces doctrines par l’assemblée comme corps, ne voulant pas, disaient-ils, que « nous, à Bristol, nous soyons enlacés dans la controverse relative aux doctrines en question… Nous ne sentons pas que, parce que des erreurs peuvent être enseignées à Plymouth ou ailleurs nous soyons tenus, comme corps, de les examiner ».

4° Ils considéraient donc l’assemblée comme libre de recevoir des personnes qui, tout en n’acceptant pas ces erreurs pour elles-mêmes, appartenaient à des assemblées où elles étaient tolérées et pouvaient être enseignées. « En supposant que l’auteur des écrits incriminés fût foncièrement hérétique, cela ne nous autoriserait pas à rejeter ceux qui viendraient à nous, ayant suivi ses enseignements, tant que nous ne serions pas convaincus qu’ils ont compris et reçu des vues qui renversent les fondements de la vérité ».

Autrement dit, le faux docteur et ceux qui le soutiennent directement sont seuls responsables : l’assemblée où ils se trouvent et agissent, peut être en communion avec eux comme avec tous les autres chrétiens, sans se sentir souillée par la fausse doctrine, ni que le soit quiconque, tout en ne la partageant pas, marque sa communion avec ceux qui la tiennent. C’est une affaire individuelle, et cela entraîne que chaque assemblée n’est responsable que pour elle-même. On affirme ainsi pouvoir être neutre dans le mal, comme individu et comme assemblée.

Cette lettre fut lue le 3 juillet 1848 devant l’assemblée de Béthesda : celle-ci se rangea, dans sa majorité, à la façon de voir des Dix. Il en résulta des troubles douloureux. J. N. Darby, G. V. Wigram, W. Trotter, se trouvèrent en opposition avec leurs plus anciens et chers compagnons d’œuvre, tels lord Congleton, Chapman, J. L. Harris lui-même. Lorsque, l’année suivante, fut envisagée une réunion pour examiner encore ensemble les choses, les dirigeants de Béthesda mirent comme condition que J. N. Darby et G. V. Wigram n’y participent pas. La division se trouva alors consommée : d’un côté les assemblées acceptant de demeurer en communion avec Béthesda, de l’autre celles qui considéraient que l’accepter était renier le principe même du rassemblement dans l’unité du corps et en séparation du mal.

Cette division devait une dizaine d’années plus tard gagner les pays du continent et l’Amérique. Elle s’est perpétuée. Les « frères larges » ont maintenu le principe de l’indépendance, selon lequel les assemblées locales forment autant d’unités bien distinctes, dont les décisions n’engagent qu’elles-mêmes, et qui ne sont pas tenues par les décisions d’autres assemblées. Dans chaque assemblée, d’autre part, chaque individu relève essentiellement de sa propre responsabilité devant le Seigneur. Le système équivaut à consommer jusqu’au point extrême le morcellement de l’Église, en faisant une Église de chaque assemblée locale.

Le principe auquel ont, au contraire, continué à s’attacher ceux que l’on qualifie d’ « exclusifs », terme qu’ils rejettent absolument, est celui de la solidarité des assemblées locales, exprimant ainsi l’unité du corps de Christ, dans la séparation et le jugement de tout mal manifeste tant doctrinal que moral. Ce principe n’est autre que celui même du témoignage de notre Seigneur. De fait, si l’histoire des « frères larges » montre chez eux bien des fruits d’un dévouement que l’on ne peut constater qu’avec reconnaissance, soit dans l’évangélisation soit dans des œuvres de charité, on est obligé de constater aussi que la notion même de la vocation céleste de l’Assemblée, et de son caractère d’étrangère ici-bas est allée s’affaiblissant toujours davantage.

Ramener, comme quelques-uns l’ont fait, l’affligeante division de 1848 et ses suites à une querelle théologique sur des points mineurs, ou, pire encore, à un antagonisme personnel entre B. W. Newton et J. N. Darby, c’est rabaisser misérablement la solennelle portée de la question, qui n’était autre que la vérité relative à l’Assemblée et à l’action du seul Esprit au milieu d’elle, action exercée et reçue dans la reconnaissance des droits de Christ, Chef de cette assemblée : en définitive, la gloire même de notre Seigneur Jésus Christ.

À travers les temps fâcheux


Malgré la profonde tristesse qui étreignait leurs cœurs en présence du désastre amené dans le témoignage confié aux frères, ceux qui demeuraient fidèles aux vérités reçues au commencement reprirent courage, et leur ministère oral et écrit fut plus que jamais béni du Seigneur pour des milliers d’âmes. Leurs livres et traités se répandirent dans le monde entier. Citons entre autres ceux de C. H. Mackintosh (1820-1896), qui mirent à la portée des croyants, pour leur affranchissement et leur nourriture, les richesses que Dieu a révélées dans sa Parole et qui ont été retrouvées lors du Réveil. Quant aux traités pour l’évangélisation tels que ceux de C. Stanley (1818-1888), distribués à profusion, l’éternité fera connaître toutes les personnes amenées à la connaissance du Seigneur par leur moyen. Les commentaires de W. Kelly (1820-1906) sur tous les livres de la Bible ont beaucoup contribué à l’édification des croyants ; ils se caractérisent par une grande clarté d’enseignement et une rare force démonstrative. Le Bible Treasury, périodique qu’il rédigea de 1856 à sa mort, est une mine d’une étonnante richesse. C’est à lui enfin qu’on doit la publication complète et méthodique des nombreux ouvrages de J. N. Darby, qui, pour la profondeur et la richesse d’exposition des Écritures surpassent ceux de tous les autres frères ; nous ne pouvons assez bénir Dieu d’avoir suscité un tel serviteur, sur le ministère duquel il a mis une incomparable bénédiction.

Arrivés à la fin de l’ère de la grâce, tout près du moment où l’Église sera enlevée à la rencontre de son Époux, nous avons lieu de louer de tout notre cœur l’Auteur de toute grâce excellente d’avoir accordé aux siens les privilèges et bénédictions retrouvés après des siècles d’oubli. Plus nous considérons cette histoire, plus nous sommes convaincus du caractère divin de la mission confiée aux « frères » qu’Il a appelés à « sortir vers Jésus hors du camp ». C’est à eux qu’il fut donné d’exposer, par la Bible, les vérités précieuses concernant l’Assemblée comme corps de Christ, et la place de son Chef comme Homme glorifié à la droite de Dieu — la présence et l’action du Saint Esprit dans le croyant individuellement et dans l’Assemblée — l’espérance propre à celle-ci, à savoir la venue du Seigneur en grâce pour enlever les siens, distincte de son apparition en gloire pour délivrer Israël et la création — et nombre d’autres vérités importantes peu connues en dehors d’eux. En même temps il leur fut accordé d’exposer avec clarté et puissance les vérités fondamentales de l’Évangile, le pardon, la justification par la foi, la possession de la vie éternelle et l’acceptation du croyant dans le Bien-aimé. Ceux qui sont engagés à leur suite, profitant de leurs travaux, sont appelés à jouir de ces privilèges, et responsables de maintenir ces vérités (2 Timothée 3:14).

Le témoignage des frères a en effet continué, par la grâce de Dieu, mais les faiblesses multipliées qui l’entachent démontrent une fois de plus que tout ce qui est placé entre des mains humaines est appelé à décliner, Christ demeurant le seul témoin fidèle et véritable

Ils n’ont pas su se garder de divisions provoquées généralement par des divergences d’appréciation dans des cas de discipline. Un manque de support et de patience a entraîné de tels schismes, dont quelques-uns ont eu des conséquences trop durables. Ainsi en fut-il en 1880 (affaire de Ramsgate Street, à Londres), et en 1910 (affaire de Tunbridge Wells, Angleterre) ; des répercussions inégales s’en firent sentir, surtout en Amérique et en France.

D’autres séparations ont été motivées par des raisons plus profondes. L’ennemi n’a pas relâché ses efforts pour glisser des doctrines subversives des fondements du christianisme. À peine J. N. Darby disparu de la scène, il fallut « combattre pour la foi qui avait été enseignée une fois aux saints » (Jude 3). En 1884 un premier trouble de ce caractère ébranla les assemblées aux États-Unis, où la majorité suivit F. W. Grant, alors qu’en Europe les idées particulières de ce docteur, sur la vie éternelle et l’Esprit Saint, étaient refusées à peu près partout. Plus grave encore devait être la crise de 1890, à la suite de doctrines qu’un frère influent de l’assemblée de Greenwich, F. E. Raven, avançait depuis quelques années, et que des frères comme W. J. Lowe dénoncèrent en 1888. Ces vues nouvelles étaient exposées dans un langage souvent obscur et ambigu, qui permettait à leur auteur de se dire mal compris, sans avoir à rétracter le fond. Sous des dehors quelque peu mystiques, elles étaient en réalité subtilement rationalistes, et ramenaient au jour des hérésies aussi anciennes que le christianisme. Elles portaient sur l’unité de la Personne du Fils de Dieu, allant jusqu’à séparer l’humanité de Christ de sa divinité — sur la vie éternelle, présentée comme distincte de cette Personne — et sur la condition des croyants, qui ne seraient pas tous possesseurs de cette vie éternelle au même degré mais à raison de leur niveau de développement spirituel. Des controverses s’élevèrent, dans lesquelles le plus grand nombre des frères n’étaient guère à même d’entrer. W. J. Lowe en Angleterre, R. Brockhaus en Allemagne, H. C. Voorhœve en Hollande, H. Rossier et A. Ladrierre en Suisse. J. L. Favez en France et d’autres, s’élevèrent contre ces erreurs avec vigueur et clarté. Mais il s’était formé autour de Raven un parti compact dont durent se séparer un certain nombre d’assemblées en Angleterre et la plupart de celles du continent, hormis plusieurs en France et une plus grande proportion en Italie. Plus tard devaient se greffer, sur les vues reprochées à Raven, d’autres enseignements plus éloignés encore de l’Écriture.

Il n’est malheureusement que trop vrai qu’une cause générale de faiblesse est le relâchement, et le contact trop étroit avec le « présent siècle mauvais ». La marche ferme et fidèle, dans la séparation pour Christ, en portant son opprobre, qui avait caractérisé les « premiers frères », est bien difficilement maintenue. Le Chef n’est pas tenu ferme, et l’on se laisse entraîner par les « éléments du monde ». Si l’on tente de lutter par un attachement plus strict aux formes extérieures et par des prescriptions contraignantes, on devient légal ou sectaire. Le secret de la bénédiction, à la fin comme au commencement de l’histoire de l’Église, demeure dans une telle séparation. Seul le cœur attaché au Seigneur, « sortant vers Lui », s’y trouvera tout naturellement placé.

Malgré la pauvreté et l’affaiblissement du petit résidu désireux de garder la Parole de Christ et de ne pas renier son nom, le Seigneur demeure fidèle à ses promesses. Il guidera, jusqu’à sa venue prochaine, ses témoins qui l’aiment et l’attendent. Il veut leur faire éprouver sa sainte présence au milieu de deux ou trois réunis en son nom : « Je laisserai au milieu de toi un peuple affligé et abaissé, et ils se confieront au nom de l’Éternel » (Sophonie 3:12). « Je viens bientôt ; tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne » (Apocalypse 3:11). Réalisons davantage notre association présente et céleste avec Lui, nous détournant par là de tout ce qui tend à obscurcir pour nous le dessein de Dieu quant à Christ et à l’Assemblée et à exclure l’autorité du Seigneur dans l’administration pratique de celle-ci tandis qu’elle est appelée à Lui rendre témoignage ici-bas.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016, 21:11

Quelques aspects de la chrétienté du Réveil au premier tiers du 20° siècle


Avant de clore cette étude il reste à jeter un coup d’œil sur l’histoire de l’Église professante en général au 19° siècle et jusqu’à nos jours (*). Les caractères de Laodicée sont de plus en plus visibles dans la « grande maison » où nous sommes : propre satisfaction, tiédeur quant à Christ, prétentions spirituelles. La lettre que le Seigneur adresse à cette assemblée (Apoc. 3:14-20) montre en elle la dernière phase de l’Église ici-bas ; une fois les saints célestes enlevés, Il ne tardera pas à la « vomir de sa bouche », et le témoignage de l’Église responsable aura dès lors pris fin pour faire place à la manifestation de la gloire de Christ et à l’établissement de son règne. Néanmoins, dans l’affligeant tableau de la marche présente vers l’apostasie déclarée, se retrouve ce fil d’argent de la grâce dont nous cherchons à suivre la trace.


(*) C’est-à-dire jusque vers 1935 (Ed.)


L’Église romaine


 Perte de son autorité temporelle 

L’Église romaine, malgré des coups sensibles, maintient sa prétention à dominer la chrétienté comme la seule Église.

Il est remarquable que toute puissance politique effective lui ait été ôtée au moment où elle reconnaissait, témérairement, à son chef un attribut divin, l’infaillibilité. En 1854 le pape Pie IX avait proclamé, de son propre mouvement, le dogme de l’Immaculée conception de la Vierge. En décembre 1869 il réunit un concile au Vatican et obtint de lui, le 18 juillet 1870, la proclamation du dogme de l’Infaillibilité pontificale. Ce dogme ne signifie pas que le pape soit personnellement infaillible, mais qu’il l’est lorsque, « parlant ex cathedra (du haut de la chaire) … c’est-à-dire exerçant la fonction de pasteur et docteur de tous les chrétiens… il définit une doctrine sur la foi ou les mœurs ». Depuis longtemps on admettait qu’un décret du pape ratifié par l’épiscopat universel portait ce caractère d’infaillibilité : mais cette proclamation, acquise malgré les protestations d’une minorité de prélats surtout français et allemands, qui y voyaient non sans raison le fruit de menées où les Jésuites avaient la plus grande part, marquait un nouveau pas dans l’exaltation de l’homme au détriment de la gloire due à Christ. Si « tout homme est menteur » (Ps. 116:11), comment le représentant d’un groupe de créatures pécheresses pourrait-il être infaillible ? Un seul l’est, Celui qui a dit : « Je suis le chemin, et la vérité, et la vie ». Son Esprit est la vérité, et il nous conduit dans la vérité par l’enseignement de la Parole : « Ta Parole est la vérité ».

