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Forum Religion Catholique

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Message  Arlitto Jeu 9 Juin 2016 - 19:25

Rappel du premier message :

Forum Religion Catholique





Catholicisme




Religion des chrétiens qui reconnaissent le pape comme chef spirituel.

Le catholicisme, également appelé l’Église catholique, est la branche du 
[ltr]christianisme[/ltr]
 qui reconnaît l'autorité spirituelle et juridictionnelle du 
[ltr]pape[/ltr]
. « Totalité et universalité » : tel est le sens en grec ancien du terme katholikos, par lequel est désignée, dès le iie s. de notre ère, l'Église qui a été fondée par Jésus, puis celle qui est restée attachée à ce titre ancien après les divisions apparues au sein du monde chrétien.

Le catholicisme fonde son unité sur une communauté de foi, de sacrements et de vie religieuse (un seul Christ, une seule foi). Une, la foi catholique repose sur un triple fondement : l'Écriture, qui est parole de Dieu ; la Tradition, qui est continuité de l'action divine ; l'Église, dépositaire et seule interprète autorisée de la vérité.



L'Église catholique au sein du christianisme

Forum Religion Catholique  - Page 9 1009069-Lippo_Memmi_saint_Pierre
Lippo Memmi, saint Pierre

Selon l'Évangile, Jésus a lui-même désigné parmi ses apôtres un homme, Pierre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. » Le martyre de Pierre à Rome a ensuite désigné le siège épiscopal de la ville comme celui autour duquel doit s'affirmer l'unité de l'Église et de la foi. C'est ainsi que dans l'Église primitive est établie, vers le ier s., la primauté de l'évêque de Rome, successeur de Pierre. 

Les enseignements du Christ ont d'abord été transmis par voie orale. Aux premiers écrits chrétiens, notamment les lettres adressées par Paul aux communautés qu'il a fondées, vont succéder les Évangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean. Face à la nécessité de légiférer pour authentifier, parmi les multiples écrits qui sont alors rédigés, ceux qui sont fidèles à l'enseignement du Christ, un corpus est rassemblé sous le nom de « Nouveau Testament », en même temps que les écrits juifs antérieurs sont rebaptisés « Ancien Testament ». De même, face à la multiplication des communautés chrétiennes qui naissent dans tout le Bassin méditerranéen à partir du ier s., sont structurées les formes de cette Église (assemblée), qui est appelée à préserver le message du Christ en le protégeant des interprétations erronées. 



Le schisme avec les chrétiens d’Orient



Forum Religion Catholique  - Page 9 1004860-Constantin_Ier_le_Grand
Constantin Ier le Grand

Persécuté du ier au ive s., puis toléré et enfin reconnu comme religion officielle par l'empereur Constantin, au début du ive s., le christianisme parvient à s'établir dans l'Empire romain, tout en maintenant son unité ecclésiale et doctrinale jusqu'au xe s. Cependant se développent au sein de l'Église de nombreux débats théologiques, tranchés lors de grands conciles où sont élaborés et fixés des éléments essentiels de la doctrine chrétienne, comme l'universalité du christianisme (Jérusalem, en 49), la Trinité de Dieu (Nicée, en 325 ; Constantinople, en 381), la nature de Jésus-Christ, à la fois humaine et divine (Chalcédoine, en 451). Après l'éclatement de l'Empire romain à la fin du ve s., les divergences entre Orientaux et Occidentaux se font de plus en plus sentir. 

Alors que l'Église orientale reste sous la tutelle de l'empereur de Constantinople, l'Église latine doit, pour sa part, suppléer le pouvoir politique, qui s'est effondré avec la chute de l'Empire romain d’Occident. Rome y gagne en autorité non plus seulement spirituelle, mais également temporelle. L'Église d'Orient, déjà opposée à l'Église latine sur la formulation du dogme de la Trinité, lui reproche son autorité centralisatrice. En 1054, la rupture est consommée. L'Église latine garde le nom ancien de « catholique » et celle d'Orient prend celui d'« Église orthodoxe ». Certaines Églises feront néanmoins retour à la communion catholique, notamment au xviiie s., tout en gardant leurs rites de tradition orientale. 



La Réforme protestante


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Martin Luther

Face au pouvoir temporel de plus en plus hégémonique de l'Église catholique en Europe, les critiques se lèvent pour dénoncer les pesanteurs et les compromissions de l'appareil clérical. Les thèses de Martin Luther (1517) marquent le début de la Réforme, qui donne naissance aux Églises protestantes. Ce mouvement de contestation aspire à une simplification et à une personnalisation de la religion, en préconisant notamment la lecture directe de la 
[ltr]Bible[/ltr]
 par le croyant. Grâce au développement de l'imprimerie, il parvient en effet à retirer aux clercs et à l'Église le monopole de la pratique des Saintes Écritures. Dans le protestantisme, il n'y a pas d'épiscopat sacramentel, mais un sacerdoce commun à tous. Le baptême et la Cène (partage du pain et du vin) sont les seuls sacrements retenus, et toute pratique de dévotion ou toute démarche visant à s'assurer du salut sont rejetées : le salut ne s'achète pas, il est obtenu par la grâce de Dieu et non par les œuvres. 

L'Église catholique tente de répondre à ces vives attaques par la Contre-Réforme, ou Réforme catholique, en réaffirmant notamment l'autorité du pape ainsi que son attachement à la Tradition, à son magistère, aux sacrements et au salut par les œuvres. 



La foi catholique

Introduction

La foi catholique consiste en l'adhésion aux enseignements de l'Église portant sur les vérités que Dieu a révélées par son Fils. Elle se caractérise précisément par la définition des voies d'accès à ces vérités et au salut qu'elles portent en elles : la Révélation, l'Église et la Tradition, qui forment un tout indivisible. 



La Révélation


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Lorenzo Lotto, la Reconnaissance de la nature divine de l'Enfant Jésus

Selon le christianisme, Dieu s'est révélé aux hommes à travers l'histoire du peuple juif, auquel il a proposé son alliance, avant de se révéler pleinement à travers son Fils – Jésus-Christ mort et ressuscité –, en lequel il s'est incarné. 

Le Dieu révélé par le Christ est un Dieu unique mais en trois hypostases : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Il est créateur de toute chose et de toute vie. Empli de bonté envers sa création, il renouvelle, à travers le sacrifice de son Fils sur la croix, son alliance avec le peuple juif puis avec tous les hommes. Les chrétiens, en effet, croient non seulement à la résurrection du Christ, mais aussi à la résurrection des morts et à la vie éternelle : le salut. 

L'enseignement du Christ peut se résumer par cette phrase de l'Évangile de Luc (Luc X, 27) : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces, et de tout ton esprit. Et tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Le mot « alliance » traduit un lien de réciprocité entre Dieu et l'homme, et il exprime la « solidarité » de Dieu avec tout homme. Aussi toute adhésion de foi comporte des exigences d'engagement de solidarité humaine et sociale. 

La Révélation est tout entière contenue dans la vie, la mort et la résurrection du Christ. Les textes bibliques conservés par la Tradition transmettent les récits qui en ont été faits par les premiers chrétiens. 



L'Église

Dépositaire et interprète autorisée des vérités chrétiennes, l'Église veille au maintien de l'unité de la foi. Dans le catholicisme, c'est à elle, à l'assemblée des fidèles, que sont transmises les Écritures, et non à chacun de ses membres d'une manière individuelle. 

L'Église catholique ne peut admettre sans difficulté l'existence de plusieurs Églises chrétiennes. Selon elle, la volonté du Christ, réaffirmée dans le credo de Nicée, est que son Église soit « une, sainte, catholique et apostolique », et ce non seulement d'un point de vue théologique – comme le soutiennent orthodoxes et protestants –, mais également dans sa réalisation concrète. 

La conviction avec laquelle l'Église catholique revendique comme légitime le droit de rassembler tous les chrétiens repose sur trois éléments fondamentaux : 


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Évêque célébrant la messe

– La succession apostolique. Les évêques continuent avec le pape la mission confiée par Jésus aux apôtres. Leur ordination dans l'Église (par imposition des mains et sacrement de l'ordre) les investit des pouvoirs de gouverner, d'enseigner et de donner les sacrements au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. 

– La prédication de la Parole. De même que les premiers disciples ont reçu de Jésus l'Esprit saint, le collège des évêques et le pape sont assistés par l'Esprit lorsqu'ils doivent énoncer les vérités de foi. 


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Baptême d'un enfant

– Les sacrements. La présence du Christ dans l'Église se manifeste par l'Église elle-même et par les sacrements – signes sacrés porteurs de grâces et institués par le Christ –, à travers lesquels l'Esprit opère le don de Dieu. L'Église catholique dispense sept sacrements : le baptême et l'eucharistie (communs à toutes les Églises chrétiennes), la confirmation, le mariage, l'ordre, la réconciliation (pardon) et l'onction des malades (extrême-onction) pratiqués également dans les Églises orthodoxes. Par le sacrement de l'ordre (ordination), les clercs – diacres, prêtres, évêques – reçoivent le pouvoir de transmettre la grâce de Dieu par les sacrements. 



La Tradition

L'Église assure la présence du Christ à travers les âges, en tant que dépositaire des Écritures, mais aussi de la Tradition. Dans le catholicisme, la Tradition englobe l'ensemble des enseignements, des dogmes et des pratiques cultuelles que l'Église a adoptés tout au long de son histoire. Loin de penser que son épaisseur risque de rendre opaque la vérité du Christ, l'Église catholique considère que la Tradition garantit la transmission fidèle et intégrale de la Révélation. 

Par son action théologique, dogmatique, liturgique et même sociale, l'Église s'efforce sans cesse d'approfondir le mystère chrétien. Les nouveaux dogmes qu'elle élabore ne sont pas censés apporter de nouvelles vérités, mais éclairer un aspect de la vérité déjà révélée dans sa plénitude par le Christ. Ainsi, la vérité discernée à un moment donné par l'Église des fidèles n'est pas désavouée par les générations suivantes, mais elle est conservée dans la Tradition, tout en étant réinterprétée. 

Il existe une manière moderne d'adopter des dogmes qui tend à s'éloigner d'une conception « doctrinaire » de la Tradition et qui prend en compte la dimension historique de la parole doctrinale de l'Église. En témoignent les paroles du pape Jean XXIII au concile Vatican II (1962) : « Autre chose est le dépôt même ou les vérités de la foi, autre chose est la façon selon laquelle les vérités sont exprimées, à condition toutefois d'en sauvegarder le sens et la signification. » 

À toutes les époques et dans les divers contextes culturels, l'Église catholique a toujours professé sa foi dans l'assistance par l'Esprit saint pour interpréter et actualiser le message évangélique, en le préservant des interprétations subjectives et en lui conservant son authenticité et son unité. 



La liturgie

Ensemble des célébrations officielles du culte rendu à Dieu, la liturgie s'organise ordinairement au niveau de la communauté paroissiale. Ces célébrations publiques, qui ont lieu habituellement le dimanche ou le samedi soir, rassemblent à l'église les catholiques établis à proximité. Un calendrier liturgique répartit sur une année la célébration des grandes étapes de la vie du Christ (sa naissance est fêtée à Noël, sa résurrection à Pâques, etc.). 


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Messe à Notre-Dame de la Trappe

La principale liturgie est la messe, qui comprend deux grandes parties, la première étant consacrée à la lecture et aux commentaires de la Parole (sermon ou homélie), la seconde à l'eucharistie et à l'action de grâce. Comme le Christ l'a enseigné aux apôtres à la veille de sa mort, les catholiques partagent le pain et le vin dans l'eucharistie, un sacrement qui, plus qu'un acte dédié à la mémoire du Christ, est, dans la théologie catholique, sa transsubstantiation. Par la communion, les croyants participent à la vie du Christ, reçoivent son corps et son sang comme une nourriture spirituelle qui les sanctifie. 

Les catholiques, de même que les orthodoxes, prient la Vierge Marie et les saints, intercesseurs auprès de Dieu. 



L'institution catholique

Introduction

L'Église catholique possède une structure à la tête de laquelle se trouve le pape, suivi – dans l'ordre hiérarchique – par les évêques, les prêtres, les diacres et les laïcs (ou simples fidèles). 

Avec ses deux mille ans d'histoire et ses nombreux fidèles répartis dans le monde, l'Église catholique se révèle être une institution dont le gouvernement est fort complexe. 



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Rome
Le support territorial de l'Église catholique est l'État de la cité du Vatican, dont le statut a été établi par les accords du Latran, en 1929. Ce vestige des États pontificaux, institués au viiie s. pour garantir au pape une indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques, couvre un territoire de 44 ha enclavé dans la ville de Rome. La cité du Vatican jouit d'un statut de neutralité et d'inviolabilité. Cet État singulier est doté d'un gouvernement propre. Sa population s'élève à quelques centaines de personnes, principalement occupées dans la curie romaine. 



Le gouvernement de l'Église


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Premier concile du Vatican

Au sommet de la hiérarchie catholique, le pape est le garant de la continuité apostolique. Occupant le siège épiscopal de l'apôtre Pierre, il est évêque de Rome. Il nomme les évêques. Élu par le Sacré Collège des cardinaux et choisi parmi eux, il est aussi le signe visible de l'unité de l'Église. À ce titre, il représente l'autorité suprême, arbitrant toutes les décisions concernant la vie de l'Église, l'expression de la foi et les grandes questions posées par les évolutions de société. Toutes ses décisions et déclarations n'engagent pas la foi catholique au même degré : une encyclique papale n'a pas la valeur d'un dogme, qui est l'énonciation d'un article de foi. Aux périodes défensives de son histoire, l'Église catholique s'est recentrée autour de l'autorité du pape, notamment après le grand schisme d'Orient (au moment même où l'Église orthodoxe a conservé des traditions plus pluralistes en son sein), mais aussi lors de la Réforme protestante, puis au début de la modernité issue des Lumières et de la Révolution française. En 1870, au concile Vatican I, l'Église s'est attachée à redéfinir la primauté et l'infaillibilité de son chef. Près d'un siècle plus tard, le concile Vatican II a rééquilibré l'autorité papale en réhabilitant dans ses fonctions primitives la collégialité des évêques. 

La collégialité épiscopale confère une responsabilité à tous les évêques, qui exercent leurs pouvoirs sous l'autorité du pape. C'est au chef suprême de l'Église qu'incombe, en effet, le droit de les réunir tous en concile œcuménique ou en synode (c'est-à-dire en assemblée régionale ou locale, par exemple, les évêques africains). Cependant, depuis le concile Vatican II, des conférences épiscopales nationales ou locales (par exemple, la Celam, la Conférence des évêques d'Amérique latine) se tiennent régulièrement à leur propre initiative. 

Assemblée des cardinaux – évêques élevés à ce rang par le pape –, le Sacré Collège joue un rôle de conseil particulier auprès du chef suprême de l'Église. Le rôle de cette assemblée consiste essentiellement à élire le nouveau pape. Mais, selon la règle édictée par Paul VI en 1970, ne participent au vote que les cardinaux âgé de moins de 80 ans. Le Sacré Collège, qui comptait 70 cardinaux de Sixte Quint à Jean XXIII, en rassemble près de 200 à la fin des années 2000. 



L'Église locale

Circonscrite par un territoire – le diocèse – plus ou moins vaste selon les régions du monde, l'Église diocésaine constitue l'unité de base de l'Église, dans laquelle la continuité apostolique est assurée par l'évêque. 

Nommé par le pape, l’évêque est choisi parmi les prêtres et ordonné par des évêques. La plupart d'entre eux sont à la tête d'un diocèse, qui est organisé en paroisses que l'évêque confie à des prêtres. L'évêque, qui a pouvoir de juridiction, est responsable en particulier de la pastorale (enseignement et mission) et des prêtres de son diocèse. 

Ordonnés par l'évêque, les prêtres sont au service de l'Église diocésaine. Ce sont exclusivement des hommes ayant fait vœu de célibat (à l'exception des Églises catholiques de rite oriental, où des hommes mariés peuvent être ordonnés). Ils reçoivent de l'évêque le pouvoir de dispenser tous les sacrements sauf l'ordination des nouveaux prêtres (réservée aux évêques). Ils président les célébrations liturgiques, organisent les nombreuses activités de catéchisme, d'entraide, de réflexion au niveau paroissial et diocésain. 

Les diacres constituent, au sein de l'Église, le premier degré de la hiérarchie et du sacrement de l'ordre. Tirant son origine d'une tradition ancienne, le diaconat a été remis en honneur par le concile Vatican II comme service spécifique de la communauté croyante ouvert aux hommes mariés. On parle alors de diacres permanents. 

Les laïcs sont les membres les plus nombreux de l'Église. Ils voient leur participation à la mission évangélique de l'Église mieux reconnue dans les sociétés laïcisées du IIIe millénaire. 



Les ordres religieux

En dehors des activités organisées autour des paroisses et, plus généralement, dans le cadre de la structure ecclésiastique, il existe d'autres formes de vie religieuse, plus dépouillées, plus disciplinées et souvent plus communautaires. Les ordres et les missions représentent ainsi des formes très différentes d'engagement au nom de la foi catholique. 


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Giotto, Innocent III approuve la règle de saint François

À l'instar des plus connus d'entre eux – bénédictins et bénédictines de saint Benoît (vie s.), franciscains de saint François d'Assise (xiiie s.), clarisses de sainte Claire (xiiie s.), dominicains de saint Dominique (xiiie s.) ou jésuites d'Ignace de Loyola (xvie s.) –, tous les ordres religieux suivent des règles de vie qui répondent aux trois appels évangéliques : la pauvreté, la chasteté et l'obéissance. Ils se différencient néanmoins par leur principale activité qui peut être la prédication, l'action missionnaire et sociale ou encore la prière (notamment dans les ordres contemplatifs vivant dans des monastères). 

Contrairement à la prêtrise, les ordres admettent hommes et femmes, mais dans des communautés séparées. Le statut de religieux n'est pas incompatible avec la prêtrise, tant et si bien que beaucoup de religieux sont également prêtres. Par ailleurs, certains ordres (comme les dominicains et les franciscains) ont institué un « tiers ordre », dans lequel sont regroupés des laïcs, mariés ou non, qui, tout en continuant à vivre dans le monde, s'engagent à suivre certains préceptes de la règle adoptée par l'ordre auquel ils appartiennent. 

Les ordres religieux ont, pour la plupart, essaimé sur tous les continents. Les responsables des communautés dépendent, selon les cas, de l'évêque du lieu ou d'une autorité centrale rattachée directement au Saint-Siège. 



Les mouvements catholiques

Les mouvements catholiques rassemblent des croyants désireux d'agir au nom de la foi, de la justice et de la charité chrétiennes, dans le cadre d'un des nombreux organismes existants, associations ou institutions. Alors que certains d'entre eux ont une dimension locale, d'autres (comme Caritas International, dont fait partie le Secours catholique français) sont internationaux. 

Ces mouvements allient à des degrés divers l'étude ou la formation religieuse, l'approfondissement spirituel et l'action caritative ou sociale. Une tension existe cependant entre ceux qui seraient tentés d'oublier le « monde » et ceux qui, au contraire, s'engagent « dans le monde » sans mettre en avant leur identité de membres de l'Église. 



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Léon XIII

À travers ces nombreux engagements, le catholicisme continue d'être actif dans les domaines de l'enseignement et de l'assistance hospitalière ou caritative, qu'il a longtemps eus en charge. Avec la révolution industrielle du xixe s., il s'est investi sur le terrain social pour dénoncer la « misère imméritée des ouvriers » (encyclique Rerum novarum de Léon XIII, en 1891) et pour y chercher remède. Connu sous le nom de catholicisme social, ce mouvement a débouché sur l'action politique, conduite par les partis de la démocratie chrétienne, et préparé l'éclosion de l'apostolat des laïcs, notamment l'Action catholique en France. 

La présence de plus en plus nombreuse de missionnaires dans les pays du tiers-monde a permis aux catholiques de participer à la lutte pour le développement des pays du Sud et de porter assistance aux plus défavorisés. 



L'évolution actuelle du catholicisme

Introduction

Ouverture sur le monde séculier, volonté de rejoindre les préoccupations des fidèles, telle est la tendance qui l'emporte aujourd'hui au sein de l'Église catholique, qui cherche à refréner la poussée des traditionalistes refusant toute modernisation liturgique et toute forme d'œcuménisme. 



Le concile Vatican II

La seconde moitié du xxe s. est marquée par le concile Vatican II. Convoqué par Jean XXIII, qui l'ouvre le 11 octobre 1962, il est clos le 8 décembre 1965 par Paul VI. Au terme de cette grande assemblée qui a réuni les évêques du monde entier et de nombreux experts théologiens, le catholicisme sort transformé, en particulier plus ouvert au dialogue : 
– avec les autres confessions chrétiennes dans le cadre du dialogue œcuménique, qui se traduit, dès le 7 décembre 1965, par la levée réciproque des excommunications entre Rome et Constantinople ; 
– avec tous les hommes s'interrogeant au sein de l'Église sur les problèmes de société, dans le respect de leur liberté ; 
– avec tous les catholiques, clercs et laïcs, qui ont reçu la même mission de témoigner du Christ et qui méritent ainsi une plus grande reconnaissance, due également au pluralisme culturel des Églises particulières et locales, dont il convient de respecter l'autonomie légitime (par exemple, par l'utilisation de la langue vernaculaire comme langue liturgique) ; 
– avec les autres religions, sur la base d'une reconnaissance plus ample du caractère impénétrable des voies de Dieu. 

Le concile Vatican II a été l'aboutissement et le point de départ d'un vaste travail théologique qui continue à susciter un intérêt général, de la part tant des clercs que des laïcs. 



La tentation intégriste

L'intégrisme catholique est né d'une réaction aux évolutions des sociétés modernes. Désignant initialement un parti politique espagnol, né vers 1890, à la suite de la condamnation papale du modernisme (Syllabus, 1864), le terme a pris un sens plus large. Aujourd'hui il s'applique aux catholiques intransigeants, qui refusent toute concession avec l'ordre social et politique des sociétés modernes, laïques et pluralistes. 

Au début du xxe s., sous le pontificat de Pie X, l'intégrisme a pris la forme d'une organisation secrète, la Sapinière, dont l'activité principale était de constituer des dossiers sur les catholiques jugés trop « compromis » avec la société moderne. Elle a mis fin à ses activités en 1921. 

Après Vatican II, l'intégrisme est devenu le creuset des tendances catholiques fondamentalement hostiles à l'aggiornamento (adaptation de l'Église à la modernité) engagé par le concile. Le 30 juin 1988, le schisme conduit par le chef des intégristes – l'évêque français Marcel Lefebvre – a été consommé avec l'Église de Rome. 


Documents associés

Médias


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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016 - 20:38

Le gouvernement de l’Église


En parlant de l’église de Thyatire, nous avons déjà touché ce sujet. Nous entrerons maintenant dans quelques détails. Bien des abus et bien des erreurs s’étaient peu à peu glissés dans l’Église, soit dans ses ordonnances, soit dans le culte et même dans la doctrine. Une autre chose fâcheuse s’était introduite ; c’était l’établissement d’un clergé distinct des simples fidèles que l’on nommait les laïques ou le peuple. Le clergé formait un corps à part composé des évêques, des anciens ou presbytres, des diacres, et de plusieurs fonctionnaires en sous-ordre, tels que les sous-diacres qui aidaient les diacres, les acolytes qui suivaient l’ancien lorsqu’il portait la cène aux malades, les lecteurs chargés de la lecture et de la garde des Écritures, les exorcistes qui, dans la cérémonie du baptême, prononçaient les paroles par lesquelles on pensait éloigner du néophyte les puissances infernales. Or nous ne trouvons rien de semblable dans la parole de Dieu.

Nous n’y voyons mentionnées que deux charges dans l’Église : les anciens et les serviteurs ou diacres. À ces derniers appartenaient le soin des pauvres et des veuves, et la distribution des aumônes aux nécessiteux (Actes 6:1-6 ; 1 Timothée 3:8-13). Il y avait aussi des diaconesses ou servantes, comme nous le dit ce passage : « Or je vous recommande Phœbé, notre sœur, qui est servante de l’assemblée qui est à Cenchrée (*), afin que vous la receviez dans le Seigneur » (Romains 16:1). Quant aux anciens, ils sont aussi nommés surveillants, qui est la traduction du mot grec « episcopos » d’où l’on a fait évêque. On n’a qu’à lire ce que Paul dit aux anciens de l’église d’Éphèse : « Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau au milieu duquel l’Esprit Saint vous a établis surveillants pour paître l’assemblée de Dieu » (Actes 20:28). Nous voyons par là que, dans une assemblée, il y avait plusieurs anciens, et que leur charge consistait à veiller sur le troupeau des fidèles afin d’y maintenir l’ordre, une saine doctrine et une conduite pure. Parmi les anciens, il pouvait y en avoir qui fussent spécialement doués pour présenter aux âmes la parole de Dieu et pour enseigner la vérité ; ceux-là et ceux qui présidaient dûment, qui s’appliquaient bien au gouvernement de l’assemblée, devaient être « estimés dignes d’un double honneur », c’est-à-dire particulièrement respectés, dit Paul à Timothée (1 Timothée 5:17).


(*) Cenchrée était le port de la ville de Corinthe. Cette ville est aussi mentionnée en Actes 18:18.

Qui établissait les anciens ? La Parole nous montre que c’étaient les apôtres ou quelqu’un, comme Tite, qui en avait reçu la commission de la part de Paul, un apôtre (Actes 14:23 ; Tite 1:5). Même quand il s’agit des serviteurs ou diacres, c’est bien l’assemblée qui les présente, mais ce sont les apôtres qui les établissent. Nous le voyons par ces paroles : « Jetez donc les yeux, frères, sur sept hommes d’entre vous, qui aient un bon témoignage, pleins de l’Esprit Saint et de sagesse, que nous établirons sur cette affaire » (Actes 6:3). Les anciens et les diacres étaient donc établis par l’autorité apostolique.

Mais il nous faut bien remarquer que l’Écriture ne nous dit pas qu’aucune autorité ait été laissée pour en établir après les apôtres. Il n’y a pas un mot dans la Parole qui confère aux assemblées cette autorité. On dit que toute société d’hommes a à sa tête des personnes qu’elle choisit pour la diriger et l’administrer, et qu’ainsi une église doit se choisir aussi de telles personnes. Mais raisonner ainsi, c’est faire des assemblées chrétiennes de simples associations d’hommes qui s’établissent des règles à leur convenance, tandis que ceux qui sont vraiment réunis au nom de Jésus, par l’action et la puissance de l’Esprit Saint, sont des assemblées de Dieu qui n’ont d’autre règle que la parole de Dieu. Christ est le Chef de l’Assemblée qu’il aime, qu’il chérit et nourrit (Éphésiens 5:23, 25, 29), c’est à Lui que nous devons laisser le soin de donner aux assemblées ce qui leur est nécessaire.

Remarquons à ce sujet ce que dit l’apôtre Paul aux anciens de l’assemblée d’Éphèse après les avoir avertis du mal qui s’introduirait dans l’Église après son départ. Ce n’est pas : « Faites-vous des règlements pour l’élection d’anciens, quand moi et vous, nous ne serons plus là » ; mais il dit : « Je vous recommande à Dieu, et à la parole de sa grâce » (Actes 20:32). Voilà donc ce qui restait après les apôtres : Dieu et sa Parole. N’était-ce pas tout à fait suffisant ? Certainement, et c’est aussi pleinement suffisant pour nous de nos jours.

Si l’on demande : « Mais qui instruira et édifiera dans les assemblées ? » la réponse est : « Ceux à qui Dieu a dispensé quelque don spirituel », comme il est dit dans les épîtres aux Romains et aux Corinthiens (Romains 12:6-8 ; 1 Corinthiens 14:1-4, 12). Ensuite nous voyons que le Seigneur Jésus donne des évangélistes et des pasteurs et docteurs (Éphésiens 4:11, 12) ; mais ceux-là n’ont pas besoin d’être établis par des hommes, puisque Jésus les donne et que l’Esprit Saint les qualifie. De plus, ils ne sont pas pour une assemblée locale, comme l’étaient les anciens et les diacres, mais pour toute l’Église.

Mais on dira peut-être encore : « Qui prendra soin des pauvres et des saints qui sont dans la nécessité, qui veillera sur l’ordre dans les assemblées ? ». Si nous nous attachons à la parole de Dieu et si nous nous attendons à Lui, soyons sûrs qu’il y pourvoira, en mettant au cœur de quelqu’un ou de quelques uns de s’employer pour Lui au service de l’Assemblée. C’est ainsi que, du temps de Paul, la maison de Stéphanas s’était « vouée au service des saints », et que d’autres coopéraient à l’œuvre du Seigneur et y travaillaient (1 Corinthiens 16:15-16).

On vit bientôt dans l’Église le danger qu’il y a à ne pas rester soumis à la parole de Dieu. Déjà à la fin du premier siècle, quand l’apôtre Paul était encore là, on voit Diotrèphe s’arroger une place d’autorité dans l’assemblée dont il faisait partie. Il aimait à être le premier et ne recevait pas l’apôtre et ceux qui lui étaient attachés (3 Jean 9, 10). C’était le commencement del’esprit clérical, en complète contradiction avec ce que dit Pierre aux anciens de son temps, de ne pas dominer sur le troupeau, mais d’en être les modèles (1 Pierre 5:2, 3). Ignace, le martyr, dans ses lettres, attribue à l’évêque, aux anciens et aux diacres, une place qui n’est nullement celle que leur donne l’Écriture. Nous voyons déjà alors celui qui, par ses dons, son dévouement ou son activité, se distinguait parmi les anciens d’une église, prendre ou recevoir le titre d’évêque qui n’est attribué qu’à lui seul. Les anciens sont son conseil ou les exécuteurs de ses ordres. Il était ainsi le chef de l’église. D’abord choisi par les anciens avec l’approbation de l’église, il fut plus tard nommé ou consacré par les évêques du voisinage, et alors ce fut lui qui nomma les anciens que confirmait l’assemblée. Tout un ordre humain s’introduisit ainsi dans l’Église, sans aucune sanction de l’Écriture. Peu à peu les évêques des localités de la campagne furent subordonnés à ceux des villes et n’eurent plus que le nom de presbytres. On forma ainsi des diocèses ou circonscriptions qui avaient à leur tête l’évêque, celui-ci ayant sous son autorité les églises de cette circonscription.

Au commencement, les évêques et les autres fonctionnaires des églises étaient simples dans leurs mœurs, travaillant souvent de leurs mains pour leur subsistance et ne recherchant pas le gain. Ils obéissaient ainsi aux exhortations des apôtres Pierre et Paul (1 Pierre 5:2 ; 1 Timothée 3:3). On pourvoyait aux besoins de ceux qui n’avaient point de ressources au moyen de dons volontaires, ou de dîmes, comme chez les Juifs. Dans les campagnes et les villes peu importantes, cette simplicité se conserva longtemps. Mais dans les grandes villes les dons étaient abondants, et les évêques et les hauts fonctionnaires qui en avaient la plus large part, commencèrent à vivre dans le luxe. Déjà Cyprien, évêque de Carthage, déplorait cette tendance. Au 6° siècle, les choses étaient venues au point qu’un auteur de ce temps, Ammien Marcellin (*), écrivait à propos des évêques de Rome : « Il ne faut pas s’étonner de voir ceux qui ambitionnent la grandeur humaine, lutter avec tant d’ardeur pour obtenir cette dignité (celle d’évêque). Le candidat préféré est enrichi par les offrandes des matrones (les dames romaines) ; ils peuvent alors déployer un grand faste, se faire traîner sur des chars magnifiques, vêtus de riches habits, et la somptuosité de leurs festins dépasse celle des tables royales. Ils seraient plus révérés si, au lieu d’étaler leurs vices, ils ressemblaient aux évêques de province, sobres, simples et modestes ». C’était cette gloire et cette puissance mondaines des évêques de Rome qui faisaient dire à un païen. « Faites-moi évêque de Rome, et je me fais chrétien ».


(*) Sans être païen, il ne professait pas le christianisme. Il écrivit une histoire de Rome qui allait de l’empereur Nerva à Valens, mais dont le commencement est perdu. Le reste comprend l’histoire de l’empereur Julien et de ses successeurs.

Voilà, hélas ! où en venaient peu à peu ceux qui auraient dû être les modèles des troupeaux. Combien peu ils ressemblaient à cet humble Jésus qui n’avait pas un lieu où reposer sa tête et dont, cependant, ils professaient être les disciples ! Combien peu ils marchaient sur les traces de Paul, le faiseur de tentes ! Ce sont bien eux qui sont représentés par ce serviteur dont parle le Seigneur et qui disait dans son cœur : « Mon maître tarde à venir », et qui se mettait à battre les serviteurs et les servantes, et à manger, et à boire, et à s’enivrer (Luc 12:45). Ce mal, une fois introduit, ne fit que s’accroître dans la période suivante de l’histoire de l’Église. Toutefois il ne faut pas oublier que ce n’étaient encore que des cas isolés, et qu’il y avait bien des évêques dévoués à leurs troupeaux et qui montrèrent un grand courage dans les persécutions.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016 - 20:39

Les premiers siècles — L’incorporation au monde


L’Église s’associe au monde sous Constantin

La dernière persécution que les chrétiens eurent à subir avait été la plus générale et la plus terrible de cette période où les ennemis du christianisme tentèrent de l’anéantir par la violence. Bien loin d’y réussir, il ne fit que grandir sous l’épreuve, et par son influence et par le nombre de ceux qui l’embrassaient. L’ennemi du nom de Christ, Satan, changea alors de tactique. De lion rugissant (1 Pierre 5:8), il se montra ce qu’il n’a jamais cessé d’être, le serpent ancien et rusé qui séduit les cœurs par l’attrait des jouissances que le monde présente (Apocalypse 12:9). La puissance impériale devint la protectrice du christianisme, au lieu d’en être l’ennemie, et par là l’Église, au sein de laquelle s’étaient déjà introduits tant d’abus, fut amenée à s’associer au monde et oublia sa vocation céleste.

Pour bien comprendre ce que nous venons de dire, il faut nous rappeler que, lorsque le Seigneur Jésus était ici-bas, il fut rejeté du monde qui le haïssait et le mit à mort (Jean 15:24). Il disait à Pilate : « Mon royaume n’est pas de ce monde » (Jean 18:36). Il était venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, pour accomplir la volonté de son Père, mais nullement pour y être riche, honoré d’une gloire terrestre, ni pour y exercer l’autorité parmi les hommes (Jean 18:37 ; 17:4 ; 2 Corinthiens 8:9 ; Jean 5:41 ; Luc 12:13-14). Il vint manifester ici-bas l’amour du Père dans une vie céleste, puis, ayant achevé l’œuvre du salut, il retourna au ciel. Que doivent donc être ici-bas ceux qui Lui appartiennent, ses disciples ? Le Seigneur l’a dit dans sa prière au Père : « Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde » (Jean 17:16) ; et l’apôtre Paul écrivait aux chrétiens de Philippes : « Notre bourgeoisie est dans les cieux, d’où aussi nous attendons le Seigneur Jésus Christ » (Philippiens 3:20). L’Église, l’Assemblée, a pour Chef Christ dans le ciel. Quant à son appel, elle est donc céleste, comme son divin Chef. Si le chrétien est laissé dans le monde, c’est pour y être un témoin de la vérité et de la grâce de Dieu, en y vivant comme son Sauveur y a vécu, ainsi que Jésus l’a demandé au Père : « Sanctifie-les par la vérité ; ta parole est la vérité. Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde » (Jean 17:17-18). Sanctifier veut dire mettre à part pour Dieu, alors que le monde « gît dans le méchant » (1 Jean 5:19), et est dominé par « la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie » (1 Jean 2:16). C’est la parole de Dieu qui, reçue dans le cœur, opère, par l’Esprit Saint, cette mise à part pour le service de Dieu. Les chrétiens sont envoyés dans le monde, comme Jésus y avait été envoyé, pour y mener cette vie sainte. Par conséquent l’Église avait à marcher dans le monde ainsi que Christ y avait marché (1 Jean 2:6), séparée de ce monde qui a rejeté et fait mourir son divin Maître. Elle n’avait donc pas à s’associer à lui, à rechercher son approbation, ni à ambitionner les positions, les richesses, les honneurs qu’il peut donner. « Ne vous conformez pas à ce siècle ; mais soyez transformés par le renouvellement de votre entendement », telle est la parole de l’apôtre (Romains 12:2). Telle devait être l’Église, une lettre de Christ connue et lue de tous les hommes, une fiancée pure pour son céleste époux (2 Corinthiens 3:2-3 ; 11:2).

Mais par un effet de la ruse de l’ennemi, l’Église a méconnu sa haute, sainte et céleste vocation. Elle en est déchue, et elle est devenue du monde auquel elle s’est associée. Et elle n’a cessé, infidèle à son Seigneur et Maître, de continuer et même de progresser dans cette voie fatale. C’est pourquoi Jésus, s’adressant à l’église de Pergame, qui représente l’époque de l’Église où s’est consommée cette association, dit : « Je sais où tu habites, là où est le trône de Satan… parmi vous, là où Satan habite » (Apocalypse 2:13). Quelle chose terrible d’être là où habite Satan, le prince de ce monde, alors que la place de l’Église est le ciel ! Et descendant toujours plus cette pente funeste, l’Église en arrivera à perdre entièrement son caractère et est représentée par cette femme « vêtue de pourpre et d’écarlate, et parée d’or et de pierres précieuses et de perles », et qui dit dans son cœur : « Je suis assise en reine » (Apocalypse 17:4 ; 18:7).

Mais n’oublions pas que, dans toutes les périodes de l’histoire de l’Église, même les plus sombres, le Seigneur a eu ses fidèles témoins. Souvenons-nous aussi que, quelle que soit la ruine de l’église professante, l’Assemblée que Christ bâtit, composée des pierres vivantes, ne peut être touchée par Satan.

Venons-en maintenant au grand événement qui fut pour l’Église le commencement d’une nouvelle ère. Constantin, qu’on a surnommé le Grand, était fils de ce Constance dont nous avons parlé, qui gouvernait dans les Gaules au temps de Dioclétien et qui s’était montré favorable aux chrétiens. Après la mort de son père, Constantin fut élevé par l’armée au rang d’auguste et devint l’un des six compétiteurs à l’empire romain. Le sénat et le peuple de Rome, exaspérés par la cruauté du tyran Maxence qui régnait dans cette ville, appelèrent à leur aide Constantin. Celui-ci, heureux de cette occasion de se défaire d’un rival se dirigea sur l’Italie avec son armée, vainquit Maxence dans plusieurs rencontres et arriva aux portes de Rome. Là devait s’engager une action décisive. À ce moment, Constantin était encore païen de profession.

La veille même de la bataille, raconte Eusèbe, l’historien de l’Église, contemporain et ami de Constantin, celui-ci ayant offert des prières pour le succès de ses armes, vit dans les cieux, comme le soleil se couchait, une grande croix lumineuse avec cette inscription en lettres de flammes : « Par ce signe tu vaincras ». L’armée entière, dit-il, fut témoin de cette vision. Retiré dans sa tente, l’esprit rempli de ce qu’il avait vu, l’empereur dans la nuit eut un songe. Il lui semblait que le Sauveur se tenait près de lui, ayant à la main une croix semblable à celle qui lui était apparue dans le ciel, et qu’il lui ordonnait d’en faire une image qui serait placée sur ses étendards, lui donnant l’assurance qu’ainsi il serait victorieux dans tous les combats.

Constantin obéit. D’habiles ouvriers confectionnèrent, d’après ses indications, un étendard portant une croix ornée de pierres précieuses avec le monogramme de Christ (*). On nomma cet étendard le labarum, du mot assyrien labar qui signifie « victoire ». Dès lors il fut porté à la tête des armées impériales et confié à la garde de cinquante hommes d’élite que l’on considérait comme invulnérables par la vertu de la croix.


(*) Formé des deux premières lettres du nom de Christ en grec.

Constantin fit appeler des docteurs chrétiens qui lui enseignèrent quel était Celui qui lui était apparu, et quelle était la signification de la croix. Dès lors il se déclara converti au christianisme.

Les deux armées se rencontrèrent au pont Milvius, et Constantin remporta une victoire signalée sur Maxence qui en fuyant se noya dans le Tibre. Le vainqueur entra dans Rome et fit élever dans le Forum [La place publique] une statue qui le représentait tenant dans la main droite un étendard en forme de croix avec cette inscription « Par ce signe salutaire, vrai symbole de la bravoure, j’ai délivré notre ville du joug du tyran ». Il reconnaissait ainsi publiquement qu’il devait la victoire au Dieu des chrétiens et à l’emblème sacré de la croix. Mais pour le moment, son christianisme n’alla pas plus loin. Comme homme, il n’avait pas encore éprouvé le besoin personnel d’un Sauveur, et il est douteux qu’il l’ait jamais senti. Il accepta sérieusement le christianisme comme religion et l’apprécia très haut comme une puissance qui servait sa politique, mais Dieu seul sait s’il est jamais venu à Christ, le Sauveur, comme un pécheur perdu. Rien dans sa vie ne le prouve.

Avant de voir quelles furent les conséquences de la conversion de Constantin au christianisme, demandons-nous ce qu’il faut penser de cette vision et de ce songe. On ne peut certainement pas y voir une intervention divine, ni d’un autre côté suspecter la bonne foi de Constantin. Mais celui-ci, dont le père avait été favorable aux chrétiens et qui, à Nicomédie, avait été témoin de leur constance dans la persécution, était, dit Eusèbe, hésitant entre les deux religions. Il n’ignorait pas la fin terrible de plusieurs des persécuteurs, et il la comparait à la mort paisible de Constance. Au moment de livrer une bataille d’où dépendait son sort, il se demandait vers quel Dieu se tourner pour obtenir la victoire. Fortement préoccupé de ces pensées et d’un esprit porté à la superstition, il est possible que l’éclat du soleil couchant brillant dans les nuages, ait frappé sa vue, et que, son imagination aidant, il ait cru y voir la forme d’une croix qu’il savait être le symbole du christianisme. Il y aura vu une réponse à ses doutes et, dans son sommeil, un songe, résultat de son état d’esprit, l’aura confirmé dans sa résolution d’embrasser la religion chrétienne. Voilà comment nous pouvons nous expliquer ce fait. 

Quoi qu’il en soit, cette conversion de Constantin au christianisme qui eut lieu en l’an 312, fut un événement d’une importance immense dans l’histoire de l’Église sur la terre, mais non pas, hélas ! pour son bien spirituel.

L’habileté militaire de Constantin, son courage et ses grands talents politiques, l’ont fait surnommer le Grand. C’est un titre que les hommes donnent à ceux qui ont remporté des victoires et fait des conquêtes. Mais ce n’est pas la vraie grandeur devant Dieu. Celle-ci consiste dans l’humilité, dans le renoncement, dans la victoire remportée sur le monde et les convoitises, dans l’exercice de la bonté, de la douceur, de la miséricorde et de la justice, en un mot dans la vraie conversion du cœur (Matthieu 18:1-4). Or, quel que fût le zèle que Constantin déploya pour la religion qu’il avait embrassée, on peut douter qu’il y ait eu chez lui une réelle conversion. Peut-être son intelligence se convainquit-elle que le christianisme valait mieux que le paganisme, sans que sa conscience et son cœur eussent été saisis par la vérité. Il ne faut pas oublier que Constantin était un politique habile. Il voyait l’influence croissante du christianisme ; il savait que les chrétiens étaient des sujets dociles, soumis aux lois, et que leur nombre lui assurait une force considérable, s’il les protégeait. Ces raisons pesèrent sans doute puissamment dans la balance, pour le faire renoncer à une religion vieillie et qui tombait en décadence, et lui faire adopter celle dans laquelle il voyait une puissance nouvelle qui servirait son ambition. C’est ainsi que les hommes comme lui agissent : mus par des vues humaines et dans leur propre intérêt, ils emploient pour cela même les choses saintes !