Le Concile fut interrompu presque aussitôt par la guerre franco-allemande, et peu de mois après, le pape, n’ayant plus l’appui de l’armée française forcée de quitter Rome, fut dépossédé de son pouvoir temporel quand Victor-Emmanuel II, roi d’Italie, eut pris la ville (20 septembre). En signe de protestation Pie IX s’intitula le « prisonnier du Vatican ». La papauté ne devait recouvrer qu’une portion infime du territoire romain, la Cité du Vatican, lorsqu’elle se réconcilia avec le gouvernement italien, en 1929. Mais on sait que les humiliations et les jugements partiels que Dieu a fait subir à la papauté au cours de son histoire tourmentée n’ont nullement abattu ses prétentions à dominer. Comme la Jésabel de Thyatire (Apoc. 2:20:21), « elle ne veut pas se repentir de sa fornication », et comme la femme corrompue d’Apocalypse 17, reniant son appel céleste et sa relation avec Christ pour « commettre fornication avec les rois de la terre », elle s’apprête à monter sur « la bête écarlate », autrement dit la puissance civile de l’empire romain futur. Alors elle dira en triomphe : « Je suis assise en reine, et je ne suis point veuve, et je ne verrai point de deuil ». Mais Dieu la précipitera de son élévation : « C’est pourquoi en un seul jour viendront ses plaies, mort, et deuil, et famine, et elle sera brûlée au feu ».

Pour le moment, l’Église catholique n’a plus d’influence politique officielle et elle a perdu beaucoup de son influence indirecte dans les pays catholiques sur lesquels elle eut longtemps la haute main. La plupart se sont laïcisés plus ou moins complètement. En France l’épiscopat a renoncé à lutter pour conserver au catholicisme ses privilèges séculaires, et il a restreint ses efforts à préserver un enseignement confessionnel et la pleine liberté du culte. L’établissement d’un enseignement d’État laïque et gratuit, en 1882, puis une violente poussée anticléricale aboutissant en 1905 à la séparation de l’Église et de l’État, les mesures de rigueur contre les congrégations, ont marqué les grandes étapes de la disparition de cette institution officielle qui avait été si souvent prépondérante. L’Italie, la Belgique, à des degrés divers, ont suivi la France dans cette voie. En Allemagne, les démêlés de l’Église catholique avec Bismarck, lors du Kulturkampf (1871-1875) ont été retentissants.


Affermissement de son pouvoir spirituel 


Mais l’Église a su faire tourner cette rupture des liens civils au renforcement de la hiérarchie sous l’autorité du pape (les évêques étaient désormais nommés par le pape seul, non les gouvernements), et à l’affermissement de son pouvoir spirituel sur le monde catholique. L’anticléricalisme du gouvernement français au début du siècle fit par réaction se resserrer les fidèles autour des représentants de cette Église qui, dépossédée des ressources matérielles provenant de l’État, faisait figure de persécutée. Les classes aisées, conservatrices, la recherchèrent, pour contenir les revendications des masses au sein desquelles progresse la déchristianisation. Elle tâchait en même temps de regagner celles-ci en intervenant elle-même dans les questions sociales, ouvertement sous Léon XIII (encyclique Rerum novarum 1891), par des syndicats « chrétiens » dans la suite. Mais dans l’ensemble elle travaille à maintenir un accord de fait à peu près stable entre elle et la puissance publique responsable de l’ordre établi, quelles que soient les secousses politiques.

Rien de plus significatif que les accords conclus depuis 1918 avec la plupart des États européens, entre autres avec l’Italie (accords de Latran) en 1929, et avec l’Allemagne en 1933.

La papauté a été grandement servie, dans son action sur la société, par les congrégations et les ordres religieux, spécialement ceux qui relèvent directement du Saint-Siège, avant tous les Jésuites, mais aussi les Dominicains et les Franciscains. Beaucoup de ces congrégations avaient été persécutées et expulsées de divers pays. Si molestés qu’ils l’aient été en Angleterre les Jésuites n’ont jamais abandonné ce pays, et au début du siècle ils s’y trouvaient, selon un témoin bien informé, plus nombreux qu’en Italie, et cela dans toutes les classes de la société, au Parlement, dans le clergé anglican, dans le corps diplomatique, la presse, parmi les laïques protestants et dans les plus hautes sphères politiques et sociales. En France les congrégations chassées pratiquement par la loi de 1901 sur les associations, ont reparu après la guerre de 1914-1918. Les Jésuites n’ont cessé de développer leur action dans tous les milieux mais surtout parmi les classes dirigeantes, les Dominicains la leur sur le monde intellectuel. Prêchant, enseignant, et plus encore s’infiltrant avec beaucoup de savoir-faire dans la vie privée, allant lorsqu’il le faut jusqu’à l’extrême bord des doctrines romaines, mais sans cesser de proclamer leur stricte obéissance à la papauté, ces deux ordres, encore que rivaux, sont les meilleurs instruments de celle-ci.


Gains en adeptes 


L’Église romaine a perdu du terrain dans des pays autrefois foncièrement catholiques, du fait surtout de la déchristianisation (encore faut-il observer que les mariages mixtes, de plus en plus nombreux, et quelle sait encourager, lui sont le plus généralement profitables, car elle exige des époux qu’elle unit, que leurs enfants soient baptisés par elle).

En revanche elle a réalisé ailleurs des progrès considérables. L’effort missionnaire catholique dans les contrées non chrétiennes s’était fort relâché au début du 19° siècle. Il reprit, stimulé par l’effort missionnaire du Réveil protestant, et porté par tout le courant de l’expansion coloniale européenne. Un vif renouveau des missions catholiques a donc eu lieu depuis le milieu du siècle, plus encore au 20°, sous la direction de la très active Congrégation de la propagande, au Vatican. Rome a maintenant sous sa dépendance directe, en Afrique comme en Extrême-Orient, des Églises indigènes avec des clergés recrutés sur place.

Mais elle a progressé remarquablement aussi dans des pays protestants, aux Pays-Bas, en Suisse, en Allemagne, mais surtout en Angleterre et aux États-Unis.

Aux États-Unis la proportion des catholiques est passée de 9 pour 100 habitants en 1840 à 14,4 % en 1907 et près de 18 % en 1940 : c’est le résultat de l’immigration de populations catholiques, Franco-Canadiens, Irlandais, surtout Italiens, mais aussi d’une savante propagande. L’influence exercée par les catholiques s’est plus fortement accrue que leur nombre : jusqu’au début de ce siècle ils étaient considérés connue des gens inférieurs, mais depuis on les a vus occuper jusqu’aux plus hautes fonctions civiles et militaires.

En Angleterre l’évolution du sentiment général à l’égard de Rome n’est pas moins remarquable. L’effectif de ses adeptes — bien que des Irlandais, et les congrégations dispersées ou exilées après 1905, d’autres apports encore, outre des conversions l’aient grossi — reste faible (un peu plus de 5 %). Mais la méfiance et la crainte traditionnelles oui fait place à une neutralité compréhensive, puis à une sorte d’admiration pour la grande puissance mondiale et mondaine.

De bonne heure Rome se préoccupa de donner à ces adeptes dispersés parmi les anglicans les bases d’une organisation. En 1850 un édit pontifical partagea l’Angleterre en régions épiscopales et rétablit la hiérarchie catholique dans ce pays, sous l’archevêque de Westminster. Cette mesure provoqua une vive opposition, une loi déclara nul et non advenu l’édit du pape, mais elle tomba dans l’oubli et fut abrogée en 1871. L’Écosse à son tour fut partagée en diocèses romains en 1878.

Elle n’a cessé d’autre part de travailler, par ses représentants officiels et par l’action subtile des Jésuites, à réunir l’Église anglicane avec elle-même, si réfractaire à une telle union que soit le nationalisme religieux britannique. Dans tous ces progrès elle s’est trouvée grandement aidée par le mouvement ritualiste.


Protestantisme et Ritualisme 


Il s’agit d’un courant général qui est allé s’accentuant parmi les Églises protestantes, à la fois par réaction contre le Réveil évangélique et par opposition aux poussées du libéralisme. Il embrasse ce qu’on appelle parfois le sacramentalisme. Priorité est donnée à la forme et à la structure, aussi solide que possible, de l’Église considérée, à la liturgie, aux pratiques extérieures du culte, aux sacrements, cène et baptême, ce dernier avec une place éminente comme conférant la foi, bref aux « éléments du monde » (Col. 2:8) plus qu’à Christ et au culte en esprit et en vérité. On revient à un cléricalisme qui détourne les âmes du salut personnel et domine les consciences. J. N. Darby soutint à ce sujet de vigoureuses controverses au nom de l’enseignement de l’Écriture. On a vu ainsi le luthéranisme, en Prusse, en Bavière, en Saxe, en Hanovre, tout en resserrant ses liens avec l’État (jusqu’en 1914), se donner des règles de plus en plus strictes, et une hiérarchie bien officialisée ; des chefs de l’Église évangélique allemande prennent maintenant le titre d’évêques.

Ces tendances se sont manifestées inégalement en France, mais bien peu des systèmes religieux, regroupés progressivement au sein de la Fédération protestante de France, en 1905 puis en 1938 (Église réformée de France, Alliance nationale des églises luthériennes, Fédération des églises baptistes, toutes les trois formant la Fédération protestante), échappent à la hiérarchisation plus organisée, à la liturgie imposée et à des pratiques se rapprochant des pratiques catholiques (l’année liturgique par exemple).

Mais c’est en Angleterre, que le mouvement ritualiste s’est affirmé le plus tôt, au sein de l’Église établie, y provoquant une évolution, certains ont dit révolution, que Rome a exploitée, après avoir certainement contribué à son éclosion par l’action des Jésuites.

De 1834 à 1841 furent publiés à Oxford 90 Traités pour le temps actuel (Tracts for the time), d’où le nom de Tractarianisme donné au mouvement qu’ils suscitèrent, et qu’on appelle aussi Puseyisme, l’inspirateur en étant E. Bouverie, dit Pusey (1800-1882). Ces traités soutenaient la succession apostolique, l’autorité des évêques, la liturgie, la confession, les fêtes, jeûnes, etc. Le dernier paru était de tendance nettement catholique. Son auteur était un fellow de l’Université, personnalité des plus marquantes, John Henry Newman. L’Église anglicane s’émut, surtout sa partie évangélique, condamna le traité ; et Newman, bien que s’étant un moment rétracté, finit par être chassé d’Oxford. Pusey demeura dans l’anglicanisme, mais pour y former un groupe très actif qui recueillit de nombreuses sympathies dans la High Church. Newman, lui, se convertit au catholicisme (1845), de même qu’un certain nombre de clergymen, dont Manning (1851). Newman devait devenir cardinal en 1879, et il est demeuré, comme philosophe et théologien, un des grands noms du catholicisme au 19° siècle. Manning, promu cardinal lui aussi, fut un des plus zélés défenseurs du dogme de l’infaillibilité, et le champion de la conversion de l’Angleterre au catholicisme. Nul ne travailla davantage à y faire disparaître l’antipathie traditionnelle pour Rome et à organiser une propagande qui n’a cessé de se poursuivre, par des sociétés de toutes sortes, des appels dans les rues de Londres et ailleurs, une active participation aux mouvements de tempérance et de réforme sociale.

Imperceptiblement la doctrine catholique s’étend dans le peuple anglais. N’affirmait-on pas récemment, de bonne source, qu’il est parmi le clergé anglican des prêtres catholiques romains consacrés, qui possèdent une dispense leur permettant de s’y intégrer ? L’un d’eux écrivait : « L’œuvre qui se poursuit maintenant en Angleterre est un effort tenace et soigneusement organisé de la part d’un nombre croissant de prêtres et de laïques, ayant pour but d’amener l’Église nationale et le pays en général à la pleine réalisation de la foi catholique et de ses règles, afin de pouvoir plaider éventuellement en faveur de son union avec l’Église de Rome ».

Ce n’est pas que le parti évangélique n’ait essayé de réagir. À plusieurs reprises ses démêlés avec les Puseyistes (plus exactement ceux de l’Union de l’Église anglicane aux tendances romanisantes fondée en 1859, avec l’Association de l’Église fondée en 1865) furent portés devant la Cour suprême royale (le souverain est le chef officiel de la religion) ; mais les décisions de celle-ci, prises tantôt dans un sens tantôt dans l’autre, ne firent qu’accroître la confusion et « creuser davantage un immense fossé entre ce que les ministres de l’Église d’Angleterre sont tenus de réciter et ce qu’ils croient ». La régénération par le baptême est déclarée « la seule vraie doctrine », de cette Église, la transsubstantiation est de fait justifiée. L’effort persistant de romaniser officiellement les formulaires liturgiques et le Prayer book (Livre des prières) a été près d’aboutir plus d’une fois. La célébration de la messe, l’établissement du confessionnal et finalement toutes les pratiques romaines sont à l’ordre du jour, souhaités non seulement dans la High Church mais dans des milieux autrefois évangéliques. L’indignation que ces faits provoquaient fait place à l’assentiment. On a pu parler d’anglo-catholicisme. Beaucoup poussent à un rapprochement complet, sinon une union avec Rome. Les tentatives esquissées au siècle dernier se sont soldées par des échecs. Elles ont été reprises après la guerre, sur l’initiative de lord Halifax (Conférences de Malines 1925), sans aboutir : la pierre d’achoppement est toujours l’autorité du pape.

Assurément tous ces faits auraient dû convaincre les vrais croyants de cette Église anglicane que leur place n’est plus dans un tel système, qui porte en lui-même les germes de sa dissolution. Mais ce qui est plus surprenant encore c’est que le mouvement ritualiste et sa collusion avec Rome s’est étendu aux Églises non conformistes. Dès les environs de 1930 un pasteur indépendant bien connu, qui pratiquait le cérémonial rigoureusement romain et la confession auriculaire au sein d’une Église congrégationnaliste, se vantait d’avoir trois à quatre cents pasteurs dissidents sur la liste d’associés.

En réalité, si différents que semblent ces divers systèmes religieux, ils sont un dans leur caractère essentiel, qui est l’exaltation de l’homme. Ils re nferment, certes, beaucoup d’authentiques croyants, et d’âmes pieuses, mais les principes auxquels obéissent leurs conducteurs font de ceux-ci des ennemis du pur Évangile et du salut par la grâce unique de Dieu. On est en face d’un système aussi légal que le Sinaï. Les termes du christianisme sont conservés mais détournés de leur sens. L’œuvre de Christ est méconnue comme fondement d’une vraie expiation, satisfaisant pleinement aux exigences de la sainteté divine et plaçant le croyant comme justifié et accepté devant Dieu. L’idée de sacrifice s’associe à l’eucharistie plutôt qu’à la croix du Calvaire, l’œuvre du salut ayant, selon cet enseignement, besoin d’être répétée et n’ayant par conséquent pas plus de valeur que les sacrifices offerts sous la loi de Moïse (Hébreux 10). La croix apparaît davantage comme le moyen des souffrances de Christ que comme le lieu où s’accomplit, dans ces souffrances, l’œuvre parfaite de la rédemption. Le salut par les œuvres, prières, jeûnes, pénitences, observation de rites, fait règle. On rejette la grâce divine. L’Église remplace Christ ; la tradition supplante la Bible ; la régénération baptismale et les sacrements tiennent lieu de la foi personnelle au Sauveur. Le ritualisme n’est que la vieille hérésie judaïsante, qui menaçait de ruiner les assemblées de la Galatie et d’autres, et qui, après le départ des apôtres, plongea la chrétienté dans les ténèbres. Essentiellement romain, il prépare le règne de Jésabel dans les systèmes qui s’étaient séparés d’elle. Quand le rassemblement de la chrétienté aura lieu sous le drapeau de Rome, comme cela arrivera certainement, l’état final de la prostituée appelée Babylone la grande, la mère « de toutes les abominations », éclatera au grand jour. Alors le jugement de Dieu l’atteindra par le moyen même des puissances politiques sur lesquelles elle aura un instant mis la main (Apoc. 17:12, 18).


Le Modernisme 

Parallèlement au ritualisme, une autre action agit comme une gangrène dans le corps de la profession chrétienne. Il s’agit du modernisme. Le mot, apparu vers 1850, n’est devenu d’un emploi courant qu’après 1900, quand il s’appliqua à des mouvements religieux bien définis. Mais ce qu’il implique existait bien avant, et n’est autre que le rationalisme, qu’on a défini « la raison s’introduisant dans la sphère de Dieu et de sa révélation pour nier l’un et l’autre, en fait sinon ouvertement » (W. Kelly). Non seulement la raison humaine veut interpréter les Écritures selon ses propres lumières mais elle n’accepte pas leur autorité et ne veut recevoir que ce qui lui paraît admissible. C’est le propre de ce qu’on est convenu d’appeler la « haute critique ». Cette prétention est aussi ancienne que le jardin d’Eden. Satan a des pièges pour toutes les dispositions de l’esprit de l’homme déchu. À la tendance superstitieuse il présente le romanisme et le ritualisme ; à l’esprit raisonneur le modernisme. Tous deux annulent la Parole de Dieu, le dernier par ses objections incrédules, le premier par la tradition.

Les représentants actuels du modernisme déclarent s’appuyer sur les découvertes de la science dans divers domaines tels que la géologie, la biologie, qui touchent aux déclarations de la Bible, et appliquer aux questions bibliques les méthodes de la science positive. Les progrès de la science sont immenses, du moins à l’échelle humaine, et incontestables dans ce qui est de sa compétence, savoir l’étude de faits bien établis ; mais ils sont à l’origine des pires aberrations quand, sortant des limites de leur esprit, les hommes se sont rendus « vains dans leurs raisonnements » (Rom. 1:21). Les prétentions des tenants de la science « faussement ainsi nommée » ont été prouvées foncièrement erronées lorsqu’elles attaquaient les vérités de l’Écriture. Suscités par Dieu, des hommes aussi versés qu’eux dans les connaissances dont se prévalent ces ennemis de l’Évangile, démontrèrent la fausseté de leurs allégations et la futilité de leurs critiques à l’égard de la Parole de Dieu.

Il est douloureux de voir les adversaires de la vérité biblique recruter de nombreux partisans et même des porte-drapeaux parmi les chefs religieux de la chrétienté. Si ceux-ci étaient sincères, ne s’affligeraient-ils pas eux-mêmes en voyant porter atteinte à l’édifice auquel se confient les âmes simples qu’ils assument de conduire, au lieu de prêter orgueilleusement la main à cette œuvre de destruction, comme de véritables instruments de Satan ?

Nous avons déjà mentionné la haute critique du début du 19° siècle, quand la saine exégèse se mua en rationalisme incrédule, traitant comme une production tout humaine l’Écriture dont l’inspiration était niée. Les théories malfaisantes, loin de manifester la stabilité propre aux « choses qui sont vraies », n’ont cessé de se combattre mutuellement et de se succéder avec une rapidité déconcertante. Le rationalisme allemand a tenu le plus grand rôle. La thèse du « document », imaginée par Eichhorn (mort en 1827), et soutenue avec lui par Paulus, pour expliquer naturellement les miracles, fut remplacée par celle du « supplément » de De Wette (1780-1849) prônant l’interprétation mystique de l’Ancien Testament, thèse que David Strauss (1808-1874) appliqua au Nouveau : sa « Vie de Jésus », parue en 1835, est l’œuvre la plus marquante des exégètes incrédules du 19° siècle. La théorie de De Wette ne tarda pas à être supplantée par « l’hypothèse de cristallisation » d’Ewald (1803-1873) et de Hupfield, renversée depuis par une autre, qui gagna la faveur de l’Angleterre au moins, « le Plan » de Kuenen, un Hollandais, et Welhausen (Histoire d’Israël, 1874). Combattu par l’école de Maurice Vernes, il perd rapidement sa vogue, pendant qu’un autre savant, König, proteste contre l’interprétation des Écritures hébraïques donnée par Welhausen.

Ce rationalisme fut introduit en Angleterre par le Dr Colenso (mort en 1883) dont les critiques subversives sur le Pentateuque et le livre de Josué soulevèrent une vive opposition. En France, où il a toujours eu des tenants, il a influencé Ernest Renan (Vie de Jésus, 1863), et c’est en France que des mouvements religieux expressément qualifiés de modernistes firent leur apparition dans l’Église romaine, avec le Père Tyrrell et l’abbé Alfred Loisy. Celui-ci, exégète de renom, professeur à l’Institut catholique de Paris, de conclusion en conclusion en arriva aux pires négations. Le pape Pie X réagit au nom des dogmes, et en 1907 condamna Loisy, qui avait déjà rompu avec l’Église ; la même condamnation englobait des philosophes catholiques comme Le Roy et Laberthonnière.

Comme l’avait fait près d’un demi-siècle plus tôt son prédécesseur Pie IX à l’égard du libéralisme (le modernisme de l’époque) dans la célèbre encyclique Quanta Cura et par le Syllabus (1864), Pie X condamna pareillement, en 1910, le « modernisme social » de Marc Sangnier, modernisme proche en réalité du modernisme intellectuel dont nous nous occupons : son but était de ramener le christianisme à des tâches terrestres, l’amélioration du sort de l’humanité, non seulement par la pratique du « bien envers tous les hommes » qui est le devoir de tout chrétien, mais par une action politique et sociale dans le monde. C’est, malheureusement, méconnaître la ruine morale de l’homme, méconnaître que son besoin primordial est celui d’un Sauveur ; c’est détourner l’Église de sa vocation céleste et lui faire perdre sa saveur de « sel de la terre ».

Le modernisme, écrasé dans ses manifestations extérieures, n’en subsiste pas moins dans les milieux catholiques comme dans les milieux protestants, conduisant peu à peu à une déchristianisation qui va se généralisant, autrement dit à l’apostasie.


* * *


De toutes les doctrines qui ont contribué à détourner les oreilles de la vérité pour les tourner vers les fables (2 Timothée 4:4) et auxquelles les conducteurs religieux se sont complaisamment prêtés, la plus agissante a été la théorie de l’évolution. Les ouvrages de Ch. Darwin : « L’Origine des espèces » (1859) et plus tard « L’ascendance de l’Homme » exercèrent une profonde influence. Ses conceptions fascinèrent le monde scientifique, et, vulgarisées par la presse, devinrent pour la masse aussi indiscutables que la loi de la gravitation. Pour les vrais savants elles ne dépassèrent pas le domaine de l’hypothèse : on les admit faute d’une explication plus plausible. Bien que l’auteur s’en défendît le darwinisme attaque certainement le Dieu Créateur. L’incrédulité déclarée s’en empara. Haeckel, athée avéré, déclara que Darwin « avait fourni une Anti-Genèse et gagné une victoire éclatante sur les récits mythiques démodés de la Genèse ». L’ennemi tendait évidemment à discréditer la révélation divine et à ébranler la foi des saints. Aujourd’hui le monde savant se rit du darwinisme, auquel l’incrédulité substitue d’autres spéculations : dans le conflit permanent entre la vérité et l’erreur, un mensonge en remplace un autre, jusqu’à ce que la coupe d’iniquité déborde, et que Dieu intervienne, comme il le fera, pour faire éclater sa gloire.

Le levain rationaliste a envahi toutes les organisations religieuses de la chrétienté. Un pasteur anglais, non conformiste éminent, écrivait récemment : « L’Église nationale libre de Grande-Bretagne, ayant accepté les déclarations du Dr G., son président, ne peut plus être considérée comme un mouvement évangélique : elle est aujourd’hui une corporation de ministres et d’Églises dont le dessein avoué est d’ignorer et de nier les vérités fondamentales de la foi chrétienne ». Cette grave affirmation pourrait s’appliquer à la plupart des Églises protestantes actuelles, à en juger par de nombreuses déclarations de leurs représentants les plus autorisés. Le rationalisme a pris, dans plusieurs d’entre elles, un caractère de mépris éhonté de la Parole de Dieu (*). 


(*) Rappelons à nouveau que ceci a été écrit avant 1937 (Ed.).

Le champ des missions lui-même a été contaminé. L’œuvre qui avai t tant de valeur pour tous ceux qui avaient à cœur le salut des âmes plongées dans les ténèbres du paganisme, s’est corrompue entre les mains des hommes. Des ligues bibliques ont dû se former pour combattre, en certains champs missionnaires de l’Inde et de Chine, non les faux systèmes païens mais les égarements du modernisme dit chrétien. Dans bien des cas les comités directeurs, eux-mêmes infectés du même virus, ne peuvent ou ne veulent pas intervenir. La Société missionnaire de l’Église anglicane, par exemple, qui avait été fondée par des hommes qui auraient subi la mort pour leur foi, voit leurs successeurs renier la vérité et refuser d’accepter les enseignements de Christ lui-même, l’accusant virtuellement d’ignorance et d’obscurantisme. Ceux qui ne veulent pas les suivre dans cette voie d’apostasie ont créé la Société missionnaire biblique de l’Église anglicane, sur la base de la foi en la Parole de Dieu tout entière. Triste spectacle que celui présenté aujourd’hui, d’une manière générale, par les Églises issues de la Réforme !

C’est ainsi que se prépare l’apostasie finale de tout le grand corps professant, avec, pour issue, les eaux du jugement (Apoc. 18:21). La chrétienté entière arrive à la fin du temps de la patience de Dieu. Elle a refusé la lumière que Dieu répandit en abondance au siècle dernier ; elle aura pour fin la nuit éternelle.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016, 21:11

Les Sectes


Un autre aspect de cette chrétienté est la multiplicité de sectes que notre époque a vues naître et prospérer, très diverses en importance, en doctrines et en manifestations. On a pu définir secte « toute corporation religieuse fondée sur un autre principe que celui de l’unité du corps de Christ ». Mais parmi elles il est des systèmes de mensonge qui, tout en se prévalant de passages ou d’expressions empruntés à la Bible, mettent à la place de l’Évangile des produits de l’imagination humaine, et entraînent les âmes aveuglées dans l’apostasie. On ne peut que qualifier de « sectes de perdition » de tels systèmes qui étendent de plus en plus des filets diaboliques sur le monde religieux. Ainsi en est-il de la Science chrétienne, du Mormonisme (Saints des derniers jours), de l’Adventisme du septième jour, de l’Aurore du millénium et leurs dérivés, dont les Témoins de Jéhovah. 

De graves erreurs anciennes, comme l’Annihilationnisme, le Conditionnalisme, l’Universalisme, reviennent et se répandent. Le Spiritisme fait de grands progrès dans tous les pays. Il prétend mettre ses adeptes en communication avec les esprits des morts ; en réalité ce sont les démons qui prennent ainsi possession de ceux qui ont rejeté la vérité de l’Évangile, et préparent la chrétienté déchue à recevoir « l’homme de péché » (2 Thess. 2:3).

Beaucoup de vrais enfants de Dieu se laissent séduire par le mouvement dit de sainteté, inauguré par les prédications de Pearsall Smith (vers 1870), qui prétendait atteindre un état de perfection morale caractérisé par l’absence du péché dans le croyant. Les exhortations pressantes de la Parole de Dieu à la vigilance, à cause de la présence du péché dans la chair aussi longtemps que nous sommes dans le corps, montrent la fausseté de ce système.

Enfin de tous côtés on voit surgir des hommes qui déclarent posséder le don de parler en langues et de guérir par l’imposition des mains. C’est, disent-ils, un retour aux miracles de la Pentecôte. D’où le nom de Pentecôtisme donné à un mouvement, né du Réveil du Pays de Galles au début du siècle, qui est allé s’amplifiant, et qui présente d’ailleurs diverses tendances. Si sincères et si zélés pour l’Évangile que soient beaucoup d’enfants de Dieu qui s’y rattachent, il se trouve à côté d’eux des éléments douteux, et les excès et démonstrations spectaculaires de personnes exaltées (séances publiques de guérison, etc.) ont parfois fait plus de tort que de bien à la cause de l’Évangile. Ils gardent les points fondamentaux de celui-ci, mais plusieurs de leurs affirmations doctrinales ne supportent pas la lumière du Nouveau Testament.

Ne soyons pas surpris de tant d’activités d’erreur dans la maison de Dieu. Au contraire de telles constatations ne feraient que confirmer, s’il en était besoin, la Parole qui déclare que « les hommes méchants et les imposteurs iront de mal en pis, séduisant et étant séduits » (2 Tim. 3:13). Soyons vigilants, et « que celui qui croit être debout prenne garde qu’il ne tombe ».


Quelques rayons de lumière 

Au milieu des ténèbres grandissantes qui caractérisent la fin de l’histoire de l’Église, considérons encore une fois le fil d’argent de la grâce, dont nous avons déjà pu suivre la trace et qui poursuit invariablement son cours jusqu’à la fin. Il est consolant de détourner un peu nos regards du travail destructeur de l’esprit humain, trompé par l’adversaire, pour les porter sur l’activité bénie de l’amour de Dieu, qui ne cesse d’opérer des merveilles, durant le temps de sa patience. Il ne peut évidemment s’agir ici que de quelques coups d’œil, jetés rapidement et çà et là, sur ces rayons lumineux, pour la période qui va du Réveil de la première moitié du 19° siècle à l’après-guerre de 1914-18.