Pour ménager sans doute ceux qui restaient attachés à l’ancienne religion, il conserva plusieurs pratiques païennes. Ainsi, il inaugura son règne par l’apothéose, c’est-à-dire la mise au rang des dieux, de son père Constance. C’est ce que l’on avait coutume de faire pour tous les empereurs après leur mort, quelle qu’eût été leur vie. On leur élevait des statues et on les honorait comme des divinités. Convenait-il à un chrétien de faire une semblable chose ? L’apôtre Paul ne dit-il pas aux chrétiens : « Quelle convenance y a-t-il entre le temple de Dieu et les idoles ? Car vous êtes le temple du Dieu vivant » (2 Corinthiens 6:16). Et encore : « Mes bien-aimés, fuyez l’idolâtrie » (1 Corinthiens 10:14 ; voyez 1 Jean 5:21). Constantin prit aussi le titre païen de souverain pontife, c’est-à-dire celui qui était à la tête des chefs du culte idolâtre, et ses monnaies portent, avec le nom du Christ, l’image d’une divinité païenne. Il favorisait encore d’autres usages du paganisme. C’était associer Christ avec l’iniquité ; or la parole de Dieu dit : Quelle communion y a-t-il « entre la lumière et les ténèbres ? et quel accord de Christ avec Béliar ? » (2 Corinthiens 6:14-15 ; voyez Apocalypse 2:14). Constantin agissait ainsi pour ne pas froisser ses sujets païens. C’était habile, mais était-ce selon Dieu ?

Un autre trait du caractère de cet empereur est que rien ne l’arrêtait pour satisfaire ses vengeances ou arriver à bout de ses desseins ambitieux. Perfidies et meurtres, il employait tout sans scrupules. Il fit périr son beau-père, deux de ses beaux-frères, « dont l’un était Licinius, qui avait été empereur d’Orient. Sur une fausse accusation de sa seconde femme, l’impératrice Fausta, il fit mettre à mort son propre fils Crispus ; puis, ayant reconnu l’injustice de l’accusation, il fit aussi mourir Fausta. La parole de Dieu dit : « Aucun meurtrier n’a la vie éternelle demeurant en lui » (1 Jean 3:15).

En ayant ces tristes faits devant les yeux, on voit quel était l’homme qui se plaçait à la tête de l’Église, et on comprend mieux dans quel état de ruine celle-ci tombait. Peut-être est-ce parce que Constantin sentait combien peu sa vie répondait aux enseignements de l’Évangile, qu’il ne se fit baptiser que sur son lit de mort. Jusqu’à ce moment il fut seulement catéchumène. Comme on pensait que le baptême effaçait tous les péchés, le pauvre empereur crut sans doute s’assurer ainsi le ciel. Quelle erreur profonde ! Le sang de Christ seul purifie de tout péché, et Dieu demande que nous croyions à l’efficacité de ce sang, si nous voulons être sauvés (1 Jean 1:7 ; Romains 3:24-25). Il y avait aussi une grande responsabilité pour les évêques et docteurs de l’Église de laisser Constantin dans cette fatale erreur et cette fausse assurance ; mais, hélas ! ils n’étaient que trop heureux et trop fiers d’avoir le puissant empereur pour les protéger, les enrichir et mettre en honneur le christianisme, au lieu de le persécuter.

Car il faut bien dire, d’un autre côté, que le zèle de Constantin pour établir, affermir et répandre le christianisme, ne se démentit jamais. Jamais non plus il n’usa de contrainte violente envers ceux qui restaient fidèles au paganisme ; mais il protégea le christianisme de toutes ses forces et étendit sa faveur sur ceux qui le professaient. Ainsi il fit construire de nombreuses églises, et obligea les païens à réédifier celles qu’ils avaient renversées. Les communautés chrétiennes furent autorisées à recevoir des donations ; lui-même leur fit de riches dons. Les membres du clergé chrétien jouirent de tous les privilèges qu’avaient autrefois les prêtres païens. Ils furent comblés d’honneurs et de richesses, exemptés des charges publiques, et reçurent pour leur traitement et l’entretien du culte, des sommes tirées des revenus de chaque ville.

Le premier soin de Constantin en parvenant à l’empire, avait été de publier, de concert avec Licinius, empereur d’Orient, un édit de tolérance qui arrêtait toute persécution. Plus tard, Licinius n’ayant pas observé cet édit, Constantin en prit occasion pour lui faire la guerre, le vainquit, et devint seul maître du vaste empire romain, en l’an 323. Il continua à favoriser les chrétiens, leur donna les places dans les administrations publiques, prescrivit l’observation du dimanche, somma les gouverneurs de province encore païens de renoncer à leur culte idolâtre, et accorda des privilèges aux villes qui renversaient les autels des faux dieux, exhortant les populations à les abandonner. Plus tard, il interdit la célébration des fêtes païennes, et fit fermer les temples, sauf à Rome. Mais une chose plus réellement utile à l’Église fut l’ordre qu’il donna de faire, pour différentes églises, cinquante copies de la Bible en grec. À cette époque où l’imprimerie n’était pas connue, les livres se multipliaient par des copies faites à la main, et qui coûtaient fort cher. C’était donc un don à la fois riche et utile que l’empereur faisait aux églises.

De toutes manières, Constantin travailla donc à substituer au paganisme la religion nouvelle, au moins comme forme extérieure. Mais quels furent pour l’Église les résultats de cette association avec les pouvoirs du monde ? Tristes et fâcheux à tous égards. L’Église, dont l’empereur était devenu de fait le chef, bien qu’il semblât toujours plein de déférence pour les évêques, fut placée dans une étroite dépendance de l’État, elle qui ne devait avoir pour Chef que Christ. Elle devint ainsi toujours plus une puissance mondaine.

En second lieu, l’empereur professant le christianisme et favorisant les chrétiens, les foules ignorantes voulurent être de cette religion ; d’un autre côté, quantité de personnes plus instruites, désirant s’attirer la faveur de l’empereur, se rangèrent aussi sous ce drapeau. L’Église admit les uns et les autres dans son sein, sans conversion vraie. Ainsi il n’y eut plus, en général, qu’une profession de christianisme sans réalité vivante dans les âmes. La chrétienté, l’ensemble de ceux qui professaient être chrétiens, devint ce grand arbre dont parle le Seigneur dans la parabole, beau et puissant d’apparence, mais abritant toute sorte de mal (Matthieu 13:31-32). Et ce triste état de choses a subsisté dès lors, et même s’est toujours plus accentué, comme nous le voyons.

Un autre mal qui avait déjà commencé, même durant les persécutions, fut l’autorité toujours plus grande du clergé. Les honneurs que l’empereur lui conféra, ne firent qu’exalter ses prétentions à dominer sur le troupeau, et il en vint à se considérer comme représentant seul l’Église. Celle-ci s’organisa dans le cadre de l’administration impériale. Chaque cité avait son évêque, élu par le clergé et les fidèles, et sous l’autorité duquel les prêtres desservaient bourgs et villages. À la tête de chaque province était un métropolitain, ou archevêque. Pour décider des questions importantes de discipline ou de doctrine, les évêques se réunissaient en conciles, soit provinciaux, soit généraux, soit œcuméniques (universels). Les simples fidèles n’eurent qu’à se soumettre à ce que le clergé décidait. Nous avons déjà remarqué ce que dit à ce sujet l’apôtre Pierre (1 Pierre 5:1-4). Nous allons voir comment cet état de choses se manifesta, dans une occasion célèbre, sous le règne de Constantin.


Arius et le Concile de Nicée


Nous avons vu que des hérésies, c’est-à-dire des fausses doctrines, avaient surgi dans l’Église. C’est une triste partie de son histoire sur la terre, mais nous savons que l’apôtre Paul, en faisant ses adieux aux anciens de l’assemblée d’Éphèse, leur avait annoncé les efforts que ferait l’ennemi pour corrompre la foi des saints (Actes 20:29-30). Pierre aussi, dans sa seconde épître, dit : « Il y aura parmi vous des faux docteurs, qui introduiront furtivement des sectes de perdition, reniant aussi le Maître qui les a achetés » (2 Pierre 2:1). L’Esprit Saint mettait ainsi les fidèles en garde, et les conducteurs du troupeau devaient veiller pour que le mal ne s’introduisît pas parmi eux. Si pénible que soit ce sujet, nous avons à le considérer, afin qu’il en ressorte quelque enseignement pour nous.

Nous avons mentionné plusieurs de ces hérésies, mais celle qui causa le plus de mal dans l’Église, à cause de la gravité de son objet et de l’extension qu’elle prit, est l’arianisme. On la nomme ainsi du nom d’Arius, qui en fut le plus ardent promoteur et le plus habile défenseur, car on pense que la même fausse doctrine ou d’autres semblables avaient été tenues avant lui.

Arius, né vers l’an 270, était un prêtre de l’église d’Alexandrie, cette grande et célèbre ville d’Égypte. C’était un homme d’un extérieur imposant, en même temps que d’un abord très agréable et prévenant, de mœurs pures, ayant de vastes connaissances, beaucoup d’intelligence, une grande habileté dans le raisonnement, parlant avec aisance et exposant ses vues avec un talent persuasif. Mais sous une apparence d’humilité, il cachait un grand orgueil et une ambition démesurée. Il y a, sous ce rapport, de grands pièges pour les hommes richement doués sous le rapport de l’intelligence et du talent, et, s’ils sont chrétiens, ils ont à être particulièrement en garde contre les séductions de Satan qui cherche toujours les meilleurs instruments pour combattre la vérité. Tel fut Arius. Il avait tout ce qu’il faut pour séduire après avoir été séduit lui-même (2 Timothée 3:13).

La fausse doctrine d’Arius portait sur un point vital du christianisme, la gloire de Christ comme Fils éternel du Père. Arius enseignait que le Fils n’a pas existé de toute éternité ; qu’il était le premier et le plus excellent des êtres que Dieu le Père avait tirés du néant ; qu’il n’était donc qu’une créature, bien qu’infiniment élevée au-dessus des autres, et qu’en puissance et en gloire, il était, dans sa nature, inférieur au Père. En résumé, Arius niait la divinité éternelle de Christ. Pour lui, Christ était un Dieu, mais non pas Dieu. Or l’Écriture nous enseigne tout autrement.

Dieu est infini, et nous ne sommes que de pauvres créatures bornées ; nous ne pouvons donc sonder, connaître, ni comprendre le mystère de l’essence divine. Comme le disait un des amis de Job : « Peux tu, en sondant, découvrir ce qui est en Dieu, ou découvriras-tu parfaitement le Tout-puissant ? Ce sont les hauteurs des cieux — que feras-tu ? C’est plus profond que le shéol, qu’en sauras-tu ? » (Job 11:7 8). Mais il nous faut retenir et garder avec soin ce que Dieu nous a révélé de Lui-même dans sa Parole. Or partout elle nous dit qu’il y a un seul Dieu (Deutéronome 6:4 ; Marc 12:29 ; Jean 17:3 ; 1 Timothée 2:5). Mais en même temps, elle nous parle du Père qui est Dieu (Jean 17:3 ; 1 Corinthiens 8:6), du Fils qui est Dieu (Hébreux 1:8-9 ; Jean 1:1 ; Romains 9:5), et de l’Esprit Saint qui est Dieu (Actes 5:3-4, et comparez Actes 7:51, avec 2 Rois 17:14). Ce sont trois Personnes distinctes dans l’unité d’un seul Dieu ; l’Écriture l’enseigne clairement, mais c’est un mystère que notre faible esprit ne peut expliquer. Nous voyons constamment, dans le Nouveau Testament, ces trois Personnes divines agir d’un même accord, mais chacune d’une manière distincte, pour notre salut. Le Père qui est Dieu a, dans son amour, donné son Fils pour que nous ne périssions pas, mais que nous ayons la vie éternelle (Jean 3:16). Le Fils, Jésus Christ, qui est Dieu, nous a aimés, et est devenu un homme pour nous sauver en mourant pour nos péchés (Galates 2:20 ; Éphésiens 5:2) ; et l’Esprit Saint, qui est Dieu, agit dans nos âmes pour nous régénérer et nous donner l’assurance que nous sommes enfants de Dieu (Jean 3:5-6 ; Tite 3:5 ; Romains 8:15-16). Et, de plus, le Nouveau Testament est rempli de passages qui attestent la divinité éternelle du Seigneur Jésus, son unité de nature et son égalité avec le Père (Jean 1:1 ; 8:58 ; Romains 9:5 ; Jean 5:17-19 ; 10:30 ; 14:9). C’est cette grande vérité qu’Arius niait.

Il est très vrai que le Fils de Dieu est devenu un homme (Jean 1:14), et qu’ainsi il s’est abaissé en prenant la forme d’esclave, et a été fait un peu moindre que les anges (Philippiens 2:6-8 ; Hébreux 2:9). Et c’est là aussi un mystère que nous ne pouvons comprendre, cette union de Dieu et de l’humanité en une même Personne, l’Homme Christ Jésus, vrai homme et vrai Dieu en même temps (1 Timothée 2:5-6 ; 3:16). Aussi Jésus dit-il : « Personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père ». Aucune créature ne peut sonder le mystère de sa Personne (Matthieu 11:27 ; 1 Timothée 3:16). Mais pourquoi le Fils de Dieu s’est-il ainsi abaissé et est-il devenu un homme ? Ah ! nous le savons. Il est devenu un homme, afin de pouvoir se charger de nos péchés, afin de subir le jugement de Dieu, afin de souffrir et mourir à notre place. Comment sans cela, nous pécheurs, aurions-nous pu être sauvés ? Mais pour accomplir cette œuvre, il fallait qu’il fût Dieu. Pensons-nous qu’une créature, si excellente fût-elle, eût pu expier nos péchés ? Non ; la valeur infinie du sacrifice de Jésus vient de la grandeur infinie de sa Personne. Celui-là seul qui a fait les mondes, qui est le resplendissement de la gloire de Dieu et l’empreinte de sa substance, qui soutient tout par sa parole puissante, qui est Dieu, en un mot, pouvait faire par Lui-même la purification des péchés (Hébreux 1:1-3). Et Dieu, selon sa justice, n’aurait pu punir une créature pour nous. Son Fils seul pouvait se présenter comme victime.

Ainsi la funeste doctrine d’Arius non seulement privait le Seigneur Jésus de sa gloire comme Dieu sur toutes choses béni éternellement (Romains 9:5), mais détruisait aussi le fondement de notre rédemption, car si Christ n’est qu’une créature, il ne peut nous sauver. Mais il est, béni soit Dieu, « notre grand Dieu et Sauveur » (Tite 2:13), que nous adorons et adorerons durant l’éternité. Il est important que nous soyons bien au clair sur ce sujet, parce que la fausse doctrine d’Arius, sous une forme ou une autre, subsiste encore de nos jours. Satan, dès le commencement de l’Évangile, a cherché à diminuer ou à annuler la gloire du Seigneur et il continue. Retenons donc ferme les enseignements de la sainte Parole. Jésus « est le Dieu véritable et la vie éternelle » (1 Jean 5:20).

Arius prêchait avec zèle et succès ses fausses et pernicieuses doctrines dans la ville d’Alexandrie et dans les campagnes, et se faisait beaucoup de partisans. Alors l’évêque d’Alexandrie, qui se nommait Alexandre et qui était zélé pour la saine doctrine, le fit comparaître deux fois devant lui et le clergé de la ville. Alexandre, secondé énergiquement par le diacre Athanase, qui fut aussi plus tard évêque de cette ville, s’efforça de convaincre Arius de ses erreurs et de le faire se rétracter. Mais tout fut inutile. « L’impie Arius », s’écria l’évêque, « a osé proférer des blasphèmes contre le divin Rédempteur ». Et il convoqua à Alexandrie un concile, c’est-à-dire une assemblée des évêques des églises environnantes. Ce concile condamna Arius, ses doctrines et ses partisans. Il fut exclu de l’Église de la ville, et se retira en Palestine, où, nullement découragé, il continua avec activité à répandre ses vues. Par la puissance de sa parole, il gagna de nombreux partisans, parmi lesquels deux personnages très influents, Eusèbe, évêque de Césarée, l’historien de l’Église, et Eusèbe, évêque de Nicomédie. Ce dernier convoqua un concile en Bithynie, qui annula ce que le concile d’Alexandrie avait décidé et réhabilita Arius. On voit quelles tristes et profondes divisions se formaient et se creusaient dans l’Église où autrefois on n’était qu’un cœur et une âme, où l’on n’avait qu’une même pensée. Quel désolant spectacle aux yeux du monde païen ! Que devenaient les âmes des simples fidèles au milieu de ces dissensions ? Nous pouvons être sûrs que les soins du bon Berger ne manquaient pas à ceux qui étaient humbles de cœur, mais sans doute plusieurs étaient troublés et scandalisés. Mais c’est une chose précieuse de voir des hommes de foi comme Alexandre et Athanase se lever pour maintenir la gloire du Seigneur. Jésus le reconnaît, quand il dit à l’ange de l’assemblée de Pergame, qui représente cette période de l’histoire de l’Église : « Tu tiens ferme mon nom, et tu n’as pas renié ma foi » (Apocalypse 2:13). Que le Seigneur nous donne, dans les jours où nous vivons, d’être aussi fidèles à Christ et à sa Parole !

Qu’arriva-t-il après qu’Arius eut été réhabilité ? Il avait de nombreux partisans à Alexandrie ; ses amis sollicitaient Alexandre de le recevoir, Arius ayant dans ses correspondances habilement atténué celles de ses affirmations qui avaient le plus choqué. Mais Alexandre fut inflexible ; il tenait ferme pour la pure doctrine de Christ et se refusait à des compromis.

Bientôt toutes les églises d’Orient furent agitées et troublées par cette dispute où la vérité chrétienne était en jeu, et le bruit en vint à l’empereur Constantin qui s’en émut.

Il ne se rendait pas bien compte de la question, mais de même qu’il n’aurait pas voulu qu’on touchât à l’unité de l’empire, il pensait qu’il ne devait pas y avoir de divisions dans l’Église. Il chercha d’abord à ramener la paix entre les deux partis, par une lettre qu’il adressa à Alexandre et à Arius et qu’il envoya par Hosius, évêque de Cordoue en Espagne. C’était un fidèle serviteur de Christ, qui avait souffert durant les persécutions et qui n’approuvait pas les vues d’Arius. L’empereur dans sa lettre, pleine de sagesse humaine et de modération, exhortait Alexandre et Arius à cesser leurs querelles au sujet de questions vaines et subtiles. Il ne comprenait pas qu’il s’agissait, non de disputes de mots, mais de la gloire de Christ et du salut des âmes.

L’effort de Constantin échoua ; les deux partis refusèrent d’entendre Hosius, et l’empereur commença à voir que l’objet de la lutte était plus sérieux qu’il ne pensait. Il résolut donc de convoquer un concile général, c’est-à-dire une assemblée de tous les évêques de la chrétienté, dans l’espérance qu’ils établiraient la vraie doctrine, et mettraient fin pour toujours à des querelles qui n’engendraient que l’animosité.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016 - 20:39

Le Concile de Nicée


Le concile devait se tenir à Nicée, ville de Bithynie (*). On fournit aux évêques tout ce qui leur était nécessaire pour leur voyage, absolument comme s’il se fût agi de fonctionnaires de l’État, et vers la fin du mois de juin de l’année 325, se trouva rassemblé ce vaste concours des conducteurs spirituels de l’Église, pour s’occuper principalement de la grande question qui touchait à la gloire de la Personne de Christ. Outre trois cent vingt évêques environ, l’assemblée se composait d’un grand nombre de prêtres (ou anciens) et de diacres. « La fleur des serviteurs de Dieu », dit Eusèbe, « venus des nombreuses communautés d’Europe, d’Afrique et d’Asie, se rencontrait là ». Ils avaient été convoqués par l’empereur lui-même ; et c’était lui, le maître du vaste empire romain, qui devait présider leurs assemblées.


(*) La Bithynie était une province située au nord-ouest de l’Asie mineure. Elle est mentionnée en Actes 16:7, et 1 Pierre 1:1.

Quel spectacle étrange, et pour les évêques, prêtres et diacres, les tout premiers. Bien peu d’années auparavant, ils étaient méprisés et livrés à l’opprobre, en butte aux plus cruelles persécutions, aux souffrances et aux tribulations, de la part d’empereurs qui haïssaient le christianisme. Un grand nombre d’entre eux portaient sur leurs corps les traces des supplices qu’ils avaient endurés pour le nom de Christ. Maintenant tout était changé. Les portes du palais impérial leur étaient ouvertes ; ils passaient sans crainte au milieu des gardes rangés sur leur passage pour leur faire honneur, et allaient s’asseoir à la table même de l’empereur. « C’était », dit encore Eusèbe, « comme une image du royaume de Christ, un rêve plus qu’une réalité ».

Cela paraît grand et beau aux yeux de l’homme ; il semble que ce fût un immense avantage et un glorieux triomphe pour le christianisme d’être arrivé à cette place d’honneur. Mais loin de là ; rien ne démontrait mieux le déclin de l’Église, combien elle était déchue de sa simplicité primitive et avait perdu sa beauté aux yeux de Dieu. Mieux valait pour elle l’opprobre et les souffrances de la persécution. Alors elle suivait son Seigneur dans la voie où il marcha Lui-même sur la terre, méprisé et séparé du monde, tandis que maintenant elle s’était associée au monde et lui était assujettie.

L’empereur arriva à Nicée le 3 juillet. Le jour suivant, les évêques se rassemblèrent dans une salle du palais préparée à cet effet. Un trône d’or y était dressé pour Constantin. L’assemblée, raconte Eusèbe, demeura dans un silence profond pendant l’entrée des hauts dignitaires de l’empire, et attendit avec une vive impatience l’arrivée de l’empereur. Enfin celui-ci apparut vêtu magnifiquement, couvert d’or et de pierreries, de telle sorte que les yeux des évêques étaient presque éblouis par cette splendeur inaccoutumée pour eux. À son entrée, l’assemblée entière se leva. Il se dirigea vers le trône préparé à son intention, mais, par déférence pour les évêques, il resta debout jusqu’à ce qu’on l’eût prié de s’asseoir. Après le chant d’une hymne, Constantin s’adressa en ces termes à l’assemblée : « En vous voyant ainsi réunis, mes bien-aimés, je jouis de l’accomplissement de mes plus ardentes supplications… Lorsque, par la faveur et avec l’aide du Tout-Puissant, mes armes eurent été rendues victorieuses, je pensai que je n’avais plus qu’à Le louer pour ses bénédictions, et à me réjouir avec ceux qu’il m’avait rendu capable de délivrer. .Mais lorsque la nouvelle inattendue de vos dissensions m’arriva, je jugeai aussitôt nécessaire de prendre la chose en considération. Espérant que je pourrais par là trouver un remède au mal, je me suis empressé de vous convoquer… Hâtez-vous donc, bien-aimés, comme de fidèles serviteurs et ministres de notre commun Seigneur et Sauveur, d’écarter d’entre vous les causes des dissensions actuelles… En faisant ainsi, vous rendrez au Tout-Puissant un hommage agréable, et vous m’accorderez une précieuse faveur à moi, votre compagnon de service ».

C’étaient là de belles paroles, sans doute, et Constantin était sincère dans son désir de rétablir la paix et l’unité dans l’Église. Mais était-il en son pouvoir, ou au pouvoir des évêques de le faire ? Non ; Dieu seul pouvait porter remède au mal, et pour qu’il agît, tous auraient dû s’humilier devant Lui et s’attendre à Lui.

Voyons ce qui se passa. Pendant les deux mois que dura le concile, l’empereur en présida habituellement les séances, écoutant patiemment les débats, et s’entretenant souvent en particulier avec quelques-uns des évêques. Plus d’une fois, il dut exhorter le concile à la charité et au support mutuels. Plusieurs évêques avaient porté devant lui des sujets de plainte qu’ils pensaient avoir l’un contre l’autre. L’empereur leur dit de mettre leurs griefs par écrit, et qu’à un jour fixé, il les examinerait. Mais le jour venu, il jeta au feu sans les lire, toutes ces récriminations, en disant qu’il ne lui appartenait pas de décider entre les différends des évêques chrétiens, et qu’il fallait remettre ces choses au jour du jugement.

Dans le concile se trouvaient plusieurs philosophes habiles dans l’art du raisonnement, et qui cherchaient à confondre leurs adversaires par des arguments subtils. Alors un vieillard vénérable d’entre les évêques, se leva et dit : « Le Christ et ses apôtres ne nous enseignent pas l’art de la logique, ni à user de vaines subtilités. Ils nous présentent la vérité toute simple et nue, afin que nous la gardions par la foi et dans la pratique des bonnes œuvres ». Les raisonneurs se turent.

Après de longues et sérieuses délibérations, le concile condamna Arius et sa doctrine. On dressa une confession de foi nommée depuis « le symbole de Nicée » dans laquelle on maintenait la doctrine de la sainte Trinité, et celle de la divinité de Christ et de son unité avec le Père en essence, en puissance et en gloire. Arius, appelé devant le concile, ne craignit pas d’exposer de nouveau et de soutenir les fausses doctrines par lesquelles il avait troublé l’Église. Athanase d’Alexandrie combattit avec énergie les raisonnements subtils du faux docteur, et établit avec force la vraie foi. La grande majorité des évêques, à l’ouïe des blasphèmes d’Arius, se bouchèrent d’un commun accord les oreilles, et prononcèrent l’anathème contre lui et ses enseignements.

Tous les évêques, à l’exception de quelques-uns, partisans d’Arius, signèrent la confession de foi. La décision du concile fut soumise à l’empereur qui, croyant reconnaître dans cette unanimité l’action de Dieu, la reçut avec respect. Mais il est à regretter qu’il déclara en même temps que tous ceux qui ne l’accepteraient pas, seraient envoyés en exil. C’était une sorte de persécution opposée aux principes de la parole de Dieu. Celle-ci nous dit : « Rejette l’homme sectaire » ; et elle nous recommande de n’avoir pas de communion avec ceux qui n’apportent pas la doctrine de Christ (Tite 3:10 ; 2 Jean 10). Mais elle ne commande pas aux autorités établies d’agir dans les choses qui concernent la foi. Ce fait-là nous fait aussi voir que l’Église, qui ne doit avoir pour chef que Christ, s’était placée, à son grand dommage, sous la dépendance du pouvoir séculier, c’est-à-dire du monde.

Les évêques qui n’avaient pas adhéré à la confession de foi, furent saisis de crainte en apprenant l’arrêt de l’empereur, et s’empressèrent de signer. Ils donnèrent ainsi un triste exemple de servilité humaine et de manque de droiture. D’autres n’agirent pas plus droitement en signant la confession de foi, mais en altérant un mot par le changement d’une lettre. Ils faisaient dire ainsi que Christ est semblable au Père en substance, mais non de même substance. C’était une misérable subtilité et un manque de vérité. Le Seigneur a dit : « Moi et le Père, nous sommes un » (Jean 10:30). Deux évêques d’Égypte seuls, Secundus et Théonas, maintinrent hardiment les vues d’Arius et furent avec lui bannis en Illyrie. Trois mois après, par ordre de l’empereur, Eusèbe de Nicomédie et Théognis de Nicée les suivirent dans leur exil. Des peines sévères furent prononcées contre tous les partisans d’Arius, ses livres furent condamnés au feu, et ce fut un crime de conserver secrètement un de ses écrits.

Tel fut le résultat du concile de Nicée quant à ce point important de la foi chrétienne. Il est triste de voir la puissance mondaine soutenir par la force la vérité de la Parole. Cela ne lui appartient pas. Mais d’un autre côté, on est heureux de voir la gloire de Christ maintenue par l’Église dans cette période représentée par l’assemblée de Pergame, de sorte qu’il y avait lieu de lui appliquer les paroles du Seigneur : « Tu tiens ferme mon nom » (Apocalypse 2:13).

Le concile décida d’autres sujets importants, comme par exemple la fixation du jour de la fête de Pâques. Les églises d’Orient la célébraient le vendredi, en mémoire de la crucifixion de Christ, et celle d’Occident, le dimanche, en souvenir de la résurrection. Ce fut pour ce dernier jour que le concile se décida, et dès lors la fête de Pâques se célébra le dimanche.

Si bon qu’il fût que le concile de Nicée ait condamné la fausse doctrine d’Arius, ce n’est pas sa décision qui fait loi pour nous. L’apôtre Paul qui, par l’Esprit, annonçait que d’entre les anciens même s’élèveraient des hommes qui annonceraient des doctrines perverses (Actes 20:30), et l’apôtre Pierre qui prédisait que de faux docteurs surgiraient parmi les chrétiens (2 Pierre 2:1-2), ne nous renvoient ni l’un ni l’autre, à des conciles pour établir la vérité. Paul dit : « Je vous recommande à Dieu, et à la parole de sa grâce » (Actes 20:32), et Pierre exhorte les chrétiens à se souvenir des paroles du Seigneur par les apôtres (2 Pierre 3:1-2). C’est donc à la parole de Dieu que nous devons recourir pour connaître la vérité, et non aux conciles, ni aucune autorité humaine.

Quant à la fête de Pâques, que la chrétienté célèbre en souvenir de la résurrection, nous savons qu’il n’est jamais question, pour nous chrétiens, de fêtes instituées par le commandement de Dieu dans sa Parole. Au contraire, elles sont plutôt condamnées en principe (Colossiens 2:16-17). Ce sont des ordonnances humaines, établies dans l’Église en imitation des fêtes juives et, hélas ! quelquefois des fêtes païennes. Si l’apôtre, dans le passage que j’ai cité, condamnait les fêtes juives comme ayant pris fin, ce n’est pas pour que les chrétiens les rétablissent. Chaque premier jour de la semaine nous rappelle la résurrection du Seigneur. C’est pour cela qu’en ce jour-là, l’on est heureux de se rassembler comme le faisaient les premiers chrétiens (Actes 20:7), pour rendre culte à Dieu et à l’Agneau mort et ressuscité, et pour rappeler à la table du Seigneur sa mort jusqu’à ce qu’il vienne (1 Corinthiens 11:23-26).

La fête de Pâques fut célébrée de bonne heure dans l’Église, accompagnée de quantité de cérémonies, et sous l’empire de fausses idées qui montrent à quel point l’Église s’était écartée de la simplicité des Écritures.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016 - 20:39

Athanase


Nous venons de voir quel tableau toujours plus triste présente l’histoire de l’Église sur la terre. Satan, l’ennemi de Christ, s’est efforcé dès le commencement de ruiner l’édifice que les apôtres avaient commencé d’élever (voyez 1 Corinthiens 3:10-15), en introduisant dans l’Église de mauvaises doctrines et de faux enseignements (voir Actes 20:30 ; 2 Pierre 2:1). Et enfin, il s’est attaqué, comme il le fait encore, au fondement même, à la Personne adorable du Seigneur Jésus Christ : c’est ce que faisaient Arius et ses sectateurs, c’est ce que font de nos jours tant de personnes au sein de la chrétienté.

Mais le fondement ne peut être ébranlé ; il demeure, en dépit de tous les efforts de l’ennemi. À Pierre qui avait dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », Jésus répond : « Sur ce roc je bâtirai mon assemblée, et les portes du hadès (la puissance de Satan) ne prévaudront pas contre elle » (Matthieu 16:16-18). Le Fils du Dieu vivant est le rocher inébranlable sur lequel l’Église, composée des vrais croyants, est bâtie ; tous les efforts de l’ennemi ne sauraient détruire le fondement, ni ce que Christ établit dessus.

Dans tous les temps, le Seigneur a suscité des témoins pour maintenir la vérité de ses paroles. Athanase, au 4° siècle, fut un de ces témoins. Il combattit avec énergie et constance, fidèle à travers des persécutions, pour la doctrine fondamentale du christianisme, la divinité éternelle de Christ. Jetons un coup d’œil sur la vie de ce serviteur de Dieu, qui la consacra tout entière à la défense de cette vérité dont il comprenait et sentait toute l’importance, selon cette parole de l’apôtre : « Celui qui a le Fils a la vie, celui qui n’a pas le Fils de Dieu n’a pas la vie. » (1 Jean 5:11-12). Et autre part : « Quiconque nie le Fils n’a pas non plus le Père ; celui qui confesse le Fils a aussi le Père » (1 Jean 2:23).

Athanase était né de parents chrétiens à Alexandrie, vers l’an 296. Appliqué de bonne heure à l’étude des saintes lettres, il fut remarqué par l’évêque Alexandre, qui fit de lui son secrétaire et l’emmena en qualité de diacre au concile de Nicée. Là, comme nous l’avons vu, il défendit la vérité contre la fatale erreur d’Arius, et contribua puissamment à faire proclamer par le concile la divinité du Sauveur.

En l’an 326, Alexandre mourut, et l’église d’Alexandrie choisit pour son successeur Athanase qui n’avait alors que trente ans. Athanase qui comprenait les grands devoirs et les difficultés d’une telle charge, aurait bien voulu s’y soustraire, mais il céda aux instances pressantes des chrétiens d’Alexandrie, et s’appliqua dès lors de toute son âme à accomplir les devoirs de la position qu’il avait acceptée.

L’élévation d’Athanase au siège épiscopal d’Alexandrie, cette ville qui avait une grande influence dans le monde, remplit de joie tous ceux qui étaient attachés à la vraie doctrine scripturaire proclamée par le concile de Nicée ; mais les évêques qui tenaient le parti d’Arius, comme Eusèbe de Nicomédie et Eusèbe de Césarée, en éprouvèrent contre Athanase des sentiments d’inimitié d’autant plus grands. Ils réunirent tous leurs efforts pour le perdre, en amenant l’empereur à sévir contre lui. D’abord ils obtinrent de Constantin un décret ordonnant à Athanase, sous peine d’être déposé, de recevoir dans la communion de l’église d’Alexandrie Arius et ceux de ses adhérents qui le désiraient. Athanase répondit avec fermeté qu’il ne pouvait recevoir des personnes condamnées par une décision de toute l’Église.

Ses ennemis alors portèrent contre lui des accusations telles que l’empereur, à moitié persuadé de sa culpabilité, convoqua un concile à Tyr et ordonna à Athanase de s’y rendre. Bien que le concile se composât en grande partie de ses ennemis, il s’y présenta. On l’accusa, entre autres crimes, d’avoir fait mourir Arsène, évêque des Mélétiens, et d’avoir conservé un de ses bras pour servir à des opérations magiques. Pour preuve, on présenta un bras desséché renfermé dans une cassette. À cette vue un frisson parcourut l’assemblée, et même ceux qui étaient favorables à Athanase se demandaient comment il pourrait se disculper.

Mais lui, sans se laisser troubler, demanda si quelques-uns des évêques présents avaient connu personnellement la prétendue victime. Sur leur réponse affirmative, il fit introduire devant le concile un homme entièrement couvert d’un manteau. Écartant le vêtement, il demanda : « Est-ce ici Arsène que l’on m’accuse d’avoir assassiné, et dont j’aurais coupé le bras ? ». C’était en effet Arsène que les Ariens tenaient caché, mais qui s’était échappé de sa retraite et qu’Athanase faisait paraître pour confondre ses accusateurs.

Le Seigneur avait protégé son serviteur et manifesté son innocence, mais quel tableau nous avons là de l’état de l’Église, ou plutôt de ceux qui y occupaient la place de conducteurs !

Les ennemis d’Athanase ne se découragèrent pas. Laissant de côté les questions religieuses, ils l’accusèrent auprès de l’empereur d’avoir menacé d’arrêter le départ des vaisseaux qui devaient porter du blé à Constantinople, et cela afin d’amener une famine dans la nouvelle capitale de l’empire. Athanase comparut devant Constantin et se justifia aisément. Il ne fut pas moins déposé de sa charge et banni à Trèves dans les Gaules.

Sur ces entrefaites, Arius était revenu triomphant à Alexandrie. Mais sa présence y ayant suscité des troubles graves, l’empereur le fit venir à Constantinople où il ordonna à Alexandre, évêque de cette ville, de le recevoir dans la communion de l’Église le jour suivant, qui était un dimanche. Le vieil évêque — qui avait près de cent ans — dans sa perplexité se tourna vers le Seigneur le suppliant d’intervenir pour empêcher cette profanation. Arius se vantait déjà de son triomphe, mais dans la nuit, frappé d’une maladie douloureuse, il mourut. Constantin le suivit de près, ayant été baptisé seulement sur son lit de mort, comme nous l’avons dit.

Ses trois fils, Constantin, Constance et Constant, se partagèrent l’empire. Alexandrie se trouva dans la part de Constantin, qui rappela d’exil Athanase et le rendit à son troupeau, à la grande joie de celui-ci qui était profondément attaché à son évêque. Mais Constantin mourut en l’an 340, et les Ariens, soutenus par Constance, déposèrent de nouveau Athanase dans un concile tenu à Antioche en 341. Ils mirent à sa place Grégoire de Cappadoce. Cet homme, violent et éhonté, soutenu par le préfet d’Égypte, entouré d’une troupe de soldats et même de païens et de Juifs, s’empara de vive force des églises. Des scènes de violence et d’impiété eurent lieu, et Athanase ne put s’échapper qu’à grand peine. Il se réfugia à Rome où Jules, évêque de cette ville, le reçut, et où il resta sept années. Il fut protégé par l’empereur Constant, qui ne favorisait pas les Ariens, et qui obtint de son frère qu’un concile fût réuni à Sardique, en Illyrie, pour mettre un terme aux troubles dans l’Église. Athanase fut rétabli encore une fois dans sa charge, et Grégoire de Cappadoce étant mort, il put rentrer sans opposition à Alexandrie, où de nouveau il fut accueilli avec des transports de joie.

Mais sa tranquillité dura peu de temps. Il devait continuer à faire l’expérience que ceux qui veulent être fidèles au Seigneur souffriront de la part du monde. Constant mourut, et Constance, le protecteur des Ariens, devint seul maître de l’empire. Pour faire condamner Athanase, il convoqua à Milan un concile où il assista entouré de sa garde. Les ennemis d’Athanase présentèrent avec habileté sa déposition comme la seule mesure qui rendrait la paix à l’Église, et, malgré l’énergique protestation des amis de l’évêque, Constance prononça la condamnation d’Athanase qui fut solennellement déposé.

Il s’ensuivit une persécution contre tous les partisans de l’orthodoxie. Plusieurs furent emprisonnés et d’autres bannis. Athanase reçut l’ordre de quitter Alexandrie, mais son troupeau ne voulait pas le laisser partir. Un soir que l’évêque était dans l’église avec le peuple réuni autour de lui, un corps de 5000 soldats cerna l’église et voulut y pénétrer pour s’emparer de l’évêque. Celui-ci calma son troupeau terrifié, et ils commencèrent à chanter le Psaume 135:

« Louez le nom de l’Éternel ; louez-le, serviteurs de l’Éternel,

Qui vous tenez dans la maison de l’Éternel, dans les parvis de la maison de notre Dieu !

Louez l’Éternel ! car l’Éternel est bon ».

Mais les portes furent enfoncées, une troupe de soldats se précipita dans l’église et en chassa le peuple avec une violence cruelle. Athanase ne voulait pas fuir, mais le peuple l’entraîna, et ses amis parvinrent à le faire échapper. Il se réfugia parmi les moines et les ermites de la Thébaïde, errant durant six ans de solitude en solitude, poursuivi par les soldats envoyés pour se saisir de lui. Plusieurs de ceux qui le cachaient courant risque de leurs vies, il se vit forcé de s’enfoncer toujours plus avant dans les déserts. On raconte qu’ayant été reçu dans une maison, on l’avait caché dans une citerne vide. Une servante qui était chargée de lui porter des vivres, le trahit et découvrit le lieu de sa retraite. Mais la nuit où les soldats devaient venir le prendre, Athanase, par une direction de Dieu, avait quitté son lieu de refuge ; le maître et la maîtresse de la maison s’étaient aussi enfuis, et la servante demeurée seule, fut punie comme ayant donné au magistrat un faux avis. Quelle triste chose de voir un serviteur de Dieu ainsi poursuivi, non par des païens, mais par ceux qui prétendaient au nom de chrétien ! Hélas ! c’est un fait qui ne s’est que trop souvent reproduit dans l’histoire de la chrétienté.

Constance mourut en 361, et Julien l’Apostat lui succéda. On l’a surnommé ainsi, parce que, élevé dans la religion chrétienne, il retourna au paganisme qu’il favorisa de toutes ses forces. Au commencement, il rappela tous les évêques exilés. Il pensait ainsi montrer sa modération, tout en espérant qu’en laissant les partis chrétiens se combattre, le christianisme se détruirait par lui-même. Athanase revint donc à Alexandrie et se dévoua avec tant de zèle, soit à apaiser avec douceur les querelles, soit à annoncer l’Évangile, que nombre de païens se convertirent. Julien en fut très irrité et ordonna à l’évêque de quitter la ville. Athanase se cacha quelque temps dans le voisinage, et la mort de Julien, survenue après un court règne de 22 mois, lui permit de revenir auprès de son troupeau.

Il dut encore le quitter pendant quelques mois sous le règne de l’empereur arien Valens. Mais celui-ci, craignant que des troubles ne survinssent dans Alexandrie, où il savait que le peuple était fortement attaché à son vieil évêque, le laissa bientôt revenir occuper son poste. Athanase y termina paisiblement sa vie si agitée, dans l’année 373. Il entra dans le repos céleste, après avoir combattu fidèlement pour maintenir la gloire de son Seigneur et Sauveur. On peut lui appliquer les paroles de Jésus à l’ange de l’assemblée de Pergame : « Tu tiens ferme mon nom, et tu n’as pas renié ma foi » (Apocalypse 2:13). Il fut ainsi un des vainqueurs à qui est faite la belle promesse du verset 17: « Je lui donnerai de la manne cachée, et je lui donnerai un caillou blanc, et, sur le caillou, un nouveau nom écrit, que nul ne connaît, sinon celui qui le reçoit ». La communion intime et cachée avec son Sauveur consola et fortifia Athanase pendant les épreuves multiples de sa longue vie.

Citons, en terminant, quelques paroles de l’un des écrits de ce défenseur de la vérité : « Peut-on, si on a le moindre bon sens, ne pas aimer mieux se trouver du côté du petit nombre qui marchent dans la voie du salut, que d’être avec le grand nombre qui suivent la voie large aboutissant à la mort ? Vous pouvez préférer, si vous voulez, être dans la foule de ceux qui périront dans le déluge universel ; pour moi, je veux me réfugier et me sauver dans l’arche avec le petit nombre. Joignez-vous, si vous l’aimez, au grand peuple de Sodome, quant à moi je veux avec Lot me séparer de la multitude pour ne pas périr avec elle ».
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016 - 20:40

L’Église au Moyen Âge — Croissance de la chrétienté


L’origine et les commencements de la vie monacale

À mesure que nous avançons dans l’histoire de l’Église sur la terre, nous la voyons s’écarter de la simplicité première et des enseignements que le Seigneur a donnés par ses saints apôtres et prophètes. Elle oublie de plus en plus leurs avertissements (2 Pierre 3:1-2 ; Jude 17). La lumière qu’elle devait répandre comme une lampe brillante (Apocalypse 1:20), s’obscurcit toujours davantage, jusqu’à ce qu’enfin viennent les ténèbres profondes de cette époque que l’on nomme le Moyen Âge.

Malgré cela, cette histoire nous fournira de précieux enseignements, en l’étudiant à la lumière de la parole de Dieu. Nous y verrons comment l’homme se livrant à ses propres pensées, s’égare et corrompt ce qu’il y a de meilleur, mais nous y verrons aussi comment, dans les temps les plus sombres, la grâce de Dieu agit, et comment il y a toujours eu des témoins de cette grâce.

Dans la seconde moitié du troisième siècle commença à se former une institution qui se développa toujours plus à mesure que la corruption de l’Église s’accentuait, et qui eut une très grande, et, en général, une mauvaise influence dans l’Église. C’est la vie monacale, ou des moines.