Les missions 

L’œuvre des missions, en pays païens surtout, doit attirer l’attention. De nombreuses sociétés des missions virent le jour au 19° siècle, la plupart dans la première moitié (*). L’Église morave, qui nous a occupés précédemment, s’est distinguée dans ce domaine.


(*) Dont la Société missionnaire de Londres (dès 1715), la Société des missions de Bâle (1815), la Société des missions évangéliques de Paris (1824), etc.

Un grand nombre de missionnaires, travaillant dans la dépendance de Dieu, suivirent les traces de A. N. Groves, qui se consacra à cette œuvre et passa bien des années de travail dans l’Inde. Nous rappellerons aussi les noms de Martyn, de William Carey également en Inde, de A. Judson en Birmanie, de Robert Moffat et de David Livingstone qui travaillèrent avec une persévérance admirable au sud de l’Afrique, de F. Coillard dans les pays du Zambèze, des missionnaires de Madagascar ; de John Paton qu’on a surnommé « l’apôtre des Nouvelles-Hébrides » ; d’Alex Mackay ; de Hudson Taylor (1832-1905), le fondateur de la Mission Intérieure de Chine qui a occupé un grand nombre d’ouvriers dans ce vaste champ de travail ; de Ch. Studd, etc. Tous étaient des hommes remarquables par leur piété, leurs dons, leur énergie, et entièrement consacrés au service du Maître. De beaucoup d’entre eux, on peut dire qu’étant morts, ils parlent encore et que « leurs œuvres les suivent ».


 En Russie 


Sur le continent européen, des serviteurs dévoués portèrent l’Évangile aux déshérités, notamment en Russie. Un chrétien anglais distingué, lord Radstock, y séjourna longuement et sa prédication y fut en bénédiction à plusieurs, à Petrograd en particulier. Dans la haute société, comme parmi les humbles, l’Esprit de Dieu travailla avec puissance, en particulier après 1874 et amena entre autres à la connaissance de la grâce divine le colonel Paschkov, de la Garde Impériale, le comte Bobrinsky, ancien ministre de l’Intérieur, et le comte Korff. Devenus d’humbles croyants, ils portèrent l’Évangile dans les lieux divers où la porte leur était ouverte, de sorte que la bénédiction s’étendit au loin dans ce pays ténébreux. Mais l’ennemi veillait. Lorsque Pobiedonostzef, grand adversaire de l’œuvre naissante, devint procureur du Saint Synode, il persécuta à outrance les témoins du Seigneur. Il peut être considéré comme l’un des grands instruments dont Satan s’est servi au cours des siècles pour éteindre le flambeau de la vérité. On a pu affirmer que, pendant ses vingt-cinq ans d’activité, il fit autant de mal à la vérité que la plupart des empereurs romains des premiers siècles.

Les membres de l’aristocratie qui avaient confessé Christ furent exilés ; mais Dieu continua son œuvre de grâce parmi des paysans russes auxquels on donna le nom de Stundistes (de l’allemand Stunde, « heure », allusion au temps pendant lequel ils se réunissaient). Le mouvement commença parmi les colons allemands, puis se répandit chez les Moujiks russes, auxquels Alexandre II avait accordé une certaine mesure de liberté, qui leur fut retirée par son successeur à la suite de l’assassinat de son père. À partir de ce moment, les témoins du Seigneur eurent à traverser les eaux profondes de l’affliction pour son nom. Bannis en Sibérie, emprisonnés, torturés, ils suivirent les traces de la grande nuée, de ceux qui, dans les temps anciens, n’acceptèrent « pas la délivrance, afin d’obtenir une meilleure résurrection » (Héb. 11:35-39).

En dépit de tous les efforts de l’adversaire, l’cuvre de l’Esprit de Dieu continua en Russie. Des milliers d’âmes furent amenées à la connaissance du Seigneur et des centaines d’assemblées de simples croyants se formèrent en dehors de l’Église officielle. Ils n’avaient qu’une connaissance imparfaite des vérités de la Parole de Dieu quant au rassemblement autour du Seigneur de ceux qui ont cru, mais leur amour, leur foi, leur zèle, étaient remarquables. Pendant un certain nombre d’années, des chrétiens dévoués d’autres pays, tels que le Dr Baedeker, avaient obtenu du gouvernement impérial l’autorisation de répandre la Bible en Russie. Ils la parcoururent en tous sens, et, avec l’aide de la Société britannique et étrangère, répandirent le Saint Livre en abondance. Ce fut certainement le moyen que Dieu employa pour faire éclore son œuvre de grâce dans des milliers de cœurs.

Lorsque survint la révolution, la liberté de conscience ayant été proclamée dès mars 1917, l’œuvre se propagea merveilleusement dans ce vaste pays. Mais le pouvoir athée qui s’établit ne pouvait que s’élever contre ce qui porte le nom de Christ. « Vous êtes cinq millions, dit un jour l’un de ses chefs à un chrétien évangélique russe, vous êtes trop nombreux. Vous constituez pour nous un danger auquel nous allons mettre ordre ».

Alors, après 1928 commença une affreuse persécution contre la plupart de ceux qui gardaient le nom de chrétiens en Sibérie. Déportation de populations entières, massacres, tortures, on n’épargna rien pour faire disparaître de ce pays la lumière du christianisme. Nous savons cependant que le terrible pouvoir de Satan est sous le contrôle souverain du Gouverneur de l’univers et que, bientôt, le Dieu de paix brisera Satan sous nos pieds. En attendant, tant que dure le jour de sa patience, il continue, en dépit de tous les obstacles , son œuvre de grâce dans bien des cœurs. Les croyants, en grand nombre, se réunissent dans des endroits écartés, dans des caves et d’autres refuges secrets, pour s’édifier et s’encourager mutuellement par la prière et la lecture de la Parole. Ils savent par expérience ce que rencontrèrent avant eux les témoins fidèles desquels nous lisons qu’ils « furent éprouvés par des moqueries et par des coups, et encore par des liens et par la prison… (desquels le monde n’était pas digne) » (Héb. 11:36-38).


Des réveils 


En 1856, quelques chrétiens, affligés de l’indifférence qui régnait autour d’eux en Amérique et, d’une manière générale, dans toute la chrétienté, convinrent de se réunir chaque jour à midi, dans une modeste chambre à New York, pour prier et demander à Dieu avec instance d’opérer dans les cœurs. Bientôt d’autres se joignirent à eux et, comme un feu de prairie, le mouvement s’étendit à toute la grande cité, et les lieux de culte furent remplis de personnes dont beaucoup demandaient les prières de l’assemblée pour ceux dont elles désiraient ardemment la conversion.

Il y eut une réponse divine à cette intercession générale. Partout, sur terre et sur mer, l’Esprit de Dieu exerça son action, et il y eut de la joie au ciel pour un grand nombre de pécheurs venus à la repentance. Des matelots sur l’océan, pour lesquels des mères angoissées avaient demandé les supplications de ceux qui se réunissaient à cette heure inusitée, annoncèrent que, mystérieusement saisis par la puissance de l’Esprit de Dieu, ils avaient été amenés à la confession de leurs péchés et à la connaissance du salut par la foi au Sauveur longtemps méconnu.

Un des fruits de ce travail de prière et d’intercession fut le puissant réveil qui eut lieu dans le nord de l’Irlande, puis en Angleterre en 1859, auquel tant d’enfants de Dieu devaient faire remonter, bien des années plus tard, le moment de leur conversion. Des centaines de personnes étaient saisies avec une telle force par la puissance de l’Esprit de Dieu, qu’elles tombaient à terre et restaient dans un état de prostration complète, jusqu’à ce qu’elles eussent trouvé la délivrance par la foi au Fils de Dieu mort et ressuscité. Dans bien des endroits, les lieux de plaisir étaient si complètement délaissés que leurs propriétaires durent les fermer. Mais lorsque l’épreuve survint, bien des fleurs ne donnèrent pas de fruit et le mal reprit le dessus avec plus de violence que jamais. Toutefois des personnes très nombreuses avaient passé de la mort à la vie et pourront bénir éternellement Celui qui les amena, durant ces jours bénis, à la connaissance de son amour.

Ce puissant travail de Dieu prépara le terrain en Angleterre pour la bénédiction qu’il répandit sur ce pays, dès 1873, par la visite de deux évangélistes américains, Moody et Sankey. Malgré ce qu’avait d’incomplet l’Évangile prêché par ces deux serviteurs de Dieu, il est certain que des milliers d’âmes furent sauvées par leur ministère. Ensemble, ils annoncèrent l’Évangile, avec une rare puissance, à des foules immenses, tant en Amérique que dans le Royaume-Uni, provoquant partout un intérêt intense pour la Parole de Dieu. Comme ils n’étaient pas entièrement sortis eux-mêmes hors du camp pour porter l’opprobre de Christ, ils ne surent malheureusement pas conduire dans cette place de bénédiction et de témoignage ceux que le Seigneur amenait à lui par leur moyen.

D’autres pays d’Europe furent visités par la bénédiction d’en haut à la même époque. La chute de l’Empire en France en 1870 ouvrit la porte toute grande à l’Évangile dans ce pays. Bien avant cette date, des serviteurs de Dieu y travaillaient avec bénédiction, en divers lieux, à la prédication de la bonne nouvelle, et de vrais réveils avaient eu lieu, par exemple dans la Drôme en 1852-1856, dans le Gard en 1858-1860. Mais, dès l’avènement de la République, beaucoup de villes catholiques furent évangélisées plus qu’elles ne l’avaient été jusque-là. Le Dr Mac All fonda à Paris et ailleurs une mission qui, avec l’aide de serviteurs dévoués, dont Ruben Saillens, se développa dans bien des centres de ténèbres et d’incrédulité et fut bénie pour beaucoup d’âmes.

Parmi les réveils les plus remarquables de notre époque, on cite celui, en 1904, du pays de Galles, déjà richement béni en 1804 et en 1859. Il présente un exemple frappant de la souveraineté des voies de la grâce de Dieu, quant au choix des instruments envers lesquels elle se déploie. Ceux-ci étaient des plus humbles et des moins appropriés, en apparence, pour ce travail.

Evan Roberts, un jeune mineur, connu pour son attachement à la Parole et pour sa piété vivante, avait l’habitude de passer des heures en prières et dans une communion silencieuse avec Dieu, mais rien ne faisait présager que cet humble ouvrier, sans éducation préalable, pût être employé pour réveiller des foules endormies dans le sommeil de la mort. L’œuvre de l’Esprit de Dieu commença autour de sa demeure et se répandit dans tout le pays ; des milliers d’âmes confessèrent avoir reçu le salut par la foi au Seigneur Jésus Christ. Il y eut, comme toujours, un grand triage ; toutefois, un examen attentif de ce champ où l’Esprit de Dieu a tellement travaillé, prouve à tout observateur sérieux, la réalité de l’œuvre divine.

D’abondantes bénédictions se répandirent ensuite sur l’île d’Anglesea, puis sur la ville de Liverpool. Evan Roberts parla avec puissance à un auditoire de dix mille personnes et on se souvint longtemps avec émotion de sa prédication sur le « Nom de Jésus ». Une grande dépendance de l’Esprit de Dieu et un esprit de prière intense le caractérisaient, ainsi que ceux qui travaillaient avec lui. L’éternité manifestera les merveilles que Dieu a accomplies dans ce temps de réveil.


En Espagne, où la liberté religieuse pour les non-catholiques est restée précaire même après la Constitution relativement libérale de 1871, l’Évangile a continué à se répandre au 20° siècle. La révolution espagnole de 1936 et l’atroce guerre civile qui a suivi rendirent très difficile, un moment, la situation des croyants de ce pays, notamment en Catalogne. Il est vrai que le peuple, en proie à une véritable crise de déchristianisation, se déchaîna contre les églises et les prêtres, et épargna relativement les « évangéliques ». Mais le régime qui s’établit après la défaite du parti révolutionnaire entraîna pour ceux-ci bien des entraves et des difficultés pour se rassembler, rendre témoignage, évangéliser, aussi bien que pour la vie courante, mariages. enterrements, etc.


Au Portugal, une belle œuvre d’évangélisation s’était développée lors du Réveil, grâce à la Société biblique britannique, avec des résultats remarquables d’abord dans l’île de Madère avec le Dr Kalley, puis au Portugal même avec De Veira. Elle s’est trouvée contrariée par de réelles persécutions en 1846, en 1886 et en 1901. Mais de nouveau l’Évangile a trouvé des portes largement ouvertes au 19° siècle et il est largement répandu.


En Italie, Dieu ouvrit également la porte à l’Évangile dans ce dernier siècle. Nous avons parlé plus haut du chrétien éminent, le comte Guicciardini (1808-1870), qui travailla avec zèle à faire connaître le glorieux message qui lui avait apporté la paix et le salut. Au commencement du réveil, qui eut lieu à la suite de celui de Suisse et d’autres pays, la Bible avait une puissance particulière et beaucoup d’âmes furent amenées à la foi.


Les ouvriers du Seigneur qui travaillent de nos jours à faire connaître la bonne nouvelle, constatent qu’autrefois les conversions étaient plus nombreuses et l’œuvre plus profonde que maintenant, malgré la liberté plus grande et la porte plus largement ouverte. L’évolution naturelle des pays catholiques romains se fait vers l’incrédulité. Or on a plus de peine à gagner pour Christ un incrédule qui a abandonné le catholicisme qu’un catholique pieux, animé, en général, de la crainte de Dieu et d’une certaine connaissance des vérités fondamentales du christianisme.


 La mission intérieure de Chine 


La dernière visite de Moody et Sankey en 1883 eut une influence durable sur le développement des missions en pays païens, en raison de l’intérêt qu’elle créa dans les universités du Royaume-Uni, à Cambridge surtout. Beaucoup d’étudiants convertis se consacrèrent à ce service. Plusieurs d’entre eux abandonnèrent un bel avenir terrestre et entrèrent au service de la Mission intérieure en Chine, fondée en 1865 par le Dr Hudson Taylor, missionnaire dans ce pays. Jusqu’alors, l’œuvre d’évangélisation se confinait aux ports de mer ouverts aux étrangers et aux provinces avoisinant l’Océan. Hudson Taylor avait, il est vrai, fait, en compagnie d’un collaborateur dévoué, W. Burns, quelques périlleuses visites dans l’intérieur du pays. Il comprit qu’il fallait un effort plus grand et fonda la Mission Intérieure, en comptant sur la puissance de Dieu.

À son début, en 1865, cinq missionnaires répondirent à cet appel. En 1875, la société comptait cinquante et un ouvriers. En 1885, sept étudiants de Cambridge, amenés au Seigneur, partirent pour la Chine, après avoir tenu dans tout le pays des réunions d’adieu qui amenèrent nombre de conversions et servirent de point de départ à des carrières missionnaires fécondes. L’un de ces sept jeunes ouvriers de Dieu dirigea longtemps la Mission. Un autre, Charles T. Studd, fonda une mission dans le centre de l’Afrique. On comptait vers 1930 plus de six mille cinq cents missionnaires en Chine, sans compter ceux qui y travaillaient sans être rattachés à aucune société. On y annonçait l’Évangile dans chacune des dix-neuf provinces.


 L’Armée du Salut 

Une revue impartiale des mouvements religieux de notre époque ne saurait omettre l’Armée du Salut. Fondée en 1878 par un pasteur méthodiste activement occupé à la recherche des âmes perdues, W. Booth, elle se propagea rapidement, travaille maintenant dans 79 pays et possède des milliers d’officiers et de soldats. Quoique sa constitution et ses méthodes ne répondent pas à l’enseignement de la Bible, cette organisation religieuse groupe à coup sûr un très grand nombre de vrais enfants de Dieu, ardemment désireux de faire connaître le message du salut aux masses plongées dans les ténèbres, et de soulager les misères des déshérités de la terre. Par leur moyen, un nombre immense de malheureux, dans les bas-fonds des grandes villes du monde entier, christianisé et païen, entrent en contact avec les vérités de l’Évangile, plus ou moins clairement présentées. Les innombrables fondations philanthropiques de l’Armée du Salut ont préparé bien des âmes à écouter le message de l’Évangile.

L’œuvre de chacun sera manifestée au grand jour des rétributions et sera éprouvée par le feu. La chrétienté se caractérise aujourd’hui par son esprit d’insoumission à la Parole et, à cet égard, l’Armée du Salut nous en donne le spectacle affligeant. Comment justifier par les Écritures la place d’autorité administrative et exécutive donnée à des femmes, le remplacement du rite initiatoire du baptême par un « service de consécration » et celui de la cène du Seigneur par une « réunion de sainteté » ?


Oeuvres diverses 

Parmi les carrières d’évangélistes du siècle passé, mentionnons celle d’un serviteur de Dieu remarquable, Charles Spurgeon. À l’âge de vingt ans, en 1854, il commença à prêcher l’Évangile à Londres. Converti de bonne heure, il avait déjà, à l’âge de seize ans, confessé dans des réunions publiques le nom de son Sauveur. Quatre ans plus tard, en 1858, on l’appela à présenter la vérité devant un auditoire de plus de vingt mille personnes, réunies au Palais de Cristal, le jour d’humiliation nationale convoqué à l’occasion de la grande révolte des Cipayes aux Indes. Il parla, dans cette circonstance, avec une telle puissance que son discours eut un retentissement extraordinaire dans tout le pays. En 1861 on édifia pour lui une grande salle qui pouvait contenir six mille personnes. Pendant trente années, jusqu’à sa mort en 1892, il annonça le message du salut à des foules toujours renouvelées. De toutes parts on venait entendre ce grand prédicateur qui, jusqu’au bout, ne perdit rien de sa fraîcheur et de sa puissance.


Une des caractéristiques de ce dernier siècle, au point de vue de l’œuvre divine dans ce monde, a été la diffusion toujours plus grande des saintes Écritures, par lesquelles la lumière et la bénédiction se répandent jusqu’aux extrémités de la terre. La Société Biblique britannique et étrangère, fondée en 1804, a été un puissant instrument dans la main de Dieu, pour mettre sa Parole à la portée de millions de lecteurs. Dans sa folie incrédule, Voltaire disait : « Dans cent ans, la Bible aura passé dans l’histoire, et elle ne sera plus trouvée que dans les greniers et dans les musées ». Quelle fut la réponse divine à cet audacieux défi ? La Société Biblique britannique et étrangère, à elle seule, a vendu en 1957 près de 8 millions d’exemplaires de la Bible entière ou partielle, ce qui portait à 583 millions le nombre de Bibles et de Nouveaux Testaments livrés par cette Société seule dans le monde entier, depuis sa fondation, en 851 traductions différentes. Le montant des sommes reçues par elle pour cet immense labeur dépasse vingt millions de livres sterling. « Dieu est plus grand que ses ennemis ».


D’autres sociétés importantes, la Société Biblique d’Écosse, la Société Biblique Trinitaire, la Société Biblique de Paris (1818), la Société Biblique française (1833), la Maison de la Bible, etc., ont aussi répandu ou répandent encore la Parole de vie par millions d’exemplaires. En dépit de toutes les négations et des critiques de l’incrédulité, le Saint Livre continue ainsi à montrer sa puissance ; car il est la Parole vivante et opérante, plus pénétrante qu’aucune épée à deux tranchants. Les miracles produits par sa simple lecture, accompagnée de l’opération de l’Esprit dans les cœurs, seront un thème de louanges éternelles pour les habitants du saint lieu. La maison où Voltaire prononça les paroles impies que nous venons de relater, fut transformée en dépôt des saintes Écritures d’où, par centaines de milliers d’exemplaires, la Bible porte son message dans tous les pays du monde. Et les livres de Voltaire, à combien d’exemplaires se vendent-ils chaque année et en combien de langues ont-ils été traduits ?

Dans l’immense bâtiment de la Société Biblique à Londres deux halles ne contiennent jamais moins de deux millions d’exemplaires non encore reliés. Devant de telles richesses, on pense au blé amassé jadis dans les greniers du Pharaon d’Égypte par les soins de Joseph. Le monde affamé a, à sa disposition, des greniers remplis du pain spirituel en abondance. Louons-en le Seigneur de la moisson, et demandons-lui d’en faciliter l’écoulement et la distribution aux âmes désireuses de paix et de nourriture, avant que le jugement fonde sur ce monde impie et apostat qui a méconnu et rejeté cette Parole éternelle. « Le ciel et la terre passeront, a dit le Fils de Dieu, mais mes paroles ne passeront point » (Matt. 24:35).

Les orphelinats de Bristol, fondés par Georges Müller (1806-1898) il y a plus d’un siècle, sont un exemple remarquable de la fidélité de Dieu à ses promesses faites à la foi, qui compte sur lui aussi bien pour tout ce qui concerne les besoins temporels des siens que pour ceux de leurs âmes. Plus de deux millions de livres sterling ont été reçus en cent ans par les chrétiens qui dirigent cet établissement, en réponse à leurs prières, soit pour l’entretien des milliers d’orphelins élevés par leurs soins, soit pour la distribution des Écritures et la prédication de l’Évangile en divers pays.

Une autre œuvre de foi est celle du Dr Barnardo, qui ouvrit en 1866 un asile pour les enfants abandonnés des bas-fonds de Londres. Après leur avoir donné une éducation chrétienne, dont les fruits sont durables et bénis, on envoie la plupart de ces jeunes gens dans les pays de langue anglaise, où ils trouvent l’occasion de gagner honorablement leur vie.

Un philanthrope chrétien, dont la mémoire est aussi en bénédiction, le comte de Shaftesbury, consacra sa vie au service du Seigneur et au bien de l’humanité souffrante. Les pauvres, les déshérités de ce monde faisaient l’objet particulier de sa sollicitude active et bienfaisante. Humble croyant, il aimait à travailler parmi ceux envers lesquels se déploie la sympathie toute spéciale du Seigneur Jésus, qui étant riche, a vécu dans la pauvreté, afin que, par sa pauvreté, nous fussions enrichis. En 1843, il se consacra avec une grande énergie à l’œuvre des écoles pour enfants déshérités. De fait, aucun effort pour faire pénétrer l’Évangile dans les milieux misérables des grandes villes et pour améliorer la condition sociale de ceux-ci ne le laissait indifférent. Il en fut ainsi jusqu’au terme de sa longue carrière.


 Conclusion 

Quelle est l’espérance de l’Église ? Est-ce l’établissement graduel et universel d’un état de choses meilleur, un millénium mondain de paix et de prospérité, mais duquel l’Héritier légitime du royaume serait absent ? Est-ce la conversion du monde ou même un « réveil général » ? Aucune de ces perspectives n’est placée devant nous par la Parole immuable de notre Dieu. Par contre, elle nous déclare clairement que la parenthèse actuelle, qui a commencé le jour de la Pentecôte, va se fermer par la venue glorieuse de l’Époux, que l’Esprit saint a rappelé à l’Église endormie, il y a plus d’un siècle. De nombreuses myriades de rachetés, réveillés de leur sommeil, regardent vers le ciel avec l’ardeur de la foi et de l’espérance retrouvée et, au cri de l’Époux : « Je viens bientôt », ils répondent : « Amen, viens Seigneur Jésus ».

Un adversaire du grand mouvement de réveil qui eut lieu il y a un siècle osa dire que ceux qui y participèrent étaient sous l’influence d’une « illusion ». La foi elle-même, illusion pour l’incrédule, est pour nous qui croyons « la conviction des choses qu’on ne voit point ». Le retour imminent de notre Seigneur et Sauveur accomplira sa promesse formelle : « Je reviendrai, et je vous prendrai auprès de moi ; afin que là où moi je suis, vous, vous soyez aussi » (Jean 14:3). Rappelons-nous l’avertissement de Pierre : « Aux derniers jours, des moqueurs viendront… disant : Où est la promesse de sa venue ?… Mais n’ignorez pas cette chose, bien-aimés, c’est qu’un jour est devant le Seigneur comme mille ans, et mille ans comme un jour » (2 Pierre 3:3). Assurément le Seigneur voulait que son Église attendît à toute heure sa venue. Est-ce une illusion de réaliser cette attente ? Celui qui rend témoignage de ces choses dit : « Oui, je viens bientôt. — Amen ; viens, Seigneur Jésus ! » (Apoc. 22:20).


Quant à la chrétienté professante, elle marche rapidement vers le moment où le Seigneur la rejettera. Elle se caractérise essentiellement par le rejet de l’autorité divine des Écritures. Le modernisme refuse de les recevoir comme divinement inspirées. Il nie la chute de l’homme et le jugement final des impénitents. Le mépris des droits de Dieu sur ses créatures et de son amour manifesté dans le don de son Fils se généralise. La crainte de déplaire à Dieu, le respect dû au Créateur par la créature se font de plus en plus rares. Aussi, n’ayant plus aucun frein qui les retienne dans la voie du péché, les hommes s’adonnent avec frénésie à leurs convoitises, espérant trouver dans leur satisfaction le bonheur qu’ils ont perdu. Ils sont « amis des voluptés plutôt qu’amis de Dieu » (2 Tim. 3:4).

Toutefois, en dépit de l’indifférence et de l’incrédulité croissantes, Dieu continue son œuvre de grâce par son Esprit et sa Parole. Bien des âmes, amenées à la connaissance du Seigneur, attendent avec joie son retour. « Quand ces choses commenceront à arriver, regardez en haut, et levez vos têtes, parce que votre rédemption approche » (Luc 21:28). La félicité ineffable de la maison du Père sera bientôt la part éternelle des rachetés. « Le soir, les pleurs viennent loger avec nous, et le matin il y a un chant de joie » (Ps. 30:5). Puis la création tout entière sera délivrée par le Prince de paix, pour jouir de la gloire des enfants de Dieu : « Et j’entendis toutes les créatures qui sont dans le ciel, et sur la terre, et sur la mer, et toutes les choses qui y sont, disant : À celui qui est assis sur le trône et à l’Agneau, la bénédiction, et l’honneur, et la gloire, et la force, aux siècles des siècles ! » (Apoc. 5:13).
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016, 21:12

Quelques documents relatifs aux débuts des « Frères  »


 Une lettre de J.G. Bellett sur le commencement de l’histoire des frères 


(À James Mc Allister, date inconnue, vraisemblablement peu après 1860).


Quand je me rappelle les premiers faits relatifs à l’histoire de ceux qu’on appelle les « frères » et que je nommerai ainsi pour les distinguer, je suis pénétré du sentiment qu’il y a eu là, à l’époque, un travail de l’Esprit de Dieu pour instruire les croyants, tout à fait indépendant et original. Bien qu’ils aient pu ensuite s’aider mutuellement et croître ensemble dans l’intelligence et la jouissance de plus d’une vérité commune, les premières notions de ces vérités se sont fait jour dans les esprits de plusieurs sans qu’ils confèrent entre eux ni ne se suggèrent ces pensées l’un à l’autre. Cela même les a préparés à marcher ensemble une fois qu’ils s’en sont entretenus.

Je crois que le début de notre histoire, tant en Angleterre qu’en Irlande, met bien la chose en évidence. Mes souvenirs peuvent manquer de précision et je puis naturellement faire erreur dans la mesure où je n’ai pas été engagé personnellement, mais je désire poursuivre avec autant de fidélité que ma mémoire me le permettra la relation de mes souvenirs, en demandant au Seigneur de me diriger en toute simplicité et vérité.

C’est au cours de l’année 1827 que l’archevêque de Dublin, dans un mandement au clergé de son diocèse, préconisa l’envoi d’une pétition au Parlement pour que fût renforcée la protection due au clergé de l’Église officielle chargé d’enseigner la religion à ce pays (*). John Darby était alors vicaire dans le comté de Wicklow et je lui rendais souvent visite dans sa paroisse de montagne. Ce mandement de son supérieur l’émut grandement : il ne pouvait concilier avec le christianisme un principe qui impliquait que les serviteurs du Seigneur dont la tâche était de rendre témoignage contre le monde pour un Christ rejeté, eussent, lorsqu’ils rencontraient la résistance de l’ennemi, à faire volte-face et chercher protection auprès du monde ! Cela l’affecta beaucoup. Il exposa ses objections à un tel principe dans une assez volumineuse brochure imprimée, et, sans la publier ni la mettre en vente, en envoya des exemplaires à tout le clergé du diocèse. Tout ceci eut sur son esprit une influence décisive, car je me souviens de lui à l’époque comme d’un homme d’Église particulièrement scrupuleux, mais il était évident qu’il avait reçu alors un choc et qu’il n’en serait jamais plus pour lui comme précédemment. Cependant, dans sa paroisse de montagne, il continuait en tant que ministre à visiter les différentes localités de la région, pour prêcher, ou pour prendre la parole dans les cercles religieux.