Disons un mot de l’origine de ces institutions. De bonne heure, il y eut, parmi les chrétiens, des personnes qui cherchaient à atteindre à un haut degré de sainteté et de spiritualité. Poursuivre la sainteté est une exhortation adressée à tous les croyants (Hébreux 12:14). Nous sommes tous appelés à la sainteté ; l’apôtre Paul le disait aux Thessaloniciens, et Pierre dit aussi : « Comme celui qui vous a appelés est saint, vous aussi soyez saints dans toute votre conduite » (1 Thessaloniciens 3:13 ; 4:3 ; 1 Pierre 1:15). Les personnes dont nous parlons, et que l’on nommait des ascètes, ermites ou anachorètes, se proposaient donc un but qui était bon en lui-même, et vers lequel tous les chrétiens doivent tendre, mais elles erraient quant aux moyens d’y arriver. Elles pensaient qu’il fallait faire mourir la chair avec ses passions et ses convoitises, et pour cela, châtier son corps, s’imposer des privations et des macérations. Elles croyaient qu’elles parviendraient ainsi à vaincre les tentations du monde, de la chair et du diable, et en être affranchies. Ce n’est pas là l’enseignement de la parole de Dieu. Jamais par ses propres efforts, ni par ses austérités, un homme ne parviendra à la sainteté, comme plus d’un exemple le montre. Que nous dit l’Écriture à cet égard ? Elle nous enseigne que ceux qui ont cru au Seigneur Jésus et qui Lui appartiennent « ont crucifié la chair avec les passions et les convoitises », et non pas doivent crucifier la chair : ils en ont fini avec ces choses. De plus, elle dit qu’ayant reçu de Dieu, par le Saint Esprit, une nouvelle vie, ils ont aussi à marcher, c’est-à-dire à se conduire, par la puissance de ce même Esprit qui habite en nous dans « l’amour, la joie, la paix, la longanimité, la bienveillance, la bonté, la fidélité, la douceur, la tempérance ». C’est là le fruit de l’Esprit et la vraie sainteté (Galates 5:22-25). Ainsi, ce n’est pas par nos propres forces et nos efforts que nous marcherons saintement, mais par la force de Dieu en nous. Et ce n’est pas en nous occupant de nous-mêmes pour savoir si nous sommes assez saints, que nous y parviendrons ; mais c’est en ayant nos cœurs et nos pensées occupés du Seigneur Jésus, notre modèle. Le Saint Esprit nous transformera alors de plus en plus à son image, et nous nous purifierons comme Lui est pur (lire 1 Pierre 2:21 Philippiens 2:5 ; 4:7-8 ; 2 Corinthiens 3:18 ; 1 Jean 3:3). Cela évidemment ne doit pas nous empêcher d’être vigilants et sobres, et nous ne devons pas prendre soin de la chair pour satisfaire à ses convoitises (1 Pierre 1:13 ; Romains 13:14). Dieu opère en nous le vouloir et le faire, et c’est pour cela que nous sommes sous la responsabilité de travailler à notre salut avec crainte et tremblement (Philippiens 2:12-13).

Les ascètes crurent aussi qu’afin d’échapper à la corruption qui règne dans le monde et aux tentations que l’on y rencontre, le mieux à faire était d’en sortir et d’aller vivre dans la solitude. Plusieurs se retirèrent donc dans des lieux déserts, ayant pour retraites des cavernes ou des huttes qu’ils se bâtissaient. Là, ils pratiquaient leurs exercices religieux et se livraient à leurs austérités, priant, méditant, luttant contre le diable et les tentations, châtiant leurs corps par le jeûne, couchant sur la dure et se privant de sommeil. On donna à ceux qui se retiraient ainsi loin des autres hommes, le nom d’ermites, d’un mot grec qui veut dire « désert », on d’anachorètes, qui signifie « ceux qui se retirent ».

En ceci encore, ils suivaient leurs propres pensées, et s’écartaient des enseignements du Seigneur. La parole de Dieu nous dit bien : « N’aimez pas le monde, ni les choses qui sont dans le monde » (1 Jean 2:15) ; elle dit aussi que nous ne sommes pas du monde, mais elle ne nous dit pas d’en sortir. Au contraire, le Seigneur Jésus, priant pour ses disciples, dit à son Père : « Je ne fais pas la demande que tu les ôtes du monde, mais que tu les gardes du mal » (Jean 17:15) Dieu n’est-il pas puissant pour exaucer en notre faveur cette prière de son Fils bien-aimé ? C’est par la foi en ses promesses que nous échappons à la corruption qui est dans le monde par la convoitise, et c’est par sa grâce que nous pouvons vivre dans le présent siècle, sobrement, justement et pieusement (2 Pierre 1:4 ; Tite 2:12). Sans cela, quand même nous nous retirerions dans le désert le plus reculé et le plus aride, nous y porterions notre méchant cœur naturel, Satan nous y suivrait pour nous tenter par les convoitises et l’orgueil, et la solitude ne nous donnerait pas la moindre force pour résister. D’ailleurs, loin d’avoir à sortir du monde, Dieu nous y laisse pour y être les témoins du Seigneur Jésus, pour y annoncer ses vertus (1 Pierre 2:9), pour y marcher d’une manière digne de Lui et comme des enfants de Dieu irréprochables, brillant comme des flambeaux dans le monde, portant devant nous la parole de vie (Colossiens 1:10 ; Philippiens 2:15-16).

Il faut ajouter qu’une des causes qui conduisirent des chrétiens à se retirer dans les déserts, fut la persécution. Ils s’enfuyaient là pour échapper à la prison, aux tortures et à la mort. Plusieurs d’entre eux trouvant dans la solitude une vie paisible, y restèrent et augmentèrent le nombre des ermites. Ce fut, par exemple, le cas d’un jeune homme d’Alexandrie, nommé Paul. Lors de la persécution de Décius, il s’enfuit dans le désert de la Thébaïde, dans la Haute-Égypte. Il trouva une grotte avec une source ombragée d’un palmier, et y demeura jusqu’à la fin de ses jours. On le regarde quelquefois comme le premier ermite, et l’Église romaine l’a mis au nombre de ses saints. Mais le véritable père des ermites et des moines, fut Antoine (*).


(*) L’Église romaine ajoute à son nom, comme à celui de beaucoup d’autres, l’épithète de « saint ». Mais la parole de Dieu appelle « saints » tous les vrais chrétiens. Voyez à ce sujet, entre autres passages, les adresses de beaucoup d’épîtres de Paul : Romains 1:7 ; 1 Corinthiens 1:2 ; 2 Corinthiens 1:1 ; Éphésiens 1:1 ; Philippiens 1:1 ; Colossiens 1:1. Voir encore Jude 3. Tous les rachetés de Christ ont été sanctifiés, de par la volonté de Dieu et l’offrande du corps de Christ (Hébreux 10:10). C’est pourquoi ils sont exhortés à vivre « comme il convient à des saints » (Ephséiens 3:3).


Histoire d’Antoine


Antoine fut certainement un homme remarquable à plusieurs égards, ayant de vrais besoins d’âme et de la piété. Mais il se laissa souvent conduire par ses propres pensées et son imagination, au lieu de s’attacher simplement à la parole de Dieu, et ainsi fit fausse route en plus d’une chose.

Il naquit de parents riches, vers l’an 251, à Coma, dans la Haute-Égypte, et montra dès son enfance un caractère sérieux, réfléchi et réservé. Il n’avait pas grand goût pour les études, et attachait peu de valeur au savoir humain ; mais il désirait ardemment acquérir la connaissance des choses de Dieu, et aimait à entendre lire sa Parole dans l’assemblée des chrétiens. On se souvient que c’était une des parties importantes du culte dans la primitive Église.

Ayant perdu ses parents de bonne heure, il se trouva, à l’âge de dix-neuf ans, possesseur d’une grande fortune. Un jour, la portion des Écritures qui fut lue dans l’assemblée, était l’histoire du jeune homme riche (Luc 18:18-22). Antoine fut frappé par ces paroles : « Vends tout ce que tu as et distribue-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; et viens, suis-moi ». Il y vit un appel que Dieu lui adressait directement. Aussitôt il donna ses terres aux habitants de son village, et aux pauvres le reste de son avoir, ne se réservant que le strict nécessaire pour ses besoins et ceux de sa sœur unique. Quelque temps après, il entendit lire : « Ne soyez donc pas en souci pour le lendemain » (Matthieu 6:34). Il crut voir là un nouvel ordre du Seigneur à donner le reste de ses biens, ce qu’il fit. Il confia sa sœur à une association de jeunes chrétiennes, et se mit à travailler de ses mains pour sa subsistance, se nourrissant de la manière la plus frugale, couchant sur la terre nue, et donnant aux pauvres le superflu de son gain.

Antoine vivait ainsi en véritable ascète. Son désir était d’arriver à pratiquer toutes les vertus chrétiennes, et l’on dit que, dans ce but, il visita les solitaires les plus renommés, afin de s’instruire auprès d’eux. Son désir était bon, mais n’aurait-il pas mieux fait de se tourner vers le seul vrai Modèle, Celui qui, dans sa vie, a présenté l’ensemble parfait et harmonieux de toutes les vertus, Christ, qui nous a laissé un modèle, afin que nous suivions ses traces, et qui est notre vie et Celui qui nous fortifie pour marcher à sa suite ? (1 Pierre 2:21 ; Colossiens 3:3-4 ; Philippiens 4:13). Mais Antoine comptait sur ses propres forces. Il croyait pouvoir arriver à la sainteté intérieure, en se débarrassant d’abord des mauvaises pensées et des convoitises de la chair, afin de pouvoir ensuite ne faire que ce qui était bon. Pour cela il luttait sans relâche, pensant arriver à son but par des austérités toujours plus grandes, en châtiant son corps de toutes manières. Mais c’était en vain, toujours il retrouvait en lui le mal, et son imagination échauffée lui faisait voir les démons sous une forme corporelle, l’entourant et lui présentant tous les objets propres à exciter ses convoitises et à lui inspirer de mauvaises pensées. Il avait beau les combattre par des jeûnes, des macérations, des veilles, des exercices religieux ; toujours ils revenaient. Pauvre Antoine ! Il ignorait ce que l’apôtre dit : « En moi, c’est-à-dire en ma chair, il n’habite point de bien », et que nous sommes « sans force » pour vaincre le péché (Romains 7:18 ; 5:6 ; 7:15, 24). Il ne savait pas que le seul moyen de délivrance, la seule chose qui mette en fuite l’ennemi, c’est de regarder à Christ (Romains 7:25).

Antoine pensa alors qu’en se retirant tout à fait du monde, en devenant ermite, il réussirait mieux à se débarrasser des mauvaises pensées et des désirs coupables qui surgissaient constamment en lui, et qu’il détestait. Il choisit pour demeure, dans un lieu écarté, un tombeau en ruine, où il passa dix années, redoublant d’austérités pour dompter la chair et les convoitises, ignorant que « ceux qui sont du Christ ont crucifié la chair avec les passions et les convoitises », et que, par l’Esprit Saint seul, ils peuvent réaliser dans leur vie cette vérité précieuse (Galates 5:24-25), comme nous l’avons dit. Antoine se contentait chaque jour pour nourriture de six onces de pain, humecté d’eau et assaisonné d’un peu de sel. Quelquefois, quand il se sentait trop affaibli, il s’accordait un peu d’huile et quelques dattes, mais faisait ensuite pénitence, en jeûnant, pour cette infraction à son régime habituel. Il se vêtait d’une grossière chemise faite d’un sac, et par-dessus mettait un manteau de peau de mouton. Il passait la plus grande partie des nuits en méditation et en prières.

Atteignit-il ainsi enfin son but ? Non. Ni son éloignement du monde, ni son isolement, ni ses jeûnes, ni ses prières, ne lui firent remporter la victoire sur les tentations et les démons. Et cela n’était pas possible. L’apôtre dit que « la chair… ne se soumet pas à la loi de Dieu, car aussi elle ne le peut pas » (Romains 8:7). Jamais l’homme, avec ses propres forces, ne pourra surmonter la chair et vaincre Satan. Le diable est plus fort que lui. C’est comme dans l’histoire du démoniaque. « Personne ne pouvait le lier, même avec des chaînes ». Il rompait les chaînes et mettait les fers en pièces ; « personne ne pouvait le dompter » (Marc 5:1-4). C’est Jésus seul qui est le grand Libérateur, et qui nous affranchit de la loi du péché et du pouvoir de Satan (Romains 8:2 ; Hébreux 2:14-15). Le pauvre Antoine en vint au point qu’épuisé par les privations et les luttes qu’il soutenait, on le trouva une fois à moitié mort, et on le rapporta dans son village.

Il se retira alors dans un vieux château en ruines, au bord de la mer Rouge, et se mit à cultiver une petite pièce de terre. Il semble qu’occupé ainsi, son esprit se calma. Le Seigneur eut compassion de lui, et lui apprit par sa grâce qu’en Lui seul réside la force pour vaincre le mal et résister à Satan ; Antoine vécut ainsi plus heureux et paisible. Nous pouvons le conclure des paroles suivantes qu’il adressait plus tard à ses disciples, et qui étaient le fruit d’une longue et douloureuse expérience : « Ne nous faisons pas des épouvantails des mauvais esprits, et ne nous désolons pas comme si nous étions perdus. Bien plutôt, réjouissons-nous d’être des rachetés ; pénétrons-nous de la pensée que le Seigneur est avec nous, Lui qui a vaincu et réduit à néant les mauvais esprits, et soyons assurés que, puisqu’Il est avec nous, ils ne peuvent nous nuire. Les démons se présentent à nous de diverses manières, selon les dispositions où ils nous trouvent. Mais si nous sommes joyeux dans le Seigneur, occupés de la contemplation des choses divines, pensant que tout est entre les mains de Dieu, et qu’aucun mauvais esprit ne peut rien contre le chrétien, les démons se détourneront de l’âme remplie et gardée par ces pensées ». Nous voyons qu’Antoine avait fini par apprendre une précieuse leçon. Il expérimentait ce que nous lisons en Philippiens 4:4-7.

Dans ces temps-là le peuple attachait une pensée de sainteté spéciale à ces hommes qui renonçaient à toutes les commodités de la vie pour se livrer à des exercices religieux et, croyait-on, pour mieux servir Dieu. La renommée d’Antoine, comme étant un pieux et saint ermite, s’était répandue, et de toutes parts on se rendait auprès de lui. Les uns lui demandaient ses conseils et ses prières ; d’autres, des consolations dans leurs peines ; quelques-uns voulaient qu’il fût arbitre dans leurs contestations. L’empereur Constantin lui-même lui écrivit, et comme ses compagnons s’en étonnaient, il leur dit : « Ne soyez pas étonnés qu’un empereur nous écrive — ce n’est qu’un homme écrivant à un autre homme ; soyez plutôt surpris que Dieu nous ait écrit, et nous ait parlé par son Fils ». Pressé par ceux qui l’entouraient de répondre, il fit dire à l’empereur et à ses fils : « Pensez au jour du jugement ; souvenez-vous que Jésus Christ est le seul Roi véritable et éternel ; pratiquez l’humanité et la justice envers les pauvres ».

Plusieurs ascètes sollicitèrent d’Antoine la faveur de se joindre à lui. Il consentit à leur désir, et ils s’établirent dans des cellules autour de la sienne. Il leur donna certaines règles à suivre, mais refusa d’être leur supérieur, et souvent, pour être seul, il se retirait dans des parties plus reculées du désert.

Il aurait certes été plus conforme à la parole de Dieu qu’Antoine et les autres anachorètes, au lieu de s’en aller vivre dans les déserts, restassent au milieu des autres hommes, pour y servir Dieu et y être les témoins de Christ, en vivant comme de fidèles enfants de Dieu (voir Philippiens 2:15). Mais la retraite dans laquelle Antoine s’était imposé de vivre, ne l’empêcha pas de reparaître quelquefois sur la scène publique. Et les occasions où il se montra, nous font voir que, quelles que fussent ses pensées erronées sur la vie du chrétien dans le monde, il avait un cœur fidèle à Christ et un amour véritable pour les chrétiens. Dans la persécution qui sévit en l’an 311, sous l’empereur Maxime, il se rendit courageusement à Alexandrie pour encourager les persécutés. Son apparition produisit une impression extraordinaire. Il visita ceux qui enduraient des maux pour leur foi, et les exhorta à demeurer fermes. Il témoigna surtout son amour et sa sollicitude aux prisonniers et à ceux qui étaient condamnés aux durs travaux des mines. Il s’exposait ainsi sans crainte aux plus grands dangers ; mais personne n’osa mettre la main sur lui. Une sorte de prestige entourait ce vieillard qui, exténué par les veilles et les privations, était sorti de sa solitude et bravait la rage des persécuteurs pour consoler ses frères affligés.

La persécution ayant pris fin, Antoine retourna dans le désert. Il revint plus tard, âgé de cent ans, à Alexandrie, afin de protester contre les Ariens et de combattre leurs erreurs, en défendant énergiquement la sainte doctrine touchant la Personne adorable du Seigneur Jésus. Les foules accouraient pour voir ce vénérable « homme de Dieu », comme on l’appelait, et pour l’entendre prêcher. Beaucoup de païens, dit-on, furent amenés au christianisme par sa parole.

Antoine mourut, âgé de 105 ans. Avant sa fin, il légua son manteau à Athanase, en signe de communion avec lui dans la vraie foi, et recommanda qu’on tînt secret le lieu de sa sépulture, de peur qu’il ne devînt un endroit de vénération superstitieuse. En effet, déjà alors s’introduisait dans l’Église une sorte de culte des martyrs et de ceux que l’on estimait mériter cet honneur à cause de leur sainteté.


Après Antoine


Plusieurs solitaires, avons-nous dit, s’étaient groupés autour d’Antoine, et ainsi c’est à lui qu’on peut faire remonter l’origine de la vie monacale. Cet ensemble d’anachorètes, ayant chacun leur cellule distincte, séparée des autres, et non réunies dans un même bâtiment, s’appelait une laure. Leurs habitants n’avaient en commun que certains exercices religieux.

Toutefois, le vrai fondateur des couvents, c’est-à-dire des communautés d’hommes ou de femmes se séparant extérieurement du monde pour vivre ensemble dans un même bâtiment (couvent, monastère ou cloître) en s’assujettissant à certaines règles, est un nommé Pacôme, originaire aussi de la Haute-Égypte. Il établit la première communauté dans une île du Nil, puis d’autres se formèrent, de sorte qu’à la mort de Pacôme, vers l’an 350, il y en avait huit, comptant ensemble 3000 moines. Sa sœur avait fondé de son côté le premier couvent de nonnes. Au commencement du 5° siècle, on comptait quelques 50000 moines, et le nombre alla croissant, tant en Orient qu’en Occident, durant tout le Moyen Âge. Des milliers et des milliers de personnes peuplaient les innombrables couvents, où s’introduisirent souvent de grands désordres.

Malgré les services qu’ils ont pu rendre, l’établissement de couvents n’était en rien une chose conforme à la Parole de Dieu. Nous avons dit en parlant des ermites l’inefficacité des exercices religieux aussi bien que des austérités, qui y étaient prescrits et auxquels ils consacraient, surtout au commencement, une grande partie de leur temps. Sans doute, plusieurs cultivaient la terre, d’autres se livraient à des œuvres charitables, telles que le soin des malades, et il en est encore ainsi. Faire du bien aux autres est assurément excellent, mais tout chrétien n’est-il pas appelé à « marcher dans les bonnes œuvres », selon ce que Dieu lui donne à faire ? Et si quelqu’un a la vocation de soigner les malades, il n’a pas besoin pour cela de se faire « religieux » ; nombre de femmes ou jeunes filles chrétiennes se vouent au service des malades dans les hôpitaux, sans faire partie d’un ordre monastique.

D’autre part, religieux ou religieuses, en se joignant à telle ou telle des nombreuses communautés ou ordres, prononcent des vœux, c’est-à-dire prennent certains engagements solennels, comme de vivre dans la pauvreté, sans rien posséder en propre ; de ne point se marier, et d’obéir strictement et en tout à leur supérieur, celui ou celle qui est à la tête de la communauté. Ce sont là les trois vœux essentiels de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Il n’est pas difficile à qui ouvre la parole de Dieu, de voir que, non seulement nous n’y trouvons rien de semblable, mais que plusieurs des prescriptions monacales lui sont opposées (lire 1 Timothée 4:2-3 ; Matthieu 23:8-10 ; 1 Timothée 6:17-19). L’apôtre ne dit point aux riches de faire vœu de pauvreté. La Bible n’offre qu’un seul exemple de vœu, celui du nazaréat (Nombres 6), mais il diffère totalement de ceux des moines, et il présente un type de la séparation pour Dieu du Seigneur Jésus et des chrétiens qui marchent sur ses traces. Nous sommes tous appelés, comme ses disciples, à vivre séparés du monde tout en restant au milieu du monde.


Nous avons parlé de la vie monacale à ses débuts pour montrer le déclin et la ruine de l’Église qui allait en s’accentuant : les hommes remplaçant par leurs inventions, leurs règles et leurs ordonnances, ce qu’enseignent les Écritures. Ce que nous avons dit, renferme aussi des leçons pour nous. D’ailleurs, comme il sera souvent question plus tard des moines, il était bon de savoir comment cette institution s’était introduite dans l’Église. 

Toutefois, malgré tant d’erreurs, la grâce de Dieu ne cessait pas d’agir, et comme dans le cas d’Antoine, il ne manqua pas dans les cloîtres du Moyen Âge, au milieu des ténèbres et de la corruption, des âmes pieuses qui aimaient le Seigneur. Nous aurons occasion de le voir.


Ambroise, Évêque de Milan (374 à 397)


L’Église devenait toujours plus un grand corps de professants d’où la vie se retirait et était remplacée par des formes religieuses. De nombreuses superstitions s’y introduisaient aussi. Elle était ainsi semblable à la grande maison remplie de vases à déshonneur de 2 Timothée 2:20, et au grand arbre qui étend au loin ses rameaux et a une belle apparence, mais qui abrite une foule de mauvaises choses de Matthieu 13:31-32.

À l’époque à laquelle nous sommes parvenus, c’est-à-dire à la dernière moitié du quatrième siècle et au commencement du cinquième, les empereurs d’Orient et d’Occident professaient le christianisme. Avaient-ils vraiment la vie de Dieu provenant de la foi du cœur, et sans laquelle on n’est chrétien que de nom ? Dieu seul le sait. Les actes de persécution et de cruauté par lesquels plusieurs se signalèrent, permettent d’en douter pour ceux-ci. D’un autre côté, et surtout en Orient, ils donnaient le spectacle d’une mollesse de mœurs et d’un luxe qui ne s’accordaient guère avec le renoncement à soi-même et au monde, qui caractérise le vrai chrétien.

Ils prétendaient être les chefs de l’Église qu’ils protégeaient, et ainsi se mêlaient de décider dans les discussions théologiques qui se multipliaient sans fin. Tantôt l’un soutenait la foi orthodoxe du concile de Nicée et persécutait les Ariens ; bientôt après un autre empereur, gagné à la doctrine d’Arius, sévissait contre les orthodoxes.

Si nous considérons d’autre part le clergé, et particulièrement ceux de ses membres qui occupaient les hautes charges d’évêques dans les grandes villes, leur importance, leur autorité et surtout leur ambition, allaient en croissant. Ils devenaient toujours plus les dominateurs des troupeaux, contrairement à l’enseignement de l’apôtre Pierre (1 Pierre 5:1-4), et tendaient à faire prévaloir leur autorité même sur celle des rois. En même temps, suivant ce que rapportent des écrivains païens et chrétiens, beaucoup des membres du clergé se distinguaient par une vie qui n’était en rien conforme aux enseignements de la parole de Dieu, recherchant les richesses, le luxe et les jouissances de la chair. Si ceux qui étaient à la tête donnaient de tels exemples, que devaient être les simples chrétiens ?

Il est vrai que les empereurs cherchèrent à faire disparaître entièrement de l’empire les restes de l’idolâtrie. Mais quels moyens employèrent-ils ? La violence et la persécution, détruisant les temples et obligeant de force des populations entières à recevoir le baptême. Les évêques même, en certains endroits, encourageaient ou laissaient faire ceux qui maltraitaient et même tuaient les païens qui refusaient de se convertir ou plutôt d’être baptisés.

C’est ainsi qu’à Alexandrie, une jeune fille aimable et savante, nommée Hypathie, qui enseignait dans l’école de cette ville, fut saisie et entraînée par la populace chrétienne dans une église, et massacrée de la manière la plus barbare. L’évêque laissa s’accomplir ce meurtre sans intervenir, comme il l’aurait dû.

Nous pouvons nous demander : Où était alors la vie de Christ ? N’y avait-il donc pas des âmes vraiment au Seigneur dans ce triste état de choses ? Oui ; nous pouvons être sûrs que Dieu avait de ses élus, comme il en eut toujours, même dans les jours plus sombres encore qui suivirent les temps dont nous parlons. Il y avait certainement des âmes dont l’histoire ne nous est pas rapportée, mais que Dieu connaît et qui aimaient Jésus, bien que peut-être au milieu de beaucoup d’ignorance. Il en est d’elles comme des 7000 hommes au temps d’Élie (1 Rois 19:18).

Nous transcrirons ici quelques pages qui se rapportent à ce sujet.

« Le Nouveau Testament nous enseigne qu’il n’y eut jamais et qu’il ne pourra y avoir qu’une seule Église de Dieu. Quels que soient les noms donnés par les hommes à différentes sectes ou partis, il ne peut exister qu’une seule et unique Église qui est le corps de Christ et la maison du Dieu vivant (Colossiens 1:18 ; Éphésiens 1:22 ; 4:4 ; 1 Timothée 3:15).

Cette seule vraie Église est, était et sera toujours composée de ceux — et ceux-là seulement — qui, ayant cru en Jésus, et ayant reçu le pardon des péchés et la vie éternelle, sont ainsi devenus des pierres vivantes dans la structure du seul temple, et des membres vivants du seul Christ, unis à Lui par l’Esprit Saint envoyé du ciel (1 Pierre 2:3-7 ; 1 Corinthiens 12:12-13 ; Éphésiens 1:13 ; 2:20-22).

Si donc nous désirons retracer l’histoire de cette Église à travers la confusion, la ruine et les égarements des siècles passés, nous ne devons pas suivre seulement le fil historique de cette chose extérieure qui s’appelle l’Église.

En fait, l’histoire de la vraie et vivante Église n’a pas été et ne peut pas être écrite dans son ensemble. De même qu’on ne saurait écrire l’histoire de ceux qui en Israël n’avaient pas fléchi les genoux devant Baal, ainsi nous ne pourrions suivre tout le cours de ce fleuve d’eau vive — la grâce agissant dans les croyants, membres de la vraie Église — qui a coulé dans les lieux cachés, ignoré des hommes.

Mais, maintenant comme alors, dans une secte ou dans une autre, une éclaircie se fait, l’eau pure apparaît et nous montre l’existence permanente de ce fleuve de grâce et de vie. Et nous voyons alors, autour de ces endroits, les lieux desséchés se couvrir de verdure et devenir fertiles, et des fruits se produire. Ici et là, on recueille des paroles et des chants révélant des âmes passées de la mort à la vie, et de la puissance de Satan à Dieu ».


Nous aimerions savoir quelque chose de la vie de ceux qui alors vivaient pour Christ, séparés d’un monde méchant. Nous en connaissons très peu de chose, mais la vie de quelques hommes qui ont occupé une haute place dans l’Église, nous a été conservée, et nous voyons en eux des chrétiens fidèles et dévoués, bien qu’ayant souvent des idées erronées. Ils combattaient avec énergie contre le mal moral qui envahissait l’Église, et sans doute leur influence s’est exercée salutairement sur plusieurs de ceux qui étaient commis à leurs soins. Nous pouvons espérer que, parmi les empereurs romains même, il y en eut qui eurent une vraie crainte de Dieu.

Ambroise, évêque de Milan, fut un de ces fidèles serviteurs de Dieu parmi le clergé. Il naquit à Trèves de parents romains, en l’an 340. Son père, qui était gouverneur des Gaules, le destinait au barreau. Venu à Rome, il s’y distingua par ses talents, et fut nommé en 370 gouverneur de la province de Ligurie, dans l’Italie du nord, À cette époque de sa vie, Ambroise n’était encore que catéchumène et n’avait pas été baptisé. Comme tout nous montre en lui un homme sérieux, nous avons tout lieu de croire que ce ne fut pas à la légère qu’il prit cette place de catéchumène, et qu’il s’était enquis avec soin des vérités du christianisme. Il nous rappelle ce gouverneur romain du temps de Paul, un « homme intelligent », qui avait désiré « entendre la parole de Dieu », et qui fut « saisi par la doctrine du Seigneur » (voir Actes 13).

On peut se demander pourquoi Ambroise ne s’était pas fait baptiser, s’il croyait au Seigneur Jésus. Il faut nous rappeler que l’on s’était beaucoup écarté de la simplicité des Écritures. On exigeait des catéchumènes une longue instruction qui durait au moins trois ans avant qu’ils pussent recevoir le baptême, tandis que, dans les Actes, nous voyons que ceux qui avaient cru, étaient aussitôt baptisés (Actes 2:41 ; 8:12, 36, 38 ; 16:31-33). Outre cela, on avait la fausse pensée que le baptême d’eau efface le péché et régénère, de sorte que beaucoup de catéchumènes ne se faisaient baptiser que sur leur lit de mort, afin d’être sûrs d’aller au ciel. On avait oublié que tout ce que l’Évangile demande, c’est que l’on croie au Seigneur Jésus et qu’alors on est sauvé pour l’éternité. Il va sans dire que l’on doit être baptisé comme signe de l’introduction dans la maison de Dieu ; mais le baptême ne sauve pas ; il faut la foi du cœur (Romains 10:9-10).

Pendant qu’Ambroise était gouverneur de la Ligurie et qu’il résidait à Milan, l’évêque de cette ville vint à mourir, et il fallait lui nommer un successeur. C’était la multitude dans l’Église qui faisait ce choix, chose dont nous ne voyons aucune trace dans le Nouveau Testament. Or la querelle entre les Ariens et les orthodoxes, c’est-à-dire ceux qui soutenaient l’éternelle divinité du Fils, se poursuivait avec passion. Sans doute ceux-ci avaient raison de maintenir cette vérité que la parole de Dieu proclame si clairement et qui est si importante, car sans elle il n’y a pas d’expiation de nos péchés. Mais un grand nombre des orthodoxes apportaient dans leurs discussions un esprit charnel et violent, ce en quoi ils étaient suivis par les Ariens. Ces luttes entre les deux partis, qui dégénéraient parfois en conflits sanglants, avaient lieu souvent lors de la nomination des évêques, chaque parti voulant faire prévaloir son candidat. C’est ce qui arriva à Milan. Mais n’est-ce pas une chose profondément triste de voir de telles choses se passer dans l’Église de Dieu ? Les chrétiens ne devraient-ils pas en tout se montrer pleins de douceur et de support ? Nous savons bien que l’erreur des Ariens était mortelle pour l’âme, mais le vrai chrétien ne doit jamais employer d’autres armes que la parole de Dieu et la prière, et il doit s’attendre à Dieu.

Quoi qu’il en soit, les partis à Milan ne pouvaient s’entendre. Comme magistrat, Ambroise était présent pour empêcher la lutte de dégénérer en violence. Il y réussit, mais sans arriver à établir l’accord. Comme il exhortait la foule à la concorde, tout à coup une voix d’enfant s’écria : « Qu’Ambroise soit évêque ! » Telle était la considération dont il jouissait à cause de ses vertus, que tous furent unanimes pour le prier d’accepter cette charge. Mais lui, effrayé de la grandeur et de l’importance de la tâche, refusa d’abord. Le peuple le pressa, et Ambroise, pour échapper à ses instances, s’enfuit de nuit. Mais on raconte que, s’étant égaré, il se retrouva le lendemain matin devant la ville de Milan. Il crut voir là une direction divine, et accepta d’être évêque. Par ce que nous venons de dire, nous pouvons avoir une idée du point où en était arrivée l’Église. Comparons ce qui se passait alors avec ce qui nous est dit de l’assemblée à Jérusalem, au chapitre 15 des Actes, où il s’agissait aussi d’une question très importante. On n’avait pas besoin là d’un magistrat pour maintenir l’ordre. L’Esprit Saint présidait.

Ambroise avait consenti à être évêque, mais comment le consacrer, lui qui n’avait pas même été baptisé, et qui, par conséquent, extérieurement du moins, n’était pas chrétien ? Il fut donc d’abord baptisé ; puis comme on ne pouvait pas être évêque sans avoir été prêtre, ni prêtre sans avoir été diacre et sous-diacre, on le fit passer rapidement par ces différents degrés, et, au bout de huit jours, il fut établi évêque de Milan.

Cela ne nous semble-t-il pas étrange ? Où voyons-nous chose semblable dans l’Écriture ? Paul écrivait à Timothée relativement à l’évêque ou surveillant : « Qu’il ne soit pas nouvellement converti » (1 Timothée 3:6). Et, dans le cas d’Ambroise, il n’est pas même question de conversion !

Quoi qu’il en soit, Ambroise prit au sérieux la tâche qu’il acceptait et qui exigeait beaucoup de dévouement et de sagesse, en même temps que d’énergie. Malgré bien des choses que l’Écriture ne justifie pas et qu’il crut devoir faire, on peut dire que, dans l’état où était la société de ce temps-là, Dieu se servit de lui pour faire du bien, car il était un homme droit et qui ne transigeait pas avec le mal.

Devenu évêque, afin de pouvoir se consacrer tout entier aux devoirs de sa charge, il donna tout son argent aux pauvres et ses biens à l’Église. Il réserva les revenus de ces derniers à sa sœur et en confia l’administration à son frère. Suivons-le dans sa vie. Toute la journée il était accablé de mille soins ; il jugeait les affaires d’une foule de chrétiens, surveillait les hôpitaux, s’occupait des pauvres, et accueillait tout le monde avec douceur. Il lui fallait en même temps lire, méditer et étudier les Écritures, puisqu’il devait les enseigner aux catéchumènes et aux chrétiens. Tous les dimanches, et quelquefois plusieurs jours de suite, il prêchait dans la basilique de Milan. Il avait souvent à s’occuper des affaires publiques, et il écrivit plusieurs ouvrages. Nous voyons donc que sa vie était bien remplie. Sa charité était inépuisable. Pour racheter les chrétiens que les Barbares avaient fait prisonniers, il se privait du nécessaire et faisait tous ses efforts pour se procurer l’argent qu’il fallait afin d’en délivrer le plus grand nombre possible.

Il se montrait aussi très énergique pour maintenir la foi à la divinité du Sauveur. L’impératrice d’Occident, Justine, qui était arienne, voulait le forcer à céder aux Ariens une église près de Milan. Ambroise refusa en disant : « Prenez ce que je possède, jetez-moi en prison ou livrez-moi à la mort, mais les choses de Dieu ne sont pas soumises au pouvoir impérial ». Des soldats furent envoyés une fois pour le conduire en exil ; il se réfugia dans la basilique, et la foule des chrétiens réunie autour de lui, passa la nuit en chantant de beaux cantiques qu’il avait composés, tandis que lui les exhortait. Les soldats n’osèrent l’arracher de son asile. Cette fermeté pour soutenir la gloire du Seigneur Jésus, le Fils éternel de Dieu, est un exemple que nous avons à suivre. Nous ne sommes pas exposés à une persécution ouverte de la part de ceux qui ne croient pas, mais à leurs raisonnements subtils. Restons attachés de cœur à Celui qui est « le Dieu véritable et la vie éternelle » (1 Jean 5:20).

Avant de parler d’autres faits qui nous font connaître Ambroise, son caractère et son influence, nous dirons quelques mots de l’empereur d’Orient Théodose, dont il fut l’ami constant, bien qu’il ait dû plus d’une fois s’opposer à lui. Théodose était né en Espagne, en l’an 346, et fut associé à l’empire, en 379, par Gratien, fils de cette impératrice Justine que nous avons mentionnée plus haut. Plus tard, Théodose devint seul empereur. À cette époque, l’empire romain, la quatrième monarchie dont parle Daniel (Daniel 2:40-43 ; 7:7-8, 19-26), était menacé de toutes parts par les Barbares. Théodose, qui était un brave et habile général, sut les contenir autant par les armes que par sa prudence et sa générosité. À l’intérieur de l’empire, le paganisme n’avait pas encore perdu toute sa puissance et cherchait à relever la tête. Symmaque, préfet de Rome et orateur distingué, avait fait en faveur du paganisme un plaidoyer éloquent qu’Ambroise réfuta. D’un autre côté, les Ariens et d’autres sectes combattaient la saine doctrine relativement au Sauveur. Théodose semble avoir été un instrument dans la main de Dieu pour arrêter les Barbares, et donner quelque répit à cet empire romain si corrompu et qui avait versé le sang des saints (Daniel 7:21 ; Apocalypse 18:24 ; 17:6), et aussi pour détruire en grande partie les restes du paganisme et réprimer l’arianisme.

Théodose, tout en professant le christianisme, n’avait pas été baptisé. Mais étant tombé gravement malade, vers la fin de la première année de son règne, il demanda le baptême. Aussitôt après, il rendit un édit dans lequel il confessait sa foi et ordonnait que « toutes les nations qui étaient sous sa domination, s’attachassent fermement à la doctrine enseignée par Pierre aux Romains, et crussent à la divinité du Père, du Fils et du Saint Esprit, comme égaux en majesté, en formant une Trinité bénie ». Ceux qui contreviendraient, devaient, dit l’empereur, s’attendre à des peines sévères.

Cela ne nous rappelle-t-il pas l’édit du roi Nebucadnetsar rapporté en Daniel 3:29-30 ? Théodose avait bien raison de confesser sa foi, c’était un bel exemple, mais, comme chrétien, il aurait dû en savoir plus qu’un roi païen, et ne pas vouloir obliger ses sujets à croire comme lui, sous menace de peines temporelles. Malheureusement les évêques qui l’entouraient, et Ambroise lui-même malgré sa piété, l’encourageaient dans cette voie et même excitaient ses rigueurs. L’exemple suivant nous le montre. En Palestine, des chrétiens conduits par un évêque avaient incendié une synagogue des Juifs, et des moines avaient saccagé le lieu où certains hérétiques se réunissaient. Théodose, informé de ces faits, avait ordonné que les coupables fussent condamnés à rétablir les édifices détruits ou à en payer le prix. Mais Ambroise l’ayant appris, écrivit à l’empereur pour le prier de retirer cet ordre, prétendant que reconstruire la synagogue serait un triomphe des Juifs sur la foi, et que ce serait léser les chrétiens. L’empereur ne céda point d’abord, mais Ambroise ayant insisté publiquement, Théodose promit solennellement de ne pas punir les coupables.

Telle était l’étrange idée qu’Ambroise avait de sa mission comme évêque chrétien. Au lieu d’encourager l’empereur dans la voie de la justice, il l’en détourne sous un faux prétexte. Là est le germe de ce qui se développa plus tard d’une manière terrible dans l’Église romaine, qui en vint à prétendre qu’il fallait chasser et brûler les Juifs et les hérétiques. On voit encore en cela le commencement de cette domination que le clergé prétendit plus tard exercer sur les rois et les princes, en opposition avec ce que dit l’apôtre Paul : « Que toute âme soit soumise aux autorités qui sont au-dessus d’elle » (Romains 13:1-5).

Dans une occasion toute différente, Ambroise employa son influence et son autorité vis-à-vis de l’empereur d’une manière plus conforme à son caractère d’évêque chrétien.

Avec toutes ses nobles qualités, Théodose avait un caractère violent et se laissait aller à des accès de colère qui l’entraînaient dans des actes injustes et cruels, dont ensuite il se repentait amèrement, mais souvent aussi lorsqu’il était trop tard. C’est ce qui eut lieu dans l’occasion suivante. À Thessalonique, durant des jeux publics (*), le gouverneur avait refusé de mettre en liberté un cocher de cirque, aimé du public, mais coupable d’un crime affreux. Le peuple se souleva et tua le gouverneur et plusieurs de ses officiers. En apprenant cette nouvelle, l’empereur entra dans une colère terrible et ordonna un massacre général des habitants de Thessalonique. Ambroise intervint, et l’empereur promit de pardonner. Mais excité par ses conseillers et en particulier par Rufin, son premier ministre, qui fit ressortir la nécessité de châtier un si grand crime, Théodose revint de son premier mouvement de clémence, et le message de mort fut expédié. L’empereur ensuite, sans doute saisi de remords, voulut le révoquer, mais le second message arriva trop tard : 7000 personnes réunies dans le cirque avaient été massacrées par les soldats, sans distinction de rang, d’âge, ni de sexe.


(*) Malgré la profession chrétienne de la majorité de la population, les jeux et les représentations théâtrales, restes du paganisme, continuaient dans les villes de l’empire, et même les chrétiens étaient souvent passionnés pour ces fêtes. Les pasteurs fidèles et les âmes sérieuses les réprouvaient. Qu’est-ce à dire de nos jours ?

Ambroise apprit bientôt cette triste nouvelle. Saisi de douleur, il se retira à la campagne pour éviter la présence de l’empereur. Mais, en fidèle serviteur de Dieu, sans se préoccuper du rang du coupable, agissant, comme autrefois Nathan à l’égard du roi David, il écrivit à Théodose une lettre dans laquelle il plaçait devant lui la grandeur de sa faute, et lui déclarait qu’il ne pourrait plus être admis dans l’Église avant d’avoir donné des preuves d’une vraie repentance. L’empereur sentait vivement les reproches de l’évêque et ceux de sa conscience. Il se rendit cependant à Milan et voulut entrer dans l’église. Mais Ambroise l’arrêta sur le seuil et lui défendit d’aller plus avant, lui qui était souillé du sang innocent. Théodose protestait de sa contrition réelle, mais l’évêque lui dit qu’une faute publique devait être expiée publiquement. Et comme l’empereur invoquait l’exemple de David, Ambroise lui dit hardiment : « Tu as imité David dans son crime, imite-le aussi dans sa pénitence ». L’empereur se soumit à ce que l’évêque lui imposait. Durant huit mois, le puissant monarque, dépouillé de ses ornements impériaux, resta confondu avec la foule des pénitents à la porte de l’église, durant les services publics. Aux fêtes de Noël, il supplia l’évêque de le recevoir de nouveau dans la communion des fidèles, disant : « Le temple de Dieu, ouvert aux esclaves et aux mendiants, est fermé pour moi ! » Ambroise le reçut, à la condition que désormais il ne sanctionnerait un arrêt de mort que trente jours après la sentence. Utile restriction qui permettait à la colère de se calmer. L’empereur entra dans l’église, se dépouilla des insignes de son pouvoir, et, prosterné sur le sol nu, fit confession de son crime, en disant : « Mon âme est attachée à la poussière ; fais-moi vivre selon ta parole » (Psaume 119:25). Le peuple tout entier avec Ambroise mêlaient leurs larmes et leurs prières aux siennes (*). C’est un grand spectacle ; il nous rappelle que, devant Dieu, il n’y a point d’acception de personnes. Nous pouvons admirer l’humilité de ce grand empereur qui reconnaît les droits de Dieu, et y voir l’effet d’une conscience exercée et une vraie crainte de Dieu. Quant à Ambroise, nous voyons qu’il avait une vraie sollicitude pour l’empereur qu’il aimait, et un sentiment profond de ce qui est dû à Dieu. Il agissait avec la conscience sérieuse de son devoir, et pour le maintien de la justice. Plus tard, malheureusement, le pouvoir clérical a pris en main la conscience des princes pour exciter de mauvais sentiments, les engager dans des actes coupables, et ensuite tranquilliser leurs consciences.


(*) Dans le discours qu’Ambroise prononça à l’occasion de la mort de Théodose, il dit que plus un jour ne se passa, sans que l’empereur se souvînt de cette grande faute où l’avait entraîné la colère.

Théodose mourut à Milan en l’an 395, et Ambroise le suivit deux ans plus tard, accomplissant jusqu’au bout les devoirs de sa charge.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016 - 20:41

Jean Chrysostôme et son temps (De l’an 347 à 407)


L’histoire d’un autre homme remarquable de cette époque nous fera connaître, mieux qu’une description, l’état de l’Église à la fin du quatrième siècle. On y voit d’une manière frappante ce que le Seigneur annonçait d’avance dans la lettre à Pergame (Apocalypse 2:12-17). L’Église habitait dans le monde, assujettie au pouvoir impérial, et cherchant sa faveur ; le clergé se corrompait toujours plus dans cette association avec le monde, poursuivant la domination, les richesses, le luxe et les jouissances de la chair ; les cérémonies et les ordonnances d’un culte de plus en plus fastueux remplaçaient le culte en esprit et en vérité ; les saintes vérités de l’Écriture touchant le salut tendaient à disparaître sous des traditions et des idées superstitieuses, et des hérésies nombreuses troublaient les esprits et entretenaient des disputes sans fin. Au milieu de cet état de choses, il y avait cependant des hommes qui désiraient vivre pieusement et servir le Seigneur. Chrysostôme était de ce nombre.

Il se nommait Jean, mais à cause de sa merveilleuse éloquence, il fut surnommé Chrysostôme ou « bouche d’or », longtemps après sa mort. Il naquit en l’an 347, à Antioche, cette ville célèbre, non seulement comme l’opulente capitale de l’Asie, mais parce que là fut formée la première grande assemblée tirée d’entre les païens, et que là les disciples furent d’abord appelés « chrétiens ».