(*) II s’agissait de défendre les privilèges de l’Église anglicane (ou Église établie, Establishment) vis-à-vis des catholiques d’Irlande qu’à cette époque le Gouvernement anglais, par politique, paraissait disposé à favoriser ; un projet avait été préparé en vue de donner existence officielle à la religion catholique (Ed.).


Au début de 1828 j’eus l’occasion, allant à Londres, d’y rencontrer en privé et d’y entendre en public ceux qui, ayant été récemment éclairés quant aux vérités prophétiques, les exposaient avec une vive ardeur. Dans mes lettres à J. N. Darby je lui racontai avoir entendu des choses dont lui et moi ne nous étions jamais entretenus, et ensuite, à mon retour à Dublin, je lui fis part de ce dont il s’agissait. Rempli de ce sujet comme je l’étais alors, je le trouvai également tout préparé à ces choses, de sorte que son esprit et son cœur progressèrent rapidement dans la direction ainsi donnée.

En ce qui me concerne j’habitais toujours Dublin, tandis que lui demeurait ordinairement dans le comté de Wicklow, mais il m’avait présenté à Francis H. Hutchinson, dont la mémoire m’est particulièrement chère et vénérée. Nous trouvâmes, lui et moi, que nous avions beaucoup en commun avec le cher Francis. Insatisfait comme je l’étais, nous allâmes ensemble, occasionnellement, dans les églises dissidentes, mais sans éprouver beaucoup de sympathie pour le ton qui y régnait ; les sermons que nous y entendions étaient généralement plus dépourvus de la simplicité quant au Christ que ceux qui étaient prêchés dans les chaires de l’Église établie, et nous trouvions que les choses de Dieu étaient plutôt considérées en rapport avec l’intelligence qu’adaptées aux besoins propres à un esprit renouvelé. Je crois pouvoir dire cela pour lui comme pour moi, de sorte que nous restions encore attachés à l’Église établie, si relâché que fût le lien.

Peu de temps auparavant A. Groves, dentiste du Devonshire, distingué dans son art, s’était proposé à la Société missionnaire de l’Église, et pour se préparer à ce service, il s’était fait inscrire à l’Université de Dublin, au Collège auquel nous appartenions. Quelque temps plus tard je fis sa connaissance, et il se trouva occasionnellement parmi nous quand il venait pour ses examens trimestriels. Il fut amené, d’une manière tout à fait indépendante des exercices que d’autres avaient eus, à voir qu’une formation dans un Collège en vue de l’œuvre du ministère n’était pas le chemin, et qu’il perdait son temps à Dublin à préparer ses examens. Il remit tout en cause dans son esprit, et non seulement il abandonna le Collège, mais il reconsidéra aussi, comme jamais il ne l’avait fait, toute la question de l’Église établie et des prétentions des corps dissidents. À la fin de 1828 il vint à Dublin, bien qu’il eût rompu avec le Collège. Il prêcha à Poolbey Street, à la demande du cher Dr Egan, alors en liaison avec le petit groupe qui s’y trouvait et dont faisait partie R. Pope, bien connu en Irlande à l’époque. Un jour qu’il cheminait avec moi et que nous descendions la rue de Lower Pembroke, il me dit : « La pensée du Seigneur à notre égard est sans aucun doute celle-ci : nous devrions nous réunir en toute simplicité, comme disciples, sans nous attendre à quelque clergé ou ministère établi que ce soit, mais en comptant sur le Seigneur pour nous édifier tous ensemble par le ministère qu’il lui plairait de susciter du milieu de nous ».

Au moment même où il prononçait ces paroles j’eus la conviction que mon âme tenait là la vérité. Je m’en souviens comme si c’était hier, et je pourrais vous montrer l’endroit exact. Ce fut, si je puis m’exprimer ainsi, le jour de naissance de mon esprit comme « frère ».

Edward Cronin avait été un Indépendant et membre de York Street, mais il était à la même époque sous une influence semblable à celle qui, je puis le dire, était la nôtre à tous. Nous prîmes la cène du Seigneur dans une chambre privée, avec, il me semble, trois autres, alors que je me rattachais encore à Sandford Chapel, et que J. N. Darby était toujours prêtre dans le comté de Wicklow.

Au cours de l’été de 1829 notre famille séjourna à Kingstown, et F. Hutchinson à Bray : nous nous vîmes quelquefois pour parler des choses du Seigneur, mais je ne puis dire où il allait le dimanche à ce moment-là. Moi-même je suivais les offices de l’Église écossaise de Kingstown où étaient reçus tous ceux qui étaient considérés comme nés de nouveau. Mais en retournant à Dublin en novembre de cette année F. Hutchinson était tout prêt à réaliser la communion au nom du Seigneur avec tous ceux, quels qu’ils fussent, qui L’aimaient en sincérité, et il proposa pour cela une salle de sa maison à Fitzwilliam Square. Nous nous réunîmes donc, mais sans intention d’empêcher qui que ce soit de suivre les offices des églises de paroisse ou des chapelles dissidentes s’il le désirait. F. Hutchinson prescrivit aussi un certain nombre de choses, comme les services de prières, de chant et d’enseignement qui auraient lieu chaque jour parmi nous. E. Cronin était tout prêt à cela ; pour ma part je m’y joignis, mais nullement, il me semble, avec la même liberté et la même décision d’esprit. Plusieurs autres aussi s’y trouvaient disposés et c’est à ce moment que nous fîmes la connaissance de W. Stokes. Nous continuâmes ainsi à partir de novembre 1829.

Quelque temps auparavant j’avais été mis en relation avec J. Parnell, maintenant lord Congleton, qui, pendant ce mois de novembre 1829 et au printemps de l’année suivante se trouva de temps en temps à Dublin et souvent parmi nous. Il se lia beaucoup avec E. Cronin et, au mois de mai, en vue de donner davantage à la Table du Seigneur au milieu de nous le caractère d’un témoignage, il loua une grande pièce appartenant à un ébéniste dans Aungier Street. La réunion y fut transférée ce même mois. Ceci m’exerça encore davantage ; car le caractère public que prenait la réunion était trop pour moi et je reculai instinctivement. F. Hutchinson, pour autant que je me souvienne, aurait aussi préféré continuer chez lui, en privé. Bref, je crois ne pas m’être joint à eux pendant deux ou trois dimanches et je ne suis pas certain que lui le fît, mais les autres furent tous là dès le début : J. Parnell, W. Stokes, E. Cronin et quelques sœurs : et peu après plusieurs furent ajoutés.

Au cours de l’été de 1831 (*), se prépara le voyage missionnaire à Bagdad : A. Groves s’y était rendu quelques mois plus tôt, et E Cronin, sa sœur, ainsi que J. Parnell et un ou deux autres, étaient désireux de le rejoindre. Ils nous quittèrent en septembre, faisant voile pour la France et se proposant d’atteindre Bagdad à travers le désert de Syrie. J. Hamilton, que quelques-uns d’entre nous connaissaient depuis deux ou trois ans, était aussi du voyage. Comme beaucoup d’autres, il était mécontent de l’ordre de choses existant dans les Églises et il se trouvait être d’une même pensée avec nous tous. Il avait abandonné toute autre occupation pour pouvoir se joindre à la mission en Orient et j’aime à penser que lui aussi était une preuve que l’Esprit de Dieu soufflait à ce moment-là, ainsi que je l’ai dit d’une manière indépendante, en bien des endroits.


(*) 1830 d’après le Journal de Groves, et d’après F. N. Newman, Phases of faith (Ed.).

Ils partirent, et nous continuâmes dans notre local à Aungier street. C’étaient de pauvres ressources que les nôtres, mon cher James, et nous avons eu un ou deux cas de défections solennels et terribles. Il n’y avait que peu d’énergie spirituelle, et un bien pauvre trésor pour un temple vivant. Mais par la miséricorde et les soins du Seigneur, nous étions bien unis ensemble, progressant, je le crois, dans la connaissance de sa pensée.

L’ordre qui avait été institué pour le culte à Fitzwilliam Square disparut progressivement. À l’origine en effet, l’enseignement et l’exhortation étaient considérés comme des services accessibles à chacun, tandis que la responsabilité de la prière était limitée à deux ou trois regardés comme des anciens. Mais tout ceci céda graduellement et nous comprîmes vite qu’il ne devait pas y avoir au milieu de nous de charge d’ancien établie ni reconnue officiellement, et tous les services eurent un caractère libre, la présence de Dieu par l’Esprit étant plus simplement crue et mise à profit.

Au cours de l’année 1834 bien des personnes furent ajoutées, et J. N. Darby étant à Dublin cette même année, la question se posa pour lui s’il viendrait à Aungier Street nous aider selon la grâce que Dieu lui donnerait ou s’il irait prêcher à l’asile de Leeson Street comme il y avait été invité ; mais il n’était rien moins que détaché de l’Église d’Angleterre. Cette année-là et la suivante, il visita plusieurs endroits, parmi lesquels Oxford, Plymouth, Cork et Limerick, prêchant partout où il le pouvait la vérité que Dieu lui avait communiquée par sa Parole ; et mes souvenirs me permettent d’affirmer qu’il trouva dans tous ces endroits des preuves nouvelles du travail indépendant de l’Esprit de Dieu dont j’ai parlé, dans les cœurs et les consciences des saints. À Limerick et à Cork où il prêcha occasionnellement dans les chaires de l’Église établie, il rencontra aussi des chrétiens dans les maisons particulières, et son ministère fut grandement béni ; bien des âmes furent éclairées et rafraîchies d’une façon toute nouvelle, et quant à un ordre de choses auquel elles avaient été jusque-là étrangères. Invité à aller de Wexford à Plymouth il y fit la même expérience, de sorte que dans ces villes éloignées l’une de l’autre, auxquelles il n’était peut-être jamais arrivé précédemment de subir une influence commune, la même grâce de Dieu fut magnifiée ; et il se constitua dans ces différents endroits, parmi les croyants qui cherchaient du secours dans leur découragement, de petits groupes, heureux, et prenant un bon départ.

Vers la même époque des réunions sur les sujets prophétiques avaient commencé chez Lady Powerscourt ; son esprit à elle aussi avait suivi la même orientation que le nôtre à tous. Elle invita certains d’entre nous ainsi que des frères d’Angleterre et ces rencontres me furent d’un grand secours. C’est alors que je rencontrai pour la première fois G. Wigram, Percy Hall et d’autres. Ces réunions étaient vraiment précieuses pour l’âme, et, soir après soir, je regagnais ma chambre à Powerscourt House avec le sentiment profond de mon peu de développement en Christ en comparaison de toute la grâce et de toute la consécration que j’avais été à même de constater autour de moi pendant la journée.

Ainsi en était-il dans ces jours, cher James, et à Aungier Street nous poursuivions notre chemin ; beaucoup étant reçus parmi nous dont certains font encore partie aujourd’hui de tous ceux que nous aimons et estimons ici à Brunswick Street.

De temps en temps nous recevions des nouvelles de la mission qui était partie pour Bagdad ; parfois nous avions la visite de frères de Cork, Limerick et d’autres localités où la même influence avait été ressentie à cette époque. Je voudrais toutefois mentionner spécialement le cher et vénéré J. Mahon comme une autre preuve de l’action indépendante de l’Esprit de Dieu dont j’ai parlé. Je me souviens que E. Cronin lui rendit visite à Ennis ; ce pouvait être en 1828 ; à son retour à Dublin ce dernier me parla de lui ; et j’ai lieu de croire qu’avant même que la Table fût dressée dans la maison de F. Hutchinson, la fraction du pain avait été réalisée quelque part dans la ville d’Ennis, par le moyen d’un membre de la famille de J. Mahon, sinon par lui-même. Ceci se fit absolument sans aucune relation avec l’œuvre qui avait eu lieu parmi nous, et il en fut de même en Angleterre, comme je puis vous en fournir la preuve. Ayant l’occasion de visiter le Somerset en 1831 ou 1832, je me trouvai chez Sir E. Denny qui me demanda de lui donner une idée des principes des « frères ». Nous étions assis autour du feu ; il y avait aussi là la fille d’un ecclésiastique. Comme j’exposais nos vues, elle dit que ces vues étaient les siennes depuis les douze derniers mois, et qu’elle n’avait pas idée que personne les eût en dehors d’elle. D’autre part, me trouvant à … peu après, un cher frère maintenant auprès du Seigneur me dit que lui, sa femme et la mère de sa femme se réunissaient à la manière toute simple des « frères », quelque temps déjà avant d’avoir jamais entendu parler d’eux. Ce frère, ainsi que la dame mentionnée chez Sir Denny, aussitôt que l’occasion le leur permit furent en pleine communion avec nous, et elle continue de l’être à ce jour dans le comté de Down.

J’aime à retracer ces circonstances, car elles confirment que la main du Seigneur agissait d’une manière indépendante, dans le but de faire revivre un autre témoignage au milieu de ses saints. J’ai conscience de détenir là une preuve importante de cette énergie, indépendante, de son Esprit.

J’en mentionnerai encore un exemple parmi d’autres plus proches de chez moi : le cher Groves revint en Irlande après une absence de deux ou trois ans, et je me souviens bien qu’il nous fit part d’un très remarquable mouvement dans le sud de l’Inde qui dénotait un esprit tout à fait en harmonie avec ce qui nous avait amenés à notre position en Angleterre et en Irlande.

Année après année, les frères anglais visitaient l’Irlande, non seulement Dublin mais aussi les localités du pays. Parmi eux se trouvait J. Harris, précédemment clergyman près de Plymouth. Wigram demeura longtemps à Cork, tandis que J. N. Darby passait continuellement d’un pays à l’autre, parfois avec nous à Dublin mais plus généralement soit à Plymouth soit à Cork, et les réunions se multipliant en Angleterre, finirent par être connues sous le nom de « frères de Plymouth » (Plymouth Brethren), tandis qu’en Irlande on nous appela les « Darbystes ».

Je ne sais si je dois aller plus avant dans mon récit, cher James, puisque c’est sur les commencements que vous désiriez surtout être renseigné. Je ne puis douter qu’un nouveau dessein de Dieu et qu’une action nouvelle du Saint Esprit ne se soient manifestés dans l’appel des « frères », bien qu’au cours de la période chrétienne il se soit produit à différentes époques des mouvements ayant, sous des caractères variés, un esprit analogue. Le christianisme implique presque une telle chose, ou la rend nécessaire ; car il n’est pas un système d’ordonnances lié à la terre ou à la chair et au sang comme l’était en Israël l’ancien ordre de choses. L’appel de l’Église la met à part du monde pour servir dans la lumière et la puissance du Saint Esprit et pour maintenir dans une grâce spirituelle vivante, un témoignage à un Jésus rejeté du monde et glorifié dans le ciel. Tout en nous et autour de nous est contraire à cela. Un tel appel ne peut être soutenu, une telle dispensation maintenue, que par la grâce de l’Esprit, agissant sans intermédiaire dans des vases élus et les remplissant de la vérité reçue dans sa fraîcheur et saisie avec intelligence. Nul service préparé d’avance, nulle série d’ordonnances charnelles ne peuvent en aucune manière répondre à cet objet ; nul ministère transmissible ou susceptible de s’interrompre ne peut d’aucune façon faire face à ces devoirs ni s’en acquitter, aucune autorité ne lui est reconnue. Il y a toujours en l’homme la tendance à se conformer à la nature pervertie et au train de ce monde, si bien que pour maintenir une chose spirituelle et vivante telle que l’Église, le moyen naturel, en vérité le moyen nécessaire — mise à part la souveraineté de Dieu — c’est un nouveau déploiement de lumière et de puissance pour la revivifier à maintes et maintes reprises ; c’est ainsi qu’il peut y avoir encore un témoignage rendu à la puissance de Dieu, et que continuent les voies et les services d’une maison vivante, afin que le lumignon ne s’éteigne pas. De tels réveils peuvent comporter chacun un caractère particulier tout en participant d’un même Esprit, tous ensemble rendant témoignage qu’il s’agit de l’œuvre du même Saint Esprit.

La Réformation a toujours été reconnue comme ayant été caractérisée par un clair et fervent témoignage à la justification par la foi. C’était la vérité même qu’il fallait alors pour délivrer des âmes qui avaient été longtemps tenues en captivité. D’autres réveils ont eu également leur caractère propre : et, qu’ils aient ou non été enregistrés par l’histoire, la foi les a connus et les âmes des élus en ont été édifiées et rendues reconnaissantes. Je ne doute pas que l’œuvre de Dieu par et avec les « frères » n’eût aussi son but particulier. Celui-ci est indiscutablement la séparation de l’Église d’avec le monde, un clair témoignage rendu à son appel céleste et à sa dignité particulière, comme aussi l’affirmation de la précieuse vérité que rien n’a plus de prix que la maison de Dieu, bien que cette maison soit en ruine : voilà ce qui a été reconnu et éprouvé comme répondant au sens même de l’économie chrétienne. D’autre part les frères ont contribué à mettre en évidence la vérité de la seconde venue et du règne du Seigneur, remise alors en lumière. Ils l’ont fait avec l’intelligence des vérités célestes liées à ce grand mystère, en conformité, exclusivement, avec leur position séparée et céleste. Car on ne peut manquer de sentir que certaines vérités prophétiques sont plus ou moins en contradiction avec tout système religieux qui se rattache au monde.

Voilà, mon cher James, j’ai fait très simplement ce que vous me demandiez, comme cela s’est présenté à ma pensée. Je ne veux pas parler de ce qui a suivi cet appel des frères ; ce serait douloureux, et sans utilité. Chacun de nos cœurs connaît mainte et mainte cause secrète d’humiliation que l’actuelle condition de déclin dans laquelle nous nous trouvons suffit à rappeler. « Mais quand il donne la tranquillité, qui troublera ? »

Puissions-nous faire plus abondamment et plus profondément cette expérience !

J. G. B.


Lettre du Dr. Edward Cronin (de juillet 1871) 

… Ayant un souvenir bien défini de choses qui ont précédé tout ce qu’a écrit notre bien-aimé frère J. G. Bellett, concernant les soins de Dieu envers nous au début de ce mouvement, je voudrais ajouter quelques remarques.

J’avais été envoyé du sud de l’Irlande à Dublin pour ma santé. J’étais un dissident (Indépendant) et tous les corps dissidents à Dublin recevaient dans leur communion quelqu’un de passage. Cette liberté me fut accordée jusqu’à ce que l’on me considérât comme résident : on m’informa alors qu’il ne me serait plus permis de participer à la Cène avec aucune de ces assemblées si je ne me faisais pas admettre régulièrement comme membre de l’une d’elles. Cela fit que j’en demeurai séparé plusieurs mois, et ensuite, sentant qu’il m’était impossible d’assister à leurs réunions parce que le ministère exclusif d’un seul homme me paraissait de plus en plus inadmissible, je fus accusé d’irréligion et d’antinomianisme. Tout cela m’affecta profondément, et ce fut un temps de grands exercices de cœur, d’avoir à me séparer de beaucoup de ceux que j’aimais dans le Seigneur. Pour éviter l’apparence du mal, j’ai passé plus d’un dimanche matin sous un arbre ou près d’une meule de foin, à l’heure du culte. Ensuite, le Rév. W. Cooper, le pasteur, m’ayant publiquement et nommément dénoncé, un de ses diacres, E. Wilson, se sentit contraint de protester, et, peu après de donner sa démission. Ainsi séparés des sectes, nous nous rencontrâmes tous les deux, chez lui, pour rompre le pain et prier ensemble, jusqu’à ce qu’il partît pour l’Angleterre.

Ensuite je ne fus pas laissé seul. Les deux Mlles Drury, mes cousines, furent amenées elles aussi à quitter la chapelle du Rév. C., de même que Mr Tims, un libraire, et ils se réunirent dans le petit salon de ma maison, Lower Pembroke Street. Cela ne tarda pas à s’ébruiter, et l’un après l’autre plusieurs furent touchés par la même vérité, celle de l’unité du corps. La présence du Saint Esprit nous apparut aussi comme une vérité bien claire. C’est alors que H. Hutchinson nous trouva et mit à notre disposition son grand appartement à Fitzwilliam square.

À cette époque, J.G. Bellett et J.N. Darby étaient plus ou moins affectés de l’état général du monde religieux, mais ils n’étaient pas encore préparés à s’en séparer complètement et ils regardaient notre mouvement avec quelque suspicion. Ils estimaient pouvoir aller encore à l’Église anglicane et y officier, aussi bien que venir occasionnellement à notre petite assemblée.

Des frères de toute condition venaient se joindre à nous, et le besoin ne tarda pas à se faire sentir d’un local plus adapté à nos réunions que la maison de Fitzwilliam square. Cela nous amena à louer une grande salle de ventes dans Aungier street pour nous réunir le dimanche. Quel souvenir béni que celui de ces samedis soir où, avec J. Parnell (lord Congleton), W. Stokes et d’autres, nous mettions les meubles de côté et dressions une simple table avec le pain et le vin pour le jour du Seigneur ! Moments de joie inoubliables, car nous savions que nous avions l’approbation et la sanction du Maître dans ce témoignage.

Vers cette époque aussi nous eûmes la visite de G. V. Wigram, venant d’Angleterre avec la pensée de se joindre à la mission qui se préparait pour Bagdad.

À partir de ce moment jusqu’à mon départ de Dublin en 1836, des chrétiens évangéliques vinrent continuellement s’ajouter à nous ; nous n’avions tous, cependant, qu’une bien faible conscience du véritable caractère du mouvement que Dieu opérait. La première et la plus choquante des choses contre lesquelles nous réagissions était cette « appartenance particulière » (special membership) à un groupe défini, comme disent les dissidents, de sorte que notre rassemblement initial était réellement considéré comme une petite compagnie d’Évangéliques mécontents. Nous nous sentions libres, jusque-là et longtemps après, de faire des arrangements entre nous quant à celui qui devrait distribuer la Cène, et prendre d’autres services dans l’assemblée. D’autre part, soit ignorance soit indifférence, nous étions négligents quant à la conscience et quant au devoir de prendre soin les uns des autres. Je sens d’autant plus le besoin de faire cette observation que quelques-uns des frères du début, mais qui sont maintenant séparés de nous, nous accusent d’avoir abandonné les premiers principes : mais je suis convaincu que nous n’aurions pas plus toléré alors la fausse doctrine qu’aujourd’hui. Le motif de beaucoup qui nous aimaient mais qui ne se sont jamais joints à nous, était notre ferme orthodoxie quant au mystère de la Déité et la doctrine de la grâce et de la piété.

Je désire faire remarquer ici un caractère des voies de Dieu dans les débuts de ce mouvement, savoir qu’il s’est opéré dans et par le moyen de personnes obscures, habitant des lieux éloignés les uns des autres, et de conditions diverses ; mais la même grâce et la même vérité de Dieu demeuraient en nous, et, si peu d’intelligence que nous eussions, comme je l’ai déjà dit, elles nous ont conduits dans des chemins conformes, plus ou moins, à la pensée de Dieu. Il est frappant que des frères qualifiés et honorés comme J. N. Darby, J. G. Bellett, G. V. Wigram, n’ont pas constitué l’embryon de ce mouvement, alors que Dieu les a employés, et les emploie encore, pour développer selon l’intelligence divine des principes tels que ceux qui se rapportent à l’assemblée, etc.


Je me suis quelque peu répété sur ce point, en raison de l’accusation à laquelle j’ai fait allusion plus haut ; tandis que les voies de Dieu envers nous avaient et ont toujours pour objet de développer graduellement en nous la connaissance de la vérité en des détails pratiques variés. De sorte que ce qui, au début, n’était pas plus grand qu’une main d’homme, quand nous étions peu nombreux, faibles et insuffisants en connaissance, est devenu assez grand pour répondre aux besoins spirituels de milliers assemblés selon les mêmes principes, à la louange et la gloire de Sa grâce.

E. C.


Quelques souvenirs de J. B. Stoney 


Datés de 1871

J’ai connu pour la première fois les « frères » en 1833. J’avais un grand désir de servir le Seigneur (*), et, renonçant à devenir avocat, j’étudiais afin de prendre les ordres, persuadé que c’était la seule manière de le servir. Je fus emmené à Aungier street par mon camarade de chambre au Collège (**), un certain Mr Clarke qui suivait régulièrement ces réunions (il a versé depuis dans l’irvingisme). Je n’y allai pas sans beaucoup de réticence, mais je finis par être fort intéressé par ce qui s’y enseignait. Je me souviens particulièrement de Mr Darby parlant sur l’expression « rendus agréables dans le Bien-aimé », et de Mr Bellett commentant Marc 7 ; mais je n’avais pas la pensée de me joindre à eux. J’attendais de grandes choses de Mr Irving, et Mr. Bellett m’amena une fois B. Newton, dans ma chambre au Collège, pour me désabuser à l’égard de l’irvingisme. Je venais assidûment écouter J. N. D., et finalement je l’entendis sur Josué 7 : « Pourquoi te jettes-tu sur ta face ? Lève-toi, sanctifie le peuple », etc. D’abord se purifier du mal ! Dieu ne peut être avec nous tant que nous ne sommes pas séparé du mal ! — Je fus comme brisé. Je sentis pour la première fois quel immense pas représentait, pour ce noyau obscur d’Aungier street, la rupture avec l’ordre ecclésiastique établi. Ceci se passait en juin 1834. Je demandai à Mr Darby qu’il me permît de venir jusqu’à ce que je voie plus clair, car je n’étais pas tout à fait certain qu’il eût raison. Du moins étais-je convaincu que l’Église d’Angleterre était dans l’erreur.


(*) Il avait été saisi par Christ deux ans plus tôt, à 17 ans, alors qu’atteint du choléra il était en danger de mort.

(**) Trinity College, l’Université de Dublin, où il était entré précocement, à 15 ans (1829), et où il remportait des succès remarquables.

À cette époque Mr Stokes avait coutume de lire régulièrement quelque portion de l’Écriture chaque dimanche, et à Plymouth où je me trouvai en 1838, on avait l’habitude de désigner à l’avance qui romprait le pain et agirait officiellement.

En septembre (1833) j’assistai aux réunions organisées chez Lady Powerscourt. Mr John Synge présidait, appelant chacun à parler à son tour sur un sujet donné. Mr Darby parlait le dernier, souvent pendant des heures, touchant ce qui avait été dit précédemment. Mr Wigram était assis près de lui ; le capitaine Hall, Mr G. Curzon, Sir Alex Campbell, Mr Bellett, Mr T. Maunsell, Mr Mahon, Mr E. Synge, étaient présents, et aussi des clergymen et des irvingistes. J’étais particulièrement frappé par les réunions de prières qui avaient lieu le matin à 7 heures. Chacun priait Dieu de nous donner sa lumière, et la grâce d’agir en conséquence.

Quand je quittai enfin l’Église établie, cela suscita de l’animosité contre . J. N. Darby, car d’autres sécessions se produisaient à la même époque à Oxford. À ce point qu’ayant demandé à Mr Darby d’avoir une réunion dans ma chambre au Collège, on me fit savoir que les autorités avaient envisagé de me la reprendre…

J. B. S. (1814-1897)


Notes de J.N.D. (1868) à propos d’un article sur « les Frères de Plymouth » paru dans l’ « Appleton’s American Encyclopedia  »


C’est à Dublin, en Irlande, que nous avons commencé à nous réunir en 1827-1828… J’avais trouvé la paix pour ma propre âme, en découvrant mon union avec Christ, et le fait que ma position devant Dieu n’était donc plus « dans la chair », mais que j’étais « en Christ », rendu agréable dans le Bien-aimé, et « assis dans les lieux célestes en Lui ». À partir de là, je fus amené directement à saisir ce qu’était la vraie Église de Dieu, composée de tous ceux qui étaient unis à Christ dans les cieux : je sentis aussitôt que cela ne correspondait pas à l’ensemble de l’Église établie. Le manifeste que je publiai alors n’était pas une attaque contre qui que ce fût, mais traitait de l’unité de l’Église de Dieu. J’avais beau regarder autour de moi en cherchant cette unité, je ne la trouvais nulle part : si je me joignais à un groupe de chrétiens, il s’ensuivait que je n’appartenais pas à un autre. L’Église, l’Église de Dieu, était morcelée et ses membres dispersés parmi divers corps qui s’étaient formés eux-mêmes. Or je trouvais dans la Parole que la qualité de membre ne signifiait pas que l’on était membre d’une association volontaire sur la terre, mais membres de Christ, une main, un pied, etc… Et de même que le Saint Esprit a formé un seul corps lorsqu’Il est descendu le jour de la Pentecôte (1 Cor. 12), le ministère était constitué par ceux que Lui qualifiait pour tel ou tel service. De même en Éphésiens 4 et en 1 Pierre 4:10. À la même époque, Actes 2 et 4 me firent sentir combien nous nous étions tous terriblement éloignés du véritable effet de Sa présence. Toutefois je trouvai aussi dans la Parole que partout où deux ou trois seraient assemblés au nom de Christ, il serait au milieu d’eux, en sorte que j’agis selon cette promesse avec trois autres frères et l’épouse de l’un d’eux ; mais ma pensée n’est jamais allée au-delà du sentiment de faire face aux besoins de nos consciences et de nos cœurs selon la Parole. Dieu faisait une œuvre dont pour ma part je n’avais aucune idée, et qui s’est étendue dans le monde entier.