Le père de Jean mourut quand celui-ci était encore en bas âge. Sa mère était une femme pieuse qui sentait que son devoir était d’élever son enfant sagement et selon le Seigneur. Elle y consacra donc tous ses soins, et, bien qu’étant encore jeune, elle refusa de se remarier pour se vouer entièrement à sa tâche. Nous pouvons donc nous représenter le jeune Chrysostôme instruit dans les saintes lettres par sa mère, comme Timothée l’avait été autrefois.

Mais le jeune homme devait aussi avoir une vocation terrestre. Sa mère le destinait au barreau ; il fit donc les études nécessaires pour cette carrière, et se distingua bientôt par son éloquence. Il était ainsi en grand danger d’être entraîné dans le monde et ses dissipations, mais les pieuses instructions de sa mère portaient leurs fruits. Il se dégoûta bientôt de la vie licencieuse des jeunes avocats, et vit aussi combien était difficile pour un chrétien l’exercice de cette vocation. Recevoir des honoraires pour avoir employé son éloquence à montrer qu’une mauvaise cause était bonne, ou au moins pour en atténuer la gravité, lui semblait un mensonge. C’était, pensait-il, le salaire de Satan et un péché contre sa propre âme.

Ce qui attirait Jean plus que l’éloquence mondaine, plus que la philosophie, c’était l’étude des Saintes Écritures. Dieu agissait dans son cœur pour l’occuper ainsi de ce qui est bien au-dessus de toutes les gloires du monde. Il s’adressa, pour satisfaire son désir, à Mélétius, alors évêque d’Antioche. C’était un homme doux et saint dans sa vie, et orthodoxe dans sa doctrine. Les dons excellents qu’il découvrit chez Chrysostôme le frappèrent ; il crut voir que ce jeune homme serait une lumière brillante dans l’Église. Après que Jean eut passé dans la retraite trois années, pendant lesquelles il fut instruit dans les saintes vérités du christianisme, il fut baptisé, et Mélétius l’ordonna pour être « lecteur ». Comme tel, il avait la charge de lire les Écritures dans les services publics de l’Église. Il n’en continua pas moins à les étudier diligemment pour lui-même. Un certain Diodore, qui était à la tête d’un monastère près d’Antioche, lui fut pour cela d’une grande aide. Il l’engagea à éviter les interprétations allégoriques de l’Écriture, si communes chez les docteurs de l’Église primitive et à la prendre dans son sens simple, lui laissant signifier ce qu’elle dit. Ces conseils furent plus tard très utiles à Chrysostôme lorsqu’il eut à instruire les autres, et donnèrent à sa prédication un cachet moral très pratique.

Chrysostôme vit bientôt combien le monde avait envahi l’Église, et combien peu la vie des chrétiens répondait à leur profession. Qu’en est-il de nos jours à cet égard ? Il résolut donc, avec un ami, de sortir du monde et de se chercher quelque lieu retiré où ils pussent pratiquer le plus rigide ascétisme, et ne s’occuper que des choses de Dieu. Nous avons déjà fait remarquer combien peu cela est conforme aux enseignements de la parole de Dieu. La pieuse mère de Chrysostôme le supplia avec larmes de ne pas donner suite à son projet, de ne pas l’abandonner, elle qui était veuve, n’ayant que lui pour consolation et soutien. « Ne me rends pas veuve une seconde fois », lui disait-elle. « Pendant que je respire encore, supporte ma présence et ne t’ennuie pas de vivre avec moi. N’attire pas sur toi l’indignation de Dieu, en m’accablant par une si grande douleur ».

Chrysostôme renonça à s’éloigner de sa mère ; c’était son devoir selon la parole de Dieu (Éphésiens 6:2 ; 1 Timothée 5:4), mais il se créa dans sa propre maison une sorte de retraite pour y vivre comme un ascète, en veilles, en jeûnes et en mortifications, couchant sur des planches nues, se relevant souvent la nuit pour prier, sortant rarement, et évitant le plus possible de parler, de peur de pécher de ses lèvres. Justement Il n’est pas besoin de dire que l’on peut vivre sobrement, et pieusement, selon l’enseignement de la grâce de Dieu (Tite 2:11-12), sans se livrer à ces pratiques exagérées qui sont le plus souvent le fruit de l’imagination et de la propre volonté (voir Colossiens 2:16, 20-23). « L’exercice corporel est utile à peu de chose », dit encore l’apôtre Paul (1 Timothée 4:8). Mais nous ne pouvons douter que Chrysostôme ne fût sincère, et ne crût par là échapper au monde et servir Dieu.

Au bout d’un certain temps cependant, sa mère étant morte, Jean, toujours poursuivi par la pensée qu’il devait se retirer encore plus entièrement du monde, quitta la ville et se joignit à un certain nombre de chrétiens qui étaient allés dans les montagnes voisines d’Antioche pour y mener la vie de cénobites. Mais trouvant que ce n’était pas encore assez pour crucifier la chair et la soumettre, il se retira seul dans une caverne du mont Casius. Là il était exposé au froid, ne prenait presque point d’aliments, et restait debout durant la nuit pour dompter le sommeil. S’il ne réussit point à tuer la chair, ce qui est impossible, il faillit se tuer lui-même par ses austérités. Au bout de deux ans, il dut retourner à Antioche, exténué et avec une santé détruite pour le reste de sa vie. Aussi longtemps que nous sommes ici bas, la chair est en nous et ne peut être ni tuée, ni domptée par les austérités les plus grandes. Combien n’y a-t-il pas d’âmes sincères qui en ont fait l’expérience ! La puissance de la vie en Christ par l’Esprit Saint est seule capable de nous faire remporter la victoire sur la chair (Galates 5:16-25).

Le temps que Chrysostôme avait passé dans la retraite n’avait pas été employé tout entier en exercices de pénitence. Jean avait continué à s’instruire et avait même écrit quelques ouvrages. À Antioche, il continua ses travaux et en même temps se dévoua au service des pauvres. Sa charité envers eux fut le trait distinctif de toute sa vie. À cette époque, il écrivit un livre pour consoler un ami qui croyait être incessamment possédé par un démon, et était tombé dans une mélancolie profonde. Il lui dit entre autres choses : « Va dans les hôpitaux et considère toutes les souffrances, les douleurs et les infirmités qui les causent ; visite les prisons et les malheureux qu’elles renferment ; va voir les pauvres dans leur dénuement ; et tu comprendras combien tu as tort de te plaindre de ta condition ». Et il ajoute : « En supprimant ta tristesse, tu désarmeras le démon ». Et, en effet, il est bien certain que c’est en nous occupant de nous-mêmes et de nos maux que nous donnons prise à l’ennemi. Mais Chrysostôme aurait aussi et surtout dû tourner les pensées de son ami vers Christ, par qui « nous sommes plus que vainqueurs » (Romains 8:37).

L’évêque Mélétius voulant que Chrysostôme eût un plus grand cercle d’activité, l’ordonna diacre. Comme tel il eut, non seulement à prendre soin des pauvres, mais aussi à instruire le peuple, tâche pour laquelle il avait un talent remarquable qui le rendit très populaire. Quatre ans plus tard, il fut ordonné prêtre par l’évêque Flavien, successeur de Mélétius. Flavien, connaissant le don remarquable de Chrysostôme, lui confia la tâche importante de la prédication. Pendant dix années, ce fut l’occupation principale de Chrysostôme. Ce que nous venons de dire montre comme l’ordre humain avait remplacé l’ordre divin dans l’Église. C’étaient des hommes qui ordonnaient, qui consacraient, qui appelaient à tel ou tel ministère ; ce n’était plus, comme au commencement, l’Esprit Saint qui qualifiait et envoyait (Actes 13:2-4 ; 1 Corinthiens 12:7-11). Toutefois, nous ne pouvons douter que le Seigneur dans sa grâce ne se servît, alors comme maintenant, de quelques-uns de ces évêques ou prêtres lorsqu’ils étaient fidèles dans ce qu’ils connaissaient et dévoués au Seigneur. C’est ce que nous voyons chez Jean Chrysostôme.

Il était doué, avons-nous dit, d’une grande éloquence. Les foules se pressaient pour l’entendre. Mais malheureusement ce n’était pas tant pour l’amour de la vérité et pour satisfaire les besoins de leurs âmes, que pour avoir leurs oreilles charmées par des discours bien dits. Ce n’est pas que Chrysostôme n’exposât pas la vérité ou qu’il flattât leurs vices ; au contraire, il s’élevait avec force contre la corruption, le luxe et l’orgueil qui régnaient dans cette grande ville. Mais c’était pour ses auditeurs comme une musique agréable à entendre ; leur cœur et leur conscience restaient en général insensibles à ses paroles. Ils se laissaient même aller, quand les parties de ses discours leur semblaient particulièrement belles, à applaudir comme dans un théâtre. Chrysostôme s’en affligeait, censurait fortement ses auditeurs, et leur reprochait sans cesse d’être plus assidus à ses prédications qu’aux prières publiques. Mais rien n’y faisait, et, comme passant d’un divertissement à un autre, ils sortaient de l’église pour se rendre aux jeux du cirque. Voilà à quel niveau était descendue la vie chrétienne dans cette Antioche où Paul avait tant travaillé, et où Barnabas exhortait les âmes converties au Seigneur à Lui demeurer « attachés de tout leur cœur » (Actes 11:23). Au temps de Chrysostôme, il n’y avait plus que la profession de christianisme. Le nom seul de chrétien restait ; pour le reste on ne différait guère des païens. On avait « la forme de la piété », mais on en avait « renié la puissance » (2 Timothée 3:5). L’état de choses de nos jours ne ressemble-t-il pas beaucoup à celui que présentait alors Antioche et le monde chrétien ? Souvenons-nous que Dieu demande de nous la réalité de la piété dans le cœur et dans la vie.

Mais Dieu allait frapper d’un grand coup ce peuple indifférent et léger, attaché aux voluptés plus qu’à Dieu.

En l’an 387, à l’occasion de taxes nouvelles imposées par l’empereur, le peuple d’Antioche se souleva et se livra à des actes de violence. Les bains publics furent saccagés, on attaqua le prétoire, et le gouverneur, incapable de résister, fut obligé de s’enfuir. Dans sa fureur inconsidérée, le peuple détruisit les images des empereurs, et renversa et brisa les statues de Théodose, l’empereur d’alors, et de l’impératrice Flaccille. L’apparition d’une troupe d’archers envoyés par le préfet, empêcha d’autres dégâts, et l’ordre fut enfin rétabli. Mais la consternation et l’effroi remplirent alors la ville coupable. Que dira et fera l’empereur en présence de cette insulte faite à lui et à sa femme bien-aimée ? Nous avons vu, dans l’histoire d’Ambroise, combien Théodose était terrible dans ses mouvements de colère. Tout le monde craignait que dans un premier mouvement d’indignation, il n’ordonnât de détruire la ville et ses habitants, comme le lui conseillaient ses courtisans. Il se contenta d’envoyer deux commissaires avec des pleins pouvoirs et des ordres rigoureux contre ceux que l’on trouverait coupables.

La terreur régna bientôt dans la malheureuse ville, car les commissaires impériaux avaient commencé par jeter en prison les plus riches citoyens, par confisquer leurs biens et soumettre à la torture ceux qu’ils croyaient les plus coupables. Que faire dans ces cruelles circonstances ? Le vieil évêque d’Antioche donna alors un grand exemple de dévouement. Malgré son âge avancé, ses infirmités et une sœur mourante qui réclamait ses soins, il se décida à aller à Constantinople pour implorer le pardon de l’empereur. Pendant son absence, Chrysostôme le remplaça, s’efforçant par ses discours de calmer les craintes du peuple, de le consoler et de l’encourager en lui faisant tout espérer de la clémence de l’empereur. En même temps, il profitait de la circonstance pour appeler les inconvertis à la repentance. « Si l’on redoutait à ce point », disait-il, « la colère d’un empereur qui n’était qu’un homme, combien plus fallait-il craindre celle d’un Dieu offensé par nos péchés ! »

Chrysostôme ayant dû s’absenter, les terreurs du peuple reprirent avec plus de force. Il voulait quitter la ville et fuir au désert. Le gouverneur, qui était cependant un païen, se rendit lui-même dans l’église pour rassurer la multitude. À son retour, Chrysostôme s’indigna du manque de foi des chrétiens. « Bien loin de vous laisser instruire par le gouverneur », leur dit-il, « c’est vous qui auriez dû faire la leçon aux infidèles ».

Des ermites chrétiens descendirent aussi de leurs retraites dans la montagne, pour venir soutenir le courage des malheureux habitants d’Antioche. L’un d’eux, rencontrant au milieu de la ville les commissaires impériaux, les arrête, leur ordonne de descendre de cheval, et leur dit : « Portez de ma part ce message à l’empereur. Tu es empereur, mais tu es homme, et tu commandes à des hommes faits à l’image de Dieu. Crains la colère du Créateur, si tu détruis son ouvrage. Tu es irrité, parce qu’on a abattu tes images : Dieu le serait-il moins si tu détruis les siennes ? Tes statues de bronze sont déjà rétablies sur leurs bases, mais quand tu auras tué des hommes, comment réparer ce mal ? Peux-tu les ressusciter ? »

Flavien cependant était arrivé à Constantinople et avait été admis devant l’empereur. Celui-ci commença par rappeler les faveurs qu’il avait accordées à Antioche, et se plaignit de l’ingratitude de ses habitants et de l’insulte qu’ils lui avaient faite. Flavien reconnut les bontés de l’empereur et les torts du peuple, puis il adressa un appel fervent à la clémence de Théodose. Nous ne pouvons citer ici tout son discours ; en voici seulement quelques paroles : « Songe », dit-il, « qu’à cette heure, les Juifs et les Grecs, le monde civilisé et les barbares, ont appris nos malheurs. Ils ont les yeux sur toi, et attendent l’arrêt que tu porteras sur nous. Si ta sentence est humaine et généreuse, ils rendront gloire à Dieu et diront : Qu’elle est grande la puissance du christianisme ! Cet homme qui pouvait tout perdre et détruire, elle l’a soumis. Il est grand, le Dieu des chrétiens. Il élève les hommes au-dessus de la nature… ». « Je viens », dit-il encore, « au nom du Souverain des cieux, pour dire à ton âme clémente et miséricordieuse ces paroles de l’Évangile : Si vous remettez aux hommes leurs offenses, Dieu vous remettra les vôtres. Souviens-toi de ce jour où nous rendrons compte de nos actions… Je te conjure d’imiter ton souverain Maître qui, malgré nos fautes, ne se lasse pas de nous prodiguer ses bienfaits ».

Théodose fut touché et fléchi par les paroles de Flavien. Il pardonna à la ville coupable en disant : « Qu’y a-t-il d’étonnant si nous autres hommes, nous pardonnons à des hommes qui nous ont offensés, lorsque le Maître du monde, descendu sur la terre, fait esclave pour nous, et mis en croix par ceux qu’il avait comblés de biens, a prié son Père pour ses bourreaux, disant : Pardonne-leur, Père, car ils ne savent ce qu’ils font ! »

On aime à entendre ces paroles sorties de la bouche du grand empereur. On y voit que le christianisme avait une influence réelle et puissante sur lui. Flavien retourna en hâte annoncer la bonne nouvelle au peuple d’Antioche, et les pleurs y furent changés en joie.

Les prédications de Chrysostôme pendant cette période où la colère de l’empereur planait sur Antioche, ne furent pas sans fruit. Plusieurs des citoyens païens furent gagnés à la foi chrétienne, et il eut ensuite à leur consacrer beaucoup de soins pour les établir dans la vérité. Il n’eut pas moins à faire auprès de ceux qui se disaient chrétiens, pendant les dix années de son ministère à Antioche. Ses discours ne traitaient pas en général de la doctrine ; il exhortait surtout à la pratique de la vie chrétienne. Il combattait chez les riches l’amour du luxe et des plaisirs, et les engageait à la charité envers les pauvres. Il censurait l’abandon des assemblées où l’on venait en foule les jours de fête, mais que l’on négligeait les autres jours. Il se plaignait de ce que l’on ne craignait pas de s’exposer à la fatigue et à la chaleur pour les affaires ou les divertissements, tandis qu’on les redoutait lorsqu’il s’agissait d’aller entendre la parole de Dieu. Il insistait avec force auprès de ses auditeurs sur la nécessité de prêter une sérieuse attention aux enseignements qui leur étaient donnés, et les pressait de montrer dans leur conduite qu’ils avaient vraiment pénétré dans leur cœur. « La meilleure instruction », disait-il, « vient de l’exemple. Quand même vous ne parleriez pas, si, à votre sortie de l’assemblée, le calme de votre maintien, vos regards, votre voix, montrent à ceux qui n’y sont pas venus, le profit qu’a tiré votre âme de ce que vous avez entendu, ce sera une puissante exhortation. Que tous aient la preuve du bien que vous avez reçu. Ils l’auront, cette preuve, s’ils voient que vous êtes devenus plus doux de cœur, plus dévoués et plus pieux ». Ces paroles n’ont-elles pas leur application de nos jours ?

Un grand changement allait avoir lieu dans la vie de Chrysostôme. En l’an 397, Nectaire, évêque de Constantinople, mourut, et il fallut lui trouver un successeur. Nombre de candidats ambitionnaient une place aussi éminente, mais l’eunuque Eutrope, le tout puissant ministre du faible empereur Arcadius (*), déploya toute son influence sur celui-ci pour l’engager à choisir Chrysostôme comme évêque. Eutrope l’avait entendu prêcher à Antioche et avait été frappé de son éloquence ainsi que de sa vie austère et dévouée. Arcadius accéda à la proposition de son premier ministre, et on donna l’ordre au comte Astérius, qui gouvernait en Orient, d’envoyer Chrysostôme à Constantinople, sans dire à celui-ci de quoi il s’agissait. On craignait un refus de sa part, car il avait déjà décliné la charge d’évêque. D’abord Chrysostôme, enlevé par surprise, et conduit par des gardes de station en station, protesta contre cette étrange manière de faire à son égard. Mais, ayant appris le but de son voyage, et y ayant réfléchi, il crut voir dans le fait une direction de Dieu et se soumit.


(*) Théodose était mort en 395. Ses deux fils, Arcadius et Honorius, lui succédèrent. Le premier eut l’empire d’Orient dont Constantinople était la capitale ; le second régna sur l’Occident dont Rome était la métropole.

Grande fut la stupeur des évêques réunis à Constantinople lorsqu’ils apprirent la décision de l’empereur. Chacun d’eux avait espéré ou bien être nommé, ou pour le moins faire arriver à cette charge un de leurs protégés. Parmi les plus irrités se trouvait Théophile, évêque de la grande et célèbre ville d’Alexandrie en Égypte. Comme il sera encore question de lui dans cette histoire, quelques mots sur son caractère sont nécessaires. Théophile passait pour être très versé dans la science théologique, mais aussi pour un des plus méchants hommes de son siècle. Habile, actif, rusé, il exerçait sur les évêques qui dépendaient du siège d’Alexandrie et sur les prêtres de son église, une domination tyrannique. En même temps, avide d’or et d’argent et aimant le luxe, il n’hésitait pas, non seulement à dépouiller de leurs richesses les temples païens, mais à s’emparer aussi des biens des églises. Il ne craignait même pas d’user pour cela de violence. Tels étaient les sentiments qu’excitaient sa conduite et ses exactions, qu’on le flétrissait du nom de Pharaon chrétien. Triste tableau, et combien il fait contraste avec le caractère de l’évêque, comme nous le présente l’apôtre Paul : « Il faut que le surveillant (ou évêque) soit irréprochable comme administrateur de Dieu, non adonné à son sens, non colère, non adonné au vin, non batteur, non avide d’un gain honteux », etc (Tite 1:7-8, et voyez aussi 1 Pierre 5:1-3). Mais tel n’était pas Théophile, et bien d’autres évêques lui ressemblaient. Ils étaient de ces serviteurs qui disent : « Mon maître tarde à venir », et qui se laissaient aller à toute sorte de mal ; de ceux que l’apôtre désigne comme estimant que « la piété est une source de gain » (Matthieu 24:48-49 ; 1 Timothée 6:5). Ce Théophile qui avait déjà une grande influence à Constantinople, aurait voulu, pour l’augmenter encore, faire nommer un de ses prêtres comme évêque de cette grande ville. Déçu dans son espérance, il refusa d’abord de consacrer Chrysostôme, comme il y avait été invité. Mais Eutrope, qui connaissait des faits à sa charge et qui en avait les preuves, l’ayant menacé de le faire passer en jugement s’il continuait à s’opposer à l’ordination de Chrysostôme, Théophile céda et consacra lui-même Jean d’Antioche en présence d’une foule innombrable. Mais dans son cœur il garda contre lui une haine implacable, qu’il réussit à satisfaire plus tard, comme nous le verrons. N’est-il pas profondément affligeant de voir mêler tant de méchanceté avec le nom du Seigneur et un zèle apparent pour Lui ?

Voilà donc Chrysostôme évêque de Constantinople, la seconde capitale de l’empire, résidence de l’empereur d’Orient. Jetons un coup d’œil sur la manière dont il entendait remplir les devoirs de sa charge, et n’oublions pas que cette charge lui donnait rang parmi les plus hauts dignitaires de l’empire et accès auprès de l’empereur.

Son prédécesseur Nectaire avait vécu plus comme un haut fonctionnaire de la cour que comme évêque chrétien. Facile dans la vie, homme du monde, il avait un grand train de maison, et déployait beaucoup de magnificence, ayant une bonne table et donnant des festins aux clercs et aux laïques. Chrysostôme changea tout cela, et ramena tout à la plus grande simplicité. Les riches ameublements, la vaisselle précieuse, les robes d’or et de soie destinées aux évêques, les équipages somptueux furent vendus, ainsi que tous les vases et ornements de prix des églises. Le produit en fut consacré à des œuvres charitables et à des aumônes aux pauvres. De ses propres revenus comme évêque, Chrysostôme fonda un hôpital pour les étrangers malades, se souvenant peut-être des paroles du Seigneur, en Matthieu 25:35-36. Ses ennemis l’accusèrent plus tard d’avoir fait son profit de ces ventes, mais il fut pleinement justifié de cette calomnie. Nul homme ne fut plus désintéressé que lui. Sa vie privée était des plus simples. Les austérités de sa jeunesse l’avaient affaibli, néanmoins il continuait à se traiter frugalement, mangeant seul chez lui et n’invitant jamais personne. À moins que ce ne fût pour des affaires urgentes de l’Église, il ne paraissait point à la cour. S’il était obligé de se trouver en public, il parlait peu. Cette manière de vivre le fit passer pour morose, avare et orgueilleux, mais en réalité, il voulait être tout entier aux devoirs de sa charge qu’il estimait tenir de Dieu et qu’il prenait au sérieux. Il désirait aussi être en exemple aux autres.

Comme évêque, il avait la surveillance du nombreux clergé de la ville. Or, sauf de très rares exceptions, tout ce clergé était extrêmement corrompu. Les clercs vivaient dans la dissolution et la mollesse, recherchant les tables des riches, visant à obtenir des mourants des donations, détournant ce qui appartenait aux pauvres. Chrysostôme réprima énergiquement tous ces vices et s’efforça de ramener prêtres et diacres à la simplicité et à la pureté de vie qui convenaient à leur profession, excluant de la communion les plus coupables. Il fit aussi revivre l’ancienne coutume des services religieux du soir pour les membres du troupeau que leurs occupations retenaient dans la journée. Ce fut un coup sensible pour le clergé, qui s’était habitué à l’oisiveté, et qui cherchait ses aises plus que le bien du peuple.

Chrysostôme réprimandait aussi fortement les veuves qui, au lieu de se conduire d’une manière modeste, vivaient dans la dissipation. Comme l’apôtre Paul le dit, il les exhortait à se marier et à mener une conduite honnête (1 Timothée 5:13-14). Il y avait aussi des diaconesses ou servantes de l’église qui, par leur amour de la toilette, par leur luxe et leurs mœurs, déshonoraient leur profession. Chrysostôme les reprenait, les suivant jusque dans leurs maisons, pour les inviter à se conduire honnêtement.

On voit combien avait à faire cet homme fidèle, qui avait à cœur de ramener l’ordre dans la maison de Dieu où tant de mal s’était introduit. C’est au sujet de cette corruption que le Seigneur reprend l’ange de l’assemblée de Pergame (Apocalypse 2:14-15). La période de l’Église durant laquelle Chrysostôme vivait, est précisément celle que préfigure Pergame.

L’évêque n’avait pas moins à faire avec ceux qui n’avaient point de charges dans l’Église. On ne saurait se faire une idée du luxe et de la mollesse, de la dissipation et de l’amour du plaisir qui régnaient à la cour et chez les grands. Chrysostôme aurait voulu les ramener à la simplicité, et leur faire consacrer au moins une partie de leurs richesses au soulagement des pauvres. C’était souvent le texte de ses exhortations. Il aimait les pauvres, les souffrants, les déshérités, et son cœur saignait en voyant l’égoïsme des riches à leur égard. Aussi le peuple de Constantinople, ces pauvres dont il prenait si généreusement le parti, était-il plein d’admiration pour son évêque et lui avait-il voué un attachement sans bornes. Quand il prêchait, les édifices sacrés étaient trop petits pour contenir les foules qui s’y pressaient.

En agissant comme il le faisait, l’évêque de Constantinople était sincère, et donnait dans sa vie l’exemple de ce qu’il aurait voulu voir chez les autres. Il pensait que ceux qui avaient une place spéciale dans l’Église devaient être les modèles du troupeau, et il se souvenait de ce que Paul disait aux riches. Malheureusement, il n’y avait pas chez lui la douceur qui aurait tempéré la sévérité de ses réprimandes. Il ne pouvait pas tolérer le mal, sans doute, mais il aurait dû se souvenir de l’exhortation de Paul à Timothée : Il faut que l’esclave du Seigneur « soit doux envers tous,… ayant du support ; enseignant avec douceur les opposants » (2 Timothée 2:24-25). La verge de Chrysostôme était de fer, et non celle de l’amour. Aussi sa sévérité lui attira-t-elle bientôt nombre d’ennemis dans le clergé et à la cour, surtout parmi les femmes riches dont il censurait les vices, si opposés à ce que l’apôtre Pierre demande des femmes chrétiennes (1 Pierre 3:3-5).

Au commencement de son séjour à Constantinople, Chrysostôme fut en faveur auprès de l’empereur et de la fière Eudoxie, son épouse, dont l’influence sur Arcadius grandissait chaque jour. Le bon vouloir de l’impératrice se montra dans une circonstance que nous rapporterons, parce qu’elle jette un nouveau jour sur ce qu’était devenue l’Église en ces temps.

Dans un accès de dévotion, Eudoxie avait fondé, à quelque distance de Constantinople, une chapelle dédiée à Saint Thomas. Elle voulait y transférer les reliques de quelques martyrs inconnus, conservées dans une Église grecque (*). On devait faire ce transport en grande pompe et de nuit à la lueur des torches. Naturellement, l’évêque était appelé à y prendre part. Le cortège se mit en marche. La châsse contenant les os des martyrs était portée en tête ; venait ensuite l’impératrice ceinte de son diadème, couverte de ses riches vêtements de pourpre, et accompagnée de dames et des grands de sa cour. À côté d’elle marchait l’évêque, et derrière s’avançaient les prêtres et les religieux et religieuses de toutes les communautés. Le vif éclat des torches qui éclairait la scène, la faisait ressembler à une mer de feu. Que dire d’un tel étalage de pompe mondaine ? Était-ce à la gloire de Dieu qui veut être adoré en esprit et en vérité ? Cela n’aurait-il pas mieux convenu à une cérémonie païenne ? Hélas ! ces processions somptueuses se voient encore de nos jours !


(*) On voit par là que déjà l’on vénérait les saints et les reliques ou restes de martyrs, comme le fait encore l’Église romaine. Tant la superstition s’introduit aisément dans les cœurs.

On n’arrive à la chapelle qu’au lever du jour, et là Chrysostôme fit un discours. Mais au lieu de montrer l’inanité de ces cérémonies qui ne tendaient qu’à glorifier des hommes, et que nulle part la parole de Dieu n’approuve, au lieu de diriger les cœurs vers la gloire céleste de Christ, le discours de l’évêque fut rempli de louanges de l’impératrice, et des expressions de sa propre joie d’avoir pris part à cette fête. Le lendemain, ce fut l’empereur qui à son tour vint au même lieu faire ses dévotions, et Chrysostôme, dans un autre discours, exalta sa piété et son humilité. Voilà jusqu’où l’on en était arrivé dans ce qui se nommait l’Église de Christ, de Celui qui reprochait aux Juifs de rechercher la gloire qui vient des hommes, et dont le royaume n’est pas de ce monde. Et si un homme tel que Chrysostôme, qui connaissait cependant les Écritures, donnait son approbation à de telles choses, quelles ténèbres devaient régner parmi les ignorants. La superstition allait grandissant, et la foi, qui seule sauve, était de plus en plus remplacée par de vaines formes.

Mais Chrysostôme avait à accomplir une œuvre plus belle, et où nous le voyons sous un autre jour. Les Goths, peuple barbare, avaient attaqué l’empire romain. Dans leurs incursions, ils avaient sans doute emmené, parmi leurs prisonniers, quelques chrétiens par lesquels ils apprirent à connaître le christianisme, et un grand nombre d’entre eux en vinrent à le professer. Persécutés par leurs propres rois, ces nouveaux chrétiens se réfugièrent dans certaines parties de l’empire romain où les empereurs leur permirent de s’établir. Ils étaient pour la plupart Ariens, sans bien savoir peut-être eux-mêmes ce qu’était cette profession religieuse ; mais l’empereur Valens, Arien lui-même, avait exigé d’eux qu’ils y adhérassent, sous peine d’être exclus du territoire de l’empire. Plusieurs étaient venus à Constantinople, et Chrysostôme, ému de compassion envers eux, se sentit pressé de prendre soin de leurs âmes. Il mit donc à part pour eux une des églises de Constantinople, fit traduire dans leur langue quelques portions des Écritures, et les leur fit lire par un prêtre de leur nation, qui leur adressait ensuite des exhortations. L’évêque lui-même prenait plaisir à venir parfois leur parler au moyen d’un interprète. Il eut toujours à cœur, et ce fut jusqu’à la fin une des préoccupations de sa vie, de répandre parmi les peuples barbares la connaissance de Christ. Dans ce but, il fit envoyer des missionnaires aux tribus des Goths et des Scythes qui habitaient sur les bords de la mer Noire ; plus tard, il s’efforça de convertir les païens, adorateurs d’Astarté (*), qui se trouvaient encore en grand nombre en Phénicie, et son zèle s’étendit jusqu’en Perse, chez les adorateurs du feu. On est heureux de voir brûler dans le cœur de Chrysostôme ce désir de faire connaître le nom de Christ. Il n’épargna pour cela ni ses peines, ni l’argent. Il y a encore de nos jours bien des peuples qui se prosternent devant les idoles, prions pour que la lumière de l’Évangile les éclaire, et pour les serviteurs de Dieu qui travaillent parmi eux.


(*) Astarté est cette divinité païenne que nous trouvons souvent mentionnée dans l’Ancien Testament sous le nom d’Ashtoreths ou Ashtaroth (voir Juges 2:13 ; 1 Samuel 7:4 ; 1 Rois 11:5, etc.).

Chrysostôme devait son élévation au siège de Constantinople à Eutrope. Cet homme ambitieux, avide de pouvoir et d’honneurs, espérait que l’évêque serait dans ses mains un instrument docile pour appuyer ses plans et ses desseins, qui étaient loin d’être toujours bons et justes. Mais il trouva en Chrysostôme un homme d’une tout autre trempe, qui ne craignait pas de blâmer, et même du haut de la chaire, ce qui ne lui semblait pas honorable et conforme à l’esprit chrétien, et cela chez les personnes les plus haut placées. Se mettre en opposition à Eutrope aurait exposé Chrysostôme à un grand danger, mais ce fut lui qui se vit bientôt appelé à protéger le hautain ministre. Voici dans quelle circonstance. Eutrope, irrité de l’influence toujours plus grande de l’impératrice et se croyant tout permis, s’emporta jusqu’à la menacer et lui faire entendre qu’il pourrait bien la faire chasser du palais. Eudoxie, profondément blessée, se plaignit avec véhémence à l’empereur. Celui-ci fit appeler Eutrope, le cassa de sa charge, lui retira tous ses biens, et lui ordonna de quitter le palais sous peine de la vie. Eutrope vit bien qu’il était perdu. L’impératrice avait donné ordre de le suivre et de le saisir ; il se savait détesté du peuple ; où se réfugier pour mettre sa vie à l’abri ? Autrefois, pour qu’aucun de ses ennemis ne pût lui échapper, il avait cherché à faire enlever aux églises le droit d’asile et n’y avait réussi que pour les criminels de lèse-majesté, c’est-à-dire d’offense contre l’empereur. Ce fut cependant là, dans l’église métropolitaine, que dans sa terreur il alla chercher un refuge. Poursuivi par les soldats et la populace qui demandaient sa vie, il souleva le voile qui cachait la table de communion, et embrassa une des colonnes qui la soutenaient. La foule envahissant l’église réclamait à grands cris le coupable, mais Chrysostôme refusa énergiquement de le livrer et, l’ayant fait cacher dans la sacristie, lui-même se présenta devant les soldats menaçants et demanda à être conduit auprès de l’empereur. Là il plaida la cause d’Eutrope de telle manière qu’Arcadius promit que la retraite du coupable serait respectée.

Le lendemain était un dimanche. Une foule immense remplissait l’église. Chrysostôme, choisissant pour texte les paroles de l’Ecclésiaste : « Vanité des vanités ! Tout est vanité » (Ecclésiaste 1:2), les appliqua au cas d’Eutrope qui était hier tout-puissant et que l’on voyait aujourd’hui pâle, couvert de cendres et tremblant, agenouillé auprès de la table de communion. Dans son discours, l’évêque fit ressortir combien sont instables tous les biens et les honneurs que la terre peut offrir, et combien il est dangereux et coupable de s’y fier en méconnaissant les droits de Dieu. Espérons que les pensées des auditeurs auront été tournées de la gloire et des biens périssables, vers les biens invisibles qui sont éternels et que personne ne peut nous ravir.

Eutrope, sauvé pour le moment, fut quelque temps après conduit à l’île de Chypre, puis ramené à Chalcédoine où il fut décapité, après avoir été condamné comme coupable de lèse-majesté.

Chrysostôme, dans ces temps si troublés, n’eut pas seulement à s’occuper de son ministère, en cherchant à réprimer le mal, en évangélisant et exhortant les âmes, en plaidant pour les coupables, il eut, chose étrange à dire, à protéger l’empire contre les Barbares, et cela par la seule puissance de sa parole.

En l’an 400, l’armée des Goths, sous la conduite de leur général Gaïnas, qui aspirait à occuper le premier rang dans l’armée impériale, s’approcha de Constantinople et menaça de s’emparer de la ville, si l’empereur ne lui livrait pas trois de ses principaux officiers. Ceux-ci, pour sauver l’État et épargner à l’empereur la honte de les livrer, se rendirent eux-mêmes au camp du Barbare. Gaïnas les fit charger de chaînes et, pour jouir de leur terreur, ordonna à un soldat de les décapiter. Mais celui-ci, d’accord avec son maître, se contenta de les effleurer de la pointe de son glaive, et Gaïnas les garda comme prisonniers. Ce Goth était Arien de profession, et exigeait d’Arcadius que l’on donnât à ses coreligionnaires une église dans Constantinople. Arcadius ne sachant que faire devant un si terrible adversaire, le renvoya à Chrysostôme. L’évêque, zélé pour la vraie foi au Fils de Dieu, se rendit sans crainte au camp des Barbares, et parla à Gaïnas avec une telle autorité que celui-ci ne sut que répliquer. Il renonça à sa demande d’une église et, plus tard, ses prisonniers aussi furent délivrés. Gaïnas lui-même, attaqué et défait par un autre général goth, périt en fuyant. Tous ces événements étaient pour Chrysostôme des occasions de montrer au peuple la fragilité des choses terrestres.

Ce que nous venons de raconter montre combien étaient variés dans ces temps-là les devoirs d’un évêque d’une grande ville, d’un évêque au moins qui, quels que fussent ses manquements, avait à cœur le maintien du christianisme, pour autant qu’il le comprenait. À mesure que l’empire déclinait, les évêques furent ainsi appelés à se porter pour soutiens et défenseurs de leurs troupeaux contre les Barbares. Nous aurons encore l’occasion de le voir. Pour le moment, nous allons considérer Chrysostôme aux prises avec des difficultés plus grandes que celles qu’il avait rencontrées jusqu’alors.

L’austérité de Chrysostôme, son zèle pour réformer le clergé corrompu de Constantinople et pour réprimander les grands à cause de leur luxe et de leur mollesse, lui avaient fait beaucoup d’ennemis. L’impératrice, dont il ne pouvait flatter l’orgueil toujours plus grand, s’était aussi rangée contre lui. Cela encouragea ses ennemis à chercher une occasion de le perdre et de se débarrasser ainsi d’un censeur importun, et cette occasion se présenta bientôt.

L’église d’Éphèse, dont il est tant question dans le Nouveau Testament, était alors dans le plus triste état. Son évêque, indigne d’une telle charge, était mort, et plusieurs candidats se disputaient sa place, cherchant chacun à obtenir les suffrages du peuple en répandant de l’argent. Des partis se formaient ainsi, prêts à user de violence les uns contre les autres pour faire prévaloir leur candidat. Triste spectacle, pour une assemblée chrétienne. Le clergé de la ville, ne sachant comment mettre fin au désordre, demanda à Chrysostôme de venir les aider. Voici ce qu’on lui écrivait : « Depuis nombre d’années, nous sommes gouvernés contre toute règle et tout droit. Nous te prions donc de vouloir bien te rendre ici, afin que l’église des Éphésiens recouvre par tes soins une forme digne de Dieu. D’un côté les Ariens, d’un autre l’avidité et l’ambition des faux catholiques (*) nous déchirent à l’envi. Une foule de loups violents guettent leur proie, attendent de ravir par de l’argent le siège épiscopal ».
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016 - 20:41

(*) On nommait catholiques, par contraste avec les Ariens, ceux qui retenaient la confession de foi de Nicée.

Chrysostôme, bien que malade, partit sur le champ. Son premier soin, fut de proposer à l’église d’Éphèse comme évêque, Héraclide, diacre pieux et versé dans la connaissance des Écritures. Son avis fut adopté. Héraclide fut élu, puis consacré par Chrysostôme. Mais les candidats ainsi écartés, augmentèrent le nombre de ses ennemis. Il ne s’arrêta pas là. Il parcourut diverses provinces et déposa plusieurs évêques contre lesquels il avait reçu des plaintes, et dont quelques-uns étaient certainement tout à fait indignes d’occuper leur charge, et il les remplaça par d’autres. En tout cela, il était poussé par son zèle pour la justice et ce qu’il considérait son devoir envers Christ. Mais sa rigidité soulevait contre lui ceux à l’égard desquels il l’exerçait.

Pendant ce temps, on machinait sa ruine à Constantinople. Il avait laissé à Sévérien, évêque de Gabales, qu’il croyait son ami, le soin de le remplacer. Mais Sévérien, homme plein de vanité, se laissa gagner par les avances de l’impératrice et des ennemis de Chrysostôme, dont on lui faisait espérer le siège. Deux évêques étrangers, Antiochus et Acacius, venus à Constantinople, se laissèrent aussi engager dans le complot. Sérapion, archidiacre de Chrysostôme et son ami, le pressait de revenir pour s’opposer aux menées de ceux qui voulaient le perdre. Mais Chrysostôme désirait achever sa tournée. Enfin, au bout de trois mois d’absence, il rentra à Constantinople. Le peuple, averti de son retour, accourut avec joie à la rencontre de son évêque bien-aimé, le bienfaiteur infatigable des pauvres, dont la vie simple et dévouée était d’accord avec son enseignement.

Chrysostôme ne pouvait faire autrement que reprendre Sévérien de la manière dont il avait agi pendant son absence. Il blâma sa conduite mondaine, sa présence aux festins de la cour, ses visites fréquentes au palais impérial. « Toi et Antiochus, lui dit-il, vous menez la vie de parasites et de flatteurs ; vous êtes devenus la fable de la ville ». Malheureusement ces reproches bien mérités, au lieu d’atteindre la conscience de Sévérien, ne firent qu’augmenter son ressentiment contre Chrysostôme.

Celui-ci alla plus loin. Prêchant sur un passage du livre des Rois (1 Rois 18:19), il attaqua publiquement ceux qui menaient cette vie de parasites à la table des grands et de l’empereur. « Rassemblez autour de moi, dit-il, ces prêtres du déshonneur qui mangent à la table de Jézabel, afin que je leur dise comme autrefois Élie : Jusqu’à quand hésiterez-vous entre les deux côtés ? Si Baal est Dieu, suivez-le. Si la table de Jézabel est Dieu, mangez-y jusqu’au vomissement ». Que Chrysostôme y eût pensé ou non, ses ennemis irrités par ces paroles énergiques qui les condamnaient, se hâtèrent de les rapporter à l’impératrice, comme s’il avait voulu la désigner sous le nom de Jézabel. L’impératrice n’oublia pas ce fait. Ainsi s’accroissait l’inimitié contre lui.

Sérapion avait accusé Sévérien d’avoir blasphémé contre Christ. Chrysostôme ajouta trop facilement foi aux paroles de l’archidiacre. Il déposa Sévérien et le bannit de la ville. L’impératrice qui favorisait Sévérien, demanda à Chrysostôme de lever l’interdiction qu’il avait prononcée, et comme il refusait de céder à ses sollicitations, Eudoxie, un jour de grande fête, entra dans l’église avec son jeune fils dans ses bras et le déposa sur les genoux de Chrysostôme. Puis les mains étendues sur la tête de l’enfant, elle conjura l’évêque de pardonner à Sévérien. Quelle scène étrange ! Chrysostôme ne put refuser, il pardonna et la réconciliation eut lieu publiquement. Mais ce n’était qu’un répit. Les ennemis de l’évêque poursuivaient toujours le plan qu’ils avaient formé de se débarrasser de lui.

Un incident leur en fournit l’occasion. Théophile, cet évêque d’Alexandrie, qui avait été forcé par Eutrope de consacrer Chrysostôme, était resté depuis ce temps son ennemi acharné, et le moment était arrivé où il put assouvir sa haine. Il est triste d’avoir à parler ainsi d’hommes qui étaient à la tête de l’Église, mais c’est la vérité, et cela nous montre ce que peut cacher le cœur de l’homme sous des apparences religieuses. Le trait suivant le fait voir d’une manière frappante. Il y avait dans les déserts de Nitrie et de Scété près de l’Égypte, des moines qui avaient pour supérieurs quatre frères que l’on nommait « les longs frères ». Ce nom étrange leur venait de leur haute stature. C’étaient des hommes simples, paisibles, pieux, respectés de tous, s’occupant beaucoup de l’étude des Saintes Écritures, dans lesquelles ils étaient très versés. Ils étaient bien connus de Théophile qui voulut invoquer leur témoignage pour faire condamner un homme innocent, leur ami. Ils refusèrent et Théophile, furieux, les accusa d’hérésie, les fit traîner en prison, et alla jusqu’à les maltraiter. Puis prenant une troupe de soldats, il les conduisit lui-même dans le désert et leur ordonna de saccager et détruire les pauvres cellules tant des « longs frères » que des autres moines, et de brûler leurs livres. Voilà comment agissait un homme qui se disait évêque de Christ surveillant du troupeau qu’il devait paître avec amour. Les pauvres moines poursuivis par la haine de Théophile, obligés de fuir de lieu en lieu, résolurent enfin d’aller à Constantinople porter leurs griefs devant l’empereur et se mettre sous la protection de Chrysostôme. Celui-ci les reçut bien, après s’être assuré qu’ils ne tenaient aucune doctrine hérétique, mais les engagea à ne point adresser de requête à l’empereur. « C’est à l’Église, leur dit-il, de juger les choses de l’Église. Les tribunaux temporels n’ont rien à voir dans les débats qui intéressent le service de Dieu ». N’avait-il pas raison ? On peut lire à ce sujet ce que Paul dit en 1 Corinthiens 6:1-4.

Malgré l’avis de Chrysostôme, « les longs frères » impatientés d’attendre, présentèrent une requête à l’impératrice qui prit chaudement leur cause en mains. Un concile fut convoqué à Constantinople, et Théophile fut sommé d’y paraître pour répondre aux accusations portées contre lui. Il ne pouvait refuser d’obéir, mais rusé et habile comme il l’était, sachant combien Chrysostôme avait d’ennemis, il résolut de s’associer à eux, et d’accusé qu’il était, de se porter accusateur, et ainsi de faire tomber la condamnation qui le menaçait sur Chrysostôme lui-même. Il réussit à accomplir son dessein.

Après avoir donné ordre à vingt-huit évêques égyptiens de venir le rejoindre, il partit et débarqua à Constantinople avec une troupe de grossiers marins du port d’Alexandrie, tout dévoués à sa personne : singulière escorte pour un ministre de Christ ! Il apportait aussi de riches présents et abondance d’argent pour gagner ceux qu’il pourrait ainsi acheter. Il ne voulut point loger chez Chrysostôme, refusant toute communication avec lui, et ne s’arrêta même pas dans l’église pour rendre grâces, ainsi que c’était la coutume, mais se rendit avec faste à l’un des palais impériaux qui lui avait été préparé. Ensuite, par de somptueux banquets et par les dons des choses précieuses ou d’argent qu’il sut répandre avec habileté, il gagna bientôt la faveur du clergé et des principaux citoyens. Telle était la conduite d’un homme qui se disait évêque ou surveillant du troupeau.

L’empereur, cependant, avait été ému par les plaintes des « longs frères ». Un évêque et quatre abbés qui les avaient calomnieusement accusés de crimes de lèse-majesté et de magie, avaient confessé que les faits étaient faux et qu’ils n’avaient agi que pour obéir à Théophile. Ils avaient été déclarés coupables et condamnés à la peine de mort.

L’empereur, blessé dans ses sentiments religieux par la conduite de Théophile, eut la pensée de le faire traduire pour ces faits devant le futur concile. Il fit d’abord venir Chrysostôme pour le charger d’aller interroger Théophile. Mais Chrysostôme refusa respectueusement. « Je ne puis, dit-il, concourir à faire juger un évêque en dehors des limites de sa province. Les canons le défendent ». Sa conscience d’ailleurs ne lui permettait pas de se porter juge d’un ennemi déclaré. Théophile, par l’honnêteté de Chrysostôme, se trouva ainsi délivré d’un grand danger. Il fut libre alors de se tourner contre celui qui venait de l’épargner si généreusement, et il ne manqua pas de le faire. Au lieu de se montrer reconnaissant, il résolut de faire accuser Chrysostôme devant le concile qui avait été convoqué et de provoquer sa condamnation. Mais comme on craignait que la grande affection du peuple de Constantinople pour son évêque ne suscitât des troubles, les ennemis de Chrysostôme réussirent à faire transférer le concile à Chalcédoine, faubourg de Constantinople, mais de l’autre côté du Bosphore, et dans un endroit nommé « le Chêne », de sorte que le concile est souvent appelé de ce nom.

Trente-six évêques, et plus tard quarante-quatre, la plupart égyptiens et tout dévoués à Théophile, joints aux autres ennemis de Chrysostôme, composaient le concile ou synode. Le reste des évêques convoqués, une quarantaine environ, demeurèrent à Constantinople avec Chrysostôme auquel ils étaient attachés. Une liste de vingt-neuf chefs d’accusation fut dressée contre Chrysostôme par l’archidiacre de son église, homme haineux et brutal, qui ne pouvait lui pardonner de l’avoir autrefois éloigné de son clergé pour un acte de violence commis envers un enfant qui le servait. Plusieurs de ces accusations étaient frivoles, et le plus grand nombre dénuées de fondement et évidemment calomnieuses. Parmi les plus graves étaient celles d’avoir détourné des fonds appartenant à l’église, et d’avoir outragé l’impératrice qu’on l’accusait d’avoir désignée sous le nom de Jézabel. C’était un crime de lèse-majesté, entraînant le bannissement ou la peine de mort.

Tandis qu’à Chalcédoine on tramait sa perte, les évêques restés fidèles à Chrysostôme étaient rassemblés autour de lui, parlant de la méchanceté de Théophile, et exprimant leurs craintes au sujet de leur ami. Mais Chrysostôme prenant la parole, leur dit : « Priez, mes frères, et si vous aimez le Christ, que personne de vous n’abandonne son église à cause de moi, car je puis dire avec l’apôtre : Le temps de mon immolation est proche ; j’ai combattu et achevé ma course (voir 2 Timothée 4:6-7). Je connais Satan et ses ruses ; il ne peut plus supporter la guerre que lui font mes enseignements. Que Dieu me fasse miséricorde ! Mes frères, souvenez-vous de moi dans vos prières ». Tous pleuraient en l’entendant. Quelques-uns, comme ne pouvant plus supporter cette scène, après avoir baisé l’évêque, voulaient sortir. « Restez », leur dit-il, « restez, mes frères ; asseyez-vous et cessez de pleurer, de peur de m’attendrir davantage. Je vous le répète : Christ est ma vie, et mourir m’est un gain » (Philippiens 1:21). Il disait cela, parce que le bruit courait qu’il serait mis à mort pour outrages à l’impératrice.

Quelle différence entre cette réunion d’hommes pieux, avec leur ami qui les encourageait par des paroles de l’Écriture, résigné qu’il était à ce que Dieu voudrait faire de lui, et ce synode où, comme nous allons encore le voir, la haine et la violence se déchaînaient contre un homme qui n’avait eu à cœur que le bien ! L’une de ces scènes repose de la tristesse que cause l’autre.

Le synode du Chêne avait envoyé à Chrysostôme deux délégués pour le sommer de comparaître. Ils furent introduits et donnèrent lecture de la lettre qui lui était adressée dans ce but. Elle était conçue en des termes si outrageux que les évêques ne purent contenir leur indignation. Ils écrivirent une protestation adressée à Théophile : « Cesse », disaient-ils, « de bouleverser et diviser l’Église. Ne cherche pas, comme Caïn, à attirer Abel dans les champs. C’est à nous, qui sommes plus nombreux que vous, de te juger pour les crimes que tu as commis et dont nous avons les preuves ». Chrysostôme écrivit aussi pour dire aux évêques réunis au Chêne, qu’ils devaient avant tout exclure de leur synode ses ennemis avoués, tels que Théophile, Sévérien et d’autres, que sans cela il ne se présenterait pas. Ces lettres furent portées par trois évêques et deux prêtres.

Mais ils étaient à peine sortis que, coup sur coup, arrivèrent deux nouvelles sommations à comparaître, tant les ennemis de Chrysostôme avaient soif de le tenir entre leurs mains. La première était apportée par un notaire impérial, et la seconde par deux prêtres indignes de l’église de Constantinople. Chrysostôme refusa encore en donnant les mêmes raisons, et envoya trois évêques porter sa réponse. En l’entendant, l’assemblée des évêques fut saisie de fureur, et la chambre du concile présenta l’aspect d’une caverne d’assassins plutôt que de serviteurs de Christ. Ils se jetèrent sur les envoyés de Chrysostôme, les injuriant, déchirant leurs vêtements et les frappant avec violence. L’un d’eux fut attaché par le cou avec la chaîne que l’on avait préparée pour Chrysostôme, puis traîné hors de l’église, jeté dans une barque et abandonné à la dérive dans le courant du détroit !

Par deux fois encore, Chrysostôme fut sommé de comparaître. Sur son refus et pour forcer l’empereur d’intervenir, on dressa une liste d’accusations plus graves. Mais rien de tout cela n’ayant abouti, le concile procéda à l’audition des témoins, puis à la déposition de Chrysostôme. Quant au crime de lèse-majesté, le concile ne pouvait rien ordonner et laissait à l’empereur de prononcer de ce fait le bannissement du coupable. Arcadius ratifia la décision du concile.

Quand la sentence fut connue à Constantinople, la ville fut remplie du plus grand trouble. Le peuple se rassembla autour de la basilique et de la demeure de son évêque, afin de le protéger. On faisait dans les rues des processions, où des prières et des supplications étaient adressées à Dieu pour la vie de Chrysostôme. Tous demandaient hautement un concile général qui jugerait des faits. D’un autre côté, malgré les sollicitations des ennemis de l’évêque, l’empereur ne voulait pas user de violence pour le faire partir, car un mot ou un signe de l’évêque aurait suffi pour soulever le peuple. Mais Chrysostôme, au contraire, l’exhortait à la résignation et à la patience. « Gloire soit à Dieu pour toute chose », avait-il coutume de dire.

Cependant, le second jour après la déposition de Chrysostôme, Sévérien eut l’audace de monter en chaire dans une église et, dans son discours, de dire que c’était l’orgueil qui avait perdu Chrysostôme, et que cela seul suffisait pour justifier sa condamnation. À l’ouïe de ces paroles, l’auditoire indigné se souleva avec une telle violence que le lâche Sévérien ne s’échappa qu’à grand-peine. Chrysostôme ayant appris ce qui s’était passé, se rendit dans la basilique et fit au peuple un discours dont voici quelques paroles : « Une furieuse tempête nous assaille ; mais que craindrions-nous ? Nous sommes fondés sur le roc. Que les flots s’enflent, le navire de Jésus ne sombrera pas. Qu’ai-je à craindre, je vous prie ? La mort ? Mais Christ est ma vie, et la mort m’est un gain. L’exil ? Mais la terre entière est au Seigneur. La confiscation des biens ? Mais je n’ai rien apporté dans ce monde, et je n’en emporterai rien ». Nous trouvons là, n’est-ce pas, des sentiments qui convenaient bien à un chrétien. Il en est de même des paroles qui suivent, et par lesquelles l’évêque exprime son désir de rester avec son troupeau pour le bien spirituel de celui-ci. Mais il eût été préférable qu’il s’abstînt de certaines paroles. Après avoir dit ce qui était vrai : « Savez-vous, frères bien-aimés, pourquoi l’on veut me perdre ? C’est que je ne fais point tendre devant moi de riches tapis, que je n’ai pas voulu porter des vêtements d’or et de soie, et que je ne fais point de festins pour satisfaire la gourmandise de certaines gens », il ajouta : « Il reste de la postérité de Jézabel, mais la grâce combat encore avec Élie. Hérodias danse encore en demandant la tête de Jean, et on la lui donnera, parce qu’elle danse ». Il désignait ainsi l’impératrice. C’était aller trop loin et manquer au respect dû aux puissances établies. La parole de Dieu dit : « Rendez à tous ce qui leur est dû… à qui l’honneur, l’honneur » (Romains 13:7).

Ce discours fut sans doute rapporté à Eudoxie, car, le lendemain, un comte impérial vint ordonner à Chrysostôme de quitter la ville sur-le-champ. « Un navire est prêt », lui dit-il, « et j’ai ordre de te faire enlever par des soldats, si tu résistes ». L’évêque répondit : « Me voici, conduisez-moi où vous voudrez » ; mais il savait que le peuple voudrait le défendre s’il s’apercevait qu’on l’emmenait, et qu’il y aurait une terrible effusion de sang. Aussi, accompagné d’un garde, il sortit par une porte dérobée, et se cacha jusqu’au soir dans une maison voisine. La nuit venue, lui et son gardien se mirent en route pour le port. Mais il fut reconnu par quelques personnes, et le bruit se répandit qu’on l’enlevait. Aussitôt une foule accourut pour s’opposer à son départ ; mais lui avec autorité, leur dit : « Laissez-moi partir ; je dois obéir à l’empereur, et je ne veux pas qu’une goutte de sang de mon peuple soit versée pour moi ». Il s’embarqua, et le navire le conduisit à Hiéron, à l’entrée de la mer Noire. Mais cet endroit était très rapproché de Chalcédoine où ses ennemis se trouvaient encore. Craignant une embûche de leur part pour s’emparer de sa personne, il loua une barque avant que le jour fût levé, et se fit conduire plus loin, à la petite ville de Prénète. Dans le voisinage, se trouvait une villa dont il connaissait le maître, et il s’y réfugia.

Cependant, à Constantinople, la foule et les amis de Chrysostôme, courant aux églises et remplissant toutes les places, les portiques, et jusqu’aux portes du palais impérial, faisaient retentir l’air de leurs prières et du cri : « Qu’on rassemble un concile général ! » D’un autre côté, Théophile, fier de sa victoire, déposait les prêtres attachés à Chrysostôme et en nommait d’autres de son parti. Mais lorsqu’ils voulurent prendre possession chacun de son église, le peuple s’y opposa. Théophile, ayant voulu pénétrer dans la basilique, fut repoussé. Les grossiers Égyptiens de son escorte tirèrent leurs armes ; le peuple résista énergiquement. Le baptistère et l’église furent inondés de sang et remplis de cadavres. Les soldats arrivèrent, non pour mettre fin à la lutte, mais pour soutenir le parti de Théophile, et bientôt, non seulement la basilique, mais chaque église devint un lieu de carnage.

Tel fut le triste spectacle donné par la passion, l’ambition et la haine d’un évêque soi-disant chrétien. Quelle triste chose, et où en étaient venus les serviteurs de l’Église de Celui qui était doux et humble de cœur ! Mais il semble que Dieu n’ait pas voulu laisser sans avertissement ceux qui profanaient ainsi son nom et celui de son Fils. Dans la nuit, soudainement, un tremblement de terre ébranla la ville, et surtout le centre, les quartiers opulents, et particulièrement celui où se trouvait le palais impérial. Dans la chambre de l’impératrice, le lit, violemment soulevé fut projeté sur le pavé. Saisie de terreur, Eudoxie, pâle et les cheveux épars, se précipita dans la chambre de l’empereur, et se jetant à genoux, le supplia de rappeler sans retard Chrysostôme pour détourner la colère du ciel. « L’homme qu’on nous a fait bannir est un juste », dit-elle, « et Dieu se charge de le venger ». Dès que l’empereur lui eut accordé sa demande, elle se hâta d’écrire à Chrysostôme, et envoya courrier sur courrier pour précipiter son retour. On eut de la peine à le trouver, mais enfin le lieu de sa retraite ayant été découvert, on le pressa de partir. Il hésitait, craignant quelque embûche, mais l’arrivée d’un officier de l’impératrice qu’il savait lui être attaché, dissipa ses craintes, et il s’embarqua.

C’était la nuit, et en approchant de Constantinople, Chrysostôme vit la mer couverte de barques portant des milliers de torches, et d’autres milliers encore qui garnissaient le rivage. C’était le peuple accouru pour souhaiter la bienvenue à son évêque. Celui-ci hésitait à entrer dans la ville avant qu’un concile général l’eût absous. L’impératrice insistait pour qu’il revînt, et enfin le peuple l’alla chercher et l’amena malgré sa résistance à la basilique. Là on l’obligea de s’asseoir sur le siège épiscopal, et la foule prosternée lui demanda sa bénédiction. Il la donna, puis du haut de la chaire, il prononça des paroles de bienveillance à l’égard de l’impératrice à qui il disait devoir son retour. La paix sembla encore une fois rétablie entre Chrysostôme et l’impératrice. L’évêque avait repris sa place, et son premier soin avait été d’épurer son clergé en remplaçant les prêtres qu’avait établis Théophile. Mais cette paix n’avait point de fondements solides. Deux mois à peine s’étaient écoulés que de nouveau la guerre avait éclaté. L’orgueil de l’impératrice Eudoxie en fit naître l’occasion.

Bien qu’Eudoxie gouvernât en réalité l’empire par l’ascendant qu’elle avait pris sur Arcadius, elle aspirait à de plus grands honneurs. Elle voulait un rang égal à celui de son mari et le titre d’Augusta. Comme telle, des statues devaient lui être dressées et présentées à l’adoration du peuple. C’était une coutume des païens que les empereurs avaient conservée en vue d’augmenter leur prestige vis-à-vis du peuple. C’était une forme d’idolâtrie que la parole de Dieu n’autorise pas, bien qu’elle commande le respect et la soumission envers les autorités établies. Un ange lui-même ne permettait pas à Jean de lui rendre hommage : « Rends hommage à Dieu », lui disait-il (Romains 13:1-7 ; Apocalypse 22:8-9). Arcadius céda à la demande d’Eudoxie, et le sénat de Constantinople le ratifia par son vote.

Eudoxie fit donc ériger, sur une grande place, en face de la basilique de Sainte Sophie, une colonne de porphyre, sur laquelle fut placée sa statue en argent. L’inauguration en fut accompagnée, selon l’usage, de toutes sortes de réjouissances publiques, danses, représentations théâtrales, divertissements bruyants et licencieux, comme au temps du paganisme.

Chrysostôme avait toujours eu en horreur les spectacles. Il les considérait comme des inventions de Satan pour pervertir les âmes, et il avait raison. Rien n’est plus propre à détourner le cœur de Christ et des choses saintes, et à remplir les pensées et l’imagination de vanité et souvent d’impureté. Là se trouvent satisfaites la convoitise de la chair et la convoitise des yeux, contre lesquelles les jeunes gens sont mis en garde (1 Jean 2:15-17). Pour Chrysostôme, voir ces choses se produire devant la basilique ou se rassemblaient les fidèles, entendre les cris et les applaudissements du dehors venant troubler le chant des cantiques et les instructions qu’il donnait à son troupeau, c’était une chose intolérable. Il s’en plaignit au préfet de la ville qui lui répondit que c’était la coutume, mais qu’il en référerait à l’impératrice. Cependant le lendemain, il sembla à Chrysostôme que le bruit avait redoublé. Cédant à son caractère impétueux, il monta en chaire, et dans son discours s’éleva avec force contre ces jeux profanes, contre ceux qui y prenaient part, contre les autorités qui les toléraient, et même contre celle en l’honneur de qui on les donnait. Il fit même encore allusion, dit-on, à Hérodias demandant la tête de Jean. Il montrait sans doute ainsi un grand zèle pour les choses saintes, mais, comme nous l’avons dit, il devait s’abstenir de parler contre les autorités ; ce n’était pas selon Dieu.

Ses ennemis, évêques et courtisans, saisirent cette occasion pour exciter contre lui l’impératrice. Celle-ci, irritée, demanda satisfaction à l’empereur. Mais comment faire condamner Chrysostôme ? Les évêques de la cour en suggérèrent le moyen. Chrysostôme avait souvent insisté pour qu’un concile général fût convoqué afin de l’absoudre de toutes les accusations portées contre lui au synode du Chêne. On rappela cette demande, et l’on pressa l’empereur de convoquer ce concile, où les évêques se faisaient forts d’obtenir la condamnation de Chrysostôme. C’est ainsi que leur haine poursuivait un homme dont au fond le seul crime était de chercher à faire mener une vie chrétienne à ceux qui se disaient chrétiens. Sa conduite austère condamnait leur amour du luxe, des richesses et de la faveur des grands, et ils ne le lui pardonnaient pas.

Le concile se réunit au commencement de l’année 404. Sur une centaine d’évêques présents, quarante seulement étaient favorables à Chrysostôme. Théophile d’Alexandrie avait été sollicité de venir présider le concile. Il refusa par crainte du peuple de Constantinople, à la colère duquel il n’avait échappé autrefois qu’à grand-peine. Mais il fournit par écrit l’arme perfide qui devait perdre Chrysostôme. Il rappela qu’il y avait un canon d’un concile tenu à Antioche en 344, portant que, si un évêque déposé par un concile reprenait sa charge de sa propre autorité, sans avoir été absous par un autre concile de la condamnation prononcée contre lui, il serait excommunié. Or, disaient les ennemis de Chrysostôme, il a été condamné par le concile du Chêne, il est remonté sur son siège épiscopal sans avoir été absous, de fait il est donc excommunié. À cela, les défenseurs de Chrysostôme répondirent qu’il n’était pas rentré de sa propre autorité, mais que, banni par l’empereur, il avait été rappelé par l’empereur ; que d’ailleurs le synode du Chêne ne pouvait être considéré comme un concile, puisqu’il n’était composé que de ses adversaires déclarés, les autres évêques étant restés avec lui ; et qu’enfin les canons du concile d’Antioche ne pouvaient être invoqués, puisque c’était un concile arien convoqué pour condamner Athanase, le défenseur de la vraie foi.

Les discussions se prolongeaient, et la fête de Pâques approchait. C’était une des grandes solennités religieuses, et l’empereur indécis se demandait ce qu’il aurait à faire. Chrysostôme était-il encore évêque ou non ? Pouvait-il communier avec lui ? Poussés par l’impératrice, les évêques ennemis de Chrysostôme se rendirent auprès de l’empereur et lui affirmèrent que la majorité du concile condamnait Chrysostôme, et qu’ainsi il était excommunié. Arcadius les crut et envoya un de ses officiers signifier à l’évêque qu’il eût à quitter sur-le-champ son église. Chrysostôme répondit avec calme et fermeté : « Je ne le puis. Dieu lui-même m’a confié cette Église pour prendre soin de son troupeau ; je ne l’abandonnerai pas. L’empereur peut me faire sortir de force ; la violence sera mon excuse devant Dieu ».

L’empereur recula devant la pensée d’employer la force. Il se contenta d’ordonner à Chrysostôme de demeurer comme prisonnier dans sa maison, et de ne point paraître dans la basilique. L’évêque se soumit d’abord, mais le samedi qui précédait le jour de Pâques approchant, il fut pris de remords. C’était le jour où les catéchumènes recevaient le baptême. Plus de 3000 devaient s’y présenter, et c’était l’évêque qui, après les avoir instruits durant toute l’année, présidait la cérémonie. Chrysostôme estimait que c’était son devoir devant Dieu de se trouver là, et, quel que fût le danger auquel il s’exposait, il résolut d’obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, dût-il y laisser sa vie.

Le samedi matin, il se rendit donc à la basilique. Ses gardiens n’osèrent le retenir, mais avertirent l’empereur. Celui-ci, ne sachant que faire, fit appeler les évêques Antiochus et Acacius, deux des adversaires déclarés de Chrysostôme, et leur dit : « Vous voyez le fruit de vos conseils ; que faut-il faire ? ». Tous deux dirent : « Chrysostôme n’est plus évêque ; il n’a pas le droit d’administrer le baptême ; nous prenons sa condamnation sur nos têtes ». L’empereur, rassuré par ces paroles et heureux de rejeter sur d’autres la responsabilité de ce qu’il allait faire, envoya des soldats avec ordre de reconduire de force Chrysostôme dans sa maison.

C’était le soir du samedi. Une grande foule remplissait la basilique. Les catéchumènes, dépouillés de leurs vêtements de dessus, descendaient avec ordre dans les piscines où ils étaient baptisés, lorsque tout à coup un grand bruit se fait entendre : des soldats, l’épée au poing, se précipitent dans la basilique, saisissent rudement Chrysostôme qu’ils entraînent vers sa demeure. Puis les uns, la plupart païens, courent vers le chœur et y commettent toutes sortes de profanations, tandis que les autres se dirigent vers les baptistères et les font évacuer à coups d’épées. Plusieurs des prêtres et des catéchumènes furent blessés, et, comme le dit un témoin oculaire : « Les eaux de la régénération furent souillées de sang humain ».

Les catéchumènes, chassés de la basilique, se réfugièrent avec les membres du clergé, prêtres, diacres et diaconesses, dans les Thermes de Constance, le plus spacieux des bains publics de la ville. Un grand nombre de personnes les y suivirent. On consacra les eaux des bains, et la cérémonie baptismale continua. En apprenant ce fait, les évêques irrités pressèrent un magistrat supérieur de chasser ces factieux qui, disaient-ils, osaient braver l’empereur. Le magistrat leur donna un de ses officiers nommé Lucius qui commandait une troupe composée en partie de rudes paysans thraces à moitié barbares, mais il défendit d’employer la violence. L’officier s’efforça de persuader à la foule de se séparer, mais il ne fut pas écouté. Il retourna au palais prendre de nouveaux ordres, et là, l’évêque Antiochus, après s’être raillé de lui, lui promit de l’avancement s’il exécutait, disait-il, les ordres de l’empereur. En même temps, il donna de l’argent aux soldats. Lucius, accompagné d’ecclésiastiques que lui avait donnés Antiochus, retourna aux Thermes. Il n’y fit plus de discours, mais donnant à ses soldats l’exemple de la violence, il s’élança dans la piscine, frappant, et les catéchumènes, et ceux qui administraient le baptême. Les soldats imitèrent leur chef, et de nouveau, de grandes violences furent commises. La foule fut dispersée et poursuivie à coups d’épée, et durant toute la semaine qui suivit Pâques, les persécutions continuèrent contre ceux qui restaient attachés à Chrysostôme, leur évêque légitime. Les prisons furent remplies de citoyens, de prêtres et de catéchumènes, qui le reconnaissaient comme tel. On leur donna le nom de « joannites », comme s’ils avaient formé une secte en dehors de l’Église. Pour eux, ils acceptaient avec joie les mauvais traitements, et faisaient retentir du chant des psaumes les prisons, devenues, dit un contemporain, les vraies églises de Dieu.

Quelles scènes étranges ! Jusqu’où était tombée l’Église de Christ !



Malgré les efforts des évêques amis de Chrysostôme, le concile prononça sa déposition et son excommunication, et deux mois après, ses ennemis arrachèrent à l’empereur l’ordre de son bannissement. Cette fois, ce fut sans retour. Après avoir prié avec eux, il prit congé des évêques qui lui étaient restés fidèles, et ensuite il dit adieu aux diaconesses de son église, femmes pieuses et dévouées qui lui étaient très attachées. « Je sens », leur dit-il, « que tout est fini ; ma course est achevée et vous ne verrez plus mon visage… Souvenez-vous de moi dans vos prières ». Il sortit secrètement de sa demeure pour éviter un soulèvement du peuple, se remit entre les mains des gardes, et gagna le port où il s’embarqua. Le navire l’eut bientôt emporté et déposé sur le rivage d’Asie.

Chose étrange, tandis qu’il s’éloignait ainsi de Constantinople, une tempête violente fondit sur la ville, et un incendie, allumé par on ne sait quelles mains, consuma la magnifique basilique de Sainte Sophie et la Curie ou palais du Sénat. Le feu menaça même la demeure de l’empereur.

Chrysostôme ignorait quel serait le lieu de son exil. Il l’apprit à Nicée. On l’envoyait à Cucuse, petite ville pauvre, sans ressources, perdue au fond d’une vallée sauvage du Taurus, exposée en été à des chaleurs brûlantes et aux froids les plus rigoureux en hiver, et de plus menacée souvent par les incursions de bandes de brigands. Quelque pénible que fût cette perspective pour un vieillard faible et souffrant, Chrysostôme l’accepta avec résignation. « Ne vous tourmentez pas », écrivait-il à Olympias, une de ses diaconesses, « de ce que vous n’avez pu obtenir pour moi la résidence que je désirais ; je suis résigné à celle-ci. Gloire à Dieu en toutes choses ! Je ne cesserai de le dire, quoi qu’il advienne ».

Ce fut un long et pénible voyage pour Chrysostôme, à travers un pays inculte et pauvre, sous un soleil torride, sans un ombrage ni un souffle d’air. Aussi arriva-t-il exténué à Césarée en Cappadoce. Il aurait aimé à s’y arrêter pour se reposer, mais la malveillance de l’évêque de cette ville et la haine de moines fanatiques et brutaux le forcèrent à partir.

Enfin, soixante-dix jours après avoir quitté Constantinople, il arriva à Cucuse. Là, il fut bien accueilli par l’évêque et par le gouverneur de la ville, et un riche habitant de l’endroit mit à sa disposition sa maison. Il passa environ trois ans dans cette ville. Si le reste de l’année le climat était supportable, les hivers y étaient des plus rudes, et le pauvre vieil évêque fut obligé de rester renfermé dans sa chambre, et même de ne pas quitter son lit, pour éviter le froid qui pénétrait partout. Chrysostôme cependant ne demeurait pas inactif dans son exil. Il écrivait à ses amis pour les encourager et les conseiller. Il excitait le zèle des chrétiens à extirper les restes du paganisme en Phénicie, et s’occupait à faire pénétrer le christianisme chez les Visigoths et en Perse. En même temps, il employait l’argent qu’il recevait à des œuvres de bienfaisance et à soulager les besoins de ceux qui l’entouraient.

Mais cette activité, l’influence qu’il exerçait toujours bien qu’exilé, le respect dont il était entouré, l’affluence des visiteurs qui venaient consoler sa solitude, tout cela ravivait la haine des ennemis du pieux évêque. L’impératrice Eudoxie n’était plus, il est vrai ; une maladie cruelle l’avait emportée trois mois et demi après le départ de Chrysostôme. Mais les évêques, acharnés dans leur haine contre lui, obtinrent de l’empereur qu’il fut transféré d’abord à Arabissus, lieu plus froid, plus désolé, et surtout plus isolé que Cucuse, et cela ne leur suffisant pas encore, ils parvinrent à le faire exiler si loin que sa voix ne pourrait plus se faire entendre. Ils espéraient aussi abréger ainsi sa vie. On choisit pour cela le pire endroit de l’empire, la petite ville de Pithyonte, au pied du Caucase.

Les ordres les plus rigoureux furent donnés pour le voyage qui devait se faire à pied, le plus rapidement possible, sans égards pour la faiblesse et l’état maladif du vieillard. On devait éviter les villes et les endroits où l’exilé aurait pu trouver quelque soulagement ou être l’objet de quelque intérêt. Afin d’assurer l’exécution de ces ordres barbares, on avait choisi pour chefs de l’escorte du prisonnier deux officiers que l’on savait rudes et brutaux, leur promettant de l’avancement s’ils s’acquittaient bien de leur tâche, et leur assurant cette récompense même si l’exilé mourait en route.

Le voyage commença donc. Le chemin à suivre était des plus pénibles. Sans pitié pour le vieillard, ses gardes le faisaient marcher la plupart du temps à pied, souvent sous des pluies torrentielles, ou, ce qui était un supplice bien plus douloureux, nu-tête (et Chrysostôme était chauve) sous les rayons d’un ardent soleil ; car c’était en été. Après trois mois de cette marche pénible, on n’était arrivé qu’à Comane, au tiers de la distance à parcourir. C’était une grande ville bien approvisionnée, où Chrysostôme aurait pu trouver quelque repos. Mais bien qu’il se traînât à peine, les gardes impitoyables, accomplissant les ordres reçus, le forcèrent à poursuivre sa route, et ne s’arrêtèrent qu’à cinq ou six milles de la ville, près d’une petite chapelle érigée sur la tombe du martyr Basilisque qui, au IIIe siècle, avait souffert pour la foi. Là on devait passer la nuit. Chrysostôme, entièrement épuisé, fut transporté et déposé dans une salle attenante à la chapelle. On raconte que, pendant son sommeil, l’exilé songea qu’il voyait le martyr se tenant debout à son côté et lui disant : « Aie bon courage, Jean, mon frère, demain nous serons ensemble ». Le prêtre qui desservait la chapelle, avait, dit-on, vu aussi en vision le martyr qui lui disait : « Prépare une place pour notre frère Jean ».

Quoi qu’il en soit, le matin venu, l’escorte se prépara à partir. Le prêtre, voyant l’extrême faiblesse du prisonnier, essaya, mais sans succès, de les retenir quelques heures. Les officiers, au contraire, hâtèrent le départ. Ils n’avaient pas fait plus de trente stades (environ cinq kilomètres) que Chrysostôme fut atteint d’un violent accès de fièvre. Craignant qu’il ne mourût sur la route, on le ramena à la chapelle. Le vieillard sentant sa fin approcher, se fit revêtir de vêtements entièrement blancs, prit la cène des mains du prêtre, pria avec ferveur et termina sa prière par ses paroles favorites : « Gloire soit à Dieu pour toutes choses ! Amen ». Puis s’étendant sur la dalle, il s’endormit. « Son âme », dit celui qui raconte ces scènes, « avait secoué la poussière de cette vie mortelle ». Un sépulcre neuf se trouvait dans le voisinage de la chapelle ; c’est là que son corps fut déposé. Il était âgé de soixante ans, avait été évêque dix ans, mais en avait passé plus de trois en exil.

Trente ans plus tard, l’empereur Théodose II, fils d’Arcadius, afin de satisfaire au vœu du peuple, fit transporter à Constantinople les restes de Chrysostôme, et ils furent déposés dans l’église des saints apôtres où étaient les tombeaux des empereurs. Théodose et sa sœur Pulchérie implorèrent le pardon du ciel pour les maux que leurs parents avaient infligés à ce saint évêque.

Telle fut la fin de cet homme remarquable. Nous avons retracé son histoire dans le but de montrer dans quel triste état l’Église était déjà tombée, surtout dans la personne de ceux qui auraient dû être les modèles du troupeau ; pour faire voir aussi que Dieu avait cependant des serviteurs fidèles au milieu de la corruption croissante, comme cela a eu lieu de tout temps ; et enfin, pour nous rappeler que ceux qui veulent vivre selon la piété seront persécutés.

Chrysostôme jugeait sévèrement le mal moral qui régnait dans l’Église, tant chez le clergé que chez les grands et les riches. Il mettait au jour leur folie et leurs péchés, les exhortant à y renoncer. Un des traits de son caractère était son amour pour les Saintes Écritures, amour qui, sans doute, lui avait été inspiré par sa pieuse mère. Il les cite continuellement dans ses écrits et exhortait constamment son troupeau à les lire. Il n’admettait pour excuser la négligence de ce devoir, ni les affaires, ni les occupations de famille. « C’est un livre clair », disait-il, « chacun peut le comprendre, même les artisans, les esclaves et les femmes. Le lecteur attentif et sérieux en tirera profit, quand même il n’aurait personne pour le lui expliquer. Il ne servirait à rien de l’avoir seulement dans ses mains ou d’en suspendre des passages autour de son cou, il faut les posséder dans son cœur ». Dans ces jours où l’on n’avait encore que des manuscrits, peu de personnes pouvaient acheter même un Nouveau Testament en entier. Chrysostôme les exhortait à en acheter des portions selon leurs moyens.

Il prêchait l’amour de Dieu, la divinité de Christ et l’expiation par sa mort, la personnalité et l’œuvre du Saint Esprit dans l’âme, la nécessité de la sainteté, la marche par la foi et le bonheur éternel qui attend les fidèles. Mais il n’annonçait pas un évangile plein et gratuit, et sa prédication était mêlée de philosophie et d’éléments étrangers à l’Écriture. Il attribuait pour le salut une valeur très grande aux règles et aux ordonnances de l’Église. Le baptême d’eau était pour lui le moyen de la régénération et la cène l’autel du sacrifice. Il exhortait ses auditeurs à y prendre part « comme à un mystère par lequel le mal est banni, Satan chassé, et qui ouvre la porte du ciel ». Déjà s’étaient introduites et s’introduisaient chaque jour davantage les choses qui constituent le fatal système d’erreurs du romanisme.


Quelques hommes remarquables de l’Église d’Orient


À peu près à la même époque que Chrysostôme, c’est-à-dire dans la seconde moitié du 4° siècle et au commencement du 5°, il y eut dans l’Église d’autres hommes qui s’efforcèrent d’être fidèles à Dieu et à la vérité chrétienne dans la mesure de leur connaissance. Ils participèrent, il est vrai, à bien des coutumes erronées introduites dans l’Église par la tradition ; mais ils combattirent avec énergie le mal moral qui s’étendait toujours plus parmi les chrétiens, surtout dans les hautes classes de la société ; ils défendirent avec courage la vérité relative à la Personne adorable du Fils de Dieu, attaquée alors par diverses hérésies ; ils furent les consolateurs des pauvres et des affligés dans ces temps calamiteux où l’empire romain était près de succomber sous les attaques des Barbares ; ils se montrèrent pleins de charité, de dévouement et de renoncement pour soulager des misères de toutes sortes. Parfois même, leur parole pleine d’autorité arrêta la fureur des chefs barbares, comme nous l’avons vu dans la vie de Chrysostôme.

Parmi les hommes remarquables de l’Église d’Orient, il faut mentionner Grégoire de Naziance, ainsi nommé d’après la ville où il naquit. De même qu’autrefois Anne l’avait fait de Samuel, Nonna, la pieuse mère de Grégoire, l’avait donné au Seigneur dès sa naissance. Elle l’éleva en conséquence dans sa connaissance et dans sa crainte. Il étudia ensuite dans diverses écoles célèbres, entre autres à Athènes, et ensuite il passa quelques années dans la solitude avec son ami et compatriote Basile qu’il avait rencontré à Athènes. Il est à remarquer que la plupart de ces hommes qui eurent une grande influence dans l’Église, commencèrent toujours leur ministère par une retraite plus ou moins longue où ils s’occupaient à l’étude des Écritures et à la prière. Jusque-là, c’était bien ; si Dieu voulait ensuite les employer, ils étaient préparés. Mais où quelques-uns faisaient fausse route, c’était en se livrant à des austérités sans fin pour chercher à dompter la chair. Ils n’atteignaient pas ainsi le but qu’ils se proposaient. Mais quant à se retirer dans la solitude pour s’occuper des choses de Dieu, nous ne pouvons entièrement les blâmer. Nous voyons Moïse passer quarante années loin de l’Égypte, gardant les troupeaux de son beau-père Jéthro, et là, préparé par Dieu dans la solitude pour l’œuvre qu’il aurait à accomplir. Paul aussi, après sa conversion, alla passer un certain temps en Arabie dans la retraite (Galates 1:17), et il nous est dit de Jean le Baptiseur, qu’il fut dans les déserts jusqu’au jour de sa manifestation à Israël (Luc 1:80).

Grégoire quitta son ami et sa solitude. Rentré dans la maison paternelle, son père, qui était évêque de Naziance, l’ordonna prêtre, malgré sa résistance. Il devint ensuite évêque dans une ville de Cappadoce, où il resta quelque temps, puis, de même que Chrysostôme plus tard, il fut tout à coup appelé à Constantinople pour y paître le petit troupeau de ceux qui étaient restés fidèles à la vérité touchant le Fils de Dieu, et qui étaient persécutés par les Ariens. Ceux-ci étaient soutenus par l’empereur Valens. La tâche de Grégoire était donc difficile. Cependant ses efforts et son zèle ramenèrent à la vraie foi plusieurs de ceux qui y avaient été opposés. Théodose étant parvenu à l’empire, soutint la cause des catholiques ou orthodoxes (on nommait ainsi ceux qui n’étaient pas Ariens), et Grégoire fut solennellement établi évêque de Constantinople. Il est triste à dire que ce ne fut pas sans l’emploi de moyens violents, mais qui n’étaient pas le fait de l’évêque. Celui-ci vit bientôt combien il était difficile de remplir fidèlement les devoirs de sa charge dans cette grande ville mondaine. Il fit des expériences analogues à celles de Chrysostôme plus tard. Les évêques égyptiens l’attaquèrent, l’empereur l’abandonna, ceux dont il dénonçait la vie mondaine devinrent ses ennemis, et, fatigué de luttes inutiles, il se démit de sa charge d’évêque. Quelques lignes de son adieu à son clergé nous font voir quelles étaient les mœurs de ces soi-disant chrétiens de Constantinople : « J’ignorais », dit Grégoire, « que je dusse rivaliser de luxe avec les principaux officiers du palais, avec les généraux de l’empire qui ne savent comment dépenser leurs revenus. Je ne savais pas qu’il me fallût dissiper avec eux les biens qui sont la propriété des pauvres. J’ignorais que je dusse paraître dans les rues monté sur un char magnifique, traîné par des chevaux de prix, et entouré d’une troupe de flatteurs, afin que les passants, avertis au loin de mon approche, eussent le temps de s’écarter de moi, comme on le fait d’une bête sauvage. Si j’ai eu tort, excusez-moi. Rendez-moi à ma solitude, à Dieu qui me pardonnera mes manières simples et rustiques. Remplacez-moi par un homme qui saura plaire à la multitude ».

Ces paroles sont fortes, sans doute ; mais dans leur ironie, elles montrent où en étaient arrivés l’amour des richesses, le luxe, la pompe et l’ambition, chez les conducteurs de l’Église auxquels Grégoire ne voulait pas ressembler.

Il retourna dans son pays et y vécut dans la solitude, occupant son temps à la composition de nombreux ouvrages. C’est aussi lui qui disait à propos des conciles qui se tinrent en son temps, de l’an 379 à l’an 389: « Pour dire vrai, voici ma résolution. C’est d’éviter tous les conciles d’évêques, car je n’ai jamais vu qu’il sortît aucun bien d’un synode quelconque. Leur amour des disputes et leur désir du pouvoir sont si grands, que des paroles ne peuvent l’exprimer ». Triste témoignage ! Si tels étaient les conducteurs en général, que pouvaient être les troupeaux confiés à leurs soins ?

Nous avons mentionné Basile, l’ami de Grégoire de Naziance. Lui aussi fut un évêque qui se dévoua avec un grand zèle à l’instruction chrétienne du peuple qui lui était confié. À l’âge de 28 ans, il se retira du monde et fonda un monastère dans la province du Pont. La règle de vie et de conduite qu’il donna aux moines réunis sous son autorité fut jugée si excellente, qu’elle fut adoptée dans presque tous les monastères de l’Orient. Si nous nous étonnons d’entendre si souvent parler de moines et de monastères, c’est que, tout en partant de pensées souvent erronées, la vie monastique était pour beaucoup d’âmes, dans ces temps profondément troublés, un refuge loin d’un monde où le mal allait grandissant. Il y avait déjà, sans doute, des abus qui ne firent qu’augmenter dans le Moyen Âge ; des moines grossiers et ignorants servirent souvent d’instruments à des évêques ambitieux et turbulents pour persécuter leurs adversaires. Mais dans les derniers jours de l’empire romain, quand les hordes cruelles des Barbares portaient partout la dévastation, beaucoup de monastères furent des asiles pour la piété et le malheur. Les pauvres y étaient soulagés, les orphelins recueillis, les affligés consolés. Moines et religieuses déployaient une charité et un dévouement à toute épreuve. C’est aussi, comme nous le verrons, de certains monastères que sortirent des missionnaires intrépides et infatigables qui portèrent le christianisme — plus ou moins purement enseigné, il est vrai — aux nations barbares. Dans les couvents se conservaient aussi les connaissances que tendait à étouffer le flot de la barbarie. C’est là que fut préservé le saint trésor des Écritures. Des copies en étaient faites sans relâche, qui assurèrent leur transmission de siècle en siècle. Les moines s’établissaient souvent dans des endroits incultes ou dévastés par les invasions, les défrichaient et y appelaient des populations chassées par les barbares. Au milieu des calamités sans nom qui fondirent alors sur le monde, Dieu se servait de ces hommes et de ces femmes humbles et dévoués, pour soulager la misère des peuples. Il n’y avait pas chez la grande majorité des moines ou religieuses beaucoup de la connaissance que nous possédons, mais ils avaient compris quelque chose de l’amour chrétien, qui consiste à se sacrifier pour les autres (1 Jean 3:16), comme Christ l’a fait en donnant sa vie pour nous. Et nous aurions grand besoin de réaliser cet amour-là plus que nous ne le faisons.

Pour revenir à Basile, il fut tiré de sa retraite et appelé à être évêque de Césarée en Cappadoce. Là, comme nous l’avons dit, il consacra sa vie à instruire son troupeau par sa prédication et de nombreux écrits, et fut aussi un courageux défenseur de la divinité éternelle de Christ contre l’empereur Valens et les évêques ariens.

Nous ne citerons plus qu’un seul des évêques renommés de l’Église d’Orient. C’est Eusèbe, évêque de Césarée en Palestine, l’ami de l’empereur Constantin, et plus distingué par son grand savoir que par la pureté de sa foi. Il penchait vers l’arianisme, et, au concile de Nicée, avait pris, avec quelques autres évêques, une position entre les Ariens et ceux qui maintenaient la vraie foi, selon les Écritures. Mais Eusèbe est resté célèbre par son histoire de l’Église qui exigea de sa part de très grands travaux, et qui renferme beaucoup d’enseignements précieux. Elle va de la naissance de Jésus Christ jusqu’à l’an 324, et fut plus tard continuée par d’autres auteurs.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016 - 20:42

Quelques hommes remarquables de l’Église d’Occident


Nous laisserons, pour le moment, l’Église d’Orient toujours agitée par de nouvelles hérésies, et nous nous transporterons en Occident pour y faire connaissance avec quelques-uns des hommes qui se distinguèrent par leur foi et leur dévouement dans la charge qui leur était confiée. Comme ceux d’Orient, tous connaissaient bien les Écritures, et ils les aimaient comme étant la parole de Dieu. Mais alors, dira-t-on, comment se fait-il qu’ils aient pu accepter tant de vaines cérémonies introduites dans le culte chrétien et dont l’Écriture ne parle point ? Comment ont-ils obscurci la saine et simple doctrine du salut par tant de choses qui attribuent à l’homme une part dans cette œuvre de pure grâce ? Ils justifiaient les cérémonies par l’usage établi et par la nécessité de frapper l’esprit des simples par des moyens extérieurs ; et ils mêlaient, comme l’homme est si porté à le faire, leurs pensées et leurs raisonnements aux enseignements de la Parole, au lieu de l’interpréter simplement. En cela ils avaient tort. Mais en fait ils retenaient cette parole comme étant celle de Dieu, de même qu’ils tenaient ferme le nom du Seigneur, comme étant le Fils unique et éternel de Dieu (Apocalypse 2:13).