À Plymouth même, cela n’a pas commencé avant 1832 ; je m’y rendis à la demande de Mr Newton, alors fellow (étudiant supérieur) au Collège Exeter à Oxford. Le nombre, à Plymouth, n’a jamais été supérieur à 700. À Londres, cela a commencé à peu près au même moment, par le moyen de quelqu’un que je rencontrai à Oxford. Ce n’est nullement une vague d’opposition particulière qui m’a fait aller en Suisse en 1837, mais un rapport fait par un frère qui s’y était rendu et avait constaté qu’il s’y trouvait des réunions semblables aux nôtres. Effectivement, leur forme était à bien des égards semblable, mais en réalité elles constituaient des Églises dissidentes comme on les appelle en Europe, chacune avec ses propres membres. C’est là que j’ai ensuite commencé à travailler, puis en France, puis en Allemagne où l’œuvre avait déjà commencé par l’intermédiaire de quelqu’un d’autre, puis en Hollande. Dans ces derniers pays l’œuvre est beaucoup plus étendue que l’article ne le suppose : récemment encore il y a eu dans le nord de l’Allemagne une très grande bénédiction.

La venue du Seigneur est une autre vérité qui s’est imposée à mon esprit d’après la Parole, en même temps que celle-ci : puisque j’étais assis dans les lieux célestes en Christ, la seule chose qui me restait à attendre était de m’asseoir dans les lieux célestes avec Lui. Ésaie 32 m’instruisit quant aux conséquences terrestres de la même vérité, bien que maintenant d’autres passages me sembleraient peut-être plus frappants, mais je voyais dans ce chapitre un changement évident de dispensation lorsque l’Esprit sera répandu sur la nation juive et qu’un Roi régnera en justice.

Je me suis contenté de préciser les faits et dates tels qu’ils se sont présentés. Mr Newton est resté fellow d’Exeter encore quelque temps après notre rencontre à Plymouth. Il a maintenant sa propre chapelle à Londres et n’a plus rien à faire avec « les frères ». Il a été parmi eux, mais depuis des années il a mis de côté leurs principes et, à partir de 1845 il n’a plus eu de rapports avec eux. En 1846 son enseignement concernant la relation du Seigneur Jésus avec Dieu devint un motif de séparation totale.

Mr Müller se rattachait à une Église baptiste d’obédience étroite ; lorsque le mouvement des frères commença à s’étendre à Bristol, il abandonna cette Église et adopta dans une certaine mesure, la forme des « frères ». Celle-ci fut appliquée à ses réunions à mon avis sans discernement bien qu’avec la meilleure intention. À partir de 1848, Mr Müller retourna, non aux principes des Baptistes étroits, mais à ceux des Baptistes larges, et son Église, avec des formes légèrement modifiées, est en réalité une Église dissidente.

… Jamais il n’a existé parmi nous de séminaire pour former des missionnaires. Pendant une année j’ai eu avec moi à Lausanne une douzaine de jeunes gens ; j’étais là sur leur demande, étudiant la Parole avec eux, et avec quelques autres dans une occasion différente. La plupart travaillent maintenant comme évangélistes en France, un ou deux en Suisse, et cela depuis de longues années avec beaucoup de bénédiction.

… Ce que je considère comme essentiel à l’égard des frères c’est la réalisation de la présence du Saint Esprit sur la terre, descendu le jour de la Pentecôte pour former les saints en un seul Corps. Selon la Parole également, nous attendons du ciel le Fils de Dieu.

L’article précise déjà que nous insistons sur les grandes doctrines fondamentales du christianisme ; je n’en parle donc pas ; à l’exception de la pleine assurance de foi que j’estime être le seul état chrétien normal, l’esprit d’adoption.

J. N. D.


Deux lettres de J.N.D. dans les premiers temps de l’œuvre en Irlande 

Granard (Irlande), 15 octobre 1832.

Cher…,

Par suite de diverses circonstances je vous ai si peu vu lorsque j’étais à Plymouth, que j’en prends d’autant plus occasion de vous écrire, bien que pour le faire je dérobe vingt minutes au travail des réunions de ce jour. J’ai aussi à cœur de dire quelques mots au sujet de mes très chers frères de Plymouth et de leur exprimer mon amour. Je sens que le Seigneur a été avec nous d’une manière pleine de grâce, non pas plus qu’il ne l’est sans cesse, car sa présence est toujours une bénédiction, mais plus que nos cœurs, par stupidité, ne réalisent cette présence.

Lui-même a, dans nos réunions, réprimé l’activité de la chair, produit l’unanimité de vues, et manifesté la puissance de son Esprit, en ouvrant nos entendements visiblement si longtemps fermés, ce qui pour moi est tout à fait merveilleux. De fait les vérités pour lesquelles j’ai travaillé ces dernières années dans la souffrance (en partie, je dois le dire, par ma propre faute), éclatent maintenant dans ce pays, au point que je croirais ne pas y être venu depuis six ans, tant j’y rencontre de nombreux frères venus de divers côtés ! Bien que, comparativement, tout soit encore à faire, par la force des choses nous sommes comme en un pays de mission ; l’état de choses a un caractère tout différent de celui de l’Angleterre.

Il me serait impossible de vous donner une esquisse de nos réunions ici (*), vu l’immensité de leurs sujets, immenses non par rapport à l’Écriture, car en vérité cela a prouvé notre ignorance, mais par rapport à nos pensées individuelles. Nous avons considéré d’importantes révélations de la Parole concernant l’homme de péché, son esprit de séduction et sa puissance, puis le pouvoir et l’opération de Satan, le travail du Saint Esprit, et l’opposition de l’un contre l’autre ; ensuite les jugements du Seigneur, en rapport avec nos perspectives présentes. Tout cela a été mis au jour avec le plus grand profit, c’est du moins ce que j’ai éprouvé, et cela a été pour moi la partie la plus intéressante de nos études ; j’ai été frappé par la manière dont la foi est mêlée à tout ce que la Parole nous présentait là-dessus. Il y eut une dépendance marquée et presque générale de l’Esprit, qui donna un cachet particulier, me semble-t-il, à ce qui fut avancé, de sorte que la main du Seigneur était manifeste. … Quelques-uns d’entre nous, qui se connaissaient plus particulièrement, eurent ensemble des moments de prière le matin et l’après-midi, ce qui nous fut d’un grand secours. … Je pense aussi que de nouvelles lumières nous furent accordées, quoique pas aussi vives, sur Daniel, l’Apocalypse et d’autres livres de l’Écriture. Je voudrais que vous eussiez été avec nous ; je suis sûr que vous en auriez joui.


(*) Il s’agit des conférences de Powerscourt en septembre 1832 (Ed.).


Le Seigneur a très abondamment déployé sa grâce envers vous à Plymouth. Je demande à Dieu de vous garder de tout ce qui ne maintient pas son grand amour et la pure attente de sa venue. Je suis extrêmement exercé à ce sujet. J’ai confiance que Dieu se servira du cher H. pour vous garder en toute largeur de cœur, car je sais qu’il le désire ardemment. Vous-même, cher frère, devez, ainsi que tous ceux qui se réunissent avec vous et vous visitent, vous assurer qu’aucune racine d’amertume ne bourgeonne parmi vous et qu’aucun d’entre vous ne manque, en aucune manière, de la grâce de Dieu. C’est là le secret véritable du maintien du bon ordre dans l’assemblée, dans une parfaite largeur de cœur… J’ai confiance que les jeunes du troupeau vont bien et sont encouragés par la considération dont leur état est l’objet, afin qu’il n’y ait point pour eux d’occasion de chute… J’espère que, dans la douceur et dans l’amour, les jeunes sont désireux d’apprendre et prompts à recevoir du Seigneur ce qu’Il juge bon de donner. Et, cher frère, travaillez-vous pour les pauvres âmes de K. Street, et veillez-vous sur elles ? J’éprouve une grande sollicitude pour elles et désire qu’elles marchent dans l’amour mutuel.

… J’ai été arrêté dans mon voyage et vous écris maintenant du fond du Westmeath. Je fais une importante tournée de prédications, dans laquelle nous cherchons à apporter la vérité missionnaire, et, j’espère, davantage, pour réveiller une grande partie de ce pays. Ce travail est important en ce qu’il introduit la prédication en dehors du clergé, et fait du pays un pays de mission. Je sens de jour en jour davantage la nécessité de m’occuper de ces contrées, afin que ce que requiert le service du Seigneur y soit fait dans toute la mesure du possible. Je m’appuie sur la liberté et la puissance de l’Esprit de Dieu. Je vois que j’y serai retenu quelque temps, mais j’espère qu’à mon retour à Plymouth je pourrai vous prouver que je n’ai pas été paresseux.

Ma tournée actuelle comprend le Meath, Enniskillen, Armagh, Trim (je ne sais si vous trouverez ces endroits), avec deux ou trois localités par jour pour m’enquérir des besoins ou y prêcher, dans l’espace d’une quinzaine. Il y a naturellement des difficultés, et je ne sais si j’ai l’allant nécessaire pour un tel travail, mais je pourrai donner des informations utiles à ceux qui viendront ensuite. En somme j’ai des motifs d’être reconnaissant de ce que je me trouve dans ce pays.

Je crois qu’il est bon pour Plymouth que j’en sois éloigné pour un peu de temps, mais je désire ardemment que la bénédiction y soit entière. Je ne serai pas heureux de m’en trouver loin, si je n’en reçois pas des nouvelles qui, j’en ai la confiance, seront réjouissantes.

… Je vous prie de me donner bientôt des nouvelles, et ne vous inquiétez pas si vous n’en recevez pas de moi. Écrivez-moi à Limerick. Rappelez-moi très affectueusement au souvenir de tous les frères.

Votre affectionné dans le Seigneur,

J. N. D.


Limerick 1833


Mon cher frère,

J’avais depuis un certain temps la pensée de vous écrire… Comme je travaillais et voyageais, je renvoyais de jour en jour, et je ne l’aurais probablement pas fait aujourd’hui encore si je n’avais pas manqué le coche qui devait me faire faire la première étape prévue de mon voyage vers Plymouth. Je suis sûr que tout est bien ; car en vérité j’étais complètement épuisé ; et de plus cela m’a fourni l’occasion de visiter ici quelques personnes que j’aurais dû sans cela laisser de côté. Le Seigneur a ouvert la porte de cette manière inattendue et m’a frayé le chemin ici de telle manière qu’il m’était difficile de m’en aller. Pourtant, j’avais estimé meilleur de renvoyer le travail ici jusqu’à une occasion ultérieure, et j’avais laissé Mayo de côté pour le moment, de façon à pouvoir me rendre à Plymouth. Je partirai donc, Dieu voulant, demain matin, dans cette direction, quoique en faisant quelques détours. Je compte que votre bonheur et votre bon état me donneront un grand repos à Plymouth, car je ne doute pas que je pourrai m’en réjouir sincèrement quand j’y arriverai. J’étais prêt aujourd’hui à tomber de fatigue.

Le Seigneur a, je crois, appelé plusieurs des siens ici à un dévouement de cœur bien plus affectueux que précédemment, et avec bénédiction ; nous avons eu aussi des réunions avec des catholiques romains, avec un succès très encourageant, et des protestants qui travaillent parmi les pauvres. Autrement cette ville était, dans l’ensemble excessivement morte. J’ai la confiance qu’un bon nombre ont été réveillés, que la venue du Seigneur est maintenant attendue par beaucoup, et que d’autres ont trouvé la paix. Nous avons aussi de très bonnes réunions d’étude de la Parole , auxquelles sont venus des ecclésiastiques qui maintiennent la vérité ; ils sont tout à fait mêlés à l’assistance, et chacun a la liberté de parler. Il s’agit surtout, naturellement, dans ces réunions, des principes élémentaires de la vérité ; mais je crois qu ils ont été traités à fond et de façon pratique. Une circonstance remarquable s’est produite l’autre jour. Une chère demoiselle qui m’avait été d’une grande aide pour organiser ces réunions, fut subitement recueillie auprès du Seigneur. Elle était convertie depuis une année seulement et avait rendu dès lors un très ferme témoignage. Les gens de Limerick en furent très émus, et j’ai confiance que ce départ tournera en bénédiction pour beaucoup. Toute la famille, qui occupe ici un rang élevé, était absolument mondaine jusqu’à l’année dernière et cette jeune fille et sa sœur étaient à la tête de tous les divertissements. Une petite assemblée a été formée, ou plutôt un groupe se réunit comme à Plymouth, pour la fraction du pain, et, quoique dans une grande faiblesse, ils sont, je crois, abondamment bénis.

… Je pensais vous écrire lors de la réunion de Powerscourt, qui a pris un caractère très marqué et décidé ; le bien et le mal s’y opposèrent fortement, le Seigneur tenant les rênes, mais je suppose que … vous a mis au courant et que vous en avez probablement entendu parler par Lady Powerscourt. Il me semble avoir vécu deux ans depuis que je suis venu en Irlande et que j’y ai vu l’œuvre du Seigneur ; je vois que la vie ne vaut la peine d’être vécue pour rien, rien d’autre que cette œuvre. Le Seigneur m’a presque toujours donné à faire autre chose que ce que je m’étais proposé, et Il me place dans des situations que je n’aurais guère cherchées. Il en a été ainsi de l’œuvre ici, et je n’en suis pas surpris… Je pensais trouver ici ou là quelques brebis auxquelles j’aurais à faire part de l’amour de Christ : peut-être n’ai-je pas été trouvé digne de ce travail ; car certes il eût été plus agréable que celui d’un homme de débat, appelé à toutes ces discussions sans résultat au sujet de la vérité. Puissent d’autres trouver la voie ouverte pour poursuivre : c’est tout ce que je désire.

Que la grâce soit avec vous, cher frère…

J. N. D.
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