Nous avons vu l’histoire d’Ambroise, le fidèle et courageux évêque de Milan. Les autres, dont nous allons parler, sont Hilaire de Poitiers, en France ; Jérôme, né en Dalmatie, et Augustin, originaire de l’Afrique septentrionale. C’est de ce dernier que nous nous occuperons plus spécialement, d’abord parce que lui-même a raconté sa conversion dans un livre célèbre qu’il a appelé ses « Confessions », ensuite à cause de la grande influence que Dieu lui donna d’exercer, et du zèle avec lequel, en combattant des erreurs qui détruisaient l’Évangile, il établit de précieuses vérités scripturaires. Le grand réformateur Luther dut beaucoup à ses écrits.


Hilaire de Poitiers

Hilaire, qui devint évêque de Poitiers dans les Gaules, était né dans cette ville, de parents nobles, encore attachés au paganisme. Comme tous les jeunes gens de sa condition, il étudia les lettres dans les écoles publiques. Puis il se maria, et vécut en profitant des plaisirs du monde et en continuant à étudier. Dieu lui avait mis au cœur le désir de connaître la vérité, et il chercha dans son intelligence naturelle le moyen d’y arriver. Il voyait bien que le bonheur ne se trouve pas dans la satisfaction des passions et des convoitises, ni dans aucune jouissance des sens. Dieu lui avait fait découvrir que cela est indigne d’une âme immortelle, car il avait aussi conclu que l’homme ne finissait pas à la mort. En même temps, sa conscience lui faisait voir que l’homme doit ici-bas marcher dans la droiture et la justice (Romains 2:14-15). « Il faut », disait-il, « garder sa conscience pure de toute faute ». Dieu l’avait conduit encore plus loin. Il ne pouvait penser, comme Paul le disait aux Athéniens, que la divinité fût « semblable à de l’or, ou à de l’argent, ou à de la pierre, à une œuvre sculptée de l’art et de l’imagination de l’homme » (Actes 17:29). Il ne voyait aussi dans les astres, objets de l’adoration des hommes, que des choses créées et non le Créateur, et il avait été conduit à reconnaître l’existence d’un Dieu tout puissant et éternel, auteur de toutes choses, et qui n’est pas indifférent à ce qui concerne l’homme. Tel était le degré de connaissance auquel Dieu avait amené Hilaire. Et Dieu conduirait aux mêmes conclusions tout homme droit de cœur. En effet, l’apôtre, au 1er chapitre des Romains, dit que les hommes sont inexcusables de n’avoir pas reconnu Dieu dans ses œuvres et de s’être livrés à l’idolâtrie, parce que « sa puissance éternelle et sa divinité se discernent par le moyen de l’intelligence, par les choses qui sont faites ». Il n’y a que l’insensé qui dise en son cœur : « Il n’y a point de Dieu » (Psaume 14:1).

Mais est-il suffisant d’avoir reconnu l’existence nécessaire d’un Dieu éternel et tout-puissant ? Non, assurément. Hilaire ne trouvait pas dans cette connaissance de quoi satisfaire son âme. Savoir que quelqu’un existe, n’est pas savoir ce qu’il est, et c’est ce dont nous avons besoin à l’égard de Dieu. Mais comment savoir ce qu’est Dieu ? Nous ne pouvons y arriver que si Dieu se révèle lui-même et nous le dit. Croyez-vous que toute la science des Égyptiens que possédait Moïse, eût pu lui faire connaître ce qu’est Dieu pour qu’ensuite il l’apprît aux Israélites et puis à nous ? Jamais. Mais quand Moïse est dans le désert, l’Éternel l’appelle du sein du buisson ardent, et lui révèle qu’il est le Dieu d’Abraham, et d’Isaac, et de Jacob, le Dieu Fort tout-puissant, et que son nom est l’Éternel, le Dieu immuable qui ne peut changer. Mais cela ne dit pas encore tout. Moïse demande à Dieu : « Que dirai-je aux Israélites quand ils me diront : Quel est le nom du Dieu qui t’envoie vers nous ? ». Et Dieu répond : « Je suis celui qui suis » (Exode 3:14) ; c’est-à-dire celui qui possède en lui-même l’existence et tout ce qui rattache à l’Être, l’infinité, l’éternité, la toute-puissance, la béatitude. C’est trop grand et trop profond pour que nous puissions le sonder, mais c’est le nom essentiel de Dieu.

Eh bien, ce qu’Hilaire n’aurait pas pu connaître par son intelligence et ses raisonnements, Dieu le lui révéla en le conduisant à lire l’Ancien Testament. Il y trouva ce témoignage que Dieu se rend à Lui-même : « Je suis celui qui suis » ; il apprit à connaître non seulement qu’il y a un Dieu créateur, mais ce qu’il est.

Cela suffit-il à l’âme ? Tous ses besoins sont-ils ainsi satisfaits ? Non, car maintenant vient la question : « Comment approcherai-je d’un Dieu saint et juste, moi pécheur ? ». Hilaire ne se contenta pas de lire l’Ancien Testament, il étudia aussi le Nouveau, et Dieu l’amena ainsi à la connaissance de Jésus Christ par qui nos péchés sont effacés, par qui nous pouvons approcher de Dieu, car il est le Médiateur entre Dieu et les hommes, et s’est donné en rançon pour tous (1 Timothée 2:5-6). Et en même temps il apprit que le Christ n’était pas une simple créature, comme les Ariens le prétendaient, mais qu’il était le Fils éternel de Dieu. Il apprit donc comme nous que Dieu est Père. C’est le nom si doux sous lequel les chrétiens le connaissent. Le Fils unique, Jésus Christ, nous l’a ainsi révélé. Hilaire dit dans l’écrit où il nous apprend comment il a été amené à Dieu : « Ô Dieu tout-puissant ! je te confesse éternel en tant que Dieu, mais aussi éternel comme Père. Je ne croirai pas que tu aies jamais été sans ta Sagesse, sans ta Vertu, sans ton Verbe ». Cela, nous le voyons, est conforme à la Parole qui nous dit que le Fils unique est dans le sein du Père (Jean 1:18).

Hilaire ayant ainsi trouvé la réponse aux besoins profonds de son âme, embrassa de tout son cœur le christianisme, et fut baptisé avec sa femme et sa fille. Quelques années après sa conversion, il fut nommé évêque de Poitiers par l’assemblée des chrétiens de cette ville.

C’était le temps où l’empereur Constance favorisait la doctrine d’Arius et ses sectateurs, et persécutait ceux qui s’y opposaient. La crainte de déplaire à l’empereur ne ferma pas la bouche à Hilaire. Il lutta avec énergie pour la vérité qu’il avait trouvée dans les saints livres et qui réjouissait son cœur, et combattit les erreurs qui la détruisaient. Il s’adressa en même temps à l’empereur pour le supplier de ne pas empêcher ceux qui ne pouvaient admettre la doctrine d’Arius de servir Dieu selon leurs convictions. Mais l’empereur, loin de l’écouter, le bannit au fond de la Phrygie, après que le courageux évêque eut été frappé d’anathème par un concile arien. Dans son exil, Hilaire écrivit plusieurs ouvrages, entre autres un traité sur la Trinité. En même temps, il déployait une grande activité pour soutenir la foi de ceux qui l’entouraient, et par ses lettres encourageait les évêques d’Occident à rester attachés à la vraie doctrine touchant le Fils de Dieu. C’était l’objet unique de ses pensées et de ses travaux. « Soyons toujours en exil », écrivait-il, « pourvu que la vérité soit prêchée ». Cela ne nous rappelle-t-il point Paul disant : Il en est qui « annoncent Christ par esprit de parti, croyant susciter de la tribulation pour mes liens ». Mais n’importe ! « Christ est annoncé, et en cela je me réjouis ? » (Philippiens 1:15 18). Puissions-nous être attachés de cœur, comme Hilaire, au Seigneur Jésus, vrai homme, et aussi vrai Dieu, Fils unique et éternel du Père ! C’est le fondement de toutes nos espérances de salut, de paix, de vie et de gloire.

À la mort de Constance, Hilaire, après quatre ans d’exil, revint à Poitiers, et y reprit ses fonctions d’évêque, instruisant son troupeau, l’exhortant, et exerçant dans son sein la charité. Il avait introduit dans son église l’usage du chant mêlé aux prières, et avait composé à cet effet des cantiques. Hilaire s’indignait de voir les évêques soit orthodoxes, soit ariens, rechercher l’appui du pouvoir temporel pour soutenir leur cause, et disait en s’adressant à eux : « Combien grande est la misère de ce temps-ci où l’on croit que les hommes peuvent protéger Dieu, et où l’on travaille à défendre Jésus Christ par les intrigues mondaines ! Sur quelle puissance les apôtres s’appuyaient-ils pour prêcher Jésus Christ et faire passer les nations du culte des idoles au culte du vrai Dieu ? Cherchaient-ils quelque crédit auprès de l’empereur, lorsqu’ils chantaient les louanges de Dieu dans un cachot ? Était-ce par les édits des princes, que Paul, donné en spectacle au monde, dans les liens de la persécution, formait les assemblées du Christ ? Quand les apôtres se nourrissaient du travail de leurs mains, qu’ils s’assemblaient en secret dans les chambres hautes, qu’ils parcouraient les villes et les bourgades de toutes les nations, malgré les défenses des princes et des magistrats, n’était-ce pas alors que la puissance de Dieu se manifestait en dépit de la haine des hommes, et que la prédication de l’Évangile devenait d’autant plus efficace qu’elle était plus entravée ? Mais maintenant l’Église menace de l’exil et du cachot ; elle veut faire croire par force, elle que l’on croyait autrefois malgré les exils et les cachots ».

Ce sont de belles et bonnes paroles. On est heureux de les entendre au milieu de la corruption croissante de l’Église. Elles ne furent guère écoutées. De plus en plus, l’Église s’appuya sur le bras de l’homme, des grands et des puissants du siècle, pour persécuter et tuer ceux qui ne voulaient ou ne pouvaient pas se soumettre à elle, mais voulaient rester attachés à Christ seul.

Hilaire mourut en l’an 367.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016 - 20:42

Jérôme


Jérôme naquit à Stridon, dans la province de Pannonie non loin d’Aquilée (*), vers 331. Ses parents, qui étaient chrétiens, l’envoyèrent faire des études à Rome. Jérôme s’y distingua parmi ses condisciples. Son ardeur pour augmenter ses connaissances et se perfectionner dans l’art de bien dire était telle, qu’il achetait tous les livres qui pouvaient lui servir pour ce but, et qu’il passait des nuits à copier ceux qu’il ne pouvait acquérir. Mais cela ne lui donnait pas la science du salut, ni la force de résister aux tentations que présentait aux jeunes gens une grande ville comme Rome. Il fut ainsi entraîné dans des désordres qu’il regretta amèrement plus tard. Son père, pour le soustraire à ces dangers, l’envoya à Trèves, où résidait alors l’empereur. C’est là que Jérôme semble avoir été converti, car il y passa son temps à copier des ouvrages traitant de sujets religieux. Revenu à Rome, il fut baptisé et fit ainsi ouvertement profession de christianisme.


(*) Ville d’Illyrie, au nord de la mer Adriatique.

Il alla ensuite à Aquilée où, avec quelques jeunes amis, il s’enthousiasma pour la vie monastique, pensant, comme tant d’autres de ce temps, que c’était le seul moyen d’échapper aux séductions du monde et au relâchement des mœurs d’alors. Puis, désirant connaître les grands docteurs et les solitaires d’Orient, il se rendit à Antioche, emportant toujours avec lui ses livres, son précieux trésor. Là, non loin de la ville, il fit la connaissance d’un pieux vieillard, nommé Malchus, qui vivait seul dans un endroit écarté et sauvage, et s’y livrait aux pratiques de l’ascétisme. Cet homme avait été enlevé autrefois par une bande d’Arabes pillards qui l’avaient emmené au fond du désert et l’avaient fait gardien de leurs troupeaux. Désespéré par la dure servitude où il était réduit, Malchus ne désirait que la mort pour mettre un terme à ses maux, mais une femme chrétienne, esclave comme lui, lui parla de Dieu et l’exhorta à mettre sa confiance en Lui. Malchus écouta sa voix, se soumit à la volonté de Dieu et trouva la paix. Plus tard ils parvinrent tous deux à s’échapper ; la femme entra dans un monastère, et Malchus se retira dans la solitude où Jérôme le trouva. Les entretiens que celui-ci eut avec le solitaire lui inspirèrent un désir ardent de sortir aussi complètement du monde. Laissant de côté ses livres et ses études, comme choses qui n’importaient point au salut, il partit avec deux amis pour le désert de Chalcide sur les confins de la Syrie, où se trouvaient plusieurs couvents de cénobites. Il partagea d’abord avec ardeur la vie austère des moines, leurs pratiques de dévotion et le travail manuel qu’ils s’imposaient, mais bientôt cela ne lui suffit plus. Il n’y trouvait pas la paix ni la victoire sur ses passions, faisant ainsi la même expérience que bien d’autres âmes sincères ont faites avant et après lui. Il perdit ses deux amis ; une tristesse profonde l’envahit, et il crut, pour parvenir à la sainteté qu’il recherchait, devoir recourir à de plus grandes austérités. Il se retira donc seul dans la partie la plus reculée et la plus sauvage du désert. Mais là, bien que passant ses jours à verser des larmes, il n’arrivait pas à posséder la paix. Les passions s’agitaient tumultueusement en lui, et les tentations ne cessaient de l’assaillir. Écoutons-le décrire son état. « Par terreur de l’enfer, je m’étais condamné à cette prison habitée par des serpents et des tigres, et, en imagination, je revoyais les fêtes et les délices de Rome. Ne sachant plus où trouver le secours, je me jetais aux pieds de Jésus et j’y versais des larmes. Je m’efforçais de dompter cette chair rebelle par des semaines entières d’abstinence. Je me souviens que, plus d’une fois, je passai le jour, et la nuit entière à pousser des cris et à me frapper la poitrine, jusqu’au moment où le Dieu qui commande à la tempête, ramena le calme dans mon âme… Irrité contre moi-même, je m’enfonçais dans le désert, je cherchais le lieu le plus sauvage, et je me prosternais en prière. Souvent, après avoir répandu beaucoup de larmes, après avoir longtemps tenu mes yeux levés vers le ciel, je me croyais transporté parmi les chœurs des anges et je chantais au Seigneur ». Mais ces transports ne duraient pas. Pauvre Jérôme ! Cherchant la paix dans ses sentiments, il n’y pouvait parvenir ; voulant y arriver en domptant la chair, il se retrouvait toujours plus faible et misérable. La paix est en Jésus seul ; c’est Lui qui a fait la paix par le sang de sa croix ; Il est notre paix (Colossiens 1:20 ; Éphésiens 2:14). Lui seul aussi est notre force ; par Lui seul nous sommes plus que vainqueurs (Romains 8:37). Jérôme, sans doute, apprit plus tard cette vérité si précieuse que nous avons tout en Christ. Le fragment de ses écrits que nous allons citer nous permet de le penser. Il n’est pas besoin de mettre le lecteur en garde contre une certaine imagination qu’on y trouve. Nous nous adressons maintenant au Seigneur de gloire dans le ciel, et non à Jésus enfant ; mais nous pouvons penser à ce que notre adorable Sauveur a été sur la terre, de la crèche à la croix, et c’est là ce que Jérôme avait au fond de son cœur, quand il écrivait les paroles qui suivent.

« Chaque fois », dit-il, « que je contemple Bethléhem, j’entre en conversation avec l’enfant Jésus. Je lui dis : « Ô Jésus, mon Seigneur, comme tu es tremblant, comme ta couche est dure, et toutes ces choses tu les souffres pour moi ! Comment pourrais-je te les rendre ? ». Et il me semble l’entendre me répondre : « Je ne te demande qu’une chose, c’est d’unir ta voix à celle de l’armée céleste, et de chanter comme elle : Gloire à Dieu dans les lieux très hauts ! Tu me verras bien plus misérable dans le jardin des Oliviers et sur la croix ». Je reprends et je dis : « Ô Jésus ! je veux te donner quelque chose ; je te ferai présent de tout mon argent ». Il me répond : « Le ciel et la terre m’appartiennent ; je n’ai pas besoin de ton argent. Donne-le aux pauvres ; ce sera comme si je l’avais reçu ». — « Je le ferai de bon cœur ; mais, ô Jésus ! je voudrais aussi te donner quelque chose qui soit pour toi, que tu ne refuses point ». Alors il me dit : « Mon cher Jérôme, puisque tu veux absolument me donner quelque chose, eh bien, donne-moi tes péchés, ta mauvaise conscience, ta condamnation ». — « Et qu’en veux-tu faire ? » — « Je les prendrai sur moi ; je porterai ton péché et t’en déchargerai ». Alors, versant un flot de larmes, je m’écrie : « Ô Jésus ! tu as touché mon cœur. Je pensais que tu demanderais de moi quelque chose de bon, et voici tu ne prends que ce qui est mauvais. Prends donc tout ce qui est à moi, donne-moi ce qui est à toi, et ainsi je serai délivré de mes péchés et assuré de la vie éternelle ».

Nous pouvons bien penser que, sachant que Jésus avait porté ses péchés, et assuré dès lors de la vie éternelle, Jérôme ne craignait plus la condamnation et l’enfer, et qu’ainsi il jouissait de la paix qu’il avait vainement cherchée en dehors de Jésus. Espérons qu’il apprit aussi que c’est en Jésus seul que se trouve la force pour que la chair soit domptée. Comme l’apôtre le dit : « Ceux qui sont du Christ ont crucifié la chair avec les passions et les convoitises » (Galates 5:24). Ce n’est pas doivent crucifier, mais ont crucifié la chair. C’est une chose faite. À la croix, le vieil homme a été crucifié avec Christ, « afin que le corps du péché soit annulé, pour que nous ne servions plus le péché » (Romains 6:6). Le chrétien ainsi affranchi du péché, peut poursuivre son chemin en liberté, vivant par l’Esprit et marchant par l’Esprit (Galates 5:25).

Jusqu’à quel point Jérôme comprit cette dernière vérité, nous l’ignorons ; mais nous savons que, sans cesser de vivre d’une manière austère, son esprit se rasséréna. Il quitta les solitudes sauvages où il errait cherchant la paix pour son âme ; il laissa les abstinences outrées par lesquelles il pensait vaincre la chair, et se remit à ses études. Il commença en particulier à apprendre l’hébreu, afin de pouvoir lire les Écritures de l’Ancien Testament dans la langue où elles furent écrites.

Après être allé encore à Antioche, et ensuite à Constantinople, Jérôme vint à Rome pour assister à un concile où furent combattues les erreurs d’Apollinaire, erreurs qui s’attaquaient à la personne du Sauveur. Jérôme fut un de ceux qui s’opposèrent énergiquement à Apollinaire, et qui soutinrent la vérité. L’évêque de Rome Damase, voyant combien il était versé dans les Écritures, actif et dévoué pour le bien, se l’attacha comme secrétaire. Il y avait alors, entre les mains des chrétiens, plusieurs versions latines du Nouveau Testament, souvent infidèles et fautives. Damase eut la pensée de faire une nouvelle traduction sur les meilleurs textes grecs et de la présenter à l’adoption de toutes les églises de langue latine. Il chargea Jérôme de ce travail, et celui-ci l’accomplit, non sans rencontrer l’opposition de ceux qui l’accusaient de mépriser la tradition et l’autorité des anciens, et de falsifier les Écritures, alors qu’il ne faisait qu’en rétablir le vrai texte.

La corruption des mœurs était grande à Rome comme à Constantinople, même parmi le clergé. De même que Chrysostôme dans cette dernière ville, Jérôme, à Rome, s’éleva avec énergie contre le mal. Il s’attira ainsi la haine des prêtres et des païens. Ces derniers étaient surtout irrités, parce que Jérôme exaltait au-dessus de tout le célibat et l’état monastique, comme remède à la dissolution morale. À cet égard, il dépassa la mesure, car il en vint à critiquer le mariage, qui est une institution divine. Accusé par tous, ayant tout le monde contre lui, sauf quelques amis fidèles, et Damase, son protecteur, étant mort, il résolut de quitter cette Rome que, de même que les Réformateurs plus tard, il disait être « la Babylone romaine, la prostituée vêtue de pourpre », de l’Apocalypse (Apocalypse 17:4-5). Il fit ses adieux au petit troupeau fidèle de la grande ville, composé surtout de pieuses dames romaines, et partit pour la Syrie avec son frère et quelques amis.

Parmi les dames romaines amies de Jérôme, s’en trouvait une de très noble famille et très riche, nommée Paula. Elle consacrait son temps et ses biens au service des pauvres. Désireuse de bien comprendre les Saintes Écritures, auxquelles elle attachait un grand prix et qu’elle lisait et méditait chaque jour, elle avait appris le grec et l’hébreu. D’autres avaient suivi son exemple. Paula et Eustochium, une de ses filles, suivirent Jérôme, dans le dessein de s’établir avec lui à Bethléhem, là où le Sauveur était né. Plusieurs jeunes filles partirent avec elles ; mais avant de se fixer au lieu qu’elles avaient choisi, elles parcoururent avec Jérôme la Palestine, la Bible à la main, visitant les différents endroits mentionnés dans l’Écriture. Jérôme consultait en même temps tous les hommes instruits qu’il rencontrait, afin de mieux comprendre les récits et le sens des saints écrits qu’il ne cessait d’étudier.

C’est sans doute une chose bien intéressante de visiter ce pays qui est la terre de l’Éternel, sur laquelle Il a toujours les yeux (Deutéronome 11:12), et où se sont passés tant d’événements d’une importance telle que s’effacent devant eux tous ceux que présente l’histoire des royaumes du monde ; ce pays dont le sol a été foulé par les pieds du Fils de Dieu, devenu un homme. Il y a un intérêt puissant, pour un voyageur chrétien, à se dire : Voilà où le Seigneur est né, c’est là qu’Il a été élevé, là qu’Il a parlé à la Samaritaine ; voilà le lac sur les bords duquel Il a annoncé l’Évangile. Et quand on en vient à Jérusalem, que de souvenirs ! C’est la ville du grand Roi (Psaume 48:2) ; mais elle l’a rejeté, et maintenant elle est foulée aux pieds par les nations, selon la parole de Jésus (Luc 21:24). Toutefois, dans l’avenir, la gloire de l’Éternel resplendira sur elle, et l’incirconcis et l’impur n’y entreront plus (Ésaïe 60:1-3 ; 52:1). Voilà le mont des Oliviers où Jésus pleura sur la ville coupable (Luc 19:41), d’où il monta au ciel (Actes 1:9-10), et où ses pieds se poseront quand il reviendra (Zacharie 14:3-4 ; Actes 1:11). Voilà, d’un autre côté, la colline où il fut crucifié.

Ce fut avec une profonde émotion que Jérôme et ses compagnes visitèrent tous ces endroits dont parlent les pages du saint Livre. Là, les récits sacrés se présentèrent plus vivants à leur esprit. Et nous éprouvons quelque chose de ces sentiments quand nous lisons les relations des voyageurs qui ont exploré le pays d’Israël. Ils nous aident à nous représenter les scènes de l’Écriture, et à comprendre bien des passages. Mais rappelons-nous que ce n’est pas ce qui révèle Dieu et le ciel. Nombre de voyageurs, mus par la curiosité, ont visité ce que l’on nomme la Terre Sainte, les lieux saints, sans en avoir tiré aucun profit pour leurs âmes. D’ailleurs rappelons-nous aussi que maintenant nos vrais lieux saints sont dans le ciel, non sur la terre. Et ces lieux saints de la Palestine, hélas ! sont souillés par les superstitions les plus grossières et les querelles, souvent ensanglantées, des sectateurs des diverses fractions de la chrétienté qui s’y rendent de toutes parts en pèlerinage, surtout à Pâques, acte qu’ils regardent comme méritoire pour le salut. Déjà au temps de Jérôme, bien des idées superstitieuses avaient cours, et les divers endroits que l’on supposait avoir été témoins de quelque scène de la vie du Seigneur, ou même de celle des apôtres et des prophètes, étaient devenus des objets d’une vénération idolâtre. Les compagnes de Jérôme et peut-être lui-même, bien que versés dans la connaissance des Écritures, n’échappèrent point à ce courant de pensées erronées.

Jérôme, avec Paula et ses compagnes, visita aussi l’Égypte ; lui pour recueillir, encore des matériaux pour ses études et ses travaux sur l’Écriture Sainte ; les autres pour voir les couvents du désert, et pour contempler et entendre ceux que, dans leur ignorance, elles regardaient comme des saints, comme des héros de la vie solitaire et monastique, mais que nous ne pouvons considérer pour la plupart que comme des hommes qui suivaient les imaginations et les aberrations de leur esprit.

Ils revinrent ensuite à Bethléhem. Paula acheta des terrains sur lesquels elle fit construire des monastères, un pour les hommes et trois autres pour les femmes. Elle y joignit une hôtellerie gratuite pour les voyageurs de passage : « Si Marie et Joseph revenaient à Bethléhem », disait-elle, « ils trouveraient enfin où loger ». Jérôme choisit pour habitation une grotte voisine de celle où l’on supposait que le Sauveur était né. Ce fut là son cabinet de travail, et la cellule où il se livrait à la méditation et à la prière. Sa vie portait le caractère de la plus grande simplicité ; son repas, qu’il ne prenait qu’après le coucher du soleil, se composait de pain bis et d’herbes. Ses vêtements étaient d’étoffe grossière, mais propres. Outre les grands travaux qui l’occupaient, et auxquels il consacrait non seulement le jour, mais bien des heures de la nuit, il ouvrit une école gratuite de grammaire pour les enfants et les jeunes gens de Bethléhem. Quant à Paula et ses compagnes, elles s’occupaient à la lecture et à la méditation des Saintes Écritures, à la prière, aux soins à donner aux voyageurs de passage, aux pauvres et aux malades. Chaque jour, outre les portions entières du saint Livre qu’elles récitaient, chacune des habitantes des monastères devait en apprendre un nouveau verset. Ainsi la parole de Dieu était honorée dans ces retraites. Sans doute qu’il en était de même parmi les moines, indépendamment du travail manuel auquel ils étaient astreints.

Jérôme passa 34 années dans la solitude de Bethléhem. Toute retirée qu’était sa vie, il n’était pas moins occupé de ce qui se passait dans l’Église ; il y prenait un puissant intérêt et une part active, en luttant pour défendre la saine doctrine et répondre aussi aux attaques sans cesse renouvelées de ses ennemis. Malheureusement il montra trop souvent dans ses écrits une violence et une âpreté regrettables, oubliant que la douceur doit toujours caractériser le serviteur de Dieu, même s’il est appelé à reprendre les opposants (2 Timothée 2:24-25). Au milieu de tous ces tristes débats, Dieu lui donna d’accomplir une tâche des plus utiles. Nous avons vu qu’il avait fait à Rome une traduction latine du Nouveau Testament. Il compléta son travail à Bethléhem en traduisant sur l’hébreu l’Ancien Testament. Ce fut pour lui un grand labeur. Pour accomplir son œuvre il se fit aider par de savants rabbins juifs, mais ce ne fut pas toujours sans danger pour eux. Les Juifs allaient jusqu’à vouloir lapider ceux qui se rendaient chez un chrétien, de sorte que l’un d’eux n’osait aller que de nuit chez Jérôme. D’un autre côté, celui-ci, à cause de ses relations avec les rabbins, était accusé, par des chrétiens fanatiques et par ses ennemis, de vouloir apostasier et devenir juif, ou bien on prétendait qu’il se servait de textes falsifiés par les Juifs. On vit des choses analogues aux jours de la Réformation, car l’ennemi de Dieu et de sa Parole use toujours des mêmes armes. Jérôme n’en poursuivit pas moins son grand travail, et Dieu lui donna de le terminer. Sa version de la Bible, que l’on nomme la Vulgate, fut d’une grande utilité dans les églises de langue latine et dans la chrétienté occidentale jusqu’au seizième siècle. Elle est encore en usage dans l’Église romaine. Jérôme rendit donc en son temps à l’Église un grand service, comme plus tard le firent les réformateurs tels que Luther et d’autres qui traduisirent les saints écrits en diverses langues. Dieu qui a donné et conservé sa précieuse Parole, a voulu qu’elle fût mise à la portée de tous et il y a pourvu dans tous les temps. Jérôme fut aidé dans son grand travail par Paula et Eustochium qui lui servaient de copistes, et avec lesquelles il relisait avec soin ce qu’elles avaient écrit. D’ailleurs il lisait chaque jour avec elles les Écritures qu’il leur expliquait. N’est-il pas beau de voir ces grandes dames romaines, renoncer à tous les raffinements, au luxe et aux jouissances que procure la richesse ainsi qu’aux honneurs dus à leur rang, pour assister un pauvre solitaire et se dévouer au service du Seigneur, aimant sa Parole et exerçant l’hospitalité ? Ne rappellent-elles pas ces femmes telles que Marie de Magdala, Jeanne, femme de Chuzas, intendant d’Hérode, et Suzanne et d’autres, qui suivaient Jésus et l’assistaient de leurs biens ? (Luc 8:2-3).

Jérôme vécut jusqu’à un âge très avancé. Dix-huit ans environ avant sa mort, il eut la douleur de perdre sa fidèle amie Paula. La fin de celle-ci fut bien frappante. Elle nous montre que, si Paula n’était pas exempte de certaines erreurs qui s’étaient introduites dans l’Église, elle avait trouvé la paix avec Dieu, n’avait aucune crainte d’aller vers Lui, mais, au contraire, s’en réjouissait. Lorsqu’elle eut compris que la mort approchait, comme un voyageur qui aperçoit le port et qui est joyeux d’y arriver, elle se mit à réciter quelques versets des Psaumes : « Éternel ! j’ai aimé l’habitation de ta maison, et le lieu de la demeure de ta gloire… Combien sont aimables tes demeures, ô Éternel des armées ! Mon âme désire, et même elle languit après les parvis de l’Éternel ; mon cœur et ma chair crient après le Dieu vivant… Un jour dans tes parvis vaut mieux que mille. J’aimerais mieux me tenir sur le seuil dans la maison de mon Dieu, que de demeurer dans les tentes de la méchanceté » (Psaume 26:8 ; 84:1-2, 10). Comme elle ne répondait pas à quelques questions qu’on lui faisait, Jérôme s’approchant, lui demanda si elle souffrait : « Non », dit-elle, « je ne souffre pas ; j’entrevois, je ressens déjà une paix immense ». Puis s’affaiblissant, elle murmurait d’une voix entrecoupée les versets qu’elle aimait, et les dernières paroles de sa vie, rapporte Jérôme, furent encore une louange au Seigneur.

Les dernières années de Jérôme furent attristées par divers événements. Ce furent des luttes pénibles avec un des amis de sa jeunesse, Rufin, qui, jaloux de lui, l’accusait d’hérésie et était soutenu par l’évêque de Jérusalem ; puis il eut une controverse pénible avec Augustin. Ensuite, l’hérétique Pélage, dont nous parlerons aussi, vint en Palestine et y fomenta des divisions. Jérôme combattit ses erreurs en s’appuyant sur l’Écriture. Mais les partisans de Pélage allèrent jusqu’à soulever les moines et les paysans ignorants contre Jérôme et ses amis, et une nuit les monastères furent attaqués, pillés et incendiés par une foule furieuse. Le sang même coula, et Jérôme fut obligé de s’enfuir. Il revint cependant bientôt après. Avant cela, une autre douleur l’avait atteint. La superbe Rome était tombée sous les coups d’Alaric, roi des Goths. Pendant trois jours elle fut livrée au pillage, au meurtre et à l’incendie qui dévora un grand nombre de ses monuments. Quantité de chrétiens et de nobles femmes chrétiennes, amis de Jérôme, avaient vu leurs demeures saccagées, leurs biens enlevés, et avaient été exposés aux outrages des barbares soldats du vainqueur. On pouvait appliquer avec raison, et on appliqua en effet à la chute de l’orgueilleuse cité ces paroles de l’Apocalypse qui auront dans l’avenir un accomplissement plus complet : « Parce qu’elle a dit dans son cœur : Je suis assise en reine et je ne suis point veuve, et je ne verrai point de deuil ; — c’est pourquoi en un seul jour viendront ses plaies, mort, et deuil, et famine, et elle sera brûlée au feu » (Apocalypse 18:7-8). Nombre de fugitifs de Rome et d’Italie étaient venus chercher un asile en Syrie. Plusieurs apportèrent ces tristes nouvelles aux couvents de Jérusalem et de Bethléhem, où ils trouvèrent un accueil plein de sympathie.

Un dernier coup pour le vieillard fut la mort d’Eustochium, la fille de Paula. Rien ne nous est rapporté sur ses derniers moments, sinon que sa fin fut comme l’approche d’un paisible sommeil. C’est ce que la parole de Dieu nous dit des fidèles : Ils s’endorment en Jésus (1 Thessaloniciens 4:13-16). Combien cela est doux ! Deux ans après, en 420, Jérôme s’endormit aussi, assisté par la jeune Paula, petite fille de son ancienne amie. Il avait beaucoup souffert et beaucoup travaillé durant sa longue vie. Outre sa traduction de la Bible, il avait écrit des commentaires sur le saint Livre et divers ouvrages destinés à en faciliter l’intelligence. Il eut aussi une correspondance étendue, qui nous fait connaître sa vie, ainsi que la société chrétienne de son temps. Nous pouvons regretter qu’il ait souscrit à plusieurs des erreurs qui s’étaient glissées dans l’Église, telles que l’honneur rendu aux martyrs et la vénération des reliques ; mais il faut nous rappeler qu’appuyé sur les Écritures, il maintint et défendit la saine doctrine quant à la Personne de Christ, et celle de la pure grâce qui sauve.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016 - 20:42

Augustin


Augustin, né en 354 et mort l’an 430, vécut à la même époque que Chrysostôme et Jérôme. Comme eux, il fut un fidèle serviteur de Dieu durant cette époque si troublée par des bouleversements politiques et des querelles religieuses. Il ne vécut pas, comme Chrysostôme, près de la cour d’un empereur, ni, comme Jérôme, dans une retraite solitaire. Après sa conversion, il mena la vie active d’un évêque occupé des soins de son troupeau et combattant avec énergie pour maintenir les saines doctrines, et en particulier, celle si importante et si précieuse de la grâce souveraine de Dieu qui sauve le pécheur. Il avait appris à connaître pour lui-même la nécessité et l’efficacité de cette grâce « qui apporte le salut », et qui « est apparue à tous les hommes » (Tite 2:11). Lui-même raconte dans un livre célèbre, nommé ses Confessions, comment, après bien des égarements, il fut amené à la connaissance de Dieu et du Seigneur Jésus, et ainsi à la possession du salut, de la vie et de la paix. C’est de ce livre que nous tirerons quelques détails sur son enfance, sa jeunesse et sa conversion.

Augustin n’était pas né, comme Chrysostôme, sous le doux climat de la Syrie, dans la partie orientale de l’empire, où le grec était la langue dominante. Il avait vu le jour dans la brûlante Afrique, à Tagaste en Numidie, pas très loin de Carthage. Dans ces contrées occidentales de l’empire, la langue latine était généralement usitée. Nous avons parlé de Cyprien, l’évêque de Carthage, et des chrétiens qui dans cette ville souffrirent de si cruelles persécutions. C’était un siècle avant l’époque où Augustin naquit ; mais maintenant le paganisme, bien qu’existant encore, avait perdu sa puissance. Le christianisme dominait partout.

Le père d’Augustin, nommé Patricius, était païen, mais embrassa plus tard la religion chrétienne. Sa mère, Monique, était une femme pieuse, témoignant de sa foi par une vie sainte, charitable et détachée du monde. Augustin trace de son caractère le tableau le plus touchant. Il nous la montre patiente, douce, fuyant la médisance, procurant la paix, et soumise à son mari, qui était d’un tempérament violent et dont elle supportait, sans se plaindre, plus d’une chose pénible. Elle accomplissait ainsi ce que l’apôtre Pierre disait aux femmes : « Femmes, soyez soumises à vos propres maris, afin que, si même il y en a qui n’obéissent pas à la parole, ils soient gagnés sans la parole, par la conduite de leurs femmes, ayant observé la pureté de votre conduite dans la crainte » (1 Pierre 3:1-2), et elle eut la joie de voir son mari amené à Dieu. Monique, nous dit encore Augustin, « s’était faite la servante des serviteurs de Dieu », et répondait au portrait que Paul trace d’une sainte femme, à la vie exemplaire, « ayant le témoignage d’avoir marché dans les bonnes œuvres », d’avoir bien élevé ses enfants, d’avoir logé des étrangers, lavé les pieds des saints, secouru ceux qui étaient dans la tribulation, de s’être appliquée à toute bonne œuvre (1 Timothée 5:9-10). Assurément une telle mère avait à cœur le salut de son fils. Aussi priait-elle sans cesse pour lui, et dès son enfance, semblable à la mère de Timothée, elle l’instruisit des saintes vérités du christianisme. « Dès l’âge le plus tendre », dit Augustin s’adressant à Dieu, « j’avais entendu parler de la vie éternelle dont la promesse et le gage nous ont été donnés par l’abaissement de ton Fils, notre Seigneur, qui a bien voulu descendre jusqu’à nous pour nous guérir ».

Étant tombé très malade lorsqu’il était encore enfant, il avait demandé le baptême avec foi et désirait ardemment le recevoir, dit-il. Nous avons vu que dans l’Église, s’était introduite cette fausse idée que le baptême d’eau opérait la régénération de l’âme. À cause de cela on considérait les péchés commis après le baptême comme ayant une gravité très grande et compromettant le salut. C’est pourquoi on différait souvent le baptême jusqu’au moment de la mort, pensant qu’il effaçait tous les péchés. Augustin s’étant trouvé mieux tout à coup, on remit son baptême à un autre temps, malgré le vif désir qu’il avait exprimé. À cette occasion, s’adressant à Dieu, il dit : « Je croyais donc dès lors en Toi, ainsi que ma mère et tout le reste de notre famille, mon père seul excepté. Toutefois son autorité ne put jamais prévaloir en moi sur celle de ma mère, qui m’avait inspiré pour ton Christ cette foi que mon père n’avait point encore embrassée. Car elle n’épargnait aucun soin, ô mon Dieu, pour que tu fusses mon Père, au-dessus de celui à qui je devais le jour ». Augustin n’oublia jamais ces premiers enseignements de sa mère, dont les efforts pour l’amener à Dieu et les prières ne restèrent point sans effet, bien que la réponse se fît longtemps attendre. Monique est un exemple et un encouragement pour les mères afin qu’elles instruisent de bonne heure leurs enfants et ne cessent point de prier pour eux.

Augustin, qui, dans son livre, confesse les péchés dans lesquels il était tombé et les erreurs auxquelles il s’était laissé entraîner, reconnaît et juge aussi ce qu’il était dans son enfance. Il ne s’excuse pas, mais au contraire, il montre la vraie source du mal dans la corruption native du cœur, qui se manifeste dès l’âge le plus tendre. « Un petit enfant, même encore à la mamelle », dit-il, « s’irrite, se fâche, frappe même ceux qui s’opposent à ses volontés, et montre souvent de la jalousie contre un autre enfant. D’où vient cela, sinon du mal qui déjà existe dans l’enfant ? ».

Sorti de la première enfance, Augustin dut, comme les autres enfants de ce temps et ceux du nôtre, aller à l’école. Mais l’étude lui répugnait, bien qu’il ne manquât ni d’intelligence ni de mémoire ; seulement il n’en voyait pas l’utilité, et il aimait mieux le jeu. « Je péchais », écrit-il, « en n’obéissant point à mes parents et à mes maîtres, et quel que fût leur but en tout cela, il était néanmoins en mon pouvoir de faire par la suite un bon usage de ces études que l’on exigeait de moi. Si je me montrais rebelle, ce n’était point par quelque disposition qui me portât vers des choses meilleures, mais par la passion du jeu qui me dominait. Dans ce premier âge de ma vie, dit-il encore, j’avais une aversion marquée pour l’étude ; sur ce point, on n’obtenait rien de moi que par force, et mon esprit se révoltait contre cette violence ». Il était donc souvent châtié, et à ce propos, il raconte quelque chose de touchant. « J’eus, dès ce temps là, le bonheur de rencontrer quelques-uns de ceux qui invoquent ton saint nom, ô mon Dieu ! J’appris d’eux, selon les idées que je pouvais m’en former à cet âge, que tu étais grand, et que, bien qu’invisible à nos sens, tu pouvais nous exaucer et nous secourir. Je commençai donc, tout enfant que j’étais, à m’adresser à Toi comme à mon appui et à mon refuge. Bien petit encore, je te demandais avec ardeur que je ne fusse point châtié à l’école ». Cette confiance était bonne en elle-même, et plût à Dieu que nous l’ayons aussi, mais Dieu n’exauce point une prière qui a pour but d’échapper à une peine méritée. Il faut Lui demander de nous donner la force d’accomplir ce qui est juste et selon sa volonté, et cette requête il l’exaucera.

Revenant à l’aversion qu’il éprouvait pour l’étude et à son amour pour le jeu, Augustin dit : « D’où pouvaient naître ces mauvaises dispositions, sinon de ce fond de péché qui était en moi ? ». Augustin nous parle encore d’autres faits de son enfance qu’il condamne, et, sans doute, plus d’un d’entre nous aura lieu de faire un retour sur lui-même à l’égard de ce qu’il confesse. « Les contes, les récits fabuleux », dit-il, « avaient aussi pour moi un charme inexprimable. J’étais avide de les entendre, et de mes oreilles enchantées, l’attrait de ces récits passant jusqu’à mes yeux, allumait en moi un désir ardent de voir les spectacles du théâtre ». Et quand il eut achevé l’étude des premiers éléments des lettres, on mit entre ses mains, pour les apprendre et les étudier, les écrits des poètes latins. Bien loin d’en être rebuté, il se passionna pour ces récits façonnés par l’imagination humaine et où les sentiments impurs du cœur sont présentés parés de brillantes couleurs. « J’oubliais », dit-il encore, « mes propres égarements, en m’attendrissant sur des faits imaginaires. Je voyais d’un œil sec la mort que je donnais à mon âme en me remplissant de ces vaines imaginations, et en m’éloignant ainsi de Toi, ô mon Dieu, Toi, la véritable vie ! Je manquais d’amour pour Toi, lumière de mon esprit, nourriture mystérieuse de mon âme, soutien de mon cœur ! ». Sérieuse leçon, surtout pour les jeunes gens, si facilement portés à aimer aussi ces lectures attrayantes pour l’imagination, qui transportent dans un monde éloigné de Dieu, et qui causent un grand préjudice à l’âme en la repaissant de chimères et en l’empêchant de goûter et d’apprécier les seules choses vraies et salutaires, l’amour de Dieu et de Christ, les joies pures du ciel. On ne peut associer les deux choses. « Aimer le monde », dit Augustin, « c’est s’éloigner de Dieu ».

Il continue à raconter comment dans son enfance il tombait dans d’autres fautes. Ce n’est pas qu’il fût plus mauvais que d’autres enfants, plus pécheur que les enfants et les jeunes gens de nos jours. Mais il juge sa vie d’enfant et de jeune homme à la lumière de Dieu, et il y voit la vérité de cette parole de l’Éternel : « L’imagination du cœur de l’homme est mauvaise dès sa jeunesse » (Genèse 8:21). Puissent nos jeunes lecteurs se connaître ainsi, sans attendre à plus tard, et, voyant leur misère, fuir maintenant vers Celui qu’Augustin apprit à connaître bien des années après comme son Sauveur, déplorant le temps qu’il avait perdu loin de Lui. « Dans un âge si tendre », dit-il, « j’étais déjà sur le bord de cet abîme de corruption… Que pouvait-il y avoir de plus corrompu que moi ? Je mécontentais très souvent ceux qui, je le savais, avaient autorité sur moi. La passion du jeu, mon goût pour les spectacles, me portaient à tromper, par une multitude de mensonges, mes parents, mes maîtres et mon gouverneur. Il m’arrivait même de dérober beaucoup de choses au logis pour satisfaire ma gourmandise, ou afin d’attirer des enfants à venir jouer avec moi ». « Voilà donc l’innocence des enfants ! » s’écrie-t-il. « Non, il n’y a point là d’innocence. Tels les hommes sont dans leurs affaires et leurs plaisirs, dans leurs relations entre eux, tels sont déjà les enfants. Le même fond de corruption est dans les uns et les autres. Les années ne font qu’en changer les effets ».

Tout en confessant ses fautes et la corruption de son cœur, Augustin reconnaît aussi les dons qu’il avait reçus de Dieu. « J’avais l’être, la vie, le sentiment ; je veillais à ma propre conservation par un sentiment intérieur qui me faisait le gardien de l’intégrité de tous mes sens ; dans la faible étendue de mes pensées, ainsi que dans les petites choses qui les faisaient naître, je cherchais la vérité et j’y prenais plaisir ; j’évitais d’être trompé ; j’avais beaucoup de mémoire ; j’étais touché de l’amitié ; je craignais la douleur et le mépris. Je rends grâces à mon Dieu de tous ces biens qu’il Lui a plu de répandre sur moi dès les premières années de ma vie. S’il y avait alors en moi péché et dérèglement, c’est que je cherchais le plaisir, la grandeur, la vérité, non en Dieu, mais en moi-même et dans les autres créatures, et je ne trouvais que la douleur et la confusion ».

Augustin était arrivé à l’âge où il devait passer de l’étude des lettres et des premiers principes de l’éloquence à des études plus avancées en vue du barreau auquel ses parents le destinaient. Son père le fit donc revenir de Madaure pour l’envoyer à Carthage. Mais Patricius n’était pas riche, et il dut auparavant recueillir l’argent nécessaire pour le séjour d’Augustin dans cette grande ville. « On donnait à mon père de grandes louanges », dit Augustin, « de ces efforts qu’il faisait, et au-delà de ses moyens, pour que je pusse aller au loin continuer mes études. Mais ce père si prévoyant ne se mettait guère en peine, ô mon Dieu, des progrès que je pourrais faire dans ta crainte et dans ton amour. Tous ses soins se portaient vers la culture de mon esprit, tandis que mon cœur restait comme une terre stérile pour toi, ô mon Dieu, pour qui ce cœur aurait dû rapporter des fruits ». Que de parents, hélas ! agissent comme le père d’Augustin, pensant surtout pour leurs enfants à leur avancement dans le monde !

Augustin resta donc quelque temps dans la maison paternelle. Mais là, laissé à lui-même et à un loisir absolu, associé à des compagnons légers et qui se livraient au mal, il tomba dans des péchés honteux qu’il déplore. « Je me portais au mal, non seulement par le plaisir que j’éprouvais à le faire, mais par celui que je trouvais à en être applaudi ». Il mettait son orgueil à n’être pas au-dessous des autres dans le mal. Combien d’enfants et de jeunes gens sont comme lui, qui ne rougissent pas de faire le mal, mais qui auraient honte de n’être pas aussi vicieux que leurs camarades. La pieuse mère d’Augustin l’avertissait sans doute, mais il n’y prenait point garde. « Mon Dieu », dit-il, « oserais-je dire que tu gardais le silence, lorsque j’allais m’éloignant toujours plus de Toi ? Ne me parlais-tu pas ? Ces paroles que ma mère, ta fidèle servante, fit alors entendre à mes oreilles, n’étaient-elles pas tes propres paroles ? Et cependant elles ne pénétrèrent point jusqu’au fond de mon cœur, pour y changer ma volonté… J’écoutais ses salutaires avis comme des discours de femme que j’aurais eu honte de suivre. Cependant, c’était Toi, Seigneur, qui me parlais par sa bouche, et méprisant ses discours, c’était Toi que je méprisais ». Combien cela est vrai et sérieux ! La parole de Dieu s’adresse ainsi au jeune homme : « Écoute, mon fils, l’instruction de ton père, et n’abandonne pas l’enseignement de ta mère ; car ce sera une guirlande de grâce à ta tête, et des colliers à ton cou » (Proverbes 1:8-9).

Augustin raconte comment, durant ce séjour, il commit, en compagnie d’autres enfants, un de ces larcins que, dans les campagnes on se permet parfois sans grand scrupule, et qui ne sont pas moins une infraction à la loi de Dieu et des hommes. Voici comment Augustin rapporte le fait en le condamnant : « Ta loi, Seigneur, condamne le larcin ; il est aussi condamné par une autre loi gravée dans le cœur de l’homme et que toute sa corruption ne peut en effacer. Un voleur, lui-même, ne supportera pas patiemment qu’on le vole. On sévit même contre celui que l’extrême indigence a porté à voler. Cependant j’ai pu former le dessein d’exécuter un vol, et je l’ai fait sans y être poussé par aucun besoin, mais par une sorte de mépris pour ce qui est honnête, et par la dépravation d’un cœur rempli d’iniquité ».

« Il y avait », continue-t-il, « dans le voisinage de notre vigne, un poirier chargé de poires, ni très belles, ni très bonnes à manger. Cependant moi et plusieurs autres méchants enfants, nous fîmes le complot d’aller secouer l’arbre et d’en emporter les fruits. Nous l’exécutâmes par une belle nuit, et nous revînmes chargés de ces fruits, non pour nous en régaler, car nous y goûtâmes à peine et jetâmes le reste, contents seulement d’avoir fait ce que nous ne devions pas faire. Quel fruit ai-je tiré de ce vol ? Aucun. Seul, je ne l’eusse pas commis. C’était de le commettre avec d’autres qui me le rendait agréable. Quel motif pouvions-nous avoir ? Nous cherchions à nous amuser, et il nous plaisait de penser que ceux que nous trompions ainsi, en concevraient un grand dépit. Seul, je n’eusse pas commis ce larcin, ni n’eusse même été tenté de le faire. Ô liaisons funestes des enfants, source de séductions pour leurs âmes, ardeur de nuire aux autres, qui naît de l’enivrement même de leurs jeux désordonnés ! Sans qu’il y ait aucun profit à en tirer, sans aucun motif de vengeance, il suffit que l’un dise aux autres : « Allons et taisons cela », pour que tous y aillent. Pas un seul alors qui n’eût honte de ne pas avoir perdu toute honte ».

Quelle vérité dans ces paroles ! On trouvera peut-être que ce larcin était de peu d’importance, une espièglerie d’enfants. Mais Augustin, arrivé à l’âge mûr et converti à Dieu, n’en juge pas ainsi. C’était pour lui, et il avait raison, une transgression de la loi de Dieu et un fruit de la corruption de son cœur, dont il s’humilie. Il n’y a pas de petites transgressions. Et combien vrai aussi ce qu’il dit de l’entraînement des uns par un seul qui a eu la pensée d’une mauvaise action ! On a honte de ne pas le suivre ; il faut faire comme les autres, par crainte des moqueries ! Que les jeunes gens méditent ces paroles du sage : « Mon fils, si les pécheurs cherchent à te séduire, n’y acquiesce pas » (Proverbes 1:10). Résistez, en vous tournant vers Dieu pour trouver le secours.

Au souvenir de ses péchés, même de ceux de son enfance, Augustin s’adresse à Dieu, en disant : « Ô mon Dieu, je me suis égaré loin de Toi dans ma jeunesse ; j’ai erré dans les voies perdues, sans guide et sans soutien ». Ne pouvons-nous pas faire aussi cette confession ? Et si nous ne l’avons pas encore faite, allons, en confessant nos péchés, à Celui qui les a expiés et nous donnera désormais de marcher dans des sentiers de justice, pour l’amour de son nom (Psaume 23:3). Nous pourrons dire alors avec Augustin : « Je reconnais, ô mon Dieu, que tu m’as pardonné tous les péchés que j’ai commis ; et tout le mal que je n’ai point fait, c’est ta grâce qui m’en a préservé, car de quoi n’étais-je pas capable ? Que ne te dois-je pas, ô mon Dieu, de pouvoir me souvenir de tous ces désordres, sans que mon âme en ait désormais rien à craindre pour mon salut ? Que je loue donc sans cesse ton grand nom, de ce que tu m’as remis tant d’œuvres d’iniquité ». Et nous goûterons aussi le bonheur dont Augustin parle en ces termes : « C’est toi seule que mes regards cherchent maintenant, ô lumière de justice et de pureté ! Ta beauté fait les délices des cœurs droits. Tu les remplis sans jamais les rassasier. En Toi seul, ô Dieu, est le solide repos et la vie que nul trouble ne saurait agiter ».


Augustin alla à Carthage, afin de poursuivre ses études. Mais dans cette grande ville, il rencontra des tentations auxquelles il ne sut pas résister. Il croyait en satisfaisant ses passions et les désirs de son cœur, trouver le bonheur. C’était en vain. « Mon cœur », dit-il, « dévoré d’une faim intérieure (celle du bonheur), cherchait un aliment, et ce n’était pas Toi qu’il cherchait, ô Dieu, seul aliment des cœurs : il n’avait aucun désir de cette nourriture incorruptible ». Le grand roi Salomon, bien longtemps avant Augustin, ayant aussi fait l’expérience du néant de toutes les jouissances de la terre pour rendre heureux, écrivait : « J’ai dit à mon cœur : Allons ! je t’éprouverai par la joie ; jouis donc du bien-être. Et voici, cela aussi est vanité » (Ecclésiaste 2:1-2). Le Seigneur seul peut donner, avec la paix, une joie véritable. Un genre de plaisirs pour lequel Augustin était passionné, était les représentations théâtrales. Mais quel fruit portent-elles ? La convoitise des yeux y trouve son compte, et des yeux passant dans le cœur, elles émeuvent et excitent des pensées et des désirs coupables. Elles agissent sur l’imagination et détournent l’esprit des réalités sérieuses de la vie et du monde invisible. Les jeunes gens en particulier ont à fuir ces spectacles trompeurs, à ne s’y laisser jamais entraîner sous quelque forme qu’ils se présentent ; on n’y trouve pas Christ, car quel accord y a-t-il entre Christ et Bélial ?

En même temps, Augustin s’appliquait avec ardeur à ses études. Mais que recherchait-il en cela ? C’était la satisfaction de son orgueil et de sa vanité. Il avait l’ambition d’exceller dans l’exercice de la profession à laquelle il se destinait, et doué de grands talents, il tenait, dit-il, le premier rang dans les écoles de rhétorique, ce qui le remplissait d’orgueil et de présomption.

Dieu cependant veillait sur Augustin, et en lui laissant faire l’expérience de ce qu’était son cœur, il le conduisait peu à peu vers la vérité et le salut. Dieu emploie toutes sortes de moyens pour accomplir son œuvre dans les âmes. Il fit tomber entre les mains d’Augustin, alors âgé de 18 ans, un livre du grand orateur Cicéron (1° siècle av. J.C.). Ce livre, l’Hortensius, contient une exhortation à l’étude de la philosophie : nos lecteurs savent que ce mot signifie « amour de la sagesse ». Les philosophes avaient la prétention d’aimer la sagesse et de la rechercher. « Ce livre », dit Augustin, « commença à changer mon cœur. Les vaines espérances du siècle ne m’inspirèrent plus que du mépris ; je me sentis embrasé d’un incroyable amour pour la beauté immortelle de la sagesse, et je fis, ô Dieu, un mouvement pour me lever et retourner vers Toi ».

Mais nous savons qu’il n’y a qu’une seule vraie sagesse — la sagesse selon Dieu, et qu’il y a quelqu’un qui est la Sagesse éternelle, la Sagesse de Dieu, c’est-à-dire le Seigneur. Aussi le monde et les philosophes comme Cicéron, qui voulaient par leur intelligence et leur raison trouver la sagesse, n’y sont point arrivés, et Augustin ne pouvait pas non plus la trouver. Mais, à son insu, c’était Dieu qui le réveillait ainsi, et lui faisait entrevoir quelque chose qui valait infiniment plus que les plaisirs et les honneurs du monde. « Combien, dans ce moment, ô mon Dieu », dit-il, « combien mon âme brûlait de quitter les choses de la terre pour voler vers Toi ! Mais je ne démêlais que confusément ce que tu opérais en moi. En toi seul est la sagesse, et ce que les hommes appellent philosophie est souvent un moyen de séduction. Aussi ton Esprit Saint nous a-t-il donné cet avertissement salutaire : « Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par de vaines déceptions, selon l’enseignement des hommes, selon les éléments du monde, et non selon Christ » (Colossiens 2:8). De nos jours aussi, une sorte de philosophie, de sagesse humaine tend à rabaisser Christ et à éloigner les âmes de Lui.

Augustin sentait bien que quelque chose manquait à cette science qui prétendait le conduire à la sagesse. Le souvenir des pieuses instructions reçues dans son enfance de la bouche de sa mère n’était pas effacé de son esprit. Le livre de Cicéron avait bien pu éveiller en lui un ardent désir de connaître et de posséder la sagesse, mais il ne satisfaisait pas ce désir. « L’ardeur que ce livre excitait en moi était refroidi par le fait qu’aucune de ses pages ne m’offrait le nom de Jésus Christ, car, par ta miséricorde, ô Seigneur, ce nom de ton Fils, mon Sauveur, était entré dans mon cœur dès mes plus tendres années. Je l’avais, pour ainsi dire, su.. avec le lait ; il était gravé en moi en caractères ineffaçables ; aussi, quelque élégant et orné que fût un discours, quelques vérités qu’il pût contenir, si ce nom sacré ne s’y trouvait pas, je n’étais point satisfait ». Ainsi les enseignements de sa pieuse mère n’étaient point perdus. Combien cela doit encourager les parents à persévérer à élever leurs enfants sous les enseignements du Seigneur et dans la connaissance des saintes lettres.

Augustin fut ainsi conduit à lire les Saintes Écritures. Mais comme c’était son intelligence plus que son cœur qui désirait posséder la sagesse, comme ce n’était pas un besoin de conscience qui le poussait à lire la Parole divine, il n’y trouva aucun attrait. Il fut repoussé par ce qu’il y trouva de mystérieux, ainsi que par la simplicité de son style, si différent de la vaine et pompeuse éloquence des hommes. Car l’homme naturel « ne reçoit pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu, car elles lui sont folie » (1 Corinthiens 2:14). Augustin confesse que tel était son cas. « Un livre s’offre à moi », dit-il, « simple en apparence jusqu’à la bassesse, et qui s’élève ensuite à ce qu’il y a de plus sublime. Je n’étais capable ni d’en sonder la profondeur, ni de plier mon esprit à cette simplicité de paroles, si nouvelle pour lui… Mon orgueil dédaignait cette simplicité, et mes yeux étaient trop faibles pour pénétrer ce qui y était caché. Ce sont cependant ces choses cachées que cette divine Parole découvre aux humbles et aux petits ; mais je ne voulais être ni humble, ni petit ; je prenais mon orgueil pour de la véritable grandeur ».

Qu’arriva-t-il au pauvre Augustin qui désirait la sagesse, et qui en méprisait la seule et véritable source ? Dieu permit, pour abattre son orgueil, qu’il se laissât séduire et entraîner par la secte extravagante des Manichéens. Manès, son fondateur, se donnait pour être le Saint Esprit promis par le Seigneur. Il enseignait qu’il y a deux principes éternels en guerre l’un avec l’autre ; l’un, la lumière, est le bon principe, l’autre, le mauvais, est les ténèbres. Pour les Manichéens, Jésus n’a été un homme qu’en apparence, et n’a été crucifié qu’en apparence. Ils se divisaient en deux classes, dont la plus élevée était celle des parfaits. Ceux-ci proscrivaient le mariage et l’usage des viandes. La seconde classe était celle des auditeurs. Ils croyaient à la transmigration des âmes. Celles des auditeurs passaient dans le corps des parfaits ; celles des autres hommes dans des bêtes ou même des plantes. Ils enseignaient beaucoup d’autres aberrations, et l’on est étonné de voir qu’un homme intelligent comme Augustin se soit laissé entraîner dans de semblables folies. Mais ces hommes, comme tous les hérétiques, étaient habiles pour insinuer peu à peu leurs erreurs qu’ils mêlaient aux doctrines chrétiennes. Et c’est ce qui attira Augustin vers eux. « Pour surprendre les âmes », dit-il, « ils se servent des noms de Dieu, du Seigneur Jésus Christ, et de celui de l’Esprit Saint, le Consolateur de l’âme. Ils avaient sans cesse ces noms à la bouche, mais ce n’était pour eux qu’un vain son ; leur cœur était vide de toute vérité, bien qu’ils ne cessassent de répéter ce mot : Vérité ! Vérité ! »

Augustin, séduit par ces sectaires, était dans l’ignorance de Dieu, qu’il considérait comme un être matériel, tandis que le Seigneur, ainsi que toute l’Écriture, nous enseigne que Dieu est Esprit (Jean 4:24). Il ignorait aussi ce qu’est le péché, le croyant attaché à notre corps. « J’étais persuadé », dit-il, « que ce n’était pas nous qui péchions, mais je ne sais quelle nature étrangère en nous. Mon orgueil se complaisait dans cette pensée qu’il n’y avait rien en moi qui pût être coupable, et lorsque j’avais commis quelque faute, au lieu de reconnaître que moi, j’avais péché contre Toi, ô Dieu, pour implorer ton pardon, j’étais satisfait de pouvoir m’excuser du mal que j’avais fait, en en accusant ce je ne sais quoi qui n’était pas moi. J’étais ainsi un pécheur d’autant plus incurable que je me croyais sans péché ». Quelle fatale erreur ! Il faut y prendre garde, car, de nos jours aussi, il se trouve des gens qui pensent s’excuser du mal qu’ils ont commis en disant que ce n’est pas eux, mais la chair qui a agi. Ce que la parole de Dieu appelle la chair est notre mauvaise nature, et c’est bien nous qui péchons et sommes coupables, quand nous cédons aux convoitises de la chair. Mais la grâce du Seigneur Jésus nous délivre de la puissance du péché et des convoitises mauvaises ; par Lui, nous remportons la victoire sur les tentations de la chair.

Avec de semblables idées, il n’est pas étonnant qu’Augustin continuât à mener une vie coupable et toute mondaine, n’employant ses talents et sa vive intelligence que pour occuper une position éminente au milieu des hommes. Sa mère s’affligeait beaucoup de le voir s’égarer toujours plus loin de la vérité. Elle ne cessait de prier pour lui avec larmes. Un songe qu’elle eut, et dont la signification était qu’un jour son fils serait dans la même position qu’elle, c’est-à-dire un vrai chrétien, lui fut en grande consolation. Et comme elle pressait un jour un pieux évêque de chercher à ramener son fils à la vérité, il lui répondit : « Allez, continuez de prier pour lui ; le fils de tant de larmes ne saurait périr ».

En effet, peu à peu les yeux d’Augustin s’ouvrirent. Mais ce ne fut qu’après neuf longues années qu’il arriva à la connaissance de la vérité qui sauve. Toujours préoccupé de la recherche de la gloire du monde et des applaudissements des hommes, toujours livré à des passions coupables, il était tourmenté dans sa conscience, il n’avait point de repos dans son âme et cherchait l’expiation de ses péchés dans les folles pratiques superstitieuses des Manichéens. Il n’y a point de paix loin du Seigneur. « Les méchants sont comme la mer agitée, qui ne peut se tenir tranquille. Il n’y a pas de paix, dit mon Dieu, pour les méchants ». Mais la parole de Dieu dit aussi : « Paix, paix à celui qui est loin, et à celui qui est près ! dit l’Éternel ; et je le guérirai » (Ésaïe 57:18-21). C’est l’heureuse expérience que fit Augustin.

Dieu lui fit la grâce de voir les erreurs et les absurdités des Manichéens. Ce qui y contribua surtout fut la visite à Carthage d’un de leurs évêques, nommé Fauste, grandement renommé pour son éloquence, et, disait-on, par sa science. Il présentait l’erreur d’une manière séduisante, et était ainsi, dit Augustin, « un véritable piège du démon auquel plusieurs se laissaient prendre, entraînés qu’ils étaient par la beauté et la douceur de ses discours ». Il en est encore ainsi de nos jours, et nous devons écouter et suivre l’avertissement de l’apôtre, disant qu’il faut se garder d’être « emportés çà et là par tout vent de doctrine dans la tromperie des hommes, dans leur habileté à user de voies détournées pour égarer » (Éphésiens 4:14). Augustin avait espéré qu’un homme aussi savant saurait dissiper les doutes qu’il avait conçus touchant la doctrine des Manichéens, mais il s’aperçut bientôt que les belles paroles de Fauste cachaient une réelle ignorance, et qu’il était incapable de résoudre les difficultés qui lui étaient présentées. Lui-même d’ailleurs le reconnaissait. « Aussi », dit Augustin, « la grande ardeur que j’avais pour cette doctrine, fut bien refroidie », et il ajoute : « Toi, ô Seigneur, tu ne m’abandonnais pas, et ta main me conduisait par des voies cachées et admirables ».

Vers cette époque, Augustin résolut d’aller enseigner à Rome, où il pensait trouver plus d’avantages sous le rapport de la fortune et de la considération. Il était mû par des motifs purement humains, mais, dit-il, « c’était Toi, ô mon Dieu, mon espérance et mon partage, qui, pour le salut de mon âme, me conduisais à changer de contrée ». Sa mère, qui désirait le garder près d’elle, s’opposait à ce départ, mais il s’embarqua malgré elle et partit pour Rome. Augustin confesse la faute qu’il avait ainsi commise, mais Dieu, qui se sert même de nos manquements pour accomplir ses desseins de grâce, l’amenait là pour exaucer le plus ardent des désirs de sa mère. Désolée de le voir partir, « elle ignorait quelles joies Dieu lui préparait par cette absence ».

À peine arrivé à Rome, Augustin tomba dangereusement malade. « J’étais », dit-il, « sur le point de descendre au sépulcre, chargé de tous les péchés que j’avais commis contre Toi, ô Dieu ! Ces péchés pesaient sur moi, sans qu’aucun m’eût été remis à cause des mérites de Jésus Christ. Comment sa mort, que je considérais comme imaginaire, aurait-elle pu me racheter ? Ma fièvre redoublait ; j’étais sur le point de mourir, et de mourir pour l’éternité, car où serais-je allé, sinon dans les flammes de l’enfer ? ». Quelle terrible situation ! Mourir sans Christ, c’est l’éternelle perdition. Mais, dit encore Augustin, sa mère avait prié pour lui, et Dieu lui rendit la santé, « afin », ajoute-t-il, « que je pusse un jour recevoir de Toi celle de l’âme infiniment plus excellente ».

Il avait encore conservé quelques relations avec les Manichéens, lorsqu’il fut appelé à Milan pour y professer son art. Arrivé dans cette ville, il se présenta à l’évêque Ambroise. « C’était Toi-même, Seigneur », dit Augustin, « qui me menais vers lui d’une manière invisible, afin que, m’ouvrant les yeux, il me conduisît à Toi ». Ambroise le reçut avec une bonté toute paternelle qui lui gagna le cœur. Augustin devint un des auditeurs assidus de l’évêque. D’abord il venait l’entendre pour voir si son éloquence répondait à sa réputation, mais bientôt, sous l’enseignement d’Ambroise, les vérités du christianisme pénétrèrent dans son esprit. Il abandonna les Manichéens et prit la résolution de devenir catéchumène dans l’Église chrétienne. Il n’était pas encore converti, mais Dieu, en lui faisant quitter l’erreur, avait commencé son œuvre en lui.

Sa mère vint le rejoindre à Milan. D’une part, elle était heureuse de voir son fils détaché des erreurs mortelles des Manichéens, mais, d’une autre, sa joie était affaiblie en le voyant encore hésitant et plein de doutes. « Elle n’avait cessé de me pleurer comme si j’eusse été mort », dit-il, « mais c’était un mort que Tu devais ressusciter, Seigneur, quand Tu dirais comme au fils de la veuve : Jeune homme, je te le dis, lève-toi, et que Tu le rendrais à la mère qui l’avait perdu ».

En effet, Dieu agissait dans son âme par le moyen des enseignements d’Ambroise. Il saisissait de plus en plus la pureté et la beauté de la doctrine chrétienne. Mais il aurait voulu tout comprendre avant de croire, tandis qu’il nous faut croire d’abord ce que Dieu dit dans sa Parole, et cela parce qu’il le dit, et ensuite nous comprenons. Dieu le conduisit enfin à reconnaître l’autorité entière des Écritures. « J’avais reconnu », dit-il, « que, de nous-mêmes, nous étions trop faibles pour trouver la vérité par le seul secours de notre intelligence et sans l’autorité des Livres divins ». Et dès lors, ce qu’il ne comprenait pas, il l’attribua à la profondeur de la pensée divine, qui dépasse infiniment la portée de notre esprit.

Mais, tout en avançant pas à pas vers la vérité, il y avait un obstacle qui l’empêchait de la saisir. Il restait encore attaché au monde et aux choses du monde, recherchant les richesses et les honneurs, « asservi ainsi à diverses convoitises », et, par conséquent, ayant le cœur partagé, il n’était pas heureux. Tantôt il voulait s’occuper sans réserve de la grande affaire du salut, et se disait : « Pourquoi tarder davantage à abandonner les espérances du siècle pour ne plus chercher que Dieu et la vie bienheureuse ? ». Tantôt il reprenait : « Attends encore un peu, ô mon âme ; le monde a aussi ses douceurs et ses charmes ». Et il pensait pouvoir allier le monde et le service de Dieu. Son âme ainsi ballottée et incertaine ne trouvait point la paix. Le Seigneur a dit : « Nul ne peut servir deux maîtres ».

D’un autre côté, s’il cherchait la voie pour arriver à une vraie connaissance et à la jouissance de Dieu, il ne pouvait pas la trouver, parce que, dit-il, il ne connaissait pas Jésus Christ, « Médiateur entre Dieu et les hommes, Homme et Dieu lui-même, élevé au-dessus de toutes choses et béni éternellement », Lui qui est « le chemin, et la vérité, et la vie », et sans lequel nul ne vient au Père. Comme hélas ! bien des soi-disant chrétiens de nos jours, Augustin ne considérait Jésus que comme un homme d’une sagesse admirable, auquel aucun autre homme ne pouvait être égalé, à qui Dieu avait donné cette grande autorité dont il jouit dans le monde, pour nous conduire par son exemple du mépris des choses temporelles à la possession de la bienheureuse immortalité. « Je ne comprenais nullement », dit-il, « ce que veulent dire ces paroles : « La Parole est devenue chair ».

Cependant, comme il s’attachait toujours plus à lire les Écritures, la lumière se faisait dans son âme, mais, en même temps, n’ayant pas rompu avec le péché, il était profondément troublé. Dans sa perplexité, il alla trouver un pieux vieillard qui lui raconta la conversion d’un célèbre professeur d’éloquence, nommé Victorin. Celui-ci était resté païen jusqu’à sa vieillesse, mais ayant lu les Saintes Écritures, il fut amené à Christ qu’il n’eut pas honte de confesser aussitôt publiquement. Augustin se sentit enflammé d’un ardent désir d’imiter Victorin. Mais enlacé par les liens du péché, bien qu’il eût une volonté nouvelle de servir Dieu en abandonnant tout, il se sentait retenu comme un captif et faisait l’expérience de ce que l’apôtre dit, au chapitre 7 des Romains : « Je prends plaisir à la loi de Dieu selon l’homme intérieur ; mais je vois dans mes membres une autre loi qui combat contre la loi de mon entendement et qui me rend captif de la loi du péché qui existe dans mes membres ». Et Augustin s’écriait : « Misérable homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? »

Comme il était dans ces dispositions, un homme noble, nommé Pontitien, vint un jour le trouver. Augustin était avec son intime et fidèle ami Alype. Voici comment il raconte le début de cette entrevue qui eut pour lui un résultat si remarquable. « Nous prîmes des sièges pour converser plus à notre aise. Pontitien ayant aperçu un livre posé sur la table, le prit, l’ouvrit, et fut étonné de voir que c’étaient les épîtres de saint Paul. Il avait cru mettre la main sur un des livres qui se rapportaient à ma profession. Me regardant avec un sourire approbateur, il me témoigna combien il était agréablement surpris de trouver devant moi un tel livre, et ce seul livre ; car il était chrétien, et de ceux qui te servent fidèlement, ô Seigneur ! » Sur ce qu’Augustin lui dit que c’était le principal objet de ses méditations, il commença à raconter la vie d’Antoine et la conversion de deux officiers de l’empereur qui renoncèrent à tout pour servir le Seigneur. Ce récit fit sur Augustin une profonde impression. À mesure que Pontitien parlait, il voyait se dresser devant lui sa longue vie de péché. « Tu me forçais, ô Dieu ! à me retourner pour me contempler », dit-il, « malgré moi tu m’exposais moi-même devant mes propres yeux, afin que je visse à quel point j’étais infâme, hideux, difforme, de quelle fange et de quelles horribles plaies j’étais couvert (lire Ésaïe 1:6 ; Psaume 38:1-8). Je le voyais, et j’en avais horreur (Job 42:6). Tu ne cessais point de reporter mon image devant ma vue, afin que, voyant mon iniquité, je pusse la reconnaître et la haïr… J’admirais ces chrétiens qui étaient venus à Toi pour obtenir la guérison, et la comparaison que j’en faisais avec moi-même, me rendait haïssable à mes yeux. Je considérais avec douleur que tant d’années s’étaient écoulées, durant lesquelles j’avais différé de quitter les plaisirs du péché et les biens terrestres, pour ne penser qu’à acquérir le bien le plus précieux, dont la possession est préférable à tous les trésors, à toutes les couronnes, à toutes les voluptés de la terre ». Ce bien infiniment supérieur à tout ce dont Augustin parle, c’est la connaissance et la jouissance du salut qui se trouve en Jésus, et en vertu duquel nous approchons de Dieu et sommes heureux près de Lui. Nous voyons la profonde conviction de péché qui s’était emparée d’Augustin et combien amèrement il se repentait d’avoir si longtemps différé de saisir ce qui donne le seul et vrai bonheur. Ces regrets, toute personne qui a tardé de venir à Christ, les éprouve.

Pontitien étant parti, un violent combat se livra dans le cœur d’Augustin. D’une part, le monde et le péché voulaient le retenir ; d’un autre côté, la nouvelle nature en lui les détestait et l’attirait vers le bien et la soumission à Dieu. Dans l’agitation de ses pensées et le trouble de son âme, il se rendit dans un jardin attenant à la maison qu’il habitait. Là, s’étant jeté à terre sous un figuier, il versa d’abondantes larmes. Il priait avec instance, disant : « Mon âme est fort troublée,… Et toi, Éternel ! jusques à quand ? Jusques à quand, ô Éternel ! Seras-tu en colère à toujours ? Ne te souviens pas contre nous des iniquités anciennes » (Psaume 6:3 ; 79:5-8).

Il priait ainsi dans l’affliction de son cœur, lorsque, d’une maison voisine, il entendit comme une voix d’enfant disant à plusieurs reprises : « Prends et lis, prends et lis ». Il se releva et regardant ces paroles comme un commandement divin d’ouvrir les Écritures et d’y lire le passage qui s’offrirait à ses yeux, il retourna au lieu où était resté son ami. Ouvrant le livre des épîtres de saint Paul, il tomba sur ce passage : « Conduisons-nous honnêtement, comme de jour ; non point en orgies ni en ivrogneries ; non point en impudicités ni en débauches ; non point en querelles ni en envie. Mais revêtez le Seigneur Jésus Christ, et ne prenez pas soin de la chair pour satisfaire à ses convoitises » (Romains 13:13-14).

« À peine avais-je achevé de lire ces paroles », dit Augustin, « qu’il se répandit dans mon cœur comme une lumière qui lui donna la paix ; à l’instant même se dissipèrent les ténèbres dont les doutes le tenaient enveloppé ». Il avait saisi Christ comme le Libérateur de son âme, Celui qui affranchit de la loi du péché et de la mort (Romains 8:2).

Telle fut la conversion d’Augustin. Il alla dire la bonne nouvelle à sa mère, dont le cœur fut rempli de joie. Le fils perdu était retrouvé, celui qui était mort était revenu à la vie. Telle est la grâce divine.


Après sa conversion, Augustin renonça à la position qu’il occupait, et aux avantages qu’il pouvait en espérer. Cette position l’aurait retenu dans le monde, et il comprenait qu’il devait se séparer de celui-ci afin d’être tout entier pour Dieu. Il se retira à la campagne avec quelques amis, et reçut le baptême en même temps que son fils Adéodat et son ami Alype. Il résolut ensuite avec ses amis et sa mère de retourner en Afrique, mais arrivés à Ostie, le port de Rome, Monique mourut. Peu de jours avant sa mort, après un entretien qu’elle et Augustin avaient eu touchant la vie éternelle et bienheureuse qui est le partage des saints, elle dit : « Pour ce qui me regarde, mon fils, il n’y a plus rien dans cette vie qui soit capable de me plaire. Qu’y ferais-je désormais ? Il n’y avait qu’une chose qui me fît désirer d’y rester un peu ; c’était de te voir chrétien avant d’en sortir. Dieu m’a accordé ce que je désirais, que fais-je donc ici davantage ? »

Elle avait ordonné qu’on l’enterrât à Ostie où elle mourait. Autrefois elle avait exprimé le désir d’être enterrée auprès de son mari en Afrique, où elle avait choisi et préparé sa propre tombe ; mais Dieu, avait détaché son cœur de tout ce qui était terrestre, de sorte que des amis lui ayant demandé si elle n’éprouvait pas une sorte de peine à la pensée d’être enterrée dans un pays si éloigné du sien, elle répondit : « On n’est jamais loin de Dieu, et je n’ai pas sujet de craindre qu’à la fin des siècles il ait quelque peine à reconnaître où je serai pour me ressusciter ». Ainsi, dit Augustin, fut séparée de son corps cette âme sainte et pieuse, dans la cinquante-sixième année de son âge. La douleur d’Augustin fut vive, mais il trouva auprès de Dieu la vraie consolation.

Augustin avait appris à connaître cette grâce souveraine de Dieu qui l’avait suivi à travers tous ses égarements et l’avait enfin amené au port du salut. Il avait appris par une longue et douloureuse expérience ce qu’est l’homme, quelles convoitises recèle son cœur, et de quels péchés sa vie est remplie, aussi longtemps qu’il ne connaît pas Dieu. Il avait appris sa totale impuissance pour rompre avec le péché, et avait expérimenté que rien dans le monde ne peut rendre heureux et remplir le vide du cœur. Il savait maintenant que c’est Christ seul qui sauve et affranchit du joug du péché, et que c’est en Dieu seul, par Christ, que l’on goûte le vrai bonheur. Pénétré de cette vérité, il s’écriait en s’adressant à Dieu : « Combien j’ai tardé à t’aimer, ô beauté si ancienne et toujours nouvelle, combien j’ai tardé à t’aimer ! Tu m’as appelé, et mes oreilles se sont ouvertes à ta voix ; tu as lancé les rayons de ta lumière, et mes yeux aveuglés sont devenus clairvoyants. Et maintenant, je ne soupire qu’après toi ».

Citons encore quelques paroles qui nous feront voir sur quel fondement reposaient la foi et l’espérance d’Augustin : « Jusqu’à quel point tu nous as aimés, Père infiniment bon, qui n’as pas épargné ton Fils unique, mais qui l’as livré à la mort pour nous, pécheurs que nous sommes ! À quel point tu nous as aimés, puisque Celui qui ne regardait pas comme un objet à ravir d’être égal à Dieu, s’est anéanti et s’est rendu obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix ; Lui qui était maître de donner sa vie et de la reprendre ; Lui qui, pour nous, s’est offert à Toi comme victime, et qui a été vainqueur, qui s’est donné en sacrifice, et qui est Sacrificateur ; Lui qui, d’esclaves que nous étions, nous a faits tes enfants ! C’est donc justement que j’ai en Lui cette ferme espérance, et que tu guéris toutes les langueurs de mon âme par Celui qui est assis à Ta droite, et qui sans cesse y intercède pour nous… J’étais épouvanté à la vue de mes péchés et accablé sous le poids de mes misères, mais tu m’as rassuré par cette parole : « Christ… est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui pour eux est mort et a été ressuscité » (2 Corinthiens 5:15).

Après la mort de Monique, Augustin retourna en Afrique. Là, ayant vendu ses biens au profit des pauvres, il demeura quelque temps près de Tagaste avec quelques amis, vivant dans la solitude et s’adonnant à la prière, au jeûne et à la méditation. Environ quatre ans après sa conversion — il avait alors trente-sept ans — il fut consacré prêtre malgré sa résistance, et quatre ans plus tard, il succéda à Valère, évêque de la ville d’Hippone. Il continua à mener une vie austère avec de jeunes chrétiens qu’il préparait au ministère, écrivant pour l’enseignement et la défense de la foi, prêchant sans se lasser et selon les besoins du moment. Il fut ainsi l’instrument de nombreuses conversions. Il vécut jusqu’à l’âge de 76 ans. Peu de temps avant sa mort, les Vandales, nation barbare, envahirent le nord de l’Afrique et assiégèrent Hippone, mais Augustin termina sa carrière terrestre avant la prise de la ville.


Augustin écrivit un très grand nombre d’ouvrages, dont les deux principaux sont les « Confessions » qui racontent sa conversion et dont nous avons cité quelques portions, et « la Cité de Dieu », grand ouvrage en faveur du christianisme contre le paganisme, et où il montre l’Église de Dieu survivant au déclin et à la chute de l’empire romain. « Il y a deux cités », dit-il, « celle de Dieu et celle des hommes, du ciel et de la terre. L’une renferme ceux qui vivent selon la chair ; l’autre, ceux qui vivent selon l’Esprit. Deux amours constituent les deux cités : l’amour de soi-même jusqu’au mépris de Dieu distingue la cité terrestre ; l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi-même caractérise la cité céleste. Caïn, citoyen de la cité terrestre, bâtit une ville ; Abel n’en bâtit point : il était citoyen de la cité du ciel, et étranger ici-bas… Il est venu des lettres de cette cité sainte dont nous sommes, pour le moment, exilés : ces lettres sont les Écritures. Le roi de la cité céleste est descendu en personne sur la terre, pour être notre chemin et notre guide. Le souverain bien est la vie éternelle ; il n’est pas de ce monde ; le souverain mal est la mort éternelle, ou la séparation d’avec Dieu. La possession des félicités temporelles n’est qu’un faux bonheur : le juste vit de la foi. Quand les deux cités seront parvenues à leur fin, il y aura pour les pécheurs un supplice éternel, pour les justes un bonheur sans terme. Dans la cité divine, on, jouira de ce sabbat, de ce long jour qui n’a point de soir, où nous nous reposerons en Dieu ». Voilà, en abrégé, ce qu’Augustin enseigne dans ce livre remarquable. C’était au temps de la prise de Rome par les Barbares, et du bouleversement de l’empire par ceux-ci. En ce temps de détresse, Augustin tourne les yeux de ses contemporains vers les choses célestes et immuables. Ne reconnaissons-nous pas, dans ces deux cités, ce que nous trouvons dans l’Apocalypse touchant « ceux qui habitent sur la terre », et « ceux qui ont leur demeure dans le ciel » ? touchant la Babylone que détruit le jugement divin, et la sainte cité, la Jérusalem céleste ? (Apocalypse 13:8, 6 ; 18 ; 21). Et ne devons-nous pas nous demander : « À laquelle des deux cités est-ce que j’appartiens ? Celle de Dieu ou celle de la terre ? Ma bourgeoisie est-elle dans les cieux, ou bien suis-je de ceux qui ont leurs affections aux choses de la terre ? » (Philippiens 3:19-20).

Augustin, par sa parole et ses écrits, défendit la vraie foi contre les Ariens, les Manichéens, et sur tout contre les Pélagiens. Ce nom fut donné à ceux qui suivaient les enseignements d’un certain moine breton, nommé Pélage. Pélage, avec son ami et disciple Célestius, niait l’état de chute et de ruine de l’homme. Il disait que le péché d’Adam n’avait eu de suites que pour lui-même, mais que ses descendants n’y participent pas. Les enfants, d’après lui, naissent dans le même état qu’Adam avant qu’il eût péché. Il enseignait donc qu’il y a en l’homme des germes de bien qu’il peut développer par les forces qui sont en lui, et ainsi arriver à la sainteté. En conséquence, il donnait aux œuvres une importance qui diminuait ou même annulait la grâce de Dieu. Elle n’était plus qu’une aide que Dieu accordait à celui qui se décidait pour le bien. L’homme, selon les Pélagiens, a la capacité de choisir de sa propre volonté entre le mal et le bien, et d’accomplir celui-ci de manière à être accepté de Dieu. Il y a bien en lui une propension vers le péché, mais cela en soi n’est pas un mal, à moins que le péché ne soit pratiqué. Si l’homme obéit, il est aidé par la grâce divine pour obéir plus parfaitement. Et s’il vient à tomber, ses péchés lui sont pardonnés par l’œuvre de Christ.

Il est aisé de voir combien cela est contraire aux enseignements de la sainte Parole. Lisons ce qu’elle nous dit dès le commencement : « Adam… engendra un fils à sa ressemblance, selon son image » (Genèse 5:3). Adam était pécheur, Seth, son fils, et les descendants de Seth, ne pouvaient être autres. Ensuite l’Éternel « vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre, et que toute l’imagination des pensées de son cœur n’était que méchanceté en tout temps », mauvaise dès sa jeunesse (Genèse 6:5 ; 8:21). Et David dit : « J’ai été enfanté dans l’iniquité » (Psaume 51:5). Comment donc prétendre que les enfants naissent dans l’innocence ? Ensuite, l’apôtre Paul nous dit : « Je sais qu’en moi, c’est-à-dire en ma chair (dans mon être pécheur), il n’habite point de bien » (Romains 7:18) ; et il décrit, en Éphésiens 2:3, ce qu’il y a en nous au lieu du bien : Nous avons tous marché « autrefois dans les convoitises de la chair, accomplissant les volontés de la chair et des pensées ». Voilà notre état naturel. Nous sommes donc bien loin d’avoir en nous des germes de bien. Et avons-nous quelque force pour accomplir le bien ? Non, « nous étions sans force » (Romains 5:6). Et même, voudrions-nous faire le bien, nous nous trouvons dans l’impuissance devant le mal qui nous domine (Romains 7:18-19, 21). « Vous étiez morts dans vos fautes et dans vos péchés », dit l’apôtre (Éphésiens 2:1). N’est-ce pas la plus forte expression de l’impuissance ? Un mort ne peut rien faire. Est-ce seulement le péché pratiqué qui est un mal ? Non ; la convoitise, le mauvais désir, qui conduit au péché, est lui-même un péché quand même on n’y cède pas (Romains 7:7-11 ; Jacques 1:14-15).

Ainsi l’homme, vous et moi, tous les hommes petits et grands, nous sommes perdus, ruinés, sans force pour sortir de la ruine, et ce n’est pas d’aide que nous avons besoin, mais d’un Sauveur, d’un salut complet. Et comme nous ne pouvons rien faire, rien mériter, il faut que ce salut soit dû à la libre et souveraine grâce de Dieu. Béni soit-il, la grâce qui apporte le salut est apparue à tous les hommes dans la personne du Seigneur Jésus (Tite 2:11). Et maintenant l’apôtre nous dit, et partout l’Écriture répète : « Vous êtes sauvés par la grâce, par la foi, et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu ; non pas sur le principe des œuvres, afin que personne ne se glorifie » (Éphésiens 2:8-9). Mais n’y a t-il pas d’œuvres à accomplir ? Oui, certes, mais ce ne sont pas elles qui nous sauvent. Elles sont le fruit de la grâce dans notre cœur. Aucune œuvre accomplie avant que nous ayons reçu Christ comme notre Sauveur, ne compte devant Dieu. Mais ayant cru en Lui, nous recevons une nouvelle vie, la grâce crée en nous une nouvelle nature qui aime Dieu et se plaît à faire sa volonté, et cette même grâce, par le Saint Esprit, nous donne la force d’accomplir des œuvres qui plaisent à Dieu (Éphésiens 2:10). Ainsi la grâce de Dieu est tout et fait tout, et nous en sommes les heureux objets. Bienheureuse expérience que celle de notre misère et de notre incapacité, qui nous conduit à faire ensuite l’expérience plus heureuse encore de la puissance souveraine de la grâce pour sauver et donner la force !

On comprend qu’Augustin, qui avait fait l’expérience du péché qui était en lui depuis son enfance, qui avait gémi sous son joug, et qui avait senti son impuissance pour vaincre les convoitises et les passions mauvaises qui le dominaient, Augustin qui avait éprouvé que la grâce seule du Seigneur avait pu l’affranchir de la loi du péché et de la mort (Romains 8:2), était l’instrument merveilleusement choisi et préparé de Dieu pour combattre l’erreur fatale des Pélagiens. Cette erreur qui rabaisse la grâce et exalte l’homme, en lui persuadant qu’il peut faire quelque chose pour son salut, et qui diminue ainsi la valeur de l’œuvre de Christ, subsiste encore de nos jours chez un grand nombre de personnes. On veut bien du Seigneur pour aide, et l’on oublie que hors de Lui nous ne sommes ni ne pouvons rien.

Augustin fut ainsi le grand champion de la grâce qui seule sauve le pécheur sans les œuvres, mais qui le renouvelle pour qu’il puisse accomplir des œuvres qui plaisent à Dieu. Ses écrits sur ce sujet furent, bien des siècles plus tard, en grande bénédiction à Luther, cet homme remarquable que Dieu choisit pour faire briller de nouveau la lumière de sa Parole et la grande vérité du salut par la grâce, par l’œuvre seule de Christ. Entre Augustin et lui, des ténèbres toujours plus profondes avaient envahi l’Église, mais Dieu avait toujours eu des témoins de sa grâce.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016 - 20:43

Le pape Léon Ier, dit le Grand (440 à 461)


Les évêques ou papes de Rome ne cessaient de chercher à établir et à faire reconnaître leur prééminence sur tous les autres évêques de la chrétienté. Ils se basaient sur la prétendue primauté de Pierre sur les autres apôtres, et se disaient ses successeurs. Ils argumentaient aussi sur ce que Rome étant la tête de l’empire, l’évêque de Rome devait aussi être considéré comme le chef de la chrétienté. Appuyant ainsi leurs prétentions, ils s’efforçaient, soit par les conciles, soit par les empereurs, d’obtenir une sanction qui leur assurât ce rang suprême. Mais ils rencontrèrent d’abord une forte opposition. Déjà au troisième siècle, Cyprien de Carthage résistait à ces prétentions, et pendant longtemps le titre d’évêque des évêques leur fut contesté. Les églises d’Occident, par suite de diverses circonstances, finirent par accepter leur suprématie ; mais l’Église grecque ou d’Orient, ainsi que les églises nestoriennes, arméniennes et autres dont nous parlerons, ne la reconnurent jamais. L’Église grecque, vers le milieu du 11° siècle, se sépara entièrement de Rome.

Parmi les papes qui revendiquèrent avec énergie la suprématie de Rome sur les autres églises, un des plus célèbres est Léon Ier, que l’on a surnommé le Grand. Il se distingua en effet par de grandes qualités, mais nous devons nous rappeler que la grandeur au point de vue humain n’est pas toujours la grandeur selon Dieu. Disons quelques mots sur ce pape célèbre à plusieurs égards.

Léon Ier devint évêque de Rome en l’an 440. Augustin était mort en 430, Léon était donc le contemporain de ses dernières années. Les temps où il vivait étaient particulièrement troublés. En Orient, l’empire était agité par des hérésies sans cesse renaissantes, par la jalousie des divers patriarches, ou supérieurs ecclésiastiques des différentes provinces, et par la crainte des Barbares qui menaçaient les frontières. L’Occident avait déjà été en partie envahi par eux (*) ; Rome même avait été prise et pillée par Alaric, roi des Visigoths, en 410. La dignité du nom impérial avait disparu avec Théodose le Grand. Ses faibles successeurs n’avaient pas l’énergie nécessaire pour repousser les attaques incessantes des ennemis de l’empire. Dans ces circonstances, Léon, par son courage et son habileté dans les négociations politiques, sut en imposer aux Barbares, sauver Rome, en même temps qu’il s’opposait aux hérétiques et maintenait la vérité touchant la Personne de Christ. On ne doit pas s’étonner si le siège épiscopal de Rome occupé par un tel homme, acquit un prestige de nature à grandir son autorité.


(*) Plusieurs de ces Barbares avaient déjà embrassé le christianisme en Orient, mais sous sa forme arienne : c’était le cas des peuples Goths, des Burgondes, des Vandales. Ils furent longtemps des adversaires pour l’Église romaine. D’autres, tels les Francs, les Saxons, étaient restés païens ; une fois amenés au christianisme par les évêques et les moines catholiques, ils prêtèrent une aide efficace au pape. Les rois francs, de Clovis (baptisé en 496 avec ses guerriers) à Charlemagne (proclamé empereur par le pape en 800) et à ses successeurs, tinrent là un rôle décisif.

En l’an 452, Attila, le terrible roi des Huns, après avoir ravagé la Lombardie, se dirigeait vers Rome dans l’intention de s’en emparer. L’empereur Valentinien s’était lâchement réfugié dans la ville forte de Ravenne. Rien ne semblait devoir arrêter la marche du roi barbare, lorsque le Sénat et le peuple de Rome décidèrent d’entrer en négociation avec lui. Mais qui choisir, et qui voudrait entreprendre cette affaire dangereuse et délicate ? Le pape Léon fut désigné comme chef de l’ambassade et deux sénateurs du plus haut rang se dévouèrent pour aller avec lui affronter le roi barbare. L’orgueil d’Attila fut flatté de voir la ville impériale, la maîtresse du monde, comme on l’appelait, s’abaisser jusqu’à lui demander la paix par la bouche d’aussi illustres représentants. Touché par le discours que lui adressa Léon, il accorda ce qu’on était venu lui demander, la paix, moyennant un tribut annuel. Un chroniqueur de ce temps, qui fut secrétaire de Léon, dit « qu’il s’en remit à l’assistance de Dieu, qui ne fait jamais défaut aux efforts des justes, et que le succès couronna sa foi ».

De nouveau Rome, trois ans plus tard, fut menacée par le cruel Genséric, roi des Vandales. Il n’y avait ni armée, ni général pour la défendre. Léon, à la tête de son clergé, alla à la rencontre du roi barbare, mais ne fut pas si heureux que lorsqu’il eut affaire avec Attila. Tout ce qu’il put obtenir, c’est qu’un frein fût mis aux excès des rudes et sauvages vainqueurs.

Si, dans ces deux grandes occasions, Léon eut à jouer un certain rôle politique, il se montra surtout plein de zèle et d’activité dans sa charge d’évêque. Comme tel il eut à combattre pour la vérité chrétienne.

Le manichéisme, ou doctrine de Manès, dont nous avons parlé à l’occasion d’Augustin, s’était répandu dans le nord de l’Afrique. Mais Carthage ayant été prise par Genséric, plusieurs des Manichéens cherchèrent un asile à Rome, et, cachant leurs mauvaises doctrines, voulurent se faire passer pour de vrais chrétiens. Léon rechercha diligemment ces hérétiques dont on trouva un grand nombre et, parmi eux, plusieurs évêques. Un tribunal, composé de magistrats et d’ecclésiastiques, les examina, et ils confessèrent que dans leurs réunions secrètes se commettaient de grossières immoralités. Les évêques ne pouvaient que condamner leurs erreurs et les exhorter à les abandonner ; les magistrats durent sévir contre ceux qui s’étaient rendus coupables de crimes. Les impénitents furent bannis de Rome, et Léon exhorta les évêques à être vigilants pour que ces hérétiques ne séduisissent pas les âmes faibles. Il eut aussi à s’opposer à l’hérésie des Priscilliens, dont les doctrines se rapprochaient de celles des Manichéens.

L’hérésie d’Eutychès touchant la Personne de Christ troublait l’Église d’Orient. Nous en parlerons plus tard. Léon, qui était au courant de cette grave affaire, envoya des légats au concile d’Éphèse (celui que l’on nomma concile de brigands) avec une lettre où il exposait la vraie doctrine relativement à Christ. Le faux concile d’Éphèse refusa de la lire, mais elle fut lue dans le concile de Chalcédoine, qui fut convoqué plus tard, et qui annula les actes du concile d’Éphèse et condamna Eutychès. Mais ce concile avait été amené à régler d’autres questions et en particulier celle du rang des patriarches. Il confirma le patriarche de Constantinople comme primat des églises d’Orient, mais n’accorda pas au siège de Rome la suprématie universelle. « Les Pères », dit le concile, « ont avec raison accordé la primauté au siège de l’ancienne Rome, parce qu’elle était la cité royale ; mais de même, les cent quatre-vingts évêques (ceux du concile) ont donné une primauté égale à la nouvelle Rome » (c’est-à-dire Constantinople). Toutefois ils ajoutaient : « immédiatement après l’ancienne Rome ».

Léon, par ses légats, ne donna pas sa sanction à ce canon ou article du concile. Être appelé évêque universel était l’ambition du pape de Rome, et il revendiquait ce titre, mais rencontrait encore de l’opposition, même en Occident.

Du temps de Léon, Hilaire, évêque d’Arles, qu’il ne faut pas confondre avec Hilaire de Poitiers, était le métropolitain des Gaules. Il était plus éclairé que plusieurs autres évêques de cette époque. Il avait été moine et, devenu évêque, il avait continué à vivre d’une manière simple et austère. Il labourait la terre de ses mains, afin de gagner de l’argent pour racheter de pauvres captifs. Il consacrait une grande partie de son temps à la prière et à l’étude, et il prêchait avec une puissance qui captivait ses auditeurs.

Comme métropolitain, il visitait les églises de la Gaule, et trouva un évêque, nommé Chélidonius, qui avait épousé une veuve, et qui, avant d’être évêque, étant juge, avait condamné à la mort un coupable. D’après les canons de l’Église, cela lui interdisait d’occuper un siège épiscopal. Hilaire convoqua un synode à Vienne et Chélidonius fut déposé. Mais Chélidonius en appela à Rome, où Hilaire se rendit pour convaincre Léon qu’il avait agi selon les canons de l’Église. Malgré cela, le pape rétablit Chélidonius dans sa charge et voulut remplacer Hilaire comme métropolitain des Gaules par l’évêque de Vienne ; il obtint même de l’empereur un rescrit contre Hilaire qu’il accusait de troubler la paix de l’Église. Hilaire résista aux prétentions de Léon et continua à remplir ses fonctions jusqu’à sa mort.

Léon, à part ses prétentions à la suprématie sur les autres évêques, fut le champion de la vérité pour autant qu’il la connaissait, et poursuivit avec un zèle infatigable les erreurs et les mauvaises doctrines relatives à la Personne du Seigneur.

Un grand nombre de ses sermons roulent sur la Personne de Christ, et s’étendent soit sur sa vraie divinité, soit sur sa réelle humanité, vérité des plus importantes et fondement du christianisme. Mais relativement à l’expiation, ses idées étaient erronées. Il pensait que l’homme étant esclave de Satan, l’expiation accomplie par le Seigneur était comme un prix payé au diable afin de délivrer l’homme de son autorité sur lui. Cette pensée, qui n’est pas celle de l’Écriture, se rencontre assez fréquemment de nos jours.

Bien qu’il parle des mérites et de la mort de Christ comme seule source de salut, il dit que par les mérites des saints s’opèrent des miracles sur la terre, et qu’ils sont en aide à l’Église. Il mentionne dans ce sens saint Paul, saint Pierre, saint Laurent, mais jamais la Vierge, et il ne dit pas qu’il faille leur adresser directement des prières. Quant au chemin du salut, il dit « Par la prière, on cherche la miséricorde de Dieu ; par le jeûne, les convoitises sont éteintes ; par les aumônes, les péchés sont expiés. Celui qui s’est racheté par des aumônes, ne doit pas douter que, même après plusieurs péchés, la splendeur de la nouvelle naissance ne soit restaurée en Lui ».

Voilà le chemin tracé du salut par les œuvres, bien différent du salut par grâce, et un commencement pour l’invocation des saints ! C’est ainsi que l’erreur s’introduit peu à peu. À côté de cela nous voyons aussi le recours à l’autorité civile, l’assujettissement au monde, mais le nom du Fils de Dieu est maintenu. C’est ce qui caractérise le temps représenté par l’assemblée de Pergame (Apocalypse 2:12-17), comme nous l’avons vu à plusieurs reprises.
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Message  Arlitto Sam 11 Juin 2016 - 20:43

Le christianisme introduit en Écosse et en Irlande


Chrysostôme, Jérôme, Augustin et Léon Ier nous ont conduits en Orient, à Constantinople et en Syrie, puis en Occident, à Rome et dans l’Afrique septentrionale. Ces hommes étaient de zélés serviteurs de Dieu, qui insistaient sur la nécessité d’une vie pure et séparée du monde, et qui, Augustin surtout, connaissaient et annonçaient le salut par la pure grâce de Dieu. Mais ces mêmes hommes n’étaient pas étrangers aux abus et aux erreurs qui s’étaient introduits dans l’Église, et qui tendaient toujours plus à substituer un culte de formes et de cérémonies au culte en esprit et en vérité (Jean 4:23-24). En même temps, la domination du clergé, évêques et prêtres, sur les simples fidèles, s’accentuait toujours plus, et l’évêque de Rome, en particulier, commençait à vouloir dominer sur tous les autres. Mais avant de voir dans quel triste état l’Église tomba peu à peu, nous dirons comment le christianisme s’introduisit et se répandit en Écosse et en Irlande.


 Écosse


L’Évangile avait été apporté de bonne heure dans le sud de la Grande Bretagne. Chassés par la persécution, au temps de Dioclétien, plusieurs chrétiens de ces contrées se réfugièrent en Écosse, et s’y construisirent de simples demeures, semblables à celles des solitaires. Connus sous le nom de Culdées ou Culdéens, ces humbles chrétiens se sentirent pressés de prier pour le salut des païens qui les entouraient et leur annoncèrent l’Évangile. Les Culdées n’admettaient point les formes superstitieuses et la suprématie de l’Église de Rome, et n’espéraient le salut que par la foi au Seigneur Jésus Christ. Leur vie paisible et sainte frappa les sauvages habitants de ces contrées, et un grand nombre d’entre eux abandonnèrent leurs superstitions et les rites sanglants de leur religion pour se convertir à Christ. Mais les incursions incessantes des Pictes et des Scots, anciens habitants des montagnes de l’Écosse, obligèrent les Culdées à se réfugier dans les Hébrides (*). Plus tard ils durent les quitter, parce qu’ils ne voulaient point se soumettre aux exigences de l’Église romaine, et se dispersèrent dans l’est de l’Écosse où ils subsistèrent jusqu’à la fin du treizième siècle. Quelques années plus tard naissait Wiclef, un des précurseurs de la Réformation. Ainsi le flambeau de la vérité se maintenait, porté par des témoins que Dieu suscitait au milieu de l’erreur.


(*) Groupe d’îles au nord-ouest de l’Irlande.

 Écosse - Ninian


Dans le cinquième siècle, Ninian, « très saint homme de la nation des Bretons », comme le nomme un ancien historien, prêcha aussi l’Évangile dans les districts méridionaux de l’Écosse. Il avait été élevé à Rome et avait achevé ses études auprès du célèbre évêque Martin de Tours. Il se rendit ensuite en Écosse et fixa sa demeure à Galloway. D’après les récits qui nous ont été transmis, Ninian annonça partout autour de lui la parole de la croix. Les sauvages habitants de l’Écosse écoutaient avec surprise ses prédications entraînantes, et un grand nombre furent convertis. Plein de zèle, il poursuivait l’œuvre pour laquelle l’Esprit Saint l’avait envoyé. Partout où il se montrait, les foules accouraient et recevaient avec joie la bonne nouvelle. De toutes parts retentissaient les louanges du Seigneur. Il travaillait comme un fidèle et diligent ouvrier dans la vigne de son Maître, et des milliers d’âmes furent par son moyen amenées à Jésus et reçurent le baptême. Ce fut surtout parmi une tribu des Pictes que son travail eut des résultats. L’histoire se tait sur ceux qui lui succédèrent dans cette œuvre, et sur ce qui se passa chez ces nouveaux convertis. Sans doute, l’Évangile qu’il prêchait n’était plus aussi pur que l’Évangile des temps apostoliques, mais Christ, le Sauveur, le Fils de Dieu, était annoncé, et « celui qui croit au Fils a la vie éternelle ». Nous ne pouvons non plus douter que le Seigneur n’ait entretenu le feu qu’il avait allumé, et n’ait fait progresser et s’étendre la vérité qu’un si grand nombre avait reçue.


Irlande - Patrick


Laissons, pour le moment, l’Écosse pour nous occuper de l’Irlande et du serviteur de Dieu qui y travailla durant de longues années à proclamer l’Évangile.

Vers l’an 372, naquit en Écosse, au village chrétien de Bonavern, non loin de Glasgow, un jeune garçon que ses parents avaient nommé Succat, mais qui est plus connu sous le nom de Patrick. Ses parents étaient des chrétiens sérieux. Son grand-père avait été presbytre ou ancien, et son père, Calpornus, homme simple et pieux, était diacre de l’église de Bonavern. Sa mère, nommée Conchessa, sœur de l’archevêque Martin de Tours, était une femme distinguée entre celles de son temps. Dès son jeune âge, les parents de Succat cherchèrent à faire pénétrer dans son cœur les vérités chrétiennes. Mais le jeune garçon, vif, impétueux, plein de vigueur, était peu disposé à prêter l’oreille aux enseignements de sa mère, ni à l’exhortation du sage : « Écoute, mon fils, l’instruction de ton père, et n’abandonne pas l’enseignement de ta mère » (Proverbes 1:8). Il aimait le plaisir et s’y livrait avec fougue, entraînant avec lui les jeunes gens de son âge. Emporté ainsi par ses passions, il tomba, à l’âge de quinze ans, dans une faute grave.

Il avait environ seize ans, lorsque ses parents furent appelés à quitter l’Écosse et allèrent s’établir dans l’Armorique (*). Là, Succat, se trouvant un jour sur le bord de la mer avec ses deux sœurs, Lupita et Tigris, des pirates irlandais, conduits par un chef nommé O’Neal, parurent tout à coup, se saisirent des trois jeunes gens, les entraînèrent dans leur barque et les transportèrent en Irlande, où ils furent vendus à l’un des chefs de ces peuples encore païens. Semblable au fils prodigué, Succat fut envoyé dans les pâturages pour y garder les pourceaux. Il passa là six années en esclavage, et eut beaucoup à souffrir. Mais Dieu se servit de ces rudes épreuves pour l’amener à réfléchir et à rentrer en lui-même. Seul dans ces campagnes, sans aucun secours religieux, l’Esprit Saint agit dans son cœur. Il se rappela sa vie passée, et il sentit peser lourdement sur son âme le péché qu’il avait autrefois commis. Jour et nuit, il y pensait. Dans son angoisse, il pleurait et priait, et les combats qui se livraient en lui étaient si grands, que son corps devenait comme insensible aux intempéries, à la fatigue, à la faim et à la soif. Mais en même temps que le souvenir de ses fautes le troublait ainsi, en repassant en lui-même les jours de son enfance, il se rappela les tendres paroles de sa mère, ses prières et les passages des saintes Écritures qu’elle lui récitait et où il était question du Sauveur. Dieu, qui est plein de grâce envers le pécheur repentant, se servit de ces souvenirs pour la bénédiction de Succat. Il se tourna vers le précieux Sauveur dont Conchessa lui avait parlé, et il trouva la paix auprès de Lui.


(*) La Bretagne d’aujourd’hui.

« J’avais seize ans », raconte-t-il lui-même, « et je ne connaissais pas le vrai Dieu ; mais le Seigneur, dans cette terre étrangère, ouvrit mon cœur incrédule, de sorte que, bien que tard, je me rappelai mes péchés et me convertis de tout mon cœur au Seigneur, mon Dieu, qui regarda à ma bassesse, eut pitié de ma jeunesse et de mon ignorance, et me consola comme un père console son enfant ». N’est-elle pas merveilleuse cette œuvre que sans instrument extérieur l’Esprit de Dieu opéra dans le cœur de ce jeune homme ? Œuvre d’amour où, comme dans l’histoire du fils prodigue, nous voyons Dieu donnant le b..... du pardon à son enfant repentant. Et c’est cette même œuvre que l’Esprit Saint opère encore aujourd’hui pour amener les âmes à Dieu. Il faut naître de nouveau, naître d’en haut.

Ainsi, dans ces contrées éloignées du centre de l’empire romain, loin de toutes les querelles théologiques qui agitaient les églises de l’Occident et de l’Orient, l’Évangile s’était conservé relativement pur. C’était la grâce du Seigneur Jésus qui apporte le salut, et la puissance du Saint Esprit qui l’applique à l’âme. Après en avoir fait l’expérience, voici ce que raconte encore Succat : « L’amour de Dieu croissait de plus en plus en moi avec la foi et la crainte de son nom. L’Esprit me pressait tellement que, jusqu’à cent fois dans un seul jour, je priais. Et même, quand je restais dans les forêts et les montagnes où je gardais mon troupeau, j’étais poussé avant le jour à prier, par la neige, par la gelée, par la pluie, parce que l’Esprit brûlait alors en moi. Dans ce temps-là, je ne ressentais pas dans mon cœur cette nonchalance que j’y trouve maintenant ». On peut voir en Succat une âme qui a été profondément exercée devant Dieu, et qui savait ce qu’est la communion personnelle et immédiate avec Dieu et Christ produite par l’action et la puissance de l’Esprit Saint, en dehors des formes du culte de Rome. Et tel était en général le christianisme des îles Britanniques au 4° et au 5° siècle.

Succat, délivré une première fois, fut de nouveau fait captif ; mais enfin il put aller retrouver sa famille. Mais bientôt il se sentit irrésistiblement poussé à retourner dans ce pays où il avait trouvé le salut. Il faut qu’il aille annoncer l’Évangile à ces païens de l’Irlande au milieu desquels il a vécu. En vain ses parents et ses amis cherchent à le retenir. Son ardent désir le suit dans ses rêves ; il lui semble entendre pendant la nuit des voix qui lui crient : « Viens, ô saint enfant, et demeure de nouveau parmi nous ». Son cœur en était profondément ému. Enfin, malgré ceux qui voulaient l’en empêcher, il partit, tout pénétré de l’amour de Christ. « Cela ne se fit pas dans ma propre force », dit-il, « ce fut Dieu qui surmonta tout ».

Succat, que nous nommerons maintenant Patrick, nom qui lui fut donné plus tard, retourna donc en Irlande, rempli de zèle pour le salut des païens de ce pays. Ingénieux dans les moyens à employer, il battait des timbales, et rassemblait ainsi autour de lui dans les champs ses auditeurs, auxquels il racontait dans leur propre langue, l’histoire de Jésus, le Fils de Dieu. Ces esprits encore grossiers et barbares, étaient peu à peu touchés par ces simples récits. La parole de Dieu exerçait sa divine puissance sur les cœurs, et beaucoup d’âmes furent converties au christianisme. C’est ainsi que sur cette terre païenne se formèrent des églises chrétiennes, où, mêlé peut-être à quelques erreurs, cependant l’Évangile était annoncé. Le fils d’un seigneur, que Patrick nomme Bénignus, apprenait de lui à prêcher l’Évangile, et le barde ou poète de la cour, au lieu des hymnes sanguinaires des druides, chantait des cantiques de louanges adressés à Jésus Christ. Patrick consacra le reste de sa vie exclusivement aux habitants de l’Irlande, et travailla au milieu d’eux à répandre la connaissance de Jésus Christ, à travers beaucoup de dangers et de difficultés. On ignore l’année de sa mort.

L’œuvre commencée en Irlande par Patrick continua à se développer après sa mort, et l’on put voir alors se manifester pleinement les fruits de son ministère. L’Irlande, au commencement du VIe siècle, nous est décrite comme une contrée bénie, siège de la pure doctrine chrétienne, de la piété et de la paix, ce qui lui avait valu le nom d’ « Île des saints ». Les monastères, où l’on étudiait diligemment les Écritures, étaient remplis de moines pieux, qui, ne trouvant pas autour d’eux un champ d’activité assez vaste et animés d’un ardent amour pour les âmes des pauvres païens, quittaient leur pays sous la conduite de quelque chef aimé, et allaient prêcher l’Évangile au loin. Telle fut la mission de Colomba. Il faut nous rappeler qu’à cette époque une grande partie de l’Europe était encore habitée par des peuples païens et barbares.


 Colomba


Colomba naquit en Irlande vers l’an 521 ; il vivait donc près de deux siècles après Patrick. Il était de sang royal, mais il avait estimé la croix de Christ plus qu’une position élevée dans le monde, et s’était tourné vers le Dieu Sauveur. Colomba sentait profondément combien il était important de répandre l’Évangile dans les contrées où il était encore ignoré. Sa pensée se portait surtout vers l’Écosse, ce pays d’où Succat était venu apporter en Irlande la bonne nouvelle du salut, mais qui était maintenant livré aux barbares Pictes et Scots. « J’irai », dit Colomba, « prêcher en Écosse la parole de Dieu ».

Il communiqua son dessein à quelques amis chrétiens, et ceux-ci, non seulement l’approuvèrent, mais se déclarèrent prêts à l’accompagner. C’était en l’an 565. Mais comment accomplir leur projet ? Les communications entre les différents pays n’étaient pas faciles comme de nos jours. Trouveront-ils un navire qui veuille les transporter où ils désirent aller ? Ils ne se laissent pas arrêter par la difficulté. Colomba et ses douze compagnons, qui savaient sans doute comment les pécheurs et les pirates construisaient leurs barques, descendent au bord de la mer, et là font avec des branches de saules entrelacées, un grossier esquif qu’ils recouvrent de peaux de bêtes. Ils quittent l’Irlande sur cette frêle embarcation, sous la conduite du Seigneur, et, après une longue et périlleuse navigation, les intrépides missionnaires atteignent l’archipel des Hébrides. Des pirates, non moins audacieux, sillonnaient aussi ces mers orageuses, mais c’était pour porter au loin le pillage et le meurtre ; les humbles et paisibles serviteurs de Christ exposaient leur vie pour apporter aux misérables païens le salut et la vie éternelle. Colomba s’arrêta près des stériles rochers de Mull, au sud des fameuses grottes basaltiques de Staffa, dans une petite île que l’on nomma I-colm-kill, ou île de la cellule de Colomba. Mais elle est plus connue sous le nom de Iona ou Jishona, ce qui veut dire Île sainte (*). Des druides (**), chassés autrefois de la Gaule et de la Bretagne par les Romains, s’étaient réfugiés dans ces îles. Il y en avait encore à Iona quand Colomba y aborda ; joints aux indigènes, ils témoignèrent d’abord aux nouveaux venus des sentiments hostiles. Mais peu à peu l’opposition cessa, et Conall, le roi des Pictes, donna à Colomba l’île de Iona.


(*) Nos lecteurs trouveront aisément ces endroits sur une carte des Îles Britanniques.

(**) Prêtres de la religion sanguinaire des Gaulois et des Bretons. Les druides, dans l’accomplissement de leurs rites religieux, immolaient souvent des victimes humaines. Ils enseignaient cependant l’immortalité de l’âme et une existence après cette vie. C’est dans ces croyances que les Gaulois puisaient le mépris de la mort qui les caractérisait.

Colomba y érigea une chapelle et fonda un monastère qui acquit une si grande réputation que, pendant des siècles, on le regarda comme la lumière du monde occidental. De toutes parts on s’y rendait, et de là des hommes pleins de zèle et de foi allèrent, en bravant les difficultés et en supportant bien des privations, répandre l’Évangile au loin, chez les Pictes d’Écosse, les Celtes et les Saxons de la Grande Bretagne. Colomba était un zélé serviteur du Seigneur, vivant en la présence de Dieu, traitant durement son corps, couchant sur la terre nue, mais portant toujours partout une figure rayonnante d’amour, et sur laquelle se peignaient la joie et la sérénité qui remplissaient son âme. Il ne voulait pas qu’aucun moment fût perdu pour le service de Dieu. Il consacrait tout son temps à prier, à lire, à écrire, à enseigner et à prêcher la parole de Dieu. À son exemple, les moines s’adonnaient à la lecture, à la méditation et à la prière. Mais ils ne se bornaient pas à cela ; ils se livraient à des travaux manuels, à la culture des champs et des jardins, et se nourrissaient des fruits du travail de leurs mains. Ils étaient ainsi en exemple aux habitants de Iona et des îles voisines, leur apprenant à cultiver leurs terres, tout en leur faisant connaître le chemin du salut. L’île ayant été donnée à Colomba, il y faisait régner l’ordre et la plus stricte moralité. Colomba résidait habituellement à Iona, mais de là il visitait les autres îles et l’Écosse. Avec une infatigable activité, il allait de maison en maison et de royaume en royaume, annonçant Christ, et faisant l’œuvre d’un évangéliste parmi les Pictes et les Scots encore barbares. Le roi des Pictes fut converti, ainsi qu’un grand nombre de ses sujets. Pendant quarante-trois ans, Colomba poursuivit ainsi son ministère, exerçant, par sa sagesse, sa vie sainte et son dévouement, une grande influence sur les gens de toutes les classes et de toutes les conditions. Mais son affaire principale était de former des hommes capables de porter l’Évangile au près et au loin. Pour cela, de précieux manuscrits furent transportés à Iona, et peu à peu s’y forma une bibliothèque qui devint célèbre. Les moines pouvaient ainsi s’instruire, mais les Écritures étaient toujours leur principale étude. Colomba mourut en 597, après une vie toute consacrée au service du Seigneur.


Le christianisme que l’on trouvait à Iona et dans les contrées évangélisées par les missionnaires, était bien différent du système religieux qui prévalait toujours plus dans d’autres parties de l’Europe sous l’influence et l’autorité croissante des prêtres et surtout de l’évêque de Rome, qui aspirait à la domination spirituelle universelle ; système qui tendait à remplacer le culte en esprit et en vérité par des formes et des cérémonies mêlées d’idolâtrie et de superstitions. Bien qu’à Iona il y eût certaines formes, ce n’était pas en elles que l’on cherchait le salut. Parmi ces chrétiens, il y avait à la tête des églises des anciens ou presbytres, et des évêques ou surveillants, mais ces deux charges étaient presque les mêmes. Iona était présidée par un simple ancien. Les missionnaires qui allaient évangéliser portaient le titre d’évêques et étaient mis à part par l’imposition des mains des anciens. Mais ce n’était pas une consécration humaine qui faisait un ancien, un évêque, ou un missionnaire. « C’est l’Esprit Saint », disait Colomha, « qui fait un serviteur de Dieu » (voir Actes 20:17-28). L’enseignement donné par les anciens était simple : « La Sainte Écriture », disaient-ils, « est la règle unique de la foi. Il n’y a dans les œuvres aucun mérite ; n’attendez votre salut que par la grâce de Dieu. Gardez-vous d’une religion qui consiste dans des pratiques extérieures ; conserver un cœur pur devant Dieu vaut mieux que s’abstenir des viandes. Jésus Christ est l’unique chef de l’Église. Les évêques et les presbytres sont égaux. Ils doivent être maris d’une seule femme et tenir leurs enfants dans la soumission ». Ce sont bien là les enseignements que nous trouvons dans la Parole de Dieu, et spécialement dans les épîtres de Paul.

Après Colomba, les Culdées, ces chrétiens qui s’étaient réfugiés dans les Hébrides, conservèrent les institutions du pieux serviteur de Dieu, et un long temps s’écoula avant que la Rome papale réussît à les assujettir à son joug et à ses erreurs. Combien il est précieux de voir la lumière de la vérité continuer à briller au sein des ténèbres qui, peu à peu, envahissaient la chrétienté ! Un grand zèle missionnaire se montrait toujours à Iona. Des serviteurs de Dieu partaient pour évangéliser, non seulement en Écosse et dans la Grande-Bretagne, mais aussi sur le continent parmi les peuples restés païens.


 Colomban


C’est ainsi que Colomban, qu’il ne faut pas confondre avec Colomba, bien qu’ils vécussent à peu près dans le même temps, « sentant », dit un auteur, « brûler dans son cœur le feu que le Seigneur est venu allumer sur la terre », résolut d’aller porter l’Évangile jusqu’au-delà des frontières de l’empire des Francs. Né en Irlande, il avait passé ses premières années à Iona, puis il avait été dans le grand et célèbre couvent de Bangor, en Irlande. Il partit de là, en l’an 590, avec douze missionnaires, et se rendit dans les Gaules. La renommée de sa piété était arrivée aux oreilles de Gontran, roi des Burgondes, qui l’engagea à s’arrêter dans son pays. Mais Colomban refusa, et alla s’établir dans la contrée des Vosges, encore inculte et presque inaccessible. Là, les missionnaires, au milieu des grossiers habitants de ce pays qui les regardaient avec défiance, eurent d’abord à souffrir de grandes privations, ne trouvant souvent pour se nourrir que des herbes sauvages, des écorces d’arbres et quelques poissons. Graduellement cependant, les farouches indigènes s’adoucirent à leur égard. La vie sainte et dévouée de ces moines étrangers leur inspira du respect. Ils leur apportèrent des vivres, et croyant que leurs prières avaient une grande efficacité, ils réclamèrent leurs intercessions auprès de Dieu. Bientôt une foule d’entre eux se convertirent, et Colomban érigea en divers endroits des monastères, où régnait une discipline sévère en même temps qu’une profonde piété.

Colomban, en fidèle serviteur de Dieu, ne craignait pas, à l’exemple de Jean le Baptiseur autrefois, de reprendre les grands de la terre à cause de leurs péchés. Alors régnait en Bourgogne, Thierry II, le petit-fils de Gontran. Ce roi, soutenu et encouragé par son aïeule Brunehaut, fameuse par ses crimes, menait une vie des plus dissolues. Il se rendait cependant souvent auprès de Colomban pour solliciter ses prières, croyant peut-être par là expier ses péchés. Mais l’homme de Dieu se mit à le reprendre sérieusement de ses débordements, et le roi promit de se corriger. Alors Brunehaut l’excita contre le serviteur du Seigneur, et fit tout pour perdre celui-ci. Colomban, sachant qu’elle préparait des embûches contre lui, se rendit à la maison royale où, étant arrivé, il ne voulut pas entrer. Ayant appris qu’il était là, le roi lui envoya des présents pour l’honorer. Mais Colomban les refusa en disant : « Le Très Haut réprouve les dons de l’impie ; son serviteur ne peut pas les accepter ». Le roi et Brunehaut effrayés vinrent le supplier de leur pardonner, promettant de s’amender. Mais bientôt ils retombèrent dans leur vie de péché, et, pour se débarrasser des avertissements de l’homme de Dieu, Thierry, n’osant le faire mourir, le chassa de son royaume et le fit conduire à Nantes, où Colomban s’embarqua pour l’Irlande. Une tempête ayant repoussé le navire sur les côtes de Bretagne, Colomban vit en cela un signe que le Seigneur voulait qu’il continuât sa mission sur le continent. Il se rendit en Suisse et resta quelque temps sur les bords du lac de Constance, évangélisant avec son fidèle compagnon Gall les idolâtres de ces contrées. Puis il passa en Italie, où il travailla activement parmi les Lombards (*). Il mourut en l’an 616, au monastère de Bobbio qu’il avait fondé. Il s’était toujours opposé aux prétentions du pape, ou évêque de Rome.


(*) Là aussi il eut à évangéliser des païens, mais bien davantage à combattre l’arianisme, qui était la forme de christianisme de ces Barbares redoutés entre tous, établis en Italie du Nord depuis 568. Il baptisa leur roi à Milan, mais l’ensemble du peuple lombard n’abjura l’arianisme qu’en 658, et les Lombards devaient être encore pendant un siècle, jusqu’à ce que Charlemagne détruisît leur royaume en 774, un obstacle à l’expansion spirituelle et temporelle de la papauté romaine.

Quand Colomban partit pour l’Italie, il dut laisser son disciple Gall qui était tombé malade. Gall resta en Suisse, et, plus tard, annonça dans leur propre langue l’Évangile aux habitants encore païens de ce pays, et un grand nombre furent convertis. Il fonda le célèbre monastère qui porte son nom, et est considéré comme l’apôtre de la Suisse. Il mourut en l’an 627.

Ainsi, par le zèle et le dévouement de ces moines venus d’Écosse et d’Irlande, le christianisme se répandit dans les Pays-Bas, la Gaule, la Suisse, une partie de l’Allemagne et le nord de l’Italie. Ces chrétiens, libres du joug de l’Église romaine, firent plus que celle-ci pour faire connaître l’Évangile dans l’Europe centrale. Malheureusement, profitant de l’ignorance des temps qui suivirent, l’Église de Rome finit par entraîner les populations dans ses erreurs et les fit passer sous sa domination. L’Écosse et l’Irlande n’y échappèrent pas ; elles succombèrent après bien des luttes, et il ne resta que quelques faibles foyers de lumière, épars çà et là, jusqu’aux jours de la Réformation.


Grégoire le Grand


Au temps où Colomba et Colomban poursuivaient leurs travaux évangéliques, l’évêque ou pape de Rome était Grégoire, qu’on a surnommé le Grand. Il était né à Rome en 540, d’une famille noble, et aurait pu arriver aux places les plus éminentes, mais à l’âge de 35 ans, il renonça au monde et aux honneurs, employa ses richesses à fonder plusieurs monastères et à soulager les pauvres, et fit de son palais à Rome un couvent où il menait une vie ascétique rigoureuse, s’assujettissant aux travaux les plus humbles, et consacrant le reste de son temps à la prière et à des actes de pénitence. Pensait-il acquérir par-là le pardon de ses péchés et une place dans le ciel ? Nous pouvons espérer mieux que cela de lui, car il disait : « Dieu a sauvé les saints sans qu’ils eussent aucun mérite ; la félicité des saints est une grâce et ne s’acquiert point par des mérites », mais il croyait sans doute, comme plusieurs de nos jours, que des œuvres et des prières sont nécessaires pour attirer la miséricorde de Dieu et fléchir sa colère, ces personnes-là considérant Dieu comme un Juge et non comme un Père. Elles ne connaissent pas l’amour parfait de Dieu qui bannit toute crainte (1 Jean 4:18).

Grégoire devint abbé ou supérieur de son couvent ; il avait déjà été ordonné diacre, et, à la mort du pape Pélage, il fut nommé à sa place évêque de Rome, en 590, par le sénat, le clergé et le peuple, tant était grande la confiance que lui avait acquise son renom de charité et d’austérité. Grégoire se dévoua tout entier à la tâche difficile que lui imposait la charge dont il était revêtu. C’était un temps de troubles et de misère extrêmes, dans l’État et dans l’Église. Comme évêque de Rome, la première ville d’Occident, il fut obligé parfois d’intervenir dans les affaires politiques pour préserver son peuple contre les Barbares qui la menaçaient ; mais il consacra surtout son temps à combattre les hérétiques, et à corriger les vices du clergé. N’est-ce pas une chose étrange et triste à constater ? Ceux qui devaient être les conducteurs et les modèles du troupeau (1 Pierre 5:3), avaient à être corrigés de leurs vices ! Grégoire apporta aussi beaucoup de soins à l’organisation des services religieux. Il introduisit le mode de chant sacré qui porte encore son nom dans l’Église romaine. Jusqu’alors tout le peuple chantait, mais il établit des choristes à qui seuls était réservée cette partie du culte. Le peuple se contentait de quelques réponses. C’est à lui qu’est due la forme primitive du culte et l’ensemble de cérémonies qu’on appelle la messe chez les catholiques romains, mais à laquelle, depuis lui, on a beaucoup ajouté. C’est ainsi qu’au temps de Grégoire, le vin de la Cène était donné à tous les assistants, tandis que l’Église romaine a décidé que le clergé seul doit participer à la coupe. De même à cette époque, on n’enseignait pas encore la transsubstantiation, mot qui désigne la doctrine de l’Église romaine suivant laquelle, quand le prêtre a prononcé les paroles de la consécration : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang », le pain, ou plutôt l’hostie, est changé littéralement dans le corps du Seigneur. Mais nous parlerons de la messe plus tard.

Pour en revenir à Grégoire, il avait sans doute de bonnes intentions ; il pensait que les cérémonies et le chant attireraient et retiendraient le peuple dans les églises et qu’il en résulterait du bien. Mais qu’est-ce que Dieu demande ? Ce ne sont pas des formes religieuses ; elles ne sauvent pas, et ne constituent pas un vrai culte. Ce qui sauve, c’est la foi au Seigneur Jésus, et le vrai culte consiste, quand on est sauvé, à adorer Dieu en esprit et en vérité (Actes 16:31 ; Jean 4:23-24). À ce que je viens de dire, j’ajouterai que Grégoire avait une vénération extraordinaire et superstitieuse pour les reliques des saints, chose également étrangère à l’Écriture. De plus, tout en étant indigné de ce que le patriarche de Constantinople prenait le titre d’évêque universel, lui, Grégoire, maintenait la suprématie de l’Église de Rome sur les autres, prétendant que les papes étaient les successeurs de Pierre, à qui les clefs du royaume des cieux avaient été données. Il fut ainsi un des précurseurs du système antichrétien de la papauté, dont le chef, le pape de Rome, dit être le vicaire ou remplaçant de Jésus Christ sur la terre, et assume comme tel des honneurs presque divins. Bien que beaucoup d’erreurs se fussent déjà peu à peu introduites dans l’Église, on peut assigner à l’époque de Grégoire le commencement de ce temps du Moyen Âge qui spirituellement, fut une période de ténèbres, où régnèrent, sous la domination absolue des papes, des moines et du clergé, la superstition et l’idolâtrie, accompagnées d’une grande corruption des mœurs. C’est le temps que figure dans l’Apocalypse l’assemblée de Thyatire. Jésabel y représente la corruption dans l’Église (Apocalypse 2:20).

Grégoire, malgré tout, fut un homme charitable, dévoué, infatigable dans son zèle pour ce qu’il croyait bien ; mais cela n’excuse nullement ses erreurs, car il avait la parole de Dieu pour l’instruire et le guider. Il avait aussi à cœur la conversion des païens, mais tout en désirant d’abord qu’ils devinssent des chrétiens, il voulait qu’une fois tels, ils fussent rattachés à l’Église de Rome. On raconte qu’étant encore abbé, comme il traversait un jour le marché à Rome, son attention fut attirée par un certain nombre de jeunes captifs anglo-saxons exposés pour être vendus comme esclaves. Il fut frappé par la noblesse de leur attitude et la beauté de leurs visages.

— D’où viennent ces captifs ? demanda-t-il.

— De l’île de Bretagne, lui fut-il répondu.

— Les habitants de cette île sont-ils des chrétiens ?

— Non ; ils sont païens (*1).

— Quel dommage, dit Grégoire, que le prince des ténèbres possède des créatures d’une si belle apparence. Pourquoi manque-t-il à la beauté de leur visage celle de l’âme ? Mais quel est le nom de leur nation ?

— Ils sont appelés Angles.

Grégoire, jouant sur ce nom, dit :

— Ils sont bien nommés, car leurs faces sont semblables à celles des anges (*2). Ils devraient être, cohéritiers des anges dans le ciel. Quelle province de Bretagne habitent-ils ?

— Celle de Deïra (actuellement le Northumberland).

— Ah ! certainement ils doivent être affranchis de ira. (*3) Quel est le nom de leur roi ? 

— Ella.

— Oui, dit Grégoire, alléluia doit être chanté dans ce royaume, à la gloire du Dieu qui a créé toutes choses.


(*1) Les chrétiens de la Bretagne avaient bien fait quelques efforts pour amener à la foi les conquérants saxons, dont les Angles faisaient partie, mais les vainqueurs refusèrent avec mépris d’écouter ceux qu’ils avaient vaincus.

(*2) « Angles », en latin, langue dont Grégoire se servait, « Angli », et anges « angeli ». Les deux mots sont presque les mêmes. 

(*3) « De ira », mots latins signifiant « de la colère ».


Cette rencontre remplit Grégoire du désir d’être missionnaire parmi ce peuple et de le gagner à Christ. Il demanda permission au pape d’exécuter ce dessein et celui-ci, après s’y être longtemps opposé, y consentit enfin. Grégoire partit, mais il n’était pas encore bien loin que le peuple de Rome, qui le considérait comme un saint, força le pape à le faire revenir. Mais Grégoire n’oublia pas ce qu’il s’était proposé, et quand il fut devenu pape, il fit exécuter par un autre ce qu’il n’avait pu faire lui-même. Nous allons voir quelle fut cette mission d’un envoyé de l’Église romaine en Angleterre.
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